REVUE D’HYGIÈNE liT m POLICE SANITAIRE COLLABORATEUnS DE LA REVUE 1.)' HYGIÈNE COLLABORATEURS FRANÇAIS HH. TnAOPniLF. Hdussel, liionibrc iln l'AcacInniK! ilo mi'iloi iiin, siiii.nlciir. — K. l’KniiiN, iiiomhri’ 'le In Commission îles logonicnLs iiis.iliibrcà; — Ai.c. iMMiiiniKn, |)rorossciir A In l'naillc, Miciiibi'o do l’Acadcinio Ho incdorino. - Emmfist I!k.snif.ii, im:ilci-iii Hc l'Iiniiilal .S.iinl-I.iiiii5. — Kba.nvoi.h K«.\.>r.K, directeur ndjoiiit an lalioraloiro rliiiiiii>', iiicinhm Ho l'Académie de médecine. — Caiiiel, iiij'oiiieur dos |Kmls ul cliniissoos, piyircsseiir ii In l'Vullé, incinlirc de rAcadémie de médecine. — MAnrY, membre Hc rAcnHoinic do médoi-iiic. — IlijnFi.o, rôpciiloiir & l’École centrale., — tnASaOT et A'ncAiin, professeurs n rÉrolo il’Alfurt, nioinbro.s do rArndoniio de médccino. — Haiw, liibliollioonii'o de In Fnriillo Ho rnoilocino. — Du Ca/.ai.. nncioii iiiéHr'iiti principal de l’armée. — IIudin, prorossenr à la Faculté, inciiibro do rAcndéniio do incdorino. — M.ir.NAY, médecin de l’asile Sainte-Anne, membre de l’AcaHoinie do inédorino. — H. ilur.iiAan, inéHrcin des liépitaiu, membre de l’Académie do médecine. — Cii. Cuiahii, directeur du Inliaratuiro muni¬ cipal de In Ville de Paris. — A.-J. I’abst, ciiimistc. — lliciiAnii, prnrossoiir à rcr.do du Vnl-Ho- firéce. — I’. Hiquf.l, chef du l.nboratoirn de mirrii;;rnpliic ii |■|l|K(•rvntllirc ilo Honisouris. — Dbodineaii. inspecteur génêrni dos liûpitnux et otablissciui'uts de liiciifnisniiro. — Lavrt, pro¬ fesseur d'li,Vj,’ii!nç il In Faculté Ho llnrdeniis. — A. I,ai:as.sai:yf:, prolcssenr Ho niedecinc lo;;alc ii In Faculté do Lyon. — IlAnoT, H.ir.tmr i". .srionros, socrétniro Hii l.'.niscil iriiy);iéiic Hn Soino-ct-Oise. — CléIIEXT, méJocin des bépit.iu.s Ho Lymi. — I’ottkvi.y, Hireotonr Hn bnrriiu il'liyuléno ilo In ville dn COLLABORATEURS ÉTRANOERS D' StECEL, ronsoiller medical do In ville Ho Leipn;;. — D' lit de salubrité publique do Itussic. — D' ItAticiiFnss. nieiloeiii en Sainl-Péterslionr).'. — D' KtinoiiM, mrmliro Hn 1 Aonilcniie Hn moili do inéHerine iiuliliipic do Itclgique. -- II' li. llKiir.UA | f (Suède). — II' Ffeix, professeur H’IiyKiêne n la Farnlie Hn ninilni-iup i aoTM, Hirerteur céuêrnl Hc l'nHuiiiiisIrnliou lUêHioiHe Hn Mintln )i' A rUuiversité Hc Turin. -- D' Van KiiaE.Mii a, Hirni-iniir ilu Inboraioin (iaiid. — D' Vax OrEiiBEEK ni':..MEiJKn, professeur H livmrue et de do l'État d Ltreclit. — D' Da Sii.va Amaiio, professeur H liyLomie l.isbonne — D' (ni. A. Caheiion, profc.sseur d’Iiyoïeun :• I liiuvnrsiii pryfcs.snur H'Iiypiéne .é ri'nivorsitè de P.vvie.— Il' \ ii.i.ami.t. . . — D' Aael IIolst, professeur d’Iijijiéiie n riiiiivci I tl ire Hc la Société. t Ho la Socu'tc Il 0 tolLi I . - II' Ki.as I.in- f II t 1. <• lljg I I Ile La Hevut tlht/ffintr o^l l’i-rii.iiip nfliriil la .Sorirlr tin mrilrriiio |iiiltlit)iM* ri |>n y piiblin sck iiiêinuires rt li s rnm|itas i’oihIiik iIo ses ^êaiK’rs. Un cxoïnpiaire ilo. In Revue est servi p.ir la Suciêlô à eluinm «le ses nienilues Ittnlaire.':. — l'iirro Epuivnyer t'mt » r qui coiicrntc la rédacUoii à M. le 1)' A.-J. .M.vrm.N, :i, rue (.i.iy-Liissar, l'aris. REVUE D HYGIÈNE ET DE POLICE SANITAIRE Paraissant tous les mois sous LA DIRECTION DE E. VALLIN Membre de l’Académie de Médecine, ^ Médecin Inspecteur de l'Armée, ; Membre du Conseil d'Hygièno de la Seine, ; ET DE A.-J. MARTIN Inspecteur général do l'Assainissement de la Ville de Paris, Membre du Comité consultatir d'Hygiène de France. MEMBRES DD COMITÉ DE RÉDACTION ; MM. GALMETTE, directeur de l'Institut Pasteur de Lille. ORANCHER, prolesseur à la Faculté de médecine, médecin des hépitauz, membre du Comité consultatif d’hygiène de France et do l'Acadéinio de médecine. PETBCHE, ingénieur des Ponts et Chaussées, directeur do la Société lyonnaise dos A. PROUST, inspecteur général des services sanitaires, professeur à ia Faculté de médecine, membre do l'.Académie de médecine et du Comité consultatif d’bygièno do France, médecin de ITIétel-Dieu. ROUX, de rinslilut, sousKiiroctour do l’Institut Pasteur. E. TRËLAT, directeur de l'École spéciale d’architecture, prolesseur au Conserva¬ toire des Arts et Métiers. VINGT-TROISIÈME ANNÉE- - 1901 9 0 1 1 3 PARIS MASSON ET C'“, ÉDITEURS LIBRAIRES DE l’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard SaiDt-Gorniain. POLICE SANITAIRE BULLETIN MÉDECINE PUBLIQUE OU HYGIÈNE PUBLIQUE Par le D'^ E. VALLIN. Comme on le verra plus loin, il vient d’être proposé à la Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle, fondée en 1877, de modifier son titre, par suite du désir exprimé par la Société des architectes et ingénieurs sanitaires de se fusionner avec elle; elle s’appellerait désormais la Société d'hygiène publique et de génie sanitaire. On a discuté à cette occasion la signification exacte de ces deux expressions : médecine publique et hygiène publique. Pour leS uns, ces deux termes sont à peu près équivalents; pour d’autres, et nous sommes de ceux-là, ils expriment des choses sensiblement diffé¬ rentes. L’expression « médecine publique » est récente, elle s’applique à une chose complexe et mal définie. La médecine publique, selon nous, comprend à la fois les épidémies, la médecine légale ou judi¬ ciaire, la statistique médicale et la répartition des décès par mala¬ dies, la vérification des naissances et des décès ; c’est aussi l’orga nisation et le fonctionnement de la médecine gratuite dans les villes et les campagnes, l’assistance médicale aux malades dans les hospices, les hôpitaux, les dispensaires, les consultations publi¬ ques, les policliniques à domicile; c’est l’administration des pre- D'^ E. VALLIN miers secours sur la voie publique el du service médical de nuit ; c’est le fonctionnement des bureaux de bienfaisance , la visite des femmes se livrant , à la prostitution, la surveillance des aliénés, l’assistance aux femmes enceintes ou récemment accouchées, le service médical des crèches, des pouponnières et 'des orphelinats, la surveillance des nourrices et la pi’o'.ection des enfants assistés; ce sont les assurances contre la maladie et contre les accidents du travail, les syndicats médicaux, les rappoi'ts des médecins avec les sociétés de secours mutuels; la prophylaxie et le traitement de la tuberculose et de l’alcoolisme ; la création et radministration de sanatoriums populaires pour les tuberculeux, d’hôpitaux marins pour les enfants rachitiques ou scorfulcux, d’asilcs-écoles pour les enfants teigneux, etc., etc. Voilà, ce nous semble, ce qui mérite le nom de médecine publique ou de médecine sociale; elle s’exerce en quelque sorte en public, dans l’intérét des collectivités; on peut l’opposer à la médecine privée qui s’exerce dans l’intimité des familles et s’applique à des individus isolés. Ce sont là, assurément, des questions du plus haut intérêt ; (luel- ques-unes ont des contacts fréquents avec l’hygiène puhlicpie ou sociale; mais ces deux choses ne se confondent nullement, pas plus d’ailleurs que la médecine en général ne se confond avec l’hygiène: ce qui les distingue, c’est que celle-là s’efforce de guérir les maladies, celle-ci s’efforce de les prévenir. Dans la pratique journalière de la médecine, il n’y a pas un médecin qui ne fasse entrer des recom¬ mandations d’hygiène dans ses prescriptions thérapeutiques ; on ne dira pas pour cela que ce médecin est un hygiéniste, et l’on a reconnu partout la nécessité de créer des sociétés spéciales d’hygiène à côté des sociétés de médecine proprement dite et de thérapeutique. La plupart des objets (|ue nous avons énumérés comme consti¬ tuant le domaine de la médecine publique sont étudiés et discutés dans les assemblées politiques, au conseil municipal, à la Lhambre, au Sénat, au Conseil général de l’Assistance publiciuc, dans les commissions administratives, dans les (mngrès et les Sociétés des sciences sociales, dans les journaux consacrés aux questions admi¬ nistratives et aux œuvres d’assistance, dont un îles meilleurs est la Revue philanthropique, fondée en 1897, par .\L l>aul Strauss. Sans doute, un certain nombre de ces que.stions, celles .siirloul qui inté¬ ressent directement la salubrité puhliipie, sont forcément traitées LA PESTE dans les Sociétés d’hygiène, en particulier la préparation des lois et des règlements de police sanitaire, qui sont la sanction des mesures réclamées au nom de l’hygiène. Mais quand on a réuni dans une même société des hygiénistes, des bactériologistes, des chimistes, des ingénieurs et des architectes pour mettre en ronimun leur science et leur expérience pratique, pour assurer ii tous de la bonne eau , de l’air pur dans les maisons et dans les rues, des habitations salubres, à quelques-uns l’immu¬ nité vaccinale contre certaines maladies infectieuses, et la destruc¬ tion absolue des germes morbides, etc., ce qu’ils font ensemble ce n’est pas de la médecine publique, c’est de l’hygiène. Il faut appeler les choses par leur nom. Rapprocher dans un même local et aux mêmes heures des politiciens, des philosophes, des moralistes, des philanthropes et des administi’ateurs avec des bactériologistes et des ingénieurs, c’est s’exposer à des défections, à des lassitudes, au relâchement d'assiduité des membres d’une même compagnie. Tous les hommes de science savent ce qu’on entend sous le nom d’hygiène, surtout d’hygiène publique, dont certains départemenis méritent le nom d’hygiène sociale. Son champ est déjà assez vaste si l’on reste sur le domaine scientifique, technologique, expérimental et pratique. Il faut craindre de le laisser eiuahir par des questions d’ordre moral ou politique, et ne pas oublier que dans les sociétés comme dans les congrès les plus grands ennemis de l’hygiène, ceux qui empêchent souvent les questions d’aboutir, ce sont- les doctri¬ naires, les philosophes, les prolixes et les bavards. MÉMOIRES L.\ PKSTK Par le D'^ H. POITEVIN, Dircctoui- du llureau d'Iiygiéiic de la ville du tiavi-e. L apesle qui sévit depuis ISIH à Hong-Kong et à Canton, depuis 1890 dans l'Indc anglaise est devenue une menace pour toutes les nations mariliiuos du globe; et le souci des précau- D' 11. POITEVIN lions à prendre en vue de son importation probable doit être, à l’heure actuelle, une des principales préoccupations de tous ceux qui sont, à un titre quelconque, responsables de la santé publique. A Bombay, l’épidémie a débuté au mois d’octobre 1896; depuis elle a suivi une marche régulièrement périodique présentant un maximum d’intensité en février-mars et un minimum en juillet- août. Pour une période allant de la fin d’avril au milieu de juillet, on a compté : SU décès de peste en 1897 98o — 1898 740 — 1899 1628 — 1900 ‘. Jusqu’au 11 août 1899, la peste avait causé aux Indes 164,083 décès sur 220,907 cas constatés ; en 1900 depuis le l’"’ janvier jusqu’au 7 septembre, le nombre des décès s’élève à 60,747 2; l’épidémie n’est donc pas en voie de s’éteindre, elle paraît plutôt gagner du terrain et le danger qu’elle fait courir à l’Europe s’aggrave d’autant. En dehors des Indes et des provinces méridionales de la Chine la peste s’est propagée, créant des foyers secondaires dont le nombre a été surtout considérable au cours des deux dernières années. En faisant abstraction des infections qui ont paru se produire à nouveau dans des localités antérieurement infectées, puis déclarées indemnes, et qui peuvent n’être que le réveil d’épi¬ démies mal éteintes, on compte en ; 1897 — 1 foyer : Djedah. 1898 — 1 foyer: Tamatave. 1899 — 13 foyers : Maurice, Mascate, Alexandrie, L’Assomption Sanlos, Lourenço-Marquez, Kobé,’ Hono- lulu, Nouvelle-Calédonie, Porto. 1900 — jusqu’au 8 septembre : 11 foyers : Manille, Sydney, Rosario, Aden, San-Francisco, Buenos-Ayres, Jambo, Port-Saïd, Smyrne, Beyrouth, Glasgow. Dans cette numération je n’ai fait entrer en ligne de compte ni les cas isolés qui se sont produits dans un grand nombre de ports 1. Netter, la Peste et soii microbe, p. 75 et Public Heallh Reports. Unites- Slates Marine. Hospilals service, Washington : 17 août 1900. 2. Y. Public Heallh Revorts. LA PESTE (New-York, Londres, Hambourg, Philippeville, Trieste, Cardiff, etc.) sur des personnes arrivant directement des pays contaminés ni la petite épidémie de Vienne. Non seulement le nombre des atteintes se multiplie, mais encore leur cercle s’étend, le fléau a franchi d’une part la Méditerranée puis l’Atlantique, d’autre part l’océan Indien, et si les premières contaminations dérivaient manifestement des foyers chinois ou indien il n’est plus de même des dernières. Les foyers secondaires deviennent des centres de contagion et nous assistons à une dissémination des germes pesteux inquiétante pour l’avenir, d’autant qu’il n’est pas rare de constater des cas de peste en provenance de pays où l’épidémie est considérée comme éteinte et d’où les navires arrivent dans nos ports avec patente nette. Jusqu’ici, en dehors de ses foyers asiatiques, la peste a affecté un caractère relativement bénin, mais il serait imprudent d’en conclure que les choses se passeront toujours ainsi et que nous sommes à l’abri de manifestations plus graves ; il est de notion courante que, surtout lorsqu’il s’agit de la peste, beaucoup d’épi- d émies très meurtrières ont à leur début les allures les plus béni¬ gnes, l’exemple de l’épidémie de Calcutta est à ce point de vue particulièrement instructif. Dès la fin de 1896 deux médecins Simpson et Cobb signalèrent l’existence du bacille pesteux dans les engorgements ganglionnaires inguinaux que l’on observait depuis quelque temps avec une extraordinaire fréquence chez les militaires d’un régiment qui avait été en garnison à Hong-Kong pendant l’épidémie de 1894; ils déclarèrent qu’on se trouvait en présence de cas de peste atténuée, mais en l’absence de manifestatiqns plus graves la commission officielle nommée pour vérifier leur assertion rejeta leur diagnostic et déclara qu’on se trouvait en présence de bubons simples non vénériens. L’année 1897 se passa sans incident, mais dès le mois d’avril 1898 on constata officiellement quelques cas de peste (il y eut 20 décès en avril, 28 en mai, etc.), puis l’épidémie parut s’éteindre; le 11 octobre le consul de France écrivait : que son enfant, à lui qui n’a plus rien, pouvait contagionner une nourrice ! C’est donc le devoir de l’hygiéniste et du médecin de faire l’éducation des malades qui ont eu la syphilis. Il faut le faire dans le cabinet intime de consultation, dans la salle de l’hôpital, à des consultations gra¬ tuites qui ne devraient pas être odieusement publiques ; à cette consulta¬ tion comme à l’hôpital, on devrait remettre au malade une instruction imprimée qu’il garderait, qu’il lirait à loisir et qui lui donnerait tous les conseils nécessaires pour son traitement et pour l’avenir de sa vie. Dans les hôpitau.x spéciau.x de syphilitiques, on pourrait faire des conférences publiques à ces malades, et leur distribuer des brochures concernant î’hygiéne spéciale au point de vue de cette infection. Pour les femmes se livrant à la prostitution publique ou clandestine, l’hospitalisation pour une maladie syphilitique devrait être de droit, dans l’intérêt de tous, au moins pendant tout le temps où le mal peut être contagieux ; c’est ce qu’on vient de tenter en Italie. Mais les hôpitaux seront toujours insuffisants, on ne peut y retenir de force des malades pendant un temps parfois très long : il faut donc compter surtout sur le traitement à domicile et sur des consultations extérieures bien aménagées ; nous y reviendrons tout à l’heure. Les abolitionnistes, inspirés par le piétisme anglican, forment une véritable jVrmée du Salut qui combat la surveillance administrative de la prostitution et l’internement des prostituées reconnues malades. Les argu¬ ments qu'invoque depuis 187.o la Fédération britannique continentale et générale sont les suivants : 1“ La réglementation est insuffisante, par conséquent inutile ; elle s’adresse à Paris à 5,000 femmes alors que 50,000 femmes vivent de la prostitution. C’est comme si l’on disait ; Les gendarmes n’arrêtent pas tous les voleurs, donc supprimons les- gendarmes ; 2“ La syphdis est plus fréquente dans les pays à réglementation que dans les pays où la prostitution est réglementée. Vous le dites, mais vous ne le prouvez pas ; 3“ La réglementation est ini(iue, parce qu’elle s’adresse aux femmes et non aux hommes. La prostitution est une industrie exclusivement fémi¬ nine, au moins en France ; de plus on visite à chaque occasion, en vue de la syphilis et des maladies vénériennes, les soldats, les marins, etc. : 4® La réglementation soumet la femme à un pouvoir arbitraire, dit-on. C’est pour cela que beaucoup demandent qu’une loi soit substituée à l’arbitraire policier; 5“ La réglementation est une provocation à la débauche, de par la fausse sécurité que promet la visite médicale : l'Etat et les médecins sont complices du vice en faisant espérer l’immunité. Mais l’Etat ne recom¬ mande pas les femmes qu’il surveille; pas plus que le préfet de police à Paris ne garantit la pureté du vin débité sur les comptoirs en zinc, par cela seul qu’il en fait surveiller les adultérations par les experts du laboratoire municipal ; 6“ La visite médicale est une infamie, un outrage, une insulte à toutes REVUE DES JOURNAUX les femmes dans la personne de « nos sœurs ». M. Fournier pense qu’on procurerait un instant de folle gaieté aux filles en leur apprenant qu’elles ont été outragées par le spéculum, alors qu'elles passent leurs journées et leurs nuits à provoquer des outrages autrement graves pour » le ber¬ ceau de l’humanité ». Ce sont de tels arguments qui ont permis au parti abolitionniste d’obte¬ nir du parlement anglais en 188G le retrait des Acts, c’est-à-dire l’abro¬ gation de toute surveillance sur la prostituée dans tout le Royaume-Uni ! On a cherché à obtenir le même résultat à Genève par un referendum populaire en 1896 ; mais le bon sens populaire a fait échouer cette tenta¬ tive de personnes plus généreuses et naïves que pratiques et avisées. Pour M. Fournier, l’abolitionnisme est une » énorme erreur hygiénique ne pou¬ vant aboutir qu’à une véritable calamité sociale ». Le tort des abolition¬ nistes est de ne pas se préoccuper de ce fléau de l’espèce humaine qu’est la syphilis ; ce qui est souci pour eux n’est pas la majadie, c’est l’état d’àme de l’homme qui a péché. « Que l’homme qui s’abaLsse jusqu’à entrer dans une maison de tolérance pour y satisfaire sa passion charnelle puisse en rapporter une maladie honteuse, nous ne trouvons pas cela mauvais, et nous ne perdrons pas de temps à nous apitoyer sur son sort » ; et plus loin : « La syphilis est un mat parfois utile et salutaire... un mal que Dieu a envoyé pour corrompre la chair luxurieuse ». Ainsi, voilà textuellement ce qu’écrivent les abolitionnistes. Un médecin éprouve quelque honte à reproduire de telles paroles ! La conclusion de M. Fournier, c’est que la syphilis, qui exige un trai¬ tement très long, s’accommode mal de l’hôpital où l’on n’a ni le temps, ni la place, ni l’argent nécessaires pour garder les malades si longtemps ; la syphilis doit surtout être traitée par des consultations externes. Celles- ci fonctionnent actuellement très mal ; elles sont encombrées, d’accès difficile pour le malade qui y perd une demi-journée sinon une journée de travail, par conséquent onéreuses et non gratuites ; elles sont déso¬ bligeantes, inconvenantes, inhumaines, révoltantes, car une honnête femme à qui son mari a donné la syphilis est obligée de faire sa confes¬ sion publique devant la foule des malades et de s’exhiber nue devant eux. 11 demande des dispensaires spéciaux pour le traitement des maladies vénériennes, dispensaires officiels, nombreux et très bien répartis, fonction¬ nant aux jours et aux heures propices pour les malades (le dimanche matin et quelques soirs par semaine), avec distribution gratuite et immé¬ diate de médicaments et d’une instruction élémentaire et imprimée éclai¬ rant le malade sur les dangers de la syphilis. A 1’ « ignoble » consultation publique actuelle, M. Fournier demande par-dessus tout qu’on substitue une consultation individuelle, unipersonnelle, privée, secrète, analogue à celle que donne le médecin à ses clients payants. M. Fournier voudrait même que le traitement des vénériens et syphilitiques fût confié à des médecins recrutés par concours spéciaux et constituant un corps analogue à celui des accoucheurs des hôpitaux. Il faut faire une ligue contre la syphilis, comme on crée des ligues contre la tuberculose et l’alcoolisme. La société dispose pour cela de moyens d’ordre moral et religieux sur lesquels il ne faut pas trop compter ; de mesures REVUE DES JOURNAUX. 55 de surveillance el de répression contre la prostitution, el’l’on ne peut s’en passer, bien qu’elles soient toujours insuffisantes ; enfin, de mesures d’ordre médical, c’est-à-dire la prophylaxie par le traitement et le mode de cure. C’est par ce dernier ordre de moyens qu’on arrivera le mieux à stériliser la syphilis. Nous avons analysé aveu quelques détails cette très intéressante leçon clinique, parce qu’elle reproduit les principaux arguments qu’un maître compétent par excellence a fait valoir l’an dernier à l’Académie de méde¬ cine et à la conférence internationale de Bruxelles pour la prophylaxie de la syphilis et des maladies vénériennes (septembre 1899). Puissent ces vœux se réaliser sans trop tarder ! E. Vallin. Instructions contre les maladies vénériennes (Bulletin de la Société médicale des hôpitaux, séance du 22 juin 1900, p. 819). A la suite d’une communication faite par le D'' A. Renault, le 18 mai dernier à la Société médicale des hôpitaux , celte Société a chargé une commission composée de MM. Moutard-Martin, Alex. -Renault, Balzert Siredey et Hudelo , rapporteur, de rédiger une instruction qui pourrait être mise aux mains de tout vénérien qui vient prendre une consultation à l’hôpilal et môme dans la clientèle privée. Cette instruction comprend une première partie pour la blennorrhagie, la seconde pour la syphilis. Dans la première, on insiste sur la nécessité d’un traitement ipédical, l’abstention de tout rapport vénérien jusqu’à guérison complète, le dan¬ ger pour lui d’ophtalmies parfois terribles ; le danger du mariage quand la guérison n’est pas radicale , définitive, la moindre trace exposant à la contagion la nouvelle épouse, qui ne cessera désormais de souffrir du ventre et deviendra vite une infirme vouée aux opérations chirurgicales et à la stérilité, sans compter que les enfants en naissant peuvent prendre par les yeux la blennorrhagie maternelle et devenir aveugles. D’autre part , on rappelle que la syphilis se transmet par les plaies des organes génitaux, de l’anus, de la gorge, de la langue, des lèvres, par les rapports sexuels , le baiser, les contacts directs, l’usage des verres, cuillers, fourchettes, pipes, cigares, jouets, linges souillés du virus syphi¬ litique. Après les recommandations usuelles , on insiste particulièrement sur les points suivants : la syphilis se transmet du père à l’enfant qui meurt en naissant ou peu après la naissance. Il ne faut jamais confier ces enfants à une nourrice. Quand on a eu la syphilis, on ne doit pas se marier avant plusieurs années et sans la permission expresse du médecin. La syphilis ne guérit que par un traitement prolongé, de plusieurs années, surveillé par le médecin. Le syphilitique ne doit jamais oublier qu’il a été atteint de cette maladie; môme après dix, vingt, trente ans, il doit, s'il tombe malade, faire au médecin qui le soigne l’aveu de cette ancienne affection. Ces conseils très sages , d’une forme concise et à la portée des diffé¬ rentes catégories de malades , ont été approuvés par la Société médicale REVÜE OK JOURNAUX des hôpitaux; if serait bon d’en reproduire le texte intégral chaque année dans les annuaires médicaux qui sont entre les mains de tous les praticiens. E. V. La tuberculose et l’hygiène alimentaire, par M. Martel {Presse médicale, 22 septembre 1900, p. 210). Dans cette revue très bien faite, M. Martel utilise un grand nombre de documents qui, pour la' plupart, ont été analysés dans la Revue d'hygiène en ces dernières années. Nous nous bornerons à lui emprunter quelques faits nouveaux ou moins connus. D’un tableau dressé par Nocard et Leclainche, il résulte que le lait vendu communément dans le commerce contient le bacille tuberculeux dans les proportions suivantes {Maladies microbiennes, 2’ édition, 1898, p. 653) ; il est bon que ce tableau reste constamment sous les yeux des médecins et du public : L’on sait que pendant l'écrémage mécanique par les appareils de centrifugation la majeure partie des bacilles, plus lourds que la crème, passent dans le petit lait ou restent accolés à la face interne de la turbine; or certains éleveurs nourrissent leurs porcs avec les bas-beurres . et les petits laits provenant de ces appareils, ainsi qu’avec les boues de tur¬ bine. C’est une cause fréquente de tuberculisation des porcelets, et il y a quelques mois à l’abattoir de Hambourg le service d’inspection constatait la tuberculose de 76 porcs sur 80 provenant d’une ferme où UKVUIî DES JOURNAUX l'OQ alimentait ces animaux avec de tels résidus. Même observation a été faite à Bromberg, il y a quelques années, mais sur une échelle bien plus restreinte (Winter, Zeitschrift f. Fleisch-und Milchhygiene, 1900). Pour éviter ces accidents on a prescrit, depuis 1893, en Danemark, de stériliser les bas-beurres à -f 85°, et de détruire par le feu les boues qui restent adhérentes aux turbines. Cette dernière mesure est prescrite depuis le !“'• janvier 1900 en Saxe-Weimar. Il semblerait d’après cela que le beurre et la crème, au moins quand ils ont été fabriqués avec les appareils modernes, devraient être à l’abri du bacille tuberculeux; il n’en est rien cependant. Nous avons signalé plusieurs fois les travaux de Pétri et M"' Lydia Robinoviich, prouvant l’existence dans le beurre d’un pseudo-bacille tuberculeux qui res¬ semble beaucoup au bacille de Koch, mais qui n’est pas virulent; cela diminue la valeur des recherches plus anciennes. Cependant Hornemann et Morgenroth ont trouvé le vrai bacille tuberculeux dans un échantillon de beurre sur 3 examinés, et dans 3 fromages sur 15. Asher l’a rencontré 2 fois sur 27 beurres de 22 provenances; la moyenne est sans doute entre ces deux extrêmes. Le danger ne cessera que lorsque toutes les vaches des étables et des éleveurs seront contrôlées par la tuberculinisa¬ tion périodique, d’après le programme de Bang et de Nocard. Le peu d’empressement des laitiers-nourrisseurs de Paris à profiter du service de tuberculinisation gratuite établie au marché de la Villelte par le préfet de police, depuis le 1“' janvier 1897, n’est pas encourageant. La seule garantie est donc l’ébullition du lait; mais il ne faut pas oublier que le lait monte à la température de + 80, insuffisante pour tuer rapidement le bacille; il est indispensable de pousser jusqu’à la véritable ébullition qui se produit à 101“, 5 et qui doit être maintenue pendant cinq minutes. En Danemark, on pasteurise la crème avant le barattage du beurre ; c’est une mesure qui a été facilement acceptée par l’industrie laitière de ce pays ; nous avons déjà dit qu’une prescription y interdit la sortie des bas-beurres des laiteries avant la pasteurisation à H- 85“ ; elle a pour effet d’amener les industriels à pasteuriser la crème. Lehmann a constaté qu’au bout de dix minutes, le crème chauffée à ce degré ne contenait plus que 7,000 bacilles par centimètre cube au lieu de 10 millions. C’est encore trop. Quant à la viande, on sait que les expérimentateurs n'ont pour ainsi dire jamais pu jusqu’à présent tuberculiser les animaux! en leur faisant ingérer de la viande crue d’animaux tuberculeux; les sucs digestifs détruisent presque toujours la vitalité du bacille, tandis que l’injection sous-cutanée du suc musculaire produit quelquefois l’infection. Il y a toutefois une distinction à faire ; les muscles des régions riches en lyrapathiques (région carotidienne, bavette d’aloyau, gîte à la noix « hampe » ou diaiihragme, c onglets » ou piliers du diaphragme, filet, etc.) sont à ce point de vue plus dangereux que le rumpsteck, le beefsteck, la tranche, l’entrecôte, le faux filet, qui proviennent de régions pauvres en lymphatiques. C’est dans cette seconde catégorie qu’il faut- choisir les morceaux destinés à préparer la viande crue ou le suc de viande pour les malades. C’est seulement dans les cas de tuber- REVUE DES JOURNAUX culose miliaire, de granulie (Bang), que le sang des animaux est par¬ fois virulent au moment des poussées aiguës ; mais le saug se debar¬ rasse très vile des bacilles tuberculeux qu’on injecte artificiellement dans la circulation d’un animal; quelques heures après l’injection ce sang n’est plus virulent, et les muscles de la région ne le sont plus au bout de quatre à six jours. Les bacilles sont arrêtés par les ganglions lymphatiques; il est donc utile d’enlever les ganglions adhérents aux muscles. La cuisson de la viande fait d’ailleurs disparaître presque absolument le danger d’infection. C’est donc sur le lait, la crème, le beurre et les fromages non cuits que doit se concentrer l’attention. Il importe de vulgariser ces notions parmi les médecins, les bouchers et les consommateurs. E. Vallin. La tuberculose dans l’hdpital maritime de Brest, par le D' Auffret, directeur du service de santé à Brest (Archives de médecine navale, juin 1900, p. 401-460.) De cette longue et intéressante étude, M. Auffret conclut que la tuber¬ culose a plutôt augmenté depuis trente ans dans la population des 7,000 ouvriers civils employés dans les ateliers de l’arsenal à Brest. La mortalité par tuberculose est au-dessous de la moyenne de 18 à 39 ans, mais elle est au-dessus de Cette ligne de 39 à 50 ans. Sur 100 décès, par causes internes, il y en a la moitié par maladies tuberculeuses. M. Auffret et M. Salanoue-Ypin ont recueilli la poussière des ateliers planchéiés, à l’aide de petits tampons d’ouate humide ; cette poussière a été inoculée par voie intra-péritonéale à 24 cobayes : 4 sont devenus manifestement tuberculeux. Aucune mesure n’est prise pour empêcher les ouvriers de cracher par terre. Quand un ouvrier tousse ou devient tuberculeux, les règlemenU actuels ne permettent pas de le réformer. Il quitte l’atelier pendant la poussée morbide, on le reprend pendant les trêves de la maladie. Ces retours temporaires sont la cause principale de la conta¬ mination des ateliers. Il faudrait trouver une formule conforme à la fois à l’humanité, à la prophylaxie, et aux intérêts de l’Etal. M. Auffret pro¬ pose de « congédier l’ouvrier malade, en lui accordant le bénéfice d’une « gratification renouvelable calculée proportionnellement à la durée de « ses services et prise sur la somme que l’Etal perd tous les ans (soit « 40,000 francs par le fait de la tuberculose dans l’arsenal de Brest) ». D’après M. Auffret, les soins prophylactiques et spécialement l’élimi¬ nation de l’atelier des ouvriers tuberculeux ne pouvant que faire baisser le nombre des malades, le chiffre des gratifications ne tarderait pas à diminuer progressivement lui-même, et dans la même proportion. E. Vallin. TubercuLosi e malrimonio, par le prof. R. Massalongo, de Vérone (Giornale délia R. Società ilaliana d'igiene, 31 août 1900, p. 337). Dans cette communication faite au Congrès médical lombard-véni¬ tien, qui a eu lieu à Padoue le 16 juin dernier, le professeur Massalongo indique les mesures à prendre pour empêcher les mariages entre luber- REVUE DES JOURNAUX culeux de propager la tuberculose. Voici le résumé de ses conclusions : Bien que la contagion soit la cause principale de la diffusion de la tuberculose et que la tuberculose héréditaire soit très rare, il n’est pas douteux que ceux qui sont nés de tuberculeux sont prédisposés à la maladie. Il n’est pas possible, dans l’état de nos mœurs et de nos lois, de défendre le mariage entre tuberculeux. Mais on peut prendre des mesures pour diminuer les dangers de ces mariages. Il faut répandre dans le public la notion des dangers graves résultant des unions entre tuberculeux et descendant de familles tuberculeuses ; des inconvénients des mariages précoces ; de l’absolue nécessité d’attendre un silence complet de tout symptôme ou de toute lésion pendant deux ou trois ans et de prendre l’avis du médecin avant de contracter une telle union ; de la nécessité do rendre par tous les moyens possible do telles unions stériles ; d’éloigner du foyer domestique, dès leur naissance, les enfants nés de ces unions toutes les fois qu’un des conjoints est atteint de tuber¬ culose en évolution (in corso) et de surveiller rigoureusement l’hygiène de ces enfants jusqu’après la puberté. Le professeur Massalongo aurait dù, selon nous, limiter la nécessité d’éloigner les enfants nouveau-nés de la maison des parents au cas où l’un des conjoints est atteint de tuberculose ouverte. E. Valun. üeber die Dauer der Lebensfàhigkeit der mit feinlslen Trôpfchen versprüxten Mikroorganmnen (Durée de la survie des mièrobes trans¬ portés par les gouttelettes) , par Fritz Kirstbin (Zeitschrift fur Hygiene und Infections-Krankheïlen, 1900, XXXV, p. 123). Flûgge a insisté sur le rôle que jouent dans la propagation des maladies infectieuses les gouttelettes minuscules projetées dans l’air et transportant des microbes pathogènes. Pour établir réellement l’importance de la dissémination des microbes par cette voie, il ne suffit pas d’établir que les gouttelettes peuvent être portées à une certaine distance. Il faut voir pendant combien de temps elles restent en suspension, ce qu’elles deviennent une fois déposées contre les parois , s’assurer de la durée de la vitalité des germes. Ce sont les points que Kirstein a cherché à approfondir dans le laboratoire de Gaffky à Giessen, au moyen d’expériences nombreuses et délicates, nécessitant des dispositifs ingénieux. Les résultats auxquels il a été conduit tendent à réduire dans des pro¬ portions fort sérieuses l’importance de ce nouveau facteur étiologique. Sans doute, dans les premières recherches, il a constaté que les bactéries disséminées par le spray peuvent être transportées dans toutes les parties d’un bâtiment aux divers étages et d’une façon régulière. Mais dans ces pièces les colonies, si nombreuses aussitôt après, sont e.xtrèmement rares le lendemain. Cela tient à ce que les bactéries disséminées de cette façon meurent très rapidement, surtout quand elles sont exposées à la lumière. Il existe une différence énorme entre la résistance de bactéries ainsi dis¬ persées et celles des bactéries imprégnant des objets comme la soie ou le fil. REVUE DES JOURNAUX L’auteur a recherclié plus particulièrement les limites de la survie du bacille prodigiosus , de la levure rose et du bacille typhique dans ces conditions. On ne trouve plus de bacilles prodigiosus après plus de vingt et une heures, de bacilles typhiques après plus de vingt-trois heures. La levure rose résiste plus longtemps. Ces différences de résistance des bactéries en gouttelettes et des bac¬ téries imprégnant les tissus s’expliquent sans doute par ce fait que dans les gouttelettes les bactéries sont rares et isolées. Netter. Désinfection de la bouche des convalescents de diphtérie, par Maether. {Deutsche müitdruit. Zeitsch., 1900, p. 241. Analysé in Archives de médecine militaire, août 1900, p. 177.) L’on sait quelle est la persistance du bacille de LoeHler dans la bouche des convalescents de diphtérie. Le D’’ Maether est arrivé, après de nom¬ breux essais, à d’excellents résidtats en opérant de la façon suivante. Il faut d’abord dissoudre le mucus qui recouvre les surfaces, s’accumule dans les cryptes muqueux, dans les lacunes des amygdales, et qui empêche d’une façon presque absolue les liquides antiseptiques d’atteindre les bacilles. Il emploie à cet effet des gargarismes contenant 4 grammes à 7,30 de carbonate d’ammoniaque pour 730 grammes d’eau. La garga- risation doit durer au moins une demi-minute et être renouvelée plusieurs fois de suite. L’on procède ensuite à la désinfection au moyen d’une solution faite en ajoutant à 730 grammes d’eau simple 73 grammes d’eau oxygénée, c’est-à-dire 73 grammes de la solution commerciale «-à 10 p. 100 », dit l’analyse; c’est sans doute ce qu’on appelle la solution à 10 volumes. Cette dilution qui n’est pas irritante tue rapidement les cul/wres fraîches de bacilles- diphtériques ; mais elle est complètement inefficace quand on l’emploie directement pour désinfecter la bouche, parce que le mucus buccal l’empêche d’atteindre les bacilles. Il est donc indispensable de dissoudre d’abord le mucus par le carbonate d’ammo¬ niaque à 1 p. 100. E. Vallin. Typhus epidemieen und Trinkwasser (Epidémies de typhoïde et eau de boisson), par le Professeur Krose (de Bonn), {Centralblatt fur allge- meine Gesundheitspflege, 1900, p. 34). La ville de W..., comptant 13,000 âmes, avait passé une longue période indemne de typhoïde, lorsqu’on octobre 1897 éclata une épidémie qui donna un total de 167 cas avec 12 décès; le sommumeut lieu dans les deux premières semaines de novembre avec 33 et 33 cas, le reste s’échelonna jusqu’en mars avec des totaux hebdomadaires variant de 19 à 0. On incrimina de suite l’eau de la distribution municipale prove¬ nant de la nappe souterraine ; 633 maisons rattachées à cette canalisation donnèrent 149 cas dont 108 jusqu’à la mi-novembre, tandis que 1,200 maisons n’ayant pas recours à cette eau n’eurent que 18 cas dont 7 jus¬ qu’à la même date. Cette répartition justifie l’accusation. Les deux groupes de maisons avaient à peu près la même population, parce que le REVUE DES JOURNAUX premier comprenait de grands immeubles à étages, tandis que le second de construction plus ancienne se composait d’habitations pour une seule famille ; en résumé le premier a eu quinze fois plus de malades que le second. Une petite ville voisine, G..., de 2,000 habitants, était pourvue d’un branchement provenant de la môme nappe souterraine et approvi¬ sionnant seulement un certain nombre de maisons, les autres recevant l’eau d’une source' locale ; il y eut à G. . . 32 cas de typhoïde, dont 27 pen¬ dant les six premières semaines de l’épidémie et 20 appartenant aux maisons en question. Ce fait corroborait l’hypothèse de l’infection de la nappe souterraine ; mais il ne fut pas possible de trouver à la prise d’eau, ni sur le parcours des conduites la cause de la contamination ; on fut forcé d’admettre que toute la nappe avait été souillée par des fissures de roches, à moins que la filtration à travers le sol dût été en défaut, ce (jui compromettrait beaucoup la confiance généralement donnée à ce mode d’épuration. En 1899, une nouvelle épidémie survint ; mais elle se limita à G... et donna de juin à septembre 148 cas avec 11 décès: sur 2,000 habitants 7,4 p. 100 furent atteints et 0,53 p. 100 succombèrent: ces chiffres indi¬ quent suffisamment la sévérité de la maladie. Malgré sa brusque appari¬ tion, on ne songea pas cette fois à la souillure de l’eau, pai'ce que la ville de 'W... ne présentait aucun cas et parce que l’eau de source qui ali¬ mentait la majorité des maisons de G... avait une réputation séculaire hors de conteste. Mais une enquête demandée à l’Institut d’hygiène de Bonn, obligea à examiner de plus près le captage de la source, émer¬ geant d’une coltine à proximité de ta ville : on apprit que dans une maison situé à 1.3 mètres au-dessus de ce point un malade avait été atteint de typhoïde en mai ; la projection de ses déjections dans une fosse perdue et la pénétration des liquides infectés jusqu'à la source expli¬ quaient largement la contamination de cette eau d'une renommée intan¬ gible. L’étude de la répartition des cas suivant l’alimentation en eau des maisons a fourni des renseignements intéressants : sur 92 maisons pourvues d’eau de la nappe souterraine de W..., 20 furent atteintes, soit 21 ,7 p. 100, sur 41 maisons ayant des puits particuliers, 5 furent atteintes, soit 12,2 p. 100; enfin sur 112 maisons recevant l’eau de source, 37 furent atteintes soit 50,9 p. 100. Du 2 au 27 juin les trois groupes de maisons donnèrent respecti¬ vement 8, 1 et 65 cas de typhïde, par conséquent la prédominance dans les maisons à eau de source est fort nette ; des 9 personnes tombées malades en dehors de ces maisons il y eut ü écoliers et 3 ouvriers, qui ont pu consommer de l’eau de source en dehors de leur domicile où ils ne séjournaient pas constamment. Pendant les trois derniers mois de l’épidémie les malades ont été pour les trois groupes au ncmbre de 20, 4 et 43 ; la localisation a été alors moins accentuée, il y a lieu do faire intervenir la transmission d’individu à individu par contagion. En faisant le décompte des cas par maison, on obtient le total de 52 maisons avec 1)9 malades infectés par contagion et 30 maisons avec 74 malades par REVUE DES JOURNAUX infection hydrique ; ainsi dans celle épidémie ces deux facteurs ont eu une part à peu près égale dans l’expansion de la maladie. La relation de ces deux épidémies d’origine hydrique puise un intérêt tout particulier dans la rareté d’une contamination typhoïde de deux dis¬ tributions d’eau de provenance absolument différente dans la môme loca¬ lité à dix-huit mois de distance; si la nappe souterraine de W... a été infectée d’une façon qui n’a pu être nettement relevée, la source de G... a été certainement contaminée par les déjections typhoïdes de la maison la surplombant. Ce voisinage dangereux n’avait jamais attiré l’attention cl il a fallu que cette cruelle épreuve fit prendre tardivement une décision à son égard. Le professeur Kruse développe largement la thèse de la contagion typhoïde et la documente avec une série de preuves par filia¬ tion empruntées à la seconde épidémie de G... F.-H. Rbnaüt. Variole et vaccine, par le D' Legrand; Variole et vaccin allénvé, par MM. E. Félix et J. Fluck (Médecine moderne, S et 12 décembre 1900, p. 585 et 563). M. Legrand constate que depuis deux ou trois ans la proportion des succès après la revaccination diminue d’une façon considérable; au lieu 50 à 70 succès pour 100 qu’on obtenait depuis une quinzaine d’années, on n’en obtient plus qu’à grand peine 10 ou 15, et encore en y comprenant tous les degrés de la vaccinoide. Il se demande si le vaccin n’a pas dégénéré par suite d’une culture intensive ou d’une domestication lrop\ prolongée ; il n’ose croire que dans les Instituts vaccinogènes on le dilue dans un excès d'eau et de glycérine, de la même façon que les marchands de lait de bas étage allongent ce liquide en y ajoutant de l’eau. MM. les D™ Félix et Flück, directeurs de l'Institut vaccipogène de Lau¬ sanne, expliquent le retour plus fréquent des épidémies de variole et la proportion décroissante de succès après revaccinalion, par ce fait que depuis quelques années on ne fait plus guère usage, sans s’en douter, que de vaccin « atténué ». Par crainte de voir les bactéries, le plus souvent inoffensives, se développer dans le vaccin fraîchement récolté, on mêle au vaccin une forte proportion de glycérine afin de détruire les bactéries banales ; et comme les bacilles disparaissent de plus en plus dans ce milieu glycériné, on recommande de n’employer que du vaccin vieilli, c’est-à-dire recueilli depuis plusieurs mois. Nos confrères de Lausanne font observer que les cultures et les germes quels qu’ils soient perdent toujours leur virulence en vieillissant, en telle sorte que depuis plusieurs années la tendance est d’employer un vaccin véritablement atténué. Ils ont constaté qu’avec leur vaccin animal fraîchement recueilli, la pro¬ portion dessuccès dans les revaccinations (?) était en moyenne de 80 p. 100 et allait même jusqu’à 95 p. 100, tandis qu’avec le même vaccin vieilli et atténué la moyenne des succès est de 60 à 73 p. 100. 11 y a lieu devenir compte de celte observation; il serait désirable que de nouvelles statistiques fussent établies, dans l’armée par exemple, en comparant sur un même nombre de recrues les proportions des succès HEVUE DES JOURNAUX 63 avec du vaccin frais el du vaccin vieilli, ou bien en inoculant l’un sur un bras el l’autre vaccin sur l’autre bras. 11 est bon aussi de rappeler que c’est surtout pour éviter les accidents inflammatoires chez les jeunes génisses vaccinifères qu’on a recommandé d’employer du vaccin glycériné el vieilli pour les inoculer. E. Vallin. Durée de l’immunité variolique à Pékin, par le D' Matignon {La médecine moderne, 7 novembre 1900, p. J522). Les événements ilramatiques dont la légation française en Chine a été le théâtre n’ont .suspendu que momentanément l’activité scientifique de notre sympathique confrère, médecin-major de cette légation à Pékin; nous le félicitons cordialement de son courage el de son dévouement. M. Matignon, dans une communication à l’Académie de médecine en février 1890, avait déjà signalé ce fait que la variole, dans le nord de la Chine, donne une immunité temporaire qui varie entre 7 el 9 ans seule¬ ment. Cela explique que chez les enfants chinois vaccinés la proportion des succès est de 79,5 p. 100 à 12 ans, de 77 à 10 ans, el de 53,3 p. 100 à 8 ans ; or il est à remarquer que la plupart de ces enfants avaient eu très probablement, sinon certainement, la variole dans leur première enfance. La vaccination chez les Chinois a donc d’autant plus de chance de réussir qu’on opère sur des sujets moins jeunes, par conséquent moins immunisés par une première atteinte de variole. D’autre part, M. Matignon a observé trois cas positifs de variole récidivée chez deux Français et un Suisse habitant la Chine et arrivés depuis peu de temps à Pékin. Sans doute il faut tenir compte de Ja diminution de résis¬ tance causée par la fatigue d’un long voyage, l’acclimatation, la rigueur des saisons, etc. Mais la raison véritable de ces récidives est que « la variole court les rues à Pékin » ; au début du printemps surtout, on rencontre sans cesse par les rues des Chinois et des Mongols dont la figure el les mains sont couvertes de croûtes varioleuses en desquamation, et qui vendent des broderies,' des étoiles, des bibelots. Il importe donc de se faire revacciner dès qu’on arrive en Chine et de faire renouveler celte opération. Un ministre plénipotentiaire ayant eu la variole dans son enfance arrive à Pékin en avril; on le revaccine sans succès quelques jours plus tard. Il recevait chez lui beaucoup de marchands indigènes et courait les boutiques de curiosités. Trois semaines après, il contracta une variole grave. E. Vallin. Experimenleller Nachweis der Dauer des Impfschulies gegenùber Kuh-und Menschenpocken (Démonstration expérimentale de la durée de l’immunité vaccinale conférée par une vaccine ou une variole antérieure), par Martius {Arbeiten ans dem Kaiserlichen Gesundheitsamle, 1900, XVII, p. 15C). Béclère, Cliambon et Ménard ont montré que le sérum des sujets qui ont été vaccinés ou ont eu la vailole possède un pouvoir immunisant 64 REVUE DES JOURNAUX d’une durée variable, laquelle peut persister dans certains cas 50 ans, et chez d’autres ne dure que quelques mois ou quelques jours. Martius a repris ces recherches en suivant la même technique. Un veau est inoculé d’pn côté avec un mélange de vaccins et du sérum que l’on éprouve, de l’autre avec un mélange de vaccin ou de sérum normal. On voit au bout de six jours le nombre et la qualité des vésicules obte¬ nues de chaque côté. Les recherches de Martius confirment celles de Béclère et de ses collaborateurs. Les substances immunisantes sont surtout marquées 14 jours après la vaccination du veau. Elles sont déjà moins abondantes après trois mois, mais on les retrouve encore après cinq mois. Dans le sérum des hommes qui ont été souvent et bien vaccinés, ces substances sont en abondance. On ne peut plus les démontrer apré.s vingt ans. Les expériences de Martius prouvent que l’on ne saurait se baser sur cette méthode pour reconnaitre si chez un ^jet la vaccination a été efficace. En effet, le sérum de sujets récemment vaccinés peut quel¬ quefois ne pas empêcher le développement de pustules vaccinales. Netter. La nuova pro/ilassi délia malaria net Lazio, par le professeur Angelo Celli {Supplemento alPoliclino, 20 octobre 1900, page 1601). L’auteur indique le résultat des mesures appliquées dans le courant de l’été de cette année et qui sont la continuation de celles essayées en 1899 (Revue d'hygiène, 1900, page 470). Sur cinq fractions des lignes de chemin de fer desservant la région très paludéenne du Latium, un certain nombre de maisons des cantonniers gardes-barrières a servi à l’expé¬ rience tandis que les autres donnaient la comparaison de la malaria habituelle. Cette année, les fenêtres ont été tendues de toile métallique en place du tissu de coton léger précédemment enTnlové V en mîïre. la porte extérieure de l’habitation était précédée d'une sorte de logette en toile métallique avec des portes doubles à fermeture automatique ; ce système protégeait davantage le rez-de-chaussée contre l’invasion des moustiques, facilitait les allées et venues et permettait une aération plus large. L’orifice sunérienr des chemlnép-; était aussi garni du réticule çrotgcleur et les murailles étaient blanchies à la chaux, de façon à poursuivre plus aisément les moustiques, qui avaient pu s’introduire malgré toutes les précautions prises. Les recommandations les plus for¬ melles étaient faites pour la sortie vespérale des liabitants avec protection du visage et des mains. 207 ouvriers et employés de chemin de fer furent soumis à cette réglementation prophylactique, pendant l’été dernier, dans des ocalités réputées fort malsaines; sur ce nombre 10 seulement présentèrent d;s accès de malaria, soit par leur imprudence, soit en raison de leur cons¬ titution plus chétive, soit par récidive ; tous ceux qui n’avaient pas (hé soumis à cette prophylaxie furent plus ou moins gravement atteints..'*!! n’y eut pas d’épidémie de famille ; le traitement et la convalescence de.s BEVUE DES JOURNAUX GJJ récidives de l’année précédente furen l très rapides dans les maisons pro¬ tégées. La persuasion, aidée de quelques faveurs, suffit pour obtenir l’exécution de ces règles d’attention personnelle et de surveillance des ouvertures. Celli voulut tenter la même expérience sur des paysans, malgré les exigences des travaux agricoles et le peu de confortable des habitations ; plusieurs maisons ou plutôt des cabanes de deux hameaux furent proté¬ gées comme les mai.sons des cantonniers de la voie ferrée ; les résultats furent très satisfaisants, sauf dans une chaumière où l'incurie était telle que le matin on y trouvait des quantités de moustiques. Il serait utile de prémunir les nomades qui viennent pour l’époque de la moisson et couchent en plein air; on a installé cet été dans les marais Pon- lins une grande baraque en bois démontable, dont les portes et fenêtres étaient munis de toile métallique ; ce premier progrès devrait être com¬ plété par la cessation du travail aux heures dangereuses et par l’admi- nisirailion préventive de composés quiniques, afin d’obtenir une immu¬ nité artificielle relative. F.-H. Rbnaut. Die Bakierien der sogenannlen sterUisirten Milch des Handels, ihve biologische Eigenschaften und ilire Beiziehttngen zti den Magen-Darm- krmikheilen der SaügLinge mit besonderer Beriicksichligung der gifti- gen peptonisirenden Bakierien Flügge's (Les bactéries du lait stérilisé du commerce, leurs propriétés biologiques, leurs relations avec les gastro- entérites des nouveau-nés; les bactéries toxiques peptonisantes de Flügge), par Wkbeb. — {Arbeilen ans den Kaiserlichen Gesundheilsamte, 1900, XYII, p. 108). Personne ne conteste aujourd’hui les heureuses conséquences de la stérilisation du lait, à laquelle on doit une diminution marquée de la mortalité infantile. On a bien objecté que la stérilisation modifie certaines des qualités du lait. Elle lui fait perdre son arôme, coagule l’albumine, décompose la lécithine, caramélise une partie du sucre, sépare une cer¬ taine proportion de la graisse. Flügge a montré que le lait stérilisé du commerce renferme encore des germes. Parmi les germes (pu résistent à la stérilisation, il en est qui sont doués d’un pouvoir toxique et qui pourraient donner naissance à des gastro-entérites. Weber a voulu contrôler ces affirmations de Flügge (pii, à côté de partisans, a compté bon nombre de contradicteurs. Disons tout de suite que son mémoire, sans accorder aux bactéries peptonisantes un rôle aussi essentiel que le veut le professeur de Breslau, le continue dans ses grandes lignes. Les recherches ont porté sur 150 flacons de lait stérilisé provenant de huit laiteries ou usines. Aucune de ces laiteries et usines n’a livré un lait constj^nment privé de geriues. En règle générale, la stérilisation était en rapport avec les modifications extérieures du lait. Un lait dit stérilisé (jui avait conservé sa couleur blanche et son goût de lait cru, n’était stérile ■ ’ue dans ,5 p. 100 des échantillons. Un autre lait de teinte rouge-brun et ayant le goût du lait cuit ne renfermait pas de germes dans 83 p. 100 des flacons. fîKV. d’iiyg. \XUI. — O REVUE DES JOURNAUX En général le procédé le plus sûr et le plus rapide pour reconnaître s’il y a eu développement de germes dans le lait dit stérilisé consiste à mélanger à parties égales le lait à l’alcool à 68. S’il y a coagulation, on peut admettre quelelailrenfermedes bactéries ayantrésistéà la stérilisation. Les analyses de Weber lui ont permis d’isoler de laits stérilisés vingt- trois espèces de bactéries, dont deux anaérobies, trois thermophiles, dix-huit aérobies. Les espèces anaérobies ne présentent pas grand intérêt. Elles sont facilement détruites pourvu que la stérilisation soit faite avec soin. J1 n’y a pas lieu de se préoccuper de l’influence pathogène des bsctéries aéro¬ bies thermophiles qui ne se développent que quand la température du lait dépasse 22“ et qui ne trouvent les conditions vraiment favorables que quand le thermomètre atteint -}- 40“ à 55“. La présence de ces bactéries thermophiles ne peut être constatée si l’on se sert pour l’analyse de plaques de gélatine ; on est exposé dans ce cas à croire la stérilisation parfaite. Les bactéries aérobies peuvent être divisées en trois groupes. Les pre¬ mières ont une action très rapide sur le lait, qui est décomposé en vingt- quatre ou quarante-huit heures. La plupart peptonisent la caséine sans attaquer la lactose. D’autres cepèndant peuvent agir en môme temps sur le sucre et produire des acides. Le premier groupe trouve dans la température normale de la chambre des conditions favorables à son développement. Les bactéries du second groupe mettent cinq à sept jours à transformer le lait, en produisant une faible acidité. Ces bactéries, que l’auteur pro¬ pose d’appeler thermotolérantes, n’agissent bien qu’à une température variant entre 37“ et 50“. Enfin, il est des bactéries qui se développent sans modifier le lait d’une façon appaiente. Les bactéries peptonisantes du lait sont susceptibles de déterminer la putréfaction du lait et de produire de l’hydrogène sulfuré. La présence de lactose dans le lait prévient la putréfaction. Elle favo¬ rise en effet le développement des bactéries donnant naissance à des acides, et ces acides mettent obstacle au rôle des bactéries peptonisantes. Ces bactéries agissant sur le sucre de lait existent dans le lait cru; elles sont détruites dans le lait stérilisé. Il en résulte que dans le lait stérilisé, la peptonisation et la putréfaction sont possibles , tandis qu’elles ne se font pas dans le lait cru. Le lait stérilisé du commerce ne semble pas renfermer souvent les bactéries toxiques peptonisantes de Flûgge. L’auteur n’en a rencontré que dans trois des 150 échantillons. Ces bactéries se sont montrées pathogènes pour le cobaye en injections péritonéales. Netter. Sulla fresehezza del lattae (Sur l’état frais du lait), parle D' Gino De’ Rossi {Rivisia d'igiene e sanità pubblica, l®' et 15 octobre 1900, p. 667 et 799). Il n’est pas indifl'érent de pouvoir apprécier le temps écoulé entre la traite et la vente du lait, en raison de l’extrême rapidité de la pullula- REVUE DES JOURNAUX tion des germes dans ce liquide. Bien que les microorganismes qui s'y développent en été soient généralement d'espèces banales, on peut cependant supposer qu’ils ne sont pas sans apporter des altérations chi¬ miques et dos modifications nutritives dans cet aliment presque exclusif des malades et des enfants. L'auteur a fait de nombreuses recherches, sur le lait vendu pendant la saison chaude à Pise sur les marchés, dans les laiteries, à domicile et il fi constaté fréquemment des teneurs en germes variant de 2, 4, 6 jusqu’à 40 et 43 millions par centimètre cube, quantité dépassant quelque peu la limite de 10,000 fixée par Flügge pour le lait frais et celle de 100,000 assignée par Duclaux peu de temps après la traite. Quelle que soit la stérilisation plus ou moins parfaite apportée ultérieurement par l’ébulli¬ tion, il serait fort important d’avoir un moyen rapide et sûr de contrôler l’état de fraîcheur du lait mis en vente. Dans ce but De’Rossi s’est servi de la méthode de détermination de l’acidité du lait et du procédé de Vaudin par le carmin d’indigo pour apprécier la quantité de germes {Revue d'hygiène, 1897, p. 688). Il compléta la première méthode en ajoutant au lait une quantité d’acide acétique suffisante pour produire la coagulation et en calculant l’excès d’acidité du petit lait; déplus, il déterminait la proportion d’acide acétique nécessaire pour la coagulation à chaud. Quant à la décoloration du carmin d’indigo, elle a été établie par Vaudin pour le temps minimum après lequel elle survenait pour le lait frais ; ce temps, variant de quatre à douze heures suivant la température, indique qu’on ne. peut pas compter sur des résultats pratiques immédiates ; le contrôle bactériologique était fait par la numération des cultures en boites de Pétri vers lesixièmejour. La conclusion de cette série de travaux fut : 1“ Que la décoloration du carmin d’indigo n’a complètement lieu qu’alors que l’odeur du lait est plus ou moins altérée; ce qui dénote manifestement l’inutilité de cette métiiode ; 2° Que le degré d’acidité du lait, aussitôt déterminé, n’est pas un indice sûr et suffisant de son degré de conservation, d’autant plus que souvent cette acidité marque une augmentation insensible tandis que le nombre des germes s’est accru en quantité considérable. Pour compenser ces résultats défavorables, l’auteur préconise à titre de renseignement suffisamment approximatif un examen microscopique du lait coagulé dont il donne en détails la .technique et en figure les données sur quelques planclies. Le coagulum se présente sous forme de stries plus ou moins larges dans lesquelles lloltent des globules gi’aisseu x ; ces stries sont séparées par des lacunes remplies de petit lait ; suivant la t'raicheur du lait ce dernier liquide renferme un nombre plus ou moins considérable de germes ; c’est là un terme d’appréciation un peu vague, mais qui rend un service réel après quelque temps d’exercice et d’habitude. F.-H. Renaut. Sul polere ballericida delV alcool etilico, par le D'' Bertarbi.i,i (H Policlinico, vol. VII-M, lOOOi. L’auteur a repris les recherches d’Epstein (Revue d’/iygiâne, 1897, REVUE DES JOURNAUX p. S69) et de Minervi sur ce sujet : il imbiba des lils de soie de cultures plus ou moins vieilles de microorganismes variés, B. prodigiosus, B. pyo¬ cyanique, staphylocoque doré, vibrion du choléra, B. d’Ebertli, B. de la peste, spores du charbon, spores du B. subtilis, et les soumit pendant des durées de cinq minutes à cinquante jours, suivant les espèces, à l’ac¬ tion de l’alcool, d’abord à la température ordinaire, puis à celle de l’ébul¬ lition; enfin, il étudia ces mêmes cultures au point de vue des résultats de leur immersion dans des solutions alcooliques de sublimé au millième, d’acide phénique à 3 p. 100, d’acide chromique au centième, de sulfophé- nate de zinc à 2 p. 100 et de nitrate d'argent à 1 p. 230. Ces nouvelles expériences confirment la médiocre valeur antiseptique de l’alcool éthylique, dont l’action est presque nulle sur les spores. Les dilutions de l’alcool dans l’eau présentent une efficacité décroissante suivant les proportions ci-après : 50, 70, 2b, 80, 09 p. 100. Ce fait s’explique difficilement : il est probable que l’alcool détermine une coarctation plus grande de la périphérie des amas bacillaires ; de la sorte, les germes du centre sont protégés et conservent plus longtemps leur vitalité. Malgré cela, l’alcool empêche le développement et la pullulation des microorganismes : un dixième de centimètre cube d’alcool absolu suffit pour arrêter la culture sur gélatine des germes d’une eau potable comp¬ tant habituellement de 70 à 100 germes par centimètre cube. L’addition de 2 à 3 gouttes d’alcool tue les spores du B. subtilis ensemencées dans du bouillon. Quant aux solutions alcooliques des différentes substances désinfec¬ tantes, elles sont d’autant plus actives que l’alcool est moins concentré. Ce travail corrobore pleinement les résultats antérieure et les différences très minimes obtenues ne portent que sur la dilution des préparations et le titre des alcools employés. F. -H. Renaut. La pustola maligna di origine commerciale ed industriale a Genoca, par le D'G. Corradi (Rivista d’igiene e sanità pubblica, 1900, p. 498 et 330). En Italie, comme en France, les mesures préventives et la réglemen¬ tation actuelle devraient mettre les ouvriers manipulant les dépouilles d’animaux indigènes à l’abri des maladies charbonneuses {Revue d'hy¬ giène, 1894, p. 260); mais les provenances étrangères restent suspectes et la pustule maligne est encore fréquente à Gènes : les tanneries y sont nombreuses et l’industrie locale emploie beaucoup de peaux américaines et chinoises, où les spores charbonneuses conservent leur virulence malgré les diverses préparations et où tes tentatives de désinfection ont nui à la qualité et à l’usage industriel. Pour attirer l’attention sur ce danger, l’auteur a recherché les cas de pustule maligne, traités à Gènes soit dans les hôpitaux, soit par les sociétés d’assistance depuis le l" janvier 187’7 jusqu’au 31 décembre 1899; 133 cas sont consignés dans un tableau avec la mention de la profession et du siège de la lésion. En tenant compte du métier de chacun des REVUE DES JOURNAUX atteints, on voit que 117 cas, soit 76,47 pour 100, peuvent être attribués à l’industrie et au commerce dés dépouilles d’animaux ; 40 seulement se rapportent à des ouvriers, 34 travaillant les peaux et G travaillant les crins ; des autres, 65 concernent des portefaix ou des manœuvres, et 12 s’ap¬ pliquent à des professions diverses, bateliers, mariniers, etc. ; ainsi donc, sur ce nombre de cas de pustule maligne relevé en 23. ans et certainement incomplet, 34,18 p. 100 sont d’origine industrielle et 65,8 p. 100 d’ori¬ gine commerciale ; cette énorme différence peut être expliquée par le soin plus grand des artisans professionnels dans la manipulation des peaux et par la négligence des portefaix à protéger les parties décou¬ vertes de leur corps pendant leur labeur pénible. Comme jusqu’alors on n’a pas trouvé de moyen pratique pour désin¬ fecter les peaux, les laines et les crins sans leur faire perdre leur valeur marchande, il y a lieu d’appliquer strictement dans les ports les mesures suivantes : 1® Les peaux doivent être absolument isolées des autres marchandises sur les bateaux de commerce, ou en les mettant dans des cales spéciales, ou en les recouvrant de bâches imperméables; en tout cas, il faut désin¬ fecter les locaux après l’enlèvement; 2® Le déchargement sera fait à l’aide de barques faciles à désinfecter, exclusivement réservées au transport des dépouilles d’animaux ; tout au moins ne doit-on les employer à d’autres marchandises qu 'après désin¬ fection complète; 3® Les ouvriers des tanneries n’auront jamais les bras et les épaules nus; ils endosseront pour le travail une veste imperméable et. prendront des gants de caoutchouc ; outre ces moyens de protection, les portefaix adapteront à la veste un capuchon de même tissu pour protéger efficace¬ ment le cou, la nuque et la face. Pour les uns et les autres, la propreté corporelle sera soigneusement surveillée et des ablutions fréquentes seront pratiquées avec des solutions antiseptiques; 4® Les magasins des usines et les dépôts des douanes, destinés à entreposer ces matières, devront présenter des parois lisses, faciles à nettoyer et à désinfecter. F. -H. Rbnaut. Cancer morlaüty in East Essex. (La mortalité par cancer dans East Essex), par George Melmotii Scott. {The Bril. med. journal, 18 août 1900, p. 420). ■ L’auteur a fait le dénombrement des morts par cancer à Chelmsford et Muldon pendant les trois périodes de 1871-80, \,.l 881-90 et 1890-98, et il a vu que le nombre des décès par décade a augmenté de 6,36 pour la première, à 7,73 dans la seconde, et 8,41 dans la troisième. A première vue l’augmentation semble donc évidente, mais si l’on analyse ces statistiques, on voit d’abord que cette augmentation porte presque exclusivement sur les hommes, les cas de cancer restant station¬ naires chez les femmes. Ainsi, pour 100 cancers féminins dans la pre¬ mière décade, il y en avait 51 pour les hommes, 61 pour la deuxième décade et 83 pour la troisième. REVUE DES JOURNAUX De plus on voit que c’est surtout les cancers des organes profonds qui ont augmenté de nombre, ainsi tandis que les cancers visibles (langue, lèvre, pèvris, testicule, gorge) se sont accrus dans les proportions -de 1 — 1,6 — 2,4 pendant les 3 décades, ceux des organes profonds se sont accrus dans les proportions de 1 — 2,2 — 3, b. Enfin ce n’est que depuis quelques années que la statistique admet la nature des tumeurs, tandis que dans la ])remière moitié de la période dont il est question on ne trouvait que les rubriques : tumeur ou rétré¬ cissement intestinal, etc., sous lesquelles bien des cancers pouvaient se dissimuler. Enfin l’auteur examine les théories du D"' llaviland sur la pathogénie du cancer, théories qui ont été à maintes reprises analysées dans la Revue, et il montre après examen de la constitution géologique du sol, des rivières, etc., des localités sur lesquelles ont porté sa statistique, que ces théories ne sont nullement justifiées. On sait que pour le D'' llaviland,. le voisinage des fleuves à cours lent, des terrains marécageux influe beaucoup sur la lélhalité cancéreuse des localités. En effet, 1“ malgré son sol glaiseux, ses nombreux estuaires, le comté d’Essex a une mortalité cancéreuse plus faible que la mortalité cancé¬ reuse générale de l’Angleterre ; 2“ les territoires de Chelmsford et Muldon, malgré leur nombre considérable d’estuaires, leurs terrains marécageux ont une mortalité cancéreuse plus faible que celle du comté tout entier; enfin le cancer ne prédomine pas dans les villages situés sur les bords des rivières. Catrin. Slalla per animali di media e grosso laylia deslinali ad esperienze bacleriologiche (Ecurie pour animaux de moyenne et de grande taille destinés aux expériences bactériologiques), par le professeur L. Simo- NBTTA {L'inyeynere igienisla, 1900, p. 225 et 237). L’auteur, qui a déjà indiqué les précautions à prendre dans les ména¬ geries de petits animaux de laboratoire {Revue tV hygiène, 1899, p. 918), donne, après la pratique d’une année de fonctionnement, la description d’une écurie qu’il a fait bâtir sur ses indications à l’Institut d’hygiène de Sienne ; elle est destinée ii recevoir les animaux de plus grande taille inoculés avec des microbes pathogènes souvent très violents et pouvant dès lors présenter de graves dangers pour le personnel chargé de l’en¬ tretien. Le pavillon à plus grande dimension longitudinale comprend trois par¬ ties contiguës : une centrale constituant l’écurie proprement dite et deux latérales, l’une pour le fourrage et la tourbe de litière, l’autre ser¬ vant pour les opérations (injections, saignées). L’étable comprend quatre stalles : deux au milieu pour un àne et une génisse, et deux de l’un et l’autre côtés pour des chèvres ou des brebis. Le fond des stalles suppor¬ tant râteliers et mangeoires n’est pas formé par le mur même du bâti¬ ment, mais il est constitué par une cloison séparée iiK, Ri:i.i.icaüi), übetox et Giuxjux (Uultelin médical, 14 novembre 1900, p. 1273). Nous avons analysé récemment ilWvue d'hyyiène, septembre 1900, p. 845) un très intéressant mémoire lu à l’Académie de médecine par M. Landouzy sur des cas d’intoxication par une teinture noire d’ani¬ line appliquée sur des bottines en cuir jaune. Comme nous nous y atten¬ dions, ces faits ne sont pas restés isoles, et .M. le I)'' Graiijux, dans une UEVUE DES JOURNAUX excellente revue sur ce sujet dans le Bulletin médical, elle plusieurs cas analogues publiés dans la lieuue médicale de Normandie du 25 août 1900, la Gazelle des hôpitaux du 10 octobre, et la Gazette médicale du 13 octobre. Tous ces cas sont identiques; des enfants ou des adultes mettent des chaussures en cuir jaune qui viennent d’élre noircies avec un vernis très odorant à l’aniline ; ces pereonnes sont prises de lipothymies, avec coloration bleue ou noirâtre des lèvres et des doigts, algidité, faiblesse extrême, coma; la mort semble prochaine: au bout de deux jours, sous Tiniluence de stimulants énergiques, les acci¬ dents disparaissent peu à peu, et la guérison est bientôt complète. On ne saurait trop répandre dans le public la notion du dangeç auquel expose cette mise en noir, au commencement de l’hiver, des chaussures en cuir jaune ayant servi pendant l’été; le danger est d’autant plus grand, que ce sont surtout de jeunes enfants ([ui sont exposés à ces empoisonnements. MM. Landouzy et Brouardel, dans leur communication à r.Académie le 17 juillet dernier, pensaient que l’intoxication était due à l’absorption de l’aniline par la peau des pieds. M. Granjux, comme' MM. Halipré et Bellicaud de Rouen, croient plutôt que le poison pénètre par les voies respiratoires. Nos confrères rouennais, dans le cas qu’ils ont relaté, ont examiné la paroi interne des chaussures de leur malade : » Les bottines étaient doublées de coutil gris, la teinture avait traversé la chaussure seulement en quelques points au niveau des coutures; sur le pied il n’y avait aucune trace de vernis ». MM. Landouzy et Brouardel n’ont réussi à amener des accidents par le badigeonnage sur la peau des animaux, que lors([ue la partie enduite était recouverte d’ouate chaude et humide; le badigeonnage sans revêtement ouaté et humide restait inofferisif. Tous les auteurs sont unanimes pour reconnaître que les chaussures ainsi noircies dégageaient un odeur des plus violentes et très désagréable. Il est probable que l’absorption se fait à la fois par la peau et par la respiration. Espérons que les familles et les cordonniers, maintenant bien rensei¬ gnés, n’emploieront plus jamais une teinture aussi dangereuse. E. Vallix. Émaillage mécanique sans dégagement de poussières plombiques (procédé A. Dormov), par M. Hemâ Ma.my {Le Génie civil, 24 novem¬ bre 1900, p. 61). L’émaillage de la fonte avec des émaux à base de plomb est une dc.< industries qui exposent le plus à l’intoxication saturnine. L’opération consiste à pulvériser les émaux plombifères et à les tamiser en pous¬ sière très fine sur les pièces préalablement portées au rouge. Tous les efforts tentés jusqu’à présent ont été inutiles pour empêcher les ouvrieis de respirer ces poussières. Les masques respirateurs n’ont ])as réussi, parce que le rayonnement direct du four et des pièces en travail échauffe (l’une façon intolérable un masque quelconque, si léger qu’il soit, el aussi parce (|ue l’absorption des poussières ne se fait pas seulement par la respiration, mais aussi pai’ les pores de la peau. Le problème cousis- REVUE DES JOURNAUX "9 liiil donc à empôclier ces poussières de se répandi'e autour des ouvriers pendant les opérations de l’éniaillage. 11 parait avoir été résolu par le système de l’émaillage mécanique de M. Dormoy, directeur des forges et fonderies de Sougland (Aisnej, à qui le jury de l’Exposition vient pour cela de décerner un grand prix. Le Génie civil représente par des photographies et des dessins l’en¬ semble et les détails de l’appareil. En somme, la pièce retirée du four est rapidement portée sous une cage vitrée dont les portes sont hermétique¬ ment closes; on fait tomber .sur toutes les faces'de la pièce rougic au feu une poussière plombique extrêmement fine, au moyen d’un réservoir et d’un tamis actionnés du dehors, ün mécanisme compjiqué et très ingénieux permet de donner à la pièce à ômailler toutes les positions nécessaires en inclinant à volonté, <à l’aide d’une manivelle ou d’une pédale extérieures, la plate-forme qui la supporte. La description de cet appareil compliqué est rendue très claire par d'excellentes figures, et il n’est pas douteux que M. Dormoy a trans¬ formé, au point de vue de l’hygiène industrielle, une fabrication jus¬ qu’ici des plus insalubres. E. Vallin. lleber die GesundheiUyefahren des Schleifm'berufs und ihre Verhiiiuny (Des dangers professionnels pour la santé des aiguiseurs et de leur pro¬ phylaxie), par le D’' Moritz (de Solingen) [Cenlrulbl. /'. ally. Gesund- heilstleye, 1900, p. 28.3). Plusieurs statistiques industrielles locales indiquent une mortalité double pour les différentes catégories d’aiguiseurs au-dessus de 20 ans, pai- rapport au reste de la population de même âge. La survie au delii de 30 ans est en somme rare parmi les ouvriers des usines de coutellerie. L’auteur a examiné minutieusement les organes de 1,2.30 individus em¬ ployés dans les ateliers d’aiguisage et n’a trouvé complètement saine que la faible proportion do 10 individus pour 100, dont aucun ne dépassait 43 ans. L’extension de l’industrie de Solingen a été telle en ces dernières années que de 1,381 en 1800 le chift’re des ouvriers s’est élevé à 4,027 en 1898, malgré les dangers inhérents à la profession et dus à l’inhalation de poussières métalliques et pierreuses. La quantité de poussières pro¬ duites et très variable suivant l’espèce des lames à aiguiser, couteaux, canifs, ciseaux, rasoirs; dans sa journée et d’après les différents acier.s à mettre sur la meule, un ouvrier peut donner de 230 à 730 grammes de poussières métalliques; à celles-ci vient s’ajouter une quantité nulle¬ ment négligeable produite par l’usure de la pierre des meules, car après 4 semaines d’usage régulier, une meule à aiguiser de 90 centimètres de diamètre avec 12 centimètres d’épaisseur est réduite de moitié. L’action de ces poussières sur les voies respiratoires détermine rapide¬ ment une pneumoconiose avec hémoptysie, i[ue l’on appelle couramment à Solingen, la maladie des aiguiseurs et qui favorise largement l’évolution du bacille tuberculeux. Ces poussières sont d’autant plus néfastes que par le fait même de la position de l’ouvrier, l’amplitude des mout cmenls REVUE DES JOURNAUX respiratoires est diminuée et que l’expiration s’exécute d’une façon impar¬ faite. On prétend que les lésions du poumon droit seraient deux fois plus fréquentes qu’à gauche, à cause de l’inclinaison du coips et du point d’appui de l’avant-bras droit sur la cage thoracique, mais l’auteur réserve son jugemeat sur ce point; il cite les chiffres de DOnhoflf sur la mortalité de la population masculine de Solingen de 14 ii -HO ans par affections des voies respiratoires : le résumé en est que, pour les aiguiseurs elle atteint 72,5 p. 100 et pour les autres professions 35,3 p. 100. Chez les apprentis, le catarrhe irritatif des voies supérieures empêche la complète pénétration des poussières ii cause de l’expulsion de ces dernières avec les mucosités dans les efforts de toux ; les maladies du nez augmentent encore le danger par la suppression du filtrage naso-pharyngien ; aussi la morta¬ lité de 2.5,8 p. 100 de 14 ii 20 ans s’élève progressivement jusqu’à 79,3 p. 100 de 40 à 50 ans. Les moyens d’enrayer la nocivité des poussières sont d’une part d’eni- pôcher leur diffusion dans l’atmosphère au moyen de l’aiguisage humide et de la projection au-dessus de la meule d’eau pulvérisée ou vaporisée,' d’autre part d’enlever par aspiration celles qui auraient tendance ii s’échapper hors de la zone de production. Une ordonnance locale de police, revue le 30 juin 1898, règle les détails du fonctionnement hygiénique des ateliers d’aiguisage et prescrit le recouvrement des meules, le travail sous l’eau et l’aspiration des poussières ii l’aide de procédés et d’appareils analogues ii ceux depuis longtemps décrits {liemœ d'hygiène, 1883, p. 940). Il n’y a qu’à citer les autres mesures qui n’ont rien de spécial à la profession : large ventilation des locaux, sélection des tuber¬ culeux et des nasaux, installation de crachoirs avec recommandations et résultats effectifs, prohibition des boissons alcooliques, propreté corpo¬ relle avec bains-douches et assuétude de la peau aux changements plus ou moins brusques de température. 11 est surtout essentiel d'établir autant que possible un roulement dans les emplois, car certains ouvrages sur les meules sont beaucoup plus pénibles que d’autres : ainsi parmi des ouvriers de Solingen ayant atteint 40 ans, l’auteur compte 5,5 p. 400 parmi les aiguiseurs de couteaux, 8,4 parmi les aiguiseurs de ciseaux, 10,8 pour les polisseurs, et lî,5 pour les dégrossisseurs. Parmi les aigui¬ seurs de poinçons, aucun ne dépassait 45 ans et on ne trouvait pas d’ou¬ vrier âgé de plus de 50 ans dans les aiguiseurs d’armes blanches. F.-H. Renaut. Traitement par l'oxygène comprimé de l'intoxication par l'oxyde île carbone, par M. A. Mosso (Comptes rendus de l’Académie des science.< Gazette hebdomadaire, 4 octobre 1900, p. 940.) Le professeur Mosso, contrôlant les recherches de M.Haldam, d’Oxford, a montré qu’en faisant respirer de l’oxygène pur, comprimé à deux atmosphères, par des individus intoxiqués par l’oxyde de carbone, on ramenait les malades à la vie. 11 est nécessaire que l’oxygène pur soit sous pression, afin que cet oxygène reste dissous dans le plasma sanguin, dont les globules sont asphyxiés et détruits. Deux singes placés dans une KEVLE DES JOURNAUX atmosphère contenant 1 p. 100 d’oxyde de carbone étaient presque complètement asphyxiés au bout d’une demi-heure. L’un fut laissé à l’air libre et mourut ; l’autre, placé dans l’oxygène comprimé à deux atmosphères, revint à lui et guérit. Dans les mines exposées à des explo¬ sions, on devrait toujours garder en lieu sûr une provision d’oxygène com¬ primé à 120 atmosphères, comme on le trouve maintenant dans le commerce. E. V. Action physiologique du climal d’allitude, par le D'' A. Jaquet. (Semaine médicale, 26 septembre 1900, p. 323.) M. Jaquet, professeur à la Faculté de médecine de Bàle, a déjà montré en 1898 avec M. .Suter que les changements dans la composition du sang par le séjour dans les altitudes sont dus réellement à une néofor¬ mation des globules rouges et de l’hémoglobine. Les expériences consi¬ gnées dans ce nouveau travail prouvent le rôle des différents éléments qui composent les hauts climats. Après avoir soumis comparativement des gi-oupes d’animaux à chacun de ces éléments, il dose l’hémoglobine avec l’hémomètre de Fleischl-Miescher, puis il expulse tous les globules par l’injection prolongée d’une solution saline dans les vaisseaux de l'animal. La température et le sécheresse de l’air, la radiation lumineuse (après un séjour des animaux pendant six semaines dans des milieux à -|- 16® et à -(- 2°, etc.) ne modifient point la proportion d’hémoglobine. Celle-ci, au contraire, augmente de 20 p. 100 par une diminution de pression atmosphérique de 100 millimètres de mercure ; c’est là le seul élément vraiment actif du climat d’altitude. Cette augmentation des globules et de l’hémoglobine s’accompagne d’une diminution sensible des sécrétions azotées (azote non éliminée par les urines) ; la quantité d’azote ainsi retenue est d’ailleurs bien supérieure à celle qui est exigée par là néofor¬ mation des globules sanguins. Il est probable qu’il existe de ce fait une régénération protoplasmalique de tous les éléments, ce qui explique la vitalité et la résistance nouvelle de l’organisme dans les lieux élevés (environ 1,300 mètres). E. Valun. Der Bepitrtd des Baclerium coli iin IVasser und das Thierexperimenl sind Heine brauchbaren Hülfsmiltct fur die hygienische Beurlheilung des fVassers (La présence du bacterium-coli dans l’eau et les résultats de l’inoculation de l’eau aux animaux ne fournissent pas d’enseignements utiles pour l’appréciation des qualités hygiéniques de cette eau), par Weissenfbld. (Zeilschrifl fiir Hygiene und Infections Krankheiten, 1900, XXXV, p. 78). On considère souvent la présence du bacille du colon dans une eau comme une preuve de son insalubrité. Miquel et Kruse avaient déjà pro¬ testé .contre cette opinion et soutenu que le baclerium coli peut se ren¬ contrer dans toutes les eaux. D’autres observateurs n’alt^cheul de valeur qu’aux variétés du coliba¬ cille qui sont pathogènes pour les animaux. Celles-ci indiqueraient néces¬ sairement une eau impure pour Levy et Bruns. REV. d’HYC. xxni. — 6 REVUE DES JOURNAUX L’auteur, sous la direction de Kruse à Bonn, a recherché le colibacille dans 56 échantillons d’eaux de toute provenance. Il a employé pour ces recherches la culture dans le bouillomphéniqué, suivie de l’isolement sur la gélatine, ou la méthode d’enrichissement en ajoutant de la peptone à un demi-litre ou un litre d’eau placée à 37 degrés dans l’étuve. Il a dans tous les cas recherché le pouvoir pathogène des microbes par l’inoculation intrapéritonéale au cobaye. Dans toutes les eaux examinées , quelle que fût leur qualité, il a pu déceler le bacterium-coli. La seule différence, c’est qu’en général dans les eaux de bonne qualité il faut mettre en culture des quantités assez impor¬ tantes d’eau ; mais te fait n’est pas constant. D’autre part , les colibacilles isolés de ces eaux de bonne qualité avaient le même pouvoir pathogène. L’auteur est donc autorisé à, formuler les propositions suivantes ; 1® Le baclerium-coli peut être isolé dans les eaux de toute nature, de bonne ou mauvaise qualité, pourvu que la culture porte sur des quantités d’eau suffisantes; 2° Le pouvoir pathogène ne diffère pas, que le bacterium-coli pro¬ vienne d’une eau bonne ou mauvaise. On ne peut donc soutenir que la présence d’un bacterium-coli virulent dans l’eau implique la souillure de cette eau par des bactéries d'origine fécale. Netter. Ueber die Wiederstandsfahigkeit der mil den Lungenaustuurf herans- befôrdeten Tuberkelbazillen, in Abwassern, im Flussivasser und ivi kuUivirten Boden (De la résistance des bacilles tuberculeux contenus dans les produits de l’expectoration et arrivés dans les égouts, (hins les cours d’eaux et sur le sol servant aux cultures), par Musbhoi.d (Arbeiten ans dem Kaûeiiichen Oesundheitsamte, 1900, XVII, p. 56). Alors qu’on se préoccupe beaucoup des dangers que peuvent faire naître les poussières provenant de la dessiccation des crachats tubercu¬ leux, on laisse le plus souvent sans inquiétude arriver ces crachats dans l’eau, dans les égouts. Un certain nombre d’observateui-s cités dans ce travail avaient cependant établi la résistance des bacilles tuberculeux dans ces conditions. Musehold a repris ces recherches avec beaucoup de soins. 11 a cherché à déterminer la durée de la résistance, celle de la virulence. 11 a pour cela sacrifié un grand .nombre de cobayes. Dans l’eau de rivière naturelle exposée à la lumière diffuse, les bacilles tuberculeux étaient encore virulents après 162 jours. La viru¬ lence s’est maintenue au môme degré pendant trois mois ; à partir do ce moment elle a commencé à diminuer. Dans la môme eau maintenue dans l’obscurité, la durée de la virulence a été exactement la môme, mais cette virulence n’a présenté une diminution appréciable qu’après quatre mois. Mélangés à l’eau courante des égouts, les bacilles conservent leur virulence six mois et demi, que cette eau soit exposée à la lumière diffuse ou maintenue dans l’obscmité. Dans la môme eau soumise aux intluences extérieures (congélation, dégel), les bacilles étaient encore virulents au bout de quatre mois et demi. REVUE DES JOURNAUX 83 Dans le sédiment des égouts berlinois, le bacille liibei'culeux est resté virulent six mois et demi, ([ue le mélange ait été conservé dans la chambre ou soumis aux intempéries extérieures. Le sédiment îles égouts mélangé aux crachats tuberculeux a été, au bout de 47 jours répandu sur de la terre que l’on a semée de petits radis. Dans cette terre on a retrouvé des bacilles tuberculeux virulents, trois mois plus tard, ((ue les pots de tleui’s aient été conservés dans la chambre ou exposés en plein air, au froid, à la neige, à la pluie, ou au soleil. La môme expérience a été répétée eu mélangeant immédiatement le sédiment de l’égout avec la terre dans laquelle on sème les radis ; la virulence des bacilles s est maintenue deux et cinq nJi^is. Musehold a constaté la présence des bacilles tuberculeux virulents à la surface d’un champ d’épandage sur lequel était répandue l’eau d’un égout desservant un sanatorium de tuberculeux. Sur 23 animaux inoculés, 13 sont devenus tuberculeux. Les eaux de cet égoût du sanatorium étaient clarifiées par le système Schweder et n’en renfermaient pas moins des bacilles tuberculeux. Ces expériences montrent la résistance des bacilles tuberculeux dans les égouts en dépit des influences défavorables. Ces bacilles peuvent être dangereux pour l’homme, soit en souillant les eaux, soit en imprégnant les légumes. Il est donc indispensable de désinfecter les crachats des tuberculeux avant de les laisser aiTiver dans les latrines. La chalem’ est le meilleur procédé s’il s’agit d’un établissement hébergeant un grand nombre de malades. S’il ne s’agit ([ue de sujets isolés, on pourra recourir aux désinfectants chimiques, en particulier à l’acide phénique et ses dérivés. On peut se proposer de désinfecter les cracliats tuberculeux mélangés aux eaux ménagères : dans ce but il ne suffirait pas d’employer les désin¬ fectants à la dose qui détruit les bacilles typhiques ou le vibrion cholé¬ rique. Tandis que pour ces derniers il suffit de 12 à l.ï grammes de chlorure de chaux par mètre cube, pour le bacille tuberculeux il en faudra au moins 100 grammes. Nettbk. Temperatura neUe masse acquee del inare e dei laghi naturali ed artificiali (Température des masses aqueuses de la mer et des lacs naturels ou artificiels), par le Prof. L. Paglia.m (L'ingeqnere iqienisla, 1900, p 209). La chaleur solaire en pénétrant de la surface à la profondeur des masses liquides des océans et des lacs n’y détermine pas une élévation thermique uniforme et régulière, de nombreux facteurs exercent leur influence sur cet échaulîemeut : capacité calorique, pouvoir absorbant et conductibilité de l’eau par la chaleur, latitude et altitude, saison et heure des observations, courants .superficiels et profonds, état de tranquillité ou d’agitation des flots. Comme à la surface du sol, on note dans les couches les plus extérieures d’une masse d’eau une température ])lus élevée d’un degré environ que celle de l’air immédiatement en contact avec le liquide. Dans les lacs des régions alpines, la temi)érature super- REVUS DES JOURNAUX ÿi ficielie (le l’eau est inférieure de 1 à 3 degrés à celle de l’air, tandis que dans les lacs de l’Italie septentrionale l’inverse se produit, l’eau présen¬ tant de 1 à 3 degrés de plus que l’atmosphère. Les couches profondes des mers, subissant moins les variations de la surface, possèdent des températures moins extrêmes, la chaleur oscille de 25 à 15 degrés dans l’Atlantique jusqu’à 110 et 130 mètres de profon¬ deur, puis elle reste stationnaire à 3 degrés au niveau de 1,000 mètres, à 2 degrés à partir de -3,000 mètres. Dans les mers fermées comme la Méditerranée, les plus grandes variations de température ne dépassent pas les 30 premiers mètres et aux profondeurs considérables, la chaleur est celle de l’hiver moyen à la surface. Forel, Richter, De Agostini et l’auteur ont entrepris pendant l’été et l’automne des recherches sur la température des lacs de la Suisse et de l’Italie; le résultat de leurs observations indique une stratification ther¬ mique suivant une loi assez constante : une première couche d’épaisseur variable dans les différents lacs et pouvant aller jusqu’à 10 mètres ne donne que des variations de température insignifiantes ; à partir de là un abaissement rapide se fait jusqu’à 30 mètres environ ; le degré reste stationnaire alors jusqu’aux couches les plus profondes. Un tableau numé¬ rique et une courbe graphique consignent les indications recueillies pour les lacs suivants : Léman, Orta, Majeur, Lugano, Côme, Garde, Davino à 2,2Si mètres d’altitude avec 20 mètres de profondeur, le lac artificiel formé par les deux réservoirs et le barrage de Gorzente. Les études faites par Pagliani sur ce dernier ouvrage lui ont permis de constater que la couche d’eau relativement froide qu’on observe à partir de 10 mètres ne persiste pas, si on y pratique une prise d’eau dont le courant rompt l’équilibre thermique et ramène une température plus élevée. De ce fait et de la congélation des lacs en hiver il résulte de graves inconvénients, si on alimente une ville avec de l’eau de cette prove¬ nance, car en été on distribue une eau qui n’a pas la fraîcheur qu’oa prévoyait. A Gorzente, l’eau du réservoir au repos a 7 degrés à lü mè¬ tres de profondeur, tandis qu’elle atteint 13 degrés lorsqu’on ouvre le canal de dérivation. Comme les couches profondes des lacs ont une tem¬ pérature voisine de zéro en hiver, une eau aussi froide distribuée à une population serait dangereuse pour la santé ou exigerait une dépense de combustible pour la ramener à un degré potable ; en outre elle serait exposée à entraîner des dégâts dans la canalisation à cause de sa congé¬ lation à peu près inévitable dans les climats un peu rigoureux des pentes des Alpes. F.-H. Renaut. Was kônnen wir SoUnger in Bezug auf die Uesserung der Gesundheits- verhallnisse der Melallschleifer von unsei'er Conkurrenzstadl Sheffield lernen '! (Quel bénéfice peut-on retirer à Solingen pour l’amélioration de l’industrie des aiguiseurs de l’étude des conditions sanitaires de Sheffield), par le D'' Rompes (de Solingen) {Viertelj. f. gerichtl. müedicin und ojf. REVUE DES JOURNAUX S5 SünilàUivesen, octobre iOOO, et Centrabl. /'. allg. Gesaundh, 1900, p. 299). La concurrence industrielle dans la fabrication de la coutellerie en Allemagne et en Angleterre a déterminé depuis une dizaine d’années une lutte très sérieuse entre les deux villes rivales, Solingen et Sheffield, pour an'iver à la prépondérance sur le marché mondial ; aussi n’esl-il pas sans intérêt de résumer le résultat des observations faites dans les usines de Sheffield par un médecin très compétent de Solingen pendant un séjour en Angleterre au mois d’aoùt de l’année dernière. A Sheffield, la fabrication s’étend à tous les articles en fer et en acier, -depuis la pièce la plus grossière en fonte jusqu’à l’aiguille la plus fine ; mais la fabrication des armes blanches n’y est pas localisée et le centre de production le plus important pour celte spécialité est Hirmingham. On compte 1,350 usines à Sheffield, où travaillent des femmes, des enfants et des hommes adultes. L’aspect extérieur des usines anglaises est fort peu riant en raison de la vétusté habituelle des bâtiments ; ce qui contraste avec l’élégance rela¬ tive des constructions récentes, qui se sont élevées dans l’ouest de l’Alle¬ magne par suite de l’extension si rapide de l’industrie métallurgique. L’intérieur des ateliers donne aussi une impression défavorable en raison de l’insuffisance de l’éclairage et de l’exiguïté des pièces ne contenant que six à huit ouvriers. L’aiguisage à sec est peu en usage et .se fait dans des locaux spéciaux ; l’opération humide n’exige pas les :némes précautions, ce qui explique le petit nombre d’appareils de ventilation et d’aspiration de poussières, appareils qui fonctionnent fort mal d’ailleurs. Une réglementation très minutieuse est destinée à parer aux accidents par éclatement des pieires de meule : ils seraient assez fréquents ii Shef¬ field puisqu’en 1890 et 1897 ils se seraient élevés au chiffre de 40, tous d’une certaine gravité et quel(|ues-uns mortels ; les prescriptions concer¬ nent la qualité des pierres, leur entretien et leur surveillance; les meules et les moyens de transmission de force doivent être protégés et enve¬ loppés plus ou moins complètement; des inspecteurs tant industriels que médicaux sont chargés de veiller à l’exécution des mesures de protection et d’hygiène ; mais, au dire de l’autuur, ces recommandations paraissent trop souvent enfreintes. La conjparaison n est donc pas à l’avantage de Sheffield et on est sur¬ pris d’avoir à enregisli-er de tels manquements aux règles de riiygicnc la plus élémentaire, quand on connaît les exigences du confort anglais se répercutant jusque dans la classe ouvrière pour les habitations privées. A l’appui de son assertion, l’auteur rapporte l’avis d’un ingénieur anglais qui, à la suite d’un voyage en Allemagne, reconnaît que l’hygiène de l’atelier et de l’ouvrier y est surveillée d’une façon beaucoup plus stricte (lu’en Angleterre. Il est important de signaler la différence de posture des artisans anglais et allemands pendant l’aiguisage : à Sheffield, l’ouvrier se lient légère¬ ment penché en arrière, au-dessus de la meule, sur laquelle il maintient l’objet à travailler avec les bras étendus : la meule tourne dans lu même sens que ses mouvements d’extension qui ne font que retenir la pièce à KEVUE DES JOURNAUX aiguiser et la poussière est entraînée en avant ; de la sorte la respiration se fait largement en attirant très peu de corps étrangers dans les voies supérieures. L’ouvrier de Solingen, au contraire, est fortement courbé sur un escabeau au-dessus de la meule, il appuyé le coude sur le genou et l’avant-bras contre le lliorax pour presser l’objet sur la meule, qui, tournant contre l’ouvrier, repousse la pièce et envoie la poussière sur le visage, d’où gène de la respiration par constriction du côté droit et absorption facile des poussières ; on déduit facilement les avantages et les inconvénients de l'ime et l’autre de ces positions devant la meule tournant dans des sens différents à Solingen et à Slieffield ; ici on a sans doute trouvé dans cet étal de choses une raison pour négliger les instal¬ lations de ventilation et d’aspiration de poussières. Il n’y a pas de réglementation uniforme des heures de travail et de repos dans les usines de Shefrield, où la durée du travail effectif est en moyenne de neuf heures à neuf heures et demie. L’alcoolisme y est peu répandu parmi les ouvriers où les sociétés de tempérance recrutent lai'ge- ment. l.es exercices corporels et les sports sont beaucoup pratiqués les jours de chômage. Le logement est généralement confortable ; la maison de famille prédomine et on compte peu de cités ouvrières à étages, malgré la densité de l’agglomération, qui atteint presqu’un demi-million d’habitants avec la banlieue. A Solingen, malgré une population beau¬ coup plus faible, les conditions des logements des ouvriers sont beaucoup plus défectueuses, en raison du nombre relativement considérable rési¬ dant dans l’intérieur de la ville. Aussi avec ce surpeuplement, la mortalité par maladies de poitrine atteint 72,5 p. 100 à Solingen, tandis ([u’elle ne dépasse pas 61,7 à Sheffield. Malgré les défectuosités hygiéniques incontestables des ateliers de celle dernière localité, les avantages de santé des ouvriers anglais peuvent être attribués à l’altitude plus favorable du corps pendant le travail, à une absorption peut-être moindre de poussières, à un genre de vie plus régulier et à une meilleure habitation. F.-H. Renaut. Sulla queslione igienica delle storiglie di terra colla (Sur la ques¬ tion hygiénique des ustensiles en terre cuite), par le D*’ Uualdo Mussi (Giornale délia ft. Sociàlà Ilaliana d’iglene, 30 janvier 1900, p. 1). _ La question est de savoir si nos aliments peuvent s’altérer au contact de l’enduit vernissé recouvrant les poteries destinées ii la cuisine, enduit composé d’aluminate et de silicate de plomb, provenant de l’action de la chaleur sur l’argile et sur le plomb. L’auteur recherche le degré d’acidité des assaisonnements et condiments entrant dans les préparations culi¬ naires ; il étudie spécialement la tomate d’usage constant dans la cuisine italienne, soit à l’état frais, soit en conserve. Ce légume présente une acidité de 0,25 p. 100 dans la variété rouge et de 0,35 dans la variété verte ; celle acidité due à l’acide citrique s’est élevée à 0,60 p. 100 dans un potage et à 0,93 dans une sauce concentrée ; ces chiffres calculés en acide acétique démontrent le degré peu élevé de l’acidité de l’alimenta¬ tion courante. REVUE DES JOURNAUX 87 Le règlement italien du 3 août 1890 sur la surveillance des aliments, boissons et objets à usage domestique signale que les ustensiles revêtus d’une couche - vernissée ou émaillée peuvent après une demi-heure d’ébullition avec du vinaigre renfermant 4 p. 100 d’acide acétique aban¬ donner des parcelles de plomb. Cette proportion d’acidité est exagérée dans les usages de la cuisine ordinaire ; de plus, si la cuisson des pote¬ ries a été bien exécutée, l’enduit vernissé ne cédera aucune trace de plomb, même avec une quantité plus considérable d’acide acétique. Ce der¬ nier est volatil et exige des précautions spéciales pour conserver le titre de ses solutions à la teméprature de la vapeur d’eau ; après trente minutes d’ébullition, du vinaigre à 4 p. 100 se concentre à 8 p. 100 ; ce qui peut devenir une cause d’erreur dans les expertises judiciaires. Une autre cause qui peut fausser les résultats d’analyse consiste dans l’absence de lavage préalable des récipients neufs en terre cuite, précaution sur laquelle le réglement en question reste muet ; il a été cependant établi que la poterie vernissée peut présenter parfois à sa sortie du four une légère couche de poussière de plomb. En raison du peu d’acidité des aliments crus ou cuits, cette poterie môme mal fabriquée exposerait fort peu aux accidents saturnins, d’autant plus que la faible quantité de plomb trouverait toujours dans les ali¬ ments eux-mêmes de l’acide sulfurique anhydre pour former un sulfate insoluble. Le vernis plombifère est donc absolument sans nocuité par lui- même : il convient seulement de recommander aux fabricants de sur¬ veiller tout particulièrement le passage au four des ustensiles en terre destinés à la cuisine et aux acheteurs de prendre la précaution de laver les vases avant de s’en servir et d’y faire bouillir pendant une demi-heure de l’eau acidulée avec un peu de vinaigre. F. -H. Rbnaut. Prestiti per opéré concernenti la igiene pubblica e per deviazione e conduUura di acque potabili (Emprunts pour les travaux d’hygiène publique et pour l’adduction des eaux potables) (Giornale délia R. Socielà Uallana d'igieae, 31 janvier 1900, p. 33). Dans sa séance du 10 décembre 1899, la Chambre italienne a discuté un projet de loi favorisant l’hygiène publique dans les petites communes. L’article F’’ autorise la Caisse des dépôts et consignations à concéder jusqu’au 30 juin 1905 aux municipalités du Royaume représentant une population inférieure à 10,000 habitants des prêts remboursables en 35 ans avec un intérêt de 3 p. 100 ; chaque emprunt ne peut excéder 20,000 francs et la somme totale avancée ne doit pas dépasser trois mil¬ lions par an. Ce projet est le complément et le perfectionnement d’une loi sur le même objet, qui fut en vigueur pendant dix années de 1887 à 1897, période durant laciueile 983 emprunts furent contractés pour une somme totale de 13 millions et demi. La limite décennale de 30 millions ne fut pas atteinte parce que des commnnes de plus de 10,000 hahittants ne purent bénéficier de cette faveur et parce (juc d’autres avaient à entre¬ prendre des travaux de plus de 20,000 francs. REVUE DES JOUH?“.37 Oxyde de carbone . 7h*',62 C’est-à-dire qu’en moyenne, 7‘,6 d’oxyde de carbone se forment tous les jours à Paris, gi*âce aux combustions de toute sorte, par chaque mètre carré de superficie. Les analyses précédentes permettent de se rendre assez approxi¬ mativement compte, dé la composition des fumées ordinaires, de la proportion des matériaux solides et gazeux qu’elles transportent, et môme du degré de leur diffusion dans l’air, à la condition qu’on connaisse la nature et la quantité du combustible qu’on brûle en LE PROTECTIVE HYDROFUGE 109 moyenne chaque jour à Paris. Ces données nous permettent donc d’établir un premier calcul approximatif de la pollution de l’air de la ville par les gaz qui s’échappent, plus ou moins abondamment, suivant les saisons et les lieux, des deux millions de bouches de cheminées de ses soixante-treize mille usines, théâtres, hôtels et maisons particulières. Nous verrons, dans les 2“ et 3' parties de ce travail, dans quelle mesure la réalité des faits et le dosage direct de la pollution de l'atmosphère parisienne viennent confirmer ces prémisses. [A suivre.) LE PROTECTIVE HYDROFDGE DANS LE PANSEMENT DES PLAIES Par le B' CATHOIRE Médecin-major de l’année. De l'infection des plaies. — L’infection des plaies par les germes peut se faire de deux façons : par les germes extérieurs, d’une part; par les germes existant normalement dans la peau d’autre part. Les germes de la peau, pour avoir été les plus longtemps ignorés, ne sont pas les plus à dédaigner ; les recherches récentes sur l'asepsie des mains des chirurgiens sont là pour nous montrer à quel point la désinfection parfaite de la peau est un mythe. Quant aux germes extérieurs, comment arrivent-ils sur les plaies ? Les objets vulné- rants sont toujoiu-s souillés, et ce n’est guère que pour les plaies opératoires que l’on peut rêver une asepsie absolue. Les pansements également peuvent apporter les germes de l'infection des plaies; bien que les pansements sales soient aujourd’hui rai’es, il est néan¬ moins difficile d’applique)- un pansement parfaitement stérile; et s’il peut être à la rigueur absolument aseptique, peut-il longtemps demeurer tel ? L’air est le véhicule de tous les germes de l’infection; ces germes y flottent avec les poussièi-es et se déposent partout sur les surfaces; toute l’atmosphère autour de nous est dangereuse, et c’est en partie pour nous soustraire à cette source de dangers que nous faisons des pansements. Le pansement ouaté de Guérin le premier chercha à parer à ce 110 D' OATHOroE danger, étant donné cette notion que l’air filtré à travers l’ouate s’y purifiait de tous germes. Plus tard, avec Lister et l’antisepsie, on eut recours aux désinfectants chimiques, imprégnant les pansements enveloppés de protectives imperméables; mais ces protectives, s’ils donnaient des garanties contre les germes extérieurs, avaient le grave inconvénient, aujourd’hui bien connu, d’aider la pullulation des germes enfermés sous eux dans les plaies ou pansements. On est revenu de l’emploi des protectives en même temps que la confiance aux antiseptiques diminuait, et le pansement ouaté a repris toute sa vogue, aujourd’hui que l’asepsie lui a donné toute garantie d’innocuité. Le pansement ouaté, filtre aérien permettant l’accès de l’air et lè drainage par évaporation des plaies tamponnées de matériaux de pansement absorbants, semble le dernier progrès de la méthode chirurgicale; les expériences de Préobajensky ‘ et la mise en pra¬ tique heureuse du pansement physique concordent à nous donner les plus grandes espérances en son efficacité. Toutefois le pansement absorbant a besoin d’être suffisamment épais pour que sa surface ne puisse se souiller quand il est- traversé jusqu’à la périphérie par les exsudais de la plaie ; cette condition est, en effet, particulièrement favorable à l’infection de dehors en dedans. U en résulte qu’on est forcé ou bien d’augmenter l’épais¬ seur des couches de coton, ce qui gêne l’évaporation, ou bien de renouveler fréquemment les pansements. I^e proteciive hydrofuge. — Le renouvellement fréquent des pansements dans les plaies suintant beaucoup, simplement coûteux et ennuyeux dans la pratique civile, devient en chirurgie d’armée une impossibilité presque absdlue. Le coton est un matériel encom¬ brant, aussi les médecins militaires doivent-ils en être très ména¬ gers et c’est pour cela que le protective caoutchouté demem-e malgré tout ime nécessité pom- eux. Nécessité fâcheuse ; c’est pourquoi nous avons cherché à remplacer les grandes épaisseurs d’ouate par une couche plus mince filtrant suffisamment l’air, permettant l’éva¬ poration et ne se laissant pas imprégner par les exsudais de la plaie ou les liquides septiques extérieurs, c’est-à-dire un protective hydro¬ fuge filtre aérien. 1. PBÉOBAJrE^SKY, Bases physiques du traitemeut Annales de l’Institut Pasteur, 1897, p. 699. antiparasitaire des plaies. LE PROTECTIVE HYDROFUGE 111 Une étude antérieure sur ime méthode d’imperméabilisation hydrofuge des étoffes i nous permettait d’espérer la réalisation de ce vœu ; nous avons donc sondé ce terrain et les résultats nous ont paru intéressants. Qu’on nous permette d’abord de rappeler qu’un tissu hydrofuge est un tissu qui, tout en gardant sa perméabilité gazeuse, par suite, permettant l’évaporation à travers ses mailles, ne se laisse pas tra¬ verser par l’eau qui mouille sa surface, en raison d’une sorte de répulsion qu’expliquent les lois de la capillarité. Les tissus hydro- fuges prennent également beaucoup moins d’eau hygrométrique et restent par suite beaucoup plus secs que les tissus ordinaires quand on les met dans une atmosphère humide. Nous avons utilisé, pour rendre hydrofuges les étoffes, l’alumine et par-dessus la paraffine, corps neuti’e au point de vue chimique, neutre aussi au point de vue biologique, offrant par suite, pour l’emploi qui nous intéressait, toute garantie de n’être pas un milieu de culture favorable aux germes. L’adjonction de certaines subs¬ tances antiseptiques, le salol, par exemple, peut même, sans nuire aux qualités hydrofuges de l’étoffe, accroître sa garantie contre l'invasion par les colonies microbiennes. Nous n’avons toutefois pas poussé loin nos recherches sur ce point, les expériences avec les tissus simplement aiuminés et paraf¬ finés nous ayant donné des résultats satisfaisants. Nous avons choisi pour notre protective le tissu de coton , qui, par sa structure plus enchevêtrée, par sa souplesse et son moindre prix de revient, nous paraissait plus indiqué; plus spécialement la toile de coton très fine et serrée, commercialement connue sous le nom de shirting renforcé, et cet autre tissu de coton utilisé en chi¬ rurgie sous le nom de lint. Ces étoffes , préalablement décaties , étaient aluminées par l’im¬ mersion dans un bain chaud à 6 p. 100 d’acétate d’alumine et par le passage dans un bain de carbonate de soude de la même teneur; après séchage, on ^les paraffinait ensuite en les trempant dans une solution de : Paraffine ordinaire fusible à 52" _ 20 grammes. Vaseline naturelle Chesebrough .... . 10 — Essence légère de pétrole . 1 litre. 1. Revue t hygiène, 1900. 112 D' CATHOIRE Après un léger essorage suivi d’évaporation à l’air libre, les étoffes se trouvaient préparées, nullement modifiées dans leur consistance ou leur aspect, hydrolüges suffisamment et gardant cette qualité après le passage à l’étuve sèche à 140 degrés. Nos recherches expérimentales ont porté : 1® sur la filtration de l’air à travers nos étoffes ; 2° sur leur résistance de pénétration par les liquides septiques; 3“ sur leur résistance à la pénétration des germes sous l’influence des frottements ; 4® sur la diffusion des germes en nappes dans les pansements. Pour cela, nous avons usé d’une technique minutieusement aseptique. Nous ne répéterons pas au cours de nos expositions le détail des précautions scrupuleusement observées, nous les signale¬ rons ici dans leur ensemble. Nous avons toujours stérilisé au préalable à l’étuve sèche à 140de- grés les ballons, tubes et récipients de verrerie que nous utilisions; il en a été de même pour les tissus. Les liquides, stérilisés au préa¬ lable à l’autoclave sous pression à 120 degrés, étaient transvasés avec toutes les précautions possibles dans les récipients d’expériences, eu.x-mémes stérilisés, dont nous flambions les bouchons de coton de fermeture; le transvasement et toutes les manœuvres qui sui¬ vaient étaient faites au-dessus de l’étuve sèche allumée et décou¬ verte, dans l’atmosphère stérile du courant ascendant d’air chaud. Nos étoffes stérilisées n’étaient aussi maniées que dans cette atmos¬ phère, avec des pinces rigoureusement flambées, de façon à ne jamais nous exposer à les souiller avec les mains. Quant aux matières de pansement destinées à être garanties sous les étoffes hydrofuges, leurs prélèvements ultérieurs étaient facilités par l’inclusion préalable, en des points repérés, de petits fragments découpés. Nous compléterons ces données générales en disant que nous avons utilisé du bouillon de viande peptonisé de réaction neutre ou faiblement alcaline. FiUration de l’air. — Nous savons que l’air filtrant à travers un bourdonnet de coton en sort absolument stérile ; pareil effet se pro¬ duit dans la filtration à ti-avers une étoffe de coton serrée et suffi¬ samment épaisse. Pour nous en assurer, nous avons pris un ballon de verre de ISO grammes, rempli de bouillon de viande peptonisé. Le bouchon LE PROTECTIVE HYDROFUGE 113 qui le fermait hermétiquement était traversé par deux tubes ; l’un , à entonnoir extérieur de 5 centimètres de diamètre , garni comme un pot à confiture de deux épaisseurs de toile fine de coton hydro- fuge, plongeait jnsqu’au fond du ballon; l’autre, recourbé et scellé extériem'ement à la lampe, ne descendait pas au-dessous du col du ballon dans la partie non garnie de bouillon {Fig. 1). F'g. 1. Fig. 2. Fig. Le tout étant stérilisé, on mettait le tube scellé en rapport par un tuyau de caoutchouc avec le tube .d’aspiration d’un vase de Mariette s’écoulant à la pression constante de 3 centimètres d’eau, on brisait dans le caoutchouc la pointe scellée et l’air du laboratoire aspiré barbottait dans le bouillon après avoir filtré à travers l’étoffe tendue sur l’entonnoir de verre. Le tube d’aspiration étant ensuite de nouveau scellé à la lampe, le ballon mis à l’étuve est resté indemne durant six mois. Au bout de ce temps, une nouvelle aspiration a été faite avec la trompe à eau fonctionnant pendant cinq minutes à la pression de 40 de mercure; le ballon est resté stérile encore. L’air se filtre donc complètement à travers le tissu de coton; mais cette barrière contre l’infection est-elle efficace sur une grande profondeur ? Pour nous en rendre compte nous avons retourné le ballon, de telle sorte que le bouillon vînt toucher le feuillet infé¬ rieur du double tissu de coton hydrofuge qui fermait l’entonnoir et s’y ensemençât le cas échéant; le bouillon est encore resté stérile, REV. D^HYG. XXni. — 8 114 D' CATHOIRE les germes n’avaient donc pas dépassé l’épaisseur de la première étoffe. Protection contre les liquides septiques. — Le protective hydro- fuge assure, comme le tissu de coton ordinaire d’ailleurs, l’immu¬ nité de ce qu’il recouvre contre l’invasion par les germes de l'air. Comment se comporte-t-il vis-à-vis des germes en suspension dans les liquides? Pour nous en assurer nous avons expérimenté comparativement des tissus hydrofuges et des tissus témoins. Nous avons pris des tubes à essai remplis de bouillon et coiffés de toile de coton au moyen de liens serrés, le tout stérilisé et aseptiquement préparé ; puis, prenant des cultures microbiennes dans des milieux liquides, nous avons déposé quelques gouttes de ces cultui'es à la surface des coiffes de fermeture. En retournant de temps en temps ces tubes, leur contenu venait s’ensemencer à la face profonde du tissu témoin humecté, tandis que pour le tissu hydrofuge, bien que l’opération fût renouvelée fréquemment, le bouillon restait stérile, la face profonde étant demeurée indemne de toute infiltration sep¬ tique. La même expérience fut faite sans retourner les tubes. Pour cela, nous avons relié les coiffes au bouillon des tubes au moyen de lanières de tissu perméable qui, repliées et pincées en haut sur le rebord des tubes, accolées par suite à la face profonde des enve¬ loppes extérieures, s’imbibaient de bouillon par capillarité. La liga¬ ture des coiffes était faite bien entendu au-dessous de l’extrémité supérieure repliée de ces lanières. Dans ces conditions les lanières s’ensemençaient à la face profonde du tissu témoin, alors qu’elles restaient stériles au contact de la face profonde du tissu immunisé; en conséquence les tubes coiffés de tissu perméable se troublaient, et les tubes coiffés de coton hydrofuge demeuraient clairs malgré l’ensemencement de leur surface. Cette résistance contre la péné¬ tration des germes en suspension dans l’eau peut être assez grande; un tube à essai garni de bouillon et fermé par une seule épais¬ seur de protective hydrofuge a été laissé pendant quatre mois recouvert de 3 centimètres d’eau chargée de bacille pyocyanique, sans que cette eau troublât par filtration le contenu du tube. L’en¬ semencement se fit au bout de ce temps en pratiquant dans le pro¬ tective une légère brèche par où une goutte d’eau put passer. Propagation des germes dans les tissus mouillés. — Nous avons LE PROTECTIVE HYDROFUGE IIS TU que le protective retenait à sa surface les germes de l’air filtrant à travers le tissu. Ces germes peuvent, fbien entendu, se déposer sans qu’il y ait aspiration à travers le tissu ; dans l’un et l’autre cas, il y a imprégnation en surface, imprégnation plus ou moins pro¬ fonde, mais nous avons vu qu’elle ne dépasse pas, même avec une aspiration énergique, une épaisseur de tissu sec. •En est-il de même pour les tissus mouillés? Nous avons vu, dans les expériences précédentes, qu’avec les tissus témoins imprégnés de bouillon par capillarité, l’ensemencement superficiel gagnait dans la profondeur pour doubler le contenu des tubes. Lorsque l’on fait cette même expérience, non plus en ensemençant la surface des coiffes avec des cultures, mais en les abandonnant à l’air libre, on obtient des résultats identiques, les poussières de l’air venant sup¬ pléer au défaut d’ensemencement volontaire. Toutefois, quand on emploie des bouillons peu nutritifs et à plus forte raison de l’eau pure simplement stérilisée, les germes déposés à la surface mouillée de l’enveloppe y demeurent sans pénétrer dans la profondeur, quand l’évaporation n’est pas entravée. Les expériences de Preo- bajensky avaient déjà bien démontré ce fait que nous avons contrôlé pour les milieux liquides peu nutritifs. Il nous a paru intéressant de relater nos recherches qui, bien qu’orientées dans le même sens et sous une forme analogue, semblent nous avoir conduit à des conclusions un peu plus avancées. Pour nous rendre compte de la propagation des germes dans les tissus mouillés par des liquides non nutritifs, nous avons pris des ballons de 50 centimètres cubes, à col évasé en entonnoir. Les ballons étaient remplis d’eau distillée, et l’entonnoir était gai'ni de gaze dont une lanière trempant dans le contenu du ballon mainte¬ nait par capillarité le reste imbibé. Par-dessus la gaze, une coiffe d’étoffe de coton soigneusement tendue et ficelée fermait l’entonnoir- elle reposait ainsi directement sur la gaze sous-jacente (Fig. 2). Le tout, stérilisé et préparé aseptiquement, était déposé à l’air libre ; la fermeture en toile de coton ordinaire s’imbibait, bien entendu, pai- capillarité au contact de la gaze mouillée qu’elle recouvrait ; les enveloppes en tissu hydrofuge restaient sèches ; dans les deux cas l’évaporation se faisait ainsi que l’on s’en rendait compte par la baisse de niveau du liquide dans les ballons. Au bout de un jour ou deux, on découvrait aseptiquement les entonnoirs et une prise était faite à la surface de la gaze mouillée, directement sous les enve- 116 D' CATHOIRE loppes. De ces prises, préparées à l’aYance comme nous l’avons indiqué, recueillies avec toutes les précautions possibles, on ense¬ mençait des tubes de bouillon. Les résultats ont été les suivants : Tant que l’évaporation s’était faite librement à la surface des entonnoirs laissés à l’air libre, gi-âce à la sécheresse de l’atmos¬ phère, les ensemencements ont été négatifs, même quand on avait porté quelques gouttes de cultures actives à la surface des enve¬ loppes. Quand, au contraire, l’évaporation avait été enrayée par un état de tension maximum de la vapeur d’eau dans l’atmosphère ambiante, ce qui arriva les jours de pluie, les ensemencements ne furent positifs que lorsqu’ils avaient été faits avec la gaze prélevée sous les ballons coiffés de tissu de coton ordinaire. Les ballons coiffés de tissu de coton hydrofuge, resté sec dans ces mêmes conditions, gardèrent indemne la gaze ainsi recouverte ; les tubes de bouillon ensemencés avec cette gaze restèrent stériles. On arriva au même résultat expérimental en mettant sous une cloche, avec un cristallisoir rempli d’eau, les ballons dont la sur¬ face et la coiffe avaient été au préalable exposées à des poussières atmosphériques. Pénétration des geimes sous l'influence des frottements. — Les expériences précédentes, en concordance avec celles de Préobajensky, nous amènent donc à cette conclusion que des pansements mouillés par des liquides non nutritifs peuvent être laissés impunément à l’air libre sans crainte de les voir s’infecter en profondeur, tant que l’évaporation se fait librement; mais cette garantie n’existe plus avec les liquides nutritifs. Elle n’existe pas non plus pour les pan¬ sements imbibés d’eau quand ces pansements sont soumis à des frottements. Nous avons constaté cette dernière proposition en répétant l’ex¬ périence précédente, à savoir avec des ballons à entonnoirs garnis de gaze tassée, maintenue humide par une lanière qui trempait dans l’eau du ballon, la gaze des entonnoirs étant protégée par des enve¬ loppes de tissu de coton hydrofuge ou ordinaire ; nous prenions seulement le soin de pratiquer deux fois par jour une friction légère et courte avec la pulpe du doigt non lavé, sur la surface des entonnoirs de nos ballons abandonnés à l’air libre. Dans ces condi¬ tions, au bout de vingt-quatre heures, l’ensemencement de tubes de bouillon avec des fragments de la gaze superficielle donnait un LE PROTECTIVE HYDROFUGE 117 résultat positif pour les coiffes de tissu de coton ordinaire; par contre, les coiffes hydrofuges ne s’étaient pas laissé traverser par les germes et avaient maintenu aseptique la gaze sous-jacente. Sous une autreforme, nous avons recherché quellegarantie l’on donnait aux pansements froissés, en les recouvrant de proteclive hydrofuge. Nous avons confectionné des sachets en lint imperméabilisé par notre méthode et en lint ordinaire; ces sachets contenaient de la gaze à pansement simple. Après les avoir stérilisés à l’étuve sèche à 140 degrés, nous les avons souillés par la projection dans une boîte à ordures, où nous les avons tritm’és et aspergés d’eau. Les sachets, mis ensuite à l’étuve à -)- 37 degrés pendant quarante-huit heures, étaient ouverts aseptiquement d’un coup de ciseau, et, avec des fragments, préparés à l’avance, de la gaze placée directement sous l’enveloppe, on ensemençait des tubes de bouillon. Le résultat de l’ensemencement fut positif avec le sachet témoin en lint ordi- paire, tandis que les tubes ensemencés avec la gaze enfermée sous le lint hydrofuge demeurèrent stériles. La même expérience fut faite avec des sachets portés dans la poche intérieure d’une capote de fantassin un mois durant; le résultat fut également un ensemencement négatif pour le contenu du sachet en lint hydrofuge, un ensemencement positif pour le contenu du sachet témoin et pour celui d’un sachet constitué avec les deux enve¬ loppes du paquet de pansement individuel réglementaire dans l’armée. Cette garantie des pansements humides contre l'invasion des germes extérieurs, même quand l’évaporation peut se produire, n’est donc pas aussi certaine qu’on pouvait l’espérer expérimentale¬ ment , puisque dans la pratique ces pansements sont exposés à des frottements légers, quelques précautions que prennent les malades. Il faut ajouter qu’il n’est pas toujours possible de mettre les malades dans un milieu sec où la tension de vapeur d’eau ne soit pas au maximum, condition facile à réaliser dans une salle chauffée. Pour toutes ces raisons, il est donc prudent d’employer le protective hydrofuge qui donne toute garantie contre ta pénétration des germes de l’air. Recherches sur la diffusion des germes en nappe dans les panse¬ ments infectés. — Il était intéressant ausside rechercher si la diffu¬ sion des germes en nappe pouvait se faire dans les conditions du pan¬ sement évaporant. La chose présentait d’autant plus d’intérêt, que 118 D' CATHOIRE nous savons combien dans la pratique il est difficile de désinfecter la peau ; par conséquent, une plaie quelconque garde toujours à côté d’elle, dans les zones environnantes du tégument externe, une cause d’infection qui, si elle s’étend en nappe, peut arriver jusqu’à elle. Nous avons procédé aux expériences précédentes sous une forme un peu 'différente qui nous a éclairé sur ce point. Nous avons pris des petits bocaux de 4 centimètres de diamètre d’ouverture. Ces bocaux, garnis d’eau distillée, étaient fermés par une compresse de gaze pliée à plusieurs épaisseurs, tendue et fixée autour du col par un lien élastique. La compresse portait en son milieu une lanière qui, trempant dans le bocal, s’humectait par capillarité. Dans l’épais¬ seur des doubles de gaze, on avait déposé au préalable, en un point marqué près du bord du goulot^ un petit fragment de gaze. Le tout était stérilisé, puis on déposait à la surface de la gaze de fermeture, en un point diamétralement opposé à celui où était inclus le frag¬ ment préparé de gaze quatre ou cinq gouttes de culture de bacille pyocyanique. Un des bocaux était laissé libre, l’autre recouvert de tissu imperméable caoutchouté, et le tout mis à l’étuve à 37“. Au bout de vingt-quatre heures, on faisait aseptiquement une prise des fragments de gaze inclus dans l’épaisseur des compresses, humec¬ tées par capillarité par l’intermédiaire des mèches. Les fragments recueillis étaient mis avec toutes les précautions possibles dans des tubes de bouillon ; au bout de vingt-quatre heures d’étuve, on cons¬ tatait un ensemencement positif de bacille pyocyanique pour le bocal caoutchouté, un ensemencement négatif pour le bocal libre et s’évaporant. Les deux compresses des bocaux étaient également imbibées par l’eau aspirée par les lanières ; la seule différence con¬ sistait en ce que pour l’une, l’eau se renouvelait au fm* et à mesure de son évaporation et les germes étaient restés cantonnés au point où on les avait déposés ; pour l’autre, la même eau stagnante l’avait imbibée et les germes s’étaient diffusés dans toute sa largeur. Le même résultat était obtenu en remplaçant le tissu caoutchouté du bocal par la mise sous cloche dans l’étuve avec im cristallisoir rempli d’eau. Comment l’évaporation agit -elle sur le développement des cultures ? — Dans les pansements qui s’évaporent, les colonies microbiennes ne s’étendent donc pas plus en nappe qu’en profon¬ deur ; il y a, semble-t-il, autre chose qu’une action purement méca- LE PROTECTIVE HYDROFUGE 119 nique, autre chose qu’un phénomène de dialyse; c’est ce que nous avons cherché à éclaircir, si minutieuse que fût cette recherche. Pour cela nous avons pris un petit ballon à deux tubulures étroites et courtes terminées en entonnoir, et pourvu d’une ouver¬ ture latérale scellée k la lampe. Le ballon était garni d’eau et une anse de gaze plongeant dans cette eau venait par ses extrémités garnir les deux entonnoirs, dont l’un était recouvert d’un simple tissu de coton, l’autre de tissu caoutchouté. Le tout étant stérilisé an préalable, on ensemençait l’eau du ballon, avec un peu de cul¬ ture de pyocyanique, pai* l’ouverture latérale, ensuite rescellée, et le tout était mis à l’étuve {Fig. 3). Dans ces conditions, la mèche de gaze qui garnissait l’entonnoir recouvert de simple tissu de coton était soumise à l’évaporation, et le liquide du ballon y montait peu à peu pour remplacer les quan¬ tités disparues; dans l’entonnoir clos, au contraire, il y avait sta¬ gnation et la mèche demeurait imprégnée de la même eau dont elle s’était imbibée avant l’ensemencement. Au bout de quarante-huit heures, des prises étaient faites à la surface de la gaze des deux entonnoirs et on ensemençait des tubes de bouillon. Le résultat était un ensemencement positif de pyocyanique pour la mèche sans évaporation, un ensemencement négatif pour la mèche évaporante, bien que cette dernière eût été imbibée par le contenu contaminé du ballon. Le résultat fut négatif pour l’exti-émité évaporante de la mèche jusqu’à ce que le ballon fût vide ; ta partie inférieure de cette mèche, un peu au-dessus de l’endroit baigné au début de l’expé¬ rience, donnait par contre un ensemencement positif. L’ascension par les lois de la capillarité à travers la lanière de gaze suffisait donc à filtrer la culture du ballon ; cette culture ne se développait pas dans les mailles de la gaze, du côté où le liquide s’évaporait, comme elle le faisait de bas en haut du côté de la mèche imprégnée d’eau stagnante. Il convient toutefois de noter que la même diffé¬ rence ne s’observait pas quand on ensemençait le ballon d’eau avec du bouillon en quantité suffisante pour le transformer en milieu relativement nutritif. La conclusion logique à en tirer est que l’évaporation entrave le développement des colonies microbiennes dans les pansements et les plaies et n’agit pas seulement mécaniquement en empêchant leur endosmose à travers les tissus. D' CATHOIRE Conclusions. — L’évaporation étant une condition défavorable à l’infection des plaies, doit être scrupuleusement favorisée ou assurée dans les pansements ; la chose a été d’ailleurs bien démon¬ trée déjà par Préobajensky. Nous avons vu de quel secours l’évaporation pouvait être contre la pullulation, dans les pansements, des germes qui peuvent exister àla surface des plaies, labarriëre qu’elle apportait à l’ensemencement des plaies indemnes de toute infection par les microbes avoisinants de la peau ou par ceux venant souiller la surface du pansement. Toutefois cette garantie n’est pas suffisante contre le dehors; pour la détruire, il suffit que l’évaporation soit empêchée par l’humi¬ dité de l’atmosphère ambiante, on que la surface des pansements subisse des frottements impossibles à éviter. Le protective hydrofuge, permettant l’évaporation, donne de plus au pansement sous-jacent la même protection conti-e l’extérieur que le protective absolument imperméable ; il a même sur lui l’avantage d’être stérilisable à l’étuve sèche. Il rendrait possible à notre avis la mise en pratique en chirurgie d’armée des principes du panse¬ ment physique moderne. Ce pansement doit avoir pour but d'aider l’organisme à se défendre lui-même en neutralisant les germes infectieux amoindris dans leur vitalité, sans porter atteinte à la vitalité des cellules. Dans cette voie nouvelle, il ne s’agit pas d’éli¬ miner absolument les antiseptiques, si souvent inefficaces ou dange¬ reux, mais bien de réduire leur rôle à maintenir les pansements stériles. En résumé, le pansement physique évaporant, recouvert de pro¬ tective hydrofuge met les germes en mauvaise postm’e pour se défendre contre la réaction de l’organisme, il ne leur permet plus d’attendre du dehors de nouveaux renforts. La pratique nous mon¬ trera, sans doute, le bien fondé de nos espérances, basées sur des données expérimentales. La longue durée de cette recherche nous a engagé à ne pas attendi-a plus longtemps pour publier ces résultats déjà acquis. Qu’il nous soit permis, en terminant, d’exprimer toute notre reconnaissance pour la bienveillance avec laquelle M. le professeur Poucet nous a ouvert les ressources de son laboratoire, pour l’accueil cordial que nous y a fait M. le D' L. Dor, et les excel¬ lentes leçons qu’il nous a données 'au cours de nos recherches. D'^ LAVERAN 121 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE BT DE GÉNIE SANITAIRE Séance du 23 janvier 1901. M. le Secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la der¬ nière séance. OBSERVATIONS A l'OCCASION DU PROCÈS-VERBAL Sur l’alimentation de Paris en eau potable. M. Bechmann. — A la séance du 14 novembre dernier page 1082, j’avais présenté au sujet de la très intéressante communication de M. le D” Prompt quelques observations qui n’ont pas été très exactement re¬ latées au procès-verbal. J’ai insisté notamment sur ce fait que pendant les périodes canicu¬ laires, qui durent d’ordinaire une trentaine de jours et deux ou trois fois chaque année, la consommation s’élève à Paris dans le service privé de 40 à 50 p. 100 au-dessus de la moyenne. On me fait dire seulement qu’elle» augmente ». C’est dans une période de ce genre, mais exceptionnellement pro¬ longée, que la situation du service des eaux s’est trouvée l’été dernier momentanément critique. Mais je n’ai pas dit que cela tenait à ce que « pendant dix-neuf jours la pluie a fait défaut ». La pluie n’y eût rien changé. C’est uniquement la très grande chaleur persistante qui, en fai¬ sant durer une consommation exagérée, a été cause de nos embarras. Enfin j’ai dit qu’il fallait faire grand, non pas seulement parce que « la population a augmenté et augmentera encore », mais aussi à cause de la progression très rapide de la consommation qui va s’accroissant beau¬ coup plus vile que la population elle-même. INSTALLATION DU BURKAU POUR 1901. M. le D' Laveran, président sortant, prononce le discours sui¬ vant : Messieurs et chers collègues, Il est d’usage que, dans cette séance de janvier, le président sor¬ tant présente un résumé des travaux de la Société pendant l’année qui vient de s’écouler. Je me conformerai avec plaisir à cet usage, 122 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE car les communications qui nous ont été faites en 19Ü0 et les dis¬ cussions auxquelles elles ont donné lieu ont présenté beaucoup d’intérêt. Des communications importantes sur l’hygiène hospitalière ont été faites par MM. J. Navarre et Nirot, Berthod, Florentin Martin et Letulle. MM. J. Navarre et Nirot ont traité la question si actuelle et j’ajoute si difficile des sanatoria pour tuberculeux indigents. Les auteurs pensent que le sanatorium type, construit pour 100 malades au plus et composé de petits pavillons séparés à un seul étage, avec des chambres de 1 à 4 lits, ne pourra jamais être adopté pour les tuberculeux indigents à cause du prix élevé du lit et du nombre très grand des tuberculeux dans les grandes villes. Ils proposent un plan d’hôpital de 400 à 800 lits pour tuberculeux, composé de pavillons à étages, avec des salles de 10 lits; 2 pavillons d’isole¬ ment avec des chambres de 1 à 2 lits étant réservés aux tubercu¬ leux les plus malades. Le plan d’hôpital de MM. Navarre et Nirot est pratique en ce sens que le prix du lit et de la journée seraient peu élevés, mais on doit se demander avec inquiétude ce que serait un hôpital de 400 à 800 lits pour tuberculeux indigents ; la mortalité y serait énorme et un pareil hôpital deviendrait bientôt un objet d’épouvante pour les malades et pour les voisins. Les sanatoria pour tuberculeux ne doivent pas, je crois, comprendre plus de 100 lits ; dans ces condi¬ tions tous les efforts que feront les architectes pour construire à bon marché seront méritoires ; on construit en général les hôpitaux avec trop de luxe, je pourrais citer un exemple encore récent. M. le D'' Berthod demande que les malades et les blessés soient hospitalisés en dehors de l’atmosphère et des poussières parisiennes ; on utiliserait pour le transport des malades ou blessés les nom¬ breux tramways de pénétration qui sillonnent actuellement Paris. Les craintes de notre collègue, en ce qui concerne l’atmosphère parisienne, me paraissent quelque peu exagérées ; l’air que nous respirons contient heui’eusement très peu de germes pathogènes; dans les hôpitaux il en contient beaucoup plus que dans les rues ou dans nos demeures particulières, mais cela est inhérent à la pré¬ sence des malades et l'on peut se demander si, dans les hôpitaux suburbains, le nombre des germes de l’air serait notablement plus faible que dans nos hôpitaux parisiens. D- LAVERAN 123 M. Florentin Martin qui a construit l’hôpital Pasteur, annexé à l’Institut Pasteur, nous a donné une excellente description des pavillons de cet hôpital qui est un modèle d’hôpital pour contagieux. Il fallait pouvoir admettre dans un même pavillon des contagieux de toute espèce, en évitant tout danger de contamination; tous ceux qui ont visité les pavillons de l’hôpital Pasteur ont constaté que ce difficile problème avait été très heureusement résolu. Il est juste de rappeler (jue M. Florentin Martin a eu pour collaborateurs l'éminent sous-directeur de l’Institut Pasteur, M. le D'' Roux, et M. L. Martin, un de nos secrétaires généraux adjoints. Les contaminations tuberculeuses à l’hôpital ont été l’objet de la part de M. le D" Letulle d’une communication d’un grand intérêt. D’après notre savant collègue il y avait au 10 avril demie!’ 2,000 tuberculeux dans les hôpitaux parisiens; M. Letulle a fait une étude très complète des moyens de contamination de la tuber¬ culose dans les hôpitaux et des mesures à prendre pour remédier, autant que possible, à ce danger, en attendant le jour, assez éloigné sans doute, où les tuberculeux indigents seront soignés dans des sanatoria. On peut affirmer que si tous les chefs de service adop¬ taient les mesures prophylactiques préconisées par M. Letulle et en surveillaient l’exécution, ce qui est le grand point, les dangers de propagation de la tuberculose à l’hôpital seraient écartés presque complètement; ce progrès dans l’hygiène hospitalière pourrait être accompli à très peu de frais. M. le D' Beluze nous a apporté un excellent travail sur la rou¬ geole à la crèche, sa fréquence, sa gravité et les mesures qu’il convient de prescrire pour empêcher son extension épidémique. M. le D' Loranchet a fait une importante communication sur la diarrhée infantile à laquelle il propose de donner le nom de cho¬ léra du biberon, afin de bien mettre en relief la cause la plus com¬ mune de la maladie. M. Loranchet conclut en demandant que la diarrhée infantile soit inscrite sur la liste des maladies contagieuses dont la déclaration est obligatoire et que des mesures de désinfec¬ tion soient prises pour empêcher la contagion. La loi sur la déclaration des maladies contagieuses est fort mal obéie, et d’autre part, dans un grand nombre d’arrondissements, le service de désinfection n’est pas organisé; avant d’inscrire de nouveaux noms sur la liste des maladies dont la déclaration est obligatoire il serait nécessaire d’assurer l’exécution de la loi en ce 124 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE qui concerne les maladies déjà inscrites ; les causes de la diarrhée infantile sont bien connues aujourd’hui et il appartient aux méde¬ cins de donner aux mères et aux nourrices les conseils nécessaires; la diarrhée infantile est une de ces maladies que M. Brouardel a qualifiées si heureusement d'évitables. La question de l’approvisionnement de la ville de Paris en eau potable a été l’objet de communications importantes et a donné lieu à une discussion à laquelie ont pris part MM. Trélat, Bechmann, Prompt, Berthod, Kern. M. Prompt BLexÿosémprojetd'amenée des eaux du lac d'issarlès (Ardèche) à Paris. D’après notre collègue si l’on adoptait ce projet on augmenterait de SO litres la quantité d’eau potable dont dispose actuellement chaque habitant de Paris; il serait nécessaire de construire à proximité de Paris de grands réservoirs. M. Bechmann estime que les grandes dépenses qu’entraînerait l’exécution du projet préconisé par M. Prompt ne seraient pas en rapport avec les résultats obtenus; on a objecté aussi que les eaux du lac d’issarlès étant des eaux superficielles on ne pouvait pas être assuré qu’elles rempliraient toutes les conditions qu’on est erf droit d’exiger aujourd’hui avant de déclarer qu'une eau est potable. Il est certain que tous les ans, pendant la période des grandes chaleurs, la quantité d’eau de source dont disposent les Parisiens est insuffisante, il y a donc quelque chose à faire. Naguère on com¬ blait avec de l’eau de rivière non filtrée le déficit d’eau de source et cette déplorable opération était toujours le point de départ d’une aggravation de l’endémie typhoïdique; cette année on n’a ajouté à l’eau de source que de l’eau de rivière filtrée. C’est un progrès, mais ce n’est là qu’une demi- mesure qui ne peut pas satisfaire les hygiénistes. L’épuration des eaux dans les filtres de sable du modèle de ceux qui ont été installés pour la filtration de l’eau de rivière est très imparfaite. L’eau ainsi filtrée vaut mieux que l’eau de rivière non filtrée qu’oii introduisait autrefois dans la canalisation de l'eau de source, mais tous les hygiénistes sont, je crois, d’accord pour con¬ damner ce mélange d’eau de rivière, même filtrée, à l’eau de source. M. Bechmann a rappelé que la ville de Paris possédait encore des sources dans les départements voisins du département de la Seine et il nous a donné l’espoir que les projets d’amenée de quelques- unes de ces sources aboutiraient prochainement. û' LAVERAN 12S J'ai émis l’opinion que nos ingénieurs en même temps qu’ils étudient de nouveaux projets d’amenée d’eau potable devraient bien étudier les mesures à prendre pour empêcher le gaspillage de l’eau de source que nous possédons déjà. Il n’est pas aussi facile qu’on le croyait autrefois de se procurer de l’eau de source de qualité irréprochable et d’empêcher l’infection des sources les mieux captées en apparence ; les travaux de la Commission scientifique de perfectionnement de l’observatoire municipal de Montsouris sur les eaux de l’Avre et de la Vanne qui ont été publiés récemment avec un remarquable rapport de notre éminent collègue M. Duclaux le prouvent bien. Une grande surveil¬ lance est nécessaire pour empêcher la pollution de l’eau de source. Dans ces conditions, on ne saurait sans danger étendre de plus en plus les zones destinées à fournir l’eau de source ; la surveillance de ces zones deviendrait de plus en plus difficile et coûteuse. En cherchant à augmenter le débit des sources actuelles on est amené, d’autre part, à accepter des eaux suspectes comme les eaux de drainage qui pendant quelque temps ont été mélangées aux eaux de la Vanne. En présence de cette difficulté de se procurer de l'eau de source de très bonne qualité, il paraît évident qu’il faut ménager cette eau plus qu’on ne l’a fait jusqu’ici. N’est-il pas regrettable qu’un Parisien ne puisse pas uriner dans les maisons où fonctionne le tout à l’égout, c’est-à-dire très pro¬ chainement dans tous les immeubles de Paris, sans envoyer à l’égout 10 litres de cette eau de source si précieuse? N’est-il pas regrettable aussi que l’eau de source soit employée pour les bains et les douches ? M. Bechmann objecte qu’il lui paraît dangereux d’avoir dans une maison des robinets fournissant de l’eau de rivière à côté de robi¬ nets d’eau de source ; cette objection n’est pas admissible en ce qui concerne l’alimentation des réservoirs de chasse des water-closets ; personne ne pouvant supposer qu’on aille chercher de l’eau pour la boisson aux robinets de ces réservoirs. Une objection plus sérieuse est fournie par la variabilité de pres¬ sion dans les conduites de l’eau de rivière ; lorsque les bouches d’eau nécessaires au service de la voirie sont ouvertes, la pression baisse dans la canalisation de l’eau de rivière et, à certaines heures, 126 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE la pression serait insuffisante pour assurer ralimentation des réser voirs de chasse des water-closets des étages supérieurs. M. Bechinann a reconnu lui-même qu’il était possible de remé¬ dier à cet inconvénient en établissant à la partie supérieure des maisons des réservoirs qui se rempliraient d’eau de rivière aux heures où cette eau a une pression suffisante et qui, aux heures où cette pression baisse, fourniraient l’eau nécessaire au fonctionne¬ ment des water-closets. Pourquoi ne pas généraliser l’emploi de ces réservoirs ? Les propriétaires y trouveraient leur avantage puisqu’ils paieraient l’eau destinée aux waler-closets beaucoup moins cher qu’ils ne la paient aujourd’hui. La quantité d’eau de source envoyée à l’égout pour le fonction¬ nement des water-closets peut être évaluée à 70 litres au moins par habitant et par jour. On voit donc que, sans amenée d’eau nouvelle, on pourrait augmenter dans une forte proportion la quantité d’eau de source mise à la disposition des Parisiens (dans une plus forte proportion que ne ferait l’amenée des eaux du lac d’Issarlès) ; il suffirait de faire fonctionner les water-closets avec l’eau de rivière. Surveiller de très près les eaux de source qui servent à l’alimen¬ tation des villes en eau potable, empêcher leur pollution, d’une part; empêcher, d’autre part, le gaspillage de ces eaux , tel est le pro¬ gramme qui s’impose à nos ingénieurs; je ne doute pas qu’ils sachent le remplir. M. le D'' Depouilly a communiqué à la Société un travail d’un grand'intérêt sur l’Eau dans les logements ouvriers. Il existe encore à Paris plus de 8,000 maisons sans eau et notre collègue nous a fait un tableau saisissant de la malpropreté et de l’insalubrité des logements ouvriers dans ces maisons sans eau. Comme le dit M. Depouilly, il est nécessaire qu’une réglementa¬ tion générale exige l’installation de robinets d’eau dans les loge¬ ments ouvriers comme une des conditions nécessaires de la salu¬ brité de ces logements. Une autre conclusion s’impose à la lecture du travail de M. De¬ pouilly, c’est qu’il est indispensable de construire les maisons ouvrières autrement qu’on ne l’a fait jusqu’ici , de supprimer ces parquets, ces papiers de tenture qui sont bientôt malpropres , qui se souillent profondément et qui font de tous les logements ouvriers des foyers de propagation de la tuberculose. D- LAVERAN 127 M. le D' Mosny nous a apporté une très remarquable étude sur les maladies provoquées par Vingestion des mollusques et la salubrité des établissements ostréicoles. Par la quantité des documents réunis et analysés, par la clarté et la logique des déductions, ce travail est un modèle et il méritait grandement l’unanime approbation avec laquelle il a été accueilli à la Société de médecine publique. M. Mosny a su échapper à toute exagération dans les mesures pro¬ phylactiques qu’il réclame. Il importait, en effet, tout en sauvegar¬ dant la santé publique, de ne pas nuire à l’industrie ostréicole qui a pris sur certains points de nos côtes un grand développement. Si les mesures préconisées par M. Mosny sont bien prises et si leur exécution est surveillée, un grand progrès aura été réalisé et l’in¬ dustrie ostréicole bénéficiera de ce progrès autant que l’hygiène publique car ses produits ne seront plus mis en suspicion. M. Vincey a communiqué à la Société un projet de destruction des ordures ménagères de la ville de Paris. Ce projet, très bien étu¬ dié par M. Vincey dans tous ses détails, consisterait à recueillir les ordures ménagères pendant la nuit et à les transporter dans la ban¬ lieue en utilisant les nombreuses lignes de pénétration des tram¬ ways. Des dépôts de gadoue seraient créés sur le réseau de grande ceinture et fourniraient de l’engrais aux agriculteurs. On a objecté à M. Vincey que ces énormes dépôts de gadoues formeraient autour de Paris des foyers dangereux au point de vue de la propagation de certaines maladies épidémiques et qu’ils don¬ neraient naissance, en tout cas, à de mauvaises odeurs, ce qui pro¬ voquerait de justes réclamations. A propos de la communication de M. Vincey, M. le D' Livache a rappelé que le procédé Arnold pour la destruction des ordures ménagères a donné de bons résultats à Philadelphie et à New-York où il est employé depuis 1896. Ce procédé qui consiste à transfor¬ mer, au moyen de la vapeur sous pression, les ordures en un pro¬ duit inoffensif et marchand qui conserve toutes les matières fertili¬ santes des ordures, paraît préférable au procédé de broyage qui a été adopté par la ville de Paris pour quelques arrondissements. M. Danysz nous a entretenus de la destruction des rats par une maladie contagieuse. Depuis que l’on connaît le grand rôle des rats dans la dissémination de la peste à bubons, les procédés de des¬ truction de ces rongeurs ont pris plus d’importance encore qu’ils n’en avaient autrefois. 128 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE M. Danysz prépare un viras qui détermine chez les rats une maladie contagieuse sans nuire aux autres espèces animales ni à l’homme. Les expériences faites sur différents points de Paris et notamment dans un tronçon d’égout, ont donné des résultats très satisfaisants. Je dois signaler enfin une intéressante communication de M. le D' Granjux sur les locaux disciplinaires dans les casernes. La Société s’est associée au vœu émis par notre collègue en ce qui concerne les améliorations à apporter dans l’installation de ces locaux. Dans ce résumé trop succinct, je n’ai pu donner qu’une idée impar¬ faite de l’importance des travaux communiqués à la Société pen¬ dant l’année qui vient de s’écouler; je m’en excuse auprès des auteurs de ces travaux. Tel quel, ce résumé suffit, ce me semble, à montrer que l’année 1900 a été fructueuse au point de vue du nombre comme au point de vue de la valeur des communications qui nous ont été faites. L’activité scientifique dont notre Société a fait preuve est d’autant plus méritoire que le Congrès international qui a eu lieu au mois d’août dernier a exercé une redoutable dérivation sur le courant des travaux d’hygiène. Je crois d’ailleurs que nous pouvons dire, entre nous, qu’une bonne part du succès de ce Congrès revient à la Société de médecine publique. J’ai en ce moment à mes côtés les deux organisateurs principaux de ce Congrès , notre éminent col¬ lègue, M. Brouardel, et notre infatigable secrétaire général, M. A.-J. Martin; je suis heureux de profiter de cette occasion pour leur adresser nos félicitations et nos remerciements. Dans les assemblées extraordinaires du 26 décembre 1900 et du 20 janvier courant, vous avez accepté la proposition de fusion faite par la Société des ingénieurs et architectes sanitaires de France. La Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle, réunie à la Société des ingénieurs et architectes, devient la Société de médecine publique et de génie sanitaire. Je regrette pour ma part que le mot hygiène dispai’aisse du titre de la Société; c’est le seul mot qui indique clairement le but que nous poursuivons , qui explique pourquoi des savants d’aptitudes si différentes se réunissent ici pour collaborer. Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues. Notre Société a été fondée dans le but de grouper tous les savants ayant une D' BROUARDEL 129 compétence en matière d’hygiène; les ingénieurs et architectes sani¬ taires y avaient donc leur place marquée ; bon nombre faisaient déjà partie de la Société de médecine publique ; félicitons-nous d’un événement qui les ramène tous parmi nous. Pendant l’année qui vient de s’écouler, nous avons eu à déplorer la perte de M. le D'^ Bergeron , membre honoraire, de MM. Lamou- roux et Morétin, et de M. Janssens, membre correspondant. Je ne puis pas laisser passer les noms de Bergeron et de Janssens sans les honorer d’une mention particulière. Bergeron , qui avait commencé par être un des maîtres de la cli¬ nique infantile, était devenu par une évolution naturelle un des maîtres de l’hygiène ; il avait constaté que beaucoup de maladies de l’enfance qui ne guérissaient pas dans les salles des hôpitaux pou¬ vaient s’améliorer ou même guérir au bord de la mer, grâce aux influences multiples du climat marin et des bains de mer. Dès lors, il se consacra à l’œuvre des hôpitaux marins ; on doit à Bergeron d’importants travaux sur d’autres questions d’hygiène, mais c’est à celte œuvre des hôpitaux marins que son nom restera attaché. Heu¬ reux l’hygiéniste qui laisse en mourant une œuvre aussi vivante, aussi belle ! La vie entière de E. Janssens a été consacrée à l’hygiène, et de lui aussi on peut dire qu’il laisse non seulement un nom honoré et de beaux travaux, mais une création bien vivante à laquelle son nom restera attaché. Membre du conseil supérieur d'hygiène de la Bel¬ gique depuis 1869 , Janssens a organisé le semee d’hygiène de la ville de Bruxelles; inspecteur en chef de ce service depuis 1874, il n’a pas cessé de chercher à le perfectionner et il a réussi à le conduire au degré de perfection que vous savez tous. L’année 1901 marquera une date importante dans rfiistoire de notre Société; nous fêterons cette année le 25“ anniversaire de la fondation de la Société de médecine publique, en même temps que ta fusion de cette Société avec la Société des ingénieurs et archi¬ tectes sanitaires de France. En raison de ces circonstances excep¬ tionnelles, vous avez pensé qu’il fallait choisir pour 1901 un prési¬ dent déjà éprouvé et vous avez choisi M. le professeur Brouai-del ; ce choix est pleinement justifié par les grands services que notre éminent collègue a rendus à l’hygiène et par toutes les qualités qui font de lui le modèle des présidents. En terminant, je vous remercie tous, mes chers collègues, d’avoir REV. D’HYG. XXJII. _ Ç) WO SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE facilité ma tâche ; je remercie les membres du bureau qui m’ont parfaitement secondé et j’invite mon éminent collègue et maître, M. le professeur Brouardel, à prendre place au fauteuil dé la prési¬ dence. {Applaudissements.) M. le D’’ Brouardel, président pour 1901, prend place aü fau¬ teuil et s’exprime comme il suit : Je suis encore tout confus des aimables paroles de M. Laveran, car s’il est éminemment désirable de mériter le qualificatif de pré¬ sident modèle, il est bien difficile de réaliser cet idéal. J’ai eu l’honneur de remplir une première fois les fonctions de président de notre Société, il y a quelque vingt ans ; aujourd’hui cette tâche m’est d’autant plus agréable que j’ai à souhaiter la bien¬ venue aux membres de la Société des Ingénieurs et Architectes sanitaires de France qui sont venus se joindre à nous. Le principe de la fusion de nos deux Sociétés n’a soulevé aucune difficulté et le seul point mis en discussion a été le nom qu’il convenait de donner à la société nouvelle. Quel que soit ce nom , il suffit qu’on lui fasse honneur. Je crois qu’il faudrait tâcher de conquérir l’opinion publique en fnscrivant au progi'amme de nos études les questions à l’ordre du iour, telles que l’alcoolisme, la tuberculose, etc. Quant â la méthode de travail, je crois qu’il ne suffit pas de faire de l’agitation autour d’une de ces questions, mais qu’il est essentiel d’arriver à des résul¬ tats pratiques. Dans ce but, j’estime qu’il serait bon de revenir à nos anciens errements et- de nommer pour l’étude de chaque ques¬ tion importante une commission, qui serait chargée de faire un rapport. Ce rapport serait ensuite mis en discussion et des idées échangées résulterait un progrès pour l’hygiène. Je crois qu’il y a des questions capitales quîil faudrait aborder, un programme qu’il convient de dresser ; et pour ce faire, nous aurons besoin de nos nouveaux collègues qui sont tous qualifiés pom* faire passer dans le domaine de l’application pratique les théo¬ ries qui pourront être émises. En dehors de’J'alcoolisme et de la tuberculose, une question s’im¬ pose à notre étude : c’est celle de la peste. La peste est à Constanti¬ nople et il est à craindre que l’administration turque soit impuis¬ sante à l’empêcher de se propager. Nous sommes en présence de l’Europe envahie par ce fléau ; je pense qu’il serait intéressant pour LES ODEURS DE PARIS 131 la Société de mettre à son ordre du jour la peste et Tétude des mesures qu'il faut prendi’e pour en arrêter la propagation. Plus nous avons fait pour l’hygiène, plus les questions d’hygiène deviennent nombreuses et pressantes. Heureusement, je vois autour de moi des jeunes gens pleins d’activité qui ne demandent pas mieux que de nous aider dans notre tâche et je fais appel à leur bonne volonté. Je remercie le bm’eau sortant de l’amabilité, du zèle avec lesquels il a rempli sa délicate mission. Je remercie tout spécialemen M. Laveran, qui s’est fait un nom impérissable dans l’histoire de la médecine et auquel je suis fier de succéder. {Applaudissements.') L’ordre du jour appelle la communication ci-après : LES ODEURS DE PARIS Par M. Auguste GËRARDIN, Agrégé et docteur ès-scieuces. Dans l'inspection des établissements classés, j’ai souvent regretté de ne pas pouvoir substituer une action chimique à l’impression fugace de l’odorat, et les pesées aux mots qui manquent pour spé¬ cifier les odeurs. Les matières organiques de l’air sont combustibles. Le grisoumètre, eudiomètre perfectionné, ne permet de doser que les vapeurs voisines de leur tension maximum. Il n’a pas la sensibilité nécessaire pour ces recherches. L’acide iodique dose l’odeur des fleurs flétries et des cadavres frais, et il ne dose pas celle des fleurs fraîches et des cadavres avancés. M. de Bonnard, administrateur des usines Goignet, m’a permis d’essayer à l’acide iodique les vapeurs organiques de la préparation de la gélatine, à son usine de Saint-Denis : Les vapeurs sèches réduisent l'acide iodique, les vapeurs humides ne le réduisent pas. En quatre heures, j’ai fait passer 8 grammes d’air sur de la viande putréfiée, puis sur des matières desséchantes, et enfin sur l’acide iodique. Il n’y a pas eu trace d’iode mis en liberté : En arrêtant la vapeur d’eau, on arrête aussi les matières organiques de l’air. Dans ce qui va suivre, j’ai fait les dosages au moyen du perman¬ ganate, après avoir précipité, par la condensation de la vapeur 132 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE d'eau, les poussières et les vapeurs de l’air. J’ai fait connaître cette méthode dans la séance du 24 juin 1895, à la Société de méde¬ cine publique et d’hygiène professionnelle. A cette époque je fil¬ trais l’air sur un tampon de coton ; j’ai reconnu depuis qu’il valait mieux ne pas filtrer, parce que le filtre arrête une grande partie des vapeurs organiques. Ne pouvant ni dessécher l'air, ni le filtrer, je l’analyse tel qu’il est dans l’atmosphère, et j’appelle degré ozométrique le poids en milligrammes d’acide oxalique, qui produit sur le permanganate sulfurique le même effet que les matières organiques de 1 gramme d’air. Les coi’ps qui ont capté les vapeurs organiques les remettent en liberté sous l’influence de la chaleur ou d’une action chimique. Le chlorure de calcium fondu, l’acide sulfurique, arrêtent par¬ faitement les vapeurs odorantes humides, et, véritables accumula¬ teurs, ils les dégagent, si on fait fondre le premier, ou si on emploie le second à la fabrication des superphosphates. Il ne suffit donc pas de capter les vapeurs odorantes, il faut encore les détruire. La terre me semble tout indiquée pour épurer Vair, comme elle épure l’eau. La terre est un mélange de sable, de calcaire et d’argile. D’après Orfila, le sable retarde la décomposition des matières organiques, et l’argile la hâte. Pour détruire les odeurs des établissements classés, on clioisira mie terre argileuse, telle que la terre fraîche des jardins et des champs, dans laquelle on insufflera l’air odorant. On n'a pas encore étudié l'insufflation de l’air dans la terre. J’ai comblé cette lacune au Muséum, dans le laboratoire de physiologie générale. J’y ai trouvé les principales terres de culture, un gazo¬ mètre de 200 litres, et de grandes éprouvettes , chefs-d’œuvre des verriers du xvii' siècle. L’éprouvette, dont je me suis servi a 0"’,66 de hauteur, 0”,33 de diamètre, et, garnie de terre, elle pèse 58 kilogrammes. J’ai mesuré avec un chronomètre te temps nécessaire pour faire passer 150 litres d’air à travers la terre dont on fait varier soit la compo¬ sition, soit l’épaisseur, soit le degré d’humidité. Ces opérations sont très longues. Elles perdent leur précision si l’air est renouvelé plus de deu}t à trois fois à l’heure ; il y a lieu de remarquer que LES ODEURS DE PARIS 133 l’expérience s’accorde avec l’estimation que M. Vallin a faite de la ventilation qu’on peut tolérer sans inconvénients. On voit ainsi que : La terre est perméable à l’air, et. sa perméabilité est indé¬ pendante de sa composition chimique ; 2° La ràistance de la terre au passage de l’air est proportion¬ nelle à l’épaisseur de la couche filtrante ; 3“ La résistance de la terre au passage de l’air est propor¬ tionnelle à la quantité d’eau qui Vhumecte. L’air des rues de Paris marque 4 degrés ozométriques. Celui des établissements classés comme odorants est supérieur à 4 degrés, s’il n’y a pas condensation de vapeur d’eau. Celui de la terre varie entre 3 degrés et 2°, S. Le problème de l’épuration de l’air consiste à réduire un degré supérieur à 4 à un degré inférieur à 3. J’ai appliqué les théories qui précèdent à Choisy-le-Roi (Seine), dans la maroquinerie de M. Petitpont, avec le concours de M. Roëmhild, ingénieur de l’usine. Les eaux usées de cet établissement se réunissent dans un égout qui dégageait depuis longtemps une odeur très incommode. M. Petitpont atténuait cet inconvénient, pendant la durée du tra¬ vail, en aspirant l’air infect au moyen d’un ventilateur. Il envoyait ainsi dans une haute cheminée, 920 mètres cubes d’air à l’heure, sous la charge de 0'“,030 d’eau. L’arrêt du ventilateur, pendant les heures de repos, faisait reparaître l’odeur. En mai 1900, on emprunta au ventilateur 180 mètres cubes d’air a l’heure pour les conduire dans un drain parallélipipédique recouvert de O”*, 600 de terre argileuse. Pendant six mois, tes ana¬ lyses ozométriques de l’air avant et après le drainage présen¬ tèrent des irrégularités inexplicables, signe certain de perturbations graves. M. Petitpont supposa qu’il s’était formé dans l’égout des dépôts, des débris de peaux, depuis que, par ordre de l’Administration, il l’avait bari-é avec une tôle perforée. M. Roëmhild descendit pour procéder lui-même au démontage de cette tôle. Sa bougie détermina une explosion et une longue flamme qui exigea quatre heures de travail avant d’être éteinte par occlusion des deux extrémités de l’égout. La preuve était faite, qu’ainsi que l’ozométrie l’avait près- 134 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBUQUE senti ; il y avait là danger certain, tant au point de vue salubrité qu’au point de vue accident. Après avoir cherché vainement à emprunter et à utiliser des appareils respiratoires, M. Petitpont eut recours à une lampe, genre Davy, alimentée sous pression avec de l’air pur. On put pénétrer dans l’égout. On n’y trouva sur le sol qu’une couche mince de déchets exempts de fermentation. On parvint enfin à une conduite de gaz de la ville qui passait à même dans l’égout . Elle n’était pas munie du fourreau protecteur réglementaire, et elle présentait une fuite de 28 centimètres carrés de section par où s’échappaient 100 mètres cubes de gaz d’éclairage à l’heure. On fit les réparations nécessaires, et l’odeur qu’on attribuait au travail de l’usine disparut aussitôt. En effet, la vapeur d’eau qui se condense dans l’égout et dans les tuyaux abaisse à 3°, S le degré ozométrique; le drainage l’amène ensuite à 2° ,8. Le problème de l’épuration de l’air par le sol est résolu pour la première fois à la maroquinerie de Choisy-le-Roi, et sa solution méthodique a amené des surprises inattendues qui^ à notre avis, doivent être très rares dans l’industrie. Discussion M. Trélat. — Je demande la parole pour applaudir M. Gérardin, qui nous présente un travail dans lequel tout est nouveau pour nous. M. Ip Président. — Le travail de notre honorable collègue est, en effet, entièrement nouveau et je crois qu’il serait nécessaire de le lire avant de pouvoir le discuter utilement. Je propose donc de laisser la discussion ouverte et de la renvoyer à la prochaine séance. Xddopiii.) DE LA DOUBLE CANALISATION DANS LES HABITATIONS COLLECTIVES NOTAMMENT DANS LES CASERNES Par M. le D-^ GRANJDX. On sait que l’Académie de médecine, dans sa séance du 24 juillet 4900, a voté à l’unanimité le texte suivant : *. 1. Bulletin médical, 1900, n" 58, p. 682. DE LA DOUBLE CANALISATION 135 « L’Académie attire l’attention des pouvoirs publics sur la néces¬ sité : 1“ De prendre d'urgence les mesures nécessaires pour maintenir l’eau de Seine à une pression convenable ; 2“ De réaliser la séparation complète de l’eau de source et de l’eau de rivière filtrée ou non, eelle-ci devant être exclusivement réservée aux usages industriels, au lavage des chaussées, et au tout à l’égout. » Ce vœu a été adopté on peut dire sans discussion, tellement les hygiénistes sont convaincus, à l’heure actuelle, de la nécessité poul¬ ies villes d’avoir à discrétion, en dehors d’une eau de boisson pure dont l’approvisionnement sera toujours forcément limité, une autre eau destinée aux usages domestiques ou industriels. C’est, dirions- nous volontiers, un axiome, d’autant plus évident, qu’aujourd’hui semble s’imposer la protection des sources utilisées comme eau de boisson, ce qui, poui- des raisons faciles à deviner, conduira à réduire l’emploi de cette eau exclusivement à l’alimentation. Aussi avons-nous été profondément surpris, de voir dans le rapport sur le budget de la guerre, à l’appui d’une augmentation de crédit de 70,000 francs, une note émanant de l’administration de la guerre où l’on peut lire ce qui suit : *. « L’expérience a montré le danger d’avoir dans les casernes une double canalisation, Uune pour l’eau impure destinée aux lavages et aux abreuvoirs, l’autre pour l’eau pure réservée aux usages alimentaires. Malgré toutes les consignes l’homme qui a soif va trop souvent au robinet le plus proche ou à celui qui donne l’eau la plus fraîche ; on ne compte plus les cas de fièvi-e typho'ide ou de dysenterie dus à ces imprudences. Aussi s’efforce-t-on d’obtenir autant que possible, dans toutes les casernes, la suppression des prises d’eau impure, qu’elle provienne de rivières, de sources sus¬ pectes ou de puits. « Cette amélioration a été réalisée dans quelques villes déjà , elle est en voie d’exécution dans nombre d’autres » . Il y a dans ces quelques lignes une erreur de faits et une erreur de doctrine. L’erreur de faits je vais vous la montrer ; l’erreur de doctrine je vous demanderai de la rectifier. Est-il vrai, comme le dit la note présentée, qu’on ne compte plus I. Raibehti. — Rapport sur le budget de 1901, p. 2oi. 136 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE les cas de dysenterie et de fièvre typhoïde dus à ce que les hommes vont boire aux robinets de la canalisation amenant l’eau destinée aux usages domestiques? Il n’y a d’assez documenté pour pouvoir résoudre cette question d’une façon indiscutable que la statistique médicale de l’armée. Dans ce travail, en effet, on ne se contente pas de donner le nombre des atteintes des diverses maladies ; on expose, en outre, les conditions étiologiques qui ont présidé au développement des maladies infectieuses, notamment de la dysenterie et de la fièvre typhoïde. J’ai donc compulsé les S dernières statistiques publiées et qui sont relatives aux années 1893, 1894, 189o, 1896 et 1897. Voici ce que j’y ai trouvé comme relation entre la fièvre typhoïde et la dysenterie d’une part, et la consommation d’eau de la deuxième canalisation d'autre part. 1) Dysenterie. — En 1893, il y a eu 4,930 cas. L’ingestion d’eau dont la consommation était interdite n’est pas signalée comme étiologie. En 1894, on relève 4,294 atteintes. Une fois l’étiologie en ques¬ tion est indiquée comme possible, et dans les termes suivants : « Tous les malades du 92° ont reconnu avoir consommé l’eau fraîche des lavabos, qu’ils préfèrent de beaucoup à l’eau sans saveur des filtres conservée dans les chambrées » . A noter que la statistique est muette à l’analyse de cette eau des lavabos. En 1893, on compte 4,797 dysenteries et l’ingestion d’eau défendue n’est invoquée qn’kAinsefra et dans des conditions qui ne sont pas très convaincantes, qu’on en juge : On hospitalisa 72 dysentériques ; 33 légionnaires, 19 discipli¬ naires. A la légion, dit la statistique, les entrées n’étaient souvent que des récidives d’une affection contractée au Tonkin et revenant à l’état aigu sous l’influence d’un écart de régime. En revanche, à la section de discipline « on a incriminé la consommation clan¬ destine de l’eau d’un puits condamné ». En 1896, la dysenterie atteint 3,627 militaires. Une seule fois, c’est à Chambéi7, on incrimine l’eau des abreuvoirs, « qui reste à la disposition des hommes et a donné lieu en 1892 à une grave épidémie de fièvre typhoïde ». En 1897, on observe 4,026 cas et il n’est pas question de l’eau de la deuxième canalisation comme cause de la maladie. DE LA DOUBLE CANALISATION 137 En résumé, en cinq ans, l’ingestion de l’eau à usages domestiques n’est invoquée que ti’ois fois comme agent possible de la transmis¬ sion du germe dysentérique. 2“) Fièvre typhoïde. — En 1893 on en compte 5,043. Dans l’étio¬ logie de ces épidémies il est parlé six fois de l’eau destinée aux usages domestiques. Mais il ne s’agit que d’hypothèses, et pour le prouver nous allons reproduire les termes mêmes de la statistique. Le premier cas concerne la garde républicaine : « La légion, est-il dit, avait subi des fatigues exceptionnelles à l’occasion d’un redou¬ blement momentané dans les exigences du service; mais il y a lieu de faire remarquer, qu’en outre, l’eau de rivière est mise en distri¬ bution dans la caserne par six robinets débitant librement dans la cour une eau plus fraîche et plus abondante que celle de la Vanne ». A la Fère « les hommes auraient consommé de l’eau de l’Oise, malgré la consigne ». A Sedan « les puits sont interdits pour l’usage alimentaire; mais la consigne paraît avoir été violée à plusieurs reprises, en hiver, au moment où les conduites d’eau de source s’étaient trouvées gelées, et en été, à cause de l’insuffisance du débit ». A Alger « il est possible que les hommes aient consommé de l’eau des auges ». A Blidah « il est possible, en outre, que quelques cavaliers soient allés boire aux robinets des auges ». A Mascara « l’eau distribuée à la troupe est filtrée par les bou¬ gies Chamberland ; mais elle se trouve en quantité insuffisante et, d’autre part, les chasseurs d’Afrique conservent à leur disposition pour les travaux de propreté une eau qui, au moment de l’épi¬ démie, contenait plus de 6,000 germes par centimètre cube ». En 4894 on compte 5,049 fièvres typhoïdes. L’étiologie, qui nous occupe, n’est indiquée que deux fois : A Audi « il est constant que les hommes consomment clandestinement l’eau destinée aux abreu¬ voirs ». A Laghouat « il existe bien, dans les casernes, des filtres Chamberland qui fonctionnent régulièrement, mais la température élevée de l’eau filtrée, en été, en détourne les hommes » . En 4895 on a hospitalisé, 4,875 typhoïdiques. L’hypothèse de la consommation d’autre eau que celle destinée à la boisson a été faite à Versailles, à Aix, à Auch, à Pamiers, à Tebourba. En revanche, voici qui semble plus démonstratif : 138 SOCIETE DE MÉDECINE PDBLIQCE « Un malade a reconnu, à la Fère, avoir usé et abusé de l’eau des pompes du quartier, malgré les défenses formelles ». A Sedan « les W malades ont reconnu avoir bu de l’eau des puits, dont l’usage est interdit ». A Mustapha, sur 21 malades plusieurs ont spontané¬ ment avoué avoir bu fréquemment de l’eau des auges. Au Kreider, des 62 malades la plupart ont avoué s’être abreuvés aux bornes- fontaines plus fraîches que l’eau distillée de la redoute. En 1896 on compte 4,188 cas. A Vitré, à Valence, on pense que les malades ont pu boire aux abreuvoirs. Ce qui est plus sérieux, c’est qu’à Tours les malades (13) avouent avoir bu de l’eau du Cher. A Nantes, un typhoïdique avait bu de l’eau d’une borne-fontaine condamnée pour l'alimentation. A Alger, à la caserne Pelissier la canalisation d’eau ayant presque cessé de fonctionner, « l’eau apportée du dehors dans des baquets, ne fut livrée que bouillie et sous forme de boisson hygiénique. Malheureusement, les hommes altérés par les chaleurs de la saison et par l’effet d’un sirocco vio¬ lent, soufflant nuit et jour, laissaient de côté l’infusion de thé pour se gorger de l’eau des lavabos et du lavoir, moins fade et plus fraîche ». A la suite, on constata 14 fièvres typhoïdes. En 1897 on relève 5,733 fièvi’es typhoïdes. La consommation d’eau non destinée à l’alimentation est supposée à Cambrai, et à Laghouat. A la Fère, 12 cas, tous les hommes avouent avoir bu de l’eau non filtrée. Au Mans est mort un maître -armurier qui consomr mait, malgré l’interdiction d’un écriteau très apparent, Teau d’un puits réservé à l’infirmerie vétérinaire. A Coustantine, un malade a avoué avoir fréquemment consommé de l’eau fournie par le robinet des abreuvoirs. En somme sur les 24,890 fièvres typhoïdes observées de 1893 à 1897, on ne compte que 137 malades qui ont avoué avoir bu de l’eau réservée aux usages domestiques ! Tel est le bilan fourni par la statistique médicale de l’armée. Il établit nettement que les cas de fièvre typhoïde et de dysenterie dus à la consommation d’eau prise à la canalisation destinée ai;x usages domestiques sont une infime minorité dans la morbidité militaire. Dire, comme l’a fait l’administration de la guerre qu’on ne les compte plus et que l’expérience a montré le danger d'avoir dans les casernes une double canalisation d’eau est une exagération regret¬ table. Quant à la suppression, dans les casernes des prises d’eau impure, DE LA DOUBLE CANALISATION 139 ce serait un remède pire que le mal; heureusement elle est irréali¬ sable ; ce sont les deux points qui nous restent à démontrer. Il y a quelques années la quantité d’eau prévue dans l’établisse¬ ment des casernes était calculée à raison d’une ration journalière de 10 litres par homme et de 40 par cheval. Depuis on a introduit dans les casernements des améliorations hygiéniques qui ont eu pour conséquence d’augmenter considérablement la consommation de l’eau : lavabos de campagne, lavoirs, bains par aspersion, jar¬ dins, prises d’eau pour lavage des cuisines, tout à l’égout, etc... Par suite la ration d’eau a été portée à 70 litres par homme et à 100 par cheval. L’effectif prévu pour un régiment d’infanterie à 3 bataillons s’élève à 1,600 hommes et 32 chevaux ; pour un régiment de cava¬ lerie on compte 830 hommes et 800 chevaux; s’il s’agit d’artillerie les hommes sont au nombre de 1,230 et les chevaux de 800. Si l’on multiplie ces effectifs par la ration réglementaire d’eau on voit que la consommation journalière peut s’élever en chiffres ronds à 113,000 litres dans une caserne d’infanterie, à 113,300 litres chez les cavaliers, à 143,300 litres chez les artilleurs. Et ces chiffi-es représentent un minimum puisque nous n’avons tenu compte ni des effectifs renforcés de l’Est, ni de l’appel des réservistes. La dotation en eau de boisson des différentes villes de garnison est-elle assez abondante pour permettre de distribuer aux casernes une pareille quantité de cette eau pure, dont la plus grande partie serait destinée aux usages domestiques ? Nous le pensons d’autant moins que des termes mêmes de la statistique reproduits plus haut, il ressort que nombi-e de fois les hommes ont recouru aux robinets contaminés parce que les robinets autorisés fonctionnaient peu ou point. Et en supposant que les villes consentissent à fournir aux casernes cette énorme quantité d’eau pure, comme il est des cas où il fau¬ drait la payer, il s’en suivrait dans le budget de la guerre une telle augmentation que les députés se refuseraient certainement à autoriser un accroissement de dépense aussi considérable et aussi peu jus¬ tifié. Donc, si on ferme dans les casernes les prises d’eau impure, il ne sera pas possible, en général, de les remplacer par pareil débit d’eau piu'e, et alors que se passera-t-il ? J’ai consulté sur ce point — non pas un médecin militaire, sa réponse étaittrop facile à pi-évoir — mais liO SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQLE un officier expérimenté, et voici textuellement ce qu’il m’a répondu : « Supprimer dans les casernes toute canalisation, qui ne contient pas exclusivement de l’eau de source, sous prétexte qu’elle peut être débitée à un robinet où l’homme peut aller se désaltérer malgré les avertissements écrits, c’est s’exposer à entraver certains services qui contribuent pour leur bonne pai-t, à l’hygiène générale de l’établis¬ sement. Il faut ne pas connaître les modestes ressources dont on dispose comme eau de source dans beaucoup d’établissements mili¬ taires, pour émettre pareille hérésie. Siippi'imer les canalisations d’eau douteuse, c’est compromettre le service des lavabos, des bains, des lavoirs, des urinoirs, des plantations, dos lavages à grande eau des cuisines et des réfectoires, c’est interdire te tout à l’égoût. C’est l'amener le casernement à ce qu’il était il y a trente ans. Ce n’était vraiment pas la peine de dépenser tant d’argent pour un pareil résultat. » Je suis sûr, messieurs, que vous approuvez celte judicieuse condamnation de la suppression de la double canalisation, et que, vous pensez que pour empêcher les hommes de boire l’eau destinée aux usages domestiques, il y a peut-être mieux à faire que le moyen radical proposé par l’Administration de la Guerre. En effet, la Statistique médicale de l’armée nous a dit très honnê¬ tement que, dans les cas où les hommes prêteraient l’eau impure à l’eau filtrée, la première était fraîche et agréable au goût quand l’autre était chaude et fade ou insipide. La conclusion s’impose avec une grande netteté ; si l’on veut que les hommes consomment de l’eau filtrée il ne suffit pas qu’elle soit pauvre en microbes, et bacté- riologiquement pure, il faut qu’elle ait aussi deux des qualités essen¬ tielles d’une eau potable : bon goût et fraîcheur. Le premier peut s’obtenir facilement par la fabrication de boissons hygiéniques dont le prix de revient est minime. Quant à la fraîcheur, elle s’obtiendra par des installations spéciales dans les casernes ; on a bien créé des magasins spéciaux pour permettre aux ordinaires de conserver la viande en bon état ; pourquoi l’eau de boisson ne serait-elle pas traitée avec la même sollicitude? C’est donc dans celte voie et non dans celle de la suppression de la double canalisation qu’il y a lieu de s’engager, si on veut enrayer dans l’armée la consommation d’une eau non destinée à la boisson. En terminant, j’espère avoir établi devant vous les trois points suivants : DE LA DOUBLE CANALISATION •1. La note de l’administration de la guerre remise au rapporteur du budget, a considérablement exagéré les méfaits dus à la consom¬ mation dans les casernes d’une eau exclusivement destinée aux usages domestiques. Il n’est pas exact de dire, comme le fait la note précitée, qu’on ne compte plus les cas de fièvre typhoïde ou de dysenterie dus à ces imprudences, puisque la statistique médicale de l’armée n’apporte aucun fait probant en ce qui concerne la dysen¬ terie, et.quc sur 24.800 typhoïdiques, il n’y en a que 137 qui sont signalés comme ayant avoué avoir bu de l’eau défendue. 2. La suppression dans les casernes des prises d’eau impure des¬ tinée aux usages domestiques, suppression que demande l’adminis¬ tration de la guerre, serait un remède pire que le mal, car elle paralyserait des services généraux nécessaires à l’hygiène d’une collectivité qu’elle soit civile ou militaire. 3. Le meilleur moyen d’empêcher le soldat de préférer l’eau im¬ pure à l’eau filtrée, est de rendre à celle-ci bon goût et fraîcheur, qualités qui lui manquent trop souvent, ainsi que l’avoue la statis¬ tique médicale. DISCUSSION M. Trélat. — Je demande un éclaircissement à notre collègue. Il parait établir entre les eaux do source et les eaux de rivière, une compa¬ raison de laquelle il résulterait que les premières sont moins fraîches que les secondes. Or, celle conclusion serait absolument contraire à ce que nous connaissons. M. Granjüx. — En parlant d’eau de boisson je n’ai pas voulu parler d’eau de source, mais d’eau filtrée, qui s’est échauffée en dehors de la canalisation. M. Dron. — En disant que sur 24,000 cas de fièvre typhoïde, 37 seu¬ lement doivent être atlribués à l’ingestion d’eau impure, M. Granjux paraît ne pas partager l’opinion générale sur les origines hydriques de la lièvre thyphoïde. M. Graxiux. — Ce chiffre de 137 ne comprend que les cas où les malades ont avoué avoir bu de l’eau de la deuxième canalisation. Quant aux typhoïdiques atteints pour avoir fait usage, dans d’autres circons¬ tances, d’eau malsaine, je n’ai pas relevé leur nombre, qui est inutile pom' la thèse qui m’occupe. Je crois que l’eau est le véhicule le plus fréquent du germe typhoïdique, mais il y a d’autres voies d’infection qu’on ne doit point négliger. De plus, en dehors de la graine, il faut songer au terrain, dont l’importance est telle que l’apparition de la fièvre typhoïde dap l’armée se fait, en général, au moment des périodes de fatigue spéciale : instruction des recrues, préparation à l’inspection géné¬ rale, manœuvres. 142 SOCIÉTÉ DE MÉDECmE PEBLIQUE M. PRÉsroBNT. — Il y a, en effet, comme le signale M. Dron, un point qui prête à la confusion dans le travail de M. Granjux. A Castres, l’eau mise à la disposition des soldats était de bonne qna- lité, cependant on constata parmi ceux-ci de nombreux cas de fièvre typhoïde. On leur retira leurs permissions et l’épidémie disparut. M. Granjux. — Je ne suis pas convaincu qu’à Castres ce soit de l’eau bue en ville qui ait infesté les soldats. Il convient de remarquer qu’à Castres il ii’y a pas eu de cas parmi les officiers qui cependant dans leurs pensions, buvaient de l’eau de la ville. Il ne faut pas oublier qu’on a laissé reposer les hommes et qu’on a amélioré les ordinaires, en môme temps qu’on consignait les cafés. 11 y a la question de terrain à côté de la question de l’eau, en particulier le surmenage qui modifie le terrain et le rend apte à cultiver le bacille d’Eberth, et puis, quand le troupier va au cabaret, il ne boit pas d’eau, mais la boisson du pays, vin, cidre, bière, ou bien du café ou des alcools. M. Dron. — Oui, mais c’est surtout l’eau qui apporte ce germe. M. LE Président. — A la Conférence de Venise, en 1897, on avait obtenu qu’on installerait, à Camaran , un établissement sanitaire où l’on ferait débarquer les pèlerins se rendant à la Mecque. Dans ce lazaret ont a fait de l’eau distillée mais elle n’est donnée à boire qu’ après avoir été refroidie sur de la glace. Depuis, 40,000 pèlerins passent annuellement par ce lazaret et on n’y constate pas un cas de fièvre typhoïde ni de choléra. Je partage d’ailleurs l’opinion d’après laquelle lorsque deux robinets distribuent de l’eau, c’est toujours à celui qui fournit l’eau la plus fraîche que l'on puise. M. Gr.4njux. — Je citerai encore le cas suivant : dans une caserne, l’eau de boisson mise à la disposition des soldats étant moins fraîche que celle qui servait à l’arrosage d’un jardin attenant, les soldats buvaient de préférence cette dernière. Il y eut des cas de fièvre typhoïde , on plaça des facijonnaires avec mission d’ empêcher les hommes de boire de l’eau suspecte. Ils i-emplirent leur consigne, mais absorbèrent eux-mêmes de l'eau contaminée et contractèrent la maladie. M. Ricuuu. — Il y a un certain nombre d’installations de filtres qui sont faites avec toutes les conditions, d’obscurité ou autres, désirables, par exemple celles des casernements d’infanterie et de dragons, à Tours. On prend l’eau fraîche au robinet, mais on la porte dans les chambrées, où elle s’échauffe. M. Granjux. — On a fait une partie de ce que l’on devait faire, on a de l’eau pure , mais il faut la conserver fraîche et prendre les .mêmes précauiions que pour les viandes. Si certaines casernes sont pourmes d’installations convenables , il en existe d’autres , notamment en Algéi’ie, où aucune précaution n’a été prise pour conserver Teau fraîche. M. Kern. — Dans cette question , il importe de savoir comment a été faite l’installation de la plomberie. D’une part , il est nécessaire de dis¬ poser les conduites de manière à éviter la congélation de l’eau; d’autre part, il convient également de prévenir réchauffement de cette eau. DE LA DOUBLE CANAUSATION 113 Il ne faut pas perdre de vue que la suppression de la double canalisa¬ tion dans les casernes entraînerait des dépenses et que dans certains cas il serait à craindre que l’on ne put disposer en quantité suffisante d’eau pure pour tous les besoins. M. Bechmann. — La question posée est la question hygiénique elle- môrae. Je crois que l’idéal doit être l’établissement d’une canalisation unique donnant de l’eau toujours bonne. Mais il faut composer avec les nécessités de la pratique et cet idéal ne peut pas être réalisé dans tous les cas. Alors il faut prendre les précautions les plus grandes pour qu’on ne soit pas tenté d’aller de préférence à l’eau de mauvaise qualité. Il faut rendi’e l’absorption de cette eau à peu près impossible et, à ce propos, je citerai l’exemple de Paris , où l’eau de lavage , impropre à la boisson, est délivrée, sur la voie publique, par des bouches spéciales, disposées de manière à ce qu’on ne puisse y puiser que pour les besoins du service public; on a supprimé les anciens types de bornes-fontaines alimentés en eau de rivière. M. Laveran a dit qu’il était préférable d’avoir une double canalisation. Le Conseil municipal s’est préoccupé de donner satisfaction à cette opinion, mais en môme temps il a approuvé un règlement stipulant qu’il serait défendu de piquer un robinet (^e puisage sur la canalisation d’eau de rivière, laquelle, pour éviter toute confusion, serait peinte en rouge. M. Grakjux. — Je n’ai pas voulu soulever le principe de la double canalisation qui, pour moi, est jugée par le vote de l’Académie, mais traiter un coin seulement de cette question. M. Laveran. — L’idéal d’une seule canalisation peut être applicable à une cuisine, mais il ne l’est pas à une caserne. Quoique les soldats boivent l’eau qui est la plus fraîche , ce qu’il faut , c’est rendre l’eau de boisson agréable aux soldats. M. Landoüzy. — Le travail de M. Granjux ne soulève pas la question de principe, mais il parait la soulever; dans ces conditions, il ne faudrait pas que la Société fût engagée par les conclusions de M. Granjux. M. le Président. — Que M. Granjux ait l’obligeance de relire son rapport avant de le donner à l’impression et ses conclusions ne seraient votées qu’à la prochaine séance. M. Richard. — La première qualité d’une eau c’cst la fraîcheur; celte qualité peut être maintenant facilement obtenue, puisque la glace est à bon compte. Mais je crois que môme ce résultat obtenu, on n’aura pas entiè¬ rement résolu le problème. Il faut agir sur les hommes. On leur a montré la nocivité de l’alcool, des crachats, etc., il faut leur montrer la nocivité de la mauvaise eau. Il est indispensable d’éclairer l’opinion sur le danger des eaux insalubres, de lui faire comprendre que l’eau est un aliment et qu’à ce titre elle doit être l’objet de soins particuliers. M. Vallin. — En principe et quand cela est possible, il est certain qu’il est plus prudent de n’avoir qu’une seule espèce d’eau de bonne qua¬ lité pour tous les services ; on est de la sorte à l’abri d’une confusion ou d’une négligence. A Chambéry, à Grenoble, etc., la quantité d’eau de Ii4 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBUQUE source est telle, que les fontaines de la ville et les conduites des casernes n’ont pas do robinets ; l’eau coule nuit et jour à profusion toute l’année ; rutilisalion n’en est pas nieilleui’e, et l’on prend l’habitude du gaspillage. Quand la quantité d’eau de source est restreinte, on est souvent conduit à réserver l’eau très pure pour les usages alimentaires et domestiques, et à utiliser une eau médiocre pour le lavage des urinoirs et des latrines, les lavoirs, le pôdiluve des chevaux, etc. Cette ressource n’est acceptable que si les conditions locales permettent de mettre les hommes, et en particu¬ lier les soldats, dans l’impossibilité de faire usage pour la boisson de cette eau de qualité inférieure. Au cours d’inspections générales dans une des plus grandes casernes de France, j’ai conseillé et j’ai vu l’année suivante appliquée une disposi¬ tion qui me paraît capable de rendre de véritables services. Jadis cette caserne était alimentée exclusivement par une nappe souterraine peu pro¬ fonde, d’eau fraîche, très limpide, agréable à boire, mais qui depuis quinze ans entretenait des épidémies de fièvre typhoïde et de dysenterie. On supprima le puits, on ne fit plus usage que de l’eau du service public, et l’état sanitaire s’améliora d’une façon évidente. Mais en ces dernières années, on installa des latrines et des urinoirs avec chasses d’eau, chaque semaine les hommes passaient sous la douche savonneuse, les besoins s’accrurent légitimement, et la quantité d’eau que pouvait fournir le ser¬ vice municipal devint insuffisante pour une caserne réunissant 4 régiments do cavalerie. Les lavoirs, ayant chacun 20 mètres superficiels, no pou valent être vidés tous les jours, et les hommes lavaient leur linge 6t leurs vêtements dans une eau savonneuse grisâtre, épaisse, répugnante. Les puits condamnés étaient à 50 mètres de là et auraient fourni une quantité illimitée d’une eau considérée longtemps comme potable, si les pompes n’avaient été rigoureusement cadenassées. Je conseillai de souder au robinet de la pompe un tuyau en plomb, passant sous le sol, et dont l’extrémité libre terminée en entonnoir renversé descendait jusqu’à 3 cen¬ timètres au-dessus du fond du lavoir. Des épreuves montraient qu’il était impossible de recueillir directement de celte eau pour la boire, même quand le bassin était complètement vidé. Le seul inconvénient était qu’il fallait pomper l’eau, comme on le faisait autrefois dans presque toutes les casernes de France avant l’utilisalion, à partir de 1885, du service d’eau des villes. Il va sans dire qu’aucun autre orifice ne permettait de puiser cette eau directement à la pompe. Une telle disposition est utili¬ sable dans bien des circonstances. Dans les casernes comme dans les maisons particulières, l’eau fraîche, même impure, aura toujours la préférence; quand l’eau suspecte est tiède personne ne consent à la boire. C’est généralement le contraire qui se produit ; l’eau filtrée s’est échauffée pendant les manipulations, et souvent, comme le dit très bien M. Granjux, quand elle arrive dans les cruches elle est devenue non buvable. Il importe donc de proscrire dans les casernes les grands réservoirs métalliques dressés à l’air libre, comme au voisinage de nos gares ; ils sont rarement couverts et recueillent toutes les poussières ; on oublie presque toujours de munir leur fond d’une bonde sans relief intérieur, ce qui rend tout curage impossible. En prin- CORRESPONDAKCE 143 cipe on doit les supprimer ; on ne peut faire d’exception que pour les établissements réunissant au moins un millier d’hommes, et qu’il faut mettre à l’abri d’un accident de la canalisation ou d’un incendie. Mais alors il faut protéger ces réservoirs contre les excès de température, par une muraille épaisse en maçonnerie, ou tout au moins par une garniture extérieure en planches, doublée de paille ou de laine de bois, qui les préserve à la fois de la gelée et de réchauffement. Il ne suffit pas qu’une eau soit pure ou même stérile; il faut qu’elle soit fraîche, ou personne ne la boira; en été nous en ferions tous autant. M. le Président. — La discussion reste ouverte. Le vote des conclu¬ sions de M. Granjux sera remis à une prochaine séance. Dans cette séance, ont été nommés membres titulaires : MM. CnABAL, ingénieur civil, présenté par MM. Bechmann et Launay; Le Couppev de la Forest, ingénieur agronome, présenté par MM. les D'^ Thierry et Martin ; S. E. Mirza Maiimoüdkhan Vazir Darbar, médecin en chef de S. M. le Shah de Perse, pré.«enté par MM. les D" Schneider et Martin ; Pbllissier, architecte, présenté par MM. les D'® Landouzy et Martin ; PoMBLA , constructeur, présenté par MM. Renaud et Martin ; Roüciiy, licencié ès-sciences, présenté par M.V1. Bechmann et Launay. CORRESPONDANCE Monsieur le Directeur, Dans son intéressante communication relative aux « Eaux de Paris, projet d’Issarlès » {Revue d’hygiène, décembre 1900, page 1071), M'' le D'' Prompt s’exprime comme suit... «par suite des fautes qu’on ne cesse de commettre, et notamment par suite de la destruction des étangs et du faucardage des petites rivières, l’étiage du fleuve (la Loire) diminue sans cesse... » Bien que cette assertion soit exacte, il ne semble pas que la iliminution d’étiage de la Loire puisse être attribuée aux causes ci- dessus indiquées. Il est vrai que, jusqu’à certain point, la présence des herbes et des plantes aquatiques accrues sur le fond et les berges des ruisseaux aurait pour effet, en entravant le libi'e écoulement des eaux, de régulariser l’afflux à la Loire des ruisseaux tributaires ; REV. d’hyg. xxm. — 10 COaRESPONDANCE Ii6 mais la vitesse d’écoulement des eaux de ces ruisseaux, déjà souvent réduite par l’existence de bai’rages, ne tarderait pas à devenir tellement faible, sauf eu cas de crues causées par des pluies excep¬ tionnelles, que l'eau vive se transformerait en une véritable eau croupissante. D’ailleurs l’expérience a montré dès longtemps que le faucardement, combiné avec le curage, opération qui a pour objet l’enlèvement des vases du fond du lit, est indispensable à l’agricul¬ ture et très utile au point de vue de l’hygiène publique, attendu que si les cours d’eau étaient abandonnés à eux-mêmes, leur plan d’eau s'élèverait peu à peu par suite de l’envasement progressif et de la diminution de section du lit, ce qui aurait pour résultat de stériliser, puis de rendre marécageuse une énorme surface de terrains occupant les fonds des vallées. En ce qui concerne les étangs, il y a lieu de faire une distinction entre les étangs naturels formés par une dépression du terrain dans un sol imperméable et les étangs artificiels créés au moyen d’un barrage à l’amont duquel les eaux zénithales s’épanouissent. Ces derniers sont très nombreux, car ils donnent en général de bons produits, grâce à la pêche. De plus, lorsqu’ils sont restés en eau pendant un temps assez long, on peut les assécher et en cultiver avantageusement le sol qui se trouve alors engraissé par des dé.tritus de toutes sortes. Mais tandis que l’étang naturel n’est- jamais malsain, grâce à sa profondeur et à la déclivité de ses bords, il arrive souvent que l’étang artificiel présente de graves inconvénients. En effet, soit qu’il se trouve alternativement en eau et en assec, soit que, restant eu eau, l’abaissement du niveau pendant l’été sous l’influence des rayons solaires découvre une surface plus ou moins grande sur ses bords jllats, l’étang peut devenir un foyer d’impaludisme. L’administration ne poursuit que la suppression des étangs artificiels, et seulement lorsqu'ils sont reconnus notoirement insalubres, par application de la loi des 11-'19 septembre 1792, laquelle exige, entre autres formalités substantielles, un avis favorable du Conseil d’hygiène et de salubrité de l’arrondissement. 11 est à remarquer d’ailleurs que pour qu’un étang puisse jouer le rôle de régulateur des crues, il faut qu’il soit susceptible d’emma¬ gasiner les eaux de crues pour les restituer aux cours d’eau naturels de la vallée en temps de pénurie. Or, tel n’est pas le cas d’un étang artificiel dépourvu d’émissaire, puisqu’il est fermé par une digue ./ui empêche tout écoulement vers l’aval et qu’on détruit quand on veut mettre l’étang à sec. La diminution du débit d’étiage de la Loire doit être attribuée principalement au déboisement des versants du bassin. Quand ces ANGELO CELLI li7 derniers sont dénudés, l’eau zénithale ruisselle à la surface et rejoint rapidement le thalweg. Au contraire, si les versants sont i-ccouverts d’une végétation touffue , les arbres et les herbes forment comme une immense éponge qui retient les eaux pluviales pour distiller ensuite goutte à goutte le liquide absorbé. C’est cette végétation, et non celle qui peut croître dans le Ut des ruisseaux, qui est susceptible d’exercer une action énergique sur les variations des débits de la Loire et qui seule peut avoir pour résultat d’amener à la fois une diminution dans l’importance des crues et une augmen¬ tation dans le volume des eaux ordinaires et basses. Le reboisement des flancs dénudés des versants est sans contredit le meilleur remède aux inconvénients de la situation actuelle. Malheureusement c’est un travail de longue haleine et qui ne pourra produire que dans un avenir éloigné les résultats qu’on est en droit d’en attendre, là où il est entrepris. Dans le cas où ces observations vous paraîtraient suffisamment intéressantes, je vous prierais. Monsieur le Directeur, de vouloir bien les faire insérer dans la Revue d’hygiène. Veuillez agréer. Monsieur le Directeur, l’assurance de ma haute considération. Paul-Levy Salvador, Ingénieur au ministère de l’Agriculture. Membre de la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle. LES MAITRES DE L’HYGIËNE A L’ÉTRANGER Professeur Angelo Celli Profes-seur d’hj giène à l’Université de Rome. Le D' Angelo Celli est né à Cagli, en 1837. Après avoir pris bril¬ lamment ses degrés à l’Université de Rome, il se livra très promp¬ tement à l’étude spéciale de Thygiène, fut nommé professeur extraor¬ dinaire de cette chaire à Palerme en 1886, puis à Rome en 1887. 11 fut Télève et l’un des principaux collaborateurs de Tommasi- Crudeli , qui est mort à Rome au mois de mai dernier, et dont il a retracé récemment la carrière scientifique et politique, lors de l’inau- 148 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER guration de son buste dans l’Aula de l’Institut d’hygiène de TUni- versité. Après avoir occupé de 1870 à 1882 la chaire d’anatomie pathologique à Rome , Tommasi-Crudeli demanda et obtint, à cette même Université, la chaire d’hygiène qui devenait vacante en 1882; il entreprit de transformer complètement cet enseignement, jusque-là superficiel et théorique, en lui donnant pour base l’expérimentation et les recherches scientifiques. Dès 1 883, il commença la création d’un Institut d’hygiène expérimentale annexé à sa chaire. Il n’existaic jusque-là en Europe qu’un nombre restreint de véritables labora¬ toires d’hygiène : celui de von Pettenkofer , à Munich ; de von Fodor, à Budapest ; de Franz Hofmann , à Leipzig ; de Wilhelm Roth , à Dresde ; de G. Flügge , à Gœttingue. Tommasi-Cnideli apporta dans cette création son enthousiasme, son ardeur réforma¬ trice, son esprit scientifique; en 1885, il inaugurait le nouvel Ins¬ titut, et il illustra son enseignement par ses belles recherches sur les eaux souterraines, la malaria, et l’assainissement de l’Agro romano, sur les parasites du sang chez les paludéens, le choléra, la vaccination an ti- charbonneuse, etc. C'est à cette école que s’est formé M. A. Celli, qui était tout désigné pour remplacer son maître, comme professeur ordinaire dans la chaire d’hygiène que ce dernier abandonnait en 1890. On comprend dès lors que M. Celli ait dirigé ses travaux dans la même voie que Tommasi-Crudeli dont il avait été le collaborateur, en particulier sur la malaria, la prophy¬ laxie des maladies infectieuses, la transformation de l’enseignement de l’hygiène, etc., etc. Nous donnons ici la liste de ses principales publications. Rage. Sur quelques propriétés du virus rabique (R. Accademia di Roma, 1887). — La première année de la station antirabique de Païenne (R. Accademia di Roma, 1888). — Sur la transmission du virus rabique de chien à chien (Annali d’igiene sperimentalc, 1892). Tuberculose. Prophylaxie de la tuberculose (Archivio per le scienze mediche, 1883, et Gazzetla degli ospedali, 1884). — Hygiène de la tuberculose d’après les connaissances modernes, Milano, Civelli, 1885, un volume. — Prophylaxie de la tuberculose (R. Accademia di Roma, 1880). Dysenterie. Sur l’étiologie de la dysenterie (Riforma medica, 1895 et 11 Policlinico , 1899). — L’étiologie de la dysenterie dans ses rapporîs avec le coli-bacille et avec ses toxines (Annali d’igiene speriraentale, 1896). Choléra. La prophylaxie rationnelle du choléra (Bollclino délia Société Lancisiana degli ospedali di Roma, 1886). — Contribution à l’étiologie du choléra (Annali del Istituto d’igiene dell’ Université di Roma, 1888). ANGELO CELLI 149 — Le choléra de Rome en 1893 , comparé avec les épidémies anté¬ rieures (Annali del Ist. d’igiene, 1894.) Hygiène générale et divers. Sur les microbes de la méningite cérébro- spinale épidémique (Gazzetta degli ospedali, 1884). — Sur la nitrification (Accaderaia dei Lincei, 1880). — Analyse bactériologique de l’eau du sous-sol de Rome (Roma, Accad. dei Lincei, 1880). — Transmissibilité des germes pathogènes par les déjections des mouches (Socielà Lanci- siana, 1888). M. Celli est un des premiers qui aient attiré l’attention sur ce mode de propagation des maladies vinilentes. — Nos substances alimentaires comme terrain de culture des germes pathogènes (R. Accad. di Roma, 1888). — Les parasites endocellulaires (Riforma medica, 1889)^. — Analyse de l’eau du Tibre, avec O. Scala (Ann. del Istituto d’igiene, 1890). — Compte rendu de la première réunion pour l’enseignement de l’hygiène dans les Universités italiennes (Naples, Unione, 1892). — Pro¬ phylaxie sociale de la syphilis (Riforma medica, 1891). — L’Ecole et l’hygiène sociale (Salute publica, Perusia, 1893). — L’Ecole romaine d’hygiène et la prophylaxie de la peste bubonique au xvii“ siècle (Sup- plemento al Policlinico, 1897). — üeber die Reform der Gymnastik (Zeitschrift f. Schlugesundh., 1864), — Sm’ l’alimentation du prolétaire en Italie (Rivista populare, 1894). — L’alimentation du paysan italien (Societa degli agricoltori italiani, 1896). — L’amélioration de l’alimenta¬ tion par le maïs chez les paysans italiens (Riforma sociale, 1897). — Le pain intégral (Rome, imprimerie du Sénat, 1898). Malaria. Sur l’altération des globules rouges dans l’infection mala¬ rienne et sur la genèse de la mélanémie, avec Marchiafava (Atti dei Lincei 1884). — Nouvelles recherches sur l’infection malarienne, en alle¬ mand (Fortschritte der Medizin, 1888). — Eau potable et malaria (Gior- nale délia R. Société italiana d’igiene, 1886). — Nouvelles éludes sur l’infection malarique , avec Marchiafava (Archives italiennes de biologie, 1887 et 1888). — Sur les rapports qui existent entre les altérations du sang chez le chien et celles du sang humain dans l’infection malarienne , avec Marchiafava (Bollela délia R. Accademia medica di Roma, 1887). — Sur la structure intime' de la plasmodie malarienne, avec G. Guarnieri, (La Riforma medica, 1888 et 1889). — Sur l’étiologie de l’infection mala¬ rienne (Accademia medica di Roma, 1888, 1889 et 1890, et Congrès de Berlin en 1890). — Sur les fièvres malariques qui prédominent à Rome en été et en automne , avec H. Marchiafava (Archivio per le scienze mediche, 1890). — Sur les parasites des globules rouges de l’homme et des animaux, avec F. Sanfelice (Annali di agricollura, 1891). — La période d’incubation des fièvres malariques , avec F. S. Santori (Supple- mento al Policlinico, 1896). — Sur la siro-prophylaxie de la malaria, avec Santori (Annali d’igiene sperimentale , 1897). — La malaria des bovidées dans la campagne romaine (Bollettino délia R. Accademia medica di Roma, 1897). — Sur la destruction des moustiques, avec O. Casagrandi (Annali d’igiene sperimentale, 1899, et Supplemento al Policlinico, 1899). Sur l’immunité contre l’infection malarique, avec O. Casagrandi (Ibid.) ISO LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER La .malabia secondo le niove bicbbche (Roma , 1899 , Socielâ éditrice Dante Alighieri, in-8® de 224 pages). Cet ouvrage, qui a eu deux éditions en cinq mois, a été traduit en anglais et en allemand. Il contient le résumé des recherches faites par l’auteur et ses élèves sur la lullc contre la malaria et contre les moustiques (Analyse in Revue d’Hygièno, 1899, p. 89C et 915). — La nouvelle prophylaxie de la malaria dans le Latium (11 Policlinico, 1900). Outre ses recherches importantes sur la nature et la prophylaxie de la malaria, sur la destruction des moustiques, sur la dysen¬ terie, etc., M. A. Celli a attaché son nom à deux œuvres princi¬ pales. Il a fondé, en 1888, les Annali deW Istiluto d'igiene delV Vniversità di Roma dont il a modifié le titre en 1894, et qui sont devenues définitivemènt les Annali d'igiene sperimentale. Elles recueillent aujourd’hui les travaux de la plupart des laboratoires d’hygiène établis dans les nombreuses Universités du royaume. C’est un recueil trimestriel de mémoires originaux et de recherches scien¬ tifiques, tout à fait comparable à la Zeitschrift für Hygiene und Infectionskrankheilen , de R. Koch et Flügge , et à YArchiv für Hygiene, fondée par von Pettenkofer depuis 1883; il fait honneur à son rédacteur en chef non moins qu’à l’Italie, et prouve quel essor ont pris les travaux d’hygiène expérimentale en cette contrée depuis la loi du 22 décembre 1888 sur la protection de la santé et de l’hy¬ giène publiques, et depuis la création de seize laboratoires d’hygiène. D’autre part, M. A. Celli a contribué, après une lutte qui n’a pas été sans violences, à faire sortir le décret du 29 mai 1898 qui ins¬ titue dans toutes les Universités un enseignement complémentaire d’hygiène appliquée, où certains médecins praticiens, chimistes, ingénieurs, vétérinaires, se destinant aux fonctions sanitaires, peu¬ vent acquérir une instruction spéciale. Jusque-là cette instruction pratique était surtout donnée à 1’ « Ecole de perfectionnement dans l’hygiène publique », créée à Rome en 1889 par M. le professeur Pagliani , dirigée par lui et annexée à la Direction de la santé publique du royaume. Cet enseignement est la pépinière d’où sortent les « ufficiali sauitarii », c’est-à-dire le personnel technique et com¬ pétent chargé de surveiller l’exécution des lois sanitaires dans les communes , les arrondissements et les provinces. M. A. Celli , avec la collaboration de ses chargés de cours , a publié sous le nom de Manüele Dell’ ufficiale sakitario un volume 111-8“ de 830 pages, qui contient toutes les matières de cet enseignement, et qui est le BIBLIOGRAPHIE loi bréviaire du médecin sanitaire italien. L'on trouvera l’analyse de cet ouvi’age dans la Revue d'hygiène, 1899, p. 4S7. M. A. Celli est directeur de l’Institut anti rabique de Rome; dé¬ puté au Parlement, il a défendu les intérêts de l’hygiène dans la dis¬ cussion d’un grand nombre de lois , en particulier concernant l’impôt sur l’alcool, l’hygiène des émigrants, la police sanitaire des animaux , la vente des sérums , etc. Sa connaissance des lan¬ gues allemande et française lui a permis de faire plusieurs commu¬ nications dans les journaux de ces divers pays, et de prendre part aux Congrès nationaux, où beaucoup d’entre nous ont pu établir avec lui des relations personnelles agréables. E. Vallin. BIBLIOGRAPHIE La profession médicale, ses devoirs, ses droits, par G. Morache, professeur de médecine légale à la Faculté de Bordeaux. Paris-Alcan, 1901 ; 1 vol. in-12 de 323 pages. M. Moracbe consacre chaque année plusieurs leçons de son cours de médecine légale à enseigner aux futurs docteurs quels sont leurs devoirs, quels sont leurs droits; en un mot il leur enseigne la déontologie pro¬ fessionnelle, qui jusqu’à présent n’a guère figuré que pour mémoire ou très exceptionnellement dans l’enseignement donné dans les Facultés de médecine. C’est une mesure excellente, et nous espérons qu’elle se géné¬ ralisera. Il est certain qu’à une époque où l’industrialisme tend à envahir la médecine, il est nécessaire que le jeune docteur ne soit pas jeté sans préparation et sans conseils autorisés dans la mêlée de la lutte pour l’existence, et si l’on ose dire, pour la subsistance. Jadis, le jemie homme qui avait terminé ses études doctrinales s’attacliait à un médecin, l’accompa^ait même dans ses visites, le remplaçait en cas d’empèche- menl, vivait presque de sa vie de famille et de sa vie professionnelle: il y puisait de l’expérience, du savoir-faire dans le sens bon et mauvais du mot; le plus souvent il y trouvait des exemples et des conseils d’honneur et de probité. Même en laissant de côté les questions de devoir, d’hono¬ rabilité, il est un grand nombre de situations difficiles et délicates, avec lesquelles tout médecin se trouve fréquemment aux prises dans la car¬ rière, et pour lesquelles une maladresse ou une fausse Interprétation peut compromettre tout l’avenir d’un médecin. Il suffit de jeter un coup d’oeil sur la table de ce livre, pour apprécier la nécessité absolue d’un pareil enseignement : spécialisations, consultations gratuites et cliniques BIBLIOGRAPHIE privées, honoraires, exercice de la médecine auprès des sociétés de secours mutuels, des bureaux de bienfaisance; secret médical, exper¬ tises et réquisitions; consultations avec les confrères, remplacement d’un collègue auprès d’une famille, etc. Combien de médecins sortent de nos universités sans avoir entendu même causer raisonnablement de ces questions par des confrères expérimentés et réfléchis. A la ville, on acquiert rapidement, par le frottement journalier avec les collègues, un commencement d’expérience ; on n’a que quelques pas à faire au besoin pour demander un conseil. Mais à la campagne, dans une très petite ville, où parfois on est seul avec un concurrent, à qui s’adresser, surtout quand c’est avec ce dernier que la situation est délicate et difficile? Quelques-uns sont allés jusqu’à demander la création dans les Facultés d’une chaire de déontologie médicale. C’est une véritable exagération, quand il y a tant de branches spéciales de la médecine qui ne sont pour ainsi dire pas enseignées dans nos écoles; mais nous pensons que quatre ou six leçons sur ces matières devraient être faites chaque année, et elles ne peuvent être mieux à leur place que dans le cours de médecine légale. Nous n’avons pas à entrer dans le détail du programme développé par M. Morache, mais nous avons lu avec grand intérêt certains chapitres dont le titre, en pai’courant la table, avait alléché notre curiosité, cl nous avons été frappé de la sagesse, do l’équité, de la pondération et j’ose dire du bon sens avec lequel sont résolues les questions les plus délicates et les plus litigieuses. Ce qui domine surtout, c’est une haute conception du rôle du médecin dans noire société moderne; c’est le sen¬ timent du devoir, de la dignité et de l’honneur qui pour lui domine la profession. Quand comme nous on connaît l’auteur depuis quarante ans, on peut dire que son livre est adéquat à son caractère et à la correction irréprochable de sa vie. E. Vallin. L’alcool et l’alcoolisjhe, par les D"'® H. Triboulet, médecin des hôpitaux, et F. Martin. Paris, Carré et Naud, 1900, in-S” de 2S1 pages. Cet élégant volume est un excellent résumé des connaissances les plus modernes sur l’alcool et l’alcoolisme, considérés au point de vue de la toxicologie et de la physiologie, de la pathologie, de I4 thérapeutique, de la prophylaxie et de la législation. Nous venons de le lire en entier, et nous sommes embarrassé pour en rendre compte, tant il est rempli de faits intéressants, connus d’ailleurs du petit nombre de ceux qui ont étudié à fond cette question d’ordre vital pour notre pays. Après les travaux de MM. Joffroy et Serveaux, les auteurs considèrent comme démonùé que c’est beaucoup plus la quantité d’alcool éthylique consommé qui produit l’alcoolisme chronique, que les proportions presque infinitésimales d’alcools supérieurs et môme d’essences contenues dans les liqueur.s alcooliques. C’est pour cette raison qu’ils rejettent le monopole de l’Etat, qui ne se justifierait que si l’alcool bien rectifié n’était plus que faiblement toxique. Ils rappellent d’ailleurs que le vrai cognac de grand prix contient 304 grammes d’alcools supérieurs et BIBLIOGRAPHIE 153 2o grammes de furfurol par lieclolilre, tandis que l’eau-de-vie commune qualifiée faussement de cognac contient 7ff'',20 des premiers et 0 de fur¬ furol. Quant aux « apéritifs », les essences épileptisan tes qui causent les intoxications aiguës ajoutent leurs effets, » l’aromatisme de Laborde », à l’intoxication chronique par l’alcool éthylique. Citons en passant cette opinion de l’administration française, qu’en 1895 plus d’un tiers des 134, 240 hectolitres d’alcool dénaturé a été frauduleusement revivifié et est retourné à la consommation ! La proportion est encore plus forte en Suisse, d’où nous vient l’absinthe de ce nom. La consommation de l’absinthe frappée de di'oits, qui en 1885 était de 57,732 hectolitres par an, s’est élevée à 182,502 hectolitres eu 1890. Les auteurs passent en revue les causes de l’accroissement incroyable de l’alcoolisme de France depuis vingt ans et les moyens de l’arrêter. Ils ne veulent pas supprimer en France l’industrie si prospère de la distilla¬ tion agricole, ils voudraient déplacer la consommation, et visent l’utili¬ sation de l’alcool pour le chauffage et l’éclairage. Ils résument leurs vœux et leurs espérances dans les conclusions suivantes ; 1° Imposer aux distilleries un droit de fabrication ou d’accise d'au moins 200 francs par hectolitre d’alcool de consommation, non seulement pour l’alcool pur, mais pour la proportion d’alcool ii 100 degrés contenu dans les boissons fermentées en contenant plus de 2 p. 100 et cela sans préjudice des droits d’octroi. Les revenus de cet impôt seraient appliques à des œuvres d’assistance, au rachat des licences, etc. Suppression de tous droits sur le café, le thé, le cacao; 2“ Suppression du privilège des bouilleurs de cru avec tolérance de brûler 5 litres d’alcool à 100 degrés par ménage; 3“ Diminution du nombre des débits ; forte élévation de la taxe de licence, de 100 à 1,500 francs par an, suivant le prix du loyer ; 4“ Fermeture des débits à onze heures du soir dans les grandes villes, à neuf heures dans les petites villes et la campagne, excepté au voisi¬ nage des gares et des théâtres. Défense de servir à boire aux individus ivres et aux enfants au-dessous do 18 ans ; 5° Suppression des débits dans les édifices publics, casernes, ateliers, chemins de fer, etc. ; 6“ Interdiction des affiches-réclames pour liqueurs alcooliques ; 7“ Internement des ivrognes et alcooliques dans des hôpitaux de cure spéciaux ; 8“ Formation de ligues anti-alcooliques; 9“ Subvention des départements et des municipalités aux Sociétés de tempérance; les employés de l’Etat et des grandes administrations publiques se recruteraient principalement parmi les membres de ces Sociétés ; 10» Amélioration des logements d’ouvriers, avec fermeture d’office des logements insalubres ; primes aux meilleurs immeubles à bon marché. Il y a là certainement quelques utopies à côté de vœux réalisables ; mais le livre est plein de foi, bien documenté et bien écrit ; la partie BIBLIOGRAPHIE loi physiologique cl pathologique de l’alcoolisme est Iniilte d’une façon vraiment scientifique, par des médecins pour les médecins, et la lec¬ ture en est aussi profitable qu’agréable. E. Vallin. An.alvse biologique des eaux potables, par le D’’ Gasseb, direc¬ teur du Bureau municipal d’hygiène à Oran ; Paris, Masson et Gaulhier- Villars, 1901, un vol. in-16 de l’Encyclopédie des aide-mémoire beauté, de 190 pages. Il a été écrit en ces dernières années un assez grand nombre de traités sur l’analyse bactériologique des eaux : ceux de MM. G. Roux, Miquel, Zune et Bonjean, etc., en France, sans parler de ceux de Tiemami- Gaertner, Lustig, Frankland, etc., à l’étranger. Mais la plupart de ces ouvrages sont des traités complets, destinés à de véritables laboratoires, bien outillés et largement pourvus. M. Gasser a été invité à rédiger un. manuel beaucoup plus modeste, pour guider ceux qui sont appelés à donner simplement, dans des centres restreints, des renseignements sur la valeur hygiénique des eaux potables. Il croit qu’avec un peu d'exer¬ cice, de l’attention et de la propreté on peut rendre de véritables services à l’hygiène publique. C’est donc par excellence un guide élémenlaire indiquant le minimum de ce qui est indispensable. Tant vaut l’auteur, tant vaut son œuvre. M. le D' Gasser a depuis de longues années l’expérience de ces recherches bactériologiques. Sorti dans les premiers rangs de sa promotion du Val-de-Gràce, il a- fait son éducation bactériologique à l’Institut Pasteur, pendant un an, puis l’année suivante a été moniteur au laboratoire de bactériologie de M. le profes¬ seur Vaillard, au Val-de-Gràce. 11 a été envoyé delà pour diriger le labo¬ ratoire de bactériologie à l’hôpilal militaire d’Oran, et a quitté l’année pour être directeur du bureau municipal d’hygiène à Oran. Il a acquis depuis plusieurs années une grande expérience dans ce poste, et c’est là qu’il a écrit ce volume pour les modestes laboratoires des bureaux d'hy- gièrte de province. Dans les grands centres, au voisinage des Universités, des Ecoles de médecine et de pharmacie, des Instituts Pasteur, là où règne la division du travail et où les ressources abondent, la tâche est facile. Aujourd’hui les Bureaux municipaux d’hygiène se multiplient fort heureusement, et le temps e.st proche où chaque chef-lieu de département possédera le sien. Le directeur de ces Bureaux ne peut réunir toutes les spécialités, il ne peut être à la fois bactériologiste, chimiste, épidémio¬ logiste, médecin praticien, hygiéniste, et cependant il doit toujours être capable de dire si une eau suspectée est bonne ou anauvaise, si elle contient les germes d’une, épidémie rommençante. C’est à ce point de vue que s’est placé l'auteur, d’autant plus qu’en dehors des grands froids de l’hiver l’examen bactériologique d’une eau transportée au loin donne des résultats un peu incertains. Il indique la manière de prélever et de transporter les échantillons, de faire la numé¬ ration et surtout l’analyse qualitative des germes, en s’attachant spécia¬ lement aux bacilles typhiques et paratyphiques, au coli-bacille, au vibrion cholérique, etc, Il s’inspire en partie des principes appliqués par BIBLIOGRAPHIE MM. Poiiclicl el Bonjeaii au laboratoire du Comité consultatif d’hygiène, et distingue les cocci et les bacilles suivant qu’ils liquéfient ou non la gélatine, qu’ils sont ou non chromatogènes, etc. Ce petit livre nous parait un guide précis et sûr; il est écrit par un homme assez savant et compétent pour distinguer ce qui est indispensable de ce qui peut être mis au second plan. Il en est de ce manuel comme des livres de science élémentaire qu'on met entre les mains de nos enfants dans l’enseignement primaire; les plus simples et les plus substanciels sont ceux qu’ont consenti à rédiger les Paul Bert pour la physiologie, les Lavisse pour l’histoire, etc. On n\ trouve en termes concis, que ce qu’il faut absolument savoir : les grands faits elles résultats évidents. E. Vallin. Report on plague in Egvpt (Rapport sur la peste en Egypte de mai 1899 à juillet 1900), rapport au ministre de l’Intérieur par le D’’ H. PiNcruNG, directeur général du département sanitaire, au Caire. Cairo- Diemer, 1900 ; grand in-8“ de 86 pages, avec cartes el plan. Ce rapport se divise en deux parties ; celle qui concerne les mesures sanitaires et la prophylaxie est en anglais ; la description clinique do l’épidémie est en français. C’est la première surtout que nous ana¬ lyserons. Le rapport débute par un exposé de l’organisation du service sanitaire de l’Egypte ; les 13 provinces ou moudiriehs sont divisées en districts (markases), comprenant chacun environ 30 villages. A la télé de chaque province il y a un inspecteur sanitaire, avec un sous-inspecteur par district; il existe un hôpital du gouvernement, parfois deux par province, des dispensaires par district ; dans les villages, la médecine et l’hygiène sont confiées à des barbiers ou des sages-femmes indigènes ayant passé un examen spécial et qui ont des notions de médecine. Dans les grandes villes comme le Caire, Alexandrie, Suez, Port-Saïd, Damiette, etc., il y a des services sanitaires comme en Europe. Le directeur général du département sanitaire, qui réside au Caire, centralise tous ces services. Le premier cas de peste reconnu fut constaté à l’Iiôpital d’Alexandrie, le 3 mai 1899, par les D'® Gotschlich et Valassopoulo, sur un épicier grec en traitement à l’hôpital grec ; il a sans doute été précédé dans le môme hôpital d’un cas traité le 3 avril cl qui guérit. Les vingt premiers cas sévirent presque exclusivement sur des Grecs épiciers et boulangers; plus lard la peste envahit la population indigène; elle avait sans doute été importée par des pèlerins de Bombay et do DJeddah. L’auteur relate surtout l’épidémie d’Alexandrie. La Caisse de la Dette mit 750.000 francs à la disposition de la direction générale du service sanitaire pour combattre celte épidémie. On rappelle que depuis 1891 un service de désinfection bien organisé fonctionne encelle ville, à l’hôpital, sous la direction du D'' Schiess-Bey. Les trois mesures principales contre l’épidémie eurent pour but : 1“ de découvrir promptement tous les cas de peste déclarés et les cas suspects; 2“ d’empêcher la propagation des cas individuels ; 3“ d’assainir les quar¬ tiers malpropres de la ville. 1S6 BIBLIOGRAPHIE En principe, la vérification de tout décès doit être faite dans les provinces, les districts et les villages ; en réalité, elle est illusoire ; on se borne le plus souvent à déclarer que la mort est naturelle ou ordinaire, c’est-à-dire qu’elle ne résulte ni d’un crime ni d’une maladie visiblement infectieuse. L'inhumation d’un corps n’est autorisée en Egypte que sur la présentation d’un certificat indiquant la cause de la mort. A Alexandrie, cet examen du corps des décédés avait une grande importance pour découvrir les cas non déclarés de peste. Il fut fait cons¬ ciencieusement par des médecins européens. C’était plus difficile pour les femmes, car il n’y avait à Alexandrie qu’une dame européenne, ayant le titre de docteur en médecine, et qui a pris part au dernier Congrès de Paris ; il était impossible de faire faire cet examen des indigènes décé¬ dées par des docteurs hommes. On donna des instructions spéciales à trois sages-femmes européennes, qui recherchaient sur le corps des gon¬ flements ganglionnaires et des abcès, et le liquide obtenu par des ponc¬ tions aspiratrices était examiné bactériologiquement. Une de ces sages- femmes découvrit ainsi posl-mortem G cas de peste méconnus pendant la vie. Le rapporteur croit pouvoir affirmer qu’au cours de l’épidémie aucun décès, suite de peste, n’est resté méconnu. Les corps des pauvres étaient enveloppés d’un linceul trempé dans la solution de sublimé, trans¬ portés dans une bière doublée en zinc ; suivant le rite musulman, le corps était retiré de la bière et placé dans la fosse ; après l’inhumation, on faisait une désinfection sérieuse de la bière, des mains et des pieds des fossoyeurs. Pour les Européens, la bière mise en terre était recouverte de chaux vive. Tous les habitants de la maison étaient mis en quarantaine d’observation au lazaret de Gabbari, hors la ville ; ii la maison, local et contenu étaient rigoureusement désinfectés. On a dit que des cadavres avaient été inhumés en cachette, et que des décès jresteux ont ainsi échappé au contrôle. Le D” Pinching explique qu’eh raison des précau¬ tions prises, cela est impossible. L’épidémie d’ailleurs n’a provoqué aucune panique. La déclaration de tous les cas de peste était naturellement obligatoire ; on fit en sorte que les cas fussent immédiatement reconnus et notifiés. On donnait 10 francs de récompense à tout sheikh qui faisait connaître un cas non déclaré ; on découvrit de la sorte 15 cas chez des indigènes. I! y eut même des déclarations pour des cas qui n’étaient nullement de pesle. Les médecins grecs, juifs, etc., s’entendirent avec leurs nationaux pour visiter périodiquement tous les employés des magasins d’épicerie, des débits de vin, des administrations, des chemins de fer, de la police, des docks, etc. Au début, on examina plus de 250 de ces établissements par jour. Un décret khédivial du 25 mai 1899 avait autorisé ces visites domi¬ ciliaires de contrôle. Sur 96 cas connus, 27 avaient été conduits sponta¬ nément à l’hôpital par leurs parents ou amis : les autres furent reconnus à la suite de ces inspections de personnel ; 19 cas furent constatés lors de la vérification des causes des décès. Sur les 96 cas, il y en eut 30 chez des étrangers, 66 chez les indigènes ; on croit pouvoir dire qu’il y a eu en outre 27 cas non déclarés qui guérirent, soit en tout 123 cas de peste REVUE DES JOURNAUX pendant ces quinze mois. La mortalité a été de 37 à 30 sur 100 cas déclarés. Tout suspect était isolé à Thôpital dans des pavillons spéciaux ; on transportait d’office à Thôpilal tout malade qui ne pouvait être convena¬ blement isolé à son domicile. Les maisons riches étaient désinfectées avec le formol au moyen de l’appareil de Flügge. Dans les maisons pauvres, mal closes, il eût été impossible ou trop coûteux d’employer les vapeurs de formol ; on avait recours aux pulvérisations de solution de sublime, aux badigeonnages à la chaux, les effets étaient désinfectés à l’étuve ou incinérés. L’auteur n’a pas vu un seul cas se reproduire dans les maisons anté¬ rieurement désinfectées. On a blanchi ainsi à la chaux 90,700 chambres, enlevé ou brûlé 38,000 sacs de débris ; on a fourni et remplacé 14,674 matelas et 4,822 coussins ou oreillers détruits par le feu. Il fut noté un nombre considérable de rats morts ou moribonds au Sol- (lier’s and Sailor’s Instilute, fréquenté surtout par les soldats et marins auglais de la garnison. Et cependant, aucun cas de peste n’eut lieu chez ces militaires. On n’a rien remarqué de spécial à ce point de vue dans les boutiques et magasins d’épiciers, qui sont cependant infestés de rats et de souris. Une récompense avait été promise à c-eux qui apporteraient des rats morts au laboratoire de bactériologie ; 100 furent apportés et c.xaminés ; chez deux seulement, trouvés au voisinage de l’hôpital grec, on trouva le bacille pesteux. Sur 921 personnes suspectes (contacts) qui furent mises en quarantaine d’observation au lazaret de Gabbari et à la caserne de Moliarrem-Bey, une seule contracta la maladie. Il n’y eut pas un seul cas parmi les 30 médecins et les 600 désinfecteurs ou badigeonneurs employés. Et cepen¬ dant on n’a inoculé à personne le sérum préventif de Haffkine. On attri¬ bue tout le succès à la précision et à la bonne application des mesures sanitaires. Ce rapport très intéressant est accompagné d’un grand nombre de photographies représentant les hôpitaux, les pavillons d’isolement, les stations de désinfection d’Alexandi-ie, avec plans, caries et tableaux sta¬ tistiques. C’est un document à conserver et à consulter. D'' Vallin. REVUE DES JOURNAUX Notes sur la peste à Glasgow en 1900, par M. Van Ersiengem {Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique, 2 octobre 1900). — Rapport sur la peste de Glasgow, par le D’’ Van Ersiengem REVUE DES JOURNAUX et le D'' A'^o'iTunoN, rapport au ministère de l’Agriculture {linUeiln dn service de santé de L’hygiène publique, octobre 1900 ; Bruxelles, 1900. M. Van Ermengem, professeur d’hygiène à l’Université de Gand, et le D'' Voituron, inspecteur adjoint au service de santé et d’hygiène au ministère de l’Agiù culture, ont été envoyés en mission à Glasgow pour étudier les mesures sanitaires qui ont amené si rapidement l’extinclion de l’épidémie de peste en cette ville. Le premier cas reconnu remonte au 7 août. Il y a eu en tout 31- cas, dont 17 décès, soit une mortalité de 40 p. 100. L’origine de l’épidémie est restée obscure; la peste a été sans doute importée par les marchandises ou des malades d’un navire provenant de l’Extrême-Orient, de l’Australie ou de l’Amérique du Sud. La maladie a apparu d’abord dans un quartier très populeux, celui de Grobah, assez éloigné du port et des docks, sur la rive gauche de la Clyde. Les rats n’ont joué qu’un rôle insignitiant dans la propagation de la maladie ; on n’a pas trouvé de rats errants ou leurs cadavres dans les rues, et ceux qu’on a examinés à l’institut bactériologique ne contenaient pas de bacilles pesteux. D’aileurs la plupart des maisons du quartier n’ont pas de caves, ou bien ces caves sont sans communication et leur porte ouvre directement sur la rue, de sorte que les rats qui y vivraient n’ont pas un accès facile dans la maison. D’autre part les orifices des égouts sont munis de grilles qui ne permettent ni aux rats des égouts de sortir dans les rues, ni aux rats des navires de pénétrer dans l’égout. La contagion s’est faite surtout par le contact entre les malades ou les objets souillés par eux et les personnes saines. Elle s’est produite souvent par le fait des veillées mortuaires que la tradition conserve en Ecosse et à Glasgow : quand une personne est morte, les parents et les amis se réunissent dans la chambre mortuaire, s’y entassent pendant une ou plusieurs nuits, y font même des repas et des libations, bien que l’Act de 1889 sur les maladies infectieuses à Glasgow « inflige une amende de oO francs à toute personne qui prendrait part à une veillée mortuaire ou à l’occupant d’une maison qui le permettrait » . Sur 27 décès pesteux officiellement constatés à Glasgow, 12 fois le malade ainsi décédé avait pris part à la veillée mortuaire d’une personne morte de la peste. Le premier cas fut observé le 3 août chez une petite fille et une grand’mère de la famille Bogan, habitant le numéro 71 de Rose-Street; la mort eut lieu le 7 et le 9 août. Quatre autres cas se produisirent dans le seul ménage Malloy, chez des personnes qui avaient pris part à la veillée mortuaire de ces pestiférés. Le diagnostic, jusque-là obscur, fut établi pour la première fois le 2.’> août et confirmé par l’inoculation à des animaux. Du 26 au 29 août, 89 cas suspects par suite de contacts avec ces malades furent mis en observation dans les chambres d’isolement de deux maisons de refuge appartenant à la municipalité. On fit des visites médicales dans chacune des maisons du quartier, afin de découvrir les cas méconnus ou cachés, qui furent transportés à l’hôpital du Belvédère, aménagé à cet effet. REVUE DES JOURNAUX ISO Au 1" septembre on avait de la sorte découvert 14 cas de peste, dont 3 douteux, qui avaient été en contact avec la famille Bogan. De plus, on mit en observation, pendant douze jours, 103 pereonnes ayant eu également des contacts suspects. Toutes ces personnes reçurent, par injection sous la peau de l’abdomen, 10 centimètres cubes de vaccin de Yersin envoyé par l’Institut Pasteur de Paris; une grande partie du personnel d’infirmiers et de médecins de l’hôpital fut ainsi immunisé ; sur 70 immunisés, on ne compte que 2 cas de peste, qui, probablement avaient été infectés avant l’injection de sérum. Los médecins de Glasgow paraissent avoir eu au début une certaine méfiance contre le sérum antipesteux ; on traitait les malades par des doses trop faibles ; on injectait sous là peau une seule dose de 20 centi¬ mètres cubes, alors que Calmette et Saliihbeni en injectent d’emblée deux doses successives de 20 centimètres cubes dans une veine, plus 40 centi¬ mètres cubes sous la peau dans la même journée. A l’hôpital du Belvédère, destiné aux maladies infectieuses et qui reçoit d’ordinaire .*>,000 contagieux par an, on plaça les pesteux dans des pavil¬ lons parfaitement isolés et entourés de palissades. On désinfectait leurs évacuations avec l’acide phonique à 5 p. 100, et de plus ces déjections étaient stérilisées à l’autoclave par la vapeur à 140®. MM. Van Ermengem et Voituron, tout en louant les mesures rigou¬ reuses de désinfection et d'isolement prises pour les malades, constatent que les médecins et les chefs de service, peut-être par une sorte de point d’honneur et de mépris du danger, ne prenaient pas assez de précautions pour eux-mêmes ; ils ne portaient pas de blouse spéciale dans les salles' ils ne se désinfectaient pas rigoureusement les mains après avoir exa¬ miné et touché un pesteux ; en un mot ils ne prenaient pas de soins plus minutieux qu’on n’en prenait jadis contre les maladies contagieuses banales. Il va sans dire que toute maison où avait eu lieu un cas de peste, et tous les objets en contact avec les malades étaient rigoureusement désin¬ fectés par le service de désinfection municipale. Les auteurs attribuent la rapide extinction de l’épidémie à ce fait que, depuis 1863, MM. W. T. Gairdner et J.-B. Russel ont organisé d’une façon irréprochable les services sanitaires à Glasgow. C’est ainsi que la mortalité par maladies infectieuses, qui en 1861-1870 était de 6,5 p. 1,000 habitants, est tombée à 3,4 p. 1,000 en 1891-1898, et continue à baisser. Glasgow possède 2 stations de désinfection, 4 postes sanitaires avec 155 lits, pour isoler temporairement ceux qui ont été en contact avec les contagieux ou pour abriter ces personnes pendant qu’on désinfecte leurs maisons ; 1 office sanitaire comprend un grand nombre de médecins inspecteurs ; la déclaration des maladies contagieuses est obligatoire pour les chefs de famille et les logeurs. Le budget sanitaire de la ville (Sanilary Amount) s élève à 2,265,000 francs par an. Tous ces services sont gratuits pour les particuliers ; les personnes riches même ne paient rien pour les mesures d’hygiène prises en leur faveur dans l’intérêt public. MM. Van Ermengem et Voituron donnent, d’après la rédaction abrégée * en langage simple » faite par le D"' Chalmers, chef du département 160 REVUK DES JOURNAUX, sanitaire de Glasgow, la traduction de la loi de 1889 sur la notification des maladies infectieuses. Le bureau communal de cotte ville a décidé ([ue, en raison de l’cpidéinie de peste, cette loi serait appliquée à Glasgow du O septembre au 31 décembre 1900. Cotte loi est rigoureuse, comme on peut en juger par certains extraits. Cl Tout chef do famille est tenu, sous peine d’une amende ne pouvant excéder 40 sli., de dénoncer immédiatement à l’officier médical d’hy¬ giène tout cas de maladie contagieuse qui se manifeste dans son ménage. En cas d’absence, ce devoir incombe au plus proche parent se trouvant dans la maison, à la personne qui le remplace et au locataire. Cl L’officier médical peut, aux heures convenables, entre neuf heures du matin et six heures du soir, entrer dans toute maison ou dépendance et l’inspecter s’il a des motifs de croire qu’il y existe ou y a existé récem¬ ment une maladie contagieuse, et peut examiner à ce point de vue toute personne qu’il trouve dans la propriété afin de s’assurer si cette per¬ sonne n’est pas ou n’a pas été récemment atteinte d’une maladie conta¬ gieuse. En cas de refus d’admission, d’inspection ou d’examen, il pourra obtenir l’autorisation, et dans ce cas tout refus, après qu’il a été justifié de l’autorisation, est passible d’une amende de 40 shillings. » La loi stipule les cas où un malade infecté peut être transporté d’office à l’hôpital, et ceu:; où les occupants de la maison peuvent être placés comme suspects dans une maison de refuge, jusqu’à ce que la maison et leurs effets aient été désinfectés. Une première désinfection des maisons particulièrc.s se fait d’emblée et au préalable par la combustion du soufre en laissant tout en place. Au bout de vingt-quatre heures, on ventile largement les locaux. 'Toutes les pièces de vêtements qui doivent être désinfectées sont d’abord humectées ou pulvérisées avec une solution de formaline à 2 p. 100, ensuite enveloppées dans des sacs trempés eux-mêmes dans cette solution et transportés au lavoir sanitaire (Sanitary Washhouse) là tous les objets sordides qui ne peuvent être soumis à l’action de la lessive bouil¬ lante, de la vapeui’ sous pression ou traités par la formaldéhyde, sont brûlés. Les murs, les lambris, les plafonds, les planchers, sont egalement soumis à des pulvérisations de la solution formolée. Les murs des cours, corridors, escaliers, closets, sont lavés avec des solutions de chlorure de chaux ou de formol ; on tient la maison grande ouverte pondant deux jours avant de la laisser occuper de nouveau. On donne le nom de blanchisserie sanitaire (Sanitary Washhouse) à ce qu’à Paris on appelle une station d’étuves à désinfection. On ne se borne pas à faire passer les effets souillés à Tétuve ; tout le linge pro¬ prement dit est d’abord aspergé, si cela n’a été fait déjà à la maison, avec une solution de sublimé à 1 p. 1,000, ou de formol à 2 p. 100, afin que le personnel puisse le manipuler sans danger; ce linge est ensuite essangé, détaché, passé à la lessiveuse mécanique puis essoré, repassé, et remis aux propriétaires dans l’étal aussi flatteur qu’irréprochable du linge rapporté par une blanchisseuse. La dépense est forte pour le service municipal, mais personne n’hésite à confier tout son linge, ses vête¬ ments, ses effets de tonte sorte aux désinfecteurs. Les vêtements, rideaux. REVUE DES JOURNAUX 161 matelas, tapis, sont passés à l’étuve du type Lyons-Washington, dont notre étuve Geneste et Herscher n’est guère que la reproduction. Ce service sanitaire est si bien organisé depnis plus de quinze ans, que du jour au lendemain tons les rouages ont pu fonctionner suivant les nou¬ veaux besoins et juguler en quelque sorte une épidémie redoutable dans un port aussi important. Des mesures restaient à prendre au point de vue de la surveillance des navires venant de pays suspects, à leur arrivée dans le golfe de la Clyde. Jusqu’ici l’inspection des navires ne se faisait pas à l’entrée dans le port même de Glasgow, parce qu’elle était censée avoir lieu dans tous les ports du vaste estuaire, devant lesquels passent ces navires arborant le pavillon jaune ; l’autorité sanitaire peut prendre des mesures quand la nécessité se fait sentir, mais elle ne visite à l’entrée dans le golfe, c’est- à-dire à Greenock, à 50 kilomètres de Glasgow, que les navires venant de ports infectés. Les navires venant de ports indemnes ne reçoivent la visite du médecin sanitaire que si la douane signale des cas de maladie à bord. On ne s’attendait pas assurément à trouver la douane en cette affaire. Les malades sont transportés au Seamenos Hospital le navire est désinfecté, et le personnel est tenu en observation, mais peut des¬ cendre à terre et se rendre chacun à son domicile. Depuis l’épidémie de peste à Glasgow, il s’est établi entre l’autorité sanitaire et les compa¬ gnies de navigation une entente, qui permet de surveiller pendant toute la durée du débarquement des marchandises, c’est-à-dire pendant plus d’une semaine, la santé de tous les hommes de l’équipage et les manœu¬ vres employés à ce travail. Cette mesui'e s’applique aux navires venant de pays contaminés, môme après qu’ils ont été admis en libre pratique, et les médecins chargés de visites journalières signalent tout engagement ganglionnaire ou état général suspect qui peut faire craindre le début d’une manifestation pesteuse. C’est de cette façon qu’on a éteint à Londres, sans aucune explosion épidémique, 6 cas de peste découverts sur des matelots travaillant dans le port ou dans les docks. L’on trouvera, annexés aux excellentes brochures de MM. Van Ermengeni et Voituron, des documents anglais qui seront consultés avec le plus grand profit. E. Vallin. Di un apparecchio per la determinazione del grado di proscuigamento delle case nuove (Sur un appareil pour la détermination du degré de dessiccation des maisons neuves), par le D'' Gmo De’ Rossi {Annali d’igiene sperimentale, 1900, p. 253). L’auteur avait imaginé un appareil pour donner rapidement le degré de dessiccation des murailles {Revue d’hygiène, 1899, p. 955); il était fondé sur la méthode de Markl (Ibid., p. 945) et exigeait deux petits flotteurs de verre de construction assez délicate, ainsi que l’appréciation exacte de la densité de l’alcool. Des modifications tant dans l’appareil que dans la méthode de recherche ont été apportées pour obvier à ces deux difficultés. REV. D’HYG. XXIII. — 11 REVUE DES JOURNAUX Avec le nouveau dispositif où l’on emploie l’alcool absolu du com¬ merce, tout se réduit à la comparaison directe, après filtration, de la densité de l’alcool ayant absorbé l’eau du mortier à examiner avec celle d’un alcool type ayant subi l’addition d’eau distillée dans la proportion correspondante à l’humidité limite de 1,S0 p. 100, admise pour les parois de maçonnerie suffisamment sèches pour l’habitabilité. Ën mettant en contact les deux solutions hydro-alcooliques, dont la seconde est colorée très légèrement au violet de gentiane, il est facile de constater s’il se produit un mélange et dans quel rapport se trouvent les densités respec¬ tives. L’appareil se compose encore de deux tubes de verre superposés et reliés par une tubulure à robinet ; le tube supérieur cylindrique, d’une capacité approximative de 70 centimètres cubes, est destiné à la filtration sur amiante de l’alcool ayant épuisé le mortier en expérience ; il est sur¬ monté, à travers un bouchon de caoutchouc, d’un ballon renfermant du chlorure de chaux et en communication avec une double poire de souffle¬ rie pouvant donner la pression nécessaire pour la filtration. Le tube inférieur plus court se continue avec une tubulure en U, garnie de deux robinets et terminée par une ouverture évasée, système qui permet l’in¬ troduction de l’alcool coloré sans interposition de bulles d’air. Un flacon taré de 40 centimètres cubes et une pipette de 3 décimètres cubes com¬ plètent le matériel nécessaire ; ce volume de 3 décimètres cubes corres¬ pond à la quantité d’eau contenue dans 20 grammes d’un mortier d’une humidité de 1,S0 p. 100. L’auteur expose le détail de la manipulation dont le résultat est l’ob¬ servation de la mise en contact des deux liquides, alcool filtré du tube supérieur, alcool coloré du tube inférieur. Si la densité de celui-ci est égale ou supérieure à celle de celui-là, la statique des deux liquides est telle qu’il n’y aura ni diffusion, ni mélange, au moins pendant un temps suffisamment long. Mais si la densité du second est inférieure à celle du premier, l’un et l’autre tendront immédiatement à se mettre en équilibre, ce qui déterminera l’ascension d’une colonne colorée au milieu du liquide incolore et la formation à la surface de ce dernier d’une couche de teinte bleue. Ce phénomène se produit pour de très faibles différences de den¬ sité, représentant des quantités d’eau fort minimes dans l’alcool du tube supérieur. L’exactitude de la méthode a été contrôlée par de nombreuses recherches sur des mortiers s’éloignant peu de la limite d’humidité de 1,50 p. 100. Des résultats très satisfaisants furent obtenus sur des échan¬ tillons où la méthode de Glàsgen avait décelé des proportions d’eau de 1,43 et 1,56 p. 100. Enfin l’auteur démontre que les objections que l’on pourrait soulever au sujet des oscillations de la température atmosphérique, de l’état hygro¬ métrique de l’air pendant les transvasements de l’alcool, de la solubilité dans l’alcool des sels calcaires et sodiques du mortier, n’ont point de valeur réelle au point de vue pratique, en raison des variations numé¬ riques si faibles qu’elles peuvent être considérées comme des quantités absolument négligeables. F.-H. Renaut. REVÜE DES JOURNAUX 163 Imporlanza degli erbaggi, che vmgono mangiali crudi, nella diffusione delle malattie infetlive e parassitarie (Importance des légumes mangés crus dans la diffusion des maladies infectieuses et parasitaires), par le D'' G. Ceresole {Il Policlinico, sezione pratica, 1900-1901, p. 55). Après d’autres observateurs (Revue d'hygiène, 1897, p. 459 et 664), Ceresole a abordé ce sujet et a examiné les sédiments de l’eau stérilisée, dans laquelle avaient ôté agités des morceaux de légumes achetés sur le marché de Padoue, laitue, endive, radis, céleri, tels qu’ils auraient été pré¬ sentés à la consommation après lavage grossier. Le microscope a d’abord révélé une faune de 52 espèces banales, mais comprenant aussi des amibes et des anguillules, outre des œufs de tænia, d’oxyure, d’ascaride et d’anchylostome. Quant aux recherches bactériologiques, elles per¬ mirent de déceler un grand nombre de microbes dont la nomenclature détaillée comporte une variété considérable de microcoques, de staphy¬ locoques, de streptocoques, de sarcines et de bacilles. L’auteur put isoler le B. coli communis et un bacille analogue à celui de la fièvre typhoïde ; enfin, parmi les anérobies il constata le B. septicus et le B. tetani. Ces résultats suffisent à indiquer les dangers de ces aliments, dangers surtout imputables à l’arrosage des cultiu’es maraîchères avec des engrais liquides non désinfectés et à l’habitude très répandue parmi les jardiniers de laver leiu-s légumes dans des mares ou des réservoirs exposés à être pollués par des déjections humaines. Pour obvier à un tel péril, l’auteur recommande de plonger les légumes crus, préalablement lavés, pendant une demi-heure dans une solution d’acide tartrique à 3 p. 100, de saveur agréable, de prix modique et ae puissance antiseptique certaine, car une salade artificiellement imprégnée de spirilles du choléra est totalement désinfectée après une immersion de cinq minutes. F.-H. Renaüt. Ricerche suW abitudine alV arsenico (Recherches sur l’accoutumance à l’arsenic), par le D” Mario Serena (Il Policlinico, 1900, vol. VII-M, fasc. 7, p. 372). La connaissance séculaire de la lente assuétude à l’arsenic a amené l’auteur à rechercher s’il y a un mithridatisme réel, quelles sont ses limites et si dans le sérum du sang il se développe une antitoxine, ana¬ logue à celles qui se produisent dans l’empoisonnement expérimental avec le venin des serpents et avec certaines substances végétales. Les expériences faites sur des chiens avec des doses progressives d’ar- sénite de potasse par les voies hypodermique et gastrique ont permis de corwtater : 1“ que les animaux s’habituent au poison dans une certaine limite qui n’atteint pas le double de la dose minima mortelle dans les injections sous-cutanées et qui arrive au triple de cette môme dose lors de l’absorption par l’estomac ; 2° que le sérum n’a aucune action immu¬ nisante et qu’il ne paraît pas acquérir de qualité neutralisante vis-à-vis du poison lui-raèrae. L’arsenic ne se comporte pas comme les toxalbumines et il ne saurait être question de mithridatisme vrai. Quant à l’accoutumance des arsénico- 164 REVUE DES JOURNAUX phages, elle ne résulterait pas de l’assimilation du poison ; il semblerait plutôt qu’il y ait adaptation des cellules de l’organisme à ce métalloïde toxique sans répercussion de cette toxicité. Cette hypothèse concorde avec les conclusions de l’enquête médicale faite en Styrie, où on avait reconnu que la constitution très forte des montagnards les protégeait contre les effets des doses faibles et progressives d’arsenic et que beaucoup, ne trouvant pas en leur organisme la résistance suffisante, aboutissaient à la cachexie. On sait que les huiles ont été considérées comme un antidote de l’ar¬ senic et que les mangeurs d’arsenic consomment en même temps des quantités considérables de graisse. En admettant qu’une partie du poison ingéré avec les corps gras ne soit pas absorbé ou forme avec ces dernière une sorte de savon non toxique, il y en a toujours une autre partie qui détermine une intoxication chronique en passant dans le torrent circula¬ toire, ainsi que le démontrent les examens sceptroscopiques du sang de chiens ayant succombé à des empoisonnements soit rapides, soit lents par l’arsenic. L’auteur considère comme très exagérée la réputation d’accoutumance et de tolérance faite aux arsénicophages et il met l’arsenic au rang des autres poisons minéraux qu’une consommation très lente et très progres¬ sive peut faire supporter plus ou moins bien pendant quelque temps. Mais il n’y a pas de mithridatisme réel, au sujet duquel d’ailleurs n’existe aucune documentation sérieuse reposant sur des recherches nécropsiques. F.-H. Renaut.’ Le cimetière de « l'avenir » à Saint-Nazaire, système Coupry, par le D’’ Victor Le Goïc {Annales d'hygiène et de médecine légale, décembre 1900, p. 503). Nous avons jadis rendu compte du nouveau système de construction des cimetières proposé par M. Coupry, architecte à Nantes {Revue d’hygiène, 1892, p. 933), et nous avons exposé les résultats favorables constatés lors des exhumations faites au bout d’un an, dans le cimetière de Saint-Nazaire, où l’imperméabilité d’un sol glaiseux et la stagnation de l’eau dans les fosses retardaient jusque-là la destruction des cadavres et rendaient le cimetière insuffisant. M. le D' Le Goïc, médecin-major de l’ai’mée, a profité du séjour de son régiment dans la garnison de Nantes, pour rechercher si l’expérience de près de dix années confirmait les bons résultats constatés au bout d’un an en 1891. L’on trouvera dans le travail qu’il vient de publier dans les Annales d'hygiène et de médecine légale le plan et la description du cimetière de Saint-Nazaire, avec ses fossés ou douves de drainage, la circulation de l’air au-dessous et autour des cercueils, l’aménagement des fosses, un filtre à coke que traversent les eaux contaminées avant de se rendre dans l’aqueduc collecteur, et au besoin un four à coke pour aspirer et détruire les gaz malsains qui se dégagent dans le sol. Les résultats ont été très satisfaisants; tandis que des corps inhumés depuis sept ans dans l’ancien REVUE DES JOURNAUX cimetière avaient subi la transformation en gras de cadavres et avaient un aspect repoussant, on ne trouvait plus que des débris d’ossements dans les fosses du cimetière transformé suivant le système Coupry, et les corps inhumés à la même date étaient complètement détruits. L’auteur ne dit pas si l’aménagement des tombes et le drainage du sol ne nécessitent pas des dépenses considérables. E. Vallin. Imperméabilisation des planchers et soubassements, par le D' Ber- THiER {Médecine moderne, 5 décembre 1900, p. 556). M. Berthier remplace la pai'affine par l’ozokérite, ou cire de pétrole, ou cire minérale , qui est vendue quinze fois sur vingt sous le nom de cire d’abeille. A vrai dire, la paraffine et l’ozokérite ne diffèrent pas beau¬ coup l’une de l’autre. Pour boucher les fissures entre les lames des parquets , M. Berthier commence par verser dans ces rainures un mélange chaud à parties égales d’ozokérite et de blanc d’Espagne. 11 achève de combler la fissure avec le mélange suivant : ozokérite 100, colophane en poudre 30, plâtre fin tamisé 20. Ce mastic, en durcissant, conserverait assez d’élasticité pour ne pas se briser et se détacher. Nous pensons que, lorsque les fissures entre les frises sont très larges, il est préférable de les combler avec de longues baguettes de bois bien ajustées et clouées. Si on se borne à verser, chaud et liquide, le mélange de craie et d’ozokérite, celui-ci coulera en partie dans l’entrevous, ce qui augmentera inutilement la dépense. Mieux vaudrait combler le fond de la rainure avec du papier ou de l’étoupe tassés. M. Berthier, en outre, assure et imperméabilise le jointement entre le plancher et le mur au moyen du mélange suivant : ozokérite 250, essence de houille (?) 150 ; matière colorante (brun de Van Dyck) 120, suivant la nuance qu’on veut obtenir ; ce mélange pénètre à travers le plâtre, sèche facilement et permet le lavage du bas des murs. Cet enduit peut être appliqué au pinceau jusqu’à une certaine hauteur au-dessus du plancher; l’auteur ne dit pas s’il l’emploie à froid ou à chaud (sans doute chauffé au bain-marie). Quant à la surface même du plancher, M. Berthier l’imperméabilise soit au moyen d’huile lourde de houille et de coaltar, soit avec un mélange de 3 parties d’ozokérite et de 10 parties d’essence de houille. Nous avons eu il y a quelques mois entre les mains le manuscrit de M. le D' Berthier, et nous ne savons où il a été publié. Nous en donnons l’analyse d’après le compte rendu que M. le D' Capitan a fait de ce tra¬ vail dans la Médecine moderne. En somme, ce procédé d’imperméabili¬ sation ne diffère pas beaucoup de ceux que nous avons indiqués dans un article critique : L’entretien hygiénique des planchers (Revue d'hyqiène, août 1899, p. 673). » 1 r W , Sistema pneumatica per prevenire la rotlura delle cmdotture di acqua duranli l’inverno (Système pneumatique pour prévenir la rupture 166 REVUE DES JOURNAUX des conduites d’eau pendant l’hiver), parMoMiGLUxo (lugeniere igienista, 15 janvier .1901, p. 19). Tyndall a montré que le coefficient de dilatation de l’eau qui se congèle pouvait être évalué à environ 10 p. 100 de l’adaptabilité de l’eau au moment de la congélation. Une compagnie américaine de Washington a basé sur ce principe la construction d’un appareil simple, ingénieux, peu coûteux, pour empêcher la rupture des tuyaux en hiver ; cet appareil empêche aussi les coups de béliers. Les figures jointes à cette note font voir qu’on a disposé sur le trajet des tuyaux, aux dépens de la face supé¬ rieure de ceux-ci quand ils sont horizontaux, sur la partie latérale quand ils sont verticaux, de petites chambres à air, en forme de cloches ou d’am¬ poules, ayant à peu près le diamètre du tuyau, où cet air se comprime Ou se dilate quand l’eau subit par le froid des condensations ou dilata¬ tions. Le nombre de ces chambres d’air varie suivant la nature de la conduite ; leur volume est calculé suivant le diamètre de la conduite et le coefficient de dilatation de l'eau. Elles rappellent les petites chambres de sûreté qu’on ménage à l’extrémité supérieure de la tige des therrao- mètfès. E. V. Valeur « numérique « de l'homme, P.ar le D' Pignet, médecin aide- major au 35° d’artillerie {Archives médicales d'Angers, 1900). Sous ce titre, le D° Pignet étudie un- nouveau mode d’appréciation de la force physique , exprimée par un nombre tiré de la comparaison des trois chiffires de la taille, du périmètre thoracique et du poids. Sa formule est la suivante ; <' La valeur numérique est tout simplement la différence entre le chiffre de la taille et la somme obtenue par l’addition des chiffres du périmètre et du poids ». Prenons un exemple : un homme de vingt ans a une circonférence thoracique de 80 centimètres, et un poids de 60 kilogrammes; on additionne 80 et 60, et la somme 140 est retranchée de la taille, qui est, je suppose, de 1”,60. La différence est 20. La valeur numérique de cet homme très vigoureux est donc égale à 20. Au contraire, chez un jeune homme chétif, mesurant 75 centimètres de péri¬ mètre thoracique, pesant 60 kilogrammes, et ayant une taille de l^jTO, la valeur numérique sera de 34. M. Pignet, se basant sur l’appréciation qu’il a faite de 510 conscrits reçus par son régiment, a trouvé que sa formule donnait une mesure objective très exacte de l’aptitude physique de ces jeunes gens, et il a dressé le tableau suivant : Valeur numérique inférieure à 10 = constitution très forte. — de 11 à 15= — forte. — de 16 à 20= — bonne. — de 21 à 25= — moyenne. — de 26 à 30= — faible. — de 31 à 35= — très faible. — au-dessus de 35 — très médiocre. Il vaudrait mieux dire, selon nous , que’avec une « valeur numérique » au-dessus do 35, l’inaptitude au service militaire ést complète. Par REVUE DES JOURNAUX 167 exemple, un homme qui ne mesure que 76 centimètres de périmètre thoracique, qui ne pèse que 50 kilogrammes et qui a une taille de l’>‘,60 (soit valeur numérique 34), n’a déjà plus une aptitude physique suffisante. A plus forte raison s’il a 78 centimètres de périmètre, 32 kilogrammes de poids, et l'‘,7S de taille : valeur numérique = 45. On ne trouve que très rarement des hommes de vingt ans ayant une CI valeur numérique » égale à 0; soit, par exemple 90 de périmètre, 80 de poids, et 1“,70 de taille, ou des chiffres équivalents. L’expérience prouve que le périmètre thoracique a le rôle prépondé¬ rant parmi les trois facteurs qui composent le nombre représentant la Il valeur numérique » ; un périmètre faible n’arrive jamais qu’à produire une valeur numérique faible et inversement. Le concours du poids, sans avoir la même importance, vient atténuer ce que la considération du périmètre thoracique seul présente de trop absolu. Une surveillance prolongée de ces 510 hommes a d’ailleurs montré à M. Pignet que l’homme est d’autant plus sujet aux maladies et fournira un nombre de journées à l’hôpital d’autant plus grand que sa valeur numérique est plus faible. Ces observations confirment les études que nous avons publiées jadis sur les modes de la mensuration d’aptitude physique du conscrit (Mé¬ moires de médecine militaire, novembre et décembre 1876) ; et quoique l’expression de « valeur numérique » soit tout à fait conventionnelle et représente une valeur négative, elle permettrait aux initiés de se rendre compte aisément des qualités corporelles d’un conscrit ou d’un soldat. Le mémoire de M. Pignet est original et mérite vraiment d’attirer l’attention. E. Vallin. L'empoisonnement par les champignons, par le D*’ H. HucHAaq (Jour¬ nal des praticiens, 28 novembre et l'’’ décembre 1900, p. 792). A l’occasion d’une excellente thèse du D' V. Gillot (Etude médicale sur V empoisonnement par les champignons, Paris, 1900), M. Huchard montre avec l’auteur que les empoisonnements sont dus presque exclusi¬ vement aux espèces Amanites et Volvaires d’une môme famille, les Vol- vacées. Le diagnostic de ces espèces sera toujours très difficile et à peu près impossible poiu- d’autres que les mycologues de profession. Le poison est ou bien un alcaloïde bien étudié, la muscarine, ou un corps encore mal étudié : la phalline. Mais M. Gillot a fait voir que « la pro¬ phylaxie de l’empoisonnement par les champignons consiste avant tout dans des précautions préalables, qui se résument en somme dans des lavages répétés et dans la coction à l’eau bouillante avec rejet de l’eau de cuisson >. M. Huchard rappelle qu’il y a un demi-siècle, F. Gérard avait indiqué des précautions prophylactiques analogues ou identiques, approuvées par le Conseil d’hygiène de la Seine (Académie de médecine, 1852, et Jour¬ nal des connaissances médicales pratiques, 1831), et qu’il formulait ainsi : « Pour chaque 300 grammes de champignons coupés en morceaux de médiocre grosseur, il faut un litre d'eau acidulée par trois cuillerées de REVUE DES JOURNAUX vinaigre, ou deux cuillerées de sel gris si l’on n’a pas autre chose ; dans le cas où l’on n’aurait que de l’eau à sa disposition, il faut la renouveler une ou deux fois. On laisse les champignons macérer pendant deux heures, puis on les lave à grande eau; ils sont alors mis dans l’eau froide qu’on porte à l’ébullition, et après un quart d’heure ou mieux une demi-heure, on les retire, on les lave, on les ressuie et on les apprête... » Toutefois la commission académique nommée pour juger ces expériences ne crut pas opportun de donner la publicité aux résultats obtenus ; elle pensa qu’il était plus prudent do ne pas dire qu’avec certaines précau¬ tions on pourrait manger toutes les espèces de champignons , qu’il valait mieux n’en pas manger du tout quand ils paraissaient suspects. Le raisonnement , pour prudent qu’il soit , est discutable. Mais il est curievtx de voir qu’en 1900 un observateur et un expérimentateur com¬ pétent préconise le moyen prophylactique recommandé déjà il y a cin¬ quante ans. Ajoutons que dans un travail publié dans ce même Journal des praticiens, en 1898 {Revue d’ Hygiène', 1898, p. 667), M. Pouchel considérait comme « une erreur dangereuse de croire que la cuisson dans l’eau acidulée fait disparaître le danger de tout champignon vénéneux »; il n’admettait l’utilité de ce traitement que pour Vamanite tue-mouches, mais il ne semble pas avoir fait là-dessus d’expériences personnelles, comme l’a fait M. Gillot. E. Vallin. Vitalité du bacille de la peste dans Veau de mer, par MM. Würtz et Boubges {Archives de médecine expérimentale, novembre 1900, p. 819). C’est une opinion généralement admise que l’eau joue un rôle acces¬ soire comme agent de transmission dans les épidémies de peste. Le bacille pesteux ne vit pas longtemps dans l’eau douce : dix jours seulement, d’après la commission allemande envoyée aux Indes; vingt jours d’après Abel. MM. Wurtz et Bourges ont étudié la façon dont se comporte le bacille de Yersin , non plus dans l'eau douce , mais, dans l’eau de mer. L’eau qui servait aux expériences provenait de la Manche et avait été prise à 5 milles au large; comme elle contenait une quantité innombrable de microbes, ôn la filtra au filtre Chamberland ; ce qui était peut être s’éloi¬ gner des conditions qu’on rencontre dans la nature, c’est-à-dire au voisi¬ nage des ports où sévit la fièvre' jaune, et où on est exposé à la trans¬ porter. En ajoutant à cette eau soit une anse de platine, soit son vingtième de bouillon pesteux, les auteurs ont vu la virulence et la vitalité du bacille se conserver pendant quarante à quarante-sept jours. La forme du bacille se modifie légèrement par la culture dans l’eau de mer; il prend la forme d’un gros microcoque avec un petit disque central réfringent; mais le passage par la souris rendait au microbe sa forme typique. E. Vallin. Le platane et ses méfaits, par le D’’ S. Artault {Archives de parasi¬ tologie, i900, p. 15, et Gazette hebdomadaire, 9 décembre 1900, p. 1176). Le duvet de la face inférieure des feuilles de platane, les poils impré- REVUE DES JOURNAUX 169 gnés de résine pulvérulente qui recouvrent les bourgeons, les achaines-, etc., causent souvent une vive irritation des bronches chez les ouvriers et les enfants qui ramassent les feuilles tombées à terre et que le soleil a un peu desséchées. Une autre cause d’irritation est un acarien, le tetranychus ielarius qui vit sur le platane. Vers la fin de l’hiver, en soulevant les écailles de l’écorce du tronc et des branches on trouve aisément des nids de ces petites bêtes rouges qui subissent diverses migrations. Au printemps, quand les bourgeons sont ouverts, les acariens sont disséminés sur la face inférieure des feuilles. A la campagne, ce parasite passe l’hiver sous l’écorce et descend au printemps sur les feuilles des fraisiers, haricots et autres plantes herbacées où il vit tout l’été jusqu’à une période avancée. JHais dans les grandes villes, sur les lignes de nos boulevards, les bour¬ geons se développent fort tard, les feuilles deviennent vite coriaces, et l’insecte ne pouvant plus se nourrir sur le platane , s’attaque à l’homme. Ses piqûres se traduisent par de petites papules et des démangeaisons qui cessent d’ailleurs au bout d’un quart d’heure. Il est bon de connaître cette cause assez fréquente d’irritation et de rougeur de la peau, au cou et aux aisselles, chez les jeunes enfants qui jouent avec des brindilles de platane .coupées dans les jardins publics en hiver. E. Vallin. Traitement des piqûres de moustiques, par le D’’ Manquât (Bulletin général de thérapeutique, 1900, p. G7C). M. Manquai , pour faire cesser la douleur urticante et la papule sou¬ vent très persistante après la piqûre, recommande la formule suivante : solution commerciale d’aldéhyde formique (à' 40 p. 100) 5 grammes; alcool à 90“ et eau, de chaque 10 grammes. On fait plusieurs applica¬ tions et on laisse évaporer jusqu’à cessation de la démangeaison, environ pendant quinze minutes. La démangeaison disparaît au bout de quelques minutes et ne reparaît pas. Nous pensons qu’on pourrait maintenir pen¬ dant quelques minutes sur la piqûre une rondelle épaisse de papier buvard ou une petite boulette d’ouate hydrophile imbibées du liquide; une légère cuisson indique que le formol a traversé l’épiderme. M. Man¬ quât pense que le formol détruit le virus ou les parasites déposés dans la piqûre, et que l’irritation formolique provoque au point piqué l’accu¬ mulation de phagocytes qui absorbent les éléments déposés par l’insecte. Il est bon de rappeler que celte solution de formol est très concentrée; elle serait caustique et très dangereuse si on l’appliquait sur des mu¬ queuses délicates comme celles des paupières, ou sur des surfaces dépouil¬ lées de leur épiderme par des excoriations. M. Manquai conseille également l’application très limitée de teinture d’iode du Codex déposée avec une tige fine de bois sur la papule ; on peut recommencer l’application plusieurs fois de suite, en attendant l’éva¬ poration de la première couche. La papule ortiée et la démangeaison disparaissent presque aussi rapidement qu’avec le formol. Notre collègue recommande encore la solution de menthol dans l’alcool pur ou l’eau de Cologne, dans la proportion de 4 à 10 p. 100, en REVUE DES JOURNAUX no maintenant l’application au moyen d’un petit linge imbibé du liquidé. Ces différentes formules peuvent être utiles non seulement pour faire cesser plus rapidement le traumatisme fort désagréable de la piqûre, mais pour détruire les hématozoaires du paludisme qui auraient été intro¬ duits dans la place. E. V. Graduation physiologique des bibei-ons, par le D'' G. Vabiot, médecin de l’hôpital des Enfants-Malades {Journal des Praticiens, 15 déc. 1900, p. 825). M. Variot a présenté au mois de novembre, à l’Académie de médecine, un biberon portant gravées sur le verre des indications très utiles pour les mères ou les nourrices. La capacité de l’estomac des enfants change très rapidement avec l’âge dans les premiers mois de la vie ; les mères l’ignorent, et souvent les nourrissons ont des distensions de l’estomac, des régurgitations, des troubles gastro-intestinaux par surcharge stoma¬ cale. Au dispensaire de Belleville, comme dans toutes les consultations pour mères et nourrissons établies récemment à Paris, le temps manque au médecin pour donner aux mères les indications nécessaires. M. Variot, après beaucoup d’essais, fait graver sur le verre des biberons les indica¬ tions suivantes, indiquant la quantité maximum d’une tétée à chaque âge : 2“ 3» 4» 6° 9“ 30 gr. 45 — GO — 75 — 90 — 105 — 3“ mois. . . 120 gr. 4» — ... 135 — .5= — ... IGO — 7» — . . . ' 180 — 9» à 12'... 200 à 220 gr. Les tétées doivent avoir lieu d’abord toutes les deux heures, puis toutes les deux heures et demie, puis toutes les trois heures, en supprimant au bout de quelques mois une ou deux tétées de nuit. Il suffit alors que la mère vide, pour chaque tétée, dans ce biberon gradué, la quantité de lait correspondante à l’âge, du lait stérilisé gardé dans une bouteille Soxhlet. Il y a un petit inconvénient, c’est qu’en ouvrant plusieurs fois la bouteille stérilisée de Soxhlet, le lait peut être souillé par les germes de l’air ou du bouchon déposé sur un objet malpropre et surtout par le biberon gradué et mal lavé. D’autre part, le lait peut être souillé par la bouche de l’enfant si le hiheron plein de lait stérilisé sert à plusieurs tétées successives. La plus grande propreté est donc indispensable, sur¬ tout pendant les premiers mois. E. Vallin. Durée de la période d'incubation de la tuberculose chez les bovidés, rapport par M. Nocard {Recueil de médecine vétérinaire, 30 décembre 1900, p. 811). La vente des bovidés tuberculeux est interdite par le décret du 28 juil¬ let 1888. L'acheteur isole pendant un mois la bête qu’il a achetée, puis la REVUE DES JOURNAUX ni soumet ensuite à la tuberculinisation. L’action en nullité de la vente ne peut être intentée au delà de quarante-cinq jours après celle-ci. Il faut donc que l’acheteur prouve que la tuberculose existait déjà avant la vente. M. Nocard a cherché par des expériences à savoir au bout de combien de temps après l’inoculation du tubercule l’animal manifeste son infection par la réaction à la tuberculine. M. Nocard a montré que la durée de la période d’incubation varie de dix-neuf à trente-deux jours (chez la vache) pour la contamination par inhalation, et de trente-deux à quarante-huit jours pour la contamination par ingestion. Si donc une vache nouvellement achetée réagit à la tuber¬ culine dans les trente jours qui suivent la vente, le vétérinaire opérateur est pleinement autorisé à conclure que, selon toutes les probabilités, cette vache a été infectée avant la vente. Mais ces expériences ont montré, d’autre part, que l’ingestion constitue un mode de contamination infiniment moins efficace que l’inhalation; en dépit de l’énorme quantité de matières tuberculeuses ingérées, une vache sur quatre a résisté à l’infection. Au contraire, l’appareil respiratoire constitue la voie la plus ordinaire et la plus efficace de l’infection tuber¬ culeuse, que la matière inhalée soit une poussière (théorie de Cornet) ou qu’elle consiste en fines particules liquides projetées dans fair quand l’animal tuberculeux tousse Ou s’ébroue (théorie de Flügge). E. Vallin. Destruction des débris cadavériques dans les abattoirs, par M. Lau- KENT (Recueil de médecine vétérinaire, 30 décembre 1900, p. 890). Depuis cinq années, M. Laurent préconise la destruction des viandes refusées ou saisies dans les abattoirs, au moyen de l’incinération dans les cornues des usines à gaz. Il donne le résultat de la destruction, par ce procédé, d’une vache atteinte de tuberculose généralisée qui pesait 210 kilogrammes sans la peau ni les viscères. On découpa la bête en morceaux de 5 à 6 kilogrammes qu’on jetait de loin dans l’ouverture de la cornue, afin d’empêcher l’ouvrier d’être brûlé par le jet de gaz, de fumée et de flamme qui se produisait au contact de la viande avec la paroi rouge orangé clair (900 à 1,000 degrés) de la cornue. La distilla¬ tion était terminée quatre heures après l'enfournement. Elle a fourni ; 43 mètres cubes de gaz à éclairage, vendus 13 fr. 30 ; 118 litres de liquide contenant par litre 9 grammes d’azote ammoniacal et qu’on peut employer comme purin d’arrosage ; on a retiré en outre 40 kilogrammes de résidu solide renfermant 20 p. 100 d’acide phosphorique et 61 p. 100 de phosphate de chaux tribasique, et constituant un engrais très riche. L’auteur en conclut que presque partout on pourrait utiliser de la sorte avec profit, et en toute sécurité au point de vue sanitaire, les viandes saisies aux abattoirs et dont l’enfouissement ne donne pas de garanties sérieuses au point de vue de la destruction des virus. E. Y.4llin. La rage, par le D” Aug. M.arie ; Paris, Masson et Ganthier-Villars, 1900, un vol. in-ie de l’Encyclopédie Léauté. 172 REVUE DES JOURNAUX Ce petit livre contient tout ce qu’il importe de savoir quand on veut créer et faire fonctionner un institut rabique ; il est écrit par un médecin distingué, ancien interne des hôpitaux de Paris, actuellement directeur de l’Institut antirabique de Constantinople ; il est présenté au public médical par M. E. Roux, de l’Institut, le sympathique et éminent sous-directeur de l’Institut Pasteur. C’est un résumé des admirables découvertes de Pas¬ teur, complétées par les récentes recherches de Babès, Golgi, Van Gehu- chten sur les altérations caractéristiques des cellules nerveuses et sur la pullulation des cellules de la capsule endothéliale des ganglions cérébro- spinaux. On y trouve décrites les diverses méthodes d’immunisation contre la rage, la sérothérapie anti-rabique, le traitement de la rage déclarée, etc. ; le diagnostic des différentes espèces de rage chez le chien, le chat, le cheval, les ruminants, les rongeurs, etc. C’est avec une émotion toujours nouvelle qu’on relit toute cette histoire vraiment scientifique de la rage, la localisation du virus dans les centres nerveux, la rapidité de l’évolu¬ tion de la maladie (dix à 20 jours) quand on a injecté directement la pulpe cérébrale fraîche d’un animal enragé dans le cerveau môme de l’animal en expérience, l’exaltation de la virulence par la multiplicité des passages par trépanation chez le lapin, etc. Quelle merveilleuse intuition a eue Pasteur, avec quelle précision les hypothèses se sont réalisées 1 Comment ne pas avoir l’espoir qu’un jour viendra, sans trop tarder, où l’on fera pour la tuberculose ce qu’on a fait pour cette maladie terrible mais si rare, la rage humaine ! Il existe déjà, tant en Europe que dans les Deux-Mondes, plus de 50 instituts antirabiques ; il y en a’ encore beaucoup à créer ; pour ces créations, comme pour éclairer le grand public sur ces questions, on ne peut prendre un meilleur guide que l’ex¬ cellent manuel de M. le D'' A. Marie. E. Vallin. A century's retrospect of medicine 1800-1900 {British medical Journal-, Sanitary Knowledge in 1800, by W.-H. Corfield, p. 1859). Le .British medical Journal donne, dans le dernier numéro du xrx* siècle, une revue très intéressante de . l’état des mœurs, de l’aspect de la ville et de la vie à Londres en l’an 1801. Il passe en revue les diverses branches de la médecine, rappelle les noms des savants qui illustraient chacune de ces sciences, ainsi que l’état d’avancement de ces dernières. Notre ami le D' Corfield, professeur d’hygiène et de « santé publique » (public health) à University College, s’est chargé de la partie relative aux « connaissances sanitaires » en 1800. C’est à la fin du xviu® siècle que lady Montague, femme de l’ambassa¬ deur d’Angleterre en Turquie, introduisit à Londres l’inoculation de la variole. Mais c’est en 1798 que Edward Jenner publia son traité sur la vaccine, qu’il avait découverte en 1796. Les tuyaux d’adduction de l’eau dans les rues de Londres étaient sou¬ vent encore des troncs d’arbres creusés et enfouis en terre ; dans un voyage que nous avons fait à Londres en 1884, sir Douglas- Galton nous en a montré en place, mais ne servant plus, qui avaient été rais au jour en construisant une des maisons d’ouvriers de la fondation Peabody. On REVDE DES JOURNAUX CE trouve un grand nombre de spécimens au musée d’hygiène de Parkes. En 1801, la plupart des égouts étaient en briques et en pierre, mais ils étaient bien primitifs. Dans presques toutes les maisons, les matières fécales étaient recueillies dans des fosses fixes ou des baquets envoyant leur trop plein à l’égout, bien que ce fût défendu. Quant aux latrines, M. Cor- field reproduit plusieurs gravures empruntées à un livre très rare qu’il possède (A new discourse of a Stale subject called the Metamorphosis of Ajax, imprimé en 1S96) ; le dessin représente le plan d’une latrine perfectionnée (a privie in perfection) ; c’est un water-eloset naïf, mais qui était un réel progrès en l’an 1896. L’on trouvera dans cette intéressante revue de Corfield des renseigne¬ ments fort instructifs sur l’hygiène en Angleterre au commencement du siècle écoulé. E. V.vllin, Influence de l'intoxication botulinique sur le système nerveux central, par le D’’ V. P. Ossipofp {Annales de l’Institut Pasteur, 1900, p. 769). Van Ermengem a démontré que le botulisme a pour agent pathogène un microbe anaérobie (bacillus botulinus), qui dans certaines conditions élabore une toxine portant principalement son action sur le système nerveux central : ophtalmoplégie, ptosis, dilatation des pupilles, apho¬ nie, troubles cardiaques, paralysies musculaires. Kempner et Pollak, Marinesco, ont étudié les lésions produites ainsi dans la moelle ; ils ont trouvé des altérations profondes des cellules nerveuses centrales, et ce dernier insiste beaucoup sur l’exagération dans ce cas de la fonction phagocytaire des cellules de la névroglie, tandis que selon lui le rôle des leucocytes serait insignifiant. A la demande de Metchnikolf, M. Ossipoff a injecté de la toxine botu¬ lique sur divers animaux, en vue d’étudier et de contrôler les altérations du centre nerveux. Les cobayes inoculés mouraient au bout de quatre ou cinq jours avec de la suppuration des angles des yeux, la dilatation des pupilles, la paralysie des muscles du cou, l’accélération de la respiration, le tirage intercostal, une perte de poids variant de 20 à 35 p. 100. Les chats et certains singes résistent davantage et meurent moins vite. Les conclusions sont que la toxine botulinique provoque les symptômes carac¬ téristiques du botulisme, avec tous les signes d’une origine centrale : modifications profondes des vaisseaux et des cellules nerveuses. Le pro¬ cessus pathologique est d’une grande violence et donne l’explication des graves symptômes cliniques. La phagocytose joue ici un rôle important. Toutefois la toxine botulinique ne détermine pas d’autres altérations des cellules nerveuses que les toxines tétanique et diphtérique, par exemple. E. Vallin. Mestires de désinfection imposées en Amérique aux provenances des Antilles, par le D’’ Tocin [Annales Æhygiène et de médecine coloniales, 1900, p. 547). M. Touin, sur un navire capturé par les croiseurs américains après le REVUE DES JOURNAUX blocus de Cuba, a subi et a vu fonctionner de près les procédés de désinfection imposés à tous les navires de provenance suspecte à la sta¬ tion quarantenaire de Sapelo, près de Charlestown (Caroline du Sud). 11 décrit et figure les appareils qui lancent les vapeurs d’acide sulfureux dans les profondeurs du navire, ceux qui inondent toutes les parois avec la solution de sublimé, les grandes étuves à haute pression où l’on fait passer tous les objets et même les marchandises susceptibles d’étre désin¬ fectés. Cette description est presque identique à celle que nous avons donnée {Revue d'hygiène, 1888, p. 218) des méthodes de désinfection employées à la Louisiane. Si quinze ans plus lard on trouve appliqués avec profit à Charlestown des procédés usités depuis 1885 à la Nouvelle-Orléans, on peut dire qu’ils ont la sanction du temps. M. Touin vante en particulier les bons effets obtenus à l’aide du four et du ventilateur qui envoient i fond de cale des masses énormes de vapeurs de soufre brûlé ; c’est d’après lui le meilleur moyen de débarrasser les cales des insectes et des rats qui sont la plaie des bateaux. Le petit mémoire est accompagné de dessins qui sont fort instructifs et ne diffèrent pas de ceux que nous avons trouvés dans la brochure du D' Joseph Holt analysée par nous en 1888. E. Vallin. Note sur La stérilisation de l’eau alimentaire à l'Ecole navale par l’appareil Rouart-Herseher, par le D' L’Herminier, médecin de 2* classe {Archives de médecine navale, décembre 1900, p. 401). L’on sait que le stérilisateur à vapeur sous pression de Rouart-Herschw se termine par un clarificateur, c’est-à-dire par un petit réservoir rempli de silex pur concassé, où l’eau stérilisée et complètement refroidie par son pas¬ sage à travers les échangeurs, se débarrasse de la rouille dont elle pourrait être chargée (voir la figure dans la Revue d’hygiène, 1892, p. 601). M. le D' L’Herminier a constaté que l’eau, parfaitement stérilisée par la tempé¬ rature de -f- 130 degrés au sortir de la chaudière, pouvait dans certains cas contenir une grande quantité de microbes à la sortie de l’appareil, et que la souillure provenait de ce « clarificateur » terminal en silex, en contact direct avec l’air extérieur et dont la stérilisation a paru jusqu’ici difficile. En principe, l’on doit chaque mois stériliser à fond toute la série des appareils, en arrêtant l’arrivée de l’eau qui les alimente, et en laissant échapper de la chaudière, à travers les serpentins, de la vapeur ou de l’eau surchauffée à 130 degrés. Mais parfois l’on craint que l’excès de pression et de température n’altère les soudures à l’étain des serpentins, et l’on néglige celte opération. On se borne alors à laver le silex à l’air libre dans une grande cuve, en y projetant de l’eau bouillante, en remuant le silex avec une pelle, parfois même en le lavant au sublimé: puis on rince à grande eau, et l’on charge de nouveau le stérilisateur en nivelant le silex avec les mains plus ou moins souillées des matelots. Comme le silex ne sert qu’à débaiTasser l’eau de la rouille qui se pro- REVUE DES JOURNAUX n. (luit au contact du fer, il semble tout d’abord qu’il vaudrait mieux sup¬ primer la production de la rouille, ce qui rendrait inutile le soi-disant clarificateur. Ce serait d’autant plus désirable, que la rouille, sous l’in¬ fluence de la température et de la pression, peut amener à la longue la perforation d’uà des serpentins et par conséquent le mélange de l’eau d’arrivée suspecte avec l’eau de sortie qui est stérilisée. On peut d’ail¬ leurs s’assurer avec du bleu de méthylène que cette communication n’existe pas. Il paraît que l’étamage, le zincage, la galvanisation du fer, l'emploi du cuivre, etc., ne donnent pas encore des garanties suffisantes, et que provisoirement, du moins, la clarification par le silex est indis¬ pensable. M. L’Herminier indique un moyen très simple d’assui’er la sté¬ rilisation parfaite de ce silex : c'est d’établir un tuyau en cuivre partant de la chaudière et débouchant directement au-dessus du clarificateur ; le résultat est obtenu au bout de vingt minutes ; il est nécessaire d’y recou¬ rir une fois par semaine, tandis que la stérilisation de tous les appareils par l’eau surchauffée peut ne se faire que tous les mois. Malgré de nombreuses digressions, ce mémoire est fort intéressant et donne des indications pratiques et précises. E. Vallin. Sur l'hérédité tuberculeuse’, influence des poisons tuberculeux, par le D*’ G. Carrièbb {Archives de médecine expérimentale, 1900, p. 782). Tous les médecins admettent que si les parents tuberculeux engendrent rarement des enfants tuberculeux, ils transmettent à leurs descendants un état cachectique, diathésique, une certaine prédisposition à la tuberculose. Arloing et Courmont admettent que cet état est le résultat de l’action des poisons favorisants fabriqués par le bacille de Koch. « Les bacilles contenus dans la lésion de la mère, dit Arloing, sécrètent des produits solubles prédisposants qui, déversés dans le torrent circulatoire, imprègnent le fœtus. L’enfant vient au monde sans lésions, sans tare apparente, avec un bon état général. Il est cependant si bien imprégné de produits solubles prédisposants, que son organisme offrira un terrain spécialement apte à se laisser infecter par la tuberculose. » Charrin et Roger ont montré que, lorsqu’on a injecté à des animaux des poisons bactériens, leurs descendants sont malingres et résistent mal aux infections en général. M. le D" Carrière, agrégé à la Faculté de Lille, a repris ces expériences en injectant à des cobayes le produit distillé des cultures de bacilles de Koch. Il en est résulté la diminution des portées chez les géniteurs, la mort des fœtus ou la mort prématurée des petits, la faiblesse constitu¬ tionnelle de ces derniers. De plus, les poisons ainsi injectés aux géné¬ rateurs ont rendu manifestement leurs descendants plus sensibles à la tuberculose inoculée ; cette sensibilité est plus grande quand les deux générateurs ont été imprégnés, plus faible quand la mère seule l’a été, beaucoup plus faible surtout quand le père seul l’avait été. Ces recherches confirment pleinement les hypothèses de Arloing et de Landouzy sur l’hérédo-prédisposition tuberculeuse. E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX ne SulV esame bacleriologico delV acqua del soitosuolo (Sur l’examen bactériologique de l’eau souterraine) , par le D' G. Gomni (Giomale délia R. Soeietà italiana d'igiene, 1900, p. 193). Nous avons récemment analysé (Revue d'hygiène, 1899, p. 1046) un excellent travail du professeur P. Canalis, de Gênes, où ce médecin montre qu’en enfonçant directement dans le sol les tubes de fonte de Norton pour construire des puits instantanés, on introduit avec celui-ci de la terre de surface riche en germes variés qui vont souiller la nappe souterraine et s’y cultivent, de telle sorte que l’examen bactériologique fait prématurément et sans précautions fait considérer comme suspecte une eau qui est cependant de bonne qualité. M. Canalis recommandait de creuser d’abord au point choisi une fosse d’un mètre de profondeur, de la remplir d’eau de chaux, et au bout de vingt-quatre heures d’enfoncer au milieu de cette fosse encore pleine dè liquide désinfectant le premier tronçon de tube, dont l’extrémité inférieure perforée doit, selon lui, ne pas avoir de renflement II remplissait la totalité des tuyaux adducteurs et la pompe avec une solution forte d’acide phénique, et ce n’est qu’au bout de plusieurs jours, après avoir pompé 20 à 2.5 mètres cubes d’eau, qu’on mettait le puits en service et qu’on recueillait les échantillons pour l’examen bactériologique. Le D’’ Gorini a procédé de la sorte, pour un puits instantané du système Norton établi dans la commune di Porto Recanati (Macerata), et il Uonne le résultat de l’analyse bactériologique faite sur les échantillons recueillis. En amont et à peu de distance du puits nouveau , se ■trouvait une fontaine ancienne, débitant par deux tuyaux 12 litres à la seconde. L’eau recueillie à ces deux tuyaux donnait 122 et 228 germes par centi¬ mètre cube. Le puits Norton, desservant la même nappe souterraine située à 5 mètres au-dessous de la surface, et établi avec les précau¬ tions rigoureuses prescrites par Canalis, donnait de l’eau contenant seule¬ ment, au bout de dix jours de culture, de 0 à S germes par centimètre cube, c’est-à-dire qu’elle était d’une pureté tout à fait extraordinaire. On pourrait presque dire que le résultat est trop beau. E. Vallev. La canalisation des maisons dans ses rapports avec les égouis publics, etc., par M. Rckchling (Journal d’hygiène, 27 septembre 1900, p. 307). L’éminent ingénieur sanitaire de Leicester a fait sur ce sujet, au con¬ grès du Sanitary Instilute qui s’est exceptionnellement réuni cette année à Paris, une conférence intéressante, dont le Journal d'hygiène a donné la traduction complète. Assurément M. Rœchling a dû rappeler beau¬ coup de notions classiques, mais il a insisté sur plusieurs points qui ont un véritable intérêt pratique. Pour lui, le « tout à l’égout », comme pn dit en France, est le seul moyen de maintenir la salubrité de nos villes surpeuplées ; sans lui on tombe dans les conditions où croupissent encore beaucoup de villes orientales. C’est le meilleur moyen d’assurer le drainage des maisons privées et de prévenir les épidémies qui naissent dans quelques maisons REVUE DES JOURNAUX m et de là se propagent dans toute la ville ; aucun autre ne garantit aussi bien la distribution d’une grande quantité d’eau propre et l’évacuation rapide des matières usées. On dit parfois qu’iLest plus facile de tenir propres les égouts publics que la canalisation des maisons ; c’était peut-être vrai autrefois ; c’est plutôt le contraire qui a lieu aujourd’hui. Si parfois la canalisation inté¬ rieure dégage des odeurs désagréables et suspectes, c’est qu’on y jette des matières solides (débris de légumes, ordures ménagères), tandis qu’on n’y devrait jeter que les eaux sales et les matières fécales; on n'y doit môme pas projeter la graisse quand elle est en trop grande quantité. Les siphons ont pour but d’intercepter la plupart des corps solides ; aussi on doit fréquemment les inspecter, les nettoyer et parfois même les désinfecter. Les chasses des water-closets sont souvent insuffisantes ; la force de l’eau ne doit pas être brisée par un changement brusque de direction, soit dans la cuvette, soit dans les tuyaux. A ce titre, M. Rœchling aurait pu condamner nettement ces cuvettes plates, dites à l’anglaise, à retenue ou à combinaison, avec orifice d’évacuation en avant, dont on s’est fâcheusement engoué en France depuis quelques années, et qui ont trois inconvénients sérieux : elles exigent beaucoup d’eau, elles brisent la force de projection de la chasse et elles laissent de très mauvaises odeurs dans le cabinet, parce que les matières ne sont pas submergées pendant l’opération; la forme cylindro-conique ancienne est bien préférable. M. Rœchling demande que la chasse d’eau soit de 10 et parfois IS litres, qu’elle écoule ce volume d’eau en cinq secondes et que le réser¬ voir se remplisse de nouveau en une minute. Il demande aussi que les orifices et tuyaux d’évacuation des baignoires soient très larges, afin que cette grmide masse d’eau puisse servir à une chasse puissante. Ce défaut est particulièrement marqué dans nos maisons nouvelles de Paris, où les baignoires des Cabinets de toilette exigent plus de cinq minutes pour se vider ; en outre, la bonde se vide dans un petit terrasson placé à l’air libre sous la baignoire, de sorte que la pression de l’eau dans celle-ci est complètement inutilisée. Avec un écoulement rapide et des tuyaux larges, il n’y a jamais d’in¬ crustation et la congélation de l’eau dans les tuyaux par les grands froids est moins à craindre, surtout quand le siphon terminal ou de pied est enfoui profondément au-dessous du sol. M. Rœchling considère comme dangereux et inutile de ventiler les égouts par l’extrémité supérieure, prolongée jusqu’au-dessus du toit, des tuyaux de canalisation de la maison. Les appareils de canalisation doivent être très robustes; mais, tandis que dans les ouvrages ordinaires d’ingénieurs, on construit toujours l’or¬ gane le plus faible de 3 à 8 fois plus fort qu’il est nécessaire pour résister au plus grand effort qu’il aura à supporter, on oublie presque toujours cette règle dans les omTages sanitaires où elle est encore plus nécessaire qu’ailleurs, et particulièrement dans les siphons hydrauliques terminaux. Il insiste sur l’utilité et la nécessité de ces siphons de pied, que cer- REV. d’hyg. xxin. — 12 «8 REVUE DES JOURNAUX laines autorités sanitaires prohibent ou condamnent à l’extrémité de la canalisation des maisons particulières. Ils rendent, au contraire, les plus grands services ; mais ils doivent être assez grands et retenir assez d’eau pour empêcher le reflux des gaz de l’égout, même quand la maison est vide et inoccupée. En résumé, il y a deux règles essentielles à observer dans le drainage d’une maison : empêcher le reflux des gaz de l’égout, entraîner aussi vite que possible hors de la maison les matières usées et les matières fécales. Les moyens d’atteindre ces deux buts sont ; les siphons terminus ou de pied, les siphons d’arrêt des matières solides autres que les fèces, des chasses puissantes dans les cabinets et par les baignoires, des pentes convenables avec suppression des coudes et étanchéité des conduits, visites faciles et périodiques des drains et des siphons, etc., etc. Cette conférence, très bien exposée, a eu beaucoup de succès et a obtenu l’assentiment de tous les hygiénistes présents. E. Vallin. The voluntary notification of phthisie (La notification volontaire de la tuberculose), par William Rüshton Parker {Bnl. med. lourn., 13 octobre 1900, p. 1115). Avantages de la déclaration. — 1“ Chaque district connaîtrait le nombre de ses tuberculeux et celle connaissance faciliterait l’établisse- ipent de sanatoria pour les cas curables, de maisons d’isolement pour les incurables; 2“ la distribution des cas permettrait d’étudier l’influence de l’encombrement, de la ventilation; on pourrait ainsi inspecter les hôtels, les cafés où se sont rencontrés des tuberculeux, améliorer le sol, etc.; 3® la source de l’infection serait mieux connue; on désinfec¬ terait les logements où sont morts des tuberculeux; on inspecterait les étables ; 4® on pourrait isoler les malades dangereux, en particulier ceux qui vivent dans les communautés ; ateliers, écoles, etc. Objections. — 1® Le malade peut refuser la déclaration. L’auteur croit qu’en cas de. danger, le médecin passera outre.; 2® les autorités médi¬ cales officielles sont alors introduites dans les familles. Résultats de la déclaration dans les villes où elle a été adoptée. — Des résultaU très satisfaisants ont été obtenus partout où ces déclarations sont payées (Brighton, Manchester, Scheffield). Dans certaines villes (Stockport, Blackbury, Plymouth, etc.), l’essai est trop récent. Dans toutes les villes où les honoraires sont faibles, il y a eu insuccès : ainsi à Norwich, où chaque déclaration n’est payée que 1 schilling, il y a eu 11 déclarations dans les trois ou quatre premiers mois, aucune dans les six mois suivants, de même à Carlisle, Liverpool, Cardiff, etc. La déclaration ne donne de résultats efficaces que si elle est payée. Cettè opinion paraîtra peut-être paradoxale en France. Catrin. Typhoid fever and mangles (Fièvre typhoïde et calandres), pai- le D® Joseph Priestley (BHt. med. Joum., 3 novembre 1900, p. 1336). Le D® J. Priestley a récemment observé une épidémie de fièvre typhoïde REVDE DES JOURNAUX 179 (41 cas) qui s’est confinée à 3 rues de la' ville, toutes dans de bonnes conditions d’aisance et d’bygiène, alors que aucun cas n’était signalé dans 58 autres rues qui avaient été déclarées absolument malsaines. Toutes les maisons furent visitées une à une, afin d'examiner les cas suspects ou douteux. Une enquête des plus minutieuses porta sur les eaux, le lait, les drains, la consommation des huitres, de la crème, etc. On ne trouva rien. Finalement le D' Priestley attribua la diffusion de la maladie à des calandres. Les habitants des rues où sévissait l’épidémié ont l’habitude de laver eux-mêmes leur linge et de le faire calandrer dans le voisinage. Il y a quatre calandres dans ces trois rues ; or 26 des malades atteints étaient des habitués de ces machines. L’auteur rappelle combien la désin¬ fection des linges souillés par les déjections est difficile malgré l’ébulli¬ tion, car la température suffisante atteint rarement toutes les parties des linges. Suivent les précautions employées pour limiter l’épidémie : désin¬ fection des calandres avec une solution de formaldéhyde, isolement, etc. Sur les 41 cas, 21 atteignirent des enfants au-dessous de 12 ans. Il y eut 4 décès. On peut se demander si ce calandrage ou cylindrage dû linge récemment blanchi doit être réellement incriminé. Catrin. An investigation into the etiology of cancer (Enquête sur l’étiologie du cancer) (Brit. med. Journ., 29 septembre 1900, p. 932). Cette enquête a été faite par un comité organisé par l’Association médicale britannique. Elle a porté sur une population de 860,000 per¬ sonnes et comprend 5,300 cas de tumeurs malignes. Depuis dix ans la mortalité cancéreuse a été de 0,58 p. 100. Relative¬ ment à la plus grande fréquence du cancer chez la femme, les enquê¬ teurs font remarquer que si l’on élimine les cancers de l’utérus et du sein, cette fréquence plus gi-ande disparaît. D’ailleurs, les statistiques ne peu¬ vent être qu’approximatives, car elles s’appuient sur les registres des décès; or le diagnostic des cancers internes est bien souvent difficile, et l’autopsie manque fréquemment; d’autre part on attribue la mort à des cancers, alors qu’elle provient parfois de toute autre cause, etc. Néanmoins, de l’ensemble des travaux et des recherches, la commis¬ sion a cru pouvoir tirer quelques grandes conclusions que nous résumons brièvement : 1° 11 semble que le cancer soit plus fréquent dans les pays à sol humide, mal drainé, que dans les terrains secs, bien drainés; 2° Il y a bien certainement des n maisons à cancer « et même des « quartiers à cancer »; 3° Le cancer est plus fréquent dans les maisons vieilles que dans les neuves, dans les quartiers habités depuis longtemps que dans les quar¬ tiers neufs; 4° 11 semble dans certains cas qu’il y a eu contamination d’une personne vivant constamment avec un cancéreux. Catrin. REVUE DES JOURNAUX Comanguinity os a faclor in the etiology of tuberculosis (La consan¬ guinité comme facteur de l’étiologie de la tuberculose), par Charles A. Davies {Biit. med. Joum., 29 septembre 1900, p. 904). La croyance à l’influence néfaste des mariages consanguins sur les enfants issus de ces unions est très ancienne et l’interdiction de ces alliances repose sur ime observation séculaire. Dans les temps modernes, les Australiens sont arrivés également à défendre ces mariages après une longue expérience. Le D' Mitchell, en 1886, a signalé un village de la côte nord-est de l’Ecosse dont la population de pêcheurs s’élève à 779 habitants et contient 119 couples mariés, sur lesquels 11 sont cousins au premier degré et 16 au second. De ces 27 mariages entre proches parents, 3 ont été stériles; des 24 restants il est né 105 enfants sur les¬ quels 3 sont morts-nés et 35 morts dans les premiers mois (soit 33,4 p. 100). 4 des restants sont sourds-muets, soit 6 p. 100 ; 4 sont imbéciles et 4 sont innocents; 1 est paralytique et 11 sont scrofuleux et chétifs. Dans les îles Ferroë où les mariages consanguins sont fréquents, sir Thomas Watson note la fréquence de la faiblesse mentale. En 1871, sir Monsay signalait la présence de nombreux idiots dans les îles Açores où les mariages entre parents sont nombreux. L’auteur a spécialement étudié l’ile de Man, dans la mer d’Irlande, dont la popula¬ tion a toujours résisté à l’introduction des étrangers, et où des lois inter¬ disent aux capitaines de navires l’entrée dans les ports. Cette population de Man qui s’élève à 15,000 habitants environ a donc vécu isolée depuis six cents ans ; mais en outre il existe des haines de race entre les habitants des côtes est et ouest de l’île, bien qu’ils aient mêmes lois, même langue, même religion. Enfin entre les côtes ouest et est, le village de Laxey et la ville de Peel sont complètement isolés, surtout Laxey. Bien plus, dans chaque cité les paroisses s’isolent et leurs habitants se marient rarement avec ceux d’une autre paroisse ; aussi voit-on à Bride, par exemple, les trois familles Christian, Jaughin et Kelly comprendre le tiers des habitants; de même à Bullangh. Or l’auteur étudiant la mortalité depuis cinquante ans dans l’île de Man, a trouvé que la mortalité annuelle par phtisie s’y élevait à 25,7 pour 10,000 vivants, soit le double de la léthalité tuberculeuse pour l’Angleterre et le pays de Galles. Le D' Davies examine longuement le climat, le sol, la température, etc., de Tîle de Man pour comparer ces éléments à ceux de l’Angleterre et il conclut que l’île de Man serait à tous points de vue un excellent sana¬ torium. Les populations vivent dans une aisance relative, il n’y a pas d’industrie, les maisons sont saines, etc., etc. En un mot l’auteur ne volt que la fréquence des mariages consanguins qui puisse expliquer cette excessive mortalité par tuberculose. La paroisse de Lonan, une des plus isolées de l’île et par contre une de celles où les mariages entre parents présentent le maximum de fréquence, a une létha¬ lité tuberculeuse de 41,17 pour 10,000 vivants. Au contraire, la ville de REVUE DES JOURNAUX Peel el les villages de l’ouest, moins réfractaires aux mariages non consan¬ guins, ont la plus faible mortalité tuberculeuse. Catrin. Diphteria in lhe horse (Diphtérie chez le cheval), par Louis Cobbbtt {The Lancet, 25 août 1900, p. 573). Le 22 mai 1900, le D*' Mearns Fraser envoyait au laboratoire de Portsmouth une culture d’un bacille ^’il avait trouvé dans le mucus nasal d’un cheval et qui lui semblait identique à celui de la diphtérie. Le D' Fraser avait été conduit à examiner ce mucus en cherchant la source d’infection à l’occasion d’une enfant atteinte de diphtérie. Le cheval malade appartenait au père de l’enfant. L’animal eut de l’adénite des glandes sublinguales, de l’obstruction laryngée et de la difficulté de respiration avec rétraction de la paroi abdominale. Examiné au laboratoire, le bacille envoyé par le D'' Fraser fut trouvé absolument identique au bacille de la diphtérie, tant au point de vue de la morphologie, que des cultures; il était pathogène pour le cobaye et donnait une toxine très puissante. L’antitoxine diphtéritique neutralisait les injections de cultures vivantes ou filtrées. Ce bacille était donc bien celui de la diphtérie, et il faut conclure, bien que le cas soit unique, que le cheval est susceptible d’avoir la diph¬ térie. On comprend l’importance pratique de cette découverte ; au point de vue scientifique elle donne peut-être la solution de la question de l’origine de l’antitoxine. On sait en effet que assez souvent le sérum de l’homme normal ou du cheval sain, n’ayant jamais été ni l’un ni l’autre immunisés par des injections de bacilles ou de toxines, jouit du pouvoir de neutra¬ liser la toxine diphtéritique et l’on a démontré tout au moins pour le cheval que ce sang contient une véritable antitoxine. Ainsi que A. Wassermann l’a supposé, il est probable que cette anti¬ toxine diphtéritique trouvée chez l’homme provient de quelque attaque de diphtérie passée inaperçue. On comprend que la même explication peut désormais s’appliquer au sérum de cheval, et qu’ainsi se trouve expliquée la fréquence de la pré¬ sence de l’antitoxine diphtéritique dans le sang de chevaux en apparence sains. Gatrin. The progress of the sanatorium for treatment of consumption in England (Le progrès [du traitement de la tuberculose par les sanatoria en Angleterre), par Jane H. Walker {The Brit. med. Joum., 29 sep¬ tembre 1900, p. 902). L’auteur rappelle cette parole philosophique de sir Ch. Lyell, que toutes les fois que la science fait un progrès, celui-ci trouve toujours des détracteurs qui traitent cette nouveauté d’absurde ou d’illogique, ou disent que depuis longtemps on la connaissait. C’est ainsi que fut reçue la communication du D' Hemi Mac Cormae, de Dublin, qui, en 1855, pré- 182 REVUE DES JOURNAUX conisa le traitement à l’air libre, démontrant la nocuité de l’air ruminé, etc. Il revint à la charge en 1863 et la Société royale de médecine de Londres refusa de lui voter des remerciements, considérant la discussion sur ce sujet comme une perte de temps. C’est d’ailleurs à tort que l’on regarde les Allemands comme les inven- teiu-s du traitement de la tuberculose par les sanatoria, car dès 1840, le D’’ Bodington, de Sutton Coldfield, publia un traité sur le traitement et la cure de la phtisie pulmonaire, lequel préconisait des moyens abso- ument identiques à ceux qu’on emploie dans les sanatoria modernes; il fit môme établir à côté de la sienne une maison dans laquelle il appliqua sa méthode. Bien que ce médecin ait à cette époque affirmé que les climats avaient peu d'influence sur la cure de la phtisie, on n’en continua pas moins à bannir de l’Angleterre tous les tuberculeux, les envoyant sur mer, ou en Egypte, ou à Madère, ou sur les bords de la Méditerranée. L’auteur s’étend alors sur l’influence des divers climats : froids liumides (voyages sur mer), chauds humides (Madère), chauds secs (Egypte), froids secs (Alpes). Il importe aussi de rappeler les efforts de Henri Bennet, de Menton, pour instituer, un des premiers, la cure de la tuberculose par le plein air et les fenêtres ouvertes. Depuis 1893, M. Walker a créé un sanatorium pour les pauvres, dans une ferme de Norfolk et il a obtenu des résultats très satisfaisants. 11 rappelle que le traitement ne doit pas consister seulement à ouvrir toutes les portes et fenêtres par tous les temps et à suralimenter les malades, mais qu’on doit encore traiter chaque cas en particulier, encourager les malades et surtout ne pas les laisser sortir trop tôt ; en outre faire faire des exercices méthodiques et gradués. En Angleterre, il y a actuellement 9 hôpitaux urbains pour les tuber¬ culeux, 7 à la campagne, 1 maison de santé en ville et 7 à la campagne, 4 sanatoria pour les pauvres et 4 projetés, 22 pour les payants et 2 en projet. De 1892 à 1900, l’auteur a traité dans son sanatorium 177 tuberculeux; il a eu 1.5,0 décès p. 100 ; 29 sont encore en traitement, 45 ont été guéris, 54 améliorés. CATniN. Die Veriinderungen des Spreewassers atif seinem Laufe durch Berlin in bacleiiologischei- und chemischer HinsiclU (Les modifications de l’eau de la Sprée pendant la traversée de Berlin au point de vue bactério¬ logique et chimique), par H. Dirksen et O. Spitta (Archiv f. Hygiene, XXXV, p. 83). Les auteurs de ce mémoire exposent les résultats de l’examen bactério¬ logique et chimique de l’eau de la Sprée, prise tous les quinze jours durant l’année 1896 en un certain nombre de points du parcours de la rivière à travers Berlin; ces points étaient les mêmes que ceux où G. Frank avait puisé ses échantillons tous les quinze jours, durant l’année 1886 : une comparaison entre les résultats de 1896 et ceux de 1886 s’imposait. Si l’on s’en tient, tout d’abord, à la comparaison du IlEVUE DES JOURNAUX 183 nombre des germes trouvés dans l’eau, on constate, chose curieuse, qu’en général il n’y a pas une bien notable amélioration à l’état d’infection de la rivière depuis dix ans. Et cependant, en 1886 les égouts de Berlin n’étaient pas terminés, tandis qu’en 1896 ils ne laissent couler à la rivière aucune partie des eaux résiduaires de la ville, sauf en temps de grande pluie, circonstance qui ne se présente pas plus de sept à huit fois par an et ne saurait, en conséquence, être invoquée comme explication de la contamination persistante de la Sprée. Au surplus, on trouye en 1896 les plus gros chiffres de. germes dans les mêmes points où Frank les trouvait en 1886, et on ne peut plus les mettre, comme à cette époque, sur le compte de lacunes de canalisation qui n’existent plus en 1896. Dés lors il faut donc admettre qu’il ne suffît peut-être pas, pour obtenir la propreté d’un cours d’eau traversant une ville, d’écarter dudit cours d’eau tous les liquides résiduaires m-bains. La comparaison des résultats des analyses chimiques de G. Frank en 1886 et des résultats des analyses chimiques de Dirksen et Spitta en 1896 conduit à la même conclusion : le résidu, la matière organique, ont d’une façon générale manifestement augmenté dans l’eau de la Sprée depuis dix ans. Toutefois, il n’y a pas augmentation très sensible du chlore, et pai’ suite on peut admettre que l’accroissement de la rivière ne tient pas au déversement d’eaux résiduaires urbaines. Il faut donc chercher ailleurs la cause de l’état de choses actuel. Cette cause, Dirksen et Spitta pensent la trouver dans l’activité du trafic commercial qui s’opère sur un certain nombre de quais de la Sprée ; toutes les ordures de ces quais se trouvant au niveau de la rivière y tombent directement. Une preuve de l’importance de cette influence, que l’on serait tenté de considérer a priori comme asssz médiocre, c’est la présence des germes en plus grande quantité à proximité des quais de débarquement et d’embarquement les plus considérables. Les échanges qui ont lieu sur ces quais ayant d’ailleurs beaucoup augmenté de 1886 à 1896, on aurait là l’explication du peu de progrès dans la propreté de la rivière, malgré le développement et l’achèvement du réseau des égouts urbains. L’opinion de Dirksen et Spitta est à retenir. Cependant, nous nous demandons si ces savants ne se sont pas un peu exagéré l’action des circonstances qu’ils incriminent. Ces circonstances interviennent sans doute pour une part dans le maintien de la- souillure de la Sprée, mais pour une part seulement. Il doit exister d’autres causes de contamination qui contribuent il annuler pour ainsi dire, vis-à-vis de la Sprée, les effets que Ton était en droit d’attendre de Te.xécution d’un réseau d’égouts diri¬ geant les eaux résiduaires urbaines vers des champs d’irrigation. Rappe¬ lons que chez nous la souillure de la Seine ne s’atténue pas beaucoup non plus depuis la cessation du déversement des eaux d’égout de Paris dans le fleuve ; on a attribué avec raison, croyons-nous, cet échec appa¬ rent à la continuation du déversement à la Seine des eaux d’égout des énormes agglomérations humaines qui avoisinent Paris. Pour Berlin, à vrai dire, le cas n’est pas le même. E. Arnould. 184 REVUE DES JOURNAUX Ueber die Ausscheidung von Mikroorganismen durchdie thdlige Milch- drüse (Sur l’élimination de microorganismes par les mamelles en activité), par K. Basch et F. WELEMmsay {Archiv f. Hygiene, XXXV, p. 203). La question de l’élimination de microbes par une mamelle en activité, en dehors de toute lésion apparente de cette mamelle, est encore assez mal connue. D’après Basenau, seuls les microbes susceptibles d’altérer la paroi des vaisseaux et môme de donner lieu à un processus hémorrha¬ gique passeraient du sang dans le lait ; Basenau n’a expérimenté qu’avec im seul microbe, le B. bonis morbi/icans, qui produit des hémorrhagies, mais il a pensé pouvoir étendre ses conclusions aux autres espèces micro¬ biennes pathogènes, et notamment il a admis que le bacille de la tuber¬ culose pouvait passer du sang dans le lait d’une mamelle d’ailleurs saine (c’est-à-dire n’offrant pas de tubercule), quand la maladie dure depuis assez longtemps pour engendrer des altérations, d’origine nutritive de la paroi des vaisseaux. De fait, en dehors du staphylocoque pyogène agent de la septicémie puerpérale, du diplocoque de Frankel agent de septi¬ cémie chez les lapins, du germe du choléra des poules qui détermine aussi une septicémie hémorrhagique chez le lapin, d’un bacille coliforme de Gaffky qui produit chez la vache une septicémie avec entérite hémor¬ rhagique, et enfin du bacille tuberculeux (d’après Bollinger, Baumgarten, Bang), on ne trouve guère dans le lait des germes provenant directement du sang des femelles laitières : du moins, les cas cités jusqu’à présent concernant le bacille du charbon (Ghambrelent et Moussons), celui de la diphtérie (Klein), et celui de la fièvre aphteuse sont-ils douteux. En ce qui concerne le bacille tuberculeux même, on peut se demander si sa pré¬ sence dans le lait ne serait pas toujours liée à une lésion tuberculeuse qui échapperait parfois à l’examen. Reprenant celte étude, Basch et Weleminsky inoculent des femelles de cobayes en lactation avec des cultures de divers microbes pathogènes ou non ; ces derniers représentés par le B. cyanogènes lactis et le B. prodi- giosus n’apparurent point dans le lait après avoir été injectés dans les veines. Pour ce qui est des inoculations de germes pathogènes, celles qui furent faites avec la bactéridie charbonneuse, avec les microbes du cho¬ léra, de la fièvre typhoïde et avec le bacille diphtéritique n’engendrèrent pas d’infection du lait, bien que les animaux en expérience eussent suc¬ combé à l’action de ces germes qui avaient envahi tout l’organisme et notamment le sang. En revanche, l’inoculation du B. pyocyaneus fut suivie de contamination du lait ; or le bacille en question détermine des hémorrhagies, entre autres dans la mamelle. D’après Basch et Weleminsky il faut donc admettre, comme l’avait dit Basenau, qu’une lésion vasculaire au niveau de la mamelle est nécessaire pour que des microbes du sang passent dans le lait. La mamelle ne serait donc pas, à proprement parler, un émonctoire normal pour les germes répandus au sein de l’organisme. E. Arnould. REVUE DES JOURNAUX 185 Tubei-kelbadllenbe/unde in der Marktbutter (Présence du bacille tuber¬ culeux dans le beurre du commerce), par O. Korn (Archiv Hygiene XXXVI, p. 57). Vingt échantillons de beurre achetés à Fribourg furent examinés avec les précautions nécessaires pour distinguer le bacille pseudo-tuberculeux, signalé par Rabinowitsch et par Pétri, du vrai bacille tuberculeux : on faisait des cultures pures avec les bacilles extraits des lésions des cobayes auxquels le beurre était inoculé, puis on employait ces cultures pures à de nouvelles inoculations. Tout d’abord trois échantillons durent être mis de côté, car les cobayes inoculés avec mouraient promptement de péri¬ tonite aigué. Dans les dix-sept autres échantillons le bacille tuberculeux proprement .dit fut décelé quatre fois, le pseudo-bacille de Rabinowistch une fois. E. Arkould. Die Bedeutung des Alkohols ah NahrungsmitteL (L’importance de l’alcool comme aliment), par O. Neumann {Archiv f. Hygiene, XXXVI. p. 1). Au cours de recherches sur la cousommalion d’albumine par l’orga¬ nisme, l’auteur a examiné une fois de plus l’influence de l’alcool sur le bilan nutritif, autrement dit la question de savoir si l’alcool est un ali¬ ment. La réponse à cette question générale suppose, d’ailleurs, que l’on a préalablement éclairci les trois points suivants, effectivement étudiés déjà par un grand nombre de savants, dont Neumann résume les conclu¬ sions avant de passer à l’exposé de ses résultats personnels : 1° Destinée de l’alcool introduit dans l'organisme. — Tiedemann et Gmelin (1820), Lallemand, Perrin et Duroy (1860) étaient d’avis que l’al¬ cool ingéré s’éliminait entièrement inutilisé, tandis que Bouchardat et San- dras (1847) pensaient qu’il était complètement oxydé dans l’organisme ; les uns et les autres se trompaient, d’après les résultats aujourd’hui consi¬ dérés comme exacts de Baudet (1863), Subbotin (1871), Dupré (1872), Anstie (1874), Albertoni et Lussana (1874) et surtout de Binz, de ses élèves Heûbach et Schmidt, enfin de Bodlânder (1883) et de Strassmann (1891), l’alcool est partiellement éliminé par le poumon, les reins, la peau (3 p. 100 d’après Bodlânder, 10 p. 100 selon Strassmann), le reste est oxydé dans l’organisme. L’alcool est donc un « aliment respiratoire » comme la graisse, les hydi’ocarbonés, et en conséquence une source d’énergie utilisable. 2® Influence de l’alcool sur les échanges respiratoires. — Il s’agit de la consommation d’oxygène et de l’élimination de CO“. Ici encore on se trouve en présence de singulières contradictions; Baer, Rumpf, Bodlân¬ der se prononcent pour une diminution des échanges respiratoires après absorption d’alcool ; Zuntz et Wolpert, Geppert déclarent au contraire observer alors une certaine augmentation desdits échanges, mais à un degré si peu notable que pratiquement on peut considérer que ni l’ab¬ sorption d’oxygène ni l’élimination de C02 ne sont modifiés à la suite de la consommation d’alcool. Peut-être doit-on en conclure que l’alcool REVUE DES JOURNAUX brûlé épargne une quantité correspondante (au point de vue respiratoire) d’un autre aliment, de graisse par exemple. Cette hypothèse rallie Zuntz, Rosemarie, Henrijean. 3® Influence de l'alcool sur la consommation d'albumine. — C’est ici le point sur lequel il est le plus difficile de posséder des données pré¬ cises et exactes. Un grand nombre des expériences faites pour y arriver doivent être laissées de côté comme défectueuses d’une manière ou d’une autre ; ce qui explique les contradictions de leurs résultats, les uns n’in¬ diquant pas de changement dans la consommation d’albumine, quelles que fussent les doses d’alcool ingérées, les autres paraissant témoigner d’une action favorable (diminution) avec les petites doses, d’une action défavo¬ rable (augmentation) avec les doses fortes. 11 ne faut tenir compte que des travaux publiés depuis vingt ans. Encore ceux de Riess et de Jaksch qui concluent à une action d’épargne de l’alcool vis-à-vis de l’albumine sont-ils passibles de sérieuses critiques. Viennent ensuite les recherches de Strassmann et celles de Noorden d’après lesquelles l’alcool joue un rôle favorable quand l’albumine est d’ailleurs fournie en abondance à l’organisme, défavorable au contraire quand cet apport est médiocre. Ultérieurement, Romeyn (1887) constate que l’ingestion d’alcool parait augmenter en général la destruction de l’albumine, du moins chez un sujet à la diète ; Fortraüller vérifie ce résultat, Les travaux les plus récents sont ceux de Staramreich, de Miura, de Schmidt ; ces deux derniers savants surtout semblent s’être mis à llabri de toute critique. Il n’en est pas absolument de même de Stammreicli d’après qui l’alcool pourrait se comporter de trois fagons différentes selon le taux de la ration alimentaire simultanément fournie : quand la ration est pauvre en albumine l’alcool n’arrive pas à compenser la graisse qui manquerait ; quand la ration apporte une quantité moyenne d’albumine, l’alcool peut remplacer la plus grande partie de la graisse ; enfin, avec un apport d’albumine très généreux l’alcool se comporte comme un équivalent de la gi’aisse. Miura, puis Schmidt déclarent, au contraire, que jamais l’alcool ne peut servir à épargner l’albumine dont il ne sau¬ rait aucunement tenir la place dans la consommation alimentaire ; toute¬ fois, Neumann a pensé que les expériences de Miura et de Schmidt n’avaient pas été suffisamment prolongées et qu’il convenait de les reprendre. C’est ce que Neumann a effectivement entrepris en s’entom-ant do toutes les précautions possibles. Il opérait sur lui-même, et à très peu près suivant la méthode adoptée par Miura; mais les périodes d’observa¬ tion étaient plus longues (l’une d’elles dura dix jours, tandis qu’aupara- vanl on n’avait jamais dépassé quatre jours). Dans ces conditions nou¬ velles, Neumann constate que si les résultats de Miura et de Schmidt se vérifient au début des périodes d’expérimentation, il n’en est plus ainsi après le quatrième ou cinquième jour d’ingestion d’alcool. Au début, vis- à-vis d’un organisme qui n’est pas habitué à cette substance, l’alcool agit comme une sorte de poison qui détermine un accroissement dans la des¬ truction des matières azotées ; quand il y a accoutumance de l’organisme, REVUE DES JOURNAUX 187 ce qui survient assez rapidement, l’influence défavorable cesse, et les échanges redeviennent normaux. Dès lors, l'alcool étant d’ailleurs brûlé au sein de l’organisme, il ne peut manquer d’influencer favorablement les échanges nutritifs : il prend la place d’une matière alimentaire, il remplace la graisse, et comme la graisse permet d'épargner de l’albu¬ mine, il se trouve finalement que l’ingestion d’alcool épargne de l’albu¬ mine — comme Munk le pensait. Neumann s’empresse d’ajouter qu’on doit bien se garder cependant de faire usage de l’alcool comme aliment ; car d’autre part c’est un poison. Il ne faut pas seulement considérer son action sur les échanges nutritifs pris isolément ; il faut tenir compte de son influence sur la digestion, le système nerveux, la capacité de travail, influence néfaste comme on sait. Finalement, on verra que les inconvénients de l’alcool l’emportent sur ses avantages, et qu’on doit donc s’abstenir d’en consommer. Le mémoire de Neumann se termine par un index bibliographique très riche. E. Arnould. Zur Desinfectionswirkung des Glycoformols unter Anivendung des Lingner' schen Apparates (Action désinfectante du glycofomiol employé avec l’appareil de Lingner), pai- J. Schneider (Àrchiv f. liygiene. XXXVI, p. 127). Nous avons déjà dit, d’après Czaplewski (voir Rev. d'hyg. 1899, p. 163), en quoi consistait l’appareil de Lingner et la méthode de désin¬ fection basée sur l’emploi de vapeurs de formaldéhyde provenant du chauffage dans l’appareil en question d’un mélange d’eau, de glycérine et d’aldéhyde formique désigné sous le nom de « glycoformol n. On sait que le tout n’avait pas paru donner de très brillants résultats à Czaplew¬ ski. Schneider, après de nombreuses expériences, est arrivé à des con¬ clusions également peu favorables au procédé : on désinfecte bien les .surfaces à condition de faire agir la vapeur sur elles pendant au moins trois heures ; mais l’addition de glycérine à la solution d’aldéhyde for¬ mique est plus gênante qu’utile, car cette glycérine tombe en gouttelettes sur les surfaces que l’on désinfecte et d’où il faut ensuite l’enlever; d’autre part, l’appareil de Lingner est trop compliqné et trop cher; mieux vaut avoir recours à la pulvérisation sous forme de spray d’une solution de formaline à 40 p. 100 en se servant d’un appareil très simple, comme l’ont fait Czaplewki, Prausnitz, Flügge. Ces pulvérisations ne détériorent rien. Il a paru à Schneider qu’à la longue il y avait une cer¬ taine pénétration du désinfectant dans les étoffes, les vêtements ; on ne devra pas toutefois s’exagérer les résultats à attendre dans ce sens. E. Arnould. Ueber die Grosse des Selbstliiflungs-Coefficienten kleiner Wohn- raüme (Sur la valeur du coefficient de ventilation spontanée pour de petits locaux d’habitation), par H. Wolpert {Archiv f. Hygiene, XXXVI, p. 220). REVUE DES JOURNAUX Flügge, étudiant en 1878 les effets de la ventilation spontanée à travers les parois non imperméables de chambres d’habitation de petites dimen¬ sions, estimait qu’en été, dans des conditions ordinaires, avec une diffé¬ rence de température entre le dedans et le dehors oscillant de 6 degrés à i°,S, environ, un tiers du volume de l’air enfermé était renouvelé en une heure. D’après cela le coefficient de cette ventilation spontanée eut été 0,077 pour 1 degré de différence entre le dedans et le dehors. Ce chiffre a paru suspect à Wolpert; car il conduirait à faire admettre qu’en hiver, avec une différence de température de 12 à 15 degrés entre le dedans et le dehors (circonstance qui s’observe fréquemment), il y aurait grâce à la seule ventilation spontanée un renouvellement complet de l’air d’une chambre en une heure : chose assez peu vraisemblable a priori. Wolpert a repris l’étude de cette question. Il déterminait une certaine souillure de l’air de diverses chambres au moyen de CO^, puis recher¬ chait d’heure en heure par la méthode de Pettenkofer ce que devenait cette souillure, autrement dit de combien elle s’affaiblissait par heure du fait de la ventilation spontanée à travers les parois des locaux. Les cham¬ bres choisies, offrant en moyenne 60 mètres cubes, avaient de bonnes parois en maçonnerie ordinaire, tapissées de papier à l’intérieur; ces chambres donnaient en général sur des cours environnées de bâtisses ; la différence de température entre le dedans et le dehors étant 12‘’,6, le renouvellement d’air au bout d’une heure était égal à 0,308, soit un coefficient de ventilation égal à 0,025 pour 1 degré de différence de température. On voit que ce résultat s’écarte notablement de ce que l’on aurait pu prévoir d’après les Indications de Flügge. Dans les chambres d’une maison isolée dont les parois étaient peintes entièrement à l’huile, Wolpert constate que le coefficient de ventilation tombe à 0,017 par degré de différence entre le dedans et le dehors. Au contraire, dans des pièces blanchies à la chaux (cuisines), il atteint 0,053. Au reste, toutes choses égales d’ailleurs , la ventilation spontanée tend à offrir Une valeur d’autant plus grande (relativement) que les locaux considérés sont plus petits. D’un autre côté, le coefficient de ventilation dans les pièces s’ouvfant sur une façade complètement dégagée serait légèrement supérieur à ce qu’il est pour les pièces s’ouvrant sur une façade qui donne sur une cour; Wolpert ne s’explique guère sur ce point, mais il semble probable que le mouvement de l’air à l’extérieur intervient ici d’une façon notable. E. Arnould. üeber das Vorkotnmm von Tuberkelbacillen in der Marburger Butter und Margarine (Sur la présence du bacille tuberculeux dans le beurre et la margarine de Marburg), par H. Bonhoff {Hyg. Rundschau, X, 1900), page 913. Les recherches dont il s’agit ici ont porté sur vingt-huit échantillons de beurre et trois échantillons de margarine ; dans aucun d’entre eux on ne trouva le bacille tuberculeux. La même chose était arrivée lors des examens de beurre effectués en 1896, par Schuchard, également à Mar- VARIÉTÉS 189 burg. Bonhoff n’a' pas rencontré non plus le bacille tuberculeux de Rabinowitsch. A Tübingen, Herbert a fait une semblable constatation, tandis qu’il avait décelé le pseudo-bacille tuberculeux quelquefois dans le beurre de Stutt¬ gart, très souvent dans celui de Berlin et surtout de Münich. Il y aurait donc de grandes différences d’une localité à l’autre en ce qui concerne la contamination microbienne du beurre. E. Arnould. VARIÉTÉS The Journal op hygiene , edited by George H. P. Nuttal , avec la collaboration de John Haldane et A. Newsholme. Cambridge, 1901 ; C. J. Clay and Sons, Ave Maria Lane, London, E. C. Sous ce nom, vient de paraître un nouveau journal consacré exclusi¬ vement à l’hygiène, et qui ne contiendra pas exclusivement des observa¬ tions originales et des expériences , mais qui acceptera et encouragera les discussions des questions administratives et pratiques ; on y ajoutera au besoin des revues critiques sur les sujets d’un intérêt général dans le domaine de l’hygiène. Il concentrera la collaboration de tous les hygié¬ nistes de langue anglaise, aussi bien des Etats-Unis que des colonies anglaises et de la métropole ; toutefois les recherches des travailleurs étrangers y seront accueillies avec plaisir. Il sera, en Angleterre, l’ana¬ logue de la Zeitschrift für Hygiene et de VArchiv fùr Hygiene en Alle¬ magne, des Annali d'Igiene sperimentale en Italie. Il a pour rédacteur en chef le George Nuttal , actuellement professeur de bactériologie et de médecine préventive à l’IIniversité de Cambridge, et qui antérieure¬ ment était « Associate in hygiene » à l’Université de John Hopkins, à Baltimore, aux Etats-Unis. Les deux principaux rédacteurs sont le D' John Haldane, professeur de physiologie à l’Université d’Oxford, et le D'' Arthur Newsholme , examinateur de médecine d’Etat et de médecine préventive aux Universités de Londres et d’Oxford. Le journal est publié avec luxe en fascicules trimestriels de 152 pages, de grand format in-S®, par les presses de l’imprimerie de l’Université de Cambridge ; le prix de l’abon¬ nement est de 15 shillings (20 francs par an). Le premier numéro qui vient de paraître contient neuf mémoires origi naux sur la répartition du paludisme en Angleterre dans ses rapports avec l’anophèle ; sur la structure et la biologie de l’anophèle sur les microbes pathogènes du lait ; ^ur l’intoxication saturnine ; sur un procédé de dosage de l’acide carbonique de l’air; sur la couleur rouge de la viande; sur les effets de l’inhalation de l’éthylène contenu dans le gaz d éclairage et le gaz à l’eau ; sur les modifications artificielles des cyto- 190 VARIÉTÉS toxines d’Ebrlicli dans leur rapport, avec l’immunité; sur l’utilité des hôpitaux d’isolement pour diminuer la propagation de la scarlatine. Le premier fascicule se présente avec une très belle apparence au point de vue typographique, et avec une très riche collection de mé¬ moires qui indiquent l’esprit particulièrement scientifique de la publica¬ tion. Nous souhaitons la bienvenue à cet important recueil, et nous sommes assuré qu’il inaugurera une ère nouvelle dans les recherches des laboratoires d’hygiène, qui jusqu’ici n’avaient pas encore pris com¬ plètement leur essor chez nos voisins d’outre-Manche. E. Vallin. Tétanos transmis par la sérothérapie. — Dans les dernières semaines de 1900, il s’est produit dans plusieurs villes de l’Italie une douzaine de cas mortels de tétanos, qui sont évidemment imputables à une erreur ou à mie négligence dans la préparation du sérum thérapeu¬ tique. Il s’agit presque exclusivement d’enfants atteints de diphtérie, à qui le médecin avait injecté sous la peau du sérum antidiphtérique pro¬ venant de l’institut sérolhérapique du professeur BelfantiiiMilan. Au bout de très peu de jours (une fois même au bout de vingt-quatre heures!), on vit survenir des accidents tétaniques, qui entraînèrent la mort dans la presque totalité des cas. 11 est probable qu’on avait préparé le sérum antidiphtérique avec des instruments ou des vases non stérilisés, ayant servi à des cultures du bacille de Nicolaïer, à moins qu’on n’ait confondu un sérum avec un autre. Jadis en Italie tous ces sérums étaient préparés dans des instituts appartenant à l’Etat, et en général dans des locaux, avec des personnels, distincts pour chaque vaccin ; mais on s’est plaint de la concurrence que les instituts faisaient à l’industrie privée des sérums, et leur préparation est devenue libre depuis 1896. Il y a là un danger dont les faits qui précèdent prouvent l’homble réalité. On n’ap- portejra jamais trop de rigueur dans la surveillance et le contrôle des établissements publics et privés où se préparent les sérums curatifs ou préventifs. Tarif des désinfections dans la Seine. — Un arrêté du préfet de police, en date du 21 janvier 1901, vient de modifier légèrement le tarif des désinfections faites par le service départemental dans les communes suburbaines et à Pai’is. « Article premier. — Toute personne chez laquelle il aura été procédé, sur sa demande écrite, à la désinfection par les soins du service départe¬ mental de désinfection, sera tenue de verser à la caisse du percepteur des contributions directes une part contributive calculée d’après l’estimation du loyer réel servant à l’établissement de la contribution mobilière et sur les bases ci-après : Pour un loyer inférieur à SOO francs, néant. Pour un loyer de SOO à 999 francs (valeur réelle) = S francs; de 1,000 à 1,299 = 10 francs; de 1,300 à 1,899 = 15 francs ; de 1,900 à 2,499 = 20 francs ; de 2,800 à 3,799 ='26 francs ; de 3,800 à 4,999 = 30 francs ; de 5,000 à 6,299 = 45 francs'; de 6,300 à 1,499 = 50 francs; de 7,500 à8, 799 = 60 francs de 8,800 à 9,999 = 70 francs; de 10,000 à 12,499 = 100 francs; de VARIÉTÉS 1«1 12,300 à 18,799 = 130 francs; de 18,800 à 24,999 = 200 francs ; de 23,000 et au-dessus = 300 francs. Art. 2. — Cette part contributive comprendra le passage à l’étuve des objets contaminés et la désinfection des locaux. Elle ne sera due qu’une seule fois pour une même maladie, quel que soit le nombre des opéra¬ tions auxquelles cette maladie aura donné lieu, à condition toutefois que ces opérations se succèdent à des inten^alles de durée ne dépassant pas six mois. Art. 3. — Pour la désinfection des locaux non imposés à la contribu¬ tion mobilière et des objets en provenant, la part contributive est fixée à 3 francs par derai-étuvée et 10 francs par étuvée lorsqu’il s’agit d’objets soumis à l’étuve ; à 10 francs par équipe de deux hommes et par demi- journée pour la désinfection par procédés chimiques. Toute fraction de derai-étuvée et de demi-journée sera comptée pour une demi-étuvée ou une demi-journée. Art. 4. — Pour la désinfection des loges de concierges, chambres de domestiques ou chambres d’ouvriers logés chez leur patron,. lorsque ces loges font partie d’une habitation collective et lorsque lesdiles chambres dépendent de locaux dont la valeur mobilière dépasse 300 francs, il ne sera perçu qu’un droit fixe do 6 francs par opération, qui comprendra à la fois la désinfection à domicile et le passage à l’étuve des objets contaminés. Art. 3. — Il est accordé l’exonération complète de toute participation aux frais de désinfection aux membres du corps médical lorsque celle-ci est demandée dans un intérêt ..professionnel, aux établissements publics appartenant à l’Etat, aux dépairtements ou aux communes, ainsi qu'aux éU^lissements sanitaires charitables privés et gratuits’. La désinfection des chambres faisant partie d’hôtèls garnis sera opérée gratuitement. Art. 6. — Par exception et lorsque les étuves n’auront ’pas d’emploi dans la journée dans le département de la Seine, pour lequel elles ont été créées, elles pourront être mises à la disposition des maires des coni- raunes voisines du département de Seine-et-Oise pour opérer, sur' leur demande, des désinfections sur leur territoire. Art. 7. — L’indemnité due par chaque journée de désinfection dans les communes de Seine-et-Oise est fixée à la somme de 30 francs et sous la responsabilité de la commune dont le nfaire aura fait la demande. La redevance sera de 60 francs pour les communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon. Jfrt. 8. — Chaque mois, le service des Epidémies de la Préfecture de police remettra à la Préfecture de la Seine (direction des Affaires dépar¬ tementales) un état certifié de toutes les personnes chez lesquelles il aura été effectué des opérations de désinfection. Cet état mentionnera : 1° la commune, la rue et le numéro de la maison ; 2“ l’étage et tous autres renseignements propres à déterminer le local habité par l’intéressé ; 3° les noms, prénoms et professions de l’intéressé. Cet état sera transmis à la diiection des finances, qui dressera les états de recouvrement des sommes dues d’après les constatations des levers réels. Ces sommes seront encaissées au compte dos produits éventuels "du département. » 192 VARIÉTÉS Le conseil sanitaire international de Constantinople. — On sait que ce Conseil se compose de 21 membres, dont 13 étrangers, représentant les principales nations de l’Europe ; seuls parmi ces der¬ niers, les représentants de la Belgique et de la Suède ne sont pas des médecins. Des 8 membres représentant la Turquie, 3 seulement sont médecins et 2 sont musulmans; de sorte que sur les 8 musulmans il n’y a qu’un seul médecin. D’après les conventions internationales, les mem¬ bres qui ne sont pas musulmans doivent être des médecins : c’est l’ins¬ pecteur général du service sanitaire et l’inspecteur adjoint. Or, ce dernier, le D' Vitalis, que nous avions eu l’occasion de rencontrer bien des fois aux divers Congrès en Europe et à Constantinople, et qui était Belge ou Hollan¬ dais, mais Français par son éducation médicale, est décédé à Fribourg au mois de novembre dernier; le gouvernement turc a voulu le remplacer par un fonctionnaire de la douane, qui n’est pas médecin et n’a jamais appar¬ tenu au service sanitaire. Le règlement international a stipulé que les inspecteurs sanitaires et les fonctionnaires du service sanitaire doivent être nommés par le Conseil sanitaire supérieur. Dans la séance du 4 dé¬ cembre dernier, les 12 membres étrangers de ce Conseil ont nommé comme inspecteur adjoint le D'' Duca Bey, qui actuellement est délégué sanitaire pour la Turquie au Conseil sanitaire international d’Alexandrie. Le D' Duca Bey est attaché depuis vingt-sept ans au service sanitaire et a inspecté plusieurs provinces de l’Empire ottoman au point de vne des épidémies. Il est tout à fait l’homme qui convient à l’emploi. Reste à savoir si le sultan ratifiera la nomination faite par la majorité du Conseil. Le traitement de l’inspecteur adjoint est de 13 à 14,000 francs par an. M. le D' Mari a été nommé, au mois de septembre dernier, directeur de l'Institut Pasteur de Constantinople , en remplacement du D' Zoéros- Pacha. Le gérant : Pierre Aüger. Paris. — lmp. PAUL DUPONT, 4, du Boulot (Cl. 2.2.1901. REVUE D’HYGIÈNE POLMI^Â^^ITAIRE ? :) ^MÉMOI^S LES FUMÉES DE PARIS INFLUENCE EXERCÉE PAR LES PRODUITS DE COMBUSTION SUR l’atmosphère de la ville Par M. le D" Armand GAUTIER Membre de l’Institut. Deuxième partie K Hydrocarbures, oxyde de carbone et autres gaz combustibles EXISTANT DANS l’AIR DE PARIS Dans la première partie de cette étude, nous avons essayé, d’après les chiffres connus de la consommation du charbon à Paris et en tenant compte de la superficie de la ville, d’évaluer la quantité d’acidè carbonique versé tous les jours dans l’air qui la baigne ; et partant de la composition moyenne des fumées, nous avons montré qu’il est possible d’apprécier les quantités proportionnelles des antres corps volatils qui accompagnent l’acide carbonique : oxyde de carbone, acide sulfureux, hydrocarbures, etc. Mais on comprend que le calcul de la pollution moyenne de l’at¬ mosphère parisienne , fondé sur ces données numériques , n’est L. Voir Première partie, p. 97. REV. d'iIYG. xxui. — 13 194 ARMAND GAUTIER qu’approximatif et dépend de la masse d’air à laquelle la diffusion et les vents mélangent ces fumées. Il fallait donc essayer de doser directement dans l’aîr de la ville, air pris dans ses rues mêmes, les produits provenant des combusr lions originaires de ses foyers domestiques ou industriels. Mais il y avait à entrer dans cette voie deux grandes difficultés : D’une part, celle du dosage fort délicat des traces de gaz dont ([uelques-uns sont particulièrement vénéneux, comme l’oxyde de carbone ; de l’autre, l’impossibilité de distinguer entre les produits gazeux mélangés à l’atmosphère de la cité ceux qui proviennent des combustions de toute sorte, ceux qu’y introduisent les exhalaisons et fermentations du sol, et ceux qui peuvent préexister dans l’air lui-même, dans l'air type le plus pur. Lorsque Boussingault et Lewy examinèrent, en 1843, le point relativement simple de savoir si l’air de Paris contient plus d’acide carbonique que celui de la campagne, ils arrivèrent à cette conclu¬ sion qu’en 100000 volumes d’air pris au centre de Paris (Collège de France) existent 31"°', 9 d’acide' carbonique, et qu’il y en a seulement 29''®', 9 dans celui de la campagne (Montmorency). La différence pour Paris, par rapport à celui des champs, n’est donc que de 2 volumes d’acide carbonique en plus par cent mille volumes d'air. Si l’on admet (et cela paraît être vrai à un dixième près) que cette différence est principalement due aux produits de combustion ou fumées qui vont se répandre ensuite dans l’air, le volume de l’oxyde de carbone étant, dans les gaz issus de nos foyers, ainsi que nous l’avons établi plus haut, le quinzième environ de celui de l’acide carbonique, l’air de la ville s’enrichirait de ce fait en oxyde de carbone du quinzième de 2 volumes par 100000 volumes, soit de 0''°',13, ou de 1“,3 environ, /un centimètre cube et un lieis) d’oxyde de carbone par million de centimètres cubes, c’e.st-à-dirè par 1000 litres. Il fallait donc trouver une méthode qui permit de doser ces minimes proportions La seconde difficulté qu’opposait la nature même du fait com-- plexe à étudier était d’une solution encore plus délicate. On pouvait espérer arriver à doser dans l’air de la ville le carbone et l’hydro- gène provenant des hydrocarbures, de l’oxyde de carbone peut- être, et des autres vapeurs carbonées qu’il peut contenir; mais LES FUMÉES DE PARIS 1»3 déjà depuis longtemps, Boussingault, dans l’air de Paris, Müntz et Aubin, dans celui de la campagne, avaient trouvé des traces de gaz carbonés. Ceux-ci préexistent-ils dans l’air normal, ou bien faut-il admettre que ces composés combustibles, hydrocarbonés et autres, ont tous pour origine les fumées ou même les émanations du sol ? Il- était nécessaire, en un mot, pour établir ce qui revient à la pollution de l'air de Paris par les gaz issus des combustions ou à toute autre origine locale, de connaître d’abord, au point de vue de la préexistence possible de certains de ces gaz dans l'atmos¬ phère, la composition de l’air pur. J'exposerai ici très brièvement, et sans parler des méthodes suivies, les longues et pénibles recherches que j’ai faites à la cam¬ pagne, à la montagne et à la mer pour établir la composition de Pair type au point de vue des gaz autres que ceux que l’on sait y exister normalement et en abondance, savoir : l’oxygène, l’azote, l’argon, l’acide carbonique et l’eau . Matériaux combustibles de Vair normal. Ainsi qu’on peut le prévoir par le calcul plus haut exposé rela¬ tivement aux très minimes quantités d’oxyde de carbone pouvant exister dans l’air, même au centre de Paris, la quantité de ce gaz délétère peut être regardée comme nulle ou absolument négligeable à la campagne. Ôr, lorsqu’en pleins bois, ori fait passer, comme je l’ai fait en juillet 1 898, une centaine de litres d’air seulement sur une longue colonne d’oxyde de cuivre portée au rouge , après avoir eu la pré¬ caution de priver entièrement cet air de toute humidité et de tout acide carbonique, il se produit toujours par combustion de cer¬ tains matériaux gazeux une proportion notable d’eau et d’acme cai'bonique nouveaux attribuables à l’oxyde des hydrocarbures ei autres vapeurs organiques peut-être,- quiexistent dans cet air qui paraît, cependant relativement très pur. Mais à mesure que l’on s’éloigne des lieux habités et que l’atmos¬ phère reçoit de moins en moins d’exhalaisons d’origine végétale ou terrestre, l’acide carbonique résultant de la combustion de ces vapeurs carbonées diminue, et peut même entièrement disparaître, tandis que la formation de l’eau se continue et finit par donner un chiffre à peu près constant poiir l’air pur, vierge de toute souillure. Par 100 litres d’air, calcule sec à 0 degrés et 760 millimètres de ARMAND GAUTIER pression, j’ai obtenu les quantités moyennes d’eau et d’acide car4 bonique que j’inscris avec les poids d’hydrogéné et de carbone cal^ culés qui leur correspondent : Obtenu pour 100 litres d'air. Répondant k : Eau Acide carbonique Hydrogène Carbone mgr mgr mgr jngr Air des bois . 30,81 22,43 3,39 6,12 Air de la haute mon¬ tagne (2400 mètres) . 21,60 4,37 2,40 1,19 Air de la mer (40 kil; des eûtes . 18,57 0,04 1,73 0,00 Ainsi, à mesure qu’on se met de plus en plus à l’abri des fer¬ mentations et exhalaisons du sol, lorsqu’on monte dans l’atmos¬ phère, sur les pics rocheux, loin des influences des végétaux et de l’humus, le carbone combustible de l’air disparaît peu à peu, tandis qu’une certaine quantité d’hydrogène sensiblemént cons¬ tante persiste toujours aussi bien dans l’air des hautes régions de l’atmosphère que dans celui qui est aspiré en pleine mer et soufflant du large. Gomme le montrent les nombres ci-dessus, l’air des hauts som¬ mets est presque entièrement dénué d’hydrocarbures. Toutefois, à l’altitude de 2400 mètres où j’opérais, quoique en plein terrain l'ocheux et battu par les vents , il existait encore de maigres végé-, taux herbacés et le sol lui-même n’était pas exempt de toute fer¬ mentation ni des exhalaisons pouvant provenir des profondeurs. Au contraire, en pleine mer, au phare des Roches-Douvres, placé sur un rocher de porphyre, à 40 kilomètres des côtes de Bretagne, à l’équinoxe d’automne, époque que j’avais choisie pour ces expé¬ riences, le vent soufflant de la mer en tourbillons issus des couches supérieures de l’atmosphère , avait eu le temps de se brasser sur toute la lai'geur de l’Atlantique en un mélange où dominait l’air des hautes régions du ciel. Or, dans cet air pur, exempt autant que possible des émanations telluriques, tout hydrocarbure avait disparu mais l'hydrogène persistait. D’après la quantité d’eau formée par la combustion de l’air le plus pur, 100 litres, calculés secs à 0 degrés et 760 millimètres, contiennent 19°‘=,4S d’hydrogène libre, soit 200 centimètres cubes environ pour 1000 litres d’air pur. Si, étant donnée la production continue du gaz méthane grâce LES FUMÉES DE PARIS 197 aux fermentations vaseuses du sol, aux phénomènes ignés du noyau terrestre, et même comme l’a montré Boussingault, en vertu de la vie végétale, nous partions de l’hypothèse assez plausible que la majeure partie du carbone combustible que l’on peut trouver dans l’air ordinaire est constituée par le gaz méthane, nous pour¬ rions, d’après le poids du carbone que nous avons obtenu, calculer la quantité moyenne de cet hydrocarbure CH* existant dans les différents airs. Nous trouverions ainsi, par 100 litres, toujours calculés à 0 degrés et 760 millimètres : Méthane. Air de la campagne ; air des bois . 11“, Si- Air des montagnes . 3“,94 Air dé la mer . Traces De ces expériences qui ont duré plusieurs années et dont j’abrège ici considérablement l’exposé, il suit que si l’on prend comme type d’air sain et respirable, celui de la campagne et des bois, on peut admettre que cet air sensiblement pur, outre ses éléments constitutifs ordinaires, contient les gaz accessoires sui¬ vants par 100 litres : Matériaux, combustibles de l’air. Répondant en poids k : C H Gaz des marais . Il"», 34 6'”E,ia 2"e,04 Hydrogène libre . 19", 43 0,0 1"5,73 Oxyde de carbone . Nul 0,0 0,0 gaz accessoires auxquels il faut ajouter pour l’air des champs : Acide carbonique . . . 29'”,9 En nous reportant à ces chiffres, il nous sera maintenant relati¬ vement facile de distinguer ce que les combustions de toutes sortes et les fermentations du sol introduisent d’impuretés dans l’air des villes de Paris en particulier. Dosage des gaz combustibles de Yair de Paris. — Hydrogène et hydrocarbures de cet air. Après avoir déterminé, comme je viens de l’exposer rapidement, la composition moyenne des parties accessoires de l’air réputé sen¬ siblement pur, celui des bois des environs de Paris que j’ai pris comme type, j'ai procédé à l’examen de celui de la ville. 198 ARMAND GAUTIER Mes expériences les plus nombreuses ont élé faites. sur . l’air du boulevard Saint-Germain, à la hauteur de l’Ecole de Médecine, à diverses époques des années 1898 et 1899. L’air était aspiré en pleine rue, à 3'",50 au dessus du sol et conduit par une courte canalisation, et après avoir été filtré sur laine de yeire, aux appa¬ reils placés dans mon laboratoire. J’opérais sur lOÔ litres d’àir au moins, et, après l’avoir parfaitement séché et privédé CO*, je do¬ sais les quantités d’eau et d’acide carbonique formées par son pas¬ sage sur une colonne de 30 centimètres d’oxyde de cuivre porté au rouge. Ces expériences ont été au nombre de 86. J’ai dû en rejeter quel¬ ques-unes après m’étre aperçu que l’oxyde de cuivre perd peu à peu, au bout de six cents à sept cents heures, ses propriétés oxydantes. Le tableau suivant résume les observations qui m’ont paru à peu près irréprochables. Tous les nombres de ce tableau ont été obtenus en faisant passer l’air de Paris, après filtration, sur une colonne d’oxyde de cuivre portée au rouge cerise sombre. J’ai établi expérimentalement (Comptes rendus, t, GXXX, p. 1313} qu’une pai tie très notable de l’hydrogène et du cai-bone des hydrocarbures, lorsqu’ils sont dans l’état de dilution extrême où ils existent dans l’air atmosphérique, échappe à la combustion et que pour passer des résultats obsérvés avec un tube à oxyde de cuivre de 30 centimètres de long à ceux qu’on aurait obtenus si l’on eût brûlé l'air sur une colonne d’oxyde de cuivre de longueur indéfinie, il faut muliplier par 2,2 le chiffre de l’hydrogène et par 1,8 celui du carbone L Si l’on fait cette opération pour les nombres du tableau ci-dessus, on trouve que 100 liti-es d’air de Paris, calculé sec à 0 degré et 760 millimètres, donnent en moyenne ; Carbone combustible total . i┫'',29 Hydrogène — — . . Il suit de là que l’air de Paris contient,-à l’état d’hydrocarbures provenant des combustions de toute sorte et, pour une certaine part, des fermentations du sol de la ville, deux fois plus de carbone que celui de la campagne et un excès de plus d’un tiers d’hydrogène. 1. C’est cequi a été faite pour tous, les nombres précédemment cités relatifs au carbone et.à l’hydrogène combustibles de l’air des bois, de la mon¬ tagne et de la mer. 200 ARMAND GAUTIER Le tableau comparatif suivant résume l’ensemble des résultats moyens que nous avons obtenus pour 100 litres d’air de Paris, des champs et bois, de la montagne et de la mer : Carbone. Hydrogène. mgr. nigi% Air de Paris . 12,29 4,32 Air des bois . 6,12 3,39 Air de la haute montagne . . 1,19 2,40 Air de la mer.. . 0,02 1,13 Ces nombres montrent que les impuretés organiques, propor¬ tionnelles au carbone, sont à peu près entièrement absentes de l’air de la mer, qu’elles apparaissent déjà dans celui des hautes monta¬ gnes. s’accroissent dans l’air des bois et des champs et arrivent à leur maximum dans l’atmosphère des villes. Mais pour pouvoir tirer des conclusions plus précises de ces nombres, il convient d’examiner auparavant la question de la présence ou de l’absence de l’oxyde de carbone dans l’air de Paris. Recherche et dosage de l'oxyde de carbone dans Vair dé Paris, On adit pius haut qu’en se fondant sur l’excès d’acide carbonique trouvé par Boussingault et Lewy dans l’air de la ville comparé à celui de la campagne, et en se basant sur la composition centési¬ male moyenne des fumées de nos foyers, il semble que l’oxyde de carbone ne puisse exister dans l’air de Paris que pour un peu plus de un millionième de son volume. Est-il possible, est-il même nécessaire, d’essayer de mesurer de si faibles quantités? Ce gaz peut-il, en un mot, à ces doses minimes, exercer la moindre action nuisible sur l’homme et sur les animaux ? Depuis longtemps on a signalé l’extrême toxicité de l’oxyde de carbone. Un chien qui respire de l’air contenant 1 p. 100 de ce gaz meurt en 20 minutes (Gréhant). A ta dose de 1/1000® d’oxyde de carbone dans l’air, la moitié de l’hémoglobine du sang des animaux est transformée eu carboxyhémoglobine ; à un dix-mil¬ lième, 100 centimètres cubes de sang absorbent encore 1®®,26 d’oxyde de carbone et indisposent le patient. Après deux heures de respiration dans de l’air contenant seulement un 60 000® d’oxyde de carbone, 100 centimètres cubes du sang d’un chien en expérience LES FUMÉES DE PARIS 201 donnèrent à M. Gréhant 0“,4S d’oxyde Je carbone qui restait uni à la matière colorante. Il paraît donc très probable, sinon certain, que les doses encore plus faibles de 2 à 300 000“ d'un poison aussi subtil, poison que le sang possède la singulière propriété de collecter ainsi, quelqu’ex- tréme que soit sa dilution dans l’air, peuvent réagir défavorable¬ ment sur la santé. On sait, en effet, par les recherches de M. de Saint-Martin, d’une part, de MM. Desgréz et Nicloux, de l’autre, que les chiens vivant à Paris fournissent un sang dont on peut extraire, par la pompe à vide, une petite quantité d’un gaz jouissant de toutes les propriétés de l’oxyde de carbone Ces savants ont trouvé, chacun respecti¬ vement, 1°‘>,2 et 1“,4 d’oxyde de carbone, par litre, dans le sang de ces animaux. Malgré l’opinion de M. Nicloux, qui pense que cet oxyde de carbone se forme dans le sang normal lui-même, il semble d’après ses propres expériences sur l’aspbyxie, que ce gaz délé¬ tère, loin de se produire normalement dans le sang, disj^araît.par l’asphyxie dès qne l’animal ne respire plus ou mal et reparaît assez rapidement quand on le laisse librement respirer dans l’air du labo¬ ratoire contenant environ 1 300 000“ d’oxyde de carbone. On sait aussi que, quoique disparaissant lentement du sang qui l’avait absorbé, l’oxyde de carbone fait cependant sentir son influence sur le cerveau, les forces et la puissance assimilatrice pUisieurs semaines encore après qu’on l’a respiré, alors qu’on n’en trouve plus, ou que des traces, unies à l’hémoglobine. LeD“Bourdon a publié plusieurs cas de mort presque subites arrivant bien long¬ temps après quq le patient avait respiré ces vapeurs toxiques. Telle est son observation d’une concierge de Paris qui, à la suite d’un commencement d’asphyxie par une chaufferette, fut transportée à l’hôpital, encore à moitié étourdie. La céphalalgie, les vomissements, les vertiges, persistèrent quelques jours. Un mois après le début de ces accidents, alors que la malade paraissait en bonne voie de gué¬ rison, elle perdit tout à coup connaissance, frappée d’hémiplégie et mourpt. On trouva à l’autopsie un ramollissement de l’hémisphère érébral gauche. Leudet (de Rouen), Alberty, Rlebs, Poelchenc Simon, Boulloche, etc., ont tous signalé, dans cet empoisonne¬ ment, des névrites périphériques ou centrales plus ou moins 1. Compt. rend. Acad', science, t; CXXVl; p. 833 ; ISS ; 1526; 1695. ARMAND GAUTIER tardives j pouvant être suivies de ramollissement et de mort'. L’intoxication oxycarbonée chronique se traduit par une" anémie persistante, la pâleur de la face, une extrême faiblesse, la cépha¬ lalgie, des troubles sensoriels et intellectuels des sortes, dé crises syncopales très pénibles de courte.durée. A un moindre degré et quoique toujours dangereuse, elle peut passer quelque temps ina¬ perçue: petits ménages préparant leurs alinients sur leur poêle en fonte; familles utilisant par goût ou économie les poêles Ou tables chauffantes sans conduits de fumée ; ouvriers respirant les gaz de combustion de leurs usines et ateliers ; domestiques obligés de séjourner à côté de leur fourneau de cuisine ; cochers transportant dans leur chambre les chaufferettes à chai-bon de leurs voitures:; écoliers ou malades vivant dans des Salles chauffées au charbon ou au gaz et mal ventillées; manœuvres employés aux fours à plâtre ou dans les boulangeries; familles bourgeoises occupant des appar¬ tements à calorifères à air chaud brûlant le coke ou la houille ; habitants de maisons qui reçoivent par tourbillonnements ou chute directe l’air chargé des gaz de combustion des cheminées indus¬ trielles ou particulières du voisinage... toute cette population, et elle se nomme multitude, s’intoxique ain.si lentement par ce poison subtil, invisible, inodore, insaisissable. Ces considérations montrent l’importance de la recherche et dii dosage des moindres traces de ce gaz dangereux. Il se forme dans tous nos foyers ; leurs fumées en eontiennenten moyenne 1 à2.p. 100 ; ij. se dégage des becs de gaz ordinaires, des poêles mobiles établis dans/les conditions les plus favorables,, des poêles fixes; il tombe eu douche de toutes les cheminées, industrielles ou particulières, de quelque importance, etc. Aussi, la question de la détermination et du dosage de l’oxyde de carbone de l’air a-t-elle depuis longtemps préoccupé les hygiénistes et les chimistes. Malheureusement aucune méthode, avant la publication de mes recherches, ne pei’mettait de reconnaître, encore moins de doser, l’oxyde de carbone dilué au 100 000® et plus. Celle que j’ai instituée au cours de ce travail est fondée sur ta réduction de l’açide indique par l’oxyde de carbone et le dosage de, l’iode mis en liberté. Elle permet de doser .l’oxyde de carbone à des dilutions excessives. Les nombres.suivants.ont été obtenus, en faisant passer jour et nuit, souvent durant des semaines entières, de.S00 àSOOlilres d’air, LES FUMÉES DE RABIS Ï03 au préalable très exactement privé d’acide carbonique et d’eau, sur de l’anhydride iodique chauffé à 80®. Oxyde de carbone Iode de carbone exprimé en Origine de l'air. recueilii correspondant miilionièmes rapporté à rapporté à du volume de lOOlitresd’air. 100 litres d’air. l’aircirouiant, mgr cc 0,2 0,09 0,9 0,11 0,048 0,48 0,46 0,20 2,0 2,1 0,93 9,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 » 0“21 2,11 Ainsi d’après ces nombres, que je ne donne que comme approchés, on trouve en moyenne, dans les rues de Paris, 2 volumes d’oxyde de carbone pour un million de volumes d’air, ét si l’on élimine l’expérience IV, qui nous a laissé quelques doutes, cette moyenne tombe à 0®o',58, c’est-à-dire qu’il y a un peu plus d’un demi volume d’oxyde de carbone dans un million de volumes d’air. En tenant compte de nos six déterminations, nous concluons que l’oxyde de carbone est quelquefois totalement absent de l’air de Paris et qu’il oscille entre 0 et 9 volumes pour un million de volumes d’air. La quantité de ce gaz dangereux dans l’air des villes parait donc très variable, et il fallait s’y attendre. Elle augmente suivant la nature des dégagements et courants locaux qui peuvent amener momentanément sur les divers points de rues les tourbillonnements des fumées qui en sont chargées. Il n’est pas un- instant douteux que si; mes expériences avaient été faites dans- les quartiers; et aux heures où se produisent abondamment des fumées; aux environs I. Air pris dans ta rua de t’Ecote-de-Médecîiie. Suite de temps brumeux. Mars 1894 . II. Air du B(mlevard Saiut- Germain (École de Méde¬ cine); temps variable. Mars 1898 . III. Même lieu ; alternatives dé mauvais et de beau temps. Mars 1898 ; t = 8" à 11*. . IV. Même lieu ; 23 et 24 mars 1898 ; assez mauvais temps, grains ; H = 732"". Expé¬ rience un peu douteuse . . V. Même lieu ; 26 et 28 mars 1898 ; beau temps . VI. Même; lieu ; 4 et 6 avril 1898 ; beau temps. Passé 110 litres d’air seulémeat . Moyenne ...... ARMAND GAUTIER des grands magasins, des théâtres, des Lycées, Ministères, Admi¬ nistrations, usines productrices d’électricité ou de force motrice, surtout quand les foyers des calorifères et générateurs sont en pleine marche, les chiffres maximum ci-dessus auraient été beau¬ coup dépassés. Il en serait de même si l’on dosait, comme je l’ai fait en quelques circonstances, l’oxyde de carbone, non plus dans l’air des rues, mais dans celui des locaux habités, chauffés et éclairés. C’est ainsi que dans une petite salle de mon laboratoire, chauffée par un poêle de faïence et éclairée par trois becs de gaz depuis plusieurs heures, j’ai trouvé, en mars 1898, 1“°,23 d’oxyde de carbone par 100 litres d’air, c’est-à-dire 12,3 millionièmes de ce gaz. Dans un autre cas, j’en ai obtenu 4,5 millionièmes. Mais j’ai été heureux et je dois dire, un peu surpris, de constater que, dans les plus mauvaises conditions, à Paris, en hiver au moment du chauffage maximum et par temps calme, le volume de l’oxyde de carbone, augmenté même des traces d’acétylène et autres vapeurs peut être capables d’agir comme lui sur l’anhydride iodique, n’a jamais atteint le 100 000° du volume de l’air pris dans la rue, et qu’il ne s’est élevé en moyenne qu’au 1/2 mil¬ lionième. Ces quantités semblent très petites lorsqu’on songe que pour Paris, le calcul fondé sur la consommation du charbon et la composition moyenne des fumées, démontre qu’il se dégage de nos cheminées, par mètre carré de superficie et par jour, 7 litres 1 /2 d’oxyde de carbone. Cette quantité moyenne de 1/2 millionième d’oxyde de carbone que j’ai trouvée dans l’air des rues peut-elle réagir sur la santé publique ? Il serait difficile de l’affirmer, mais on ne peut avoir une entière confiance dans la réponse négative, surtout si l’on songe que les expérimentateurs habiles précédemment cités, ont reconnu l’existence de plus de 1 centimètre cube d’oxyde de car¬ bone par litre dans le sang des animaux habitant Paris. Ensemble des gaz accessoires et vapeurs combustibles existant dans l’air de Paris. Il nous est maintenant possible d’essayer de déterminer la nature des gaz et vapeurs combustibles accessoires introduits par les fumées dans l’air de Paris. Nous laisserons pour le moment de côté l’azote, l’acide carbonique, les acides sulfureux et sulfurique, ainsi LES FUMÉES DE PARIS que les matières charbonneuses que l’on rencontre aussi dans les gaz de combustion, pour y revenir dans notre troisième partie. On a vu que l’air le plus pur, celui de la mer ou des hautes régions de l’atmosphère, contient en moyenne 1"'k'’,73 d’hydrogène libre par 100 litres. Cette quantité de 1™S'’,73 faisant partie consti¬ tuante de l’air pur, devra se retrouver dans l'air de la campagne ou des villes, quelle que soit l'addition ultérieure des hydrocarbures, de l’oxyde de carbone et des autres vapeurs, combustibles ou non, provenant des émanations et fermentations du sol, ainsi que des combustions des foyers industriels ou domestiques. Si donc de l’hydrogène total obtenu en brûlant l'air de Paris sur une, colonne indéfinie d'oxyde de cuivre, soit4"’8'',30 par 100 litres, on soustrait lras,73 revenant à l’hydrogène préexistant dans l’air pur, il restera ayant pour origine les émanations, fermentations et fumées de la ville. D’autre part, nous avons trouvé, qu’à Paris, le carbone moyen des hydrocarbures pour 100 litres d’air brûlé dans les mêmes con¬ ditions est égal à 12'"e'',24. En admettant que tout l’hydrogène qui reste après mise à part de celui qui fait partie constituante de l’air pur soit uni à ce carbone, on aurait ; Hydrogène des hydrocarbures de 100 litres d’air . 2“S",58 Carbone de ces hydrocarbures . . . 12'"»‘-^24 Ce rapport 4,74 est très supérieur à 7= = 2,4 que donne l’expé¬ rience directe dans le cas où l’on brûle le gaz des marais CH^ dilué dansSOOO à 10000 volumes d’air. Il faut donc qu’il existe dans l’air de la ville des hydrocarbures plus riches en carbone que CH*. C’est qu’en effet, outre le gaz formène auquel nos expériences nous ramènent partiellement, à la ville comme à la campagne, aussi bien que nous y ramène la cerlitude que ce gaz existe bien dans l’air de la ville et des champs, parce qu’il est un produit constant des émanations et fermentations vaseuses du sol, et qu’il fait partie constituante des fumées, il faut, dis-je, qu’il y ait dans l’air de là ville d’autres gaz ou vapeurs plus riches en charbon que le for¬ mène, et l’on doit songer tout particulièrement à ceux de ces gaz ou vapeurs qui se produisent notoirement dans ta combustion de 306 AKMMD GAUTIER la houille ou du bois : hydrocarbures aromatiques, acide acétique, alcool, acétone, cyanogène, oxyde de carbone, etc. Le cyanogène, l’acide cyanhydrique, i’acide acétique, l’acétone, l’alcool ne sauraient, dans nos expériences, avoir élevé le taux du carbone combustible de l’air. Leurs vapeurs, en effet, auraient été arrêtées par les lessives de potasse, la chaux sodée,. l’acide, sulfu¬ rique et l’anhydride phosphorique précédant le tube à oxyde de cuivre. Quant à l’oxyde de carbone, nous venons de dire que la moyenne de nos essais nous a donné 0"05 de ce gaz par 100 litres d’air. On ne peut donc penser à l’oxyde de carbone pour ex¬ pliquer l’élévation, en quantité appréciable, du taux du carbone combustible trouvé dans l’air de Paris d’après nos expériences. Nous en dirons a fortiori autant des gaz enC"H“'‘etC“H*''--qui, d’après nos dosages par l’aniiydride iodique, ne se sont révélés qu’à l’état de traces absolument impondérables. Si nous nous bornons ici à l’explication la plus plausible de nos résultats moyens, nous remarquerons que le mélange répondantaux rapports, en atomes,^ = ^ et en poids5= 4,6 H o4 £1 o4 est conforme aux nombres que nous avons observés, le rappoi t ex- Q périmeutal ayant été g = 4,7. Le mélange ci-dessus C«H« -7G1P satisfait aussi à cette condition nécessaire de ne pas réduire à 80® l’anhydride iodique. Ch', si l’on lait conformément k nos expériences, le carbone total combustible de 100 litres d’air égal k 12‘‘'k‘‘,24, l’hypothèse C®H® 7CH* répondrait, pour ce volume de 100 litres d’aircabnilc k 0» et 760, k : 'En poids. En volumes. GH* . 8"’»‘-,73 12“,1S C«H« ..... 6"’«M1 'l‘’®,71(Arélutdevapour,) hydrocarbures auxquels il faut ajouter l’hydrogène libre existant normalement dans ce volume de 100 litres d’air, soit l'“^'',73 ou 49'=®,45. Enfin il cqnvient de mentionner les traces d’oxyde de car¬ bone ci-dessus indiquées. Il résulte de ces considérations que l’air moyen de Paris, l’air de ses rues, contient par 100 litres, calculés k 0® et 760'”"’, les gaz combustibles suivants : LES FUMÉES 1)Ë FAKIS 207 Hydrogèiie libre aérien . 19", 4 Gaz formëne . 12“;,1 Hydrocarbiiresarüiualiques(benzoiie et analogues) . l"",! Oxyde do carbone avec traces possibles d’hydro¬ carbures en C"HSn et C“H-" — * . ü",2 Un tel mélange donne l’explication la plus rationnelle de l’ensem¬ ble de nos résultats, mais il doit être considéré, ainsi que l'établissent les considérations ci-dessus, comme susceptible, suivant les jours et les lieux, d’assez larges variations, au moins en ce qui concerne les gaz des fiimées. Troisième partie. MATÉHIA.UX SOUDES, CONDENSABLES OU ACIDES, DES FUMÉES Nous avons vu dans la Première Partie de ce Mémoire qu’étant- donnée la consommation moyenne de charbon à Paris, il se produit, par mètre carré de la surface de la Ville et par jour, environ: 125 litres d’acide carbonique. Son atmosphère s’enrichit donc, nécessairement en Ce gaz, et l’on conçoit que l’excès dont elle s’en charge peut permettre de juger de la dilution de ces fumées, c’est- à-dire du -volume dans lequel elles se répandent au-dessus du sol de là cité. Or, si nous revenons aux expériences de Boussingault et Lewy, et si nous admettons, ce qui ne doit pas être bien loin .de la- vérité, qu’à l’époque où elles furent entreprises les Parisiens se. chauffaient et consommaient du combustible à peu près comme aujourd’hui, et proportionnellement, bien entendu, à, leur nombre, nous trouvons que du fait des combustions, fermentations, etc, delà Ville, son atmosphère s’enrichit de 20 centimètres cubes d’acide, cai’bonique par mètre cube d’air comparativement à celui de la campagne. Pour que 125 litres, ou 125 000 centimètres cubes, d’acide car¬ bonique produits par mètre carré de surface de la Ville de Paris, soient réduits, grâce à leur dilution, à 20 centimètres cubes par. mètre cube d’air, il faut que cette dilution se produise dans les propoiv 125 000 tiens de — -r-r — = 0250; c’est-à-dire qu’il faut que les gaz et 2U fumées de combustion produits par chaque mètre carré se diluent dans 6250 mètres cubes. Non pas que nous pensions que les fumées arrivent à 6250 mètres d’altitude, mais c’est la hauteur où elles ARMAND GAUTIER arriveraient si, dans l’air resté au repos, on répandait également les produits de combustion jusqu’à les diluer suffisamment pour n’enrichir cet air que de 2 centimètres cubes d’acide carbonique par 100 litres. D’autre part, nous avons établi dans notre première Partie que Paris brûlant, par mètre carré et par au, 37 kilogrammes de com¬ bustible minéral ou non (houille, coke, bois), il se fait pour celte surface 2 grammes environ de suie solide, soit par jour, S‘“®'’,48. Réparties sur 62S0 mètres cubes, ces représentent 0“®‘’,0009 (ou environ 4 millième de milligramme) par mètre cube d’air. Telle est la faible quantité de matières solides, originaires de la combustion, qui existerait en suspension dans l’air de la ville, si les particules ténues de ses fumées se répandaient aussi faci¬ lement que le font les gaz qui les accompagnent, hypothèse qui pa¬ raît bien près d’être réalisée si l’on songe que ce sont surtout les courants d’air et les vents, c’est-à-dire des actions mécaniques, plutôt que la diffusion physique, qui se chargent de mélanger les fumées à l’air qui enveloppe la ville. Ces particules en suspension sont d’ailleurs d’une telle ténuité que la majeure partie ne s’én dépo¬ serait pour ainsi dire jamais si elles n’étaient condensées par les brouillards ou entraînées par les pluies. Sur les poussières recueillies au haut de la lanterne du Panthéon, à 70 mètres au-dessus du Par¬ vis, j’ai trouvé des parcelles de charbon transformées en coke, des algues microscopiques, des poussières minérales et particulièrement des fragments de quartz venus du pavé des rues et transportés par les vents jusqu’à cette hauteur, mélangés d’un peu de ces goudrons très divisés, spongieux, amorphes qui constituent les suies des fumées. Admettons que celles-ci soient à la surface immédiate de la ville dix fois plus abondantes que ne nous le fait supposer le précédent calcul, on ne trouverait pas encore en suspension dans 1 mètre cube d’air au-delà de O^s^'^OlO ou 4 centième de milligramme de suie. On peut donc logiquement se demander : 1" si de telles quantités sont directement dosables dans l’air? 2° s’il y a lieu de s’en préoc¬ cuper? A la première dé ces questions, je répondrai par la négative. Au¬ cune méthode ne permet aujourd'hui de séparer et doser 4 centième de milligramme, et moins, de matière répandue dans 1000 litres d’air. 11 fallait donc renoncer dans les présentes recherches à LES FUMÉES DE PARIS 209 douner directement le poids de ces suies après que leur mélange s’est fait avec l’air et se borner à le déduire de l’analyse moyenne des fumées sortant des foyers parisiens en tenant compte de la dilution de ces fumées, dilution proportionnelle à celle de l’acide carbonique qui. les accompagne. C’est ainsi que j’ai procédé plus haut. La seconde question est celle-ci : Y a-t-il intérêt à se préoccuper de rex.istence de 1 centième à 1 millième de milligramme, par mètre cube, de suies ou fumées en suspension dans l’air? Cette question mérite une réponse plus développée. Lorsque, à quelques kilomètres de Paris, placé sur les coteaux qui dominent la Seine, on tourne ses regards vers la ville, on peut i-emai-quer que, même de la distance où l’on ne distingue plus •ses édifices, l’emplacement de Paris est indiqué par une sorte de brouillard qui l’enveloppe, s’étend à plusieurs kilomètres, et plane jusqu’à une certaine hauteur. Ce brouillard est formé des poussières du sol et des particules de fumées en suspension dans l’air de la Capitale. Ces particules ou poussières solides, à forme plus ou moins an¬ guleuse, débris de matières minérales et charbons, goudrons à l’étal vésiculaire qu’entraînent les pluies ou les vents etc., tombent sur la ville, s’attachent plus ou moins aux murs des édifices et forment cette patine de couleur gris-brunâtre qui enduit les maisons et les monuments. Je donne ici la composition de ces suies, ou parties solides des fumées, dans le cas de la houille et dans celui du bois. Suie de houille. Composition calculée à l’état sec. {Commilee of fiçkl Naturalisl Society. Manchester, 1891). CarboiiB impur . 0,.390 Hydrocarbures . 0,12.3 Rases crj^aiiiques diverses . 0,020 Acide siilturique . 0,043 Acide chlorhydrique . 0,014 Ammoiiiaqtie . 0,014 Fer métallique et Fe’0‘. . . . 0,020 Autres matières minérales . 0,312 Eau et pertes . 0,108 l,00n ItEV. D’ilYG. XXIII. — 14 ARMAND GAUTIER 310 Suies de bois {Lakline 1892). Elles pos.sèdent une réaction fortement alcaline et contiennent. après dessiccation : Matières charboimeuses . 0,383 Matières solubles dans l’eau chlorhydrique . . . 0,654 Gendres insolubles dans l’eau acidulée . 0,0S1 Eau . . 0,012 1,000 Ces fumées augmentent beaucoup, et noircissent tout ce qu’elles baignènt, dans les villes qui, comme Londres et Manchester, ne consentent à brûler presque exclusivement que de la houille dans leurs foyers domestiques. Au point de vue artistique de la beauté de ses rues et de la pureté de son atmosphère, à Paris, cet inconvé¬ nient, d’ailleurs secondaire, paraît à peu près supportable. Mais on pourrait encore le diminuer si, dans nos foyers, la combustion de la houille était remplacée dans une plus large mesure, par celle du coke ou du bois. Malheureusement, cette pollution de l’atmosphère et des monu¬ ments n’est pas le seul ni le principal inconvénient des fumées. Les travaux de Pasteur, Duclaux, Polain et d’autres savants ont établi que l’agent destructeur le plus actif des microbes, pathogènes ou autres, est la lumière solaire, et dans celle-ci ce sont les rayons très réfrangibles, le bleu, le violet et l’iiltra violet, qui possèdent le pou¬ voir bactéricide le plus élevé. Or, les particules solides des fumées ont la propriété singulière, reconnue par Tyndall, Gérardin, etc., de condenser la vapeur d’eau autour d’elles et de former ainsi des brouillards plus ou moins légers,' qui arrêtent surtout les radiations les plus réfrangibles, c’est-à-dire celles qui sont particulièrement efficaces au point de vue antiseptique. Les relevés actinométriques ont démontré que dans les grandes villes anglaises, et particulièrement dans leurs quartiers centraux, les rayons lumineux perdent de 40 à 50 p. 100 de leur pouvoir actinique par rapport à la périphérie de la ville, et qu’ici même, les valeurs lumineuses sont tout au plus le tiers de celles qui ont été relevées à la même époque sur les sommets de faible altitude de la Suisse. Priver partiellement les Villes de lumière, c'est donc les priver de leur plusjpuissant moyen d’assainissement, et c’est là l’inconvénient LES FUMÉES DE PARIS ail le plus grave des fumées. Aussi au Congrès du Brilish Institut of Health, leiiu à Glasgow en 1897, M. W. Kamsay s’esVil étendu surtout sur cet effet très fâcheux des fumées et des brouillards qu’elles occasionnent. D’ailleurs, la lumière n’agit pas seulement sur les microbes, mais sur nous-mêmes : elle excite l’assimilation et la vie, ainsi que l’a établi Selmi et d’autres après lui ; elle est une cause de gaieté et de santé ; on ne saurait s'en priver sans souffrir. Il y a plus : d’après les médecins anglais, les brouillards et fumées, en pénétrant plus ou moins profondément dans les bronches, entraî¬ neraient les microbes les plus ténus, et deviendraient ainsi des agents sensibles de propagation des maladies des oi'ganes respiratoires, de la tuberculose pulmonaire en particulier. Je ne sais jusqu’à quel point on peut considérer, comme bien démontrée, cette opinion. Enfin, pour se mettre à l’abri des fumées ou des brouillards, dans la ville ou dans le quartier envahi, chacun ferme ses fenêtres, et dans des logements exigus des familles nombreuses s’astreignent, pour cette cause, quelquefois durant des saisons entières à respirer un air imparfaitement renouvelé. Mais, ce n’est pas seulement par leur charbon ou leurs goudrons en suspension et en raison de leur opacité que les fumées peuvent être désagréables ou nuisibles : elles le sont surtout par l’apport de leurs gaz irrespirables. Sans parler de l’oxyde de carbone, que nous avons déjà considéré dans ce travail, les fumées contiennent une certaine quantité d’acides sulfureux, sulfurique, chlorhydrique et même cyanhydrique, celui-ci en très faible proportion, il est vrai*. Nous avons déjà dit, dans la première partie de ce travail, que sur 100 grammes de suies solides originaires des fumées des meilleures houilles, on trouve de 4 à 5 grammes d’acide sulfurique, et de 1,5 à 2 grammes d’acide chlorhydrique, au moins. Ces quantités augmentent beaucoup si les combustibles sont pyilteux ; une très grande partie de leur soufre passe à l’état d’acide sulfureux qui se répand dans l’air où il se transforme en vapeurs sulfui-iques bientôt condensées à la surface des objets, ou qui reste en suspension dans l'atmosphère et que nous absorbons en respirant. Des travaux exécutés sous les auspices de la Royal Society de Londres, il résulte 1. Lakti.ne {Aim. de la Soc. chim. russe, avril I89a) .a trouvé ulus do l/a pour cciit d'acide cyaiiliydrique fi.\é à l’ctat de cyanures dans les dépôts dc.s fumées de bois. 212 ARMAND GAUTIER que, tandis que l’air de la campagne ne contient guère plus de' 1 volume de cet acide sulfureux par 10 millions environ de volumes d’air la moyenne générale est, dans les villes, de 30 volumes en hiver et de 5 volumes en été ; mais, celte quantité peut s’élever, durant les brouillards, à 40 et 50 volumes. Nous parlons ici de l’air moyen des villes, et non de celui des localités essentiellement industi'ielles ou des quartiers où se rabattent plus pai-ticulièrement les fumées des usines ou des maisons. J’ai présenté, il y à une quinzaine d’années, un rapport au Conseil d’hygiène de la Seine relatif à une fabrique de rouge à polir placée dans le quartier de la Bastille, fabrique dont les fumées, très spé¬ ciales il est vrai, corrodaient autour d’elles, les métaux, les tentures, les tissus, les pierres, etc., dans un rayon de plus de deux cents mètres. J’établissais, dans ce rapport que chaque jour, cette fabrique versait sur le quartier plus de 100 kilogrammes d’acides sulfurique et sulfureux. Résumons, maintenant, les inconvénients ou les dangers des fumées. Nous avons signalé : a. La pollution de l’atmosphère par les particules charbon¬ neuses et minérales en suspension ; la formation des brouillards et, comme conséquence, la diminution de l’éclairement et de l’action bienfaisante et antiseptique de la lumière ; b. La souillure des maisons et des monuments publics ; c. Le dégagement dans l’air de gaz éminemment nocifs, tels que l’oxyde de carbone et l’acide cyanhydrique lui-même, qui agissent en quantités infinitésimales ; d. La production des gaz sulfureux et sulfurique, gaz acides qui, sur les points où se rabattent les fumées, sont assez condensés pour devenir nuisibles aux hommes, aux végétaux et aux objets métal¬ liques ou autres. Il y a donc lieu de chercher à remédier à chacun de ces incon¬ vénients. Il semble possible d’atténuer, dans une très large mesure, les 1. Nous pensons que dans ce nombre est compris l’acide sulfurique qui peut être en suspension dans l’air, car on dosait, dans les recherches sur lesquelles je m’appuie ici, le SO’ total obtenu après oxydation complète de l’air. A Man¬ chester {Owen College) on a trouvé, eu moyenne l’hiver, 2"5'',5 d’anhydrides SO’ et SO* par mètre cube d’air, et 4 à tS fois moins durant l’été. LES FUMÉES DE 1>ARIS 213 dégagements de matières charbonneuses et risibles des fumées. La Commisssion technique chargée, en juin 1894, par M. le Préfet de la Seine, de suivre le concours d’appareils fumivores institué par le Conseil municipal, après avoir constaté que sur HO projets pré¬ sentés, 8 méritaient d’appeler plus particulièrement son attention, se livra à une étude approfondie et pratique de ces huit systèmes, dont plusieurs donnèrent des résultats très satisfai.sants, sinon tout à fait excellents, au point de vue de la fumivorité. Cette conclusion du rapport de la Commission parisienne est très analogue à celle de la Commission d’études des procédés de fumivorité qui fonctionna en 1894 à Berlin. C’est donc avec raison et en s’appuyant sur des données précises, que l’ordonnance de police de 1898 a interdit de produire à Paris une fumée noire épaisse et longtemps prolongée. Il nous semble, cependant, que si l’on veut faire disparaître, dans une mesure sensiblement efficace, les inconvénients spéciaux dus à ta partie visible de fumées, il conviendrait de ne pas ajouter à l’indétermination de ces termes de fumées noires et épaisses, celui du temps durant lequel elles seront tolérées. En Angleterre, les tribunaux, sinon la loi, ont décidé que ce temps serait réduit à deux minutes, quelquefois même à une minute seulement, de dégage¬ ment de fumée opaque par heure*. Mais il serait néce.ssaire, si l’on veut réaliser un résultat réellement pratique, et tel que l’entendent les Anglais, que des agents spéciaux, habitués à chaque quartier et contrôlés par leurs chefs, soient spécialement chargés de constater les durées, fréquences et intensités de ces fumées noires et épaisses. Il conviendrait qu’ils puissent les rapporter à des types ; qu’ils aient au moins des moyens de comparaison définis et qu’au besoin, ils utilisent la photographie pour conserver les types et comparer leurs constatations®. Mais lorsque, grâce aux appareils fumivores ou au remplacement 1. Flechter, Smoke ^réyenlion. Brilish InstUule of Public Health, Glasgow, 1897. 2. A Paris, depuis un an environ, l’intensité des fumées, au moins celles des établissements industriels est cotée, suivant leur opacité de 1 a 4, et le temps de leur émission est porté sur des tableaux spéciaux par les inspecteurs des établissements classés. Rieu n’est fait puur les établissements administratifs ou publics sur lesquels ils ne peuvent e.xcreer leur autorité. On ne saurait attendre de personnes ccrtiincmcut compétentes, mais chargées d’autres services et pour la plupart d’autres fonctions, une surveillance suivie et, par conséquent, très efficace. ARMAND GAUTIER 2U de la houille par le coke, on aura supprimé plus ou moins la partie visible des fumées, il restera toujours la partie invisible, de beau¬ coup la plus importante comme masse, et certainement aussi la plus dangereuse, celle qu’aucun appareil fumivore, fût-il à com¬ bustion parfaite, ne saurait supprimer, à savoir les gaz oxyde de car¬ bone, sulfureux, sulfuriqueet carbonique, qui sedégageront dansl’air, quoi qu’on fasse, se rabattant sur les maisons et les quartiers voi¬ sins des grandes usines, théâtres, magasins, administrations, hôtels et maisons particulières. Quel que soit l’appareil fumivore employé, et en raison même de son perfectionnement, ces gaz resteront un danger d’autant plus insidieux que l’invisibilité même de la fumée, lorsqu’on sera parvenu à la priver le mieux possible de ses parti¬ cules apparentes, empéchei-a de juger des dégagements gazeux issus des divers foyers, et de la route qu’au sortir des cheminées ils parcourent ensuite dans l’atmosphère. Il faut donc chercher à priver les fumées, autant qu’on le pourra, tout à la fois de leurs matières en suspension, mais aussi et surtout de leurs gaz délétères. En' France, s’inspirant des idées de M. Schlœ- sing, un inspecteur des établissements classés, Gérardin a depuis longtemps préconisé la précipitation et le lavage des fumées par intromission de vapeur d’eau sur leur trajet. Ses études ingénieuses, fort bien conduites, ontmontré que la vapeur d’eau n’agitqu’autant que la température tombe au-dessous de SO degrés. Gérardin conseillait donc de refroidir les fumées à leur sortie du foyer, et de les mettre en présence d’un brouillard de vapeur. Je ne crois pas que ces recherches, aient été poussées assez loin pour devenir prati¬ quement applicables. Eu Angleterre, un inventeur, D... a préconisé un système pour l’absorption des fumées, système actuel¬ lement utilisé, avec avantage, dit-on, dans les ateliers de scierie de la ville de Glasgovy. Il consiste à faire pénétrer dans le tuyau de fumée un jet de vapeur d’eau qui favorise l’entraînement des gaz. Ceux-ci, en passant ensuite dans un carneau descendant, reçoivent une pluie d’eau très fine qu’une forte pression refoule à travers des ajustages métalliques. Elle refroidit les fumées et entraîne une grande partie de leurs suies et de leur gaz acide. Ce système serait même, semble-t-il, applicable aux foyers domes¬ tiques. M. R. Tatlock, vérificateur et e.xaminateur des gaz pour la ville LES FUMÉES DE PARIS 21S de Glasgow*, dans son rapport du 20 février 1894, constata dans les scieries de la ville, qu’en moyenne, sur environ 14 kilo¬ grammes d’acide sulfureux que l’usine envoyait par jour dans l’at¬ mosphère, avant l’emploi du système D. de lavage des fumées, 7'‘s'',500 étaient supprimés, et que les parties solides ou suies étaient réduites de 40 kilogrammes à 2'‘”'%700. Ces résultats, s’ils sont bien tels que nous les fait connaître le rapport anglais qüe j’ai sous les yeux, sont très satisfaisants, et s’ils se confirmaient, Oserait désirable qu’un tel procédé, ou tout autre conduisant à supprimer, dans une large proportion, à la fois les suies et les gaz de nos foyers les plus dangereux, fût adopté et se répandît peu à peu dans nos usines, nos ateliers et surtout dans nos maisons; car il ne faut pas perdre de vue qu’à Paris, sur 3 millions de tonnes de com¬ bustibles divers, 2 300 000 au moins sont brûlés dans les foyers" domestiques, de telle sorte que plus de 80 0/0 de la fumée, dont nous nous plaignons, sort de nos appartements et de nos cuisines. Diminuer même dans une très large mesure, grâce aux appareils fumi- vores les plus perfectionnés, la partie visible des seules fumées industrielles et rester dans le stalu quo en ce qui regarde celle des chetninées de nos maisons ; neviser que la partie apparente des fumées, sans nous préoccuper des gaz invisibles, c’est-à-dire de la partie de beaucoup la plus importante comme masse et la plus dangereuse comme effets sur la santé générale, serait éviter, tourner la question, éluder le problème bien plus que le résoudre ; ce serait donner à la population une confiance fondée sur des apparences et la laisser sous le coup des influences affaiblissantes et nocives que nous avons fait connaître dans ce travail, influences sur lesquelles chaque habitant ne peut, pour ainsi dire, rien de sa propre initiative et contre lesquelles les Conseils d’hygiène et les règlements adminis¬ tratifs doivent le protéger. Il sera plus malaisé, je le reconnais, de faire respirer aux Pari¬ siens un air suffisamment pur, privé de toute fumée sensible, et pour une grande part, de tout gaz toxique, que de lui donner de l’eau exempte de germes malfaisants. Mais, si difficile que soit le pro¬ blème d’assurer le mieux possible la pureté de l’atmosphère d’une grande ville telle que Paris, il méritait du moins, d’être envisagé en 1. Rappoit sur le fonclionnennut des appareils pour l’absorption de la fumée appliqué dans les scieries de Glascow,20 février 1894. A. CALMETTE sir> son entier et clairement posé. C’est ce que j’ai essayé de faire dans ce long travail. Il m’a coûté, plus qu’on ne le pourrait croire, de peine, de temps, de dépenses et de patience. Je sais bien que le public, la presse et l’Admistration elle-même se préocuperont toujours davantage de ce qui est immédiatement sen¬ sible, de ce qui ajoute visiblement aux inconvénients de la vie en com¬ mun, de ceqiii fait crier, en un mot, que decequinesevoitpas,dece à quoi nous sommes habitués depuis longtemps. Les plaintes du public et des journaux se produisent à propos des fumées intermittentes, noiresetprolongées,bienplusqu’enraisondudégagement continu dans l’air qu’on respire directement de doses énormes de gaz toxiques dont les effets sur la santé publique nesontpas immédiatement appréciables. Mais le rôle et le devoir de l’hygiéniste n’est pas de suivre l’opinion mais de l’éclairer, de guider le public, la Presse et l’Administration, de protéger la santé de tous, non en sauvant les apparences, mais en définissant exactement le danger et en cherchant à y remédier dans toute la mesure du possible. C’est ce que j’ai sans en attendre d’autre satisfaction que d’éclai¬ rer une question importante et de remplir mon devoir de conseiller de l’hygiène publique de la Ville de Pans. LES PROCÉDÉS- BIOLOGIQUES D’ÉPURATION DES EAUX RÉSIDUAIRES. Par le D' A. CALMETTE. Directeur de l'Institut Pasteur de Lille. CHAPITRE I. Le problème de l’épuration des eaux résiduaires d’usines et des eaux d’égout préoccupe depuis longtemps les pouvoirs publies et les industriels, particulièrement dans nos régions. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait utile de réunir, sous la forme la plus succincte et la plus précise en même temps, les données actuelles de la science relatives à cette question. Dans ces dernières années, de grands progrès ont été réalisés. LES PROfiÉDÉS mOLOGIQUES D’ÉPURATION 217 surtout on Angleterre depuis 1896, par la substitution ou l’adjoncT tion de procédés biologiques aux procédés chimiques d’épuration des eaux d’égout. Ces procédés biologiques reposent sur l’emploi de bactéries pour la désintégration de la matière organique qu’il s’agit de ramener à l’état de matière minérale. On sait, depuis les ti'avaux célèbres de M. Pasteur sur la putréfaction, que la décomposition des matières animales et végétales mortes, est le résultat de la vie de très nom¬ breuses espèces de microbes qui empruntent successivement à ces substances les éléments dont ils ont besoin pour se nourrir, et dégradent les molécules complexes pour les faire aboutir à une série de formes de plus en plus simples. Les eaux d’égout et la plupart des eaux résiduaires industrielles renferment deux groupes principaux de substances qui doivent être décomposées. Ce sont d’abord les substances dites ternaires, telles que la cellulose, le sucre, l’amidon, les acides organiques. Ces subs¬ tances existent en abondance dans les résidus de légumes ou de fruits, dans l’herbe, dans le papier, le linge, dans les débris de bois ou de végétaux ligneux, dans les eaux résiduaires de sucreries, de distilleries, d’amidonneries. Elles doivent être transformées en élé¬ ments minéraux simples par l’intervention succe.ssive de microbes qui, le plus ordinairement, préfèrent vivre à l’abri de l’air, c’est-à- dire, à l’état anaérobie. Les derniers termes de ces décompositions successives par les microbes anaérobies sont l’acide carbonique, l’hydrogène, l’azote et le méthane ou formène (CH*). Le second groupe de substances, dites quaternaires, comprend toute les matières azotées qui sont particulièrement abondantes dans les déjections humaines et animales et dans les résidus ménagers. Les principales sont les albumines du sang, les débris de viandes, les déchets d’abattoirs et de laiteries. Toutes ces matières azotées, quand elles deviennent la proie des ferments, commencent par .se liquéfier si elles étaient solides, puis elles se transforment en peptones; d’autres ferments interviennent alors pour les dégrader davantage et en faire des acides amidés, de la leucine, du glycocolle, de la tyrosine, de l’urée et surtout de l’am¬ moniaque. A leur tour, les acides amidés et rammoiiiaque subissent une désintégration plus complète sous l’action des ferments nitriti- caleurs et ceux-ci aboutissent en dernier lieu à la formation de D' A. CALMETTE nitrates que les plantes peuvent assimiler directement pour construire leurs tissus. C’est donc sous cette forme de nitrates assimilables par les plantes que l’azote rentre dans la rotation générale du monde vivant. Une eau d’égoût est épurée, lorsque toutes tes matières organiques ternaires ou quaternaires qu’elle renferme ont subi ces désinté¬ grations successives et sont devenues des substances minérales. Les procédés d’épuration chimique employés dans la plupart des grandes villes et des grandes industries jusqu’à ces derniers temps avaient pour but la précipitation de ces matières organiques à l’état de substances insolubles. On utilisait à cet effet divers réactifs. Les principaux étaient la chaux, le sulfate ferrique, le sulfate d’alumine, l’acide sulfui’ique, le permanganate de potasse et les composés chlorés. Ces procédés peuvent être avantageux dans certains cas, lorsqu’il s’agit de récupérer des graisses ou des matières utilisables comme engrais. Nous reviendrons, d’ailleurs, plus loin sur ce sujet. Mais, d’une façon générale, lorsqu’ils s’appliquent au traitement de grandes quantités d’eaux ne renfermant que des résidus de peu de valeur, ils présentent des inconvénients graves ; ils nécessitent, pour la sédimentation des boueo précipitées, d’énormes surfaces de bassins de décantation; il faut ensuite pomper les boues, les presser pour les transformer en tourteaux ou les charger sur des navires pour les transporter en mer, au larges des côtes. Toutes ces manipulations exigent un outillage et des frais généraux considé¬ rables. C’est pourquoi, dans les grandes villes comme Paris, dont les égouts collecteurs charrient quotidiennement plus de six cent mille mètres cubes d’eaux, on a préféré s’adresser à un mode d’épu¬ ration qui permît d’éliminer cette préoccupation du transport des boues, et ou a choisi le système de Vépandage. L’épandage des eaux résiduaires de Paris s’effectue actuellement sur une surface totale de cinq mille hectares, à Gennevilliers, à Aclières, à Méry-Pierrelaye et à Garrières-Triel. Chaque hectare de terre perméable peut recevoir en moyenne 40.000 mètres cubes d’eau par an, de sorte que les champs d’épandage, d’après les calculs établis, épureraient en totalité deux cent millions de mètres cubes chaque année ou environ cinq cent quarante-huit mille mètres cubes par jour. On a cru pendant longtemps que la purification des eaux d’égout par l’épandage était le résultat d’une simple filtration à travers les LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 215» couches perméables du sol. On sait, aujourd’hui, qu’il s’agit d’uii travail beaucoup plus complexe, résultant des actions bactériennes dont j’ai parlé tout à l’heure, qui transforment les matières orga¬ niques en éléments minéraux. Cette question a été l’objet de recherches expérimentales très im¬ portantes de la part de M, Hiram Mills, à la Station de Lawrence (Massachusetts, Etats-Unis)*. M. Hiram Mills a vu, tout d'abord, que la disparition des matières organiques des eaux d’égout était impossible-dans la Altration conti¬ nue à travers le sol et ne se produisait que lorsque la filtration est intermittente, c’est-à-dire lorsqu’on permet à l’air de pénétrer jusque dans les couches profondes de terre filtrante. C’est là une condition indi.spensable à la vie et à l’exercice des fonctions des bactéries qui doivent oxyder les matières ammoniacales et les transformer en nitrates. En étudiant cc qui se passe pendant l’épandage intermittent sur un sol artificiel combiné de manière à assurer sa perméabilité par¬ faite, on a constaté, à la station de Lawrence, qu’il est possible de brûlei-, sans encrasser la surface du filtre, 2S0 grammes de matière organique par mètre carré et par jour, soit 2.S00 kilogrammes à l’hectare. Si les terres consacrées à l’épandage aux environs de Paris avaient la même perméabilité que le sol de Lawrence, il suf¬ firait de 400 hectares pour épurer la totalité des eaux d’égout de notre, capitale, au lieu de 5.000 hectares qu’elle occupe et qui sont encore insuffisants. Le sol artificiel dont il s’agit était réalisé simplement par un mé¬ lange de sable et d’argile cuite. Mais il peut être constitué tout aussi bien par un mélange de sable et d’humus, ou de sable et de marne ou, plus simplement, par des scories ou mâchefer. Il doit être à 1? fois perméable et absorbant, de manière à ne pas laisser passer trop facilement l’eau : il faut que les microbes dis.séminés dans toute la masse poreuse aient le temps de décomposer la matière organique que celle-ci contient. Mais il faut aussi qu’après l’action des microbes l’eau puisse s’écouler facilement, pour livrer passage à l’air auquel les microbes doivent emprunter l’oxygène dont ils ont besoin. Il sera donc néee.s- 1. Vallin, Laboratoire (l’e.\périence.s do Lawrence {Rame (l'hygiène, 189.'3, p. 390 et 1896, p. i91). 220 D' A. CALMETTE saire d’assurer un drainage parfait des couches souterraines, drai¬ nage qui devra permettre, non seulement la libre circulation de l’eau mais aussi celle de l’air. Actuellement, dans les épurations d’eaux d’égout par l’épandage, ou distribue, comme je l’ai déjà dit, 40.000 mètres cubes d’eau par an, au maximum, sur chaque hectare. Cette eau renferme, en moyenne, 2 kilogrammes de matière organique par mètre cube ; de sorte que chaque mètre carré du sol filtrant détruit 8 kilogrammes de matière organique par an, sur un mètre de profondeur environ, ou 80 tonnes à l’hectare. On voit que nous sommes très loin de compte, puisque, sur le sol artificiel de Lawrence, il est possible de détruire 2S0 gram¬ mes de matière organique par mètre carré et par jour, soit 91 '‘*''■,250 par mètre carré et par an, ou 912 tonnes 1/2 à l’hectare. Les expériences du State Board of Health de Massachusetts qui datent de 1887, établissent donc que la destruction des matières organiques dans le sol ne s’effectue bien que si le sol est aéré et irri¬ gué seulement d’une façon intermittente. Schloesing et Müntz, Millier, Marié-Davy, Winogradsky et d'autres savants nous révélèrent ensuite le rôle exact des bactéries dans le processus d’oxydation des substances ammoniacales. Déjà, quelques années auparavant (décembre 1881), Mourras imaginait en France sa fosse à vidange automatique pour la transformation rapide des matières excrémentitielles en substances solubles par les microbes anaérobies de Pasteur. Tels sont les travaux qui ont servi de base aux hygiénistes mo¬ dernes pour la combinaison des procédés biologiques d’épuration des eaux d’égout, dont l’application a pu déjà être réalisée dans plu¬ sieurs villes anglaises, allemandes et américaines, avec assez de succès pour que nous devions nous préoccuper de les expérimenter à notre tour. L’intérêt scientifique et pratique de ces procédés m’a paru tel, qu’après avoir conféré a\ec M. Bechmann et M. Launay, ingénieurs en chef des Services techniques des eaux et de l’assainissement de la ville de Paris, nous décidâmes d’aller étudier ensemble leur fonc¬ tionnement en Angleterre, au mois de novembre 1900. Grâce à l’obli¬ geance de M. Adams, ingénieur sanitaire anglais, j’ai pu visiter les stations d’épuration bactérienne des environs de Londres, à Hamp- ton et à Sutton, et celles, beaucoup plus importantes, de Leeds et de Manchester, où les municipalités de ces deux grandes villes ont LES PllOCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 221 institué de vastes expériences comparatives de tous les procédés chimiques et biologiques actuellement connus. CHAPITRE II PBOCÉDÉ d’épuration PAR FOSSES SEPTIQUES AVEC DOUBLE CONTACT AÉROBIE Les expériences de Lawrence (Massachusetts) avaient montré que, dans certaines conditions, la filtration intermittente sur la terre perméable, non cultivée, donne d’excellents résultats, et que l’épuration est d’autant plus parfaite que la terre reste nue et que le filtre est plus ancien, jusqu’à une certaine limite à partir de laquelle ses qualités restent constantes. Le chimiste anglais Dibdin pensa avec juste raison que les bactéries contenues dans les eaux d’égout devaient être ici les agents actifs de l’épuration et il s’ap¬ puyait, pour le démontrer, sur ce fait que les eaux traitées par des antiseptiques ne sont plus capables de s’épurer à travers le sol arti¬ ficiel, alors que les eaux qui renferment beaucoup de bactéries s’épurent facilement. Il entreprit à Barking, près de Londres, une série d’essais de fil¬ tration des eaux dfjà précipitées par la chaux et le sulfate ferreux, par conséquent décantées et débarrassées de la majeure partie de leurs substances insolubles. 11 leur faisait traverser un lit de coke recouvert de cailloux, sur une hauteur de 1 mètre. Les eaux effluentes étaient drainées par un système de tuyaux en terre cuite, disposés en forme d’arête de poisson. Après douze semaines de fonctionnement continu, la surface du lit était couverte d’une couche compacte de matières en putréfaction, et le filtre ne fonc¬ tionnait plus. On le laissa en repos pendant trois mois et demi et, lorsqu’on le remit en marche, on s’aperçut qu’il épurait parfaite¬ ment, à condition de l’alimenter d’une façon intermittente, deux fois par jour, et de le maintenir vide et en repos pendant huit heures sur vingt-quatre. J’ai visité à Sutton une installation où le procédé Dibdin est appliqué sur une grande échelle. Il dessert une population de 17,000 habitants et épure 2,500 mètres cubes par jour normale¬ ment, 5,000 mètres cubes en temps de pluie. Ce système donne de bons résultats lorsqu’il s’applique à des eaux ammoniacales très diluées. Mais lorsque les eaux d’égout ren- D' A. CALMEÏTE ferment une notable proportion de substances ternaires et de matières organiques insolubles, comme c’est le cas géaéral, ils s’encrassent à leur surface et on est obligé de suspendre leur fonc¬ tionnement après quelques semaines. Si on les laisse alors au repos, les bactéries aérobies détruisent lentement le colmatage et, après quelques jours, ils peuvent de nouveau être remis en travail. Pour éviter cette longue période de repos des « lits bactériens » ou filtres aérobies de Dibdin, Cameron a imaginé d’interposer enire l’arrivée des eaux d’égout et les filtres aérobies un système de fosses dites septiques, analogues à noti-e ancienne fosse « Mouras », dans lesquelles les eaux s’accumulent pendant un temps suffisant pour qu’il s’y développe, à l’abri de l’air, une abondante végéta¬ tion de microbes anaérobies, et pour que, sous l’action de ces microbes, tes matières insolubles soient presque entièrement solu¬ bilisées. L’expérience montre que, dans une fosse septique en service cou¬ rant, où les fermentations anaérobies sont bien amorcées, les eaux d’égout doivent séjourner en moyenne vingt-quatre heures. Ce laps de temps est suffisant pour dissoudre la plus grande partie des substances insolubles. Au sortir de la fosse septique, les eaux sont distribuées sur des filtres aérobies ou lits bactériens, constitués, comme ceux de Dibdin, par du coke, de l’argile cuite et concassée ou mieux du mâchefer. L’épuration proprement dite, c’est-à-dire l’oxydation de la matière organique, s’effectue exclusivement sur ces lits aérobies, et, après quelques heures, elle est assez parfaite pour que l’eau, devenue incolore, dépouillée de matières organiques, présente tous les caractères physiques d’une bonne eau potable. Je crois inutile d’exposer dans leur ordre ehronologique tous les essais qui ont été etfectués successivement, depuis 1896, par Dibdin et Cameron, dans plus de trente villes anglaises. ^Ces essais ont été conduits très scientifiquement, surtout au point de vue du contrôle chimique, à Exeter, à Yeovil, à Manchester et à Leeds. Il importe seulement que nous sachions quel système correspond le mieux à l’épuration dans tel ou tel cas particulier. Je me bornerai donc à donner la description aussi précise que possible de celui quia donné les meilleurs résultats pour l’épuiation en grand des eaux d’égout d’une ville comme Manchester, où le tout à l’égout est LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 223 appliqué et où les eaux vannes charrient une proportion considé¬ rable de résidus industriels de toutes sortes. Jusqu’à l’an dernier, la ville de Manchester épurait ses eaux d’égout chimiquement, par un mélange de chaux et de sulfate fer¬ reux. Les produits chimiques employés coûtaient 125,000 francs par an. La quantité totale d’eau à épurer s’élève par jour à 135,000 mètres cubes, pouvant aller jusqu’à 400,000 mètres cubes en temps de pluie. La population est d’environ 500,000 halûtants. L’épuration chimique avait nécessité la construction à Davy- hulme, près de Urmston, d’immenses bassins pour la décantation et l’accumulation des boues. La production annuelle de boues était de 190,000 tonnes qu’il fallait charger sur des navires et trans¬ porter en mer, au large de l’embouchure de la Mersey. En 1897, la municipalité se décida à entreprendre des expé¬ riences d’épuration par les procédés biologiques avec le concours de Sir Henri Hoscoe et de M. Fowler, chimiste. Elle nomma une commission de contrôle au sein de laquelle furent appelés MM. Baldwin Latliam, ingénieur, Percy Frankland, biologiste, et Perkins, chimiste. Le rapport définitif de cette commission date du 30 octobre 1899 et ses conclusions ont été adoptées par le Local Government Board, qui représente en Angleterre l’analoguè de notre Comité consultatif d’hygiène publique. Les expériences de Manchester ont montré que le meilleur pro¬ cédé d’épuration biologique est un système mixte, empruntant au « septic tank * de Cameron le principe de la fosse septique, el à Dibdin les lits bactériens aérobies multiples. Ce procédé de choix a reçu le nom de procédé bactérien anaérobie avec double contact aérobie. Voici comment il est appliqué : (Voir schéma) . l'iG./ 1. — Schéma d’iiiie installation par réservoirs septiijiies, avec double contact sur lits bactériens aérobies. D' A. CALMETTE Les eaux d’égout brutes traversent tout d’abord une chambre à grilles où s’arrêtent et se déposent les matières lourdes et imputres¬ cibles entrain :'es par le courant : le sable, les pierres, les morceaux de charbon, les objets métalliques, etc. Un mécanisme spécial, semblable à celui qui fonctionne à Clichy au débouché des égouts collecteurs vers le siphon d’Asnières, permet de nettoyer constam¬ ment les grilles au moyen d’une sorte de peigne à bascule, qui retient les gros objets et les fait tomber dans un wagonnet. Les eaux se rendent ensuite par un canal dans une série de fosses septiques ouvertes, qui ne sont autre chose que d’anciens bassins de décantation. On s’arrange pour que l’introduction de l’eau dans chaque fosse septique se l'as.se à 0“,60 environ au-de|p|piïs de la surface, parce que celle-ci doit rester autant que possible à une hauteur constante. L’eau entre par deux ouvertures, sans remous, pour que les couches de bactéries ne soient pas troublées et pour que l’air ne soit pas entraîné. La capacité totale des fosses septiques est calculée pour recevoir, lorsque l’installation actuellement en construction sera terminée, 400,000 mètres cubes par jour. La profondeur de chaque fosse est d’environ 3 mètres. Le courant doit y être ménagé, depuis l’entrée jusqu’à la sortie, de manière à ce que les eaux ne fassent pas plus de O^jOO de trajet par heure sur une longueur de 20 mètres environ pour chaque fosse. Lorsqu’on remplit pour la première fois un réservoir septique, il fonctionne d’abord pendant quelques jours comme un simple bassin de décantation. Mais bientôt, après deux ou trois semaines, il s’y établit une fermentation qui provoque la dissolution rapide des matières solides du dépôt et qui se manifeste par un dégagement gazeux assez abondant. Les bulles de gaz qui crèvent à la surface charrient des matières solides et celles-ci ne tardent pas à constituer une sorte de cha¬ peau noir, gras, plus ou moins dense, dont l’épaisseur augmente peu à peu, au point que, après quelques mois, ce chapeau durci, fendillé comme une mosaïque par la. poussée des gaz, atteint 20 à 30 centimètres d’épaisseui-, puis n’augmente plus. En même temps, il se forme sur la sole de la fosse septique un dépôt de 23 à 30 cen¬ timètres de matières lourdes difficilement solubles. Ce dépôt, lui aussi, n’augmente plus, après quelques mois ou même quelques années de fonctionnement. LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 22S Aussitôt que la fermentation anaérobie, qui se manifeste exté- l'ieurement par le dégagement gazeux, s’est bien établie, le liquide sortant de la fosse septique devient noir, nauséabond, et il ne ren¬ ferme à peu près plus que des substances organiques solubles. La quantité d’ammoniaque augmente et la teneur en azote albumi¬ noïde diminue. Les matières cellulosiques et tous les corps ter¬ naires subissent une dislocation de leurs molécules, et les produits de cette dislocation aboutissent à la formation de gaz dont une partie se dissout dans le liquide; le reste se dégage dans l’atmos¬ phère. D’après M. Rideal qui a étudié la composition de ces gaz, on les trouve formés du mélange suivant : Pour cenl En volume Acide carbonique . CH*, formelle ou méthane Hydrogène . Azote . On ne trouve ordinairement pas d’hydrogène sulfuré. Ces gaz, ne renfermant qu’une très petite portion d’acide carbo¬ nique, sont inflammables. On peut les recueillir dans des cloches et, si l’on disposait de réservoirs septiques couverts semblables à ceux du système Cameron que nous avons vu fonctionner à Man¬ chester et à Leeds, mais plus vastes, il serait assurément possible d’utiliser ces gaz pour le chauftage et l’éclairage. Nous avons pu constater qu’ils brûlaient en donnant une flamme très éclairante avec un manchon Auer. Mais, en réalité, cette question est de minime importance, car la quantité de gaz combustibles que l’on poui-rait capter est peu considérable : elle ne s’élève qu’à 8 mètres cubes environ par 100 mètres cubes d’eau d’égout fermentée. On s'est posé la question de savoir s’il ne serait pas préférable de couvrir les réservoirs septiques de manière à y éviter l’accès de l’air et à réaliser ainsi, pour les ferments, de meilleures conditions de vie anaérobie et de température constante. Mais l’expérience montre que cela n’est pas indispensable. La croûte qui se forme à la surface des fosses septiques, déjà après quelques semaines de marche, protège suffisamment les couches profondes contre l’action de l’oxygène de l’air, qui est toxique pour beaucoup de germes microbiens anaérobies. D’autre part, la température des eaux d’égout en fermentation reste sensiblement constante. REV. d’hyg. 0,3 0,6 20,3 2i,4 18.2 36,4 61.2 38,6 D' A. CALMETTE Le seul avantage des fosses septiques couvertes réside dans la suppression des odeurs. Il est vrai de dire cependant que ces odeurs ne sont pas désagréables : elles sont tout à fait identiques à celles que Ton perçoit au voisinage des usines à gaz. La dépense supplémentaire qu’entraînerait la couverture de grandes fosses cimentées ne serait justifiée que si celles-ci devaient être établies au voisinage immédiat d’une ville ou d’une localité habitée. Après vingt-quatre heures de séjour dans la fosse septique, les eaux, comme je l’ai déjà dit, renferment presque exclusivement des matières organiques solubilisées. On les dirige alors sur les lits bactériens aérobies. Ceux-ci sont constitués par une série de vastes bassins de 2,000 mètres carrés de superficie chacun, profonds de 1“,10 seule¬ ment et remplis de scories ou mâchefer. Le premier lit aérobie ins¬ tallé à Manchester a été cimenté dans toute son étendue. Les autres, qui étaient en construction tors de ma visite, sont établis simple¬ ment sur de l’argile tassée. La disposition de ces lits est la suivante : La sole est creusée de rainures parallèles, garnies d’argile corn-- pacte, dans laquelle on place une série de gros tuyaux de 20 cen¬ timètres de diamètre environ, en terre cuite. Ces tuyaux disposés sans rejointements, bout à bout, se greffent à l'extrémité de chaque rainure sur une grande canalisation latérale pour le drainage. Cette canalisation est constituée également par des tuyaux de terre cuite, mais de diamètre plus grand (O™, 40). On remplit le lit de scories d’usine, d’abord non concassées, dans les couches profondes, puis concassées de plus en plus fine¬ ment jusqu’à la surface. Celle-ci est formée de grains de 0'",005 à 0"',01 de diamètre moyen. L’effluent qui sort continuellement des réservoirs septiques est amené par un canal à ciel ouvert à un bassin d’où s’effectue la distribution intermittente à chaque lit bactérien aérobie alternati¬ vement. Cette distribution est assurée par des vannes à réglage automatique. L’eau est répartie en couche mince, au moyen de caniveaux en éventail, à la surface des scories, de manière à s’étaler le plus rapidement possible. Gn règle le remplissage des lits aérobie de la façon suivante : Une heure de remplissage ; Deux heures de contact de l’eau avec les scories; LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 221 Une heure de vidange ; Quatre heures de repos pour l’aération des scories ; Soit liuit heures en tout. Cette alternance est répétée trois fois en vingt-quatre heures. Après le passage sur un premier lit bactérien, les eaux sont déversées sur un second lit où elles séjournent également deux heures. Elles en sortent complètement épurées. Déjà, au sortir du premier lit, SO p. 100 des matières organiques dissoutes qu’elles renfermaient sont passées à l’état d’ammoniaque et de nitrates. Au sortir du deuxième lit, les eaux ont encore perdu oO p. 100 de ce qui leur restait en matières organiques. C’est-à-dire que si l’eau d’égout renfermait originellement 1 gramme de matière orga¬ nique par litre, il lui en reste 0b',S0 après le premier lit et 0s',2S après le deuxième lit. Mais les lits ne fonctionnent d’une façon régulière que deux à trois mois après leur mise en marche, lors¬ qu’ils ont eu le temps de se peupler de bactéries. Voici un tableau, emprunté à M. Rideal, qui indique assez exac¬ tement la marche normale du système d’épuration : Eau d'égout Eau b. la sortie A la sortie à l'entrée de de la fosse des lits la fosse septique septique bactériens Extrait pour 100,000 i6,8 18,6 42,4 O.xydabilité . 8,36 4,32 0,18 Ammoniaque libre.. 3,6 4,9 2,48 Azote albumino'ide . . 1,40 0,64 0,43 Nitrites . 0,00 traces traces Nitrates (azote des). 0,00 0,041 0,30 Azote total . 6,24 4,5 Azote organique . 4,4 2,2 2,2 Les eaux sortant des lits bactériens renferment donc encore une assez grande proportion d’azote ammoniacal et d’azote organique. Elles contiennent encore peu de nitrate, mais l’ammoniaque s’y trouve en un état tel qu’elle se transforme en nitrates dès qu’elle dispose de microbes nitrifiants et d’une quantité d’air suffisante pour s’oxyder. C’est pourquoi il est indispensable que les lits bactériens soient largement et facilement aérés, et qu’ils restent immergés le moins longtemps possible, sous peine de voir disparaître leur popu¬ lation de microbes nitrifiants. Les périodes de repos doivent donc être fréquentes et prolongées. Le volume d’eau que peuvent recevoir les lits à chaque remplis- Dr A. CALMETTE sage est égal au tiers de leur capacité, les deux autres tiers étant occupés par les scories. La Commission d’expériences de Manchester estime que la surface totale nécessaire à l’épuration aérobienne, après la fosse septique, doit être telle qu’un hectare épure facilement 3,600 mètres cubes par 24 heures, avec un jour de repos pour chaque lit. Les lits doivent être établis par paires, à deux niveaux différents : Tun élevé, l’autre un peu en contre-bas. La surface de chacun d’eux ne doit pas dépasser 24 ares, pour que la distribution rapide de l’eau d’égout s’y fasse aisément. Les cloisons établies entre les paires de filtres doivent être dispo;sées pour sei-vir à la fois, par deux canalisations distinctes latérales ou superposées, à l’adduction de l’eau brute et à l’évacuation du drainage. On a constaté que le fonctionnement des lits est très régulier en toutes saisons. Pendant les grands froids, il est un peu ralenti, mais la température des eaux d’égout et la chaleur dégagée par les fer¬ mentations anaérobies en fosses septiques sont toujours suffisantes pour maintenir l’activité des microbes et pour éviter la formation de couches de glace compacte. Lorsqu’il fait de grandes pluies tor¬ rentielles ou des orages, le flot très dilué doit être détourné, après le début de la tempête, dans des bassins spéciaux dégrossisseurs, à grosses scories, ou dii-ectement dans un cours d’eau. Il existe, dans plusieurs installations anglaises que j’ai visitées, des appareils extrêmement ingénieux qui assurent la vidange et le remplissage automatique des lits bactériens aérobies. Les plus sim¬ ples et les plus parfaits paraissent être ceux imaginés par M. l’Ingé¬ nieur sanitaire Adams, que nous avons vus en fonctionnement à Sutton près de Londres. Le système du Septic Tank avec simple contact d’Exeter, qui a été installé également pour essais à Leeds et à Man¬ chester, est desservi par un appareil fort ingénieux, mais plus déli¬ cat, base sur le principe de la balance hydraulique et dû à M. Cameron. Au point de vue bactériologique, le contrôle des eaux sortant des lits baètériens permet de reconnaître que le nombre des germes cultivables en gélatine, au sortir des lits aérobies à double contact, n’est plus que de 5 à 10 0/0 du nombre total des germes de l’eau brute, à rentrée dans la fosse septique. Ce nombre est, d’ailleurs, très variable. Il oscille de 300,000 à 7 et même 10 millions par centimèù-e'cube pour les eaui d^égoilt normales. LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D^ÉPURATION 229 Les microbes pathogènes tels que le bacille typhique, le bacillus coli et le bacillus enteritidis'sporogenes de Klein ne sont pas facile¬ ment détruits par le séjour des eaux dans la fosse septique. Leur nombre diminue beaucoup, mais on en retrouve toujours à la sortie des lits bactériens. Cela n’a rien qui nous doive surprendre, car il ne s’agit pas de stériliser l’eau d’égout au point de la rendre pota¬ ble, mais seulement de l’épurer pour la rendre identique à celte des rivières et des fleuves. Si cette eau devait être utilisée en aval pour l’alimentation, il serait évidemment indiqué de la soumettre à un procédé de stérilisation efficace. En ce qui concerne le prix de revient de l’installation de réser¬ voirs septiques et de lits bactériens aérobies, comparé au prix de revient des anciens systèmes d’épuration chimique par la chaux et le sulfate de fer, voici les renseignements qui m’ont été fournis à Sut- ton, et qui ont été publiés dans le rapport de M. Chambers Smith : On épure quotidiennement 500,000 gallons par jour, soit 2,250 mètres cubes. Le coût total de l’épuration chimique avec épandage consécutif était de 190 francs par jour, soit environ 70,000 francs par an. Il est maintenant avec le système biologique dé 52 francs par jour, soit 19,000 francs par an, l’eau sortant des lits bactériens étant encore soumise à l’épandage après épuration. A Oswestry, dont la population est de 10,000 habitants, on épure chaque jour 1,360 mètres cubes. Le coût total de l’ouvrage a été de 1,800 livres, soit 45,000 francs. Les dépenses annuelles d’entretien et de gardiennage sont de 80 livres, soit 2,000 francs, sans épan¬ dage consécutif. CHAPITRE III SYSTÉ.MES CONTINUS d’ÉPURATION BIOLOGIQUE L’alimentation intermittente des lits bactériens aérobies est le principal inconvénient du système que je viens de décrire. Elle s’appliquait au procédé primitif de Dibdin et elle s’applique encore exclusivement au procédé du SepticTank de Cameron et à celui des fosses septiques ouvertes avec double contact aérobie. Toutes les tentatives d’alimentation continue qui ont été tentées avec les précé¬ dents systèmes ont abouti à un colmatage rapide de la surface des scories et on a dû y renoncer. Cependant, quelques ingénieurs anglais ont cherché à réaliser, à l’aide de dispositifs et d’appareils 230 D-- A. GALMETTE spéciaux, l’oxydation rapide et continue des matières organiques que renferme l’eau d’égout. La plupart de ces dispositifs et appareils ont été expérimentés à Leeds et à Manchester où nous avons pu les voir fonctionner. Le système Wittaker-Bryant est constitué par des chambres cir¬ culaires ou polygonales, élevées de deux mètres au-dessus du sol, dont les parois sont formées par des briques creuses permettant de l’extérieur à l’intérieur le libre accès de l’air. Les chambres sont remplies de couches successives de coke et de gravier. Le fond est garni de tuyaux de drainage disposés en forme d’arête de poisson. L’eau d’égout sortant des fosses septiques est distribuée en pluie au centre du système par un tourniquet hydraulique. Elle reçoit au moment de son arrivée au toui-niquet un mince jet de vapeur qui élève légèrement sa température, de manière à rendre celle-ci plus favorable aux fermentations. Elle traverse en dix minutes environ toute la hauteur du filtre et sort par les drains inférieurs très bien épurée. La surface nécessaire pour traiter 900 mètres cubes d’eau d’égout par jour avec ce système est de 800 mètres carrés seulement. Mais le coût de l’épuration est assez élevé par suite de la nécessité de brûler du charbon pour produire une quantité de vapeur suffi¬ sante pour élever de cinq degrés en moyenne la température de l’eau. La principale application de ce procédé continu a été faite ù Accrington, près de Liverpool. Le système Ducat repose à peu près sur le même principe. Il est constitué par une chambre verticale dont les parois en tuyaux de grés disposés obliquement à angle d’environ trente degrés, laissent pénétrer l’air dans la masse de scories. Celles-ci sont traversées horizontalement à diverses hauteurs par des drains. L’eau, prove¬ nant directement des égouts, sans séjour préalable en fosse septique, est déversée par un système de bascule automatique à la surface des scories. Tout le système est enfermé dans une chambre à l’abri des intem¬ péries et où l’air circule facilement. Lorsque la température est trop basse, on fait arriver dans une double rangée de tuyaux de drainage, au fond de l’appareil, de l’air chauffé artificiellement LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 231 dans un fourneau. La température doit être maintenue entre 13 et 18“ environ. AKnostrop, près de Leeds, horus avons vu un filtre Ducat qui aété mis en exploitation le 29 mars 1900. Il recevait par jour et par mètre carré de surface 1,080 litres d’eau d’égout brute. Après un mois de fonctionnement en marche continue, il s’est produit un encrassement tel qu’on fut obligé de laisser reposer l’appareil pendant plusieurs semaines. Son prix élevé en rend l’application peu recommandable. J’en dirai autant des systèmes de Scott-Moucrieff et de Stoddart, qui ne sont que des variantes des précédents et pour la description desquels je renvoie le lecteur que ces appareils intéresseraient plus particulièrement, à l’ouvrage de Samuel Rideal, sur la purificalion des eaux d’égout (*). CHAPITRE IV EXPÉRIENCES d’ÉPÜRATION BIOLOGIQUE DES EAUX RÉSIDUAIRES DE l’abattoir de LILLE (en collaboration avec M. Rolants, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur). La ville de Lille déverse directement dans la Deûle canalisée ses eaux d’égout et les eaux résiduaires de ses abattoirs. Aussi les pro¬ priétaires riverains et le service de la navigation protestent- ils avec juste raison contre la pollution de cette rivière, dont le lit noir et fangeux roule des eaux de plus en plus fétides à mesure que l’indus¬ trie se développe sur tout son parcours. Un syndicat de défense s’est même constitué dans ces derniers temps pour obtenir des pou¬ voirs publics l’application rigoureuse des lois et arrêtés interdisant la contamination des cours d’eau. Jusqu’à présent, sous peiné de compromettre sérieusement les intérêts économiques de la région, il a été impossible de sévir contré les industriels établis en amont de la ville de Lille. Sans doute, il leur airive fréquemment d’être obligés de rejeter à la Deûle des eaux insuffisamment épurées par les moyens chimiques qu’ils ont à leur disposition ; mais ils objectent — et l’Administra¬ tion ne peut guère leur donner tort — que la petite quantité d’eaux résiduaires dont ils se débarrassent ainsi au détriment des Sociétés (1) S. Rideal, Scwage and puriUcation of sewage, London; 1900. 232 D' A. CALMETTE de pêcheurs à la ligne et de là beauté du paysage, n’est rien en regard de l’immense nappe d’eaux d’égout qui vient se mêler aux eaux de la rivière depuis Lille jusqu’à Quesnoy-sur-Deûle, au confluent de cette rivière avecda Lys. L’épuration totale des eaux d’égout de Lille n’est pas encore pra¬ ticable, parce que cette ville ne possède pas de réseau collecteur complet. Elle rejette ses résidus à la rivière par de simples canaux de dérivation, alimentés par la Deûle et dont une partie se confond avec les fossés des fortifications. Ces mêmes fossés reçoivent chaque jour les eaux infectes du marché aux bestiaux et des abattoirs. Il serait donc extrêmement important de réaliser, tout au moins, l’épuration de ces eaux qui renferment une proportion considérable de sang, de matières fécales et de débris animaux, et qui constituent l’une des plus importantes causes de pollution de la rivière. J’ai entrepris avec M. Rolants une série d’expériences en vue de leur appliquer la méthode biologique. Ces expériences ont été faites sur une petite échelle, mais leurs résultats sont assez encourageants pour que nous puissions en tirer des enseignements utiles. Nous avons commencé par établir, au laboratoire, une petite usine d’épuration avec de simples tubes en verre, de 8 centimètres de diamètre environ et de 1 mètre de hauteur, montés verticalement contre un bâti en bois. Ces tubes représentent l’un, la fosse septique, les deux autres les lits bactériens aérobies. Le tube septique, fermé à ses deux extrémités, sert aux fermenta¬ tions anaérobies. Il a été mis en train le 14 décembre 1900 avec des matières fécales diluées dans l’eau de l’abattoir. Les deux tubes sei'vant de lits bactériens aérobies ont été remplis de scories concassées finement. Leur extrémité inférieure est fermée par un bouchon de caoutchouc percé de deux trous : l’un permet l’écoulement de l’eau qui a séjourné sur les scories; l'autre livre passage à un tube coudé verticalement et sert à l’aération au moyeu d’une trompe à eau, pendant les périodes de repos du lit bactérien. Du 14 décembre au 16 janvier nous avons rempli presque chaque jour le tube septique avec l’eau à épurer. Après 24 heurés de fer¬ mentation, nous en soutirions les deux tiers et nous conservions le dernier tiers comme levain pour les opérations suivantes. Les deux premiers tiens étaient répartis dans le premier lit aérobie ÈPURATIOIN fiACTÉRIËNNÉ UïS TËATJX DES ABATTOIRS DE LiLLE Résultats en milligrafflmes par litre d’eau. I. — Pendant la formation des lits bactériens aérobies. MATIÈRES ORGANIQUES AMMONIAQUE Azote albdminoïde NITRATES NITRITES DATES EB(‘) FS{») LB(3) EB FS LB EB FS bB EB FS LB EB LB FS 20 Décembre 1900 . 76S 450 400 40 71 80 207 152 34 4 0 0 0 0 0 2i — . 1620 1180 230 64 lÔl 74 231 152 36 1,5 0 0 0 — 0 10 Janvier 1901 ........ 178 70 40 — 50 20 — 10 4 0 0 0 0 0 11 - . 460 290 102 60 60 42 90 10 3 3 0 0 0,15 0 0 14 . 1170 800 ào 55 130 136 146 76 11 4 0 0 0,2 0 0 16 - . 820 470 54 51 210 133 215 52 18 2 0 0 0,15 0' 0 II. - - Après la formation des lits bactériens aérobies. 23t D- A. CALMETTE et y séjournaient un temps variable ; puis on faisait passer le liquide sur le second lit. Le plus souvent, après ce double contact, l’eau se trouvait com¬ plètement décolorée et ne possédait plus du tout d’odeur fécale, mais elle dégageait encore une faible odeur ammoniacale et ne renfermait pas de nitrates. Du 16 janvier au février, nous arrosions presque chaque jour nos lits avec de la délayure de bonne terre de jardin, contenant beau¬ coup de microbes nitrifiants, et nous prenions soin de ne pas les faire travailler plus de deux heures chaque jour. Nous avon s alors constaté que les nitrates commençaient à apparaître dans l’eau épurée et que leur proportion augmentait, en môme temps que celle de l’azote ammoniacal et de l’azote albuminoïde diminuait considé¬ rablement. A partir du 1" février, nos lits ont fonctionné régulièrement tous les- jours avec des résultats très bons, malgré la pollution extrême de l’eau traitée. Voici quelques tableaux indiquant la marche de l’épuration dans notre appareil d’expérience : La richesse microbienne des eaux épurées reste assez grande et, si l’on ne tient compte que des germes cultivables sur plaques de gélatine, on trouve que ces germes sont d'autant plus nombreux que les eaux sont plus riches en nitrates, — par conséquent, mieux épurées. Lorsqu’elles renferment beaucoup d’ammoniaque libre, comme pendant la période de formation des lits bactériens, le nombre des germes est très réduit : nous l’avons vu tomber à 40 par centimètre cube, alors qu’il était de plus de 6.000.000 à la sortie du réservoir sepMque. Les résultats très positifs que nous avons obtenus avec nos appa¬ reils de laboratoire, où les oxydations sont plus difficiles à réaliser que sur ces lits bactériens largement exposés au contact de l’air, nous permettent donc d’affirmer que le procédé biologique d’épura¬ tion. par réservoir septique, avec double contact sur lits bactériens aérobies, est applicable aux eaux résiduaires des abattoirs et marchés aux bestiaux de Lille. Nous nous sommes demandés si ce procédé pourrait être appli¬ qué également par les grandes industries qui, ne pouvant guère agir autrement, rejettent aujourd’hui leurs eaux résiduaires dans les ri¬ vières et même dans les canaux ouverts à la batellerie. LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 23» Nous avons déjà fait quelques expériences encore incomplètes, mais très encourageantes, avec des eaux de sucreries et de tanneries. Il ne nous paraît pas douteux qu’avec un réservoir septique où les fermentations anaérobies sont très actives, il soit possible d’ob¬ tenir facilement la désintégration de toutes les matières organiques que ces eaux renferment. Il semble seulement que, pour les eaux de sucreries, le séjour en réservoir septique doive être un peu plus pro¬ longé à cause de la grande quantité de cellulose qu’elles renferment et de leur pauvreté relative en matières azotées. Il sera toujours indispensable aussi de les mélanger avec une petite quantité de matières fécales. Mais c’est là un produit que toutes les usines ont à leur disposition. En ce qui concerne les eaux de tanneries, l’expérience de Yeovil ne laisse aucun doute sur l’efficacité du système. La tannerie cons¬ titue à peu près la seule industrie de cette petite ville anglaise et toutes les eaux résiduaires y sont épurées par le procédé du Septic Tank de Cameron. Si nous envisageons maintenant le côté économique de la ques¬ tion, nous devons réfléchir à ce fait que le procédé biologique tel que nous l’avons vu appliquer en Angleterre et tel que nous l’avons expérimenté sur les eaux de l’abattoir de Lille, détruit toutes les substances organiques, azotées ou matières grasses, que renferment les eaux d’égout, sans qu’il soit possible d’en tirer aucun profit. Tout est brûlé ou transformé en nitrates et rejeté dans les cours d’eau. Or il est incontestable que c’est là un grand dommage. Lorsqu’il s’agit d’épurer des eaux résiduaires riches en graisses ou en produits azotés, il y a lieu de rechercher si l’extraction préa¬ lable de ces produits est susceptible de procurer des bénéfices. Tel est le cas qui se présente pour les eaux de l’Espierre à Roubaix, pour celles de la Vesdre à Yerviers, pour beaucoup de grandes villes manufacturières en général et peut-être même pour les eaux d’égout de Paris. CHAPITRE V ÉPURATION PAR LES PROCÉDÉS MIXTES, CHIMIQUES ET DIOLOGIQUES La question de l’épuration des eaux de l’Espierre préoccupe depuis de longues années les deux gouvernements français et belge. De nombreux savants et des commissions officielles internationales 236 D' A. CALMETTE l’ont étudiée sans que leurs travaux aient pu résoudre le problème d’une manière satisfaisante. Ces eaux sont tellement chargées de graisses, que les boues obtenues par les divers procédés de précipi¬ tation chimique n’étaient susceptibles d’aucune utilisation pratique. On ne pouvait pas songer, malgré leur richesse en azote, à s’eu servir comme engrais : la graisse qu’elles renferment constitue à la surface du sol un enduit imperméable et stérilisant. On était donc réduit à les épaudre en nappes épaisses sur de vastes terrains rendus ainsi pour plusieurs années impropi’es à toiite culture. MM. Delattre, industriels à Dorignies-les-Douai, ont expérimenté pendant ces dernières années avec succès, d’abord dans leur usine de peignage de laines, puis sur lés eaux de l’Espierre à l’usine de Grimonpont, un procédé qui leur permet d’extraire la presque tota¬ lité des matières utilisables que ces eaux i‘enferment. Un projet d’application de ce système à la totalité des eaux de l’Espierre (de 80 à -100,000 mètres cubes par jour) est actuellement approuvé par une convention passée avec les villes de Roubaix et Tourcoing avec participation de l’État, et soumise à l’approbation du Parle¬ ment. Le procédé Delattre consiste à précipiter les eaux par une petite quantité d’acide sulfurique ou de tout autre agent capable de mettre en liberté les acides gras, puis à traiter directement et sans séchage préalable les boues par un dissolvant des graisses, en vue d’obtenir d’une part les graisses saponifiables et la suintine, d’autre part les boues débarrassées de matières grasses, mais renfermant encore tout l’azote qu’elles contenaient primitivement. Celles-ci sont trans¬ formées en tourteaux au moyen de puissants filti-es-presses et cons¬ tituent alors un excellent engrais, très apprécié des cultivateurs. Les eaux de l’Espierre ont une composition extrêmement variable. Elles contiennent cependant presque toujours une assez forte pro¬ portion de matières grasses, que l’on peut évaluer en moyenne à par litre. Leur teneur moyenne en matières organiques est de 1^‘',80, mais celle-ci s’élève fréquemment à et même davantage. Chaque mètre cube d’eau traitée peut donc fournir envi¬ ron SOO grammmes de matières gi-asses valant de 20 à 25 francs les 100 kilogrammes et comme la quantité d’acide sulfurique employée à l’extraction est minime, il est évident que cette extrac¬ tion peut être rémunératrice, même en négligeant la valeur, cepen¬ dant très réelle, des tourteaux de boues azotées. LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 237 Après leur traitement par l’acide sulfurique, les eaux décantées sont assez limpides pour qu’on puisse, sans grands inconvénients, en autoriser la décharge dans les rivières. Celles de l’usine de Dorignies renferment cependant encore environ de matières organiques par litre et c’est là un chiffre considérable. Il serait donc très utile de compléter l’épuration chimique après l’application du procédé Delattre par une épuration biologique qui, d’après nos expériences personnelles, pourrait êti’e très simplifiée. Lors des premiers essais de Dibdin à Barking près de Londres, ce chimiste s’était contenté de recevoir sur ses lits baclérieus aérobies, constitués alors par du coke et de l’argile cuite, les eaux sortant des bassins de décantation après traitement par la chaux et le sulfate de fer. Les résultats furent médiocres, parce que ces eaux ne renfermaient presque plus de bactéries, celles-ci ayant été détruites en grande partie par le réactif chimique employé. En 1897, à Manchester, Sir Henry Roscoë renouvela la même tentative d’épuration microbienne des eaux d’égout traitées chimi¬ quement et décantées. L’expérience réussit à condition que la quan¬ tité de chaux et de sulfate de fer employée soit très réduite ; mais comme les boues continuaient à être une cause d’encombrement, le procédé, ne présentant aucun avantage, fut abandonné. Il nous semble que nulle part l’épuration biologique purement aérobie, sans réservoir septique préalable, ne serait mieux indiquée qu’après l’épuration chimique par le procédé Delattre. Nous avons effectué à ce sujet quelques expériences qui ont porté sur les eaux de l’abattoir de Lille et qui nous ont paru très démonstratives. Lorsqu’on additionne ces eaux d’une petite quan¬ tité d’acide sulfurique et de sulfate ferrique ou de sulfate ferrique .seul, on obtient au bout de quelques instants un précipité gélatineux assez dense, qui entraîne toutes les matières en suspension. L’eau surnageante est presque limpide et ne renferme qu’un très petit nombre de bactéries, celles-ci ayant été agglutinées et précipitées avec c magma gélatineux au fond du vase. Si l’on traite ces eaux, séparées du précipité après décantation, par un passage sur deux lits bactériens aérobies successifs, avec deux heures de séjour sur chaque lit, elles deviennent incolores, inodores et parfaitement limpides. Il faut seulement avoir la pré¬ caution de vérifier leur neutralité ou de les neutraliser par une petite quantité de chaux avant de les, verser sur les scories, car -si elles 238 D'- A. CALMETTE étaient acides, elles gêneraient et arrêteraient complètement l’action des ferments nitrificateurs. Nous nous réservons d'ailleurs l’étude plus complète de cette question, dont l’importance nous pai’aît grande. Il ne semble pas douteux en effet que, toutes les fois que l’extraction, des matières utilisables que renferment les eaux d’égout s’imposera, il y airra lieu d’achever l’épuration de ces eaux par voie d’oxydation biolo¬ gique, afiii que les matières organiques solubles qui les rendent encore altérables soient économiquement détruites et que ces eaux puissent alors être rejetées sans aucun inconvénient dans les rivières. CONCLUSIONS Les procédés biologiques d’épuration des eaux d’égout et des eaux résiduaires industrielles par les bactéries, appliqués déjà sur une large échelle en Angleterre, donnent des résultats excellents toutes les fois que les eaux à épurer ne renferment pas de substances chi¬ miques capables d’entraver le développement des microbes. Le principe de ces procédés consiste à transformer par fermenta¬ tion les substances organiques complexes, ternaires ou quaternaires, en éléments minéraux simples. Les derniers termes de ces transfor¬ mations sont l’acide carbonique, l’azote, le formène ou gaz des marais, l’hydrogène et les nitrates solubles. Parmi tous les dispositifs d’appareils qui ont été proposés pour réaliser le plus économiquement et le plus rapidement possible les fermentations dont il s’agit, le plus parfait est celui que la ville de Manchester a adopté sous la dénomination de procédé de la fosse septique avec double contact aérobie. Dans ce système, tout le volume d’eau à épurer produit en 24 heures est reçu dans une fosse septique ouverte où s’établit une fermentation anaérobie. Celle-ci a pour effet de solubiliser les ma¬ tières insolubles. Après 24 heures de séjom* dans la fosse septique, les eaux sont déversées sur deux lits successifs de scories (ou mâchefer) qui ser¬ vent de support à des bactéries nitrifiantes. Ces dernières détruisent les matières organiques par voie d’oxydation et transforment en nitrates solubles les substances ammoniacales que l’eau renfermait. Au sortir des lits aérobies, l’eau est complètement épurée et n’est plus altérable. Elle peut être rejetée sans aucun inconvénient dans LES PROCÉDÉS BIOLOGIQUES D’ÉPURATION 239 les rivières ou être employée à des usages iudustriels. Èlle n’est pas toxique pour les poissons. La dimension des réservoirs septiques et la surface à adopter pour les lits bactériens aérobies sont variables suivant le degré de pollu¬ tion des eaux qu’il s’agit d’épurer et suivant le climat. Pour les eaux du Tout à l’égout de Manchester et de Leeds, gi-ande villes industrielles anglaises, voici les chiffres qui corres¬ pondent à ceux approuvés par le Local Government Board. L’épuration biologique de 100.000 mètres cubes d’eaux-vannes par jour exige : 1° une surface de trois hectares trente-trois ares de réservoirs septiques, sim trois mètres de profondeur, la capacité totale des réservoirs étant égale à la production journalière des égouts. 2“ une surface de lits bactériens aérobies de 22 hectares, dont 11 pour les lits de premier contact et 11 pour les lits de second con¬ tact. La profondeur de chacun de ces lits doit être de un mètre, les lits de second contact étant placés en contre-bas des premiers, pour que l’eau y soit facilement amenée par des distributeurs automa¬ tiques ou autres. Leur capacité liquide égale un tiers de leur capacité géométrique. On les remplit trois fois par jour avec des alternatives de une hem-e de remplissage, deux heures de plein, une heure de vidange, quatre heures de repos à vide. La surface totale nécessaire pour épurer 100.000 mètres cubes par 24 heures doit donc être de 25 hectares 33. Avec l’épandage par le sol perméable, en comptant sur l’épuralion maxima possible de 40.000 mètres cubes d’eau d’égout par hectare . 100.000-”3X 365 jours , et par an , il faudrait - 40 OOO'”^ - - ~ hectares, pour obtenir le même résultat. L’épuratioii biologique sur lits bactériens aérobies avec fosse septique permet donc d’épurer environ 36 fois plus d’eau d’égout sur une surface égale. Au point de vue financier, les avantages de la méthode sont les suivants : 1° Suppression de la dépense de produits chimiques et de frais d’enlèvement et de transport des boues ; 2“ Dépense d’entretien réduite à la conservation eu bon état des bassins et lits de scories. Ces derniers peuvent servir pendant plu- 240 F. LAUNAY sieurs années dë suite (au moins trois ans), sans être renouvelées. Quant aux fosses septiques, elle ne doivent être vidées que dans le cas où des matières insolubles, gi-aviers ou débris de charbon, viendraient à s’y accumuler, réduisant ainsi notablement leur capa¬ cité volumétrique. En conséquence des résultats et des avantages que nous venons d’exposer, nous croyons devoir conclure qu’il y a lieu d’ep"ager.les municipalités, sinon à adopter définitivement, du moins à faire l’essai de ce système d’épuration pour les eaux d’égout. Nous pensons également qu’il convient d’inviter les industriels qui déversent leurs eaux résiduaires dans les rivières et dans les canaux navigables, à expérimenter ce même procédé. Mais nous croyons devoir ajouter que dans les cas où les eaux- vannes qu’il s’agit d’épurer renferment des matières grasses et des matières azotées insolubles en quantité assez considérable pour que leur extraction soit rémunératrice, il serait préférable de procéder d’abord à cette extraction, et d’achever ensuite l’épuration totale, c’est-à-dire l’oxydation des matières organiques solubles, par le déversement des eaux sur un ou deux lits bactériens aérobies sans réservoirs de fermentation anaérobie. Suivant les circonstances et suivant les conditions économiques qui se présenteront, le système d’épuration biologique simple ou le système d’épuration mixte, chimique et biologique, devra prévaloir. Que l’on adopte l’un ou l’autre, étant donnée la perfection de leurs résultats, l’industrie et l’hygiène y trouveront leur compte. L’ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT * RAPPORT DE MISSION EN ANGLETERRE (NOVEMBRE 1900) de M. F. LAUNAY, Ingénieur en chef de l’assainissement de ta ville de Paris. Dans l’état actuel, le procédé bactérien qui nous paraît le mieux satisfaire aux conditions d’une bonne épuration, est celui du trai- 1. Nous venons de recevoir le rapport de mission de M. Launay, qui constitue une brochure in-A' de 42 pages, avec un grand nombre de plans et L’ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 241 temeiit par le réservoir septique suivi (lu traitement par un double lit de contact ; il parait d’ailleurs nécessaire de procéder à un dégrossissage préalable des eaux d’égout afin de les débarrasser des matières minérales en suspension, comme le sable, qui résiste¬ raient aux fermentations bactériennes et encombreraient les filtres et les réservoirs. Le réservoir septique peut être fermé ou découvert; la valeur des deux systèmes est égale au point de vue du traitement; le premier a contre lui la cherté du prix de la couverture, que ne compense pas la valeur des gaz que l’on peut alors recueillir ; mais il évite, à coup sûr, les odeurs que dégage probablement la putréfaction anaé- robique. Sa capacité doit correspondre généralement au volume journalier (vingt-quatre heures) des eaux d’égout à traiter; l’ar¬ rivée et le départ des eaux dans le réservoir doivent, autant que possible, se faire à égale distance du fond et de la surface du bassin. Quant à la meilleure disposition à adopter pour les lits de contact, on trouvera des renseignements très complets à ce sujet dans les instructions toutes récentes du « Local Government Board » , que nous reproduisons à la suite de notre rapport, et où presque toutes les combinaisons actuellem(3nt connues sont prévues. L’épaisseur ou la profondeur à donner aux matériaux des filtres à gros grains est d’environ 1 mètre, et pour les filtres à grains fins (deuxièmes lits) d’environ 0”',7o. Les meilleurs matériaux pour la composition des filtres paraissent être le coke et le mâchefer concassés, à cause de leur porosité propre. La périodicité à adopter pour le fonctionnement des lits de contact paraît être la suivante ; remplissage en une heure ou deux heures ; le filtre reste plein deux heures; vidange en une heure ou deux heures ; le filtre reste vide de trois à quatre heures. Cette opération peut être renouvelée trois fois en vingt- quatre heures. Le fond des lits doit être convenablement drainé et la distribution de l’eau à la surface des lits doit se faire aussi simplement que possible. Il est bon d’adopter des dispositifs de manœuvre automa- de vues photographiques. Il nous a semblé intéressant de placer, 'à côté des conclusions de M. le D' Galmette, celles de l’ingénieur en chef de l’assainisse¬ ment de Paris; elles se complètent et se confirment d’une façon très heureuse. XXIU. — 10 REV. d'hYG. 243 F. LAUNAY tique pour l’ouverture et la fermeture des vauiies d’admission et de vidange, afin de diminuer les frais de main-d’œuvre et de per¬ sonnel. Enfin, il est nécessaire de contrôler ’d’une manière continue le fonctionnement des filtres et la qualité des eaux épurées. Les trai¬ tements bactériens exigent une habile surveillance de l’autorité ; il ne faut pas considérer un système bactérien comme fouctiounant, pour ainsi dire, automatiquement. Les résultats doivent être contrôlés constamment par des analyses chimiques et bactériolo- Pour fixer les idées, nous indiquons ci-dessous comment on peut estimer la surface nécessaire au traitement de 100.000 mètres cubes d’eau d’égout, par exempte, par jour. A supposer une profondeur de 3 mètres aux rései’voirs septiques, il faudra une surface d’environ 3 hectares 33, puisque la capacité du réservoir doit être égale à peu près à la production journalière Quant aux lits de premier contact, leur profondeur moyenne étant de 1 mètre, leur capacité liquide étant environ le 1/3 de la capacité géométrique et le remplissage ayant lieu 3 fois par vingt- quatre heures, ils devront occuper une superficie d’environ 10 hec¬ tares. Les lits de second 'contact (profondeur 0'",75) occuperont à peu près 1/3 en plus, soit 13 hectares. La superficie totale est donc de 26 hectares. Réservoir septique . 3 hect. 33 Premiers lits ii gros grains . 10 hect. Deuxièmes lits à grains fins . 13 hect. 26 hectares. Cette surface, extrêmement réduite, doit être comparée, par exemple, à celle qui est nécessaire dans le système parisien de l’épuration par le sol 10U.0UÜ'“3X36S J - - =90U heeta™ Cette dernière surface est 33 fois plus grande que celle que néces. sitent les traitements bactériens. Conclusions De toutes les expériences faites en Angleterre, il résulte que L’ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 443 les eaux épurées convenablement par les procédés bactériens ne contiennent plus de matière organique ; mais elles contiennent un assez grand nombre de bactéries. Il est vrai que celles-ci ne sont pas plus abondantes dans les eaux eltluentes que dans l’eau de Seine, par exemple, prise en amont de Paris. On pourrait donc impunément rejeter ces eaux épurées dans les rivières à moins qu’on ne préfère diminuer le nombre des germes par une irrigation subséquente sur le sol. C’est ainsi qu’actuellement les instructions du « Local Govern¬ ment Board » prévoient l’obligation, pour les villes qui ont recours aux procédés bactériens, de faire subir à l'effluent une dernière épuration par le sol; mais en fait, dans la plupart des cas, les villes déversent directement l’effluent dans les rivières sans aucun inconvénient et en attendant que cette faculté soit officiellement accordée par le Gouvernement. On trouvera en annexe, à la fin du rapport, les instructions rédigées à ce sujet par le « Local Government Board » et qui datent d’octobre dernier; le nota qui les précède montre bien que nous sommes, eu cette matière, en pleine période d’évolution, puisqu’il en souligne le caractère provisoire. Il paraît probable que, les eaux effluentes des lits bactériens étant fortement nitratées, il n’y existe pas de bactéries pathogènes, car plus l’aération et la nitrification sont complètes, plus il y a de probabilité que les bactéries pathogènes soient détruites. Nous en avons dit assez, nous l’espérons du moins, pour pénétrei’ le lecteur de l’importance des nouveaux procédés d’épuration mis en pratique en Angleterre et qui révolutionnent complètement l’épu¬ ration chimique si en faveur dans ce pays. Nous avons intérêt aussi en France à étudier la question de très près, car les procédés bactériens pourraient trouver leur application dans un grand nombre de cas où, faute de terrains appropriés, il est impossible de recourir à l’épuration par le sol. Ce n’est pas à dire qu’à Paris il y ait lieu de modifier ce qui a été fait, l’épuration par le sol conservant son incontestable supé¬ riorité; mais les procédés nouveaux nous semblent appelés néan¬ moins à y jouer un rôle important et, à ce titre, ils méritent de retenir notre attention et de provoquer nos études. Nous entre¬ voyons que l’épuration bactérienne pourrait, à divers points de F. LAUNAY SU vue, devenir l’auxiliaire indispensable et le régulateur de l’épan¬ dage. Dans la situation actuelle, en effet, les besoins de la culture, comme irrigation, variant avec les saisons, il arrive qu’à certains moments la culture est gênée pour absorber le débit des égouts et que, dans une certaine mesure, la culture est subordonnée aux nécessités de l’épuration. La création de lits bactériologiques permettrait, à certaines époques, d’épurer le trop-plein des champs d’irrigation sans janiais compromettre les récoltes; ce serait un excellent régulateur pour la culture. D’un autre côté, la consommation d’eau de Paris allant sans cesse en augmentant et le département de la Seine devant égale¬ ment épurer ses eaux d’égout, il faut songer à augmenter la surface des champs d’épandage ; et, sans compter les difficultés que ren¬ contre la Ville chaque fois qu’elle crée de nouveaux champs d’irri¬ gation à l’eau d’égout, il est certain que plus les eaux d’égout s’éloignent de Paris, plus elles subissent dans les émissaires la fermentation anaérobie et plus elles sont nauséabondes. La transformation préalable des eaux par les traitements bac¬ tériens faisant disparaiti’e tous les éléments putrescibles remédierait à cet inconvénient grave, et permettrait donc de transporter ensuite les eaux claires et épurées au loin, où la culture pourrait encore les utiliser, en supprimant les mauvaises odeurs, cause de la lutte constante et prolongée entre la culture, qui veut utiliser les eaux d’égout, et la villégiature qui, ne les utilisant pas, en redoute les odeurs. De toutes façons, grâce aux lits de bactéries, on aurait la faculté ou de limiter l’extension des champs d’épandage, ou d’en ci’éer de nouveaux, sans rencontrer les difficultés d’emploi des eaux brutes auxquelles la Ville s’est heurtée jusqu’ici en Seine-et-Oise. En d’auti'es termes, la création de lits bactériens permettrait de faire fonctionner l’épuration par le sol dans les meilleures condi¬ tions pour la culture qui ne serait plus son humble esclave, et cela serait de nature à supprimer, pour l’avenir, toutes les difficultés que suscitent à la Ville soit l’exploitation des champs d’épandasre actuels, soit la création des nouveaux. En résumé, nous sommes convaincu que les nouveaux procédés que nous avons décrits sont appelés à rendre de réels services dans ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 243 notre pays, et à Paris notamment. Le Conseil municipal a bien voulu, sur notre demande, nous accorder un crédit de 2S. 000 francs pour les études et la création d'un laboratoire ; il importe en effet de savoir comment les procédés nouveaux pourront êti'e adaptés aux eaux d’égout parisiennes, différentes par leur nature du sewage des villes anglaises, plus diluées, moins riches en matière organique soluble, contenant plus de matières inertes, comme les boues de rue et le sable; et il convient aussi de compléter par des recherches bactériologiques les analyses anglaises qui ont été poursuivies sur¬ tout au point de vue chimique. Il y a là, comme on le voit, un vaste champ d’études à explorer tout en continuant à se tenir au courant des résultats obtenus en Angleterre. C’est ce que nous ferons avec ardeur et l’intime conviction que l’adoption de ces nouvelles méthodes marquera une date mémorable dans l’histoire de l’assainissement des villes et de la science de l’hy¬ giène. ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOIDÉ DANS l’armée D’AFRIQUE Par le D' GRANJDX En 1890, le professeur Kelsch écrivait : « Le trait le plus saillant de la fièvre typhoïde en Algérie, c’est sa fréquence et sa gravité plus grandes qu’en France. Il y a longtemps que la statistique militaire met en relief cette différence*... » MM. Chavigny et Malbot viennent de confirmer non seulement cette donnée, mais de la compléter, eu quelque sorte, par cette affirmation que « la fièvre typhoïde frappe d’une façon de plus eu plus fréquente les troupes d’Algérie*. » Nos confrères appuyent leur dire sur les courbes de la morbidité typhoïdique publiées par la statistique médicale de l’armée. Cette 1. La fièvre typhoïde dans les milieu.t militaires. (Rev. d’hygiéne, 1890, p. 803.) 2. Epidémiologie algérienne. — La fièvre typhoïde à Constaotine. [Bulletin médical de V Algérie, octobre et novembre 1890.) 216 D' GRANJÜX base ii’enti'aîiie pas, il nous semble, un caractère suffisant de certi¬ tude, car un certain nombre de fièvres typhoïdes non suivies de mort — surtout les formes légères — figurent sous un nom d’em¬ prunt : embarras gastrique, grippe, etc. Aussi nous préférons dans cette étude nous baser sur la mortalité qui a pour elle la confirma¬ tion des nécropsies. En outre les graphiques ont montré depuis longtemps que sa courbe est sensiblement parallèle à celle des atteintes réelles. Enfin la connaissance du chiffre des décès a, pour apprécier les effets d’une maladie, une autre importance que le nombre des atteintes. Eh bien voici, d’après la statistique médicale de l’armée, le tribut que chaque année la fièvre typhoïde prélève sur notre armée en Algérie : En 1874 . 144 décès 1875 . 177 — 1876 . 211 ~ 1877 . 196 — 1878 . 231 — 1879 . 213 — 1880 . 252 — 1881..... 818’ — 1882 . 567 — 1883 . 165 — 1884 . 244 — 1885 . 130 — 1886 . 168 — Un simple coup d’œil jeté sur ce tableau fait voir que si MM. Cha- vigny et Malbot — qui lors de l’élaboration de leur travail n’avaient pas encore connaissance de la statistique pour l’année 1898 — ont donné une formule dont la précision n’est pas adéquate à la réalité des faits, ils l’ont néanmoins serrée de très près. S’il n’y a pas pro¬ gression, au sens exact du mot, du moins le chiffre des décès, malgré ses oscillations, se tient à un niveau considérable, surtout si l’on compare la mortalité des troupes d’Afrique à celle des régi¬ ments de la métropole, ainsi que permet de le faire le tableau ci-contre : En 1887 . 212 décès. 1888 . 212 — 1889 . 246 — 1890 . 198 — 1891 . 242 — 1892 . 182 — 1893 . 230 — 1894 . 324 — 1895 . 295 — 1896 . 170 — 1897 . 250 — 1898 . 207 — 1. Expédition de Tunisie. ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 2t- Celte différence entre la proportion des victimes faites par la fièvre typhoïde parmi nos soldats suivant qu’ils servent en France ou en Afrique est, en réalité, encore plus considérable que nous l’indique le tableau ci-dessus. En effet les indigènes compris dans les effectifs africains ne sont que rarement atteints de la dothiénen- térie; par suite les morts que cette maladie cause dans les régiments de spahis ou de tirailleurs incombent à peu près exclusivement à l’élément français, dont la mortalité réelle est plus élevée que le chiffre donné par la statistique. Par rapport à la fièvre typhoïde l’armée d’Afrique se trouve en mauvaise posture, non seulement vis-à-vis des troupes de France, mais aussi par rapport à la population africaine. En effet, d’après Crespin, la mortalité moyenne de la fièvre typhoïde dans la population civile pendant cinq ans — d890 à 1894 — serait, pour 1 ,000 habitants, de 2,6 pour la ville la plus chargée, Bel-Abbès, et de 0,29 pour le centre le moins frappé. Bougie, c’est-à-dire bien loin de ce qu’elle atteint dans le milieu militaire MM. Ghavigny et Malbot® ont mis en relief d’une façon plus pré¬ cise ce désaccord entre le nombre des atteintes de la fièvre typhoïde chez les civils et chez les militaires, en opposant à Constantlne les deux statistiques locales. Sur 20,000 Européens environ, on compte : En 1897, 0 cas; en 1898, 29 cas; en 1899, 19 cas. 1. La fièvre typheïde dans les pays chauds, p. 30. Crespin. J.-B. Baillière. Paris, 1901. 2. Loe. cit., p. 18o. 248 D' GRANJUX La population militaire sur un effectif de 3 à 5,000 hommes — c’est-à-dire représentant à peine le quart de la population civile — a fourni ; En 1897, 43 cas; en 1898, 34 cas ; en 1899, 146 cas. Cette fréquence excessive de la fièvre typhoïde dans les troupes d’Afrique par rapport à l’armée de France et aux colons algériens étant établie, il nous reste à en rechercher les causes. M. le médecin inspecteur Relsch , dont il faut toujours consulter les travaux quand on se hasardé dans l’épidémiologie militaire , a insisté avec raison sur le rôle de la chaleur dans l’évolution annuelle de la fièvre typhoïde en Algérie. Cette opinion a été confirmée par tous les observateurs , mais comme la chaleur est un facteur com¬ mun à toute la population africaine, il faut chercher ailleurs la raison de la différence dn chiffre des atteintes chez les civils et chez les militaires. Par suite, on est amené à soupçonner les causes locales, d’autant que les foyers typhogènes — à part quelques exceptions — varient d’une année à l’autre. MM. Chavigny et Malbot estiment que deux points , seuls, méri¬ tent d’arrêter l’attention : 1" l’abaissement de la durée du service militaire, qui a pour conséquence de donner sous les drapeaux une plus forte proportion de jeunes soldats et pour un même effectif de renouveler plus souvent le contingent; 2° l’infection du milieu. « Est-ce l’air, est-ce l’eau , est-ce le sol qui sert d’habitat et de véhicule au germe de la maladie? C’est difficile à dire, encore plus difficile à prouver, malgré toutes les analyses ; mais il semble que la fièvre typhoïde s’attache à certaines localités, à certains caserne - ments. Une fois installée, elle laisse échouer contre elle tous les moyens de désinfection , et toute troupe qui vient occuper le local contaminé fournit de nouvelles victimes * . » Cette façon de comprendre la genèse de la fièvre typhoïde est trop étroite, et a, pensons-nous, le tort de négliger la préparation, par la fatigue ou l’encombrement, du terrain où la graine va pul¬ luler. Combien nous préférons les lignes suivantes de M. Kelsch : « Les épidémies de garnison ont donné lieu aux mêmes observa¬ tions qu’en France. Elles sont attribuées par nos collègues à l’infec¬ tion des vieilles casernes, à la vétusté des planchers, à l’intallation 1. Loc. cit., p. 188. ETIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 249 OU aux vidanges défectueuses des latrines, aux émanations des égouts à ciel ouvert , à l’encombrement ou au défaut d'aération des chambres, à l’augmentation momentanée des effectifs, aux travaux de terrassement, à la débilitation rapide des jeunes soldats, inca¬ pables de lutter à la fois contre les fatigues de l’acclimatement et de l’entraînement militaire; enfin, à la souillure spécifique de l’eau de boisson , dénoncée dans maintes circonstances par des témoignages épidémiologiques formels*. » Depuis les dix années où ces lignes ont été écrites, elles sont demeurées toujours vraies et exactes, sauf en ce qui concerne l’ori¬ gine hydrique dont la part a été sinon supprimée — qui pourrait jamais l’affirmer — du moins considérablement réduite, car « l’Al¬ gérie a bénéficié des mêmes mesures que la France : étude spéciale des eaux de boisson, installation de filtres Chamberland dans beau¬ coup de postes, etc. » Pour démontrer la puissance de tous les autres facteurs dénoncés par M. Kelsch , nous allons rapidement résumer la partie consacrée dans la dernière statistique de l’armée à l’étiologie des épidémies typhoïdiques en Afrique : Alger. Epidémie au bastion XV, due aux émanations de l’égout collecteur, qui débouche à ciel ouvert dans la mer, sous les fenêtres des hommes qui ont été atteints. Laghouat. Pour le directeur, « les fosses Mourras qui, faute d’eau, fonctionnaient mal et dégageaient des émanations nauséa¬ bondes , étaient le seul facteur à incriminer. » (Les fosses Slourras constituent une sorte de tout à l’égout; elles se composent d’une fosse étanche dans laquelle plongent un tuyau de chute et un tuyau d’amenée d’eau ; elles ont en outre un trop-plein par lequel s’écoule l’excès d’eau. Leur bon fonctionnement dépend donc de la quantité d’eau disponible; quand celle-ci fait défaut, la fosse Mourras rede¬ vient une fosse fixe avec tous ses inconvénients.) « Sans contester les effets morbides du méphitisme des fosses Mourras, le Comité technique de santé n’hésite pas à incriminer au premier chef l’insa¬ lubrité de l’eau de boisson », alors que le directeur affirme « l’inno¬ cuité de l’eau obtenue soit par les filtres Chamberland, soit par l’ébullition. » 1. loc. cit., p. 896. S!. Chavigny et Malbot, p. 188. D- GRANJUX Blidah. On ne trouve à signaler que les défectuosités de l’hygiène urbaine. Bel-Abbès. « Les principaux facteurs paraissent être l’infection du sol et la pollution des eaux de puits consommées en dehors des casernes. » L’encombrement est signalé, d’autre part, comme un des facteurs adjuvants des plus puissants. Oran. « Le quartier du Château-Neuf, dont l’insalubrité a été maintes fois signalée, a été, comme d’habitude, le plus atteint, malgré les nombreuses désinfections dont il a été l’objet. Mais au-dessus de ces défectuosités locales , on retrouve des causes plus générales d’insalubrité relevant de l’hygiène urbaine. » Saïda. On suspecte l’eau de boisson, même filtrée, et celle des puits de la ville qui a pu être consommée clandestinement. Tlemcen. « Le casernement ne paraît pas en cause, bien que la caserne du Gourmelah, située dans un quartier malsain, ait été particulièrement atteinte. D’autre part, l’enquête locale a fait écarter l’origine hydrique, en raison de l’immunité de la population civile et de la présence de filtres dans les établissements militaires. » Cependant la statistique fait « à ce sujet les plus expresses réserves'. » Aïn-Sefra. La fièvre typho'ide est attribuée à la pollution des nombreux puits de la ville. Biskra. Toutes les causes autres que la chaleur sont éliminées. « On ne peut donc que s’associer au vœu de voir les troupes euro¬ péennes évacuer, pendant l’été, la garnison de Biskra.. » Batna. On accuse les défectuosités de l’hygiène urbaine, « en particulier l’installation vicieuse des égouts, simples ruisseaux à ciel ouvert. » Tunis. On incrimine l’infection provenant des latrines Mourras. Souk-el-Arba. On se plaint de l’infection du sol par les eaux résiduelles. Bizerte. On incrimine d'importants ti-avaux de terrassement entrepris par le génie à proximité des troupes. Sfax. On met en jeu les défectuosités de l’hygiène urbaine et, peut-être, Teau bue en ville. A Constantine, MM. Chavigny et Malbot d’une part, M. Billet d’autre part, sont arrivés aux mêmes conclusions : le fort de Bcl- levue est le véritable foyer d’infection typho'fdique de Constantine. « L’épidémie de 1899 du fort de Bellevue semble avoir pris son origine dans l’ensemble de plusieurs causes, les unes extérieures au ÉTIOLOGIE- DE LA FIÈ\RE TYPHOÏDE casernement (proximité d’une briqueterie utilisant du fumier des¬ séché à l’air comme combustible, voisinage d’un dépotoir et du cimetière musulman); les autres intérieures (nature du sol pei- méable aux infiltrations, défectuosité des fosses d’aisance du système Mourras, de l’infirmerie et des locaux disciplinaires, et enfin libre écoulement au dehors, sans chasse d’eau suffisante, des urines et des eaux de lavoir ‘ . » Nous écrivions dernièrement : « Quand on examine, sans parti pris, les conditions dans lesquelles la fièvre typhoïde se développe dans l’armée, on trouve, en général, une constante ; la fatigue ou l’encombrement, en un mot, le surmenage qui prépare le terrain, et des éléments variables, représentés par les dififéi-ents milieux où le bacille d’Eberth — la graine — cultive (eau, sol, planchers, égouts, etc.) et les voies variables d’invasion par lesquelles il pénètre dans l’organisme (appareils digestif, respiratoire) * ». Cette appréciation est absolument confirmée parles faits qui viennent d’être exposés. En Afrique, le terrain est mis à point par la chaleur à laquelle viennent s’ajouter les fatigues inhérentes à la préparation pour l’ins¬ pection générale et aux manœuvres. Ce qui prouve bien la réalité de cette association, c’est que, pour les civils soumis à la seule actio'n de la température, le maximum des décès typhoïdiques a toujours lieu à une échéance fixe, septembre (Crespin, p. 141), tandis que pour les militaires il se présente à des époques variables. (1894, août — 1893, 1896, 1897, octobi-e — 1898 août), ce qui suppose une cause seconde. L’encombrement, lui aussi, joue un rôle trop important pour être passé sous silence. Quand on lit dans la statistique qu’à Bel-Abbès : « Le casernement du 1" étranger, construit primitivement pour 1.800 hommes, en renferme 3.300 », on n’est pas surpris de voir que «Bel-Abbès est encore le siège d’une manifestation typhoïdique presque aussi redoutable qu’en 1897, avec 247 cas et 42 décès. Le l*’’ étranger en fait à peu près tous les frais : 240 malades ». De même, on comprend que «l’envoi d’un bataillon de 1.000 hommes de ce régiment au camp de Parmentier, dès le 6 juin, n’a pas donné 1. Billet. La fièvre typhoïde dans la garnison cio Oonstantine en 1899. [Arch. méd. milit., 1901, n» 2, p. 127.) 2. L’étiologie de la fièvre typhoïde dans l’armée devant le .Sénat. La théorie hydrique (Bullelin médical, 1901, n" 11, page 117). 252 D' GRANJUX de résultat plus satisfaisant qu’en 1897, puisque ce bataillon dut évacuer 48 typhoïdiques sur l’hôpital de Bel Abbès. » Cette question de terrain élucidée, il reste à préciser les réservoirs dans lesquels la graine s’accumule silencieusement jusqu’au jour où, trouvant le milieu qui lui convient, elle en affirme brutalement sa prise de possession. Et, tout d’abord, quelle part revient à l’origine hydrique dans la production de la fièvre typhoïde dans l’armée d’Afrique ? Dans l’article, dont nous citions plus haut quelques lignes, nous avons démontre, d’après la statistique médicale, que la réalisation du plan pour l’amélioration de l’eau de boisson de la troupe, avait eu pour résultats de réduire progressivement de 1/S, au moins, la mortalité typhoïdique de l’armée française prise en bloc. Cette cam¬ pagne hygiénique a été menée en France et en Afrique et semble avoir donné des résultats différents dans ces deux pays. En effet, tandis que, en France, le chiffre de la mortalité typhoïdique annuelle est allé en diminuant au fur et à mesure que le régime des eaux s’améliorait, on ne voit rien de semblable pour les troupes d’Afrique. Le tableau ci-dessous montre que le chiffre des décès par dothiénentérie varie encore maintenant d’une année à l^autre, en Afrique, avec une ampleur qui contraste avec le peu d’oscillations du nombre relatif aux régiments de France. ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 2S3 Cette absence de résultats palpables ayant suivi l’amélioration de l’eau de boisson en Afrique, ne peut s’expliquer que par l’une de ces trois hypothèses : les filtres ont fait faillite ; les hommes boivent en ville de l’eau contaminée ; l’origine hydrique n’est ici qu’au second plan parmi les facteurs typhogènes. La mauvaise qualité de l’eau malgré le filtrage a pour elle l’opi¬ nion du Comité de santé, à propos de l’épidémie de Laghouat et les deux passages suivants de la statistique : Saïda. — « L’eau de la source d’Aïn-Sultan qui alimente les éta¬ blissements militaires, polluée dès son origine et tout le long de son parcours, par suite des mauvaises conditions de captation et d’ad¬ duction, n’a pas toujours paru irréprochable, même après son pas¬ sage au filtre Chamberland. » Tlemcen. — « La sécurité donnée par les filtres est subordonnée à leur fonctionnement irréprochable qui peut se trouver momenta¬ nément en défaut. » En somme, ce ne sont là que des hypothèses sans analyses, sans preuves à l’appui. Comme d’autre part, la très réelle action des filtres sur l’eau a été constatée dans les casernements de France, il n’y a pas de raison pour que les filtres aient fait faillite en Algérie. La supposition que les hommes s’infectaient en buvant hors de la caserne de l’eau malsaine devait, à fortiori, être émise par les per¬ sonnes qui suspectent même l’eau filtrée des casernes ; et de fait, la chose a eu lieu. A Saïda, à Tlemcen, à Aïn-Sefra, à Bel-Abbès, on incrimine les puits de la ville. Dans les pays chauds comme l’Afrique, il est rationnel d’admettre que le troupier, quand il sort du quartier, peut faire usage dans les cafés et cabarets de boissons coupées d’eau , encore que le troupier d’Afrique n’ait jamais passé pour un buveur d’eau. Mais ce mode de contamination s’il existe ne doit, en réalité, jouer qu’un rôle bien secondaire puisque les militaires des corps d’épreuve, par conséquent ne sortant pas en ville, ont cependant la plus forte mortalité typhoïdique , ainsi qu’il ressort du tableau ci-dessus : DÉCÈS 0,82 p. 1000 1,47 — 2,72 — Turcos . Spahis . Chasseurs d’Afrique. 26i D' GRANJUX DÉCÈS Zouaves . 4,18 p. 1000 Bataillons d’Afrique . 4,54 — Régiment étranger . 6,21 — Compagnie de discipline . 6,39 — Ce tableau, très suggestif, démontre d’une façon indiscutable, que la mortalité typhoïdique du corps d’Afrique, qui croît en raison inverse de la liberté dont jouissent les militaires, ne peut être fonc¬ tion de l’eau bue en dehors du quartier ! Reste la dernière hypothèse : Ce n’est pas seulement par élimination qu’on est amené à attri¬ buer à l’eau ce rôle relativement effacé; le petit nombre de fois où cette étiologie est consignée dans la statistique, est la meilleure des preuves. Elle est du reste corroborée par ce qu’on observe dans la population civile d’Algérie, où la genèse de la dothiénentérie est résumée par le D’’ Crespin dans ces trois propositions : « 1° Les villes qui sont le plus éprouvées par la fièvre typhoïde sont celles ou l’hygiène est la plus défectueuse ; « 2“ Les conditions climatériques (chaleur, humidité) intervien¬ nent pour faire éclore les cas de fièvre typhoïde ou les aggraver ; « 3“ Certaines dispositions spéciales , propres à quelques villes, sont favorables à l’épuration du sol (situation sur un plateau aux pentes abruptes) et diminuent la mortalité typhoïdique » On ne peut guère, â priori, s’expliquer ce rôle relativement effacé, eu Algérie, de l’eau comme facteur typhoigène qu’eu suppo- saiit que dans ce pays il est plus facile gn’eu France de. s’approvi¬ sionner d’eau pure. A l’appui de cette hypothèse, nous pourrons citer les lignes suivantes du D'' Crespin , relatives à la prophylaxie publique : « Elle consiste dans l’adduction d’une eau pure, restant pure dans tout son trajet, comme l’a fort bien dit M. Brouardel. « En Algérie, l’eau pure est facile à capter dans la plupart des centres (excepté dans le Sud), soit grâce aux sources, soit grâce aux puits artésiens 2. » En passant au second plan , l’origine hydrique laisse en première 1. Loc. cit., p. l'i. 2. Loc. cit., p. 168 ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 23S ligne comme facteurs typhogènes les défectuosités hygiéniques des villes et celles des casernements. Parmi les défectuosités urbaines, signalées par la statistique, quelques-unes sont typiques : « A Bel- Abbés , le service de la voirie laisse beaucoup à désirer, notamment dans les faubourgs et aux abords de la ville, où le séjour de nombreux Marocains à l’époque de la moisson et des vendanges vient encore multiplier les causes d’infection. A Orati, installation déplorable des égouts, dont une partie coule à ciel ouvert, laissant déposer sur les berges des immondices et des détritus que l’on peut à bon droit soupçonner de laisser échapper des germes typhoïgènes. A Bailla, les défectuosités de l’hygiène urbaine ii’y sont sans doute pas étrangères, eu particulier, l’installation vicieuse des égouts, simples ruisseaux à ciel ouvert, qui vont se déverser dans l’Oued- Batna, dont les crues fréquentes entraînent le contenu jusque dans la partie basse de la ville. » Du reste, le docteur Crespin est très affirmatif à ce sujet et il dit textuellement : « Ce qu’il faudra éviter à l’avenir, c’est la construc¬ tion d’égouts aussi défectueux que ceux qui existent actuellement dans un grand nombre de villes en Algérie. » (p. 163). La meilleure preuve de l’influence des vices de l’hygiène urbaine sur la production de la dothiénenterie dans les garnisons, résulte de cette constatation que les villes où l’endémie typhoïdique est le plus élevée sont aussi celles où les troupes sont le plus souvent soumises aux épidémies de cette nature. Qu’on jette un coup d’œil sur le tableau ci-dessous, où quelques villes d’Algérie sont rangées d’après le nombre décroissant de la moyenne des atteintes annuelles eberthiennes pour mille habitants *, et on y verra en tête des noms ti'op connus dans l’épidémiologie militaire, tandis que les derniers ont meilleure réputation ; Sidi-Bel- Abbés.. . 2,0 Mostagancni . .... 1,12 Batna . . 2,01 Mascara . .... 0,95 Tlemceii . . 2,5 Alger . .... 0,80 Conslanlinc .... . 2,48 Guelma . .... 0,75 Sélif. . 2,11 Philippeville . .... 0,65 Oran . . 1,89 Mustapha . .... 0,39 Blidah . . 1,65 Soukharas . .... 0,3 Bône . . 1,51 Bougie . .... 0,29 1. Crespin. Loc. cil., p. 286 D' GRANJUX Quant aux défauts des casernements, ils ne sont pas signalés avec moins de franchise par la statistique: Nous avons déjà cité le bastion XV à Alger, où les fenêtres s’ouvrent sur un égout débou¬ chant à ciel ouvert. A Médeah, la caserne Gamou est signalée comme un « foyer permanent d’infection ». A Oran, « le quartier du Château-Neuf, dont l’insalubrité a été maintes fois signalée , a été, comme d’habitude, le plus atteint, malgré les nombreuses désin¬ fections dont il a été l’objet. » En ce qui regarde Constantine, nous ne reviendrons pas sur l’insalubrité du fort de Bellevue, si bien établie par MM. Billet , Chavigny et Malbot. Il s’en suit donc que si l’autorité militaire a le devoir d’amener les villes sièges de garnison à améliorer leur hygiène , réciproque¬ ment celles-ci ont le droit de réclamer l’assainissement des casernes malsaines, droit que MM. Chavigny et Malbot ont exposé en les termes suivants : « Certains bâtiments militaires sont infectés à fond ; si l'on tient pour exact cette affirmation courante que la fièvre typhoïde est peu commune dans la population civile, il n’en est pas moins vrai qu’à proximité de tels foyers endémiques, tous les habitants doivent craindre la contamination des milieux où ils vivent (p. 228) ». Nous sonimes maintenant suffisamment armés pour pouvoir conclure et nous dirons : 1“ En Afrique, la chaleur fait du soldat un terrain dé culture pour le bacille d’Eberth, plus favorable encore qu’en France. D’où nécessité, si l’on veut augmenter la force de résistance de nos trou¬ piers, d’apporter dans leur hygiène individuelle toutes les amélio¬ rations compatibles avec les exigences de la vie militaire. 2” Bien que l’origine hydrique semble jouer, dans la genèse des épidémies de fièvre typhoïde qui frappent l’armée d’Afrique un rôle moins considérable que celui qu’elle détenait dans la métropole, l’eau de boisson ne doit pas cesser d’être l’objet de la surveillance incessante, et de profiter de toutes les améliorations qui pourront être apportées aussi bien à sa purification, (filtrage, stérilisation) qu’aux qualités qui la rendent agréable à boire et facile à digérer (aération, réfrigération, etc.). 3“ Les principaux centres d’approvisionnement en bacilles d’Eberth sont, pour l’armée d'Afrique, les villes malsaines et les casernes infectées. 4® L'autorité militaire a le droit et le devoir de demander aux ÉTIOLOGIE DE LA FIÈVRE TYPHOÏDE 2S7 municipalités des villes de garnison de faire disparaître les vices hygiéniques entretenant l’endémie locale typhoïdique qui eontamine les soldats. I..e moyen de faire aboutir ces demandes aussi utiles aux civils qu’aux militaires, est très simple. Il suffit, en effet, que le commandement parle de retirer la troupe, ou qu’il consigne les éta¬ blissements publics à la garnison, pour que la résistance cesse. Mais ee sont là, en définitive, des mesures de coercition auxquelles il est toujours regrettable de recourir. En Algérie, en bien des endroits, la chose pourrait se passer d’une façon plus pacifique et voici comment : Depuis un certain temps, en Algérie, les villes de garnison — qui sont en même temps les principaux foyers de fièvre typhoïde — demandent que l’administration de la guerre leur cède les hôpitaux militaires pour en faire des hôpitaux civils, où les soldats seraient traités selon un prix à débattre. L’autorité militaire aaccédé en prin¬ cipe à cette proposition, mais on n’a pu s’entendre, parce que les colons voulaient qu’on leur donnât gratuitement les établissements que le ministre de la guerre n’entendait céder que contre rembour¬ sement. D’après une lettre écrite en 1898 par le gouverneur général et citée par M. Treille à la tribune du Sénat le 4 février 1901, on lit que « les difficultés financières ne sont plus à appréhender, les cessions ne devant plus avoir lieu à titre onéreux. Si les choses en sont arrivées à ce point, si l’État consent à faire cadeau à quelques- uns d’un domaine qui appartient à tous, il pourrait, tout au moins, exiger que les villes pour lesquelles il se dépouillera bénévolement, dépensent pour l’amélioration de leur hygiène une somme équiva¬ lente au montant de la valeur du cadeau qui leur est fait. De cetté façon, l’Armée ne perdra pas tout, car l’état sanitaire des garnisons y gagnera. 5® Quant aux casernements infectés, il faut les désinfecter et les assainir ; si ce but ne peut être atteint, l’abandon, la destruction s’imposent, car, agir autrement, c’est exposer inutilement le soldat à la mort, c’est commettre un crime à l’égard du pays. Si par hasard l’autorité militaire persistait à maintenir dans son intégrité une de ces fabriques de fièvre typhoïde — comme le fort de Bellevue à Constantine — la municipalité aurait le droit de se protéger contre ce logement insalubre ; c’est ce qu’indiquent fort bien MM. Chavigny et Malbot dans les lignes suivantes : (p. 228) « De même que pendant les épizooties, les villages infectés sont RIÎV. U’UYG. xxiu. — 17 258 SOCIÉTÉ DE MÉDECmE PUBLIQUE signalés par des pancartes affichées à l’entrée, le fort de Bellevue mériterait de recevoir sur sa porte un écriteau : « casernement infecté » pour attirer sur ce point l’attention des habitants. 6” En résumé, si les municipalités et l’autorité militaire le vou¬ laient, il serait possible en Algérie de supprimer nombre de foyers typhoïgènes et de réduire ainsi la mortalité de nos soldats. Le vou¬ dront-elles... sérieusement ? L’avenir le dira. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE ET DE GÉNIE SANITAIRE Séance du 27 févrieh 1901. M. le Secrétaire général adjoint donne lecture du procès verbal de la dernière séance. Le procès verbal est adopté sans observation. L’ordre du jour appelle la discussion de la communication de M. Gé- rardin sur les Odeurs de Paris L DISCUSSION M. Tbélat. — J’ai lu avec grand soin et grande attention la communica¬ tion de notre collègue, M. Gérardin. Mais je dois avouer que son travail est présenté avec une telle concision que, malgré le vif intérêt qu’avait excité en moi son exposition verbale et le désir que j’avais de l’apprécier avec précision, je n’ai pas trouvé dans ma lecture la possibilité de le faire. Je ne comprends pas encore, à l’heure qu’il est, l’installation que M. Gc- rardin a faite à Clioisy-le-Roi pour épurer l’air infecté de la conduite d’abduction de l’usine. En un mot, je me demande quel est le dispositil local qui permet de faire passer l’air infecté à travers de la terre ? Je serais reconnaissant à notre collègue s’il voulait bien nous le détailler. M. Brothier de Roluère. — Je rappelle que M. Sclilœsing s’est occupé du môme sujet. En ce qui concerne le désinfectant à employer, je crois qu’il conviendrait de choisir la tourbe dont le coefficient d’ab- l. Voir Revue d’hygiène, 1901, p. 1.31. SOCIÉTÉ DE MÉDECLVE PUBLIQUE 289 sorplion des gaz est maximum. Quant aux ventilateurs, on lait presque toujours usage de ventilateurs centrifuges, mais on peut obtenir avec des ventilateurs centripètes des pressions assez bonnes et de gros débits. Pour se débarrasser des fumées, on a recours à des cheminées très élevées. Pourquoi n’aspirerai l-on pas les fumées à la sonie des foyers? Les matières qu’elles contiennent en suspension seraient arrêtées par un système de chicanes, et les produits solubles pourraient être retenus par un barbottage dans l’eau qui permettrait de les récupérer ultérieure¬ ment ; enfin les gaz restants, formés presque exclusivement d’acide car¬ bonique, seraient rejetés dans l’atmosphère. 11 est d’ailleurs nécessaire avant d’adopter un système de traitement des fumées de connaître, pour chaque industrie, l’analyse des gaz qu’elle produit. M. Gérardin. — Ma communication a pour but de présenter une méthode générale de destruction des odeurs des établissements classés, et j’en ai éliminé tout ce qui est relatif aux procédés qu’on peut employer pour atteindre ce résultat. La méthode générale que je propose se résume dans les trois proposi¬ tions suivantes : 1“ Il faudrait pouvoir doser chimiquement les matières organiques de 2° Il faudrait pouvoir capter et détruire ces matières organiques ; 3“ Il faudrait pouvoir insuffler dans la terre l’air odorant des établis¬ sements classés pour le désinfecter. Sui- la première proposition, la nécessité du dosage chimique des odeurs de l’air, il n’y a ancnne objection. Le permanganate est toujours applicable ; il donne de bons résultats ; je l’ai adopté. M. Trélat a demandé quelle est l’unité adoptée. Je n’ai eu garde de proposer une unité. Je me sers seulement d’une échelle dont les degrés sont le nombre de milligrammes d’acide oxalique éijuivalent au poids des matières organiques contenues dans 1,000 milligrammes d’air. Le degré ozomélrique 3, par exemple, indique (jue le poids de la matière organique (en acide oxalique) est au poids de l’air comme 3 est à 1,000, ou 3/1000. M. le D’’ Vallin et le D” A. Gérardin, mon fils, ont signé l’article Déàn- feclanls dans le Dictionnaire des Sciences médicales de Dccliambre. Ils classent les désinfectants en 4 groupes ; I" ftloyens mécaniques ; 2” absorbants désodorants; 3° antiseptiques; 4® antivirulents. Les anti¬ virulents et les antiseptiques sont en dehors de la question qui nous occupe. Les absorba.its sont chimiques ou physiques. Les absorbants chimiques sont les sels métalliques en général ; leurs dissolutions sont très elficaces pour désinfecter les solides et les liquides. Ce n’est pas notre cas. Les absorbants physiques sont les poudres sèches, le charbon et la terre. L’emploi des poudres sèches est peu connu en France. Le charbon retarde la décomposition des matières organiques. La terre argileuse ou de jardin, au contraire, l’accélère. Il faut donc choisir la terre argileuse. 360 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE M. de Freycinet, dans son Traité de Tassainissement industriel, donne la préférence aux moyens mécaniques ; il recommande, pour atténuer les dégagements odorants : l’isolement, les hautes cheminées^ la conden¬ sation dans l’eau et la combustion dans les foyers. Dans mon service d’inspection des établissements classés, je n’ai pas eu souvent à me louer de ces moyens prescrits par les arrêtés d’autori¬ sation. M. Livache. — Le travail de M. Gérardin est évidemment nouveau ; on avait Men tenté d’arrêter les mauvaises odeurs au moyen du charbon de bois, de la tourbe, etc, mais on n’avait pas encore proposé de faire circuier les produits odorants au travers de terre destinée non seulement à les retenir, mais encore à les détruire. Je tiens cependant à dire que l’industrie n’est pas aussi désarmée que semble le croire notre collègue, quand il s’agit de se débarrasser des principes odorants : en combinant la condensation et la combustion, l’ex¬ périence montre que l’on réussit à détruire toutes les mauvaises odeui’s, sans exception. Ce qui tend souvent à faire adopter une manière de voir différente, c’est que les prescriptions administratives de condensation et de combus¬ tion n’existent généralement que sur le papier, car peu d’usines s’as¬ treignent à les appliquer avec conscience. 11 existe bien une colonne destinée à produire la condensation, mais l’eau n’y circule pas ; il existe également un foyer spécial pour la combustion des produits ayant échappé à la condensation, mais il n’est pas allumé. A la vérité, dès qu’un inspecteur se présente, les choses changent; pendant les quelques minutes nécessaires pour qu’il se fasse cônnaître, les conducteurs des appareils sont prévenus : un robinet, le « robinet de l’inspecteur » est aussitôt ouvert, de l’eau circule abondamment dans la colonne ; de même, une pelletée de charbon incandescent, emprunté au foyer dé la machine à'vapeur et dont il est facile de constater la prove¬ nance aux escarbilles chaudes qui jalonnent le chemin, vient garnir le foyer spécial. Tout semble alors pour le mieux et l’en ne peut s’expli¬ quer les plaintes réitérées du voisinage. Lorsque, au contraire, un établissement est consciencieusement dirigé, on a toute satisfaction, et je citerai le fait suivant qui démontre bien la valeur du procédé : dans une usine de la banlieue où l’on effectue la fabrication du noir d’os, dont les produits sont particulièrement odorants et infects, on avait installé une colonne de condensation et un foyer de combustion. Le travail n’avait lieu que deux fois par semaine, et un vieux serviteur, seul gardien de la propriété, était chargé de l’entretien des appareils ; désireux de conserver cette place assez douce, il exécutait strictement les ordres donnés, et le résultat était tel qu’un jour, des industriels voisins, auxquels je citais cette usine comme modèle et je vantais les avantages de ce procédé de dénaturation des mauvaises odeurs, m’objectaient qu’on ne percevait pas, en effet, de mauvaises odeurs, mais que cela tenait uniquement à ce que cette fabrication de noir SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE 261 d’os étail arrêtée depuis une année ; or, je sortais de l’établissement qui était en plein fonctionnement. Mais je me suis peut-être laissé entraîner un peu loin de la discussion du procédé de M. Gérardin; je tenais néanmoins à répondre à une de ses observations et à affirmer qu’il existe des moyens certains, consacrés par la pratique, d’arrêter les mauvaises odeurs. Pour le procédé d’épuration par la terre, il donnera peut-être des résultats intéressants, mais il n’a encore été appliqué que dans un cas particulier et il a besoin d’être répété dans des circonstances variées et pour des industries dégageant des odeurs d’origine et de composition très diverses. On ne peut donc qu’encourager M. Gérardin à multiplier ses expériences, mais ce n’est que lorsqu’il apportera un nombre suffisant d’observations appuyées sur des chiffres précis qu’on pourra reprendre utilement cette discussion. M. Gérardin. — Les industriels sont excusables à cause du rendement extrêmement faible des foyers spéciaux destinés à brûler les ordures. Il y a une disproportion évidente entre la quantité d’ordures détruites et la quantité de charbon dépensée. En 1875, j’ai consulté M. Cbevreul à ce sujet. Il m’a dit qu’on n’arri¬ verait à rien, tant qu’on ne connaîtrait pas exactement la composition chimique des vapeurs odorantes que dégagent les établissements classés. Les difficultés que j’ai rencontrées dans cette voie sont telles, que j’ai dû chercher d’un autre côté, et songer à l’épuration de l’air par la terre. M. Schloesing a étudié l’aération spontanée du sol, et je me propose son aération mécanique. En juillet 1899, j’ai consulté M. Déhérain au sujet de mon projet d’in¬ suffler l’air dans la terre. Il m’a dit que cette expérience serait absolu¬ ment nouvelle et très intéressante, et que la destruction des ordures par la terre réussirait certainement. J’ai fait alors mes expériences au labo¬ ratoire de physiologie générale du Muséum. J’ai été longtemps arrêté par un robinet du gazomètre , dont l’œil , beaucoup trop petit pour le diamètre du tuyau, causait de grandes perturbations dans l’écoulement de l’air. Ces perturbations disparurent en réduisant la vitesse. Les expé¬ riences gagnent en exactitude ce qu’elles perdent en rapidité. M. Vallin. — Il ressort des explications que vient de nous donner M. Gérardin que, dans sa communication, il y a un point de doctrine et un fait d’application. Le point de doctrine est que l’air chargé de mauvaises odeurs se purifie à travers le sol de la même manière que l’eau d’égout dans l’épandage et par un processus biologique identique. Les gaz odorants ne se fixent pas seulement entre les molécules de la terre par une simple attraction physique, comme dans les pores du charbon ; la matière organique, odo¬ rante et volatile qui les constitue (mercaptan, acide butyrique , etc.), se décompose en ses éléments minéraux par l’action des ferments vivants du sol, tout comme la matière organique des eaux d’égout dans les champs d’épandage où le bacille de la nitrification est en pleine activité. iîH2 SOCIÉTii DE MÉDECINE PUDUQUE clans les badins de Dibdin , de llideal et de Camoron. C’est ainsi que s’expliquent les résultats surprenants qu’on obtient dans les latrines à la letre (earth-closels), el que j’ai exposés ici en IS'/O. Celje fois encore, comme pour l’épandage proprement dit, M. Gérardin nous montre le rôle considérable de l’intermittence. Le point ae doctrine réclame assurément de nouvelles expériences, mais il y a là une découverte, tout au moins une hypothèse dont l’im¬ portance est grande au point de vue de l’hygiène industrielle. Quant au fait d’application, M. Gérardin compléterait utilement sa première communication , S’il voulait bien tracer au tableau un schéma représentant l’installation qui fonctionne à la maro([uinerie de Choisy- le-Roi. M. Gébahdin. — M. Petilpont, M. Rœmhild et moi, nous n’avons pu arrêter le plan de cet appareil que par à peu près. Le volume d’air à traiter est considérable , et la quantité de matière organique à absorber est minime. Le schéma ci-joint, dessiné par M. Rœmhild, donne une idée suffisante de notre appareil : Fig. 1. — Épuration dos gaz odorants par le sol. A est l’égout où se réunissent les eaux usées, chaudes et froides de toute l’usine. Le ventilateur B aspire l’air de l’égout A. A la sortie du bâtiment, le tuyau se partage en deux branches verti¬ cales. La branche C s’buvre dans l'air à une hauteur suffisante. La branche D descend vers le drain E. Ce drain est formé d’entrevous en terre cuite, à 0“’,010 de dislance les uns des autres, pour laisser écouler l’air insufflé. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE 263 Les tuyaux à robinets U permettent de prendre pour l’analyse des échantillons de l'air du drain. Les entrevous sont recouverts de 0“,60 de terre argileuse. Au bord de la Seine, il y a à Choisy une couche puissante do terre à four, que la pluie rend imperméable aux gaz. Nous avons recouvert le drain avec un mélange à parties égales de terre à four, de mâchefer passé au crible, et de sable. Ce mélange, qui ne colle pas avec l’eau, donne sous un volume minimum, une surface argileuse maximum. Dans ma communication du 23 janvier 1001, je disais que le titre ozométrique était à l’arrivée dans le drain, et 2' 8 après le drainage. Le 4 mars, il a été 3®, 8 à l’arrivée dans le drain , et 2“,4 après le drai¬ nage. Ces analyses montrent que l’infection produite par le gaz d’éclai¬ rage ne s’épure pas d’elle-môme. Le drain s’est couvert intérieurement de cristaux de naphtaline , conséquence de la condensation de la vapeur d’eau, et la terre reste jusqu’à présent stérile, absolument stérile. Il parait probable qu’il faudra changer la terre, et passer les entreyous au feu, pour voir les effets d’un engrais gazeux. M. LB PaÉsiDENT. — La communication de M. Gérardin est très inté¬ ressante, mais nous nous trouvons en présence d’études qui ne sont pas encore arrivées à un point permettant à la Société d’émettre un vote et nous ne pouvons qu’engager notre collègue à poursuivre ses recherches et le prier de vouloir bien nous tenir au courant des résultats obtenus. M. Gérardin. — Je ne manquerai pas de communiquer la suite de mes travaux à la Société. L’ordre du jour appelle la discussion de la communication de M. le D' Grandjux sur : La double canalisation dans les casernes^. Discussion M. le D® Granjux. — Depuis que j’ai eu l’honneur de vous commu¬ niquer mon travail sur la double canalisation dans les casernes, j’ai relevé trois choses qui m’ont paru dignes de vous être communiquées. La première, c’est la publication d’un nouveau volume de la Statistique médicale de l’armée, concernant l’année 1898. Les faits relatés dans ce document viennent encore à l’appui de ma communication. Sur 4,067 hospitalisations po.ur dysenterie, l’eau de la deuxième canalisation n’est pas invoquée une seule fois. Sur les 4,900 cas de fièvre typhoïde, elle a été émise comme hypothèse cinq, fois, ce qui fait un total de 123 ! Le deuxième fait est une circulaire du ministre de la Guerre, dont voici un extrait publié par un journal : « Je suis informé, écrit-il aux chefs de corps, que, dans certains casernements, les cruches à eau sont reléguées dans les embrasures des 1. V. Revue d'hygiène, 1901, p. 134. 26i SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE fenêtres, derrière les portes, avec des balais ou des pelles à poussière. Parfois, on les trouve côte à côte avec les crachoirs. « Il importe d’introduire dans l’esprit des hommes et des sous-officiers chargés de la surveillance des chambres que ce sont là des objets qui ne doivent jamais être voisins les uns des autres. Il y a lieu d’assigner aux cruches à eau un emplacement déterminé sur un support fixe à une cer¬ taine hauteur au-dessus du sol, afin d’éviter autant que possible la pous¬ sière ». Vous voyez donc que j’avais raison de demander qu'on prit pour l’ali¬ ment eau les mêmes précautions que pour l’aliment viande. Préserver l’eau de boisson du voisinage des couloirs et crachoirs c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi lui rendre sa fraîcheur, si on ne veut pas qu’elle soit délaissée pour l’eau des abreuvoirs, etc. Enfin la question qui nous occupe a été portée à la tribune du Sénat. Le D*' Treille, à propos du budget de la guerre, a fait contre l’origine hydrique de la fièvre typhoïde à laquelle il ne croit pas, une charge à fond qui ne paraît pas avoir eu grand succès auprès de ses collègues, et qui a valu une éloquente réponse de M. Labbé et de nombreuses protes¬ tations. En revanche le D'' Treille n’en a pas trouvé une seule, ni de ses collègues, ni du ministre de la Guerre, ni du directeur du service de santé, commissaire du gouvernement, quand utilisant la communication que je venais de vous faire, il a déclaré lui aussi que la suppression de la double canalisation dans les casernes serait un remède pire que le- mal. Je suis donc très heureux de vous communiquer mon travail, puisque grâce à la notoriété qui s’attache à vos travaux, la question a été portée devant le pays, ei je crois, jugée. M. Kbbn. — Pourquoi ne supprime-t-on pas la cruche et ne la rem¬ place-t-on pas par des postes d’eau établis à chaque étage de la caserne et permettant à chaque soldat de boire de l’eau salubre. M. le Président. — Je ne crois pas qu’on puisse poser comme prin¬ cipe que la cruche doit toujours être supprimée, car je ne sais pas s’il sera possible de le faire dans tous les cas. Mais d’une façon générale on peut dire que partout où cette suppression peut se faire, elle est préfé¬ rable. M. Granjux nous cite dans sa communication des chiffres donnés par des statistiques basées sur des rapports officiels. C’est ainsi que sur les 24,890 fièvres typhoïdes observées de 1893 à 1897, on ne compterait que 137 malades ayant avoué avoir bu de l’eau réservée aux usages domestiques. Je ne puis me défendre d’émettre un doute sur les résultats lie ces statistiques, car je crois qu’il serait très imprudent de s’appuyer sur des statistiques à propos desquelles on n’a pas attiré l’attention de ceux qui les font sur les conclusions qu’on voulait en obtenir. Je crois donc qu’il ne faut pas tirer des conclusions trop précises de ces rapports, qui ne sont souvent que des extraits de rapports. La meilleure statistique donne 10 p. 100 d’erreurs, elle ne peut être qu’une occasion d’enquête et non de conclusions. D' RÉGNIER LA. FIÈVRE typhoïde A PARIS EN 1900 Far M. le S' RÉGNIER. Dans la séance du 6 novembre dernier, notre excellent confrère et ami Berthod a porté contre les eaux de source de Paris une accu¬ sation grave, contre laquelle plusieurs de nos collègues ont vivement protesté, mais sans apporter de preuves du contraire. Pour juger de la valeur de l’accusation, il faut s’appuyer sur des documents certains. C’est ce que nous allons essayer de faire ici. Si nous nous reportons à ce qu’était la mortalité par fièvre typhoïde il y a vingt ans, nous la voyons suivre une marche décrois¬ sante, de 1882 où la mortalité atteignit le chiffre de 8.352, à 1890 où elle tombe à 723, puis en 1895, 189.6, 1897 et 1898 où elle tombe à 250. Certes, il y avait lieu de tenir compte dans cet abaissement de la valeur de l’eau d’alimentation, mais aussi de l’assainissement pro¬ gressif des habitations, de l’emploi de plus en plus développé des mesures de prophylaxie, 'par la désinfection des locaux et linges con¬ taminés et l’isolement des malades. Cependant, ces derniers facteurs ont, certainement, l’importance la moins considérable et ce fait est démontré par l’épidémie qui a éclaté en 1899 et qui a causé 803 décès, et par celles qui ont signalé l’année 1900, que nous allons plus particulièrement étudier ici. Quoique je ne sois pas, avec beaucoup d’autres, un partisan exclusif de l’origine hydrique de ces épidémies, je me plais à recon¬ naître ici que ce mode de propagation joue, à Paris, un rôle prépon¬ dérant. Mais, les faits nous apprennent, aussi, que nous ne pouvons avoir, dans les eaux de source, la confiance par trop optimiste qu’on leur avait, jusqu’ici, accordée et qu’il ne faut plus, aujourd’hui, mettre sur le compte de la distribution d’eau de rivière brute, les recrudescences observées depuis deux ans. Actuellement, en effet, on ne distribue plus l’eau de rivière que filtrée — M. Bechmann nous l’a affirmé et les documents officiels confirment son dire. — Nous aurons donc à apprécier quelle est la valeui- de cette filtration et, à ce point de vue, la marche de la fièvre typhoïde cette année donne, à mon avis, des renseignements im¬ portants. â«G SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Considérons d’abord la marche de la maladie pendant les douze mois qui viennent de s’écouler, en prenant pour bases de nos appré¬ ciations la mortalité et la morbidité, telles qu’elles résultent des déclarations inscrites dans le Bulletin hebdomadaire de Statistique municipale. La mortalité, qui donnait au mois de janvier 45 décès, passe à 76 en février ; s’élève jusqu’à 132 en mars, puis descend progres¬ sivement pour retomber, en juin, à un chiffre voisin de celui de janvier : 48. En juin et juillet, la courbe s’élève de nouveau, atteint en août son maximum (122), inférieur à celui de mars; puis la courbe descend rapidement en septembre et octobre et se trouve en décembre de 45 décès. La morbidité, très faible dans les premières semaines de janvier, s’élève brusquement dans la dernière, puis, en février et mars et décroît de nouveau par une chute assez rapide en mai ; au mois de juin, nouvelle ascension brusque qui s’accroît en juillet, conserve ses maxima en août et septembre avec quelques alternatives ; puis décroît progressivement en octobre, novembre et décembre pour se )-approcher des chiffres du commencement de l’année. Nous avons donc eu, non pas une, mais deux épidémies bien dis¬ tinctes : une pendant la fin de l’hiver et le printemps, et l’autre eu plein été. Cette dernière, si on tient compte de l’accroissement momentané et considérable de la population de Paris à cette époque, a été moins grave. Il nous reste à déterminer quel a pu être dans ces deux poussées successives le rôle de l’eau potable de Paris et pour cela nous nous appuierons sur l’étude de la morbidité par arrondissements. Bien qu’aujourd’hui les différents réservoirs d’eau de source communiquent entre eux et qu’il y ait par le fait du mélange des eaux une situation moins nette qu’autrefois, on peut admettre comme notre collègue et ami, M. J. Martin, que tout au moins les quartiers les plus rapprochés des réseiToirs reçoivent plus particulièrement l’eau de la source qui s’y rend. Il y a lieu aussi de tenir compte que dans les quartiers hauts alimentés par l’Avre et la Dhuys il n’y a pas mélange des eaux de source, tandis que dans les quartiers bas alimentés par la Vanne, celle-ci est mélangée avec l’eau de l’Avre dans une proportion qui varie suivant les pressions existant dans la canalisation. Or, on admet pratiquement que la Vanne, mélangée avec une petite quantité d’eau de l’Avre, est consommée, après son départ du réservoir de Montsouris, sur toute la rive gauche, sauf les quartiers de Plaisance et du Petit-Montrouge, et sur la rive droite dans le quartier d’Auteuil , une partie des VHP, IX' et X' arrondissements et la totalité des I", IP, IIP, IV' et XIP. L’Avre alimente sur la rive droite le XVP, moins le quartier d’Auteuil, le XVIP et XYIIP et une partie des VHP, IX' et X' arron¬ dissements, sur la rive droite les quartiers d’Auteuil et du Petit- Montrouge. La Dlmys, avec l’eau filtrée de la Marne, est distribuée aux XIX' et XX' arrondissements et une partie des X“ et XP. Que nous enseignent les graphiques de mortalité et de morbidité qui suivent une marche sensiblement parallèle ? Pour la mortalité , c’est le XVP arrondissement qui présente le chiffre le plus bas et le XP le plus élevé. Viennent ensuite les IP, X1X“, VHP et l" avec des chiffres peu différents; puis les VP, XIV', XV', XVIP; enfin les HP et VIP; V', IX', X', XIP et XIIP. La morbidité minima au XVP, groupe les arrondissements dans l’ordre suivant, pris dans l’ordre croissant les I", IP, VHP, XV', XIX', XX', IIP, IV', IX', XIIP, XV', XVIP, V', VP, X', XVIIP, XIIP et XP. En résumé, ce sont les arrondissements desservis par la Vanne et l’Avre qui sont le plus touchés. Mais si nous prenons parmi ces chiffres ceux qui représentent la morbidité des arrondissements alimentés exclusivement par l’une des trois sources, nous voyons la Vanne fournir 2,230 cas pour 1,118,040 habitants; l’Avre 514 pour 498,689, la Dhuys 305 pour 285,924. Ce sont là les chiffres bruts. Mais nous allons voir aussi qu’ils diffèrent dans les deux épidémies. Dans la première, en effet, ce sont les XX', XVP et XVIP arron¬ dissements qui ont la morbidité la moins forte, puis les XIX', IP, XV', I", VHP, VP, HP, IV', X', IX', XIP, V«, VP, XIIP, XP. Dans la seconde, c’est le XVP qui est le moins frappé, puis les VHP, IP, VIP, I", IIP, XIV', XIX', XX', IX', XIP, IV', V', X', VP, XVIP, XV', XVIIP, XIIP, XP. Si nous reprenons, comme pour le chiffre global, les chiffres séparés par zones de distribution, nous voyons la Vanne donnant 268 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBUQUE 961 cas, l’Avre 334, la Dhuys 148 dans la première épidémie. Dans la seconde, les cas se répartissent ainsi : Vanne, 1,213; Avre, S19; Dhuys, 187. Ce sont donc encore la Vanne et l’Avre qui fournissent le plus de cas, proportionnellement au nombre des habitants des quartiers qu’elles alimentent. Et cependant l’eau de la Dhuys depuis le milieu de juin a été mêlée à l’eau de rivière filtrée, dans une proportion qui croît régu¬ lièrement jusqu’au mois d’octobre, alors que l’épidémie décline dès le milieu de septembre. Si cette eau a joué un rôle, ce rôle ne ressort pas nettement. Du reste nous savons, depuis l’étude qui a été faite de l’épidémie de 1899 et la publication des rapports de la commission de perfec¬ tionnement, que la contamination des eaux de sources de Paris ne se fait pas surtout au-delà des points de captage, mais en deçà, super¬ ficiellement par les drains qui amènent dans les conduites des eaux superficielles incomplètement filtrées par le sol, et profondément par les bétoires et mardelles, qui sont en grand nombre sur le ter¬ ritoire recouvrant les nappes profondes qui alimentent les sources. Nous savons par les études de M. Miquel que toutes ces sources, mais la Vanne et l’Avre surtout, contiennent à un certain moment le bacille coli, et que des communications peuvent se faire à longue distance entre les eaux superficielles et les eaux profondes. Ceci nous amène forcément à considérer la question des eaux de source sous un nouveau jour. Depuis que les travaux de M. le professeur Brouardel et du pro- fcisseur Koch ont démontré que les eaux de rivière servaient sou¬ vent de véhicule et d’agent de dissémination aux épidémies de fièvre typhoïde et de choléra , ce fut une sorte de credo en hygiène publique qu’on les éviterait en ne se servant que des eaux de source, qu’on considérait alors comme difficilement contaminables. Aujourd’hui, les recherches plus approfondies détnontrent que CO. n’était pas là la vérité, et qu'il faut au contraire considérer cer¬ taines eaux de source provenant de la craie comme facilement con¬ taminables. DISCUSSION M. Le Roy des Barres. — Les statistiques sont bien incomplètes; il y a plus de la moitié des cas non déclarés. Dr RÉGNIER M. LE D'Regnier. — Il n’y a pas de rapport défini entre la composition chimique minérale des eaux et leur teneur en microbes. Celle-ci est en relation à péu près directe avec leur richesse en matières organiques. Quand des eaux contiennent le coli bacille, qui est un microbe vivant dans l’intestin de l’homme et des animaux et qu’on ne peut actuellement distinguer de celui de la fièvre typhoïde, les eaux doivent être considé¬ rées comme suspectes. M. LE Président. — ^ Voici une eau qui contient du bacille coli, elle est suspecte parce qu’elle peut être souillée par des défections intestinales, et que ces défections proviendront un jour de personnes atteintes de fièvre typhoïde. La quantité de matière organique contenue dans une eau ne prouve pas, à elle seule, que cette eau soit bonne ou mauvaise. M. le D'" Treille, qui ne croit pas à l’origine hydrique de la fièvre typhoïde, a voulu tirer argument de ce que dans l’expédition de Fachoda aucun homme n’a été atteint de cette maladie, bien que la qualité de l’eau bue fût mauvaise ; cela tient à ce que les régions traversées étaient à peu près désertes et que les eaux n’étaient pas souillées par des déjections de typhiques. A un point de ^Tie plus général, je rappellerai que nous avons eu l’illusion que les eaux de source étaient à l’abri d’un grand nombre de contaminations. En 1884, j’avais admis que l’eau de source est la plus pure ; c’est vrai dans certains cas déterminés, lorsque l’eau provient d’une nappe bien protégée. Ces cas sont assez rares. A cette époque, j’avais considéré comme excellentes des eaux qui aujourd’hui me sont suspectes. Pour que l’eau soit bonne, il faut qu’il y ait eu dans le sol filtration et non circulation rapide. Nous avons parcouru deux périodes. Pendant la première, les eaux de source nous paraissaient excellentes ; pendant la seconde, certaines nous étaient suspectes. Nous entrons dans une troisième période où l’observation nous montre qu’il existe des communications qui nous permettent de reconnaître que ce que nous prenions, pour des sources ne méritent pas ce nom. Toutes les villes n’ayant pas à leur disposition des sources très abon¬ dantes, on est amené à capter pour leur distribution d’eau des sources contaminables. Comment pourrons-nous épurer les eaux d’alimentation? Il y a là toute une série d’études très importantes En 1887, au congi-ès de Vienne, j’ai dit que la fièvre typhoïde pouvait être attribuée à l’eau quatre vingt-dix fois sur cent, je n’ai pas voulu poser im chiffre absolu, mais simplement dire que, dans la plupart des cas la fièvre, typhoïde survenait après l’ingestion dans le tube digestif d’une eau ou d’un aliment contaminé. Je crois que nous devons reprendre ce problème et le pousser plus loin, car les enquêtes que nous avons faites sur les eaux manquent de bases suffisantes, notamment de base géologique suffisante. La Société devrait, d’autre part, faire connaître au plus grand nombre que Tenquùle veut du temps et de la compétence, qu’il est difficile de- 270 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE donner de la bonne eau et d’affirmer que celle eau ne peut pas être con¬ taminée. M. Livachb. — Puisque M. le Président convie la Société à entre¬ prendre une enquête sur les causes des épidémies de fièvre typhoïde à Paris, je crois qu’il y aurait intérêt à faire intervenir, à côté de l’eau, tous les facteurs pouvant jouer un rôle. Or, en particulier, le numéro de février de la Revue d'hygiène et de police sanitaire (p. 163) rapporte, dans sa bibliographie, un travail très intéressant du D'' G. Ceresole, mon¬ trant que, à Padoue, les légumes, cultivés avec des engrais liquides non désinfecté, emportent avec eux un grand nombre de microbes suscep¬ tibles de constituer un danger sérieux. On peut donc se demandée si, pour Paris, les légumes provenant des champs d’épandage (radis, salades, choux, etc.) ne constituent pas une cause de danger de fièvre typhoïde , lorsque, comme c’est le cas le plus fréquent dans les ménages pauvres, on les consomme sans leur faire Subir un lavage suffisant. M. Beohmann. — Je remercie vivement notre président d’avoir élargi la discussion et fait connaître- son opinion sur la question des eaux de source. Il nous a rappelé les trois étapes qu’il a successivement fran¬ chies ; je ne serais pas éloigné de le voir arriver à une quatrième étape, à celle où il admettrait qu’il n’y a pas dans la nature, comme je le crois, d’eau gui soit absolument pure. Les recherches géologiques sur lesquelles on parait faire fond actuelle¬ ment pour parvenir à distinguer la valeur réelle de telles ou telles eaux souterraines, donnent assurément des résultats fort intéressants, des termes de comparaison d’une grande utilité; mais n’arrivera-t-il pas avec la géologie ce qui est advenu pour l’analyse chimique d’abord, ensuite pour l’analyse bactériologique, et n’en viendra-t-on pas à reconnaître qu’elle non plus ne donnera pas de conclusions positives, certaines. Croire le contraire et partir avec ce critérium à la découverte des eaux parfaites, des sources absolument, pures, dans nos pays à population dense, où la contamination est partout, c’est à mon sens aller au devant de nouvelles déceptions; en ne l’avouant pas on entretient dans le public des illusions qu’il faudra détruire un jour. A défaut d’eaux naturelles donnant toutes garanties, on propose de recourir à des traitements artificiels, filtration, stérilisation, etc. Mais là encore on demande trop, et l’on ne saurait rencontrer la perfection. Je pense qu’il serait prudent de ne pas aspirer à un idéal qui ne sau¬ rait exister en ce monde et de se contenter de faire pour le mieux. 31. le D"' Régnier. — Je remercie M. le professeur Brouardel de ce qu’il vient de dire .à l’appui de ma communication. Il est en effet néces¬ saire de bien faire comprendre aux populations qu’il ne suffit pas d’avoir une eau de source quelconque pour se melli-e à l’abri de la fièvre typhoïde comme on le croyait trop volontiers jusqu’ici et que d’autres mesures d’assainissement sont aussi nécessaires. Quand on aura appris aux popu¬ lations à préserver les eaux souterraines contre les matières' fécales, on aura fait um grand pas dans Ja prophylaxie de cette maladie. BIBLIOGHAPHIE 211 M. LE Phésident. — La discussion reste ouverte. La suite en est ren¬ voyée à la prochaine séance. Dans cette séance ont été nommés membres titulaires ; MM. Monthedil, directeur de la Revue municipale, présenté par MM. Thuillier et Bechmann ; Jacques Siegfried, présenté par MM. Jules Siegfried et A.-J. Martin. BIBLIOGRAPHIE La propagation de la tuberculose, moyens pratiques de la com¬ battre; rapport de la Commission de la tuberculose. — Paris, Masson et C*', 1900; un volume in-S" de 46S pages. Voilà un livre de premier ordre , qui fera époque dans la littérature médicale; il représente ce que pensaient les médecins français sur la transmission et la prophylaxie de la tuberculose , à la fin du siècle qui vient de se terminer. La Commission instituée lé 22 novembre 1899, par le président du Conseil , « à l’effet de rechercher les moyens pratiques de combattre la propagation de la tuberculose comprenait 71 membres, dont 46 méde¬ cins, les autres membres ayant été choisis parmi les sénateurs, les députés, les représentants ou directeurs des gi-ands corps ou services de l’Etat, sous la présidence de M. Jules Siegfried, avec MM. Brouardel et Dislére comme vice-présidents. M. le professeur Brouardel avait été chai'gé par M. le Président du Conseil de faire à la Commission, lors de sa première réunion, un exposé de la question. M. Brouardel a largement rempli sa tâche. Dans un pre¬ mier rapport de plus de 50 pages, auquel est jointe une statistique de môme étendue, il a cherché à établir le chiffre de la mortalité par tuber¬ culose en France, sa répartition sm- le territoire, par comparaison avec celte môme mortalité tuberculeuse dans les nations européennes. Si l’on ajoute les décès par bronchite chronique aux décès par tuberculose proprement dite, on arrive à là moyenn» de 43,8 décès par an ét piir 10,000 habitants, avec les extrêmes 37,9 pour Paris, et 33,8 pour 89 villes de France ayant moins de 5,000 habitants. La comparaison est difficile avec les autres pays de l’Europe, la plupart des statistiques étrangères donnant le chiffre des décès par phtisie pulmonaire, et laissant de côté les autres localisations de la tuberculose, lundis qu en France et à Paris en particulier il y a tendance à réunir sous la rubrique tuberculose toutes les formes de cette affection, y com¬ pris la scrofule, la méningite tuberculeuse, la tuberculose des os, des gan¬ glions, de l’abdomen, etc. Malgré les affirmations du regi-etlé Thorne- 272 BIBLIOGRAPHIE Thorne, médecin en chef du Local . Government Board, nous ne sommes nullement convaincu de la réalité de cette diminution extraordinaire de a « tuberculose totale » en Angleterre, qui de 34,8 pour 10,000 habitants en 1850-1860 serait tombée à 21,2 en 1891-1895. Nous poursuivons depuis plusieurs mois sur cette question difficile des recherches que la rai’eté et l’obscurité des documents officiels anglais rendent très difficiles. Nous ne sommes pas encore assuré que la « tuberculose » soit plus fréquente en France que dans la plupart des autres pays de l'Europe; nos propres statistiques mortuaires sont encore insuffisantes, et personne ne connaît le taux de la mortalité dans la population de nos campagnes et de nos petites villes, puisqu’il n’y existe aucune déclaration obligatoire des causes de décès. 11 n’est pas nécessaire d’ailleurs d’attendre qu’on ait compté ses morts pour préserver les vivants.- Vingt rapports spéciaux ont été consacrés à l’étude de la tuberculose dans chacun des gi’oupes de collectivités : désin¬ fection des logements des tuberculeux, D’’ A.-J. Martin; Tuberculose dans le milieu de l’Assistance publique, MM. Grancher et Thoinot; dans les asiles d’aliénés,' les établissements pénitentiaires et chez les enfants assistés, M. Brouardel: dans l’armée française, M. Letulle; dans la marine, M. Vincent; chez les transportés et relégués , M. Kermorgant; chez les gardiens de la paix, M. Landouzy; chez les ouvriers des mines de charbon, M. Dislère; dans les chemins de fer, MM. Galippe et Letulle; prophylaxie dans les collectivités, MM. Roux et Letulle; clïez les nimaux, viande et lait, M. Nocard ; alcoolisme et tuberculose, M. de Lavarenne; les sanatoriums populaires pour tuberculeux adultes pauvres, M. Letulle; isolement et cure de la phtisie à l’hôpital, M. Letulle; sana¬ toriums marins, M. Bergeron; dispensaires pour tuberculeux, M. Calmette. Il y a là un grand nombre de monographies excellentes, dans le détail et l’appréciation desquelles on ne peut songer à entrer. La .substance de ces mémoires se retrouve en partie dans les conclusions votées par la- Commission , après des discussions qui ne figurent pas dans le volume. Ces conclusions votées par la Commission dans la séance du 4 juillet 1900 ont pris pour base quelques principes qui sont aujourd’hui admis pour tout le monde, à savoir : la tuberculose. est contagieuse; l’insalu¬ brité des locaux, la promiscuité dans les milieux collectifs augmentent le danger de la contagion; le germe se transporte par l’air qui charrie la poussière des crachats desséchés, il peut pénétrer dans l’économie avec les aliments ; la tuberculose est curable. C’est sur celte base solide et bien démontrée qu’ont été rédigés les 31 articles du projet de loi sani¬ taire qui est soumis aux délibérations du Sénat ; la commission a adopté, après y avoir apporté quelques modifications, le texte préparé depuis si longtemps par M. Cornil. Nous ne voyons pas très bien pourquoi ce texte de loi est venu devant la commission de la tuberculose, alors surtout que la question n’a pas été résolue, ni peut-être soulevée, de la déclaration obligatoire de la tuberculose ouverte. Les conclusions visent encore : la propagation de la tuberculose dans les milieux collectifs dépendant de l’Etat ou privés ; l’alimentation BIBLIOGRAPHIE 273 (viandes, lait, alcool), les moyens curatifs à opposer à la tuberculose (sanatoriums, dispensaires antituberculeux) ; moyens d’exécution : traite¬ ment gratuit des tuberculeux dans un quartier spécial d’hôpital, un hôpital spécial ou marin, un sanatorium, à la charge à la fois de l’Etat et de la commune; sanatoriums spéciaux pour les fonctionnaires, employés ou agents de l’Etat, jugés par les médecins justiciables de ce mode de traitement; organisation d’assurances mutuelles contre la maladie et la tuberculose, par les soins du gouvernement, etc. C’est, on le voit, un vaste programme, dont chaque paragraphe a été commenté, discuté et autant que possible résolu dans un rapport général terminal, rédigé cette fois encore par M. Brouardel, et qui ne comprend pas moins de cent pages (p. 359 à 462). Ce rapport est , en quelque sorte , le testament sur la tuberculose que le dix-neuvième siècle , en mourant, a légué au vingtième ; c’est ce dernier qui aura la tâche effrayante d’en être l’exécuteur testamentaire. On ne saurait trop souvent relire ce document. Sa rédaction est claire, judicieuse, prévoyante et suggestive ; il est écrit de main de maître , et fait honneur à celui qui a si bien résumé la grande consultation donnée par la commission ministérielle de la tuberculose. E. Yallin. L’eAD potable , LE LAIT DE FEMME ET LE LAIT DE VACHE , par HeNRI Lajoux. Reims-Michaud , 1900, 1 vol. grand in-4“ de 172 pages avec figures; 3“ édition, revue et augmentée par MM. Grandval et Lajoux, et par M. Telle. M. Henri Lajoux, directeur du laboratoire municipal et professeur à l’Ecole préparatoire de médecine de Reims, a déjà publié deux édi¬ tions de cet excellent ouvrage, qui contient les résultats d’une e.xpérience de quinze ans au laboratoire municipal de Reims. De nouvelles acquisi¬ tions pratiques et l’extension des analyses justifient la publication de cette troisième édition, qui rendra beaucoup de services aux directeurs de laboratoires qui existent maintenant dans toutes les grandes villes. Nous signalerons particulièrement le dosage de Tacide nitrique comme moyen de déterminer l’azote des matières organiques, suivant le procédé très pratique que MM. Lajoux et Grandval ont présenté, en 188.5, à l’Aca¬ démie des sciences et qui est journellement employé au laboratoire mu¬ nicipal de Paris. Le dosage volumétrique de l’acide sulfurique, dans l’eau et le vin , se fait à Reims par un procédé très pratique qui appartient à M. Telle. Nous avons dit jadis avec quelle perfection M. Lajoux a traité toute la partie qui concerne l’examen du lait. L’analyse de l’eau est toujours le point do mire de tous les directeurs de laboratoire. M. Lajoux est un peu sévère pour l’analyse bactériolo¬ gique, qui n’a pas donne, dit-il, tout ce qu’on en devait attendre, et qui a rendu injuste pour les services que peut rendre l’analyse chimique. Il s’appuie sur les analogies très grandes qui rapprochent un microbe aussi banal que le coli-bacille du bacille d’Eberth si spécifique , mais qu’on rencontre si rarement dans les eaux suspectes ou incriminées. RKV. d’hyg. xxni. — 18 274 REVUE DES JOURNAUX M. Duclaux a dit fort justement que si Escberich avait jadis donné au coli-bacille le nom de bacühis aquœ, on serait plus occupé de surveiller son passage de l’eau potable dans l’intestin , que son passage du canal intestinal dans l’eau potable. M. Lajoux ne nie pas d’ailleurs la réalité et la spécificité du bacille d’Eberth, car c’est lui qui, au cours de l’épidémie de fièvre typhoïde observée par M. Doyen à Pontfaverger, a constaté dans l'eau incriminée 25,000 bactéries par centimètre cube, dont la moitié était le bacille d’Ebertli (Académie des sciences, 25 février 1890). En ce qui concerne l’appréciation de l’eau par l’analyse chimique, M. Lajoux dit que dans une eau potable la quantité de SO^, sous forme de sulfate, ne doit pas dépasser GO milligrammes, bien que ce soit seu¬ lement à la dose de 300 milligrammes de cet acide ou à 500 milligrammes de sulfate de chaux que l’eau devient dure , quand c’est à de la chaux (et non à des matières alcalino-terreuscs) qu’est combiné cet acide. 11 trouve trop élevé le chiffre maximum de chlore (40 milligr.) que tolère le Comité consultatif d’hygiène; selon lui, le maximum tolérable est IG milligrammes; le Congrès de Bruxelles l’avait même fixé à 8 milligr. L’on trouvera dans cette nouvelle édition des documents importants sur les huiles, les graisses et le beurre, réunis principalement par M. F. Telle, qui est essayeur du commerce, en même temps que chimiste au laboratoire d’hygiène. Ce volume fait honneur à la ville de Reims et à son ancien maire, M. le professeur Henrot, directeur de l’École de médecine, qui, l’un dos premiers en France, a compris et réalisé tout le profil qu’une organisa¬ tion sanitaire sérieuse pouvait donner à une grande ville. E. Valli.v. REVUE DES JOURNAUX A rapid melkod of determining carbonic acid m air, par le D'' J. Hal- DANE {Journal of hygiene, 1901, p. 109). Le dosage de l’acide carbonique de l’air par la méthode de Pettenkofer exige le lrans])ort de flacons volumineux et encombrants. L’auteur a imaginé, en 1898, un appareil qui depuis cette époque est employé au Comité de ventilation des établissements industriels au ministère de l’In¬ térieur et a donné d’excellents résultats. L’air à analyser pénètre sponta¬ nément dans une éprouvette graduée en communication avec un flacon de mercure qu’on élève ou qu’on abaisse à la main pour mesuivr le niveau de l’air ; en ouvrant un robinet , cet air passe sur de la iiotassc caustuiue, et la pompe à mercure indique la réduction de volume do l’air. L’analyse se fait en moins de cinq minutes. Les pièces de l’appareil sont BEVUE DES JOURNAUX a's lixées à l’intérieur d’une boîte en bois de 50 centimètres de hauteur et pesant en tout 2*‘ff,700. Une figure explique clairement le fonctionne¬ ment de l’appareil. Bien que le dosage de l’acide carbonique de l’air soit désormais une médiocre mesure de la salubrité des locaux, le procédé de détermination employé par le D"' Haldane est théoriquement simple et pratique ; mais, avec des récipients de si petite dimension la lecture doit être difficile, car il s’agit de différences de millièmes au moins. E. Vallin. Industrial leai poisoniug (Empoisonnement industriel par le plomb), par le T. M. Legge {Journal of hygiene, 1901, p. 96). En Angleterre, une loi de 1893 (FactoriesandWorkshopsAct)oblige tout médecin qui constate chez un malade des accidents saturnins contractés dans le travail à en faire la déclaration à l’inspecteur en chef des usines au ministère de l’Intérieur. De môme, tout gérant d’une usine ou atelier doit envoyer par écrit avis de chaque cas de ce genre au médecin-inspecteur (les usines du district. C’est une mesure identique à la notification de tout cas de nialadie infectieuse, imposée au tenancier d’une maison. Dans les deux cas, l’incompétence scientifique du chef d’usine et du propriétaire explique, bien qu’il ne justifie pas certaines abstentions, mais l’utilité de l'information est évidente au point de vue de la sécurité publique. Le D'' Legge, inspecteur médical des établissements industriels (factories), donne le tableau de 1,130 cas d’empoisonnement par le plomb, transmis au ministère par les « certifying surgeons i> en 1899. Toutefois, ce tablr^ii ne comprend pas les cas de saturnisme fournis par les peintres en bati¬ ment et les plombiers, parce que la loi de 1895 ne leur est pas appli¬ cable; ils sont soumis sans doute à une surveillance spéciale. Celte e.xclusion enlève une grande partie de la valeur de ce tableau, qui ne peut en rien indiquer la fréquence du saturnisme en Angleterre. Ou trou¬ vera cependant dans ce mémoire quelques indications utiles sur les mesures prises dans les différentes usines ou industries pour éviter l’intoxication. E. Vallin. Pathogeiiic microbes in milk, by E. Klein (Journal of hygiene, janvier 1901, p. 78). Klein, à Londi’es, a examiné bactériologhiuement 120 échantillons de lait du commerce, dont 100 venaient de la campagne et 20 de Londres môme. Dans chaque cas, il recueillait avec une pipette le dépôt de 230 grammes de lait; la moitié de ce dépôt était injectée sous la peau de l’aine d’un cobaye, l’autre moitié dans le péritoine, de sorte qu’il a inoculé antiseptiquemeni 240 cobayes avec ces 120 échantillons de lait. Aucun de ces animaux ne mourut d’accidents aigus et rapides. Les résultats obtenusjusqu’ici par d’autres expérimentateurs ont été très variables. Sur 100 laits examinés, la proportion de ceu.v qui avaient transmis la tuberculose par inoculation varie de li à 71,4 j). 100, sui¬ vant les auteurs : Bung, 14 p. 100; Hirschberger, 50 p. 100; Ernst, S76 REVUE DES JOURNAUX 28,5; Rabinovilsch et Kempner, 71,4; Boyce, 6 à 8 p. 100 avec le lai. des villes et 17 p. 100 avec le lait de la campagne (où les abattoirs et tueries ne sont pas surveillés). Sur 100 échantillons de lait de la campagne, Klein en a trouvé 7 qui contenaient le véritable bacille tuberculeux et dont le dépôt inoculé a transmis la tuberculose aux animaux. Un grand nombre d’expériences qu’il a faites d’autre part pour le Local Government Board ont prouvé que le lait maintenu à + 37 degrés est un milieu de culture excellent pour le bacille de Koch. Si dans du lait stérilisé on introduit une parcelle de culture tuberculeuse, la crème qui surnage et (lait ont conservé au bout de plusieurs semaines une apparence nor¬ male. Mais si avec une pipette on recueille un peu du dépôt formé au fond du vase et qu’on l’inocule à des cobayes, ce dépôt se montre plus virulent que la culture primitive qui l’a provoqué. C’est ainsi qu’une cul¬ ture de bacille tuberculeux qui a perdu sa virulence et est devenue tout à fait inofifensive par un trop grand nombre de passages sur l’agar glycé¬ rine, est rajeunie au bout de huit à quinze joiu-s et reprend toute sa viru¬ lence qvand on l’a ensemencée dans du lait stérilisé. Sur les 100 échantillons de lait de laeampagne examinés, Klein en a ü’ouvé 8 ne contenant que des bacilles pseudo-tuberculeux ressemblant beaucoup, selon lui, au coli-bacille et voisins des types décrits par Vignal- Malassez, Nocard et A. Pfeiffer. Un autre lait amena au point inoculé un gonflement glandulaire avec œdème ; le suc de la glande donna par culture le bacille de la diphtérie; ce bacille, inoculé sous la peau d’un cobaye, le tua en trente-six heures; un autre cobaye, inoculé de la môme façon mais à qui on avait injecté en même temps 1/10' de centimètre cube d’antitoxine diphtérique de Burroughes et Welcorae, resta bien portant. Remarquons toutefois que le suc môme de la glande malade, injecté dans le péritoine d’un second cobaye, n’avait causé aucun accident. Dans deux cas, où les vaches avaient des indurations partielles de la glande mammaire, Klein a trouvé dans le lait un bacterium diphterioides et un autre microbe qu’il appelle streptococcus radialus pyogenes. Enfin, dans un lait de la campagne, il a constaté la présence d’une levure déter¬ minant par inoculation d’énormes tumeurs gélatiniformes hémorrhagiques, puis la mort au bout de plusieurs semaines; ce microbe se rapproche, mais diffère un peu des blastomycètes pathogènes observées par San- felice, Plimmer et autres dans le cancer de l’homme. Tout cela n’est pas rassurant, et plus que jamais il faut se méfier du lait non bouilli. E. Vallix. Rôle des zymases du lait dam l’allaitement, par le D' Mahfan {Presse médicale, 9 janvier 1901, p. 13). M. Marfan, dans une excellente leçon faite à l’hôpital des Enfants- Malades, rappelle que la meilleure méthode d’allaitement artificiel consiste, selon lui, à donner à l’enfant du lait de vache stérilisé, dilué avec uii tiers d'eau pendant les trois ou quatre premiers mois, refle eau REVUE DES JOURNAUX 217 étant bouillie et sucrée à IQ p. 100. Cependant, l’enfant ainsi allaité ne prospère pas aussi bien que celui nourri au sein. Après avoir passé en revue les nombreuses hypothèses sur les diffé¬ rences entre le lait des animaux et le lait de femme, il discute, celle que Escherich a formulée au dernier Congrès international de Paris, à savoir qu’il y a dans le lait, et particulièrement dans le lait de femme, des fer¬ ments solubles ou zymases qui sont détruits par la stérilisation. L’exis¬ tence de ces zymases n’a encore été démontrée, croyons-nous, dans le lait d’aucun animal. Béchamp, le premier, a montré qu’il y a dans le lait de fenime une diastase capable de transformer l’amidon en. sucre, et que cette diastase n’existe pas dans le lait des animaux. Le. fait est aujourd’hui incontesté. M. Marfan explique par cette zymase le fait que les nourrissons élevés au sein peuvent recevoir sans inconvénient des bouillies de farine beau¬ coup plus tôt que les enfants soumis à l’allaitement artificiel. D’autre part, l’on sait aujourd’hui que les transformations de la subs¬ tance nutritive subies dans l’intestin et dans l’intimité des tissus sont sous la dépendance de zymases, lipases et autres « sécrétions internes » encore niai connues, qui sont les vrais ferments de la nutrition et les régu¬ lateurs des échanges nutritifs. Le jeune enfant sécrète peu de zymases digestives et peu de zymases nutritives ; la nature pourvoit à cette insuffi¬ sance en préparant dans l’organisme de la mère un. aliment complet à ce point de vue, le lait. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est vraisem¬ blable. Les zymases étant détruites par une température supérieure à -f- 70 degrés, on est conduit à se demander s’il n’y a pas un certain inconvénient à stériliser le lait, et si cette stérilisation n’est pas la cause de la différence observée entre les enfants alimentés au sein et ceux ali¬ mentés au lait bouilli. M. Marfan n’est pas éloigné de croire que si le lait d’ânesse est celui qui réussit le mieux chez les nouveau-nés, c’est que ce lait est presque toujours employé cru. Mais M. Marfan ne prouve ni n’affirme que le ferment saccharifiant de la femme se trouve aussi dans le lait d’ànesse. Il n’existe pas dans le lait de chèvre, et les enfants nourris au pis de cet animal sont très sujets à des troubles dyspeptiques, imputables à la grande proportion de caséine contenue dans ce lait. M. Marfan conclut très sagement que l’on aurait tort, sous prétexte de conserver dans le lait des animaux des zymases hypothétiques, de donner aux jeunes enfants du lait cru chargé de microbes et de les exposer ainsi à des intoxications redoutables. On a accusé le lait stérilisé de produire le scorbut infantile de Barlow ; mais cet accident est très rare chez les enfants nourris au lait stérilisé, et les médecins américains l’ont observé chez des enfants nourris au sein de leur mère. Il II faudrait, dit M. Marfan, chercher à avoir du lait privé de microbes, mais non privé de zymases. Le but qu’on devrait poursuivre dans l’allaitement artificiel serait d’ajouter au lait de vache stérilisé les zymases propres au lait de femme ». Peut-être trouvera-t-on, dans une niéthode de pasteurisation plus perfectionnée, le moyen de laisser au lait REVUE DES JOURNAUX animal les ferments encore inconnus que peut-être il contient, tout en détruisant les microbes qui viennent si souvent le souiller. E. Vallin. L’hygiène de l’oreille, par le D' Lermoybz {Presse médicale, jan¬ vier et février 190i, p. 80, 37, 62 et 69). L’ouïe est un de nos sens les plus précieux. Pendant longtemps et jusqu'à ces dernières années, là pathologie de l’oreille a été très négligée; même à Paris, le nombre des médecins aurisles était fort limité ; les pra¬ ticiens ordinaires dédaignaient l’étude de ces maladies et se bornaient à prescrire banalement des injections qui souvent n’avaient d’autre effet que d’amener des complications graves. Que de fois des oti tes moyennes, surtout chez les enfants du premier âge, ont été prises pour des méningites tuber¬ culeuses, alors qu’unesimple ponction du tympan aurait fait disparaître les symptômes effrayants et empêché une terminaison mortelle; que d’infir¬ mités incurables et (jue de fois la perte irrémédiable de i'oüïe auraient jiu être évitées par un diagnostic précis et un traitement précoce ! Quant à l’hygiène de l’oreille, elle était complètement inconnue ou ne consistait qu’en pratiques insignifiantes et routinières. M. le D'' Lermoyez, médecin des hôpitaux et chargé d’un service spécial à' l’hôpîtal Saint-Antoine, a apporté dans cette étude une précision scientifique , qui a jeté une vive lumière sur cette partie importanté de la pathologie. Notre collègue vient de publier dans la Presse médicale une série d’articles des jihis intéressants sur l’hygiène de l’oreillé aux différents âges, et nous’ voulons donner ici un résumé très court de ses travaux, afin d’inspirer le désir de faire une lecture attentive de ces leçons qui mériteraient d’être réu¬ nies dans un volume spécial. Trôlsch a dit justement que sur trois personnes prises au hasard, il y en a au moins une qui entend mal. On ne naît pas sourd, on le devient. On est le plus souvent sourd sÿiis le savoir, et quand on s’en aperçoit, quand on consulte l’auriste, il est trop tard, le mal est irrémédiable; <1 c’est comme si on appe'ait les pompiers quand le feu a détruit la maison ». Chez le nourrisson. — Quand, à l’àge de six mois, l’enfant reste insensible aux bruits qu’on fait autour de lui, c’est qu’une otite a été méconnue ; il faut faire examiner l’oreille par un spécialiste ; il est sans doute temps encore de guérir le mal. Mais^il faut surtout le prévenir et connaître les causes qui l’engendrent. Pendant le bain quotidien, ne' laissez pas l’eau savonneuse pénétrer dans l’oreille ou dans le nez dii nourrisson, sous prétexte de lés laver ; rien n’est plus dangereux. L’enfant couché sur le dos régurgite souvent le lait ingéré et celui-ci coule du coin de sa bouche vers la conque où il se collecte. M. Martha {Revue d’hygiène, 1896, p. 401) a montré la réalité de cette cause d’otite. Le nettoyage brutal et trop fréquent du conduit n’est pas moins dan¬ gereux; les béguins trop serrés aplatissent le pavillon et entraînent une humidité qui détermine des intertrigos du sillon rétro-auriculaire. Le moindre coryza obstrue la trompe, et le muco-pus envahit l’oreille BEVUE DES JOURNAUX moyenne ; si le canal de la trompe est étroit, la caisse suppure, et il peut survenir une surdi-mutité que l’on croit congénitale. Pour distraire ou calmer l’enfant, les nourrices frappent dans leurs mains, déterminent autour de lui des bruits violents qui peuvent amener des ruptures ou des vibrations dangereuses; redoutez les sifflets de locomotives, les musiques et les tirs des foires. « L’oreille, dit ingénieusement iW. Ler- moyez, n’a pas de paupières pour la protéger contre les excitations vio¬ lentes qui l’offensent. '> Quand, à un an, un enfant ne gazouille pas ou ne commence pas à parler, faites examiner son oreille par un médecin très compétent. Chez l’enfant. — Tirer sur les oreilles d’un enfant ou lui donner une giffle sur l’oreille est une brutalité qui peut avoir des conséquences graves ; le refoulement brusque de l’air dans le conduit par un soufflet peut amener la rupture du tympan, une hémorrhagie de la caisse, une commotion grave du labyrinthe, une fracture du cartilage de la conque. Le percement des lobules n’est jamais utile; quand il est fait avec un instrument malpropre, il est dangereux. Ne faites jamais la toilette du conduit avec un cure-oreilles, même' s’il est terminé par une éponge qui reste souillée et avec laquelle on écorche la surface du tympan ; évitez les irrigations répétées qui amènent la macération de la membrane ; redoutez l’emploi des huiles végétales qui rancissent; à rares intervalles, enroulez autour d’une tige d’allumette un peu dè coton hydrophile dépas¬ sant longuèment la tige et légèrement humecté d’essence minérale pour mieux dissoudre le cérumen. Veillez à ce que les enfants en jouant n’introduisent aucun corps étranger dans le conduit. Que l’enfant respire toujours par le nez ; s’il respire par la bouche, c’est que les voies nasale» ne sont pas libres (tumeurs dénoïdes, coryza rebelle) ; faites examiner le pharynx nasal. Pour se moucher logiquement, il ne faut pas souffler fort, mais successivement par unè seule narine en tenant l’autre fermée sôus ie mouchoir à la paysanne. Redoutez les injections nasales, bori- quées ou non, qui pénètrent violemment et refoulent dans l’oreille moyenne des produits septiques. Contre le coryza, renversez la tôle de l’enfant placé sur les genoux de la mère, et instillez trois fois par jour dans chaque narine quelques gouttes d’huile d’olive mentholée à 1 p. 50. Après toute fièvre éruptive, il est indispensable que l’oreillo soit examinée au spéculum; assurez soir et matin la propreté de la bouche par des lavages antiseptiques et des gargarismes, car toute infec¬ tion buccale peut coloniser le naso-pharynx et pénétrer dans la trompe. Quand un enfant n’entend pas le maître à l’école, c’est qu’il a des végétations adénoïdes, une otite mal guérie ou des bouchons cérumi- neux; sur 100 écoliers, ,20 ont des végétations presque toujours méconnues, qui détermineront des lésions graves de l’oreille, des déformations de la voûte palatine et des dents, l’anoxémie, l’hébétude, etc. « Beaucoup d’élèves réputés cancres - .ne sont que dès adé,noïdiens ; on cherche à leur ouvrir l’intelligence ; il vaudrait mieux leur ouvrir , les oreilles. » Chez [‘adulte. — Protéger les oreilles contre le froid, contre les REVUE DES JOURNAUX poussières professionnelles. En principe on ne doit pas porter de coton dans les oreilles ; on diminue l’ouïe, on entretient l’humidité qui favorise les furoncles. Le coton n’est utile que s’il existe une perfora¬ tion sèche du tympan, s'il y a une affection labyrinthique avec hypera- cousiCi Quand on a un passé ou une hérédité pathologique, il faut assurer matin et soir la propreté des dents, de la bouche, du nez. Renifler de l’eau froide au réveil ne vaut rien ; après un voyage où l’on a respiré beaucoup de poussière, on peut renifler de l’eau tiède salée. Le froid aux pieds est un terrible danger pom- ceux qui ont eu les oreilles malades, car il réveille les poussées de rhino-pharyngile ; il faut faire usage de snow-boots, de brodequins montants, de doubles chaussettes, de chaus¬ sures parfaitement sèches. Abstenez-vous de fumer, surtout de rendre la fumée par le nez. Quand on a une perforation du tympan ou l’oreille susceptible, il est préférable de ne pas plonger quand on se baigne ; tout au moins faut-il garnir le conduit de coton huilé. Si l’oreille est saine et qu’après avoir plongé on perçoive des bourdonnements, il est bon d’extraire l’eau avec du colon hydrophile roulé et de d’avaler plusieurs fois la salive en pinçant les narines. Lorsqu’on fait des ascensions, il faut fréquemment déglutir, le nez pincé; si l’on pénètre dans des caissons à air comprimé, on fait de temps en temps des efforts d’expiration par le nez en fermant les narines. Le canonnier doit se placer et regarder dans la direction de l’axe' de la pièce, en tenant la bouche enlr’ ouverte, afin que la vague d’air ne frappe pas perpendiculairement son tympan ; il doit se préparer au choc et ne pas laisser surprendre brusquement ses membranes. Le plomb est un poison de l’oreille interne ; la surdité unilatérale est un des symptômes de l’hémianesthésie saturnine des peintres et des cém- siers. Le surmenage intellectuel prédispose le savant de cabinet à la surdité, non moins que la continuité et la violence des bruits y prédis¬ posent le chaudronnier, les ouvriers d’usines, les téléphonistes. Dans tous ces cas, le repos de l’oreille ou du cerveau est nécessaire quand l’acuité auditive diminue. Nous espérons que M. Lermoyez consacrera un volume spécial à cette hygiène de l’oreille, que chacun a tant d’intérêt à surveiller et à mettre en pratique, à quelque classe sociale ou à quelque profession qu’il appar¬ tienne. E. Vallin. Osseruazioni batteriologiche su ana epidemia di cosidetto calera dei piccioni ^Observations bactériologiques sur une épidémie de pigeons analogue au choléra), par les D™ G.-L. Valenti et F. Fbrrari-Lelli {Atti délia R. Accademia di Scienze, Leltere ed Arti in Modena, 1900.) Au cours de l’été dernier, un envoi d’une centaine de pigeons domes¬ tiques destinés à l’alimentation fût arrêté à la gare de Modène, en raison dé la mort de quelques sujets et de l’aspect maladif de la plupart des autres; après isolement 14 seulement survécurent, tout le reste ayant succombé, après trois ou quatre jours de diarrhée et d’abattement, à REVUE DES JOURNAUX 281 des symptômes qui rappelaient ceux de la maladie infectieuse des per¬ ruches. L’étude bactériologique du sang et du suc des organes permit d’isoler un microbe dont les propriétés morphologiques, biologiques et patho¬ gènes sont mentionnées avec détails et le rapprochent des microrga- nismes récemment découverts lors dos épidémies de basse-cour de la Lombardie et du Piémont. En comparant ce microbe à celui trouvé par Leclainche dans la maladie des palombes, on constate des points de ressemblance sans arriver à l’identité. L’ingestion des tissus malades et l’inoculation des cultures jeunes déterminèrent dans l’espace de vingt heures à quatre jours la mort de 23 pigeons sains dans les mêmes conditions, que celle des pigeons infectés. Des poulets, des cobayes et des lapins soumis aux mêmes opérations se rétablirent promptement après un malaise passager. Des pigeons inoculés avec des cultures de troisième ou de quatrième ensemencement succombèrent après quinze à vingt jours à une forme lente et chronique, indiquant une atténuation assez rapide du germe Il s’agit donc d’une septicémie contagieuse, avec infection générale du sang et localisations dans le tube digestif et dans les organes thora¬ ciques. L’incertitude régnant encore sur les germes d’affections similaires et sur la prophylaxie à leur opposer doit engager à continuer les recherches bactériologiques sur les épizooties des basses-cours. F.-H. Renaut. The geographical dîstribtilîon of Anophel es, in relaiion io ,h distribution of ague in England (Distribution géographique des Ano¬ phèles, dans ses rapports avec l’ancienne distribution des fièvres palustres en Angleterre, par les D™ G. Nüttal, L. Cobbett et T. Strangeways- PiGG {The Journal ofhygiene, janvier 1901, p. 4-43. Le professeur Grassi, de Rome, considère comme démontré qu’en Italie les quatres espèces d’anophèles qu’il a décrites sont spéciales aux localités palustres, tandis que dans les localités non palustres on ne ren¬ contrerait que le simple culex. Macdonald a recherché les anophèles dans 12 localités du sud de l’Espagne, dont 9 étaient palustres; dans ces dernières il a trouvé l’A. maculipennis dans tous les cas, l’A. picius dans 3 de ces localités, l’A. bifurcatus dans une seule; dans les 3 autres localités sainés, il n’y avait que des culicidés. Celli, au contraire, a trouvé l’anophèle en des lieux assez élevés, libres de toute malaria. Le D' Nuttal et ses collaborateurs ont exploré de la même façon un grand nombre déréglons de l’Angleterre ; ils y ont recueilli des larves ou des formes complètes de moustiques ; à leurs observations person¬ nelles ils ont joint celles que .M. F.-V. Théobald va publier prochaine¬ ment dans un ouvrage spécial; ils ont dressé une carte de l’habitat des anophèles en Angleterre, et ils ont constaté que la répartition de ces insectes ne coïncide pas avec la distribution géographique des localités reconnues autrefois comme palustres ; car la lièvre intermittente a aujourd’hui presque complètement disparu de l’Angleterre. Les auteurs REVUE DES JOURNAUX â8â n’en concluent pas que les moustiques ne jouent pas un rôle considé¬ rable dans la transmission du germe paludique. Mais l’anophèle ne contient pas nécessairement ce germe dans son tube digestif, ses tissus et ses liquides salivaires ; il faut qu’il l’ait préalablement sucé avec le sang d’un homme qui a peut-être contracté la fièvre dans un pays très éloigné, voire en Afrique ou dans l’Inde. Quand on trouve des anophèles dans des localiiés où la fièiTe est inconnue ou rare, il est probable que le corps de ces insectes ne contient pas le parasite de Laveran, car on ne peut donner que ce qu’on a. Nous ne voyons pas que les auteurs du mémoire aient recherché l’hématobie palustre dans le corps des ano¬ phèles qu’ils pêchaient par un procédé ingénieux ; il est probable qu’ils ne l’auraient pas trouvée, puisque la fièvre intermittente est devenue très rare en ce pays; néanmoins il eût été intéressant de constater que ces espèces de culicidés étaient exemptes du parasite qu’elles contiennent presque constamment dans l’ager romanus et les contrées palustres. Nous nous bornerons à donner la traduction littérale des conclusions de cet intéressant mémoire : « 1“ La disparition de la fièvre, dans la Grande-Bretagne, ne dépend pas de la disparition de moustiques capables de recéler les parasites de la malaria; 2“ Trois espèces d'anophèles {A. maculipennis, A. bifurcatus, A. nigripes) se trouvent en Grande-Bretagne 'dans toutes les localités qui étaient anciennement palustres, mais aussi dans des localités où Ton n’a aucun souvenir d’avoir vu prédominer autrefois les fièvres; 3” Aujourd’hui les anophèles abondent surtout dans les terres basses contenant beaucoup de fossés, d’étangs, d’eaux presque dormantes ; ces terres basses, qui constituent un habitat favorable à la vie de ces insectes, correspondent aux districts où régnait aùtrefois la fièvre intermittente; 4® Puisque la disparition de la fièvre ne dépend pas de l’extinction des anophèles, elle résulte probablement de plusieurs causes concomitantes, à savoir ; O. Réduction du nombre de ces insectes en conséquence du drainage du sol, ce drainage étant, de l’avis unanime de tous les auteurs anciens, la cause à laquelle on attribue d’ordinaire la disparition de la fièvre ; b. Réduction de la population dans les districts infectés, résultant de l’émigi-ation, vers l’époque où la fièvre disparut de l’Angleterre. Le nombre des hommes infectés diminuant, les anophèles avaient moins de chances d’être infectés à leur tour; c. 11 est possible que l’usage de la quinine ait également réduit les chances d’infection des anophèles, en arrêtant le développement des para¬ sites dans le sang des malades atteints de fièvre. La première de ces trois causes semble avoir joué le rôle principal. Il n’est pas impossible qu’il existe un hôle, autre que l’homme, capable d’héberger le parasite ; dans cette hypothèse, cet hôte peut avoir disparu dans les terres basses, où Ton sait que la faune et la flore se sont trans¬ formées. 5® La coïncidence de la distribution géographique de la fièvre et de REVUE DES JOURNAUX 283 l’anophèles, affirmée par Grassi pour l’Italie et considérée par lui comme probable pour les autres parties du monde, est donc inexacte en Angle¬ terre ; une telle généralisation est prématurée, en tant qu’elle exclut d’autres insectes suceurs de sang pouvant être les hôtes du parasite palustre; 6“ Puisque la répartition de l’anophèle en Angleterre dépasse de beaucoup la zone ancienne des fièvres, on est forcé de conclure que la distribution géographique de ces insectes importe moins que leur distri¬ bution numérique; 7» Nos observations ayant prouvé l’existence d’anophèles dans des régions non palustres, nous pensons qu’on pourra expliquer de la sorte la production accidentelle des cas de fièvre en un lieu quelconque, sans qu’il soit nécessaire d’admettre que des moustiques, portant dans leurs tissus le germe malarique, aient été récemment importés ; car étant donnés des conditions favorables et un nombre suffisant d’anophèles, un malade atteint de fièvre contractée autre part peut très bien infecter les insectes de sa nouvelle résidence, et ceux-ci à leur tour pourront infecter (inoculer) les personnes jusque-lii bien portantes; 8° Nous pensons que les personnes qui veulent étudier la malaria dans d’autres contrées feraient bien de rechercher la présence des anophèles aussi bien dans les localités non palustres que dans celles qui sont palustres. Dans beaucoup de pays les observations sont insuffisantes en ce, qui concerne le nombre de ces insectes ; tout en reconnaissant que l’évaluation du nombre de ces insectes expose à bien des erreurs, c’est cependant une donnée qui a une valenr relative. » Les auteurs auraient dû conseiller aussi aux médecins et aux natura¬ listes explorateurs non seulement de rechercher si l’on trouve toujours des anophèles dans les localités palustres, mais surtout si ces anophèles sont infectés par l’hématobie de Laveran, et inversement si les anophèles qu’on rencontre dans les lieux non palustres ne sont pas toujoure exerhpts de ce parasite. A notre avis cette recherche est fondamentale pour démontrer la réalité de la nouvelle pathogénie. E. Vallin. Einlrilt von Kohlenoxyd in die Zimmerluft bei Beiiulzung von Gasôfen und Gasbadeôfen (Dégagement d’oxyde de cai-bone dans l’at¬ mosphère des chambres lors de l’emploi des poêles à gaz et des chauffe- bains à gaz), par le professeur A. Gartner (d’Iéna) {SchiUitig’s Journal für Gasbeleuchlung und Wasserversorgung, 1900.) Malgré les perfectionnements théoriques apportés au chauffage au gaz, l’insuffisance des installations et le bon marché trop considérable des appareils amènent des défectuosités pernicieuses. Des intoxications gazeuses avec syncope ou issue fatale se sont produites en ces dernières années et récemment à Hambourg, à Munich et à Zurich dans des cham¬ bres ou des salles de bains chauffées au gaz. Cette série néfaste a déter¬ miné le professeur Gartner à étudier ces accidents produits par le brû-. lage du gaz à l’air libre, sans évacuation des reliquats de la combustion 284 REVUE DES JOURNAUX incorhplèle, CO* et CO {Revue d’hygiène, 1895, p. 856 et 1896, p. 119.) L’auteur institua dès expériences avéc des poêles et dès chauffe-bains de différents systèmes, fonctionnant dans des locaux de capacité déter¬ minée : les volumes de O et CO* étaient dosés à des intervalles de temps fixés : la présence de CO était recherchée au moyen du papier au chlo¬ rure de palladium, de' l’examen spectroscopique du sang d’animaux soumis à l’action des gaz et de l’analyse chimique du sang par la méthode de Welzel {Ibid., 1893, p. 377). On notait par un orifice approprié le temps au bout duquel s’éteignaient différentes flammes, lampes à huile, à pétrole, bougies de stéarine, de cire, ainsi que le moment où succom¬ baient de petits animaux tels que cobayes, rats, souris, oiseaux. On mentionnait la pression du gaz, sa consommation dans un temps donné, la température des locaux, celle des bains, la condensation de la vapeur d’eau, la production de noir de fiimée, la limpidité de l’atmosphère, enfin les sensations éprouvées en pénétrant dans le local. C’est bien à la combustion incomplète du gaz qu’il faut attribuer le déga¬ gement de CO* et CO, dans des proportions asphyxiques et toxiques suf¬ fisantes, .s’il n’existe pas de moyen d’évacuation et de ventilation; après cinq ou six heures d’allüinage l’acide carbonique s’élevait généralement à 3 p, 100 et l’oxÿgène descendait à 12 et même 10 p. 100 ; l’oxyde de carbone a été soüvent constaté sans qu’on ait cherché l’appréciation quantitative en raison de l’incertitude des méthodes. On peut obvier à ce défaut de combustion totale en accélérant l’écoulement du gaz juSqu’à 30'0 et 450 litres par heure sous une pression de 20 millimètres et en activant la circulation de l’air autour des brûleurs. L’odorat constitue un moyen efficace d’avertissement : quand un poêle à gaz commence à <1 sentir », c’est que son fonctionnement laisse à désirer et qu’il faut visiter le système. Les accidents survenus dans les salles de bains sont les plus fréquents en raison de l’exiguïté de ces locaux de 12 à 20 mètres cubes, de leur fermeture plus soignée et de la solitude du baigneur. Des expériences personnelles faites par l’auteur dans sa salle de bain lui ont démontré que même avec un fonctionnement normal d’un chauffe-bain de bonne marque il y a dégagement de CP en quantité suffisante pour incommoder, s’il n’y a pas de ventilation et si les produits de la combustion ne sont pas aspirés par une cheminée. Pour placer les chauff’e-bains à gaz dans les meilleures conditions de salubrité, il importe que l’appareil soit relié à une cheminée de tirage assuré, que la porte de la salle de bain reste ouverte pendant le chauf¬ fage de l’eau, que la flamme d’une lampe ou d’une bougie indique la proportion de CO* par son extinction ou son mauvais brûlage. Des diffé¬ rents essais il résulte qu’en moyenne les flammes s’éteignent lorsqu’il y a 2,1 de CO* p. 100 et que O est réduit à 16,5 p. 100. Tant qu’une flamme brûle parfaitement clair, il n’y a pas de danger ; il ne faut donc pas s’éclairer, dans une salle avec chauffe-bain à gaz, avec un bec de gaz ni avec la lumière électrique, puisqu’on perdrait le bénéfice de ce moyen d’avertissement en cas de danger. F. -H. Renaut. REVUE DES JOURNAUX 383 Veber die regelmüssige Wohnungs-Beaufsichtigung und die behôrd- liche Organisation derselbe (Sur la réglementation et l’organisation administrative de l’inspection des logements), par les D™ Reincke et Gassner, et par M. Marx {loc. cit., p. 219). Les trois co-rapporteurs de cette communication exposent les résultats et le fonctionnement de l’inspection des logements et des garnis occupés par la classe ouvrière à Hambourg, à Mayence et à Dusseldorf; dans les deux premières villes la question est régie par des lois locales et dans la troisième des ordonnances de police règlent les conditions et les sanctions de cette surveillance ; lois et'ordonnances sont de dates variant entre 1893 et 1898. L’insalubrité notoire n’est pas seule en jeu; il convient d’exiger les qualités hygiéniques réelles des petits logements à bon marché et d’empêcher le surpeuplement. Les derniers comptes rendus de police de Mayence mentionnent que sur 978 logements en location, 140 furent re¬ connus comme satisfaisant aux exigences de la réglementation; presque tous les autres furent mis en état convenable par les propriétaires sur simple avertissement et l’intervention de l’autorité fut exceptionnelle pour l’exécution des modifications nécessaires; il fut interdit d’une façon formelle de louer 77 logements notés comme inhabitables. Lorsqu’une bonne réglementation existe, elle ne peut être appliquée que par un personnel spécial, ayant des connaissances suffisantes pour discerner les défectuosités de l’habitation. A Dusseldorf, 36 agents pro¬ cèdent à l’inspection des habitations; leurs rapports sont contrôlés par un fjpnctionnaire municipal qui entre en poiuparlers avec les propriétaires; tous les quatre ans le chef de la police fait procéder à une révision générale pour l’annotation hygiénique des logements et des garnis. La loi du grand-duché de Hesse du 1°” juillet donne un aperçu des conditions que doivent présenter au point de vue de l’hygiène les habita¬ tions mises en location ; elle énumère le droits et les devoirs réciproques des propriétaires et des locataires, enfin elle indique le contrôle et l’inter¬ vention de l’autorité municipale et policière. Malgré quelques légères cri¬ tiques, cette législation est déjà un progrès et, après discussion, la Société allemande d’hygiène publique (Deutsche verein fur offentliche Gesund- heitspflege) vote l’absolue nécessité d'une loi d’Empire pour unifier et généraliser l’inspection des logements. F.-H. R. Amerikanische Yersuche fiber SandfiUration (Recherches faites en Amérique sur la filtration par le sable), par le professeur Gartner (d’Iéna) (Schilling’ s Journal für Gasbeleuchtung und Wasserveisorgung, 1900.) Sollicité par la rédaction du journal sus-indiqué, le professeur Gartner a fait une analyse fort étendue du Report on the investigations into the purification of the Ohio river water, compendieux mémoire de 600 pages avec figures et tableaux, publié en 1899 à Cincinnati, par George W. Fuller. Cette analyse, bien que constituant un travail de seconde main, mérite d’être signalée en raison do l’importance du sujet. 286 REVUE DES JOURNAUX de la compétence du crilique et de la difficulté de se procurer le volume original. La ville de Cincinnati, avec une agglomération de plus d'un million et demi d’habitants, s'approvisionne avec l’eau de l’Ohio, toujours chargée de matières en suspension et fangeuses mémo, trois mois dé l’année, à cause de ses débordements. La tiltration s’impose, mais avant d’engager la dépense d’un million de dollars consacré à cet objet, l’administration do la ville et « l’OIiio sanitory engineering Company n firent entre¬ prendre des recherches expérimentales et des essais partiels sur les meilleurs moyens de clarifier l’eau argileuse du fleuve, moyens qui peuvent se résumer dans les quatre systèmes suivants. Le « système anglais « comprend la. clarification dans des. bassins de sédimentation pendant ti’ois jours et ensuite la filtration à travers des cuves renfermant des couches superposées de gravier, de sable à grains plus ou moins ténus. En moyenne après soixante et une heures de sta¬ gnation l’eau abandonnait 73 p. 100 des matières en suspension ; mais d’après les observations le dépôt se fait principalement dans les pre¬ mières heures, car il s'afiàiblit considérablement dès le second jour. La filtration retenait 90 p. 100 des paraelles argileuses ; le liquide filtré ne présentait plus que de 20 à 100 bactéries pàr centimètre cube. En raison de la quantité encore notable d’ai-gile dans l’eau filtrée, on essaya le « système anglais modifié > qui comprenait comme le premier la sédimentation et la filtration, mais en plus l’addition de sulfate d’alu¬ mine ; ce sel en présence dçs carbonates déterminait un précipité flocon¬ neux, blanchâtre et gélatineux d’hydrate d’alumine. Les résultats étaient satisfaisants et il eût été possible d’employer le système anglais pendant la iilus grande partie de l’année et la modification avec l’alun pendant la période des hautes eaux ; mais les frais d’installation des filtres et la nécessité de leur lavage fréquent pour les débarrasser des reliquats pois¬ seux augmentaient beaucoup les dépenses. Aussi I. le système américain » simplifiait les opérations en ne recou¬ rant qu’à une simple sédimentation avec addition pendant six heures de sulfate d’alumine, puis à une filtration sur sable ordinaire, ce qui donnait une rapidité 30 à 40 fois plus grande que le système précédent avec un rendement aussi satisfaisant, avec des. dépenses moins fortes et un entrer tien plus facile pour le lavage et la régénération des surfaces filtrantes. Enfin la Compagnie de l’Ohio fit des expériences en se servant d’eau de chaux concentrée, de la sédimentation consécutive et de Ja filtration répétée à travers des couches de sable et de polarité ; malgré les incon¬ vénients d’un excès de chaux possible, des essais renouvelés donnèrent des moyennes d’eau filtrée d’où avaient été soustraites 87 parties pour 100 des matières en suspension, 63 pour 100 de carbures, 07 p. 100 de matières azotées organiques et 94,3 p. 100 de bactéries. Ces courtes citations indiquent la supériorité du « système américain n et montrent que dans le Nouveau-Monde on n’a pas redouté l’essai en grand des moyens chimiques pour la clarification des eaux de boisson; cette méthode no fai en somme que hâter ce que la nature opère leiite- NOUVELLES ment et longtemps. 11 est vrai qu’en Europe les eaux des fleuves ne pré¬ sentent que rarement une teneur aussi élevée en matières terréuses et que presque toujours la double filtration suffit à toutes les exigences. Dans tous les cas l’analyse critique de Gartner resterait à consulter pom’ l’étude des résultats précis des différents systèmes de clarification mis à l’essai à Cincinnati, encore que la lecture des mesures anglaises de poids, de volume et de surface soit quelque peu troublante ; ce qui fait regretter le constant recul de la généralisation universelle du sys¬ tème métrique. F.-H. Renaut. NOUVELLES DÉCÈS DU PROFESSEUR Ma.x VON Pbttenkofer. — L’illusti'e maître et doyen de l'hygiène moderne en Europe a terminé sa vie dans la nuit du 9 au 10 février dernier, à l’àge de 82 ans, à Munich. Ses funérailles ont eu lieu le 12 avec l’éclat que justifiaient tant de services rendus à sa ville natale et à l’humanité. Nous avons essayé récemment de retracer {Revue d’hygiène, 1900, p. 169) le rôle glorieux de Pellenkofer dans la rénova¬ tion de l’enseignement et de la pratique de la science hygiénique. Jus¬ qu’en ces dernières années, l’illustre et aimable vieillard avait conservé toute sa verdeur intellectuelle et physique. Quelques rares amis consta¬ taient chez lui depuis peu de temps une mélancolie et un découragement que favorisait une inflammation cluronique de la gorge. 11 avait glorieu¬ sement et depuis longtemps terminé sa tache; la mort l’oubliait et ne venait pas à lui ; il est allé à elle, avec la tranquillité et la conscience du devoir accompli. Son nom est un de ceux qui auront le plus honoré la seconde moitié du siècle écoulé. L’OEuvre des enfants tuberculeux a la Sorbonne. — Le jeudi 21 février a eu lieu au grand amphithéâtre de la Sorbonne l’assemblée générale annuelle de. l’CEftu/'e dEs enfants tuberculeux, en présence de M. le Président de la République, ayant à sa droite le sympathique et vénéré président de rCEu\Te, M. le D’’ Hérard, et à sa gauche M. Casi- mir-Perier. En termes shnples et excellents, M. Hérard a remercié M. le Président de la République du patronage qu’il veut bien donner par sa présence à une entreprise d’initiative privée, qui a commencé modeste¬ ment et qui possède aujourd’hui deux hôpitaux (Ormesson et Villiers), des colonies agricoles et un capital qui suffit amplement à en assurer le bon fonctionnement. M. le Président de la République a donné l’assu¬ rance que la lutte contre la tuberculose est une des grandes préoccupa¬ tions du Gouvernement, aussi a-t-il été heureux d’accorder la croix de la NOUVELLES Légion d’honneur à la sœui’ Candide, qui a pris une si grande part à l’organisation de l’CEuvre. Après le rapport du trésorier, M. le D’’ L. Petit, avec une facilité de parole, un mom^ement oratoire et une verve vraiment p^ ordinaires, a montré la nécessité d'unir tous les efforts pour combattre la tuberculose : pendant que d’autres dissertent, l'Œuvre des enfants tuberculeux agit; ne- pouvant assister tous les tuberculeux, elle commence par soigner les enfants qui sont plus curables et qui ont un long avenir devant eux. Quant ils sont guéris, elle les garde loin des grandes villes, elle en fait des ruraux, des cultivateurs, parfois même elle réussit à en faire des soldats. L’immense amphithéâtre de la Sorbonne était comble; la plupart des assistants étaient des adhérents à l’Œuvre , et par leurs applaudissements répétés ils ont témoigné de l’ardeur de leur prosélytisme. Conservation do vaccin aux colonies. — Parmi les moyens à employer dans nos colonies pour mettre le vaccin à l’abri de la chaleur qui en atténue si rapidement la virulence en été, M. le D' Simond, médecin principal des colonies, recommande le suivant dont il a retiré un grand profit au Tonkin et en Chine. On plonge l’étui contenant les tubes de vaccin dans l’eau d’une petite gargoulette en terre poreuse, qu’on fait porter par un coolie pendant les tournées de vaccination par voie de terre; on suspend à l’air et on laisse balancer la gargoulette pendant les haltes et à bord des bateaux. Si l’on veille à ce que l’eau qui s’évapore assez vite ne manque pas dans le récipient, le vaccin est maintenu à une température qui ne dépasse pas + 28®. Or, c’est à partir de + 30“ seulement que le vaccin subit une atténuation progrès? sive. Du vaccin conservé par M. Simond à la température de + 34® avait perdu au bout d’un mois toute sa virulence. Annoblissement de Behring. — L’empereur d’Allemagne, à l’occa¬ sion du bi-centenaire de la monarchie prussienne, vient de concéder des litres de noblesse à un certain nombre d’hommes éminents, parmi les¬ quels se trouve le professeur Behring, directeur de l’Institut d’hygiène de Marburg. Le D'' Behring obtient, en outre, le droit héréditaire de siéger au Sénat, faveur qui n’est accordée qu’aux familles d’ancienne noblesse. Le gérant : Pierre Avger. lmp. PAUL DUPONT, 4, Bouloi. — Paris. 1" Arr‘. — 3.3.1901 (Cl.) REVUE D’HYGIÈNE fillGE'SMTTAIRE BULLETIN SUR L’ÉTIOLOGIE DE L’APPENDICITE par le Docteur E. VALLIN. II n’est pas contestable que l’appendicite est devenue beau¬ coup plus fréquente depuis une dizaine d’années. Même en consi¬ dérant comme autant d’appendicites méconnues tous les cas de typhlite, d’abcès de la fosse iliaque, de péritonite aiguë, etc., que nous diagnostiquions autrefois, il est évident que nous ne voyions pas il y a vingt ans ces cas brusques de « coliques de miserere », terminés en peu de jours par la mort, qu’on opère et qu’on sauve aujourd’hui, ou bien que révèle l’autopsie de ceux qu’on n’a pas opérés. Les uns attribuent cette fréquence inaccoutumée de l’appen¬ dicite à ce qu’elle serait une localisation grippale (Faisans, J. Simon Merklen, Jalaguier) ; d’autres, comme M. Kelsch {Académie de méde¬ cine, 26 février 1901), la considèrent comme une de ces poussées accidentelles, en quelque sorte épidémiques, auxquelles sont sujettes les maladies infectieuses et populaires, et qui se produisent si manifestement dans la marche de la diphtérie, de la méningite céré¬ bro-spinale, delà crippe, etc. Tout cela est peut-être vrai, et nous ne méconnaissons pas l’intérêt de ces obscures questions de patho- génie générale et d’épidémiologie spéculative. UEV. d’hyg. xxffl. — 19 D' E. VALLIN Mais notre collègue, M. Metchnikoff, dans une communication extrêmement intéressante, marquée au coin du bon sens et de l’ob¬ servation rigoureuse, est venu présenter à l’Académie sous forme d’hypothèse une explication qui nous paraît très séduisante dans sa simplicité. L’appendicite, les accidents brusques et effrayants qui souvent la simulent, ne seraient-ils pas dus, au moins pour une part, à l’intro¬ duction dans l’appendice de vers intestinaux, en particulier d’asca¬ rides, de trichocéphales. Son attention a été attirée il y a plusieurs années sur cette hypothèse par le cas d’un de ses amis, qui est aussi le nôtre, bactériologiste éminent, dont la fille âgée de dix-neuf ans était sur le point de subir l’opération de l’appendicite ; deux chirur¬ giens des plus distingués avaient confirmé le diagnostic d’appendicite à répétition et conseillaient l’intervention chirurgicale. M. Metcbni- koff demanda à son ami de soumettre les matières fécales à l’examen microscopique. Au premier coup d’œil, M. Metchnikoff y reconnut des œufs d’ascarides et de trichocéphales en grand nombre. Des doses successives de vermifuges amenèrent l’expulsion de plusieurs ascarides ; toutefois la présence des œufs persista longtemps, et ce n’est qu’au bout de quatre mois qu’ils disparurent sous l’influence d’administration répétée de santoniue et de thymol. Dès le début du traitement les crises appendiculaires avaient été enrayées, et depuis quati’e ans, malgi’é une grossesse et la naissance d'un enfant, il ne s’est reproduit aucun accident de ce côté. M. Metchnikoff cite un certain nombre d’observations presque identiques, où une opération déclarée d’abord urgente et indispen¬ sable fut retardée, puis jugée inutile par la découverte dans les selles d’œufs de nématodes, et par l’heureux effet de quelques vermifuges. Dans un cas même, les deux chirurgiens appelés avaient porté le diagnostic de l’appendicite avec péritonite généralisée, et avaient refusé d’intervenir, vu l’état très grave du jeune malade ; et cepen¬ dant l’enfant, après avoir expulsé avec les vomissements un ascaris, fut brusquement soulagé ; trois jours après, il se sentait déjà si bien qu’on put lui administrer de la santonine et du calomel ; il expulsa un second ascaris et guérit complètement. Aussi M. Metchnikoff propose dans tous les cas douteux de pro¬ céder à l-éxamen microscopique des selles, et de rechercher les œufs si caractéristiques de ces nématodes. Davainè, dans son Traité (les hématozoaires, cite un cas où un LES CAUSES DE L’APPENDICITE 291 appendice ulcéré et perforé donna issue à 47 ascarides : MM. Brun et Guinard, à la Société de Chirurgie (1900, p. 311 et 1009), ont trouvé l’un un ascaride mort, l’autre un trichocéphale vivant dans un appen¬ dice qu’ils venaient d’enlever ; ils se demandent s’il y a simplement coïncidence ou relation de cause à effet. Dans beaucoup de cas signalés depuis longtemps, on a trouvé des ascarides dans le péritoine et parfois d'autres étranglés dans une perforation à l’extrémité de l’appendice. Certains pensent que le rôle des entozoaires est purement passif, qu’ils sont sortis profitant de l’ou¬ verture d’un ulcère préformé. Voici l’opinion sur ce point deM. Met- chnikoff, qui a été pendant de longues années professeur de Zoologie à rüniversité d’Odessa avant d’être chef de service à l’Institut Pasteur. « Il est très peu probable que les ascarides puissent perforer l’appendice ou un autre endroit de l’intestin, mais il ne faut pas oublier qu’ils peuvent produire des érosions de la muqueuse et les ensemencer avec des microbes dont ils sont couverts. De cette façon ils peuvent devenir la cause primordiale de l’ulcération et de la per¬ foration de la paroi intestinale. Le trichocéphale est encore plus capable de produire de pareilles lésions, car il est bien connu qu’il implante la partie antérieure de son corps dans la muqueuse. Le ré.sultat de ces inoculations parles vers peu t être très différent, selon la quantité et la virulence des microbes et le degré de la l’ésistance de l’organisme. Dans certains cas, leur effet sera nul ou insignifiant tandis que dans d’autres il occasionnei-a des infections graves. Les nématodes intestinaux jouent un rôle double. Ils exercent d’abord leur influence directe, mécanique ou chimique, sur l’appen¬ dice ou les parties voisines. Ils produisent en outre une action indi¬ recte par l’intermédiaire des microbes qu’ils introduisent en lésant la muqueuse. Dans tous les cas il est évident qu’il faut compter avec eux dans l’appendicite, comme dans beaucoup d’autres maladies. On a depuis longtemps pris cette bonne mesure d’examiner les expectorations dans les maladies des voies respiratoires, ou Turine dans les affections des organes urinaires. On néglige seulement d’examiner les matières excrétées par les intestins dans les maladies de ces organes. » M. Metchnikoff cite des cas où l’appendicite a sévi d’une façon en quelque sorte épidémique dans certaines familles ou dans, cer¬ taines pensions ; M. Golouboff, professeur à la Clinique Médicale à 292 D' E. VALLIN Moscou, dans un internat de jeunes filles de cette ville en 1896, en a obseiTé 7 cas en deux mois. On peut se demander si ces épidémies familiales ou de maison n’ont pas pour origine la souillure d’aliments par des déjections humaines desséchées sur des légumes consommés à l’état cru. D’après des observations qu’il poursuit depuis bientôt dix ans (recherche des œufs d’helminthes dans les selles), M. Metchnikofi calcule que dans la population parisienne il doit y avoir actuellement SOO.OOO habitants dont les intestins renferment des nématodes : sans doute la plupart de ces personnes échappent à l’appendicite, mais un certain nombre d’entre elles ont des chances de payer leur tribut à cette maladie. Il conseille donc de soumettre à l’examen microsco¬ pique les matières fécales de tout individu suspect d’appendicite. Rien n’est plus facile que de reconnaître les œufs des nématodes; quelques minutes suffisent, mais l’examen doit être renouvelé plu- sieui's fois et si on le peut plusieurs jours de suite. Il cite un cas d’appendicite dite à répétition, où un premier examen microscopique ne lui révéla pas la présence de parasites ; il redemanda un nouvel échantillon de matière avant qu’on décidât l’opération, et cette -fois les préparations accusèrent la présence de quelques œufs de tricho- céphales; l’administration du thymol débarrassa le malade d’un grand nombre de parasites. « Comme un seul ver, dit M. Metchnikoff, est capable d’obstruer l’appendicite ou d’ensemencer ses parois, il est possible que, dans des cas rares et particulièrement difficiles pour le diagnostic, ce soit un ascaiis ou un trichocéphalemâle qui provoque l’accident. Alors l’examen des selles ne pourra donner qu’un résultat négatif et il n’y aura que des vermifuges capables d’assurer le diagnostic. On arrive donc à la nécessité de donner quelquefois de ces médicaments, même si l’examen microscopique des matières fécales a été négatif. Autre¬ fois c’était une habitude de prendre de temps en temps des vermi¬ fuges et d’en donner aux enfants ; depuis un certain nombre d’an¬ nées cette pratique a été abandonnée. C’est là peut-être une des causes de la plus grande fréquence de l’appendicite, signalée par plusieurs cliniciens dans ces derniers temps. La consommation plus grande des légumes et des fruits crus que l’on trouve maintenant on toute saison, et aussi l’arrosage des terrains maraîchers par les eaux d’épandage, tout cela, joint à la négligence de la cure vermifuge, explique sans doute un bon nombre de cas d’appendicite. » LES CAUSES DE L’APPENDICITE 293 Des données qui précèdent découlent certaines règles que M. Met- chnikoff conseille d’appliquer et qu’il est impossible de ne pas approuver, à savoir : 1» Dans tous les cas suspects d’appendicite, pratiquer l’examen helminthologique des matières fécales. Dans tous les cas où il y aurait possibilité de le faire, appli¬ quer le traitement vermifuge avec de la santonine contre les ascai'ides et du thymol contre le trichocéphale*. 3“ Défendre aux personnes atteintes d’appendicite de manger des légumes crus, des fraises, etc., et de boire de l’eau non bouillie ou non filtrée. 4° La proscription des aliments crus et des eaux impures constitue de même une excellente mesure propliylactique. 5° Examiner de temps en temps les selles, surtout chez les enfants, et leur administrer des vermifuges. Rappelons qu’au Congrès international d’hygiène de Paris, l’année dernière, M. le professeur R. Blanchard signalait la fréquence crois¬ sante des helminthes intestinaux, le rôle des légumes, salades, radis, arrosés avec les malièi-es fécales, celui des cours d’eau souillés par la projection directe des égouts, comme cause de cet accroissement. La section de bactériologie, devant laquelle ce travail avait été lu, s’est prononcée en faveur de l’interdiction absolue de la pratique, de plus en plus commune dans certaines régions, de l’arrosage direct des cultures avec l'engrais humain. Il faut reconnaître qu’en ce qui concerne l’emploi des vermifuges on est tombé d’un excès dans l’autre; il y a cinquante ans, dès qu’un enfant ou un adulte était indisposé ou avait des coliques, les nourrices, les commères, les mères de famille ne manquaientjamais de lui administrer une ou plusieurs doses de semen-contra, de tanaisie, de mousse de Corse, d’absinthe, d’armoise ou de spigelie, tous médicaments dont l’emploi est tombé en désuétude et dont les noms sont presque oubliés. L’abus était évident, l’usage est devenu ridicule, et par une réaction qui est commune, ou peut dire que presque jamais aujourd’hui on ne songe à administrer un vermifuge à un adulte ; tout au plus donue-t-on quelqiiestablettes de santonine 1. M. Metchnikoff recommande pour uu adulte 3 à 4 grammes, do thymol dans la matinée, puis 30 contigr. do calomel dans la soirée. Ou continuo pendant trois jours le mémo traitement en s’abstenant pendant ce temps do salades, radis, légumes crus, etc. 29i D' E. VALLIN à 1 centigramme à un enfant qui a rendu des vers ou bien qui a de fortes démangeaisons à l’anus. Quant aux. adultes, ils faisaient jadis un usage fréquent, comme simple purgatif, du calomel, qui est un excellent vermifuge. Au début de nos études, rien n’était plus banal que d’administrer à un entrant un gramme entier de calomel, associé ou non à la poudre de jalap ou de rhubarbe, pour débarrasser l’intestin ; c’était un mé¬ dicament d’usage fréquent dans les familles, aussi bien pour les enfants que pour les adultes. Aujourd’hui, à la suite des théories contestables de Mialhe, on ne donne plus le calomel que par centi¬ grammes, et on n’ose plus le prescrire comme purgatif. Jadis on pensait constamment et abusivement à la possibilité d’une affection vermineuse à forme plus ou moins larvée ; aujourd’hui on n’y pense jamais, ou du moins l’on n’y pense pas assez, et l’on a tort. Dans une communication faite récemment à l’Académie (séance du 19 février), M. Lucas-Championnière place au premier rang des causes qui favorisent les infections intestinales l'excès de l’alimen¬ tation carnée, plus accusée encore en Angleterre et en Amérique que chez nous. Dans les grandes villes des Etats-Unis, « l’appendicite est si répandue, qu’un des observateurs les plus éminents, Keen, de Philadelphie, estime que le tiers de la population en est atteint ! » « Non seulement, dit M. Lucas-Championnière, l’alimentation par la viande a pris partout des proportions inouies, mais certaines coutumes hygiéniques ont disparu. L’habitude des purgations était autrefois bien plus répandue qu’aujourd’hui et faisait en quelque sorte partie de l’hygiène de l’éducation. J’ai entendu dans ma jeu¬ nesse traiter ces coutumes de vieillotes et d’habitudes de bonne femme. Or nous savons qu’aujourd’hui, par des observations incon¬ testables, que la seule antisepsie valable de l’intestin est faite par la pm’gation. Quoi donc de surprenant à ce que les entérites et les infec¬ tions intestinales prennent une fréquence extrême et que la multi¬ plication des appendicites en soit une suite incontestable. » Voilà en effet un changement dans nos habitudes, dans notre hygiène, qui paraît capable d’expliquer la fréquence actuelle de la nouvelle maladie ; il l’expliquerait autrement que la fable ridicule de la pénétration dans l'appendice de petits fragments d’émail déta¬ chés des casseroles et des ustensiles de cuisine en tôle émaillée. Mais, ce n’est encore qu’une hypothèse; il faut commencer par rechercher à l’aide du microscope si la fréquence des œufs de uéma- LES CAUSES DE L’APPENDICITE 395 Iodes dans les selles est aussi fréquente qu’on le dit ; il faudrait, dans les autopsies à la suite de n’importe quelle maladie, examiner de très près le cæcum, l’appendice et les diverses parties de l’intestin poui' y rechercher les tricocéphales, les oxyures, peut-être d’autres espèces devers ; personne d’ordinaire* ne songe à faire cet examen, même dans la fièvre typhoïde, où tous les anciens auteurs signalaient la présence d’une quantité extraordinaire de tricocéphales dans le cæcum. On rencontre parfois quelques lombries ; ils sont si gros qu’on les voit sans les chercher, on n’en tient d’abord aucun compte, jamais on n’ouvre l’appendice pour en examiner le contenu. Le rôle pathogénique de ces parasites gros et petits est sans doute plus im¬ portant qu’on ne l’a cru jusqu’ici, et laquestion mérite d’être étudiée dans un esprit différent de celui qu’on y apportait autrefois. La contemplation des infiniment petits nous a peut-être un peu éloi¬ gnés depuis trente ans de l’examen des parasites macroscopiques. On sait que les lombries sécrètent une humeur urlicante qui produit parfois chez ceux qui les manient un gonflement énorme des pau¬ pières avec prurit intense (Leuckart, Raillet) ; n’y aurait-il pas lieu d’étudier les propriétés cytotoxiques de cette sécrétion irritante comme on étudie aujourd’hui les venins et les sucs glandulaires? D’autre part il est possible que le déversement direct des vidanges à l’égout et dans les cours d’eau, que l’épuration des eaux vannes par le sol, et surtout que la projection directe des matières fécales sur les champs labourés et sur les cultures maraîchères (engrais flamand) , etc., il est possible que ces pratiques exposent plus qu’autrefois les cours d’eau et les légumes non cuits (salades) à la souillure par les parasites intestinaux. Si partisan que nous soyons de l’épuration par le sol, nous ne méconnaissons pas que cette méthode peut avoir des inconvénients. Il faut commencer par les démontrer : le rôle de l’hygiène est ensuite de conseiller les mesures capables de supprimer ces inconvénients, tout en conservant les bénéfices considérables de la méthode. Cette règle s’applique à toutes les industries et même à toutes choses en général; ce serait par trop s’écarter de notre sujet que d’insister là-dessus. 1. Dans line rocenle communication a l’Académie de médecine, le 2 avril, M. le D'' Moty, do Lille, a examiné avec soin la cavité de l’appendicÔd, dans les cinq dernières amputalions qu’il a faites de cet organe depuis la connjiu- nication de M. Metclmikolf ; trois fois il y a trouvé dos oxyures, parce qu’il avait pris soin de no pas laver l’appendice à grande eau avant do l’inciser. D' E. VALLIN MÉMOIRES L’ENQUÊTE OFFICIELLE SÜR LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE Par le D' E. VALLIN La question qui depuis quelques mois passionne le plus les hygiénistes à Paris est assurément la provenance et le régime des soùrces qui alimentent le serviee public d’eau. La recrudescence, en somme restreinte, de fièvre typhoïde qui sévit depuis plus d’un an sur la population parisienne eût passé inaperçue il y a dix ou quinze ans ; l’émoi qu'elle a causé est un témoignage de l'intérêt croissant avec lequel le public, les services administratifs, les médecins et les hygiénistes, surveillent la marche des maladies populaires et s'efforcent d’en supprimer les causes. Les discussions et les enquêtes qui ont eu lieu au sujet de celte petite épidémie ont démontré un certain nombre de faits impor¬ tants qu’il suffit ici d’énumérer sommairement. La fièvre typhoïde de Paris a été d’origine hydrique ; elle a sévi surtout dans la zone de distribution des sources de la Vanne ; dans plusieurs localités de la région des sources on a constaté l’existence de petits foyers de fièvre typhoïde ; les matières colorantes ou la levure de bière jetées dans les lavoirs, les ruisseaux, les bétoires ou puisards à fond perdu de ces villages ont coloré au bout d’un ou de plusieurs jours l’eau des sources captées et l’eau des aqueducs de Paris. La plu¬ part des sources communiquent entre elles et avec les cours d’eau superficiels qui fréquemment disparaissent et se perdent dans des mardelles, bétoires, bimes ou gouffres de la région ; les eaux de sur¬ face gagnent d'ordinaire par filtration, mais souvent aussi par de larges effondrements de la craie, les rivières ou nappes souter¬ raines, qui alimentent un grand nombre de sources vauclusienues, aussi bien dans le bassin de la Vanne que dans celui de l’Yonne et de l’Avre. A Pépoque où la dérivation de la Vanne a eu lieu, de 1854 à 1878, on ignorait complètement ou l’on connaissait mal le régime des sources vauclusienues. Il paraît démontré que toutes les sources qui seraient utilisables en terrain crétacé, dans un très grand rayon LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 297 autour de Paris, présentent des conditions analogues ou identiques. Les progrès réalisés en ces dernières années par la géologie et l’hydrologie rendent indispensables certaines mesures en vue de protéger le périmètre des sources et d’en perfectionner le captage. Ces mesures ne semblent pas d’mie réalisation trop difficile. Ces notions résultent des travaux et des discussions de la com¬ mission d’enquête dite « Commission scientifique de perfectionne¬ ment de l’Observatoire de Montsouris », qui a été constituée par un arrêté préfectoral en date du 1" mars 1899, et qui vient de livrer au public, au commencement de 1901, un gros volume in-l” de 400 pages, avec cartes, tableaux et plans, sous ce titre : Travaux DES ANNÉES 1899 ET 1900 SUR LES EAUX DE L’AvRE ET DE LA VaNNEJ Paris, Librairies-Imprimeries réunies, 7, rue Saint-Benoît. C’est un document de la plus haute importance, dont il est impossible de donner simplement une analyse. On ne discute pas des discussions, surtout en une matière où la géologie, la chimie et l’hygiène sont si étroitement combinées qu’il est difficile à une même personne d’y apporter une compétence suffisante. Après avoir lu, la plume à la main, les quinze rapports principaux sur les diffé¬ rents points de l’enquête, ainsi que les discussions dont ces rap¬ ports ont été l’objet au sein de la Commission, nous avons pensé que la façon la plus utile et la plus équitable de faire connaître ces documents aux lecteurs, était de résumer chaque mémoire et sa discussion, eu empruntant autant que possible le texte môme des rapports et des procès-verbaux officiels. C’est une tâche ingrate et difficile ; nous l’abordons sans parti pris et avec une impartialité absolue. La Commission, présidée par le préfet de la Seine, comprenait cinq conseillers municipaux : M3I. Chautard, Labusquière, Lan- drin, Navarre, Ambroise Rendu; MM. A. Carnot, Schlœsing, Duclaux, Roux, de l’Institut; les professeurs Cornil et Riche. En outre, assistaient aux séances avec voix consultative : MM. Autrant, Hyérard, Le Roux, Menant, représentant radminislralion ; MM. les ingénieurs des ponts et chaussées ou des mines : Défiance, Bech- mann, Babinet, Geslain, Hétier et Janet; MM. les D''® A.-J. Martin et Thierry; MM. Miquel, Cambier, Albert Lévy et Marboutin, de l’Observatoire de Montsouris ; Dicnert et Le Couppey, ingénieurs agronomes. Après une séance préparatoire qui a eu lieu le 10 mars 1899, où D' E. VALLIN l’on s’est occupé surtout des méthodes à préférer pour l’analyse de l’eau des réservoirs de Paris, M. Duclaux a été chargé de préparer et a lu le IS mai 1899 un Rapport préliminaire sur V administra¬ tion des sources captées par la ville de Paris. Il a montré que les analyses faites au laboratoire de Montsouris, si utiles qu’elles soient, sont insuffisantes. Ce qui importe le plus, ce sont les recherches faites sur le terrain même des sources qui alimentent Paris. On est plus sûr de saisir au point de départ, pour chacune des sources examinée isolément, les quelques microbes dangereux provenant par exemple des fosses d’aisance ou du fumier d’une ferme voisine, que lorsqu’ils sont mêlés dansTaqueduc commun à la foule de microbes inoffensifs qui d’ordinaire les accompagnent. Pour cela, dit M. Duclaux, il faut étudier une fois pour toutes, dans chacune des vallées, la direction et le régime des courants souterrains qui amènent les eaux de pluie à l’orifice d’émergence des sources, en portant son attention non sur la totalité de la sur¬ face drainée, mais sur la partie seulement occupée par les habitations, où s’infiltrent les eaux qui ont lavé les cours et les fumiers de ces fermes. Quel trajet direct ou indirect, lent ou rapide, suivent-elles avant d’arriver aux sources? Au cas où elles apparaîtraient daii- •gereuses, quelles mesures y a-t-il à prendre contre elles en temps ordinaire, quelles mesures quand un cas de fièvre typhoïde par exemple se produit dans une des fermes que ces eaux traversent et nettoient? Bref, il y a à tracer une carte de la circulation souter¬ raine, en insistant surtout sur les affluents qui pourraient apporter dans les sources des germes pathogènes. Nous sommes mieux armés pour faire cette étude qu’on ne l’était quand on a commencé à capter ces sources. Pour suivre les par¬ cours souterrains, nous savons aujourd’hui quel profit l’on peut tirer de l’emploi des matières colorantes qui permettent de recon¬ naître à la fois le sens des trajets souterrains, leur vitesse, le volume d’eau qu’ils entraînent ou dans lesquels ils se noient. La connaissance géologique du terrain, les différences de température, de composition chimique, de degré hydrotimétrique après les pluies, les numérations bactériologiques, etc., fouiniront aussi des indications précieuses sur le mélange des eaux superlicielles avec les sources captées. C’est en prenant pour base ce programme excellent, qu’une LES SOURéES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 299 Commission technique composée de MM. les D" A. -J. Martin et Thierry, Miquel et Albert Lévy, de M. l’ingénieur des mines Janet, et à laquelle on a plus tard adjoint MM. Marboiitin, Cambier et Le Couppey, a été chargée de procéder concurremment à une triple enquête, à la fois médicale et hygiénique, géologique, chi¬ mique et micrographique; les programmes d’études dressés par chacun de ces groupes ont été approuvés le 17 juillet 1899 par la Commission générale. Nous exposerons successivement les résultats de chacune de ces enquêtes préliminaires partielles qui ont été commencées dès les premiers jours du mois de juin; les rapports ont été présentés et lus le 17 juillet 1899. I. La fièvre typhoïde et la distribution des eaux du service privé de Paris en 1898-1899, par le D’’ A. -J. Martin, p. 91 à 103. L’on trouve là réunis, sous forme de tableaux, de graphiques et de cartes, tous les renseignements sur la marche de la fièvi'e typhoïde à Paris en ces deux années. Il n’est peut-être pas inutile, pour remettre les choses au point, de placer sous les yeux du lecteur les oscillations des décès par fièvre typhoïde à Paris depuis vingt ans. On prend trop exclusivement comme terme de compa¬ raison les quatre années qui ont précédé la petite épidémie actuelle ; ces quatre années sont tout à fait exceptionnelles par la rareté et la bénignité de la fièvre typhoïde; c’est une « série heureuse » dont on est en droit d’espérer le retour et le maintien définitif, mais qu’il n’est pasArès juste de considérer dès à présent comme l’état normal de la population parisienne. Combien de décès annuels de fièvre typhoïde par 100,000 habitants de Paris ? 1881 . 87 1891 . 19, C 1882 . 143 1892 . 28,5 • 1883 . 88 1893 . 24,0 1884 . 67 1894 . 29 1885 . 58 1895 . 11,1 1880 . 42 1896 . 10,1 1887 . 61 1897 . 9,5 1888 . 33 1898 . 9,9 1889 . 45 1899 . 31,9 1890 . 29 1900 . 30,9 Bien que les eaux des diverses provenances soient constamment mélangées dans leur distribution aux dill'érents quartiers de Paris, D' E. VALLIN il ressort des tableaux et statistiques que la lièvre typhoïde prédo¬ mine dans la zone d’alimentation de la Vanne ; il y a eu d’ailleurs coïncidence entre les manifestations épidémiques à Paris et à Sens. Nous croyons inutile d’insister sur ces faits aujourd’hui bien connus, et qui d’ailleurs n’ont pas soulevé de discussion au sein de la Commission scientifique. II. Enquête médicale et épidémiologique dans le bassin de la Vanne, par le D' A.-J. Maiitin, p. 123 à 169. M. Martin dit que ce qui l’a déterminé à -faire une enquête sur les sources de la Vanne, c’est la coexistence d’épidémies de fièvre typhoïde à Paris et à Sens, et la constatation faite par différents observateurs de bacilles éberthiformes dans le réservoir de Mont- souris, ainsi que dans l’eau distribuée à trois casernes de Paris et sur l’un des points de la dérivation de la Vanne. L’enquête a commencé par une visite à Sens, qui a le droit de prendre directement chaque jour 773 mètres cubes d’eau de A'^annc à Taqueduc qui ti-averse la ville : sans doute, les réservoirs parti¬ culiers de cette eau sont mal protégés et mal entretenus; une par-tie de la ville consomme l’eau de puits ou môme celle d’un ru de Mon- dereau qui traverse Sens ; il peut donc y avoir des causes d’erreur. Mais les 12 décès typhiques qui ont eu lieu à Sens, d’avril à octobre 1899, sont en bien singulière coïncidence avec l’épidémie de Paris ; ajoutons que depuis il y a eu de nouvelles coïncidences dans les recrudescences, précédant de quinze à vingt jours celles qui avaieiit lieu à Paris dans les quartiers alimentés en eau de Vanne. M. Martin a parcouru tous les villages du bassin de la Vanne, recherchant les cas actuels ou l'éceuts de fièvre typlioïde, particu¬ lièrement à Theil (source du Miroir), à Villechétive et aux Bordes. Ces cas assurément n’étaient pas dus à l’usage d’eau de la Vanne ; ils étaient importés du dehors, mais il est certain que les déjec¬ tions de ces malades ont pu cotitaminer les soui-ces du voisinage. Nous verrons plus loin que les expériences à l’aide de la fluores¬ céine ou de la levure de bière ont prouvé la communication facile entre les ruisseaux de ces localités et les sources voisines. Dans ce rapport, chacune des sources du bassin de la Vanne est étudiée au point de vue des causes possibles de contamination par les lavoirs, clos d’équarrissage, bétoires, dépôts de fumiers, étables. LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 301 fosses d’aisances non maçonnées, qui existent à proximité; des cartes à grande échelle pour chaque localité indiquent les points de captage, le passage des aqueducs et les conduites de décharge, etc. Les sources sont distinguées en quatre groupes : 1“ Celles captées loin des habitations et des cultures ; il n’y a guère que la source d’Armentières qui se range dans ce groupe, soit 30,240 mètres cubes par jour ; 2“ eaux recueillies dans le voisinage des habitations : sources de Cerilly, Gaudin, Malhortie, Gaprais- Roy, l’Auge et l’Oie, le Miroir de Theil et, d’autre part, la source deCochepies, qui appartient aq bassin de l’Yonne, soit 64,281 mètres cubes ; 3® eaux recueillies dans les champs cultivés et les prairies : la Bouillarde, Saint-Philbert et Saint-Marcouf ; ces sources sont en communication avec l’eau des pluies et avec les eaux superficielles versées sur les champs en cultures, soit 21,859 mètres cubes; 4° eaux de drainage, c’est-à-dire recueillies dans les tranchées qui avaient été faites primitivement pour la construction de l’aqueduc, et remontées à l’aide de machines élévatoires dans l’aqueduc ; l’eau obtenue à l’aide de ces drains représente 17,453 mètres cubes. A un autre point de vue, on peut diviser les sources en hautes et basses; leur débit moyen donne les chiffres suivants : i Bouillarde . 2,160 Cerilly . 13,824 Armenlières . 30,240 Drains d' Armenlières . 7,949 Gaudin . 1,296 63,469 2“ Sources basses Pâtures et Maroy . Drains du Maroy . Saint-Philbert et Saint-Marcouf . Malhortie - • . . . Gaprais-Roy,' l’Auge et l’Oie . Drains de SaintrPhilbert et de Theil Le Miroir do Theil . Noë . 12,960 8,381 6,739 950 1,123 1,123 13,392 4,320 3“ Sources de Cochevies. 48,988 29,370 Total général . 133,833 En l'ésumé le réseau de .sources de la Vanne situé au sud-est de Paris, qui commence à Armentièrcs, à 175 kilomètres de Mont- 302 D' E. VALLIN souris et alimente l'aqueduc de la Vanne, fournit un débit moyen de 133,000 mètres cubes par jour. M. Martin expose les mesures de protection qu'il conviendrait d’adopter pour les diverses déi-ivations, mesures identiques à celles qui sont en voie d’exécution pour l'assainissement de la dérivation de la Dbuis. Au cours de la discussion de ce rapport, M. Bechmann a déclaré être d'accord avec l’auteur sur la nécessité de faire disparaître les causes de conlarainalion et n’avoir aucune observation à présenter sur l’ensemble de l’exposé. Mais il discute le texte du Programme d'études relatif à la proleclion des sources el dérivations d’eau potable pour la ville de Paris que M. Martin avait été invité à rédiger et à joindre à son rapport. Nous ne pouvons mentionner les points de détail sur lesquels MM. Bechmann, Defrance, Roux, Duclaux, Cornil, Janet ont fait porter leurs observations ou leurs critiques dans la séance du 22 décembre 1899. Nous nous bornerons à signaler l’observation sui¬ vante faite par M. Defrance : il demande s’il est possible de capter des eaux qui ne soient pas exposées à des souillures, et M. Janet répond « qu’il ne connaît guère, dans le bassin de Paris, que la nappe alimen¬ tant le puits de Grenelle qui soit sûrement à l’abri des souillures ». Voici le texte des conclusions atténuées, modifiées et adoptées par la Commission : Conclusions générales Adoptées par la Commission scientilîquc de Montsouris le 22 décembre 1899. « 1. — Les eaux potables dérivées pour l’alimentation de la ville de Paris sont, comme les eaux de source en général, exposées à des causes de souillures à la fois superficielles et profondes. Il est relativement facile de les protéger contre les causes super¬ ficielles et voisines de pollution. 11 est beaucoup plus malaisé d’a.s- surer leur protection contre les chances éloignées de contamination des nappes qui les alimentent. A cet effet, il y a lieu d’étudier d’urgence les mesures ci-après, conformes au programme des travaux en cours d’exécution pour « l’assainissement de l’aqueduc de la Dhuys » : a) Visite des aqueducs, afin de s’tissurer de leur étanchéité dans toute leur circonférence et sur tous les poinls de leur parcours ; b) Établissement de drains d’écoulement, afin de conduire au- dessus ou en dehoi’s des aqueducs et d’éloigner de leurs parois LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 303 tous les ruisseaux, rigoles, eaux quelconques pouvant se trouver eu contact avec celles-ci; c) Suppression de toutes celles des arrivées accessoires d’eaux, drains et barbacaiies qui seraient reconnues susceptibles de rejeter les eaux suspectes dans les aqueducs ; d) Revêtement étanche de tous les ravins et ruisseaux ou rigoles pouvant donner des infiltrations, au voisinage des aqueducs et des ouvrages de captage ; e) Construction de galeries de préservation autour des bassins de captage, pour toutes les sources captées au voisinage d’habita¬ tions ou de terrains cultivés ; f) Interdiction absolue, et renouvelée fréquemment, de pénétrer dans les ouvrages de captage et leurs regards, sauf pour les besoins du service et en cas d’absolue nécessité. Souillures profondes et éloignées. — En raison de la nature des terrains dans les régions où la ville de Paris a pu seulement trouver à sa proximité des nappes aquifères souterraines suffisamment abondantes, il importe de compléter les ouvrages actuels de cap¬ tage, partout où cela aui'a été reconnu indispensable, par des forages tubés ou par des puits cimentés, à grande section, pénétrant jusque dans les couches géologiques des eaux. Le périmètre de protection des sources captées doit être étendu aussi loin que possible, de façon à englober les parties avoisinantes où se trouvent des causes de pollution et celles qui sont le plus facilement contaminables. 2. — Un service d’informations doit êti’e organisé dans toutes les régions des sources. Il aura pour mission de connaître rapidement toutes les manifestations de maladies épidémiques pouvant amener la souillure des eaux ; de se tenii' au courant : des conditions de salu¬ brité des habitations et de leurs dépendances dans ces localités, des modifications qu’elles subissent, ainsi que de l’existence des ouvrages communaux, tels que lavoirs, abreuvoirs, puits et fon¬ taines publics, etc., et des dispositifs employés pour l’évacuation des matières usées et des modes d’utilisation des engrais, purins et vidanges. En cas d’apparition de maladies transmissibles par les eaux, ce service provoquera et se rendra compte de l’exécution des mesures prophylactiques appropriées. D' E. VALLIN Des laboratoires d’études et analyses chimiques et microbiolo¬ giques seront installés dans chacune des régions des sources cap¬ tées, afin de procédei' à l’examen quotidien des eaux de chaque source et sur divers poinis des aqueducs. Les résultats de ces ana¬ lyses seront communiqués aux autorités compétentes, par les voies les plus rapides. 3. — On ne saurait trop insister sur l’urgence d’une législation protectrice- des sources captées pour l’alimentation en eau potable des agglomérations habitées. Cette législation doit prévoir des dispositions spéciales pour l’ins¬ truction des projets de captage et d’adduction d’eaux, le droit d’usage, l’acquisition et la protection des sources. Elle doit rendre obligatoire l’application de mesures prophylac¬ tiques à l’égard des maladies épidémiques et transmissibles, dans toutes les habitations des régions auxquelles appartiennent les sources, et dans une étendue suffisante. C’est pourquoi il y a lieu d’émettre le vœu de la prompte adop¬ tion du Projet de loi pour la protection de la santé publique, actuelle¬ ment soumis au Parlement. 4. — Il y a lieu de poursuivi-e en même temps la construction de nouveaux ouvrages ou dispositifs destinés à l’épuration ou à la stérilisation des eaux de rivières, et d’installer des canalisations spéciales pour faire communiquer les eaux filtrées avec les réser¬ voirs d’eaux de sources. » ni. Enquête médicale et épidémiologique dans le bassm de l’Avre et de la Vigne. — Sur une épidémie de fièvre typhoïde à Chennebrun-sur-Avre (Eure), par le D' H. Thierry, p. 103 à 123. M. le D' Thierry a donné de son côté une description analogue des sources et des foyers possibles de contamination de la région de l’Avre, c’est-à-dire du bassin qui, de la forêt du Perche et de la Ferté-Vidame, descend du sud-onest au nord-est dans la direction de Verneuil (Avre supérieure ou Avre proprement dite). C’est à quelques kilomètres au sud-est de Verneuil, entre Rueil et la rivière de l’Avre, que se trouve la source de la Vigne. Dans cette région encore se trouvent un grand nombre de mardelles-entonnoirs, c’est-à-dire des cuvettes d’aifaissement remplies de ten-e très poreuse et de silex, à travers lesquels les eaux de surface dispa- LES SOURCES DE L’AVRE ÈT DE LA VANNE 30S raissent rapidement dans les cavernes à demi effondrées et les canaux que se sont creusées les eaux souterraines. Quoique la fièvre typhoïde ne soit pas inconnue dans certaines localités de la région, en particulier à Verneuil, où les fosses d’ai¬ sances sont contiguës aux puits d’alimentation comme deux canons de fusil, elle, est rare, ce qui tient peut-être, d’après M. Thierry « à ce que les habitants se croiraient déshonorés de boire de l’eau en Normandie et ne boivent que du cidre. » Néanmoins, dit M. Thierry, de ce que la fièvre typhoïde ne semble pas être due, cette année, aux eaux dites de l’Avre, et bien que des cas de cette affection se soient produits à cette époque dans la région en amont des sources captées, il ne serait pas sans danger de conclure à une garantie absolue d’innocuité des eaux fournies par la région que nous venons de décrire, si une épidémie trans¬ missible par l’eau venait à éclater dans les villages, fermes et mou¬ lins de TAvre supérieure, des ruisseaux de Lamblore, de Buternay, et de leurs affluents. Reste à savoir, par des projections de matières colorantes, dans quelle mesure les eaux superficielles où les fuites se mêlent à l’eau des sources captées ; or, c’est dans cette région que M. Ferray, député et pharmacien à Evreux, a pour la première fois démontré, à l’aide de la fluorescéine, la communication entre la rivière d’Avre et les sources de la Vigne. MM. A. -J. Martin et Thierry insistent sur la nécessité de faire sur place, dans chaque localité des différents bassins, une enquête appro¬ fondie concernant les maladies infectieuses transmissibles par les eaux. On ne peut guère compter, dit M. Martin, sur les renseignements que pourrait fournir la statistique locale, car les déclarations des médecins, relatives aux cas de maladies contagieuses, ne sont pas centralisées ; de plus, la loi qui rend obligatoire cette déclaration est bien souvent trans¬ gressée. Il vaut donc mieux parcourir soi-môme le pays, pénétrer dans les familles, interroger les habitants. C’est ce qu’il vient de faire avec M. Thierry, et les résullals déjà fournis par cette enquête sont des plus intéressants. Il estime que des agents du service des eaux, habitant la région, pourraient fort bien signaler, dès leur début, à l’administration dont ils relèvent, tous les cas de fièvre typhoïde qui viendraient à leur connaissance. M. Beciimann, sans douter du zèle de ses agents, fait observer qu’il n’exisle pas d’agents de permanence dans les points les plus intéressants à surveiller, l’Avre supérieure, par exemple. De plus, pour éviter toute suspicion, il désire vivement que le service de contrôle reste complètement indépendant du service dos eaux. REV. D’HYG. XXIII. — 20 D-- E. VALLIN M. Labcsqvièhe juge les médecins du pays très .bien placés pour fournir d’une manière permanente des renseignements rapides et précis ; « en les priant officieusement et amicalement de fournir des indications dès qu’un cas de fièvre typhoïde viendrait à se produire dans leur clien¬ tèle et dans les régions des sources, on obtiendrait peut-être plus qu’en prenant une attitude comminatoire et en leur rappelant que la loi rend obligatoire la déclaration des cas de fièvre typhoïde. Est-il une meilleure preuve qu’en France on n’a pas le respect de la loi? M. Düolaux pense que cette surveillance étroite des cas de fièvre typhoïde pourrait être limitée aux localités reconnues particulièrement dangereuses par la facile communication entre les eaux de surface et les sources captées. Cette discussion sur les moyens de surveiller et de protéger le voisinage des sources a été reprise en 1900, après les recherches si nouvelles et si originales de M. Janet, d’une part, de MM. Albert Lévy, Miquel, Marboutin, etc., de l’autre, prouvant d’une manière certaine la communication entre elles des eaux superficielles et pro¬ fondes. III. De^ contaminalions auxquelles peuvent être exposées les sources de l’Avi'e et de la Vigne, par M. L. Janet, ingénieur au corps des mines (l" rapport, présenté et discuté les 17 et 22 dé¬ cembre 1899), p. 199 à 217. Dans cette première étude géologique et hydrologique de la région des sources de l’Avre, « M. Janet pose en principe que, pour qu’une eau de source soit pure, il faut qu’elle provienne d’une nappe non contaminée et' qu’elle ne subisse aucune contamination entre celte nappe et le point d’émergence. Les eaux des sources del’Avre ne lui paraissent pas remplir complètement ces conditions. Ces sources sont, en effet, alimentées par une nappe d’eau circulant aisément dans un réseau de larges diaclases de la craie turonienne dans laquelle elle a pénétré après avoir filtré à travers une couche plus ou moins épaisse et perméable d’argile à silex. Cette eau, d’origine météorique, arrive à la craie avec un faible degré hydrotimétrique et dissout abondamment les parois des fissures dans lesquelles elle circule; il en est résulté peu à peu de vastes cavernes qui, lors¬ qu’elles sont arrivées au contact des poches d’argile à silex, ont déterminé de nombreux effondrements désignés sous le nom de mardellesou de bétoires, suivant qu’ils se sont produits sur les plateaux ou dans les thalwegs. Les sources elles-mêmes sont pro- LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 3011 duites pour la plupart par des entonnoirs d’effondrement dont l’orifice est moins élevé que le niveau piézométrique de la nappe souterraine ; certaines de ces cheminées mettant en communication directe la nappe profonde et la surface du sol seront tantôt des mar- delles, tantôt des sources, selon le niveau piézométrique de cette nappe. Ges considérations sont très importantes au point de vue de la contamination possible des sources. Les mardelles situées sur les plateaux peuvent recevoir l’égout des eaux de surface ayant lavé les champs sur lesquels on a répandu des engrais animaux, du fumier, etc., et conduire directement ces eaux impures à la nappe alimentant les sources ; ce grave inconvénient ne se produira guère, il est vrai, qu’aux époques de grandes pluies. De leur côté, les bétoires apportent directement aussi à la nappe souterraine les cours d’eau qui s’y engouffrent. « Les premières causes de contamination de l’eau existent dans son trajet entre la nappe souterraine et la surface du sol, au voi¬ sinage immédiat du point d’émergence. Le procédé employé pour capter les sources de la Ville de Paris est celui qui est employé par¬ tout ; il a même été particulièrement bien exécuté ; on a soigneuse¬ ment nettoyé les bassins; on les a entourés et protégés par des pavillons clos, donnant, à première vue, une excellente impression. En réalité, selon M. Janet, ces travaux extéiieurs, ayant seulement pour but de recueillir l’eau et de la déverser dans l’aqueduc, ne constituent pas un captage au sens exact du mot. L’eau n’est pas captée dans son gisement géologique qui est la craie turonienne ; elle est recueillie dans l’argile à silex, qui, à certains endroits, est très pauvre en argile, partant très perméable, et laissé les eaux de ruissellement, ayant lavé le sol, venir se mélanger à l’eau de la nappe dans le ti’ajet qu’elle effectue entre la craie et le point d’émer¬ gence. Dans la vallée de la Vigne, naturellement sèche, ce n’est guère que pendant les saisons pluvieuses que se forment ces nappes temporaires de l’argile à silex, et que leur mélange avec l’eau potable se fait en proportion notable. « Les eaux captées par la Ville de Paris sont donc constituées par le mélange : 1“ des eaux de la nappe de la craie ; 2“ des eaux plus ou moins suspectes de l’argile à silex devant heureusement atteindre à peine la proportion d’un centième du volume total ; la réalité et l’importance de cette contamination locale pourraient être presque mathématiquement mises en évidence par de nombreuses D' E. VALLIN analyses, microbiologiques comparées, d’échantillons prélevés, d’une part, dans le gisement géologique Ini-même, et d’autre part dans le bassin actuel des sources. « Le remède à cet état de choses est simple ; il consisterait, sui¬ vant M. Janet, à n’admettre dans l’aqueduc que des eaux captées dans la craie, conduites à la surface du sol par un forage tubé ou par un puits cimenté de 10 à 15 mètres de profondeur, imperméable aux eaux de surface. Si l’on ne tombait pas immédiatement sur la fissure amenant l’eau, on pourrait aller à sa recherche par des gale¬ ries horizontales. Ce procédé n’a jamais été utilisé régulièrement pour les eaux potables ; il est cependant usité depuis cinquante ans pour le captage des eaux minérales, qu’il permet d’amener au jour avec une remarquable constance de température, de débit, de com¬ position chimique, etc., ce qui prouve sou efficacité. » En ce qui concerne l’amélioration delà qualité des eaux amenées dans l’aqueduc de la Ville de Paris, M. Janet indique les mesures suivantes : A. Éliminer de l’aqueduc les eaux recueillies dans les alluvions et l’argile à silex : n’y admettre qne les eaux captées au-dessus de' ces terrains, et amenées au joiir par un canal imperméable ; . B. Remplacer les captages existants par des forages tubés ou des puits étanches allant chercher l’eau à 15 ou 20 mètres dans la craie turonienne, de façon à n’admettre dans l’aqueduc que les eaux pro¬ venant de cette craie ; C.Supprimer toutes les barbacanes amenant dansl’aqueduc les eaux superficielles rencontrées dans le voisinage. M. Bechmann déclare que, dans le travail do M. Janet, il y a deux parties distinctes. A la première, relative à l’élude géologique de la région de l’Avre, à l’étude des raardelles, bétoires, précisant ce qu’on savait déjà ou établissant des faits nouveaux, il n’a rien à objecter; mais il proteste vivement contre la seconde, qui n’est pour lui qu’une théorie nullement édifiée sur l’expérience. S’il s’agissait de nouveaux captages, on pourrait, comme le préconise M. Janet, aller chercher l’eau dans la craie (comme cela se fait pour le Loing) par dos forages tubés ou des puits profonds. Mais, à l’Avre, on se trouve, d’une part, en présence de captages faits depuis longtemps et, d’autre part, d’une eau assez suspecte, surtout à cause des mardelles et des bétoires. Va-l-on changer le captage dans le but d’empécher l’afflux dans les sources d’une minime quantité d’eau superficielle, alors qu’on laissera subsister de grosses causes de contamination, comme les bétoires ? Jamais il ne l’admettra, d’autant plus que les captages actuels sont bien faits et qu’on n’a jamais démontré LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE directement qu’ils pûssent êlrè la cause d’une grave contamination. Actuellement, les eaux superficielles ne peuvent pénétrer dans les ouvrages qu’après avoir filtré à travers 3 ou 4 mètres de sol et ce n’est qu’après les pluies prolongées que ce fait pourrait se produire. La quantité d’eau de surface pouvant pénétrer dans les ouvrages, évaluée à 1 0/0 par M. Janet, lui parait infiniment trop élevée; c'est 1 pour 1.000 ou-même pour 10.000 qu’il faudrait dire. (Les expériences avec la fluorescéine n’avaient pas encore été faites). Cette eau provient d’un pays désert ; il peut y avoir, en vérité, un peu de fumier sur les champs ; mais même en admettant que le sol formé d’argile à silex ne soit pas un filtre parfait, on peut supposer, par ana¬ logie avec ce qui se passe pour les eaux d’août à Asnières et Gennevil- licrs, que la contamination dont parle M. Janet est illusoire. Pour arriver à ce maigre résultat d’empêcher une très faible quantité d’eau peu sus¬ pecte d’accéder aux sources, M. Janet voudrait condamner ce qui existe et qui donne satisfaction, la plupart du temps, en saison sèche, et le remplacer par des travaux coûteux qui n’auraient de raison d’être qu’en saison humide. Et encore rien ne prouve qu’on trouverait des différences dans les analyses de l’eau captée dans la craie turonienne par les tubages étanches et l’eau des bassins actuels. La comparaison avec le captage des eaux minérales n’est pas justifiée, les eaux minérales n’ont toutes leurs vertus thérapeutiques que dans certaines conditions de température et de minéralisation ; si, pendant qu’elles circulent de la roche géologique qui les contient jusqu’au sol, elles venaient à recevoir de l’eau, même dis¬ tillée, on pourrait dire avec M. Janet qu’elles sont contaminées. Mais ici, M. Bechmann le répète, rien ne prouve que les eaux des nappes tout à fait superficielles se formant dans l’argile à silex, dans un pays peu hahilé, dans les conditions qu’il vient enfin de dire, rien ne prouve que ces eaux soient mauvaises. Or, du moment que des eaux différentes sont toutes fraiches, limpides et salubres isolément, il prétend qu’il n’y a aucun danger à les mélanger, mêmes! elles proviennent de nappes diffé¬ rentes. Il faut, à son avis, diriger surtout l’attention vers les bétoires, il faut protéger les nappes qui alimentent les sources contre ces causes beaucoup plus sérieuses de contamination. M. Janet répond que les eaux captées par la Ville de Paris, bonnes en temps ordinaire, sont soumises plusieurs fois par an à des contamina¬ tions qui les rendent suspectes. Ce qu’il faut, c’est faire disparaître ces causes accidentelles. Or il est de toute évidence, lorsqu’on visite les sources, que les eaux de surface qui ruissellent sur le sol après une grande pluie peuvent pénétrer dans les ouvrages après une filtration insuffisante. En outre, la Vigne, dont le lit est à sec en temps normal, coule à pleins bords dans les saisons pluvieuses et son niveau est alors plus élevé que celui des sources ; en parliculier, à la hauteur de la source de la Rivière, ce lit paraît poreux et il est à craindre que les eaux de la Vigne, s’infiltrant dans les couches superficielles du sol, n’aillent directe¬ ment rejoindre l’eau de cette source. Cet apport d’eaux superficielles -dans des sources est toujours assez faible, aussi les analyses cbimi.ques 310 D' E. VALLIN seront-elles impuissantes à le démontrer ; mais il n’en est pas de même des analyses bactériologiques qui, à condition d’étre effectuées en toutes saisons, fourniront certainement la preuve de ce mode de contamination. M. Bechmann s’étonne de l’insistance qu’apporte M. Janet à vouloir supprimer un inconvénient qui, s’il existe, est bien négligeable à côté de ceux présentés par les bétoires. En temps de pluie, ces gouffres absor¬ bants apportent à la nappe une énorme quantité d’eau de rivière et de ruissellements ayant lavé les champs et traversé les villages ; dans ces cas, les sources se troublent et se chargent aussi de microbes en grand nombre. M. Düclaux constate que MM. Janet et Bechmann sont d’accord pour reconnaître le danger des bétoires et des mardelles. Il faut profiter des qualités des captages actuels et éliminer leurs défauts. Pour cela on devrait rechercher les communications de ces gouffres avec l’eau qui alimente les sources ; cela peut se faire avec la fluorescéine en petite quantité, sans en rien dire à personne. M. Roux signale l’intéressante épidémie de fièvre typhoïde de Ghen- nebrun décrite par M. H. Thierry. A Chennebrun, lors de cette épidémie, on a jeté des matières fécales typhiques dans l’Avre qui présente un peu plus bas des bétoires absorbants. Où vont ces matières ? Il serait de la plus haute importance de le déterminer, car ces faits peuvent se reproduü'e. Comme M. Duclaux, il voudrait qu’un savant travaillât dans le voisinage des sources et se consacrât uniquement à ces recherches. M. Carnot pense que, pour éviter les dangers des bétoires, il faut s’empresser de les boucher. M. CoRNiL est de cet avis , au moins en ce qui concerne les bétoires voisins des lieux habités. Selon lui, les causes de contamination dues aux bétoires sont les plus importantes et priment toutes les autres; cependant il estime qu’on doit faire les analyses microbiologiques pro¬ posées par M. Janet pour déterminer l’importance relative des contami¬ nations des soùrces par les eaux superficielles pénétrant dans les ouvrages de captage sans filtration suffisante. M. Janet constate qu'en ce qui concerne les bétoires, tout le monde est d’accord en principe. Mais tout le monde se rend-il un. compte exact de ce qu’est un bétoire. Il existe des bétoires proprement dits et aussi des lits de rivière poreux qu’on observe surtout là où l’argile à silex est pauvre en argile et par conséquent très perméable. Devra-t-on non seu¬ lement boucher les bétoires proprement dits, mais encore faire un lit cimenté aux rivières qui disparaissent dans les lits poreux? Une fois ce travail fait, devra-t-on empêcher les riverains d’irriguer leurs champs, ou faudra-t-il également cimenter le sous-sol de ces champs ? La ques¬ tion est très complexe ; la fluorescéine peut donner des indications géné¬ rales sur la direction dominante des cours d’eau souterrains les plus importants; mais ces cours d’eau ne circulent pas immuablement dans les mêmes fissures de la craie ; il serait aussi difficile de préciser par ce moyen l’origine d’une source , que de déterminer exactement la circula- LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 3tl tion de l’eau dans la canalisation d’une grande ville comme Paris. L’eau circule dans la craie dans un réseau de diaclases très complexes et les résultats constatés ne seront applicables que pour le jour déterminé où l’on aura fait l’expérience. M. Roux demande si tous les captages existants ou seulement quelques uns doivent être modifiés. M. Janet croit que toutes les sources captées par la Ville d.ins le bassin de l’Avre sont dans des conditions analogues, et que pour la plupart, sauf pour la source du Breuil, l’eau leur arrive par une cheminée d’effondrement ; il y aurait donc lieu d’appliquer à toutes les sources le nouveau principe de captage, consistant à aller chercher l’eau dans la craie par un conduit étanche de 10 à IS mètres. Mais M Janet n’a jamais voulu dire qu’on doit entreprendre d’urgence les travaux de réfection des captages. La Commission pourrait se pro¬ noncer aujourd’hui sur le principe même de la modification qu’il propose. M. H. Thierry, se plaçant au point de vue médical, voudrait qu’on fit la distinction entre des captages qui se trouvent dans les régions peu fré¬ quentées et ceux qui sont établis au voisinage des lieux habités, en plein centre d’infection ; c’est à ces derniers seulement que s’appliquerait le système de M. Janet. M. Janet estime que des essais à la fluorescéine entrepris au voisinage immédiat des sources sont inutiles ; ils ne serviraient qu’à établir que les eaux de surface peuvent arriver dans les bassins de captage actuels, mais ne démontreraient pas que ces eaux de surface sont de mauvaise qualité ; il considère comme surtout importante l’expérience qui pourrait être faite par M. Miquel, et qui consisterait à faire en même temps l’analyse bactériologique de l’eau fournie par un des captages actuels et par un des captages étanches qu’il préconise. Mais pour que cette expérience soit réalisable, il faudrait qu’il fût autorisé à pratiquer un forage tubé, à titre d’essai. M. Bechmann est convaincu qu’il n’existe aucune arrivée d’eau de surface dans les ouvrages actuels (assertion qui n’est plus soutenable aujourd’hui). Mais il ne voit que des avantages à réaliser des expériences qui permettraient peut-être de trancher la question. Il est d’avis qu’on peut décider qu’un forage poussé jusqu’à la craie sera effectué, comme le demande M. Janet. Sur la proposition de M. le Président, la commission adopte en principe l’essai du procédé de captage préconisé par M. Janet, et décide l’établissement d’un forage permettant de réaliser les expé¬ riences demandées. M. Janet a envoyé à la Commission scientifique au mois de novembre 1900, un second rapport d’enquête, cette fois sur les contaminations des sources de la Vanne. Nous en donnerons plus loin l’analyse. 312 Dr E. VALLIN IV. Note ‘préliminaire sur les analyses chimiques des eaux de l'Avre et de la Vanne en 1899, par M. Albert-Lévy, p. 171 à 187. Les nombreux tableaux d'analyses chimiqnes qui composent ce rapport montrent, d’après M. A. Lévy, que malgré des variations climatologiques, les eaux de l'Avre et de la Vanne amenées à Paris, même en ces derniers mois, restent pures au point de vue chimique. Les pluies abondantes modifient leur composition, font diminuer les sels calcaires, par conséquent baisser de degré hydrolimélrique, et font descendre le poids des nitrates au-dessous de la moyenne. Cependant quelques sources gardent par tous les temps et toute l’année une composition constante : ce sont la source du Breuil, (à l’Est de Verneuil), les sources du Chêne, de Foisy, des Graviers, également dans l’Avre. La fixité de la source du Breuil est particuliè¬ rement remarquable ; nous verrons plus tard qu’elle n’est pas envahie par les matières colorantes et les levures projetées dans les bétoires de la région haute. V. Note préliminaire sur les résultats de l'analyse microgra¬ phique des eaux puisées aux sources de l’Avie et de la Vanne, par le D' P. Miquel, p. 189 à 197. Le résultat des analyses est que, au point de vue numérique, les eaux de l’Avre sont plus chargées de bactéries (1570) que celles de la Vanne (990). Toutes deux renferment ou peuvent renfermer le Bacillus coli communis, sauf la source du Breuil (Avre) qui en a présenté antérieurement dans des conditions météorologiques diffé¬ rentes. Mais toutes les eaux destinées à l’alimentation contiennent ce bacille . Ici se terminent les travaux de l’année 1899. Ils établissaient d’une façon encore un peu théorique que les eaux superficielles dans les deux bassins de l’Avre et de la Vanne se mêlent fréquemment et presque inévitablement aux eaux souterraines et par conséquent aux sources captées. Dès la première séance delà commission scientifique, M. Duclaux avait signalé tout l’avantage qu’il y aurait à projeter sur le sol, dans les ruisseaux, les bétoires, de ces matières colorantes (fluorescéine) dont M. Ferray d’Évreux avait déjà fait usage en 1887 pour l’étude des sources de la Vigne et de Verneuil, et dont M. Trillat en 1899 a rendu l’emploi si pratique à l’aide du fluoroscope, avec lequel la limite de visibilité de la fluorescéine s’étend à 1 pour 2 mil- 314 D' E. VALLIN liards, soit 1 gramme pour 2,000 mètres cubes d’eau (R‘’.vue d’hy¬ giène, 1899, p. 7S0). M. Janet, à la demande de la Commission scientifique, avait tracé le programme de ces expériences à la fluo¬ rescéine, et demandé qu’on en plaçât successivement 5 kilogrammes aux points suivants du bassin de l’Avre : 1° ruisseau de Lamblore, dans le lit poreux en amont de Morvillers ; 2“ ruisseau du Buternay, dans un des bétoires en amont de Boissy-le-Sec ; 3® ruisseau du Belloy, dans le bétoire du Souci, en aval de Moussonvilliers ; 4“ ruisseau de Saint-Maurice, dans le bétoire de la Blotière ; S® rivière d’Avre, dans les bétoires de la Lambergerie, dumoulin de Peel et de Chennebrun. Sur le rapport de M. Chautard, le Conseil municipal, par un vote du mois d’avril 1900, accorda pour des travaux de jaugeage un crédit de 24,S00 francs, dont 2,500 étaient affectés à des expériences avèc la fluorescéine; l’on put ainsi continuer sur une vaste échelle des essais plus modestes qui avaient d’ailleurs donné d’excellents résul¬ tats. Ces recherches furent confiées à M. Marboutin, sous-chef du ser¬ vice chimique de l’observatoire de Montsouris , sous le contrôle de M. Albert Lévy. Ces recherches , comme celles de MM. ftiiquel, Cambier et Mouchet avec les levures, ont donné des résultats qui ont dépassé toute attente. Nous passerons successivement en revue les études faites à ce point de vue dans le bassin de l’Avre, en 1900, puis celles qui con¬ cernent le bassin de la Vanne. Rapport sur les expériences avec la fluorescéine, par MM. Albeut Lévy et Marboutin, p. 225 à 253 (lu le 18 mai 1900). La préoccupation des rapporteurs a été de réduire le plus pos¬ sible la quantité de fluorescéine employée, afin de ne pas provoquer de réclamation ou de panique de la part des populations faisant usage de l’eau ainsi colorée, soit à Paris, soit sur le trajet de l’aquc- duc. M. Marboutin. a perfectionné le fluoroscope de M. ïrillat de telle façon qu’il peut déceler un poids cinq fois plus faible que pré¬ cédemment, soit 1 gramme dans 10,000 mètres cubes d’eau ! Les douze tubes en cr istal blanc, de la même coulée, de 95 cen¬ timètres de hauteur sur 16 à 18 millimètres de diamètre, qu’on remplit de l’eau d’échantillon, sont fermés à l’une de leurs extrémités par un bouchon de caoutchouc passé à la plombagine ; en explorant LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 315 la couche épaisse d’eau dans l’axe de ce long tube, la plombagine forme un champ noir très mat qui rend les comparaisons très faciles. Le débit de l’aqueduc de l’Avre était, à cette date, de 6,000 mètres cubes à l’heure; on jetait dans le bétoire en expé¬ rience 400 ou SOO grammes de fluorescéine par heure ; le Jet a été prolongé pendant une heure et demie ou deux heures , soit 600 à 900 grammes dissous dans 6 à 9 liti-es d’eau pour une expérience, au lieu des 5 kilogrammes employés jadis par M. Ferray. On doit toujours avoir soin de verser dans le forage un volume d’eau forte¬ ment colorée suffisant pour créer une surélévation du niveau piézo- métrique' de ce point; on détermine ainsi récoulement et la dissé¬ mination de la teinture et l’on évite sa stagnation dans les points bas. Des postes d’observation, au nombre de 60 à 80 environ, étaient établis aux divers puits de la région , les puits étant observés par zones concentriques à partir du bétoire. Une vingtaine d’observa¬ teurs, collaborateurs ou employés de l’observatoire, étaient placés d’abord sur un cercle de 1 kilomètre à l‘‘,600 de rayon; ils préle¬ vaient des échantillons toutes les heures, de jour et de nuit, et on les examinait instantanément. Ces observateurs se déplaçaient en s’éloignant successivement; le dernier cercle a été de 7 kilomètres de rayon ; S80 tubes dans un cas, 900 dans un autre ont été exa¬ minés par le même chimiste, qui y inscrivait le degré colorimétrique trouvé par lui. Une première expérience a été réalisée au bétoire du Veau- Renard sur le ruisseau de Butternay, une seconde au bétoire du Haut-Chevrier sur le ruisseau de Lamblore, et un, troisième est en préparation au bétoire du Souci. En ne tenant compte que des résultats positifs, il résulte de la première expérience que les eaux absorbées par le bétoire de Veau- Renard se répandent sur une étendue considérable : elles apparais¬ sent à la fois dans les vallées de l’Avre et de la Vigne. R y a com¬ munication rapide, au bout de trente-deux lieures, entre ce bétoire et les trois sources qui constituent le groupe du Nouvel, distant de 4,700 mètres environ; cette communication est surtout évidente 1. Le niveau piczoméirique est le niveau oii monterait l'eau d'uiio nappe dans un puits à parois imperméables creusé en ce point et allant rejoindre la nappe. La source est la rencontre do la surface du niveau piézométriquo avec la surface du sol. 316 D- E. VALLIN pour la source de Ganderolles qui, à vrai dire, n’a qu’un faible débit par rapport aux deux autres. Cette source s’est toujours montrée, du reste, extrêmement variable comme débit et comme composition. La vitesse de propagation dans cette direction est donc d’environ 116 mètres à l’heure. Cette communication était d’autant plus inté¬ ressante à constater que les eaux du ruisseau de Butternay, absor¬ bées par le bétoire, peuvent être souillées par le lavoir et te cime¬ tière de Boissy, ainsi que par les détritus de toutes sortes jetés dans la rue par les habitants. Toujours en ne tenant compte que des résultats positifs, la deuxième expérience montre que les eaux absorbées par le bétoii-e du Haut-Chevrier se répandent sur une supei-ficie de 80 kilomètres carrés. La communication est évidente au bout de soixante-huit heures entre le bétoire et les sources du groupe de Foisys, notam¬ ment la source dite la Rivière , qui a conservé une couleur intense pendant trente-deux heures. A la sortie de Foisys proprement dite, la coloration n’a persisté que trente heures. La distance du bétoire aux sources étant, à vol d’oiseau, d’environ 9 kilomètres, la vitesse de propagation est voisine de 132 mètres à l’heure, chiffre ne diffé¬ rant pas sensiblement de celui trouvé à Veau-Renard, l^a source des Graviers a été colorée au bout de cinquante-huit heures , pendant deux heures ; le Trou-d’Eau, au bout de soixante-douze heures seu¬ lement, mais au moins pendant cinq heures. On voit que, la dis¬ tance étant sensiblement la même, la vitesse de propagation clans les diverses directions est essentiellement variable. Les autres sources, sauf celles des Trois-Mulets et du Petit-Launay, cette der¬ nière non captée, située au confluent de la Vigne, n’ont pas été colorées. Des cartes et des graphiques, très nombreux, joints au rapport de M. Albert Lévy, indiquent les puits et les sources dont l’eau a été colorée. Ces expériences concluantes ont particulièrement frappé les membres de la commission qui ont adressé des félicitations à M. Marboutin et à ses collaborateurs, MM. Molinié, Gourmain et Pécoul '. 1. L’on consultera aussi avec profit le mémoire intitulé ; Nouvelle méthode d'élude des eaux de sources, que M. F. MAunooiiK a lu récemment à la Société des Ingénieurs civils. (Mémoires et comptes rendus des travaux de la Société des Ingénieurs civils de France, février 1901, p. 367.) LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 311 Rapport sur la communication des bétoires de la région des sources de VAvre avec les sources captées par la Ville de Paris , par le D'' P. JIiquel (lu le 18 juin 1900), p. 258 à 263. Des recherches analogues ont été poursuivies depuis te commen¬ cement de janvier 1900 par M. Miquel, en remplaçant les matières colorantes par de la levure de bière; ces levures sont complètement inoffensives, elles ne changent ni le goût, ni la couleur de l’eau, et on n’a pas à craindre l’émoi des populations. Là où ont pas.sé tes grosses cellules du saccharomyces cerevisiae ou celles plus petites des mycodermes du vinaigre, passeront assurément les microbes saprophytes ou pathogènes. Des e.xpériences préalables montrèrent que l’eau prélevée dans les eaux du service public de la Vanne, delà Dhuis et de l’Avre, soit dans les réservoirs de Paris, soit aux sources avant tout ensemencement ne provoquaient pas de fermentation dans un bouillon de peptone acidulé renfermant par litre 400 grammes de saccharose, une petite quantité d’acide tartrique et quelques sels minéraux qui favorisent la nutritivité des bouillons à l’égard des levures. Le contrôle se faisait par l’obsei'vation microscopique et par l’ensemencement du liquide de culture avec moitié de son poids de l’eau examinée. Quand cette eau renfermait des levures, celles-ci formaient au bout de peu de temps, au fond du vase, des colonies caractéristiques et déterminaient dès le lendemain la fermentation alcoolique du milieu sucré. On dosait chaque fois la quantité d’alcool obtenue. Le 3 avril 1900, on délaya 1 kilogramme de levure pressée dans le bétoire du Haut-Chevrier (vallée de Lamblore); 500 grammes dans le bétoire du Souci (rû du Belloy), à Moussonvilliers; 2 kilo¬ grammes dans le bétoire du Veau-Renard, qui absorbait entièrement à cette époque le ruisseau du Buternay, après la traversée de Boissy- le-Sec, tous les trois dans la région de l’Âvre. Ces 3'S500 de levure suffisaient pour charger les 130,000 mètres cubes d’eaux de l’Avre dirigées sur Paris dans l’espace d’un jour, de 40 cellules de saccha¬ romyces par centimètre cube. Des prélèvements furent faits le jour meme aux diverses émer¬ gences des sources, puis, à partir du 4 avril, toutes les quatre heures au point 0 de l’aqueduc. Le premier échantillon contenant des Saccharomyces fut recueilli le 5 avril à une Iieure du matin. Depuis ce moment, jusqu’au 7 avril à neuf heures du matin, tous les échantillons prélevés présentèrent ces mêmes organismes. Du D' E. VALLIN 7 avril (une heure du soir) jusqu’au 8 (une heure du matin), la présence des levures fut encore fréquente. Elle cessa définitivement à partir du 10 avril (cinq heures du matin). D’autre pai-t, douze échantillons furent prélevés, du S au 16 avril, au réservoir de Montretout. La présence des levures y fut constatée le 6 avril (neuf heures du matin) et le 12 avril (huit heures trente du matin). Un dernier échantillon, prélevé le 7 avril à neuf heures du matin, au réservoir de Passy, détermina une fermentation éner¬ gique du bouillon sucré, sous l’influence de la levure de bière. En résumé, la levure de bière, introduite à la date du 3 avril 1900 dans les trois bétoires ci-dessus désignés, a gagné aisément les sources captées par la Ville et a pu être décelée , au bout de trente- deux heures , à la naissance de l’aqueduc. Trente heures après son apparition en ce point, on put mettre sa présence en évidence au réservoir de Montretout et un jour plus tard encore au réservoir de Passy. Devant la commission, M. Roux a fait remarquer combien la filtration par le sol est précaire et incertaine ; la démonstration est absolue , et il faut prendre les mesures nécessaires pour rendre les bétoires inoffensifs. M. Bechmann dit que, puisque les eaux de la nappe souterraine sont contaminées, c’est à l’origine de cette contamination qu’il faut pren¬ dre les mesures de protection. Le système de captage préconisé par M. Janet est tout à fait impuissant contre les contaminations éloignées ; au contraire , il est possible qu’il soit efficace contre les causes de souil¬ lure locale se produisant entre la nappe et les émergences. Il tient à ce que sa divergence d’opinion avec M. Janet soit bien établie; quant à lui, il persiste à penser que les causes de souillure les plus importantes sont celles qui intéressent la nappe elle-même, et qu’on trouvera peu dé diffé¬ rence entre les eaux telles qu’elles sont captées actuellement et celles qu’on pourra recueillir à l’aide des forages poussés jusqu’à la craie. Études sur les sources de la Ville de Paris captées dans les régions de l'Avre. par M. DIE^ERT, lu le 13 octobre 1909, p. 263 à 290. Des recherches complémentaires ont été faites dans la môme région par M. Dienert, ingénieur agronome, chef du service local de la surveillance des sources. L’auteur pense qu’il ne faut pas attribuer aux résultats d’ailleurs positifs de la fluorescéine une signification qu’ils ne peuvent donner. Avec certaines eaux, et sans que la composition chimique en avertisse, cette substance se décèle moins facilement que dans d’au- LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 319 très ; ea conséquence, l’intensité de la coloration de l’eau des puits n’a aucune relation avec la fluorescéine. Quand on examine heure par heure l’eau d’un puits , on constate facilement des changements de coloration qui laissent fort embar¬ rassé celui qui recherche la fluorescéine; quelquefois c’est un trouble dont la cause nous échappe. Puis la fluorescéine colore un peu différemment les différentes eaux ; or, d’après le procédé Trillat, on compare une eau renfermant cette matière colorante avec une autre eau n’en contenant pas. Dans le fluoroscope, la première se projette en vert, la seconde en bleu foncé. L’auteur a cru utile de joindre un tube supplé¬ mentaire contenant'de l’eau des puits et d’y ajouter la quantité nécessaire de fluorescéine pour obtenir une dilution de 1 sur un milliard ; on connaissait au préalable la coloration que devait avoir l’eau renfermant la fluorescéine, et par comparaison on faisait disparaître toute cause d’incertitude. Les expériences faites avec de hautes doses de fluorescéine dans les bétoires de Boissy-le-Sec, de Chennebrun, du Haut-Chevrier, de Morvilliers, de la Vallée, montrent clairement que la zone d’alimen¬ tation des sources est très étendue. On peut admettre, pour les sources de Rueil, que cette zone embrasse la superficie comprise dans le polygone formé par Beaulieu , La Ferté-Vidame et Rueil, soit environ 182 kilomètres carrés, habités par une population de 5,915 habitants, c’est-à-dire une moyenne de 32 habitants par kilomètre carré. Ces conclusions ne valent que pour la saison sèche; des expériences ultérieures diront si les résultats sont semblables pendant la saison des pluies. Le rapporteur signale la quantité extraordinaire de cuvettes d’ef¬ fondrement, de mardelles-entonnoirs, de mardelles sources, de praiiâes absorbantes, de lits poreux, de ruisseaux, de bétoires natu¬ rels et de puits absorbants qui existent dans les vallées secondaires de la Vanne et de l’Yonne. Il décrit en particulier, dans cette der¬ nière, le plateau de Villechétive , qui domine la vallée de Saint- Ange et celle de Cerisiers , sur la ligne de partage des eaux de la vallée de l’Yonne et de celle de la Vanne. On a établi là un haras de 150 chevaux, avec des écuries, des maisons d’habitation pour le personnel de surveillance et d’entraînement (60 à 80 personnes). Sur une surface restreinte l’on a creusé sept puisards absorbants, d’uue profondeur de 36 à 50 mètres, où l’on jette les résidus de 320 D' E. VALLIN toutes sortes, les matières fécales et les urines, les purins, les eaux ménagères, celles du lavoir voisin. Dans ces terrains très perméa¬ bles , les eaux usées se dirigent nécessairement vers le bas de la vallée où sont captées les sources. On a versé, en 1899, 15 kilo¬ grammes de fluorescéine dans un de ces puisards, sans que les sources de la vallée se soient colorées. Toutefois, en 1900, M. Mar- boutin y a projeté 2 kilogrammes de fluorescéine, et c’est à la 224® heure seulement que la source du Miroir, située à 10 kilomè¬ tres, a été colorée pendant deux heures. A la 431® heure, c’est-à- dire jusqu’au moment où l’observation à cessé, la source de Coche- pies était encore restée intacte. M. Dienert constate, en outre, les mauvaises conditions hygié¬ niques des habitants de la contrée : absence de fosses d’aisances, eaux des mares servant souvent à la cuisine et au lavage, etc. Les lavoirs précèdent souvent immédiatement le bétoire où les eaux sales s’en¬ gouffrent comme dans une bonde. L’habitude du pays est de placer les cimetières au bord des ruisseaux , le long d’une côte. En hiver, certaines parties de ces cimetières se remplissent ainsi d'eau , qui lave les tombes, se charge de germes qui peuvent ainsi arriver aux sources. Le cimetière de Rueil a seul été drainé pour éviter cet inconvénient. Les cimetières de Boissy-le-Sec et de Rohaire devraient être pourvus de drains ; l’eau de ces drains pourrait être amenée là où la filtration serait efficace, et devrait même être éloignée du péilmètre d’alimentation des sources. Éludes des vallées de la Vanne et de l'Yonne; hydrologie sou¬ terraine; communication entre les eaux superficielles , les eaux souterraines et les sources, par M. Albert Lévy, rapport lu le 26 octobre 1900, p. 291 à 313. Étude descriptive des bassins de la Vanne et de l'Yonne (1®’’ mé¬ moire), par M. P. Mauboütin, communiquée le 26 octobre 1900, p. 313 à 343. Ces rapports ont un intérêt d’autant plus grand que, pendant l’été dernier, aux mois de juin et de septembre , plusieurs cas de fièvre typhoïde furent signalés dans des villages du bassin de la •Vanne, particulièrement à Foisys, Noë, Vaumort, Vaudeurs, Ville- chétive. MM. les D” A.-J. Martin, Thierry, Miquel, accompagnés de M. le directeur des affaires municipales et de M. Marboutin, après une visite minutieuse des malades et des localitéj, demandé- LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 321 rent et obtinrent la mise en décharge des sources du Miroir, de Theil et de Noë, parce que les maisons infectées étaient voisines de ces sources et que les chances de contamination paraissaient très sérieuses. Les expériences avec la fluorescéine et plus tard avec la levure montrèrent combien ces craintes étaient justifiées. Leur importance nous oblige à reproduire ici presque intégralement le résumé des deux rapports tels qu’ils sont insérés au procès- verbal de la séance. « Les difficultés matérielles ont été très grandes; il fallait explorer plus de 100,000 hectares de pays très accidenté; le nombreux per¬ sonnel indispensable pour surveiller les sources, les puils et faire les prélèvements, s’est montré tellement difficile à recruter à l’époque de la moisson et à celle des vendanges, que les expériences ont dû être deux fois interrompues. Dans chacune des expériences, il n’a pu être observé pour cette raison qu’un nombre de points très restreint. Le pays est très perméable; la couche d’argile et d’allu- vions y est très peu épaisse; on y trouve de nombreux bétoires et mardellcs. Les rivières supérieures ne lardent pas à ilisparaître dans le sol; puis, dans la vallée, au voisinage de la Vanne, elles reparaissent sous forme de sources. Ce sont celles qu’a captées la REV. d’HYG XXIII. — 21 322 D' E. VALLIN ville de Paris. Sur les 18 expériences projetées, 4 n’ont pu être effectuées à cause du manque d’eau. Sur les 12 qui ont été conduites jusqu’au bout, 4 ont donné des résultats négatifs et 8 des résultats positifs; elles ont donné lieu à plus de 5,000 prélèvements et analyses. Les 4 expériences négatives ont eu lieii : dans la vallée de Saint-Ange, aux lavoirs de Dixmont et des Bordes, et sur les rus de Cérilly et de Tiremont, en aval de Rigny-le-Ferron. Elles semblent indiquer qu’il n’existe pas de communication directe enti-e ces points et les sources captées ; mais il faut remarquer que ces résultats ont été obtenus en saison exceptionnellement sèche, et l’on ne sait rien de ce qui se passerait en saison pluvieuse. On doit laire, vis-à-vis de ces résultats, toutes les réserves habituelles. Voici quelques détails sur les expériences positives démontrant les communications entre les nappes profondes et les eaux superfi¬ cielles : « La première expérience a été faite dans la vallée de Fontaine-à- l’Érable. Les eaux du ruisseau de Fontaine-à-l’Érable se perdent partiellement à la Joncheroy et totalement dans les bétoires de la prairie Salmon, vis-à-vis du château de Beauregard. Deux lavoirs sont proches de» pertes. La fluorescéine introduite en ccs points a coloré, au bout de quatre-vingt-cinq heures, l’eau de toutes les sources basses, ainsi que les drainages du Maroy et de Saint-Phil- bert; la vitesse de propagation du pigment a donc été d’environ 150 mètres à l’heure. L’eau de la source de Cérilly, plus rappro¬ chée, a été colorée après soixante-neuf heures; dans cette direction, la matière colorante s’est propagée à la vitesse de 100 ^mètres à l’heure environ. « La deuxième expérience a porté sur les prairies de Yareilles. Ces prairies sont irriguées par les eaux de la Fontaine de Yareilles, qui peut être polluée par trois lavoirs voisins et par les résidus de fabriques de fromage. Pendant la traversée de ces prairies, raqueduc d’équilibre est doublé par le drain du Maroy. Deux heures après sa projection, la fluorescéine a été reconnue dans les échantillons pré¬ levés dans l’aqueduc et dans le drain, aux hectomètres 16 et 20. Un peu plus tard elle est apparue à l’hectomètre 24. Chose curieuse, l’eau de l’aqueduc se montra plus teintée que celle du drain... « Les troisième et quatrième expériences ont été faites dans la vallée de la Fontaine-des- Armées, dite aussi des Sièges, ün n’y rencontre qu’une seule source, captée pour l’alimentation des LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 323 lavoirs des Sièges. Dans la troisième expérience, la vanne du ru étant fermée et par conséquent l’eau de ce ru servant aux irriga¬ tions, la fluorescéine a été retrouvée en petite quantité et pendant très peu de temps dans les sources des Pâtures et du Maroy. « Dans la quatrième expérience, la vanne étant levée, l’eau s’écoulait naturellement dans le lit du ruisseau ; il a ôté impossible de retrouver la couleur dans les sources des Pâtures et du Maroy; mais l’eau relevée à Chigy s’est montrée colorée. Or, l’eau relevée à Chigy étant formée du mélange des eaux de ces sources, on ne peut expliquer ce fait qu’en admettant que les parois de l’aqueduc ne sont pas suffisamment étanches; c’est ce qu’une visite directe a démontré. « La cinquième expérience eut lieu à Vauniort, dans la vallée de la Bacule, laquelle, soit dit en passant, est eu train de revenir à l’état de sécheresse qu’elle présentait avant 1793. 300 grammes de fluorescéine introduits dans le ruisseau et le lavoir étant vidé en quelques minutes pour entraîner la matière colorante, celle-ci put être décelée dans le puits Maillet, qui resta coloré pendant quinze jours au moins, ainsi que dans la source du Miroir (colorée à partir de la neuvième heure pendant quatre heures), de l’Auge, de Malhortie (colorées à partir de la douzième heure pendant quatre heures), etc. La vitesse de propagation de la fluorescéine dans cette expérience a été d’environ 100 mètres à l’heure dans la direction de la source du Miroir, la plus rapprochée du lavoir de Vauniort. « La sixième expérience fut faite en introduisant la fluorescéine dans une rivière soulerraine exi.slant dans une galei'ie du puits de la Grau. Ce puits est situé dans une petite vallée riche en ett’ondre- ments, rejoignant celle de Saint-Ange aux Bordes. Les .sources de Cochepies se montrèrent fortement colorées au bout d’une trentaine d’heures, la coloration fut visible pendant vingt-quatre bern es. « La septième expérience porte sur la vallée du ru Galant, au sud des sources de Coebepies. Elle est intéressante en ce sens qu’elle a mis en éviilence des étages successifs de bétoires et de sources ; la fontaine Sucrée disparaît aux Brfilcries; elle reparaît à Val-Profonde pour disparaître de nouveau aux Thenauts et repa¬ raître enfin à Villeneuve-sur-Yonne. La matière colorante placée dans la vallée n’a pu être retrouvée dans les sonnes de Cochepies; il semble donc que cette vallée limite au sud le périmètre d’alimen¬ tation des .sources. iMais, encore une fois, rexpériencc négative en D' E. VALLIN temps de sécheresse eût peut-être été positive en saison pluvieuse. « La huitième expérience est des plus importantes; elle eut lieu à Villechétive, dans une propriété particulière où sont installés des haras occupant environ 60 à 80 personnes et abritant 150 chevaux. Toutes les eaux usées, les matières de vidange, etc., sont dirigées .dans des puisards absorbants. 1 kilogramme de fluorescéine fut introduit dans le water-closet correspondant au puisard nord-est, et un second kilogramme dans le puisard du château. La coloration est apparue subitement et très intense dans la source du Miroir (la seule qui ait pu être surveillée), après deux cent vingt-quatre heures. La coloi-ation ne fut manifeste que pendant deux heures. Les sources de Cochepies, observées pendant quatre cent trente et une heures, n’ont pas pi-ésenté de coloration. 11 est à noter que jadis des savants se sont livrés à une semblable expérience en employant des doses huit fois plus considérables de matière colorante et qu’ils ne réussirent pas à découvrir décoloration manifeste dans la source du Miroir, objet principal de leurs investigations. C’est dans cette huitième expérience que fut observée la vitesse minima de propa¬ gation qui a été d’environ 47 mètres à l’heure. » Recherches sur la communication directe des sources captées de la Vanne avec les cours d’eau superficiels et les nappes d'eau souterraines, par MM. Miquel, Cambier et Moüchet, Rapport lu le 26 octobre 1900, p. 343 à 375. Deux expériences ont été faites : l’uiie dans la région haute, à 10 à 12 kilomètres de l’aqueduc, sur les hauteurs de la forêt d’Othe qui dominent au sud de la vallée; l’autre, près des sources basses. Le 22 juillet 1900, l’ou a jeté 20 kilogrammes de levure dans le ruisseau de Fontaine à l’Érable, à 2 kilomètres au nord du village d’Arces, et à 6 kilomètres au sud de Cérilly ; à côté de ce ru se trouve un bétoire où s’engouffrent environ les 5/10®’ du débit total du ruisseau. Du cinquième au septième jour, l’on trouva des levures dans l’eau non seulement dès usines élévatoires de Flacy, Chigy, La Forge, mais aussi des sources captées des Pâtures, du Maroy, de Malhortie, du Miroir, de Noë, etc.; 16-24-21-18 fois sur 100 pré¬ lèvements on n’en trouva pas trace, même au bout de dix-sept jours, dans la source de Cochepies (usine de Maillot) située à 20 kilomètres à l’ouest. Les levures furent trouvées une fois, le quatorzième jour, dans l’eau du réservoir de Montrouge. Les souillures du ru de Fon- LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 32S taine à l’Érable peuvent donc contaminer, même en été, toute la région basse des sources captées. La seconde expérience fut faite le 26 septembre en projetant 10 kilogrammes de levure de bière dans le puits Théodore Hue, situé à 150 mètres du lavoir de Vaumort, à 2 kilomètres au plus au sud de Theit et des sources du Miroir, de Noë, de Saint-Philbert et Saint-Marcouf, de Malhortie, etc. L’eau de ce puits est tantôt claire, tantôt de couleur et de goût repou-ssants. On constata la présence de levures déterminant des fermentations alcooliques dans la plupart des sources énumérées, au bout de deux ou quatre jours, à savoir : 3 fois sur 77 essais dans l’eau de la source Noë; 6 fois sur 77 dans la source du Miroir; 17 fois sur 76 dès le deuxième jour à l’usine de la Forge. La conclusion est qu’il est urgent d’exécuter des tra¬ vaux de protection pour empêcher les eaux du lavoir de Vaumort de pénétrer dans les puits des environs. M. Duclaux ne voudrait pas tpie la moindre sensation d’effarouche¬ ment résuflàt pour le public de la lecture de ces intéressants rapports. On devait prévoir le résultat de ces expériences et enquêtes. Les microbes pathogènes que l’eau peut charrier proviennent de points que l’expé¬ rience permet aujourd’hui de connaître; le problème de la protection dos sources se limite dès lors à la surveillance efficace de ces points dange¬ reux; à mesure qu’ils seront découverts, il conviendra de les faire dis¬ paraître ou de les rendre inoffensifs par des travaux convenables. Amé¬ liorations de détail et progressives, telle est la solution qui lui apparaît comme étant la plus simple en même temps que la plus sage et qui, consciencieusement appliquée, rendrait le plus grand service à la popu¬ lation parisienne. M. Janet dit que par la réfection des captages aux points d’émer¬ gence on pourra supprimer les contaminations voisines; mais on peut affirmer dès aujourd’hui que, quand même ces captages seraient par¬ faits, il existerait encore des contaminations éloignées. Pour les éliminer, 11 faudrait consti’uire des lits cimeptés pour les rivières à pertes, entourer les bétoiras d’une levée imperméable, s’entendre avec les propriétaires pour supprimer les puits et puisards à fond perdu, que la législation actuelle ne permet pas d’atteindre. M. Roux fait observer que, dans une expérience faite par M. A. Lévy avec la fluorescéine, l’eau de l’aqueduc d’é(|uilibre a été jilus colorée que l’eau du drain qui le doidjle dans la prairie de V’areilles; il semble (pie cet aqueduc soit fissuré et qu’il ait besoin d'étre réparé. -M. Beciimann répond (|ue la partie de Paqucluc qui traverse la prairie des Prés n’a rien de commun avec l’aqueduc principal. 11 a fait dresser un projet pour le remplacer par une conduite en fonte. Le grand aqueduc ne peut être considéré comme contaminable. D' E. VALLIN M. A. Rbndu demande n M. Bechmann où en sont les essais de stéri¬ lisation des eaux entrepris par son service. M. Bechmann distingue l’épuration, qui se fait dans les bassins à sable de Saint-Maur et d’Ivry, et la stérilisation, qui ne peut se faire par l’ébul¬ lition pour 300,000 mètres cubes chaque jour. Les procédés par l’ozone et par le peroxyde de chlore sont à l’étude et ne sont pas encore appli¬ cables à une grande ville comme Paris, n II faut bien se convaincre, dit M. Bechmann, que les sources captées par la ville de Paris ne sont pas plus exposées aux contaminations que n’importe quelle autre source. La mesure probablement la plus efficace qu’on pourrait prendre pour l’amé¬ lioration des sources serait la création légale d’un périmètre de protec¬ tion. » M. Hétier donne quelques explications sur le procédé par l’ozone cl sur les difficultés ou les incertitudes de son application. « Il serait même à craindre que des bactéries pathogènes, ayant résisté à l’action de l’ozone par suite d’un brassage insuffisant, ne vinssent à pulluler avec une grande rapidité dans un liquide partiellement stérilisé où la concur¬ rence vitale serait moins active. » M. Roux ignore si la stérilisation par l’ozone est applicable en grand et économiquement, mais par ce qu’il a vu à Lille il peut affirmer que, bien conduite, elle peut donner des résultats absolus. Mais avant de sou¬ lever la grosse question de l’épuration ou de la stérilisation des eaux, il voudrait qu’il fut pris quelques mesures urgentes pour remédier aux dangere signalés relativement aux sources de la Vanne. Va-t-on par exemple laisser tous les dimanches le lavoir de Vaumorl contaminer les nappes souterraines au moment de sa mise en décharge'? M. le Président demande à M. Bechmann de vouloir bien préparer pour la séance prochaine un programme des travaux immédiats à effectuer pour améliorer celle situation aclitelle aux sources de la Vanne. Dans la séance du 31 octobre 1900, M. Hkchmann expose en ces termes son programme et ses observalioiis : La portion d’aqueduc qui traverse les prés irrigués de Vareilles a été visitée ; comme l’avait signalé M. Albert- Lévy dansson rapport, on y a, en effet, trouvé quelques fissures insignifiantes qui vont être réparées. Jlais il y a lieu de remarquer que, de ce fait, il ne résul¬ tait pas, à proprement parler, une contamination des eaux de cet aqueduc, qui se trouvait ainsi recevoir directement une partie des eaux d'infiltration de la prairie que lui amène plus loin le drain du Maroy. La solution à adopter pour parer aux contaminations éloignées, notamment celle qui résulte de la mise en décharge hebdomadaire du lavoir de Vaumort, est beaucoup plus importante. On pounuit LES SOURCES DE L’AVRE ET DE LA VANNE 327 établir une conduite étanche, en fonte, destinée à recueillir les eaiix de ce lavoir et les conduire à la Vanne; mais, outre quecette mesure serait onéreuse, elle a le grave défaut de ne pas être générale et de ne pouvoir être appliquée à tous les cas analogues. M. Bechmann serait partisan d’envoyer tout simplement ces eau.x dans un champ, de les épurer, en un mot, par une opération d’épandage comme celles qui se pratiquent pour les eaux d’égout, à Gennevilliers, à Achères, etc., avant qu’elles puissent rejoindre la nappe souter¬ raine qui alimente tes sources. Cette méthode pourrait partout être appliquée sans difficulté; il suffirait, au voisinage de chaque lavoir, de chaque pointsuspcct, de trouver un champ convenable pour assurer l’épui'ation des eaux sales qui en proviennent. Il serait sans doute facile de s’entendre à ce sujet avec les municipalités, mais en ce qui concerne les propriétés particulières il serait nécessaire, en l’absence d’une loi sur le péri¬ mètre de protection, de voir les propriétaires, de leur démontrer la nécessité d’épurei' les eaux u.sées qu’ils envoient dans leurs puisards et il est bien probable que dans la plupart des cas ilsconseiiliraient à des mesures si simples, ün pourrait au besoin leur acheter les terrains nécessaires pour les iriigations projetées. M. Janct pense aussi qu’il est très ralionnel d’épandre sur un terrain filtrant les eaux sales qui, jusqu’alors, étaient absorbées par desbétoires et gagnaient la nappe souterraine sans aucune espèce de filtration capil¬ laire. Mais pour lui, l’épandage ne peut être substitué avec avantage qu’aux bétoires seulement. Il craint, notamment en ce qui concerne Vau- mort, où l’eau de lavoir se perd gradiudletnent dans le lit poreux du fossé de décharge, que la filti'alion artificielle par lu sol d'un champ ne soit pas beaucoup meilleure que celle qid résulte naturellement do l’ab¬ sorption lente de l’eau par le lit poreux lui-même. On sera peut-être contraint de faire un lit pavé au ru de Vaumort. Quant au drai'i du Maroy, dans la prairie de Vareilles, qui recueille directement les eaux de suiTaci', on doit envisagei’ sa suppression éven¬ tuelle, si des expériences avec la levure de bière confirmant les résultats obtenus par la Iluorescéine démontrenl que le passage des micro-orga¬ nismes venus de l’extérieur peut s’etfectuer facilemeid. M. Dlci.aix insiste pour c|u’on ne confonde pas dans une même réprobation, parmi les eaux (pn circulent à la surface du sol, celles cpii sont sans danger et celles (pd ])euvenl devenir dangereuses à un moment donné. Si l’on voulait ab.solmnenl empèchei' toutes les eaux de surface de parvenir aux napiies, il faudrait rouoncer à l’usage dos sources, qui seraient par cela mémo taries. Vouloir tout changer, tout rénover, abou¬ tirait latalemcnt a une impossibilité. Parmi ces iioints faibles, il en est. D' E. VALLIN comme les lavoirs, les cimetières, etc., qui coiisliluenl un danger génériil et permanent; des mesures générales et radicales doivent leur être appli¬ quées. Il en est. d’autres qui ne sont que des causes d’infection passa¬ gères et accidentelles, que nous devons supprimer ou améliorer avec dos moyens adéquats à leur nature et à leur importance relative. Au lieu d’un simple épandage, M. Duclaux serait partisan des procédés d’épuration analogues à ceux qui sont employés dans l’État de Massa¬ chusetts et qui donnent, paraît-il, des résultats excellents et très constants. M. Becumann dit que les paroles de M. Duclaux sont absolumentcon- formes à ce qu’il pense lui-méme . Si l’on ne trouve pas un sol naturel convenable au voisinage des points suspects, pour y diriger les eaux sales venant de ces points, il est évident qu’on devra recourir à des sols artificiels disposés en vue du résultat à obtenir. 11 est très regrettable qu’une loi spéciale sur le périmètre de protec¬ tion des som'ces n’existe pas. M. LE D’’ A. -J. Martin, se référant aux descriptions qu’il a faites dans son rapport, lu et approuvé au mois de décembre dernier, considère le drain du Mai’oy et le lavoir de Vaumort comme particulièrement dange¬ reux. Les mesures proposées par M. Beclimann ne tendent rien moins qu’à épurer par épandage sur le sol les eaux de tous les lavoirs, cimetières et puisards de la région. Comme ils sont assez nombreux et que le sol à leur voisinage n’est assurément pas partout perméable, c’est là une opération difficile à réaliser et dont l’exécution sera peut-être fort éloignée. Des procédés d’épuration plus simples et plus sftrs pourraient être étudiés. En tous cas, il paraît indispensable de donner dès maintenant toute l’exten¬ sion possible au service de surveillance médicale de ces régions; il serait à souhaiter que des dépôts d’antiseptiques fussent prêts à être dirigés partout où un cas de fièiTe typhoïde viendrait à être signalé, afin d’éviter que des germes typhiques viennent contaminer le sol et la nappe sou¬ terraine. M. Duclaux ’ppuie fortement la proposition de M. A. -J. Martin. Si l’on pouvait, dit-il, localiser les germes infectieux dans les maisons con¬ taminées et les y détruire avant tout contact avec le sol, on réduirait à néant les chances de contamination de la nappe souterraine. Une équipe de désinfecteurs, ayant à sa disposition le matériel d’étuves elles antisep¬ tiques nécessaires, suffirait à celte besogne. M. A. -J. Martin dit que cefte équipe serait des plus faciles à organiser, vu que les agents du service vicinal de l’Yonne sont en mémo temps chargés d’opérer les désinfections à, la suite des maladies dont la déclara¬ tion est obligatoire. M. LE Président résume la longue discussion qui a suivi l’exposé des recherches effectuées dans la région de la Vanne. 11 constate que les diverses opinions éinises au cours de cette discussion, viennent toutes, eu définitive , se fusionner dans les propositions do MM. Duclaux et A. -J. Martin, que M. Roux formule ainsi : LES SOUUCES DE I/AVUE ET DE LA VANNE M 1“ 11 y a lieiiiramélioreriminédiatcmcnl les points 'In périinélre d’ali- nienlation ties sources, reconnus suspects ou dangereux à la suite d’expé¬ riences ou d’en(iuétes locales, et d’assurer rélancliéilé des aqueducs sur tout leur parcours ; , et sera soumis à une désin¬ fection rigoureuse. « L’apposition d’un placard avec le mot ; « Désinfecté » indi¬ quera que la voiture peut être remise en service. « 8° Les wagons ou compartiments destinés à ces malades seront aménagés de telle sorte que la désinfection en soit rendue efficace, rapide et économique. » Ces vœux reçoivent à peu près satisfac-tion : L’article 58 du nouveau décret du 1'' mars 1901 contient, en etfet, un paragraphe ainsi conçu ; « Il est défendu de cracher ailleurs que dans les crachoirs dis¬ posés à cet effet. Les voyageurs sont tenus d’obtempérer au.v injonc- L’HYGIÈNE DANS LES CHEMINS DE FER 343 lions des agents de la Compagnie pour l’observation des disposi¬ tions mentionnées aux paragraphes ci-dessus. » Et l’ai’ticle 60 du même décret renferme un paragraphe ainsi rédigé : « Pourront être exclues des compartiments affectés au public les personnes atteintes visiblement ou notoirement de maladies dont la conlagion serait redouter pour les voyageurs. Les compar¬ timents dans lesquels elles auront pris place seront, dès l’arrivée, soumis à la désinfection. » Telles sont les seules dispositions du nouveau décret relatives à l’hygiène ; cela est modeste assurément; le résultat obtenu n’en est pas moins important, car il dénote la place de plus en plus large que tient l’hygiène dont les préoccupations du Gouvernement, et nous n’en pouvons donner de meilleure preuve qu’en citant quel¬ ques extraits du rapport par lequel le ministre des Travaux publics a soumis le projet de décret à la signature du Président de la République : « En- ce qui touche l’ordonnance de 1846, dit le ministre, la révision poursuivie s’est inspirée de trois ordres différents de consi¬ dérations . . . . ; enfin, combler une lacune de la réglementation, qui ne cdntient absolument aucune disposition visant l’hygiène publique. » Plus loin, développant cette idée, le ministre ajoute : « Enfin, au moment où les préoccupations des hygiénistes pren¬ nent une forme précise, il m’a paru que des pouvoirs nouveaux étaient nécessaires pour lutter contre la propagation des maladies contagieuses. Les voyageurs qui seraient visiblement ou notoirement atteints de maladies offrant des po.«sibilités de contagion pourront être exclus des compartiments affectés au public. Les comparti¬ ments dans lesquels ils auront pris place seront, dès l’arrivée, soumis à la désinfection. » Certes, l’adoption de ces mesures de précaution dans la régle¬ mentation des chemins de fer ne constitue pas une de ces révolu¬ tions appelées à bouleverser le monde; mais les hygiénistes doivent néanmoins s’en réjouii', car elle marque rintroducliou de l’hygièiie dans un domaine où, par suite de la fréquence de plus eu plus grande des voyages, se dépense une partie de plus en [dus impor¬ tante de notre e,\istence et de notre activité. 3i4 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la commu¬ nication de M. le D'^Regmer Sur la fièvre typhoïde à Paris en 1900. M. Emu,b Trélat. — Monsieur le Président, vous avez magistrale¬ ment exposé dans notre dernière séance la question de l’eau de boisson. En vous mettant vous-raôme en scène, vous avez rappelé comment s’étaient succédées les différentes phases du problème, et comment s’élait établie dans votre esprit la conclusion que professe votre haute compé¬ tence. On ne pouvait pas plus heureusement initier et associer nos nou¬ veaux collègues à l’œuvre de là première Société. Laissez-moi vous en remercier ; laissez-moi le faire au double titre qui m’échoit, parce que je suis sûrement ici le plus vieux membre de la Société, et parce que nous nous sommes souvent rencontrés dans les discussions qui ont marqué nos premières transactions sociales. Les travaux de la Société do médecine publique ont emprunté dés l’origine un caractère particulier à la compositiou même de son per¬ sonnel. C’était, en effet, une chose sans précédents que des médecins et des physiologistes, élucidant en commun avec des architectes et des ingé¬ nieurs, des problèmes d’hygiène. L’ordre des responsabilités, le champ des comp tences, l'habitude des esprits se marquèrent bientôt dans la manière de prendre les questions. Cela se vit très vite dans le problème capital de l’assainissement des villes. Les médecins portés au'douteel difficiles à convaincre, comme il convient à leurs obligations profes¬ sionnelles, s’y montrèrent en majorité sévères, exigents, minutieux. De leur côté, les constructeurs excités par l’importance du sujet, éclairés par les découvertes de la science et convaincus par l’expérience présentaient hardiment les solutions et les défendaient avec vigueur. Nos séances furent alors remplies de discussions ardentes et fortement préparées. Ainsi, de ces luttes sortirent et se perfectionnèrent sans cesse les pro¬ cédés réclamés par l’hygiène. Vous venez, monsieur le Président, de nous présenter la genèse de la question de l’eau de boisson telle que l’ont produite vos précieuses obser¬ vations et vos importantes conceptions. Laissez-moi reb-acer la mienne telle que la retrouveront mes souvenirs. Quand la Société de médecine publique se fonda, en 1877, il y avait plus de vingt ans que la ville de Paris avait arrêté son plan d’assainisse¬ ment municipal et qu’elle en poiu-suivait l’exécution. Il y avait plus de vingt ans que, prenant la tête des capitales, elle avait théoriquement fixé d’avance les conditions fondamentales de la salubrité des villes. Son pro¬ gramme comportait : 1“ L'eau de boisson exclusivement approvisionnée par des sources pures et fraîches; —2“ Un lavage public et privé, effectué à grande eau; — 3° L’expulsion souterraine et prompte de toutes les immondices pari¬ siennes. En 1877, les réservoirs de la Dhuys commandaient déjà les robinets des habitations au nord de la ville ; les aqueducs de la Vanne s’avan- LA FIÈVRE typhoïde ET LES EAUX DE SOURCE 3*8 çaient près des quartiers du sud ; de vastes et de nombreux égouts fonc¬ tionnaient sur les voies publiques. C’est à Belgrand qu’il faut rapporter la gloire du système et de l’exé¬ cution de ces grandioses installations. On n’oubliera jamais sa minu¬ tieuse reconnaissance géologique et sa savante étude hydrologique du bassin de la Seine, sa forte distinction entre les aftleurements des terrains imperméables et ceux des terrains perméables. En tombant sur les pre¬ miers, observe-t-il, les pluies délavent sans cesse la surface et font les crues et les innondalions, qui désolent les vallées et les plaines. En tom¬ bant sur les seconds, elles pénètrent le sol, le traversent lentement, y laissent leurs souillures, et, sur le fond résistant qui les arrête, s’assem¬ blent en source d’eau pure. C’est le récolement de ces sources dans le bassin de la Seine que fît Belgrand, pour alimenter la boisson des Pari¬ siens. En accomplissant cette tâche il ne négligeait pas le nettoyage de la ville et il établissait le puissant appareil d’émission souterraine, par lequel sont menées hors la ville toutes les eaux résiduaires de nos lavages. Entre temps. Mille professait que les eaux d’égout contenaient des richesses agricoles qu’on ne pouvait laisser perdre ; et Durand-Claye prouvait que les eaux polluées s’épuraient complètement par l’épan¬ dage sur les sols perméables. La magnifique expérience de Gennevil- liei-s montrait les résultats concluants sur des centaines d’hectares. On en était là quand naquit la Société de médecine publique. Elle entreprit immédiatement l’étude de ces grandes questions. Elle contrôla les solutions, rajsembla les critiques, opposa les opinions. L’eau de source sortit victorieuse de ces travaux ; et la théorie de son épuration dans le sol s’établit définitivement à la suite des découvertes Pasto¬ riennes : « Les eaux de pluies, empoussiérées et souillées de détritus ani¬ maux ou végétaux, apportent au sol perméable les gros contingents de microbes saprogènes qui y opéreront leur besogne de destructeurs des combinaisons moléculaires de la vie et de libérateurs des éléments cons¬ titutifs. » Un pareil traitement épure l’eau la plus sordide. Nous avions, d’ailleurs, dans l’expérience de Gennevilliers, la confirmation topique de l’excellence épuratrice des sols perméables. Non seulement l’eau d’égout de Paris fournit d’excellentes analyses chimiques après son passage à travers les sables, mais ses colonies microbiennes sont si intégralement restées à leur poste de travail normal au sommet de la couche per¬ méable, que l’épreuve bactériologique la place au premier rang des eaux pures. En conséquence de ces faits, j’ai, pour ma part, vécu pendant un grand nombre d’années avec l’idée que les eaux de source amenées à Paris étaient à l’abri de tout soupçon ; et je me suis plus d’une fois insurgé contre celui que nos collègues médecins faisaient souvent peser sur elles. Je reconnais aujourd’hui que ma confiance doit singulièrement en rabattre. Je me rends très bien compte que Belgrand ne savait pas et ne pouvait pas savoir il y a quarante ans ce que nous savons maintenant. Pour lui, les sols perméables étaient, du seul fait de leui- perméabilité, des sols 34G SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE épurateurs. II n’en est malheureusement pas ainsi. Il y a en effet des sédiments géologiques qui sont de véritables passoires. L’eau les traverse avec une extraordinaire abondance ; mais ils n’ont aucune capacité épu- ralrice. Telles sont les calcaires poreux, strates solides souvent interrom¬ pues par des diaclases ou cassures, qui ouvrent de larges passages au liquide. L’eau de surface s’y engage librement avec ses souillures et ne peut alimenter que des sources impropres à la boisson. Au contraire, les sédiments sableux, faits de grains indépendants, ne sont jamais traversés par des cassures. Mais leurs interstices y entretiennent un lent passage des eaux à travers l’atelier des microbes épurateurs, ce qui est la condi¬ tion même de la préparation des bonnes sources. Après les multiples et riches études de la Commission scientifique de perfectionnement de l'Observatoire municipal de Montsouris, si lumi¬ neusement présidée par M. Duclaux, il est devenu indispensable aux hygiénistes de définir exactement ce que sont les terrains capables de fournir des sources d’eau purifiée. 11 ne suffit plus de dire que ce sont des affleurements perméables. Il faut établir que l’eau de source saine ne git que sous des sédiments poreux, homogènes et continus. La pérennité paraît être la conséquence de ces propriétés ; car les sédiments à dia- clases ne peuvent fournir que des débits inconstants de liquides. Au point où en sont arrivées nos acquisitions hydrologiques, on pourrait peut-être se hasarder déjà à bannir tous les calcaires des territoires capables de fournir de bonnes sources, et à n’y conserver que les sables. Mais j’aime mieux rester à ce sujet le créancier des géologues. C’est sur leur compé¬ tence que je compte pour asseoir plus solidement nos idées. Je suis ici très heureux d’appuyer la conclusion de M. le président et de me trou¬ ver en complet accord avec lui. Je le suis moins, et je le comprends mal, avec mon ami M. Bechmann, qui conduit si brillamment l’énorme service des eaux parisienne.s. Il trouve que nous faisons trop de théorie, que nous préparons des illusions dangereuses pour l’opinion publique. Je crois, au contraire, qu’on ne donne jamais trop de soin à comprendre ce qu’on fait, c’est-à- dire à éclairer le but qu’on poursuit. Je n’ai aucune gène à appeler cela do la théorie. J’en ai encore moins à faire dans une question au.ssi compliquée, aussi difficile et aussi urgente que celle qui nous occupe. En défendant l’eau de source, j’ai réservé un argument ; La bonne eau de source est de l'eau fraiche, de l'eau qui, dans nos contrées, emprunte au sol où elle est prise une constance de température qui varie de 12 à 18 degrés. A ce point de fraîcheur, non seulement l’eau est très agréable à boire, mais elle est repoussante au monde microbien qui n’aime pas les bains froids et qui les fuit. Il me semble juste de rappeler ici que, si Bclgrand considérait la piirclé comme la première qualité des eaux de source, il plaçait immédiate¬ ment après la fraicheur. N’est-il pas digne de remarque que, dépourvu de toute connaissance bactériologique, Belgrand ait eu une si fine per¬ ception de la fraicheur? JE le D” Bailly (de Ghambly, Oise). — Je désire faire devant vous, LA FIÈVRE typhoïde ET LES EAUX DE SOURCE 347 en peu de mots, au point de vue de l’étiologie seulement, te parallèle entre deux épidémies de fièvre typhoïde que j’ai observées à vingt-quatre ans de distance dans le môme pays ; ce n’est pas à Paris, mais à la cam¬ pagne, où pour être moins complexe, l’étude des choses ne laisse pas que d’être instructive. Au commencement de l’été de 1873, la fièvre typhoïde s’établit épidé- miquement dans les trois communes de Bornel, Belle-Église et Chambly, toutes trois situées le long de la rivière de l’Esche, dans la petite vallée du même nom et dans son tiers moyen. C’est en amont de Bomel que je constate les premiers cas dans un mou¬ lin dépourvu de cabinets d’aisances et où le tout à l’eau est régulièrement pratiqué, coutume d’ailleurs généralisée à cette époque. La maladie ne tarde pas à éclater en aval, successivement dans les autres moulins et dans les habitations riveraines où l’eau de l’Esche est d’un usage habituel pour tous les besoins. 11 est facile dé la suivre pour ainsi dire pas à pas, de porte en porte, de village en village, le premier contaminant le second. En trois mois, cinquante-trois personnes sont frappées, dont deux mortellement. Il est d’une entière évidence que l’eau a été l’unique véhiculedelamaladie. Le professeur Bouchard a rapporté ces faits à Genève, au Congés de 1875, à l’appui d’une communication sur l’origine hydrique de la fièvre typhoïde. Dans les mêmes villages, mais non plus dans le même ordre, vingt- quatre ans plus tard éclate une seconde épidémie. Cette fois les cas ne se manifestent plus le long de la rivière. Ils sont disséminés principalement sur les coteaux environnants, sur des hauteurs, dans des fermes isolées. L’enfouissement des déjections après leur désinfection a été scrupuleu¬ sement pratiqué; l’usage de l’eau non bouillie a été interdit; l’isolement s’est fait de lui-même par le seul effet de la crainte de la contagion. Des soins minutieux de propreté et de désinfection des personnes et des locaux ont été pris. Ces mesures assurément ont atténué l’épidémie qui cependant ne frappe pas moins de vingt-cinq personnes et cause deux décès dans l’espace de deux mois. A l’occasion de celle dernière épidémie, la question de l’eau a été exa¬ minée de très près. Il ne m’a pas été possible de l'incriminer à un degré quelconque comme mode de propagation. Vainement j’ai cherché la rela¬ tion de cause à effet dans les différents cas, je ne l'ai trouvée que deux fois dans deux ménages où la contagion s’est produite directement entre les membres de la même famille. Dans des recherches analogues en clientèle et dans l’étude des épidémies cantonales , j’ai été parfois réduit à me reconnaître impuissant, Chaque fois que ma religion n’a pas été franchement éclairée, je me suis gardé d’accuser l’eau d’une façon systématique, me bornant à regar¬ der comme facteurs de la dothiénenlérie : le surmenage, l’encombrement 348 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE et la misère, pensant aussi que l’attention doit être éveillée du côté de l’air, véhicule de germes morbides et d’animalcules propagateurs. M. Louis Martin. — Evidemment il est de plus en plus difficile de fournir de l’eau potable aux habitants d’une ville. Cependant je crois que l’on n’a pas suffisamment insisté sur un point qui a été signalé par M. Tré- lat ; je veux parler de la nécessité de distribuer de l’eau fraîche, l’eau dont la température est inférieure à 15 degrés est peu propice au dévelop¬ pement des microbes ; si elle contient, malgré les précautions prises, un bacille particulièrement dangereux, il restera une unité, tandis qu’à partir de 25 degrés il deviendra légion. La première qualité de l’eau potable est donc la fraîcheur, et c’est pour cela qu’il faut prendre les eaux de source. D’autre part, je crois que la question des filtres à domicile doit avoir une importance considérable ; aussi lorsqu’on m’a demandé mon avis sur un projet d’alimentation de la ville de Cannes, qui prévoyait que l’eau aurait à effectuer un parcours de 70 kilomètres, j’ai conseillé de mettre des filtres à domicile. M. Thélat. — Belgrand, à l’occasion de ses grands travaux, a donné comme condition indispensable d’amener l’eau à Paris à 12 ou 13 degrés au plus. M. LE Président. — En 1884, notre grande préoccupation était l’ana¬ lyse chimique ; plus tard nous avons reconnu qu’elle était insuffisante et nous y avons ajouté l’examen microbiologique. Puis nous nous sommes demandé ce qu’était une source, et nos études nous ont amenés à constater que s’il existe des sources bien protégées, glissant par exemple entre deux lits d’argile, il en est d’autres qui le sont beaucoup moins, qui traversent des terrains cassés, fissurés, et nous avons dit : il y a des sources mau¬ vaises ; ce sont souvent les plus abondantes. Quand nous avons vu que la chimie, la bactériologie ne nous donnaient plus de renseignements suffi¬ sants, nous nous sommes adressés à la géologie et aujourd’hui nous consi¬ dérons les indications fournies par cette dernière science comme indis¬ pensables. M. Prompt nous disait à l’instant: ce qui est important, c’est la décan¬ tation. Je n’irai pas aussi loin, je crois qu’il y a des sources excellentes ; d’ailleurs, je ne pense pas qu’il y ail beaucoup de lacs immobiles sous terre; il y a plutôt de l’eau en circulation. Cela ne veut pas dire que je sois opposé à ce qu’on prenne l’eau d’un lac, on l’a fait à Annecy. Enfin, j’émets des doutes sur l’efficacité du filtre à domicile; le système peut être bon lorsque la personne qui l’applique est intelligente et soi¬ gneuse ; mais si on le généralise et que tous sans distinction doivent en assurer le fonctionnement, j’estime qu’il devient dangereux ; au point de vue pratique, je ne connais pas de filtre excellent. M. Prompt. — Je suis un peu embarrassé pour aborder la question en discussion, parce qu’elle se lie à une autre question que j’ai traitée devant la Société il y a quelque temps et qui est restée en suspens. Je désire néan¬ moins présenter quelques observations sur les eaux de source. LA FIÈVRE typhoïde ET LES EAUX DE SOURCE 349 Il faudrait tout d’abord dire ce qu’est une eau de source ? Lorsqu’il s’agit d’alimenter une vilie, la première chose dont on se préoccupe . c’est d’avoir une source qui ne soit pas susceptible de tarir, surtout à l’époque où se produit l’éiiage des eaux, c’est-à-dire en général pendant l’été. Les sources qui sont employées sont toujours choisies pour satisfaire à cette condition. Or, du mois de juin à la fin d’août, les petites rivières sont à sec ; les étangs ne donnent rien ; pour que la source donne toujours, il faut néces¬ sairement que l’eau lui vienne d’un réservoir souterrain. Donc quand on prend une source on capte les eaux d’un lac souterrain. Pourquoi ces eaux sont-elles pures ? est-ce parce qu’elles se sont épurées àtravers les ter¬ rains, ou pour une autre cause? On a rappelé le fait suivant qui s’est produit au cours de l’expédition Marchand : le médecin de l’expédition avait prescrit le thé comme boisson; le nègre chargé de le préparer avait trouvé plus simple de le faire bouillir dans un litre d’eau et de l’étendre ensuite en y ajoutant de l’eau brute prise aux marais rencontrés ; on s’aperçut un jour de la supercherie et on la fit cesser. Mais il n’en est pas moins vrai que ce nègre avait fait une expérience scientifique, il ne fut pas constaté de cas de fièvre typhoïde et cependant le terrain était admirablement préparé puisque l’on était en présence d’hommes fatignés et anémiés ; mais la graine manquait, elle n’était pas dans l’eau des marais. J’ai cependant été élevé dans l’idée que cette eau était infecte; que les fièvres paludéennes devaient être attribuées aux eaux croupissantes, aujourd’hui on reconnaît qu’elles sont causées par les animaux qui vivent sur ces eaux. La peste a également été considérée comme provoquée par les marais : en Égypte on obtint de Méhémet-Ali de faire assécher ces derniers : la peste disparut, il est vrai, à la suite de cette mesure, mais il est probable que c’est une simple coïncidence et que le fléau était là comme ailleurs causé par la présence de certains ani¬ maux. Les eaux croupissantes ne donnent pas la maladie, c’est une erreur qu’il faut abandonner. Les terrains du Cher sont imperméables ; de petits lacs circulaires de 30 à 40 mètres de diamètre se rencontrent dans cette région: on y mène boire les animaux, leurs déjections y vont, les habi¬ tants y lavent leur linge et cependant leurs eaux ne sont pas nocives puisque les animaux qui en boivent ne sont pas malades. Les eaux tran¬ quilles sont pures, prenez pour exemple le lac de Genève qui reçoit qua¬ rante rivières polluées. Le véritable mécanisme de l’épuration, c’est la décantation ; la filtration ne-vaut rien, car il suffit de l’introduction d’un filet d’eauau delà du point où l’eau est épurée, pour souiller à nouveau celle-ci : c’est ce qui s’est produit à Wiesbaden. L’eau de source provient d’un lac souterrain; si après l’avoir traversé elle ne s’est pas souillée, elle est excellente ; si elle passe au contraire dans un terrain contaminé, elle est mauvaise. L’eau de source est donc toujours suspecte, et il faut prendre l’eau de boisson dans un lac. Le danger est augmenté par le mélange des sources, car une seule suffit pour contaminer les autres ; il ne faut pas oublier que nous sommes 3S0 SOCIÉTÉ DET MÉDECINE PUBLIQUE en présence d’un poison qui se multiplie, tandis que le poison minéral est d’autant moins actif qu’il est noyé dans un plus grand volume. A un autre point de vue, lorsqu’on étudie le nombre des cas de fièvre typhoïde dont un pays a été frappé, on se trouve en face d’une difficulté aggravée par le principe de la déclaration des maladies contagieuses. Ce principe peut être une cause de ve.xations inutiles, d’abord il peut y avoir erreur de diagnostic, ensuite des vengeances particulières peuvent s’exer¬ cer. Aussi un grand nombre de médecins ont adopté le principe rigou¬ reux de ne pas faire de déclaration. Celle-ci a été préconisée de bonne foi, mais l’application présente des inconvénients. Il résulte de peci qu’un très grand nombre de cas ne sont pas accusés et que les statistiques sont inexactes. M. LE PRÉSIDENT. — Je suis loin de partager la plupart des opinions émises par notre honorable collègue, mais je me borne à lui rappeler que la déclaration des maladies contagieuses est obligatoire par la loi, et qu’en s’abstenant d’accuser un cas de fièvre jaune, par exemple, non seulement le médecin viole la loi, mais il met la France dans l’impossibililé de remplir les obligations résultant des conventions internationales au bas desquelles elle a mis sa signature. L’ordre du jour appelle la communication de M. Chabal sur les filtres à sable et la fièvre typhoïde en Allemagne. LES FILTRES A SABLE ET LA FIËVRE TYPHOÏDE EN ALLEMAGNE RAPPORT EXISTANT ENTRE LA MORTALITÉ TYPHIQUE, LA MORTALITÉ GÉNÉRALE, ET LE MODE D’ ALIMENTATION, Far M. CHABAL, Ingénieur des Arts et Manufactures. (Voir les graphiques annexés à cette communication). Comme vient de Te dire notre éminent collègue M. Trélat, une eau de source, pour êti'C à l’abri de toute critique, doit provenir d’un sol homogène, perméable et continu. Ce sol peut se rencontrer dans certaines régions, mais la plupart du temps il lui manque une des trois qualités ci-dessus. L’homme peut-il réaliser artificiellement un sol homogène per¬ méable et continu, et peut-il obtenir une eau que l’on puisse quali¬ fier d’eau potable. Toute la question est là. Les modes d’alimentation employés à l’heure actuelle par les principales villes du monde sont très dift’érents. Certaines villes FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 3S1 donnent leur préférence aux eaux de sources ou de nappes souter¬ raines; d’autres puisent l’eau qui leur est nécessaire, dans de grands lacs, soit naturels, soit artificiels; d’autres se contentent d’user des rivières qui coulent dans leurs murs. Parmi ces der¬ nières villes, quelques-unes essaient d’épurer artificiellement les eaux de rivière qui sont toujours contaminées. Quels sont les résul¬ tats obtenus avec les divers procédés ci-dessus ? Quel est le meilleur parmi tous ces modes d’alimentation ? Les statistiques de mortalité seules peuvent donner une indication à ce sujet. Suivant la thèse de M. le professeur Brouardel, noti’e président, « une ville paie à la mortalité typhique le tribut que lui impose son eau d’alimentation ». Comme cette même eau d’alimentation doit avoir une influence sur la mortalité générale, il va de soi qu’il y aura lieu de donnernne cer¬ taine préférence à celle qui, toutes choses égales d’ailleurs, procure une mortalité typhique presque nulle, et une mortalité générale faible dans les villes qui en font usage. L’exposition de 1900 était pleine d’enseignements à ce sujet. Les grandes villes d’Europe avaient tenu à montrer les résultats relatifs à l’amélioration de l’hygiène qu’elles avaient obtenus, soit en assai¬ nissant leurs rues et leurs maisons, soit en distribuant une eau d’ali¬ mentation de bonne qualité. Il aurait été facile de faire une étude générale à l’aide de ces données, mais la différence pouvant exister entre l’interprétation des résultats suivant les pays où le mode de dressement des statistiques auraient pu donner lieu à de trop nom¬ breuses erreurs. D’autre part, le Comité Impérial d’hygiène allemand présentait dans la classe III, Salon Pasteur, un ensemble de documents con- eernant les villes de l’Empire allemand de plus de 15,000 habi¬ tants ; il nous a semblé que runiiication de méthode employée par le Comité Impérial d’hygiène allemand pouvait être une garantie et permettre de comparer entre elles une série de villes dont les statistiques présentaient sms doute les mêmes coefficients d’ci'reurs. L’étude ci-après contient certainement des oublis inhérents à tout travail de ce genre; les résultats qu’elle met sous nos yeux ne peu¬ vent être considérés comme des preuves absolues en faveur de tel ou tel système. Ce sont des faits qui par leur groupement peuvent donner de précieuses et sérieuses indications et doivent fixer notre attention. 3S2 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE En se reportant à la carte exposée par le G. I. H. A., ceux qui l’ont examinée ont pu se rendre compte qu’à côté du nom de chaque ville se trouvaient indiqués les renseignements suivants : 1® Mode d’assainissement de la ville ; 2“ Natalité par 1,000 habitants; 3“ Mortalité par 1,000 habitants: 4“ Nombre de litres d’eau potable distribués par habitant ; S“ Nature et origine de l’eau distribuée. Le critérium de la valeur d’une eau étant jusqu’à ce jour la mor¬ talité typhique, ce renseignement faisait défaut. Grâce à l’amabilité de M. le D' Rôhler, président du G. I. H. A., cette lacune a été comblée. Sur une simple demande, nous avons reçu du dit Gomité, la mor¬ talité typhique concernant toutes les villes d’Allemagne depuis 1892 jusqu’à 1899. Get ensemble de renseignements nous a permis de dresser les graphiques joints à cette étude. Nous avons adopté le classement du G. I. H. A., et les villes ont été groupées suivant leur mode d’alimentation comme suit : 1“ Villes alimentées exclusivement en eaux superficielles fil¬ trées ; 2“ Villes alimentées en eaux superficielles filtrées mais possé¬ dant également dans certains quartiers d’autres modes d’alimenta¬ tion; 3“ Villes alimentées exclusivement en eaux de sources ou de nappes souterraines ; 4® Villes alimentées en eaux de sources ou de nappes souter¬ raines mais ayant certains quartiers de.sservis par puits séparés; 5® Villes ne possédant pas de réseau d’alimentalion général et alimentées exclusivement par quartiers et par puits séparés ; 6“ Villes alimentées en eaux superficielles ou simplement clari¬ fiées. Voici la méthode que nous avons adoptée pour arriver à comparer entre eux la valeur de chacun de ces modes d’alimen¬ tation : Nous avons groupé sur une même courbe les villes possédant le même mode d’alimentation, les ordonnées représentant pour cha¬ cune de ces villes la mortalité typhique ou la mortalité générale. Ghaque courbe s’est trouvée définie par un nombre de points diffé¬ rents, c’est-à-dire par un nombre de villes différent. Afin de rendre LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 353 ces courbes comparables entre elles, nous les avons construites sur une même longueur d’abscisse divisée suivant le nombre de villes envisagées. Ce premier travail nous a donné le tableau n" 1 : Courbe n° 1. — 16 villes ; population globale : 4,100,000 habi¬ tants. Villes alimentées eKclusivement en eaux de surface épurées dans des bassins filtrants à sable fin. Courbe n" 2. — 126 villes ; population globale : 7,150,000 habi¬ tants. Villes alimentées exclusivement en eaux de sources ou de nappes soutei-raines. Courbe n® 3. — 44 villes; population globale : 1,200,000 habi¬ tants. Villes alimentées en eaux de sources ou de nappes souter¬ raines mais dont l’alimentation ne s’étend pas dans toute la ville, certains quartiers restant desservis par puits séparés. Courbe n® 4. — 19 villes; population globale ; 400,000 habi¬ tants. Villes ne possédant pas de réseau d’alimentation général et desservies par quartiers séparés et par puits. La courbe relative aux villes alimentées en eaux superficielles (3 villes ; population globale : 100,000 habitants) n’a pas été tracée ; elle était mal définie. Quant à celle figurant les villes alimentées en eaux de surfaces filtrées au sable fin mais ayant certains quartiers desservis par un autre mode d’alimentation (11 villes; population globale ; 830,000 habitants). Nous l’avons étudiée séparément sur le tableau n° 3. En faisant cette étude, il nous a paru intéressant de voir quelle était la situation des villes de France vis-à-vis de celle des villes d’Allemagne ; les renseignements sur la mortalité nous étant fournis par la statistique sanitaire publiée par le ministère de l’Intérieur, nous avons groupé les villes de France de plus de 30, 000 habitants; il en est résulté la courbe n® 5 définie par 38 villes et une popula¬ tion de 5,000,000 d’habitants. Enfin, la courbe n® 6 représente les villes de France alimentées en eaux de surfaces ; nous l’avons définie par 10 villes et une popu¬ lation de 1,100,000 habitants. La comparaison de ces graphiques, en négligeant la courbe n° 1, montre nettement que pour l’Allemagne les villes avec eaux de sources arrivent eu tête ; puis vient la série de villes alimentées en eaux de sources mais ayant un autre mode d’alimentation à côté ; REV. D’UYC. XXIII. — 23 354 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUDLIQUE enliii les villes se servant d’eaux de puits ou n’ayant pas de réseau d’alimentation général. Cette progression qui n’a absolument rien de mathématique, (pi’il faudrait se garder de chercher à énoncer sous forme de loi, ren¬ ferme une indication sûre : les eaux de sources doivent avoir la priorité sur les deux autres modes d’alimentation et les eaux de puits doivent être écartées de la consommation. Mais la courbe n» 1 nous met en face d’une constatation assez surprenante ; les faits veulent que les villes alimentées en eaux de surfaces, c’est-à-dire en eaux superficielles contaminées mais épu¬ rées par un filtrage au sable fin aient une moidalité typhique au plus égale à celte des villes alimentées en eaux de sources; la direc¬ tion de la courbe n° 1 a même une tendance à se tenir nettement eu dessous de la courbe n® 2 (eaux de sources). N’est-ce pas là un fai digne d’attirer l’attention ? Les courbes relatives aux villes de France vérifient également la thèse de M. le professeur Brouardel, La courbe n“ 5 présente, eu effet, une mortalité typhique plus faible que la courbe n“ 6. 11 est regrettable de constater que d’autres causes interviennent qui font que la mortalité typhique en France est de beaucoup plus élevée qu’en Allemagne; circonstance aggravante pour notre pays, les moyennes ne portent que sur 1896, 1897, 1898, alors que pour l’Allemagne elles embrassent la période de 1892 à 1898. Une comparaison détaillée des courbes n“ 1 etn" 2 entre elles du tableau n» 1 était indispensable, nous avons tenu à la faire pour éclairer notre religion au sujet de l’étonnante constatation signalée plus haut. Les tableaux n«“ 2 et 3 envisagent les villes de plus de 100,000 ha¬ bitants, Allemagne et France ; de 40,000 à 100,000 habitants (Alle¬ magne); de 30,000 à 100,000 habitants (France) ; ils ne coneerneul que les villes d’Allemagne alimentées exclusivement avec eaux de surfaces filtrées et eaux de sources. Chaque tableau compi'eiid éga¬ lement les villes de France de population correspondante présen¬ tant un mode d’alimentation similaire. Les graphiques sont suffisamment explicatifs sans (lu'il soit nécessaire de les commenter. Leur examen conduit à la constata¬ tion du même fait plus frappant, plus net encore. Les villes françaises restent avec une mortalité typhique relati¬ vement élevée comparée à celle des villes d’Allemagne. 338 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE 3“ Moutalité typhique moyebise des années 1896, 1897, 1898 Villes d'Allemagne de 40,000 à 100,000 habitants. — Villes de France de 30,000 à 100,000 habitanls. La mortalité est rapportée à 100,000 habitanls. Mode d’alimentaiton (Suite.) ALLEMAGNE | FBANCE Eaux de surfaces, rivières, lacs ou barrages. Eaux de sources ou épurées dans des bassins filtrants ti sable de nappes souterraines. Soliugen . 14 München . 14,7 Hagen . 14,7 Saiul-Ouen . (liau nilriSu), Brieg . 23 Bemscheid... . 17 fEau iillrûc) Tourcoing . Boulogne-s.-Mer. Ualberstadt. . . . 24,3 Mets . . . 24,7 Bourges . Dunkerque . Saint-Quentin. . . Rocheforl . Besançon . Grenoble . Amiens . Grabow . 30 Bochum . 43 Beuthen . 61 Clermonl-Feri"'. . Tours . Pforzheiin . 74 Caen . Bl'est . Bennes . Angoulème . Montpellier . Cette . Lorient . Toulon . Quels renseignements peuvent donner les courbes de mortalité générale? Aucune indication bien nette. Nous avons tenu à les tracer. Les courbes n“ 1 bis et n° 2 bisse recouoent. s’entrecroisent. LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 339 et ont la môme orientation. Ce fait se conçoit d’ailleurs facilement, étant donné que dans la mortalité générale, il entre un grand nombre de maladies qui ne peuvent pas être attribuées à l’eau. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de constater que la courbe 1 bis aussi bien que la courbe 2 bis reste au-dessous de la courbe 3 bis qui a trait aux villes, françaises ; indication qui prouve une situa¬ tion désavantageuse de la France vis-à-vis de l’Allemagne au point de vue de l’hygiène. Le tableau numéro 3 est relatif aux villes d’Allemagne de 40,000 à 100,000 habitants, et aux villes de France de 30,000 à 100,000 habitants ; mais pour ces dernières nous n’avons envisagé que celles alimentées exclusivement en eaux de sources. Courbe n® 1 . — Villes alimentées en eaux de surfaces filtrées. Cou7'be n“ 2. — Villes alimentées en eaux de sources ou de nappes souterraines. Courbe n“ 3. — Villes françaises alimentées en eaux de sources. Courbe n“ 4. — Villes allemandes alimentées en eaux de surfaces filtrées mais possédant dans certains quartiers d’autres systèmes d'alimentation. Les courbes 1 bis, 2 bis, 3 bis sont celles relatives à la mortalité générale. La constatation reste la même, les mêmes faits se reproduisent, savoir : mie tendance à une mortalité typhique moindre pour les villes alimentées en eaux de surfaces mais litti-ées au sable fin, que pour les villes alimentées en eaux de sources. Le tableau numéro 3 montre même par la courbe numéi’o 4 une tendance à l’augmentation de la mortalité typhique lorsque aux eaux filtrées sont mélangées des eaux provenant d’autres modes d’ali¬ mentation ou bien lorsque la ville n’est que partiellement desservie avec des eaux filtrées. Quelle conclusion faut-il tirer de l'ensemble de ces renseigne¬ ments? Enoncer une loi mathématique serait dangereux ; affirmer à priori que les eaux de surfaces filtrées sont meilleures que les eaux de sources, semblerait être un non-sens. Le plus sage est de ne pas trancher la question, bien que l’ensemble des faits cités plus haut laisse la porte ouverte à une conclusion admissiule ccrlaincineiil, mais quelque peu en contradiction avec les idées admises en France. Toutefois, il reste démontré que l’homme dans certains cas peut avantageusement remplacer la nature, dans l’art de créer une source. 360 SOOIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE D’ailleurs celte^ manifestation du génie humain a-t-elle lieu de nous surprendre ! Pourquoi s’étonner que l’homme, grâce à la science, puisse dérober à la nature ses secrets et rivaliser avec elle? Les bassins filtrants à sable fin restent donc des instruments ayant une valeur réelle; pourquoi cette valeur reconnue en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, l’est-elle moins en France? Pourquoi n’existe-t-il que deux grandes applications dans notre pays de ce mode d’épuration, alors qu’elles sont légion à l’étranger. Chercher à expliquer le fait serait difficile. Kst-ce ignorance, mépris ou dédain pour un procédé que l’on con¬ sidère à tort comme un pis aller? Excellent pis aller en vérité que celui qui conduit aux l’ésultats constatés en Allemagne. Est-ce le souci d’une surveillance constante que l’on a voulu éviter ? iNous l’ignorons. Lorsqu’on consulte la bibliographie du filtrage au sable on est surpris de constater que 60 auteurs américains, anglais ou allemands, aient étudié à fond les phénomènes d’épuration produils par le filtre à sable, et qu’aucun nom français ne se rencontre parmi eux; en effet, eu France, à part les belles pages que Duclaux a écrites dans les annales de l’Institut Pasteur et à part les rensei¬ gnements pratiques que l’on rencontre dans les précis d’hygiène sur la construction des filtres à sable, il n’existe rien. Il y avait cependant dans ce sujet qui intéresse l’alimentation de toutes les villes, étant donné que les eaux de sources sont rares, mais que les eaux de sui-faces sont toujours abondantes^ un champ d’études tentant pour les chercheurs. Seuls, les Allemands se sont attachés au problème. Le filtre à sable est d’origine anglaise mais c’est en Allemagne que son fonctionnement a été étudié. Autrefois on ne demandait aux filtres à sable que de clarifier les eaux ; aujourd’hui on leur demande de les épurer au point de vue bactériologique; c’est à Piefke et à Frænkel que revient l’honneui' d’avoir énoncé la théorie biologique qui permet de transfoi'mer artificiellement une eau de rivière^ ou de lac, en une eau pratique¬ ment pure et potable. 11 serait trop long d'entrer dans la pratique du filtrage au sable, et ce serait sortir des lignes de cette communication que de décrire la série des moyens employés qui permettent d’être maître du résul¬ tat final : l’épuration bactériologique d’une eau. Nous voulons rester sous l’impression des faits relatés plus liant, et nous nous reposerons à nouveau sans pouvoir y répondre, celte Revue <ï Hygiène. Tableaü N» 1. (Gomiiiun™ Chabal.) Revue d’Hygiène. . Tableau 2. (Commun»” Chabal.) Revue d'Hygiène. Tableau N° 3. (Commun»” Chabal.) LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYI'HOIBE 361 question : Comment se fait-il qii’cn France, à part les deux applica¬ tions faites à Paris et dans le département de la Seine, le filtrage au sable, bactériologiquement conduit, soit encoi-e ignoré du reste du pays ? DISCeSSION M. Brouardel, président. — Nous devons ‘remercier notre collègue de son intéressante communication; j’exprime le désir qu'elle soit publiée in extenso, avec les graphiques si saisissants qui nous ont été pré¬ sentés. M. TiiÉCAT. — Cette communication est du plus grîind intérêt. Jusqu’à ce jour, nous avions cru que le filtrage d’une eau par le sable n’était pas une épuration proprement dite, la lame’’ d’eau d’un mètre d’épaisseur, située sur le filtre, empêchant l’oxygène de l’air de produire la même action que dans le sol naturel où il pénètre par suite de la non continuité de l’écoulement de l’eau. Les faits que vous venez de nous signaler nous ont intéressés et troublés en même temps. M. Chabal. — C’est de l’épuration réelle qui se produit dans le filtre à sable. L’ingénieur anglais Simpson, qui est l’inventeur de ce mode d’épu¬ ration (1™ application à Londres, en 1829), n’avait demandé à son appa¬ reil qu’une simple clarification et, pendant près de trente à quarante ans, on s’est contenté de ce desideratum. Ce n’est que plus tard qu’avec l’éclo¬ sion des théories de Pasteur on en est venu à demander au filtre à sable plus qu’une clarification. D’ailleurs, on s’est aperçu pai’ une étude approfondie des phénomènes qui se produisaient dans cet appareil qu’il donnait l’épuration bactériolo¬ gique exigée. Ce sont les savants allemands Pieft'ke et Fraenkel qui ont donné l’explication du phénomène en énonçant la théorie biologique du filtrage au sable; théorie qui veut que le sable dans le filtre ne joue qu’un rôle secondaire, le principal restant dévolu à la pellicule gélatineuse, milieu vivant composé d’algues, de diatomées et de bactéries qui, par sa vie même, produit l’épuration demandée. M. Trélat. — Oui, mais il n’y a aucun rapprochement à faire entre l’épuration donnée par le filtre à sable et celle produite par le sol naturel. M. Becii.mann. — Depuis un certain nombre d’années on a reconnu à l’étranger qu’il se produit une véritable épuration dans le filtre à sable. L’écoulement de l’eau à travers le filtre est continu il est vrai, alore que sur les champs d’épandage cet écoulement est discontinu, l’épuration s’obtient néanmoins dans l’un comme l’auti-e cas. Ce fait tient à ce que l’eau destinée à l’alimentation contient toujours peu de matières orga¬ niques et do germes et, au contraire, une grande quantité d’oxygène dis¬ sous, tandis qu’il en est tout autrement pour les eaux d’ég'out (lu’ou envoie sur les champs d'épandage et qui, contenant une faible (luautité d’oxygène et un excès énorme de matières organiques, exigent pour être épurées le renouvellement de l’oxygène du sol par rintormitlence. Aussi 362 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUDLIQUÉ malgré la différence des procédés, le résultat est le môme dans les deux cas. L’importance de celle conslalalion a déjà élé haulenienl signalée. Je rappellerai à ce sujet, qu’au mois de novembre dernier, en j)renanl la présidence de l’Inslilulion des ingénieurs civils de Londres, M. James Mansergh, résumant les pi'ogrès accomplis depuis vingt ans dans l’art de l’ingénieur liydraulicien citait comme le gain le plus considérable et le plus pratique qu’on ait fait dans cette période « l’extension de nos vues sur le travail si important accompli par le filtre à sable ordinaire ». Ce qu’on croyait ôü’e une simple clarification mécanique était en réa¬ lité tout autre chose ; et pendant bien des années on s’est trouvé faire de l’épuration sans le savoir. M. Chabal. — Veuillez me permettre de réparer un oubli. On sait aujourd’hui qu’en amenant des eaux de sources dans une ville, on diminue dans de très fortes proportions la mortalité typhique. Le môme fait se passe-t-il lorsqu’une ville, alimentée en eaux de surfaces brutes, ne modifie son mode d’alimentation que par l’introduction du filtrage au sable de ces mômes eaux de surfaces? Voici quelcpies renseignements à ce sujet. Nous avons considéré quatre groupes de villes ou localités qui nous ont donné les résultats suivants ; VILLES MORTALITÉ TYPHIQUE la construction des filtres à sable. (Moyenne portant sur 5 années). TYPHIQUE la construction des filtres à sable. (Moyenne portant sur S années.) Lawrence (Élats-lliiis) . 113 25 Hambourg (Allemagne) . 47 6.6 Zurich (Suisse) . 70 Banlieue de Paris (21 localilcsi . 41 12 Moyenne . . 69.5 12.5 Amélioration . ' ^ Celle constatation vient d’ailleurs confirmer, ou plutôt elle découle nécessairement des faits exposés dans les graphiques 1, 2 et 3. M. Brouardel, président. — Je trouve cette question excessivement intéressante ; cependant, à une question de M. Chabal demandant pour¬ quoi le filtre à sable n’est point vulgarisé en F'rance, je crois qu’une des raisons réside dans les dépenses qu’il doit entraîner. En visitant l’installation d’Hambourg avec le D’’ Koch, je me suis rendu compte qu'en France il serait difficile de décider les villes à faire des dépenses semblables à celles que comporte nécessairement une installation comme celle de Hambourg. M. Beciimann. — Je crois devoir faire observer que, dans les établisse¬ ments filtrants de la ville de Paris, l’épuration par le sable, dans le cas LES FILTRES A SABLE ET LA FIIÎVUE TYPHOÏDE 3G;! d’une exploitation régulière, ne reviendrait pas à plus de 0 fr. 000. Dans la banlieue, la Compagnie générale des Eaux a accepté de livrer à un très grand nombre de communes du département de la Seine l’eau filtrée moyennant une majoration de prix de 0 fr. 01 par mètre cube ; c’est donc que le prix de revient n’atteinl probablement pas ce chiffre. Aussi, je crois que si le filtre à sable ne s’est pas répandu en France, ce n’est pas tant en raison des frais qu’il occasionne qu’à cause de notre tendance particulière à la généralisation et à l’absolu. Lorsque Belgrand présenta son plan si remarquable d’alimentation do Paris en eau do source, on lui opposa, en invoquant les travaux récents de iM. Aristide Dumont et les résultats obtenus à Londres, la solution du filtrage des eaux de Seine ; il sut néanmoins faire triompher l’idée de l’adduction des eaux do source, qui était mtimment supérieure dans le cas de Paris et dont, avec son admirable maitrise, il a su faire la base des institutions sanitaires de notre capitale. Dès lors le système du filtrage parut condamné en France; et, parce qu’à Paris, en raison de circons¬ tances particulières, de raisons spéciales, on l’avait finalement écarté, toutes les villes de nos départements, habituées à suivre l’exemple de Paris, le repoussèrent sans hésiter alors qu’il aurait pu, dans certains cas peut-être, leur rendre d’utiles services. M. Vallin. — Les eaux de sources amenées à Paris ne sont pas par¬ faites, puisqu’elles renferment parfois des germes pathogènes ; mais elles ont une excellente composition chimique et sont d-’uiie grande fraîcheur. Il n’y a donc nullement à regretter qu’en 1850 on se soit décidé pour les sources plutôt que pour les eaux de rivière filtrées ; à cette époque, on n’avait que des notions très élémentaires sur les phénomènes de la filtra¬ tion, et l’on aurait construit des filtres à sable qui n’auraient ressemblé en rien à ceux de Berlin, ni surtout à ceux de Hambourg qui, depuis 1892, servent de modèle à toute l’Europe. Si ces derniers donnent aujourd’hui de très bons résultats, c’est qu’avec les progrès de la bacté¬ riologie et de l’hydraulique sanitaire on est arrivé à comprendre le méca- nisqie de l’épuration microbienne à travers les couches de sable, que successivement on les a perfectionnés, et surtout qu’ils sont constamment sous la surveillance du laboratoire de chimie et de bactériologie qui y est annexé. Il n’y a donc rien à regretter et nous devons nous applaudir d’avoir à Paris dos eaux do sources qu’on iiarviendra certainement à améliorer encore. L’une de leurs principales qualités, comme le disait très bien M. L. Martin, c’est leur fraîcheur; c’est ce quî fait leur supé¬ riorité sur les eaux filtrées de Choisy-le-Roi pour la banlieue, des bas¬ sins do sable de Saint-Maur et d’Ivry pour Paris, qui contiennent moins de colonies microbiennes que l’eau de l’Avre et de la Vanne, mais qui ont la même température que la Seine et la Marne ; c’est excellent pour le bain en rivière, c’est moins agréable dans la carafe. M. LE Président. — La question méritant une discussion |)lus appro¬ fondie, je projiose, vu l’heure avancée, de la reprendre à la prochaine 3C4 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER LES MAITRES DE L’HYGIENE A L’ÉTRANGER Professeur Hans Buchner Dii'cclciir de riiislitiit d’Iiygiène de rUniversito de Muiiicli. M. Hans Buchner est né à Munich en 1830. Il étudia la médecine aux Universités de Munich et de Leipzig, et alla se perfectionner dans la pratique de la physiologie expérimentale au laboratoire de Voit à Munich, puis dans celui de Cari Ludwig à Leipzig. Des considérations personnelles le forcèrent à abandonner ces travaux, pour s’adonner à une carrière plus pratique ; il entra comme méde¬ cin militaire dans l’armee bavaroise en 1873. Là il trouva un emploi de son activité scientifique dans la station hygiénique du « Cours d’opérations » pour les médeeins militaires. C’est en 1876, dans le laboratoire de botanique de Naegeli, qu’il fit ses premières recherches en bactériologie, lesquelles depuis sont restées ses études de prédi¬ lection. Privat-docent en 1880, il fut d’abord nommé professeur extraor¬ dinaire d’iiygièiie et de bactériologie à l’Université de Munich en 1892, et' eu 1894, lors de la retraite de von Pettenkofer, c’est lui qui eut l’honneur de remplacer son illustre maître à la fois dans sa chaire et comme Directeur de l’Institut d’iiygiène de cette Univer¬ sité. Parmi les travaux de Buchner, les plus remarquables sont d’abord ceux qui concernent la variabilité de la virulence dans les bactéries pathogènes et qui remontent à 1878 ; il alla même jusqu’à soutenir en 1880 l’identité du baoillns subtilis et de la bactéridie charbon¬ neuse, opinion qui n’est plus soutenable aujourd’hui. Il démontra dès 1882, surtout en 1888, la possibilité du passage des germes infectieux à travers la surface intacte du poumon. Mais son nom s’attache particulièrement à l’un des plus grands pro¬ blèmes de la pathologie générale, de la bactériologie et de l’hygiène, à savoir rimmunité et l’immunisation. Buchner fut tout d’abord le HANS BUfiHNER 363 représenlant de la théorie humorale de rimmunité, de ce qu’il ap¬ pelait au Congrès d'hygiène de Budapest la théorie du pouvoir bac- téricidedes humeurs. Selon lui un aninialariinmunité quand son sérum sanguin ou ses liquides nutritifs détruisent les microbes.il ne larda pas .à admettre la théorie de la phagocytose, qu’il trouve fondée pussi bien sur la doctrine que sur les faits; mais pour lui, la pro¬ priété bactéricide du sang est due aux leucocytes, qui sécrètent les alevines capables de détruire les microbes pathogènes ; c’est une opinion éclectique qui concilie les anciennes et les nouvelles théories sur rimmunité. Buchner est un de ceux qui font jouer le plus grand rôle aux forces de défense naturelle de l'organisme ; il a même obtenu dans son laboratoire des enzymes protéolytiques (endo enzyme, zymase de Buchner, endofrypsine de levure de Hahu), douées du pouvoir bactéricide et qui favorisent la résorption des principes morbides introduits dans l’organisme. M. Buchner possède bien notre langue; c’est lui qui, l’année dernière, avait été choisi pour présenter au nom de l’Allemagne le rapport sur l’immunité et l’immunisation au Congrès des sciences médicales è Paris, comme il en avait déjà été chargé au Congrès de Londres en "1891, et au Congrès d’hygiène de Budapest en 1894. Il fait marcher d’un pas égal l’étude et l’enseignement de la bactériologie appliquée et de l’hygiène. Il est dans la période la plus féconde de son activité scientifique, et ses travaux sont à la hauteur de l’ensei¬ gnement de cette Université de Munich, si longtemps illustrée par von Pettenkofer; personne n’était mieux qualifié que le professeur Hanz Buchner pour maintenir et continuer une si glorieuse tradi¬ tion. Voici la liste de .ses principaux travaux : ItACTéiiioLOGiii. — Sur la physiologie des champignons inférieurs, avec considérations spéciales sur le champignon du charbon (Müncli. aerzll. Intelligenzblatt, 1878). — Sur la production e.xpérimenlale du contage charbonneux à l’aide du bacille du foin (Silzungbcrichte der k. bayr. Akademie d. Wissenschaften, 1880). — Essai sur la morphologie des bactéries (Untersuchungen aus dem pilanzonphysiologischen Institut zu Munclien, 1882). — Sur l’affinité des spores de bactéries pour les cou¬ leurs d’aniline (Miinch. ârztl. Intelligenzblatt, 1884 et 188Ü). — Sur la nomenclature des bactéries (Mittheilungen der Gesellschaft f. Morph. und Physiol. in München, 188.')). — Sur les prétendues spores du bacille typliiipie (dcntralblatl f. Bakl., 1888). — Sur la résistance à la colora- 36f. LES MAITRES DE L’HYGIEA'E A L’ÉTRANGER lion des cellules vivantes des champignons (Ibid. 1890). — Sur une nou¬ velle méthode pour la culture des microbes anaérobies (Ibid. 1890). — De l’influence des milieux de culture concentrés sur les bactéries (Ibid. 1890). — Sur les causes de la l'ormation des sjjores charbonneuses (Ibid. 1890). — Sur la rapidité d’accroissemement des bactéries (Ibid. 1887). — Des rapports de l’oxygène avec l’activité des cellules vivantes des levures (Zeitschrift f. Biologie, 1898). Tkavaux sur l’immunité. — Sur l’action bactéricide du sérum san¬ guin privé de cellules (Centralblalt für Bakt. 1889). — Sur la sensibilité chimique des leucocytes et de ses rapports avec l’inflammation et la sup¬ puration (Berliner klin. Woch. 1900). — Sur la matière pyogénique dans les cellules bactériennes (Ibid.). — Recherches sur l’action, nui¬ sible aux bactéries, du sang et du sérum sanguin (Archiv f. Hyg. 1890). — Sur la résistance à l’infection charbonneuse et sur la fièvre aseptupie (Berliner med. Woch. 1890). — Sur l’immunité, sa production naturelle et sa provocation expérimentale (Rapport au Congrès international d’hy¬ giène de Londres, 1891 et Rev. d’hyg. p. 717-723). — Nouvelles recher¬ ches sur l’action bactéricide et globulicide du sérum sanguin (Arch. f. Hyg. (Jubelband), 1893). — Do l’influence des sels neutres sur les alexines, enzymes, toxalbumines, les corpuscules sanguins et les sjiores charbonneuses (Ibid. 1893). — Sur les poisons bactériens et leurs contre-poisons (Münch med. Woch. 1893). — Vaccination et autres mesures de préservation individuelle) in Handbiich der sp. Thérapie innerer Krankheiten, von Penzold und Stinlzing ; léna, 1894). — Nou¬ veaux progrès dans la question de l’immunité (Münch. med. Woch. 1894). — Sur la défense naturelle de l’organisme contre les agents mor¬ bides (Ibid. 1894). — Sur l’immunité et l’immunisation (Rapport au Con¬ grès international d’hygiène de Budapest, 1894). — Sur la défense natu¬ relle de l’organisme et de son influence pour résister aux processus infectieux (Münch. med. Woch. 1899). Sur la connaissance des alexines et de leur action spécifique microbicide et hémolytique (Ibid. 1899, n“ 9). — De l’immunité, rapport au Congrès de Paris on 1900. Hygiènis. — La théorie de Nacgeli sur les maladies infectieuses dans ses rapports avec l’expérience médicale, 1877, Leipzig, broch. 112 p. — Sur les actes imputables aux bactéries dans le corps humain (Münchencr iirztl. Intelligenzblatt, 1880, n°® 12 à 14). — Sur les conditions du pas¬ sage des schizomycètes dans les voies respiratoires (Ibid. 1850, n”" 50 à 52). — Recherches sur la production de la maladie charbonneuse par voie d’inhalation (Untersuchungen aus dem pflanzen-physiolog. Institut von Munich, 1882). — Désinfection des vêlements et effets souillés par le virus charbonneux (Ibid. 1882). — De l’action des vapeurs d’iodo- forme sur le vibrion du choléra (Münchencr med. Wochenschrift, 1887), — Recherches historiques et expérimentales sur la pénétration des agents infectieux par la surface intacte du poumon (Archiv für Ilygiene, 1888, p. 145 à 240). — Sur l’action antiseptique des vapeurs de chloroforme, de formaldéhyde et decréoline (Münch. med. Woch. 1889). — Réaction REVUE DES JOURNAUX 361 de la tuberculine par les bactéries non spécifiques (Ibid. 1891). — De l’influence de la lumière sur les bactéries et sur l’épuration spontanée des cours d’eau (Arch. f. Hyg., Jubelband, 1893). — Sur les théories du choléra, etc. (Deutsche Vierfeljahrschrift f. Gesundheitspfiege, 1893, et Revue d’hygiènej 1893, p. 833). — Contiibution à l’étude de l’infection de l’air (Ibid. 1899). — Quelques mots sur les institutions hygiéniques de la Rome moderne (Hygienische Rundschau, 1894). — Sur l'hygiène du vêtement (Mûnch. med. Woch. 189C). — Huit leçons sur l’hygiène (Leipzig-Teubner, 1898). — Hygiène et gymnases de femmes (Reilage zur allgemeinen Zeitung, 1900, n“ 62 et 63). E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX L'agent étiologique de la vaccine et de la variole, par le D'M. Funck {Semaine médicale, 20 février 1901, p. .67). M. Funck, chef du laboratoire bactériologique de l’Université de Rru- xelles, directeur de l’Institut sérothérapiquc, annonce qu’il vient de faire une très importante découverte qu’il formule ainsi : Il La vaccine n’est pas une maladie microbienne. Elle est causée par un protozoaire qui se retrouve facilement dans toutes les pustules vacci¬ nales et dans tous les vaccins actifs. L’inoculation de ce protozoaire en émulsion stérile reproduit chez les animaux sensibles tous les symptômes classiques de la vaccine. Cette même inoculation rend les animaux réfrac¬ taires à l’inoculation ultérieure de la vaccine. La pustule variolique ren¬ ferme un protozoaire morphologiquement semblable à celui de la vac¬ cine. » La variole et la vaccine seraient donc deux affections identiques; la vaccine ne serait qu’une forme atténuée de la variole. Le sporozoaire dont il s’agit aurait été vu des 1887 par L. Pfeiffer, de Weimar, qui aurait incomplètement décrit ses formes transitoires et son . évolution. M. Funck lui a donné le nom de sporidium vaccinale. Ce parasite se présente d’abord dans le pus des pustules vaccinales sous la forme de vacuoles ovoïdes, absolument claires, contenant des éléments arrondis d’un vert brillant, animés de mouvements lents sur la platine chauffante et mesurant de 1 à 10 micra ; puis sous la forme de corps framboisés, véritables morula, mesurant 25 micra de diamètre avec ou sans double contour. Ces derniers éléments sont des kystes (sporoblastes) bourrés de spores, dans lesquels le noyau apparaît "comme une tache claire volumineuse, centrale ou latérale. Ils se trouvent fréquemment dans le contenu des pustules en amas tubulaires plus ou moins allongés. REVUE DES JOURNAUX constitués par la réunion de 20 à 40 éléments. Ces spores enkystées se rencontrent surtout dans les vaccins anciens. Ils existent constamment aussi dans les pustules de la variole. Ces protozoaires ont déjà été mentionnés en 1868 par Keber de Dant¬ zig, par Renaut de Lyon en 1881, par Van der Loeff d’Amsterdam en 1886, et surtout par L. Pfeiffer en 1887 et en 1891. C’est en utilisant toutes ces recherches que M. Funck, par l’expérimentation, a pu prouver la spécificité de ce sporozoaire ; il en donnera une description très com¬ plète dans un travail qui paraîtra prochainement. E. Vallin. Traitement de la hiberculose expérimentale par la viande et le sérum musculaire (Zomothérapie), par le D' Ch. Richet, professeur à la Fa¬ culté de médecine {Revue de la tuberculose, février 1901, p. 1 à 50). Nous avons déjà rendu compte (Revue d’hygiéne, 1900, p. 350) des curieuses recherches expérimentales de M. le professeur Ch.Richetsurla zomothérapie, ou traitement de l’infection tuberculeuse par la viande crue à haute dose ou par le suc musculaire. Notre collègue vient de publier et de résumer l’ensemble de ses travaux dans un grand mémoire que publie le nouveau fascicule de la Revue de la tuberculose. M. Richet considère comme démontré par ses expériences que laviandi; crue protège presque toujours les chiens contre l’infection tuberculeuse. 11 discute le mécanisme de cette action thérapeutique. L’hypothèse de la suralimentation est contraire aux lois les plus positives de la physiologie générale: celle d’une action antiseptique n’est pas discutable; il faut au contraire se rattacher à celle d’une action antitoxique. Cotte dernière n’est pas directe, c’est-à-dire que le sérum musculaire, en passant dans le sang, ne détruit pas directement l’eft'etdes tuberculines ou produits solu¬ bles sécrétés par les tubercules. 11 se pourrait que le sérum musculaire provoquât dans les tissus, notamment dans le foie, la formation d’une antitoxine. Mais cette action anlitoxique indirecte n’explique nullement l’action prophylactique, c’est-à-dire qu’elle préserve les animaux qui ne sont pas encore tuberculeux et qu’on vient seulement d’inoculer. M. Richet préfère une troisième et dernière hypothèse, celle du méta- trophisme. Selon lui, l’animal tubercul.isé meurt par la lente et progres¬ sive intoxication du système nerveux. Il faut empêcher la cellule nerveuse d’absorber le poison. Il suppose que la cellule nerveuse, saturée de prin¬ cipes nutritifs par l’ingestion du sérum musculaire, n’a plus aucune « a))pc- tilion » pour les poisons; elle ne peut plus fixer de tuberculine, et alors l’évolution de la maladie tuberculeuse est presque sans danger pour l’indi¬ vidu. M. Richet et M. Ed. Toulouse ont appelé mé/afroju/HVywe cette action thérapeutique qui consiste à changer la nutrition normale des cellules; ils en ont fait l’application à l’emploi des bromures dans l’épilepsie. L’hypo¬ thèse est fort ingénieuse, mais elle n’est pas encore appuyée de preuves directes et suffisantes. M. Richet se borne à affirmer ces deux faits incon¬ testables selon lui, à savoir; 1“ la cuisson détruit les éléments actifs du sérum musculaire ; 2“ les éléments actifs du sérum préservent la cellule nerveuse contre l’intoxication tuberculeuse. REVUE DES JOURNAUX Mais le bénéfice n’est obtenu qu’à la condition d’un traitement intensif ; la dose journalière de 750 grammes de viande crue est nécessaire; à 500 grammes, elle est inefficace. La dose de 600 grammes de sérum muscu¬ laire correspond à 750 grammes de viande crue (pulpée?) ce liquide s’altère avec une rapidité e.xtrôme ; au bout de deux ou trois heures, il peut provoquer des vomissements et de la diarrhée. Pour avoir 600 grammes de sérum, il faut au moins 2 kilogrammes de viande et une excellente presse. On ne doit pas se contenter d’un mois ou même de deux ou trois mois de traitement. Il faut le prolonger avec patience et résolution pendant plusieurs mois, car l’interruption amène les rechutes. Le succès n’est possible qu’avec les tuberculoses fermées, c’est-à-dire au premier et au second degré. Les résultats obtenus par l’expérimen¬ tation sont vraiment encourageants, mais la dose est énorme. D’’ Vallin. Les routes pélrolées de Californie {Génie civil, 9 marslOOl, p. 3 5). Dans la Californie du Sud, dans la région voisine du Pacifique et par¬ ticulièrement autour de Los Angelès, la saison sèche dure huit mois de l’année, les pluies y sont assez rares et les routes constituent en hiver d’immenses fondrières, en été des amas de poussière suffocante. On a essayé l’arrosage périodique à l’eau ; il n’a pas réussi ; l’eau manquait, et pour un mince bénéfice la dépense atteignait plusieurs millions de dollars. On imagina alors de remplacer l’eau par le pétrole, et contraire¬ ment à toute attente le résultat a été excellent ; l’application a été faite en grand, sur une étendue de routes de plus de 100 kilomètres, dans le comté de Los Angelès. On commence par bien préparer la route; elle est empierrée, macada¬ misée, arrosée à l’eau, puis passée au rouleau pour égaliser les aspérités ; le bombement central doit être très marqué pour assurer l’écoulement de l’eau. Le plus souvent, on commence par faire usage de la route à la façon ordinaire, pendant quelques mois, afin d’avoir une couche suffisante de poussière bien friable ; on ameublit alors la surface de la roule avec une herse ; on la recouvre de terre prise sur les accotements, et l’on y répand, sur une largeur centrale de 3'“, 50 à 5 mètres une moyenne do 5,000 à 6,000 litres de pétrole par kilomètre. Au bout de deux ou trois mois, on fait une seconde application de 3 à 4,000 litres seulement, pai'- fois même une troisième dans la première année ; la seconde année, deux applications suffisent, et une seule la troisième année. L’opération réussit d’autant mieux qu’on applique le pétrole soit à chaud, soit pendant la saison chaude ; le pétrole chaud s’unit plus rapi¬ dement à la poussière ; le pétrole froid forme des boules avec celle-ci et ne se répartit pas également. On passe le rouleau le lendemain de l’opé¬ ration. L’entretien se fait U’ès facilement avec un râteau et un tonneau de pétrole ; quand il se produit un creux, on racle, on comble avec la la terre d’accotement, l’on arrose de pétrole et l’on tasse. On fait usage de pétroles lourds, contenant 25 à 50 p. 100 d’asphalte (sic) ; les pétroles de faible densité ne valent pas beaucoup mieux que REV. d'iiyg. xxui. — â4 REVUE DES JOURNAUX l’eau, par suite do leur tendance à s’évaporer. Cette qualité très sp'éci'ale du pkrole employé dans la région de Los Angelès fait comprendre pour¬ quoi ce liquide forme à la surface des routes une couche solide, très unie, ne donnant ni poussière en été, ni boue en liiver. Ce pétrole ne coûte dans le pays que 3 fr. 80 à 4 fr. 30 les 100 kilogrammes, plus 1 fr. 23 rendu sur la route prés de Los Angelès ; la dépense annuelle de ce fait est en moyenne de 410 francs par kilomètre ; elle serait infiniment plus forte dans d’autres pays, et il n’y a pas à y songer pour les contrées de l’Europe centrale, où le pétrole n’arrive que déjà raffiné. L’odeur, d’abord désagréable, est inappréciable au bout d’une ou deux semaines ; la route prend une couleur brune, que certains préfèrent à l’éclat éblouissant de la poussière blanche si commune en été. Toute poussière est supprimée, et de ce fait l’avantage est çonsidérable.au point de vue- de l’hygiène, d’autant plus que le pétrole, surtout quand il est riche en bitume, contient un certain nombre de substances antisep¬ tiques ; c’est tout au moins un détestable milieu de culture. Il sera inté¬ ressant de connaître, quand l’expérience aura duré plus longtemps, l’opi¬ nion des cyclistes et automobilistes, qui ont tant à souffrir d’ordinaire de nos routes poussiéreuses. E. Vallin. Recherches sur la vaccine expérimenlale, par MM. le D'' A. Calmettb, etc. Guérin {Annales de l'Institut Pasteur, mars 1901, p. 161). MM. Gailleton, Bard et Leclerc ont montré (1889-1891) que le lapin peut être parfaitement employé comme vaccinifère, et que la lymphe qu’il fournit, inoculée à la genisse, et de celle-ci à l’enfant re¬ produit l’éruption vaccinale avec tous ces caractères. M. le D'' Calmette, directeur de l’Institut Pasteur de Lille, et M. C. Guérin, vétérinaire, chef de laboratoire à cet Institut, ont entrepris avec cet animal des essais mul¬ tiples de culture in vitro de l’agent virulent encore inconnu du vaccin. Les auteurs n’ont pas réussi à découvrir cet agent virulent, mais ils ont obtenu par ailleurs des résultats très intéressants. Le vaccin qui donne une éruption satisfaisante chez le lapin ne s’atténue pas ensuite par passages successifs de lapin à lapin. Le lapin est moins réceptif que la genisse et que l’enfant. Seuls les vaccins virulents donnent chez lui de belles éruptions. Il s’ensuit que cet animal peut être employé pour le contrôle de la virulence des récoltes vaccinales dans les Instituts vaccinogènes ; à l’Ins¬ titut Pasteur de Lille, depuis deux ans, toutes les récoltes de vaccin sont éprouvées sur deux lapins avant d’être distribuées. Il ne faut pas inoculer le vaccin au lapin par scarification du derme ; il vaut mieux se borner à badigeonner avec la pulpe vaccinale la peau fraîchement rasée, et dont l’épiderme est simplement éraillé par le feu du rasoir. Voici d’ailleurs les conclusions du mémoire : 1“ L’innoculation de la vaccine au lapin est toujours suivie d’une éruption confluente de petites pustules très riches en lymphe, lorsqu’on prend la précaution de ne pas insérer le vaccin dans les scarifications, REVUE DES JOURNAUX 371 mais d’étaler simplement la substance vaccinale sur le derme fraîche¬ ment rasé; 2“ Lé lapin est un excellent animal de contrôle, permettant de vérifier la virulence des vaccins recueillis sur les genisses et sur les enfants, ainsi que celle des vieilles conserves glycérinées ; 3“ La multiplication des éléments virulents du vaccin ne paraît s’effectuer chez le lapin dans aucun autre organe que la peau ; 4“ On peut obtenir des vaccins aseptiques, c’est-à-dire ne donnant lien à aucun développement microbien dans les milieux artificiels, en les purifiant par un séjour de quelques heures dans le péritoine de lapins préparés par une injection préalable de bouillon. Les leucocytes font alors disparaître les microbes étrangers et respectent plus longtemps les éléments virulents du vaccin. E. Vallin. Sur les dangers du biberon à tube, rapport au Préfet de police par le D’’ Dbschamps, et au Conseil d’hygiène de la Seine, par le D'' Josus {Compte rendu des séances du Conseil d'hygiène de la Seine, 1®' mars 1901, p. 190 et 166). Bien que le Comité consultatif d’hygiène (D® Du Mesnil) en 1886 et en 1897, l’Académie de médecine (D® Porak) en 1900, ainsi que tous les médecins et tous les hygiénistes aient proclamé depuis longtemps le danger dès biberons à tube, un industriel continue à afficher dans les rues une réclame illustrée représentant un superbe nourrisson muni d’un biberon à long tube ; par un véritable défi, ce placard a été affiché par¬ tout cet été à côté d’un avis du Préfet de police mentionnant quelques conseils pour prévenir la diarrhée infantile et critiquant l’usage des bibe¬ rons munis de longs tubes en caoutchouc. L’on sait en effet combien il est difficile de nettoyer à fond ces tubes où s’accumulent des magmas de lait aigri et des myriades de microbes ou moisissures ; pendant plusieurs quarts d’heure l’enfant tient en permanence cet engin dans sa bouche, il y refoule de temps en temps sa salive, aspire et avale avec le lait souillé les toxines et les microbes, agents redoutables de la diarrhée verte des nourrissons, si meurtrière en été. Un honorable confrère, M. le D® Du- fournièr, membre de la commission d’hygiène du XVI® arrondissement, indigné de cet état de choses, a provoqué un vœu de la commission appelant sur ce point l’attention du Préfet de police. Ce dernier a chargé M. le D'Oeschamps, inspecteur des épidémies, de lui soumettre sur ce sujet un rapport détaillé ; il demandait en môme temps l’avis du Conseil d’hy¬ giène de la Seine, et c’est au nom de ce dernier que M. Josias a rédigé un excellent rapport dont les conclusions ont été adoptées à runanimité. Les deux rapporteurs déplorent que la législation ne permette pas de défendre la vente d’un engin dont le monde médical condamne univer¬ sellement l’emploi, et qui chaque été cause la mort de tant d’enfants du premier âge; ils demandent l’un et l’autre que le Parlement intervienne pour défendre le biberon à tube, comme il vient d’intervenir pour la fabrication et la vente des essences reconnues dangereuses par l’Acadé- m REVUE DES JOURNAUX mie de médecine. La conscience du corps médical se révolte depuis vingt ans contre celte provocation journalière à l'infanticide par imprudence ou par ignorance, et il est inadmissible que la loi reste désarmée pour empêcher un tel crime. E. Vallin. La campagne contre la malaria, par le professeur Grassi {Rivista d’îgiene e sanità pubblica, janvier 1901, p. 23.) Dans celte lettre ouverte, adressée aux ministres de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce, le professeur Grassi montre le bénéfice hygiénique et économique que l’Italie peut retirer de l’application des nouvelles données de la science aux régions palustres du royaume. L’expérience a prouvé, dit-il, qu’avec une toile métallique devant les fenêtres et une paire de gants on peut empêcher les moustiques de s’in¬ fecter en piquant les individus déjà atteints de malaria, et d’jnfecter à leur tour les gens bien portants en introduisant le germe malarique dans les piqûres ultérieures. D’autre part, en traitant en temps opportun les individus palustres, en mettant à leur portée, gratuitement ou à peu de frais, du sulfate de quinine, on fait cesser la chance d’infection des mous¬ tiques. Tout individu atteint de fièvres étant dangereux pour les autres, la malaria doit être comprise parmi les maladies contagieuses; en outre, dans les localités palustres chacun devrait être forcé do se protéger contre l’infection. Deux grands préceptes s’imposent donc à l’État ; la prophy¬ laxie obligatoire et le traitement obligatoire de la malaria ; pour cela une loi spéciale est nécessaire. Par cette loi on arrivera plus économiquement et plus rapidement à détruire la malaria que par la vieille méthode de l’assainissement (boni- lica) du sol et de la culture intensive. Mais les deux méthodes doivent être associées. Cela est d’autant plus facile que la population est très clairsemée dans les foyers les plus dangereux du paludisme, et qu’à l’aide de quelques cases munies de toiles métalliques, un petit nombre de travailleurs peuvent pendant quelques semaines se livrer presque sans danger à des travaux d’assainissement très efficaces, et réaliser ce qu’on appelle en Italie « la colonisation à l’intérieur. » Il faut consacrer successivement et pendant une même année tous les efforts sur une seule région (l’Agro romano, les Maremmes de Toscane, la Calabre, par exemple), et ne pas disséminer ces efforts sur plusieurs provinces à la fois ; on fera mieux disparaître d’une région le parasite de l’homme et des moustiques, qu’en opérant sur quelques points de plu¬ sieurs contrées à la fois. Cette moderne croisade contre la malaria donnera en une année uii bénéfice d’un milliard peut-être à l’Italie, et fera renaître à une vie nou¬ velle plusieurs millions d’italiens que la misère, la maladie et l’isole¬ ment maintiennent dans un état de civilisation par trop primitive. Nous ne pouvons qu’applaudir à ces idées généreuses et partager des espérances qui ne nous semblent point irréalisables. E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX 373 Carbonchio nel premme (Le charbon dans la présure), par le D>’ L. db Martini {Rivista d'igiene e sanilà pnbblica, 1900, p. 738). Le professeur Menozzi avait examiné en 1890, lors du concours inter¬ national des produits de l’industrie laitière à Padouo, diverses espèces de présure, entre autres des tablettes et une poudre, d’un pouvoir coagu¬ lant remarquable, fournies par une maison danoise ; des échantillons en avaient été conservés au laboratoire dans des paquets enveloppés de papier huilé et placés dans une boite de fer-blanc. L’auteur, à l’occasion de récentes recherches bactériologiques sur la présure, reprit les tablettes en question et ensemença des parcelles sur gélose et sur gélatine ; à sa grande surprise, il constata, au milieu d’autres, des colonies très ténues d’apparence identique à celles du charbon ; des cultures faites dans du bouillon avec ce produit et inoculées à des cobayes déterminèrent la mort de ceux - ci en trois ou quatre jours avec les lésions anatomo-pathologiques caractéristiques du charbon. Ce fait est un exemple de la longévité do la virulence chez les spores charbonneuses, car la présure exposée à Padoue en 1890 remontait à dix ans et peuleélre avait-elle été préparée un certain temps auparavant. Mais cette note du directeur du laboratoire bactériologique de l’Ol'tice d’hygiène de Milan mérite surtout d’être signalée en raison de la possibi¬ lité de l’infection charbonneuse au moyen de la présure et c’est là une indication qui n’est point indifférente à l’hygiène publique. F.-H. Renadt. Suite variamoni indolle dall' aggiunia di acidi o di cloruro sodico . ueW altivüà baltericida del subliinalo corrosivo (Sur les variations apportées par l’addition d’acides ou do chlorure de sodium dans l’acti¬ vité bactéricide du subtimé corrosif) par L. Tavernari (Bolletlïnn délia Società medico-chirurgica di Modena, anno 111, fasc. 1“, 1899-1900, et Annali d’igiene sperimenlale, 1900, p. 18). Depuis 1887, Laplace et beaucoup d’autres expérimentateurs avaient établi l’élévation de la puissance désinfectante du sublimé corrosif en ajoutant à sa solution au 1000° 5 grammes d’acide chlorhydrique ou d’acide tartrique ou de chlorure de sodium (Revue d' hygiène, 1888, p. 263, et 1891, p. 619). Mais l’action do cos mélanges fut ultérieurement mise en doute par des essais de H. Vincent sur les matières fécales et de Chaviguy sur les poussières infectées et sur des crachats tuberculeux i Annales de l'Institut Pasleur, 1806, p. 1, et 1896, p. 331). Knfin les assertions de Borkhofl sur les mêmes résultats négatifs renversaient les opinions antérieures sur la valeur des jiremières expériences (Revue d'hygiène, 1898. p. 89). L’auteur, devant ces contradictions, résolut de reprendre les travaux sur ces solutions et de suivra la technique des auteurs qui avaient trouvé une diminution dans leur action ; en apportant des modifications de détail, il essaya le pouvoir bactéricide du sublimé additionné d’acides ou de sel marin, dans les proportions indiquées plus haut, sur le Bacillus, anthraeis et sur le slaphylococcus pyogenes aurens]\ il s’entoura des 37i REVUE DES JOURNAUX plus grandes précautions pour oblenii des cultures aussi uniformés que possible pendant la durée des expériences et se servit, pour l’immersion dans les solutions, de baguettes de verre de forme spéciale, imaginées par Simonetta sous le nom de cavaliers, auxquelles les germes étaient rendus adhérents. Les résultats comparatifs des solutions pures et des solutions additionnées, après des mises en contact de trois à trente minutes et après des séjours des cultures à l’étuve de vingt-quatre, quarante-huit et soixante-douze heures, sont consignés dans de nombreux tableaux détaillés qui permettent de conclure à la diminution de l'effica¬ cité germicide de la solution de sublimé au 1000® additionnée de 5 grammes de chlorure de sodium, à l’égard du charbon et du staphylo¬ coque. Le même fait se produit pour le charbon par l’emploi de la solution de sublimé avec 5 grammes d’acide chlorhydrique ; au contraire, la solu¬ tion avec a grammes d’acide tartrique semble avoir eu un pouvoir bacté¬ ricide plus élevé Vis-à-vis des deux microrganismes en expérience. Sans donner d’explications sur cette différence entre les deux acides, l’auteur confirme pour l’a’cide iarlrique l’opinion des premiers observateurs, après avoir donné au cours de son mémoire une bibliographie très complète de la question. F. -H. RarfAui. Osservaziont numeriche sui microrganîsme delL’ aria almosferica di Modena (Recherches numériques sur les microrganismes de l’atmos¬ phère de Modène), par le D'' G.-L. Valenti et par F. Febuari-Lelli, interne délia R. Accademia di Scienze, Lellere ed Arti in Modena. série III, vol. II, 1000.) Après avoir comparé les méthodes de Miquel et de Pétri pour l’ana¬ lyse bactériologique de Pair, les auteurs emploient pour leurs rocherclies la seconde, en modifiant seulement l’épaisseur relative des deux colonnes de substance filtrante, qui, au lieu d’être maintenues l’une et l’autre à 3 centimètres, ont été portées la première à 4 centimètres et demi pour renforcer la barrière destinée à retenir tous les germes, la dernière à 1 centimètre et demi, en raison de son utilité moindre; la longueur totale de 6 centimètres était ainsi conservée en rapport avec la force aspirante de la pompe de Pétri. Les échantillons d’air furent prélevés dans les rues du centre de la ville et sur les roules de la campagne environnante dans la matinée, aux heures où le balayage et les travaux de propreté dégagent le plus de poussières et le soir, après l’agitation laborieuse de la journée [Revue d’hygiène, 1886, p. 393.) ^ Un premier tableau donne les résultats de dix expériences fuites sur l’air du centre urbain pris à' 1 mètre au-dessus du sol et indique un nombre considérable de microrganismes avec prédominance dos mieroco- ques, des sarcines et des bacilles sur les moisissures (penicilium, aspergil- lus, oïdium). L’air du soir est le plus riche ; celui récolté sm’ des monuments de 42 à 80 mètres de hauteur est le plus pauvre ; la multiplicité des REVUE DES JOURNAUX 315 germes se trouve dans les rues les plus étroites, les plus populeuses et là où la surveillance de la police municipale est moins active. Le second tableau, destiné à l’air suburbain, marque une diminution notable des impuretés au-dessus du sol; ici les moisissures l’empor¬ tent sur les bactéries; il y a augmentation des germes le soir; le nombre des germes de l’atmosphère rurale au-dessus du sol est plus élevé que celui des altitudes du centre de la ville ; pourtant il y a plus de colonies de schizomycètes ne liquéûant pas la gélatine que de celles entraînant la fluidification de ce milieu. La moyenne des germes récoltés dans 100 litres d’air à 1 mètre au- dessus du sol est pour le centre de la ville de l,lo3 bactéries et 334 moisissures, pour l’air de la campagne avoisinante de 34 bactéries et 165 moisissures; ces chiffres dépassent ceux des observations de Miquel, qui en 1891 trouvait à l’intérieur de Paris 334 bactéries et 168 moisissures et au parc de Montsouris 30 bactéries et 20 moisis¬ sures pour le même volume de 100 litres d’air. Conclusion : la ville de Modène a besoin d’assainir largement son atmosphère par une produc¬ tion moindre de poussières et par une ample ventilation de ses vieux quartiers. F. -H. Rénaux. Versuche über Ablôdtung von Tuberkelbacillen in Milch (Recherches sur la destruction des bacilles tuberculeux dans le laiti, par Morgenroth {Hyg. Rundschau, X, 1900, p. 863). La fréquence relative avec laquelle on a décelé dans le lait cl dans le beurre du bacille tuberculeux virulent, semble devoir nécessiter d'une façon générale que l’on ait recours à un chauffage du lait suffisant i)our détruire ce germe ; tel est du moins l’a^■is de Morgenroth , qui recherche en consé([uence quel chauffage il faudra faire subir au lait pour se mettre à l’abri de tout danger. Il ne suffit pas toujours de porter quelques ins¬ tants le lait à 70”; souvent il se forme dans ces conditions à la surface du lait une pellicule qui n’arrive pas à cetle température et qui justement contient des bacilles tuberculeux; Smith en a trouvé en ce point qui étaient encore virulents après im chauffage à 60" prolongé pinidant une heure; Morgenroth a fait lui-même semblable constatation dans un cas après chauffage à 70“ pendant dix minutes; jadis Bitter a observé aussi ce pliénomène et a recommandé de chauffer le lait à 73“ pendant quinze minutes pour tuer sûrement les bacilles tuberculeux qu’il peut contenir. D’après Morgenl’oth, aujourd’hui que l’on possède les moyens de refroidir sans difficulté et très rapidement le lait après chauffage, ce qui lui évite dit-on de prendre le goût de cuit, on pourrait aller encore plus loin, sinon comme température, ilu moins comme durée du eliaulfage. Rap¬ pelons que Rang est d’avis de chauffer le lait à 85“ (ou ne dit pas com¬ bien de temps) pour détruire le bacille tuberculeux. Quand on fait bouillir le lait il convient de maintenir cetle ébullition quelques instants. Morgenroth en a donné une nouvelle démonstration; du lait porté à 100”, puis refroidi aussitôt après (pie celle température 376 REVUE DES JOURNAUX eut été atteinte, contenait encore du B. tuberculeux virulent; cette viru¬ lence était seulement atténuée. Finalement, Morgenroth incline à recommander de chauffer le lait trente minutes à 70“, ou de le faire bouillir trois à cinq minutes. E. Arnould. Ueber die bactéricide Fàhigkeü îind Giftigkeit der drei isomeren Kre- sole und der Phénols (Sur le pouvoir bactéricide et la toxicité de trois crésols et du phénol), par H. Hammerl (Hyg. Rundschau, IX, 1899, p. 1017). Cette étude sur trois crésols (orlho, meta, paracresol) a pour but de chercher si ces désinfectants ont un pouvoir bactéricide approchant de l’acide phénique et dü sublimé tout en ayant une toxicité moindre ; au surplus, divers auteurs ont déjà étudié ces questions, à commencer par Hammerl lui-môme (voir Rev. d’Hyg., 1893, p. 938); rappelons aussi le travail de Seybold (voir Rev. d’Hyg., 1899, p. 337) sur ce sujet. Les conclusions formulées ont été généralement favorables aux crésols, mais malgré Cela l’usage de ces désinfectants s’est peu répandu. Hammerl s’esl proposé, par le mémoire actuel, de les tirer un peu de l’oubli. Les produits expérimentés venaient de la Société chimique des usines du Rhône. Les microbes sur lesqùels on les faisait agir étaient le B. coli, le B. typhique, le B. pyocyaneus , le Slaph. aureus. Avec les solutions à 1/2 p. 100, seul le metacrésol se montra actif au bout de trois minutes au plus : on sait que ce crésol n’est guère soluble qu’à raison de 0,3 p. 100 d’eau. Avec les solutions à 1 p. 100, l’orthocrésol, et le paracrésol sont bactéricides des germes mis en expérience en une minute et même le plus souvent en un quart de minute, tandis que l’acide phénique au môme titre n’est pas encore efficace au bout de dix minutes; il faut une solution d’acide phénique à 1 1/2 p. 100 poiu- obtenir un résultat généralement positif au bout de une minute et demie : encore les germes ne doivent-ils pas se trouver en milieu albumineux , circonstance indiffé¬ rente au contraire avec les crésols en solution à 1 p. 100, c’est-à-dire l’orthocrésol et le paracrésol. Quant aux doses mortelles, Hammerl trouve pour le paracrésol 0e‘',4 à par kilogramme d’animal pour le paracrésol, 0e‘’,C à 0»'',7 pour l’orthocrésol. Les essais avaient lieu sur des cobayes. Il semble bien que l’acide phénique s’est montré un peu moins toxique. Ces observations concordent à peu près avec celles de Meili et de Seybold. Au point de vue bactéricide, il est à noter que Hammerl n’a pas fait d’expériences sur des germes très résistants. E. Arnould. Ueber die Formaldehyddesinfekiion nach Flügge (Sur la désinfection par la formaldéhyde d’après Flügge), par Nowack (Hyg. Rundschau, IX, 1899, p. 913). La méthode de désinfection dont il s’agit ici est celle décrite par Flügge, en 1898, dans un mémoire précédemment analysé (voir Rev. RBVÜB DES JOURNAUX d'Hyg., 1899, p. 465); elle consiste essentiellement à faire évaporer pour 100™3 d’espace 250 grammes de formol dissous dans 3 litres d’eau ; après avoir laissé agir les vapeurs durant sept hem’es, on obtiendrait, selon Flûgge, une désinfection convenable des locaux. Nowack a repris les expériences de Flûgge, et a aussi fait des essais avec la méthode Schering, qui emploie 250 grammes de formaldéhyde en pastilles par 100“3 d’espace dont l’air est saturé par 3 litres d’eau. Les épreuves portaient sur la stérilisation de fils imprégnés de diverses cultures micro¬ biennes ou souillés de terre; quelques-uns de ces fils étaient enveloppés de papier ou même d’une étoffe; le tout était réparti dans des locaux bien fermés. D’une manière générale, les résultats de la méthode de Flûgge furent très médiocres, même avec 3 grammes de formol par mètre cube; 16 p. 100 seulement en moyenne des fils étaient stérilisés au bout de sept heures ; après vingt-quatre heures d’action des vapeurs, cette proportion s’élevait à 35 p. 100. Les résultats de la méthode Schering sont moins mauvais, mais en aucun cas on ne stérilise la moitié des fils. On obtient mieux avec l’une ou l’autre méthode en augnaentant la dose du désinfectant dont la durée d’action peut alors être réduite. Les expériences de Nowack ont été vivement critiquées pai‘ M. Neisser dans un autre numéro de Hygienüche Rundschau. D’après Neisser, on doit rechercher la désinfection des locaux , et non leur stérilisation; la méthode employée n’est donc pas tenue de détruire des microbes très résistants, mais pratiquement inoffensifs, comme l’étaient plusieurs de ceux qui ont servi a Nowack. Au reste, celui-ci ne détaille pas assez ses expériences, se borne trop volontiers à indiquer la proportion des fils stérilisés, sans dire exactement ce qu’étaient les germes de ceux qui res¬ taient virulents, etc. E. Arnould. Inoculabilité du typhus exanthématique, par le professeur O.-O. Mats- iiouTKOVSKV (Archives de pathologie, de médecine clinique et de bacté¬ riologie, 1900, vol. IX, fasc. I, p. 73.) L’auteur a eu l’occasion d’observer un cas de typhus exanthématique et a voulu se convaincre de l’inoculabilité de cette affection. A cet effet, il s’est inoculé à lui-méme, à l’aide d’une lancette un peu de sang de la malade, directement de corps à corps. Dix-huit jours après se sont mon¬ trés les premiers symptômes de la maladie qui a duré quinze jours, et qui présentait tous les signes caractéristique d’un typhus exanthématique très grave. L’auteur conclut : 1° Que l’agent infectieux du typhus exanthématique se trouve dans le sang; 2“ Que le typhus exanthématique peut être inoculé, quand la tempé¬ rature atteint son sommum, à un individu parfaitement sain. Cette ino¬ culation du sang directement de corps à corps peut donner la forme inoculée de typhus exanthématique ; 378 REVUE DES JOURNAUX 3® L’inloxication par le phosphore n'ompêche pas le développement de l’infection lymphatique ; 4® L’intervalle entre le moment de l’inoculation et l'apparition de la fièvre (durée de dix-huit jours) correspond à la période d’incubation dont la durée d’après les auteurs serait de quinze jours à trois semaines. Donc la longueur de cette période d'incubalioii, est confirmée par l’expérimentation. S. Broïdo. Analyse du papier à cigarettes, par S. Oblov (K/® Compte rendu du Laboratoire municipal de Moscou.) L’auteur a analysé divers échantillons de papier à cigarettes fabriqué en Russie et à Paris, ainsi que les gaines à remplir de tabac pour fabri¬ quer ces cigarettes. La couleur jaune de quelques variétés de papier est due à sa colora¬ tion artificielle par des couleurs à base de fer. Les analyses faites par M. Orlov établissent que parfois le papier qui coûte le plus cher est le moins bon. Le papier à cigarettes contient très souvent des traces de sels d’arsenic. Au point de vue hygiénique, il serait à désirer que le papier à ciga¬ rettes ne fut jamais fabriqué qu’avec de la cellulose pure et que la matière dont on l’imprègne ne contint pas de substances organiques azotées. Aussi les gaines préparées sans colle doivent-elles être préférées aux autres. S. Biioïüo. Lutte de la bactériologie contre la diphtône, par G. Gabritshevsky (Archives russes de pathologie, de médecine clinique et de bactério¬ logie, 1900, vol. IX, l'asc. 6, p. 630.) Dans sa revue critique sur cette question, Gabritshevsky propose les mesures suivantes pour la lutte contre la diphtérie : 1® Isoler les malades atteints de diphtérie dans les hôpitaux baraques ou des asiles spéciaux jusqu’à la disparition complète des bacilles de Lôftler des muqueuses. Si après un isolement de trois semaines les bacilles n'ont pas disparu, il ne faut laisser partir ces malades que sur la volonté expresse de la famille ou des établissements en indiquant net¬ tement les résultats de l'examen bactériologique et insistant sur les dan¬ gers de la propagation de la diphtérie : 2® Dans les hôpitaux d’enfants, il faut -soumettre à l’examen bactério¬ logique tous les enfants, surtout les rougeoleux, les scarlatineux, et les tuberculeux et soumettre à l’isolement ceux d’entre eux qui sont porteurs du contage diphtérique ; 3® Si la diphtérie a fait son apparition dans une école urbaine, il faut soumettre à l’examen bactériologique tous les enfants et isoler ceux d’entre eux qui sont porteurs des bacilles de Lofllar et leur défendre les travaux de classe au même titre qu’aux enfants qui sont atteints de diphtérie, c’est-à-dire au, moins pendant trois semaines, et si l’on peut faire l’examen bactériologique, seulement après la disparition des bacilles ; REVUE DES JOURNAUX 319 4» Il serait désirablè d’examiner les règles que suivent les médecins sanitaires des villes pour la désinfection des habitations, et ses eflels après la diphtérie, et prendre en considération les résultats de l’examen bactériologique chaque fois que c’èst possible. S. Broïdo. Purification des eaux d'égout par la filtration biologique, par le pro¬ fesseur Kapouskine. {Soc. d'hygiène. piMique de Saint-Pétersbourg, in IVratch, 1900, n® 6, p. 184). Dans la très grande majorité des cas, il n’existe pour ainsi dire pas, en Russie, de système satisfaisant, au point de vue sanitaire, en vue d’éloigner les immondices; malgré la défense, toutes ces immondices sont généralement déversées dans les cours d’eau, sans avoir subi aucune purification préalable. Cependant, les systèmes en usage dans les autres pays sont difficiles à appliquer en Russie. Ainsi l’évacuation des immon¬ dices dans les fleuves est considérée comme inadmissible; l’installation de canalisations et de cliamps d’épandages est, pour la plupart des villes, très difficile à réaliser. Aussi M. Kapouskine est-il d’avis que pour la Russie l’épuration bactérienne serait le procédé de choix. Le procédé de Dibdin présente aussi des inconvénients , car un temps assez long se passe depuis le moment où les eaux vannes arrivent dans les bassins collectem’s jusqu’au moment où ces eaux sont déversées sur les filtres. Cependant, il doit être préféré au procédé de Cameron-Sclnve- der, qui demande l’organisation de bassins spéciaux de putréfaction ; or, ainsi que M. Kapouskine a pu le constater, à Tempelhof, ces bassins dégagent une odeur extrêmement putride et infecte ; une couche épaisse de mousse, certifiant de l’intensité de la putréfaction, couvre la surface de ces bassins. Eu Russie, l’épuration bactérienne serait, d’après M. Kapous¬ kine, très utile et pourrait parfaitement remplacer le système d’épandage, les eaux vannes , purifiées grâce à l’action des bactéries, peuvent être déversées dans les cours d’eau, car le poisson y vit très bien. Etant donné que dans la plupart des villes russes le sol est absolument infiltré d’immondices et que les eaux de pluie et de canalisation sont directe¬ ment déversées dans les cours d’eau, la filtration biologique constituerait pour la Russie, un pas important en avant dans l’organisation sanitaire des villes. Mais comme d’autre part ce procédé présente encore quelques points faibles et tout au moins douteux , le rapporteur demande qu’une com¬ mission soit chargée d’étudier expérimentalemeut l’application , de la fll- tralion bactérienne en Russie, en prenant en considération les conditions météorologiques locales. Parmi les reproches faits au procédé de Dubdin, M. Kapouskine sou¬ ligne notamment ce fait que les pores de ces filtres se bouchent assez facilement et que des nettoyages sérieux de ces filtres sont nécessaires de temps à autres. D’autre part, la destruction des microbes pathogènes dans ces filtres n’est rien moins que prouvée. II serait donc absolument nécessaire de désinfecter d’abord les eaux vannes avant de les faire pro¬ jeter sur les filtres , surtout lorsque ces eaux proviennent des hôpitaux. REVUE DES JOURNAUX M. Kontkovsky est également d’avis que la putréfaction probable que recommandent Cameron et Schweder est inutile et même dangereuse parce qu’elle entrave l’oxydation. La rétention complète de l’eau pendant quatre à six hem-es dans les filtres Dubdin est très importante, car grâce à elle les matières organiques en suspension ont le temps d’être filtrées par les parois des canalicules du filtre. S. Baoïno. Contribution à L’élude de la saccharine par S.L. Roshdovitsh (Jourml de la Société russe d’hygiène publique, 1900, février-mars, p. 216). Sur 191 échantillons de produits alimentaires divers, analysés par l’au¬ teur, 38 (27 p. 100) contenaient delà saccharine. La saccharine de la fabrique d’Heyden n’est pas toujours pure ; on en trouve dans le commerce quatre variétés. La variété dite sucrant Il 550 fois » plus que le sucre est seule pure ; la variété » 350 fois » plus sucrée contient 18,5 p. 100 d’impuretés dont 13,9 p. 100 d’acide parasul- fominobenzoïque ; la variété « 300 fois » plus que le sucre contient 15,7 p. 100 de cet acide; enfin la « crystallose » et la variété sucrant « 440 fois » plus que le sucre contiennent très peu d’impiu-etés. Les expériences de M. Rashkovitch sur des lapins, auxquels on intro¬ duisait de la saccharine à l’aide d’une sonde, ont donné les résultats sui¬ vants ; anorexie complète avec 50 centigrammes, selles molles ou diar¬ rhéiques, mines abondantes, riches en chlorures. A la dose de l''',50 à 4 grammes la saccharine pure de la première variété (550 fois plus que le sucre) tue les lapins. Par ses propriétés diurétiques la saccharine vient immédiatement après la diurétine. A l’autopsie des animaux qui ont succombé l’auteur a trouvé des lésions rénales, la névrose et le décol¬ lement de la muqueuse des voies digestives, le cœur flasque. En raison de tous ces faits l’auteur conclut à la prohibition de la saccharine du commerce dans le but d’empêcher la falsification de produits alimen¬ taires. S. Baoïno. La tuberculose dans V armée" russe, par N. Shtshbpotiev, {Wratch, 1900, n» 8, p. 231.) D’après la statistique de la Direction médico-militaire, concernant l’état sanitaire de l’armée pendant la période 1890-1897, il résulte que pendant ces huit ans, « la congestion pulmonaire chronique, la phtisie ut la tuberculose pulmonaire aiguë * frappait annuellement 4 p. 1000, dont succombaient 1,07 p. 1000. Mais si l’on fait rentrer dans le groupe de tuberculose pulmonaire les cas de pleurésie, la morbidité et la mortalité montent à 12,2 et à 1,39 par mille. Dans le chiffre total des cas de mort relevés pendant les huit années, et qui est de 44,044, la congestion pul¬ monaire chronique et la tuberculose entrent pour un sixième presque (7,655) et même, si l’on v ajoute les cas de pleurésie, pour presque un quart (-f- 2,172-= 9,827). Les causes de cette morbidité et mortalité élevées sont probablement en ce que, en Russie comme dans les autres pays où la question a été VARIÉTÉS 381 examinée de près, un grand nombre de conscrits sont déjà atteints de tuberculose franche ou latente au moment de leur entrée au régiment. Ainsi, à l’bôpital militaire de Kiew il y eut, de 1895 à 1899, 527 sol¬ dats tuberculeux, avec bacilles dans les crachats et signes physiques nets; eh bien ! sur ce chiffre il y en avait 111, c’est-à-dire un cinquième qui n’avaient que six mois de service, 32 qui y étaient depuis un an, 79 depuis dix-huit mois! Des 111 premiers, 52 furent mis en réforme, et 12 moururent à l’hôpital. Il est évident que tous ces soldats étaient déjà tuberculeux dès le commencement de leur service. Au point de vue étiologique , l’auteiu* constate que la tuberculose est plus fréquente chez tes soldats chrétiens que parmi les juifs. Dans 40,6 p. 100 des cas on a relevé la tuberculose des parents ou des collatéraux, mais d’autre part dans 24,6 p. 100 les parents et collatéraux étaient absolument indemnes de tuberculose. La régularité remarquable des chiffres de morbidité et de mortalité qui se répètent d’année en année, qu’il s’agisse d’infanterie, de cavalerie, de régiments de garde ou d’artillerie, semblent prouver que la cause en est aux conditions sanitaires et climatériques qui rendent souvent mani¬ festes les cas latents. En terminant, l’auteur exprime le désir que les hommes atteints de tuberculose, même latente, ne soient pas acceptés dans les cadres et, s’ils s’y trouvent, qu’ils soient réformés le plus rapidement possible, et que d’autre part on s’occupe de l’assainissement des casernes et du régime hygiénique des soldats. S. Broïdo. VARIÉTÉS Notre collaborateur et ami, le D'' A. -J. Martin, vient d’être cruelle¬ ment frappé. Le jour môme où paraissait la Revue du 20 mars, il per¬ dait son fils unique, âgé de 21 ans, qui malgré de cruelles infirmités s’était adonné à l’étude des sciences biologiques dans le laboratoire de M. le professeur Giard, à la Sorbonne, et dont la précoce intelligence et les qualités charmantes le faisaient apprécier et aimer de tous ceux qui l’approchaient. Les témoignages unanimes de sympathie que M. Martin a reçus en cette circonstance ont un peu adouci le coup terrible qui vient de briser sa vie ; au nom de tous les lecteurs de la Revue d’hygiène, nous faisons des vœux pour qu’il trouve l’apaisement et le reconfort que donnent en une certaine mesure le travail et le temps. Décès de Joseph von Fodor. — Nous avons le regret d’annoncer la mort de notre collègue et ami, le professeur Joseph von Fodor, profes¬ seur d’hygiène et doyen de la Faculté de médecine et de l’Université 383- VARIÉTÉS de Budapest, associé étranger dé notre Académie. Von Fodor n’avait que .'58 ans ; il a succombé, Je 16 mars, après avoir subi l’amputation de la cuisse. Nous avons récemment. (Baw/e d’hygiène, 1900, p. 453) exposé les étapes de sa carrière et analysé ses travaux considérables en hygiène, en chimie et en bactériologie. Von Fodor est un des savants les plus sympathiques que nous ayons rencontrés ; sa mort est une grande perle pour l’hygiène publique de la Hongrie et de l’Autriche ; il emporte les regrets de tous ceux qui l’ont connu, car on ne pouvait le connaître sans l’aimer. La prophylaxie des maladies infectieuses dans les chemins de FER. — Dap un rapport adressé le 1" mars 1901 au Président de la République'ï/oumaJ officiel du 5 mars), le ministre des Travaux publics vient de reconnaître l’insuffisance sur beaucoup de points de l’ordonnance du 15 novembre 1846 sur, la police des chemins de fer. L’on a vu plus haut(p. 341) que les modifications portent exclusivement sur la défense aux voyageurs de cracher par terre, et sur l’obligation pour les compa¬ gnies, : 1“ d’exclure des compartiments communs les personnes atteintes manifestement de maladies contagieuses; 2° de désinfecter les wagons ainsi souillés. Ces prescriptions paraîtront sans doute bien incomplètes à côté des desiderata que nous avions formulés en 1899 dans notre rapport à la Société de médecine piibliqtie {Revue d'hygiène, 1899, p. 385 et 446), el à côté des conclusions votées par celte Société dans la séance du 28 juin de la môme année {Revue d'hygiène, 1899, p. 626). 11 n’y a de nouveau que les prescriptions de l'article 60 ; car l’interdiction de cracher par terre se trouve déjà dans la circulaire ministérielle sur l’hygiène des che¬ mins de fer du 25 mai 1899 {Revue d'hygiène, p. 571): il est vrai qu’une circulaire est loin d’avoir la valeur d’un décret. L’exemple donné par la compagnie du chemin de fer du Nord montre cependant qu’on aurait pu demander davantage. Une note de service de cette Compagnie, reproduite dans l’intéressant rapport do MM. Galippe et Letulle (Rapports de la Commission de la tuberculose, p. 218), prescrit le balayage à sec dans les gares el dans les wagons; ordonne la désinfection des bureaux une ou deux fois par an et celle de la table el du logement de tout employé mort de tubercu¬ lose; elle prescrit les crachoirs sur pied remplis de liquide désinfeclant, le nettoyage humide des quais et des salles d’attente avec une solution de crésyl ; le remplacement des tapis en moquette par du linoléum ou de l’incrusta dans les wagons el dans les gares (ce qui vient d’étre fait dans les quatre salles d’attente de Paris) ; elle décide la suppression des tapis en coco dans les voilures, et l’on étudie les procédés de nettoyage humide des planchers des wagons ; les étoffes de toutes sortes, draps, moquettes, etc., sont périodiquement démontés, et battus mécanique¬ ment en vase clos dans un courant d’air qui traverse un foyer où se brû¬ lent les poussières, etc. C’est une bonne partie des mesures que nous demandions en 1899, et nous nous joignons à tous pour rendre hommage à ce point de vue à VARIÉTÉS l’esprit d’initiative, à la ferme volonté et aux hautes qualités administra¬ tives de l’éminent directeur de cette compagnie, M. Sartiaiix. L’article 60 du décret du 1®'' mars 1901 pose toutelois le prin¬ cipe de l’isolement des coniagieux en chemins de fer; le mode et les conditions de cet isolement ne pouvaient figurer dans le texte d’un décret, et seront sans doute l’objet d’instruclions particulières. C’est déjà un point très important, et c’est un commencement d’exécution des bonnes promesses que M. le Ministre des Travaux Publics- a bien voulu nous faire quand, avec M. Landouzy, président, et Martin, secrétaire général, nous sommes allé, il y a deux ans, lui pdfter les vœux de la Société de médecine publique. . L’empoisonnement par l’oxyoe oe carbone et son traitement par l’oxygène. — Dans une note présentée à l’Académie des sciences fmars 1901), M. Gréhanl a donné le résultat d’expériences qu’il poursuit depuis longtemps au Muséum sur les bons effets des inhalations d’oxy¬ gène dans l’intoxication par l’oxyde de carbone. Il intoxiquait des chiens avec de: l’air contenant 1 p. 100 d’oxyde de carbone; quand on leur faisait ensuite respirer de l’air pur, leur sang contenait encore, au bout de trois heures 4,6 p. 100 d’oxyde de carbone et 16,0 d’oxygène; tandis que si on leur faisait respirer pendant une heure un mélange contenant 90 p. 100 d’oxygène, leur sang au. bout de ce temps ne contenait plus que 1,1 d’oxyde de carbone, et l’on pouvait en extraire 18,8 p. 100 d’oxy¬ gène. Il y a donc lieu de faire pendant plusieurs heures respirer de l’oxygène aux individus empoisonnés par l’oxyde de carbone. Interdiction de la céruse dans la peinture en batiment. — Sur le rapport de M. Ogier, le Comité consultatif d’hygiène publique de France vient de voter les conclusions suivantes ; « La substitution des peintures à base à'oxyde de zinc aux peintures «M blanc de céruse est tout à fait désirable au point de vue de l’hy¬ giène. (I Cette substitution semble possible dans la très grande majorité des travaux de peinture ; et par suite, les travaux de l’Etat donneraient un exemple salutaire et feraient une œin re d’hygiène très utile en prescri¬ vant, chaque fois que cela sera possible, la substitution du blanc de zinc au blanc de céruse dans les travaux exécutés pour le compte de ces administrations ; « D’autre part, la Commission d’hygiène industrielle nommée récemment par arrêté du ministre du Commerce et de l’Industrie près de ce minis¬ tère pour préparer, au point de vue de l'hygiène, l’étude des questions soumises au Comité consultatif des arts et manufactures, cette Commis¬ sion, après une discussion approfondie, a voté le 20 mars courant, sur la proposition de M. le D® Thoinot, la formule suivante, qui ne prête le flanc à aucune équivoque : « L’emploi de la céruse est interdit dans l’in¬ dustrie de la peinture en bâtiment, n Déjà des arrêtés du ministre de l’Intérieur et du ministre du Commerce avaient interdit le blanc de céruse dans les travaux de peinture des bâti- 384 VARIÉTÉS ments de l'Etat, des départements et des communes. Un prochain décret assurera mieux encore l’exécution d’une mesure hygiénique que tous les hygiénistes réclament depuis plus de cinquante ans, et qu’une légère infériorité dans les qualités de « couverture » du blanc de zinc a retardée- jusqu’à ce moment. Enquête parlementaire sur la tuberculose dans l’armée. — La Chambre des députés a nommé, le 15 mars dernier, une commission d’hy¬ giène en vue de rechercher les moyens les plus propres pour enrayer les ravages de cette affection. Son rapporteur, le D'' Laohaud, député, vient d’adresser à tous les médecins militaires, chefs de service dans un corps de troupes ou un hôpital, une lettre et un questionnaire, avec prière de remplir ce dernier. Le programme ainsi rempli sera transmis directe¬ ment par chaque médecin au Président de la Chambre des députés, avec cette mention : Commission de l’hygiène. Les points visés dans le programme concernent : la genèse et la des¬ cription de la caserne ; la statistique de la tuberculose dans le régimen:; les conditions de salubrité de la caserne ou de l’hôpital; les améliorations à y apporter. Le but poursuivi est d’interdir l’entrée des tuberculeux dans l’armée, d’empêcher la contagion, et d’éliminer sans aucun retard tous Us tuberculeux, enfin de les renvoyer non dans leur famille qu’ils infecleni, mais dans des sanatoriums militaires. Nous demandons seulement qui construira ces sanatoriums, et si c’est le budget de la guerre qui entretiendra dans ces sanatoriums tous les sol¬ dats réformés qui ne sont plus des soldats, c’est-à-dire tous les Français tuberculeux de 20 à 25 ans, car tout Français aujourd’hui, à peu d’excep¬ tions près, est appelé à faire le service militaire. Ligue contre la syphilis. — Il vient de se former à Paris, sous le nom de Ligue contre la syphilis, une nouvelle Société ayant pour but de lutter contre ce terrible fléau, non moins redoutable que la tubercu¬ lose et l’alcoolisme. Elle a son siège à Paris ; elle se compose de méde¬ cins ou de personnes étrangères à la médecine, présentés par deux membres; la cotisation annuelle est de dix francs. Le président est le professeur A. Fournier, avec vice-présidents M. le sénateur Bérenger, MM. Brissaud et Le Pileur ; secrétaire général, M. Barthélémy ; secré¬ taires des séances, MM. Barbe, Emery, Bizard. Il existe en outre un Comité de direction des travaux, composé de 10 membres élus parla Société. On ne saurait qu’applaudir à une œuvre sociale d’une utilité aussi évidente. Le gérant : Pierre Adceii. lmp. PAUL DUPONT, Bouloi. — Paris. Arr*. -- 3.3.1901(01.) REVUE DJflf GIÈNE f'^. •'! et de POLI^^ SANITAIRE HENRI NAPIAS Après trois mois d’une cruelle maladie et une longue agonie, notre ami, M. Henri Napias, directeur de l’administration générale de l’Assistance publique de Paris, vient de s’éteindre, le 28 avril, à l’iige de cinquante-neuf ans. Dans quelques jours, le vérÿible fon¬ dateur et secrétaire général pendant vingt ans de la Société de médecine publique sera loué comme il le mérite par ceux qui l’ont le plus connu et qui ont été les compagnons de sa vie. Mais en attendant, la Revue d’hygiène ne peut laisser partir un de ses pre¬ miers collaborateurs, sans payei* à sa mémoire le tribut de ses regrets et de son affection. D’autres diront demain la part que Napias a prise à la rénova¬ tion de l’hygiène en France depuis vingt-cinq ans, par sa parole et ses nombreux écrits : les progrès de l'hygiène en France, son Traité d'hygiène industrielle, l'Hygiène publique et l’Assistance dans l’Encyclopédie de Rochard , et par son petit livre, l'Assistance publique dans le département de Saône-et-Loire, qui est, à notre avis, l’une de ses meilleures œuvres. Nous voulons parler ici de l’homme, ignoré ou méconnu par ceux qui ne l’ont vu que de loin, estimé, je dirais presque admiré par ceux qui ont vécu dans son intimité. Il a subi, dès sa première jeunesse jusqu’aux dernières années de sa vie, les injustices du sort; l’adversité n’a jamais enüellé son âme; il ne connut ni la révolte ni ramertume. Il con¬ serva malgré tout une aménité, une sérénité, une résignation qui KEV. d’iiyg. XXllI. — 2o 386 D' E. VALLIN u’avaient rien de commim avec la faiblesse et l’abandon de soi- même. Il avait connu le malheur, il était bon pour les malheureux, et comme il le disait dans une charmante causerie autobiographique, à l’issue du banquet qui lui fut offert lors de sa nomination à l’Aca¬ démie de médecine, en 1897, il était et il est resté optimiste. La finesse de son esprit, sa bonne grâce, l’élégance de sa plume et de sa parole, la générosité de ses sentiments se reflètent dans ce passage que nous reproduisons, parce que c’est la meilleure manière de faire son éloge : ^ Faire de l’hygiène publique, c’est-à-dire socialiser l’hygiène, c|lt travailler pour les humbles , les petits, les malheureux; c’est travailler en somme pour l’humanité, qui vaut bien qu’on l’aime pour ses qualités méconnues, alors que tant de gens atteints d’une misanthropie injustifiée , pensent que l’humanité n’est pas digne de les intéresser et prennent prétexte de ses défauts ou de ses vices pour oublier ses vertus. « Je sais bien qu’à tout instant on nous montre des scandales et qu’on nous fait assister à des procès retentis.sants ; mais je sais aussi ^’il ne faut qu’un peu de vase qu’on agite pour troubler beaucoup d’eau claire, et je suis et je veljx demeurer optimiste quand il s’agit de l’humanité. C’est avec ces sentiments qu’on doit aborder l’étude de l’hygiène et la pratique de l’assistance publiques, c’est- à-dire l’étude des moyens à employer pour réparer les malheurs et les misères créés par les injustices sociales, par les conditions nées de la concurrence, produites par la lutte des intérêts, par les lois économiques ou seulement par le hasard cruel ou la fatalité. Ce sont là des problèmes d’une portée sociale élevée, faits pour passionner, et j’y ai mis, en les étudiant , non seulement mon bon vouloir, mais,, je l’avoue, une passion que parfois on a pu trouver excessive. j> L’hygiéniste et le philanthrope qui a écrit ces belles paroles n’était-il pas bien qualifié pour devenir un jour le directeur de l’Assistance publique ? Napias n’a pas eu le temps d’accomplir toute son œuvre; la tâche était lourde; il est mort à la peine. Cette fois encore, comme pendant toute sa vie , il s’est dévoué pour les autres jusqu’au sacrifice ; pour tout cela, nous devons l’estimer, l’aimer et le regretter davantage. E. V.\Li.hN. MESDBES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE MÉMOIRES MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE (i) EN FRANCE Par M. le professeur PROUST, Inspecteur général des services sanitaires. Les questions que soulève la dissémination de la peste dans le monde entier sont de deux ordres, internationales et nationales. Il faut voir si les garanties qui ont été données par les dernières conférences sanitaires internationales sont suffisantes, si les résolu¬ tions votées ont été convenablement exécutées, et préciser ce qu’il y a à faire afin que le même péril ne nous menace plus à l’avenir. C’est un point que j’ai déjà traité devant l’Académie et sur. lequel nous aurons plus tard à revenir. Actuellement, il s’agit de défendre notre pays contre la peste qui peut l’envahir de divers côtés. Le but que nous devons chercher à atteindre est double : 1“ Nous devons employer tous nos efforts à empêcher la peste de pénétrer sur notre territoire ; 2° subsidiairement, si quelque germe pesteux franchissait la barrière que nous lui opposons, il faut être informé immédiatement du premier cas, de façon à ce que ces germes restant localisés, ils puissent être éteints sur place. L’apparition de la peste, dans le bassin de la Méditerianée à Oporlo, en Angleterre, rapprochait de nous le dangei-. Les arri¬ vages de cette dernière provenance parviennent dans les ports fran¬ çais de la Manche ou de l'Océan après une traversée beaucoup moins longue que la durée de l’incubation de la peste. Notre défense sanitaire maritime devient dans ces ports une défense de première ligne. Nous allons faire connaître sommairement à l’Académie la nature 1. CoiicUisioiis d’im rapport, lu à l’Académie de'iiirdeciiio dans les séances des l.j et 2ü mars 1901, Sur la peste en 1900 dans les diH'fyenls pays. M. PROUST et le cai-actère des mesures destinées à assurer la protection du lit¬ toral français contre l’importation de la peste. Cet exposé ne sera pas limité à l’énumération des mesures spé¬ ciales motivées par l’épidémie actuelle ; il comprendra l’indication des principales dispositions de notre législation sanitaire, celles dont l’application permanente a pour but d’assurer en tout temps la protection de notre territoire contre l’importation des affections contagieuses, et en particulier des maladies exotiques, peste, fièvre jaune et choléra. Cette permanence dans l’application des mesures destinées à pré¬ server la santé publique des dangers provenant des communica¬ tions par voie de mer, est, disons-le de suite, une des forces de notre organisation sanitaire, parce qu’elle nous met plus sûrement à l’abri des surprises qui peuvent résulter de l’apparition inopinée d’une épidémie dans un autre pays en relations commerciales avec la France. La loi du 3 mars 1822 est la base de notre législation sanitaire, et ses principales dispositions se retrouvent dans le décret du 4 janvier 1896, qui résume actuellement toutes les prescriptious essentielles de notre réglementation en matière de police sanitaire maritime. Suivant les besoins, des dispositions complémentaires, toujours en harmonie avec celles du décret du 4 janvier 1896, viennent compléter celles-ci. C’est ainsi que l’épidémie de peste a donné lieu à divers décrets et arrêtés ministériels dont il sera question ultérieurement. Mais quels que soient les points visés par ces prescriptions, l’ad¬ ministration sanitaire s’efforce de n’imposer que des mesures ration¬ nelles, c’est-à-dire conformes aux enseignements de la science et de l’expérience. Elle chei’che en toute occasion à procurer à la santé publique le maximum de garanties en apportant aux transac¬ tions commerciales le minimum d’entraves. Avant d’examiner dans le détail les dispositions prises à cet effet, nous devons dire un mot du personnel chargé de les appliquer, et indiquer les divisions territoriales sur lesquelles poi’te la surveil¬ lance exercée par les agents sanitaires. Circonscriptions sanitaires. — Personnel sanitaire. — Le lit¬ toral français est divisé en six circonscriptions auxquelles viennent MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE 389 s’en ajouter une septième comprenant la Corse et quatre autres formées par les départements algériens. A la tête de chaque circons¬ cription est un directeur de la santé, docteur en médecine, en résidence dans le port principal de la circonscription. Il |y a des directeurs de la santé à Dunkerque, au Havre, à Brest, à Saint- Nazaire, à Pauillac, à Marseille, à Ajaccio, à Oran, à Alger, à Phi- lippeville et à Bône. Ils sont assistés de médecins, d’officiers et de gardes de la santé chargés d’assurer sous leurs ordiesj l’exécution des opérations sanitaires. Les ports moins importants, à raison d’un par département maritime, sont le siège d’une agence principale de la santé ; tels Boulogne, Caen, Cherbourg, etc. Toutefois, il n’y a pas d’agence principale dans les départements où il y a une direction delà santé. Enfin, dans les autres ports, le représentant du service a le titre d’agent ordinaire. Ainsi, dans tous les ports de France et d’Algérie, le service sanitaire est assuré par des agents placés sous l’autorité des direc¬ teurs de la santé, et relevant comme eu.v du Ministère de 1 Inté¬ rieur. Etablissements sanitaires. — Ce n’est pas à dire que tous les ports soient organisés en vue de répondre à toutes les éventualités qui peuvent se présenter. Il va de soi que seuls les plus Importants disposent de ressources suffisantes pour l’exécution des mesures sanitaires ; visite médicale, désinlection, et, s’il y a lieu, observa¬ tion. Dans les ports dont les transactions commerciales sont moin¬ dres, il suffit qu’une surveillance rigoureuse soit exercée pour écarter les provenances suspectes et que le déchargement de cer¬ taines marchandises d’origine douteuse puisse être elïeclué dans certaines conditions que nous examinerons plus loin. C’est pourquoi, en raison de l’épidémie actuelle, un décret du 13 juin 1899 a limité à six ports (Dunkerque, le Havre, Saint- Nazaire, Pauillac, Marseille et Alger) le nombre des points sur les¬ quels les navires provenant de pays contaminés de peste peuvent aborder en France ou en Algérie. Encore faut-il que l’état sani¬ taire des navires soit relativement satisfaisant, car s’ils sont infectés, c’est-à-dire s’ils ont présenté depuis moins de douze jours un ou plusieurs cas confirmés ou suspects de peste, ils ne peuvent se rendre que dans ceux des ports précédents auxquels est annexé f. PROUST un lazaret, c’est-à-dire à Saint-Nazaire, à Pauillac, à Marseille et à Alger. Médecins sanitaires maritimes. — En outre de son personnel sédentaire, l’administration s’est acquis le concours dés médecins embarqués par les compagnies de navigation à bord de leurs na¬ vires. Ces médecins, autrefois recrutés dans des conditions souvent insuffisantes, sont pris aujourd’hui parmi les docteurs en médecine, et l’administration s’assure, au moyen d’un examen, de leurs capa¬ cités spéciales. En échange elle leur ' donne le titre de médecins sanitaires maritimes et oblige les compagnies à n’embarquer que ceux qui en sont pourvus. Le médecin sanitaire maritime fait observer à bord les règles de l’hygiène et, en cas d’apparition d’une maladie pestilentielle ou infectieuse, assure, d’accord avec le capitaine, les mesures de préservation nécessaires. Par lui, les autorités sanitaires sont renseignées, à l’arrivée, sur l’état du navire, et leur tâche est faci¬ litée. Mesures applicables aux navires arrivant en patente brute*. — Le régime sanitaire applicable aux navires arrivant en patente brute de peste diffère selon que le navire est indemne, suspect ou infecté. Navires indemnes. — Le navire indemne (n’ayant eu ni décès ni cas de peste à bord, soit avant le départ, soit pendant la tra¬ versée, soit au moment de l’arrivée) est soumis au régime sui¬ vant : 1“ Visite médicale des passagers et de l’équipage ; 2® Désinfection du linge sale, des effets à usage, des objets de literie, ainsi que de tous autres objets ou bagages que l’autorité sanitaire du port considère comme contaminés. Si le navire a quitté la circonscription contaminée de peste depuis plus de dix jours, les mesures ci-dessus sont immédiate¬ ment prises et le navire est admis à la libre pratique. Si le navire a quitté depuis moins de dix jours la circonscription contaminée, il est délivré à chaque passager un passeport sanitaire 1. La patente de santé est nette ou brute ; elle est nette quand elle cons¬ tate l’absence de toute maladie pestilentielle dans la ou les circonscription d’où vient le navire ; elle est brute quand la présence d’une maladie do cotte nature y est signalée. MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE 391 indiquant la date du jour où le navire a quitté le port contaminé ^ le nom du passager et celui de la commune dans laquelle il déclare se rendre. L’autorité sanitaire donne en même temps avis du départ du passager au maire de cette commune et appelle son atten¬ tion sur la nécessité de surveiller ledit passager au point de vue sanitaire jusqu’à l’expiration des dix jours à dater du départ du navii-e {surveillance sanitaire). L’équipage est soumis à la même surveillance sanitaire. Le déchargement des marchandises n’est commencé qu’après le débarquement de tous les passagers. L’autorité sanitaire peut ordonner la désinfection de tout ou partie du navire, mais cette désinfection n’est faite qu’après le débarquement des passagers. Dans tous les cas, l’eau potable du bord est renouvelée et les eaux de cale sont évacuées après désinfection. Navires suspects. — Le navire suspect (à bord duquel il y a eu un ou plusieurs cas de peste, confirmés ou suspects, au moment du départ ou pendant la traversée, mais aucun cas nouveau depuis douze jours, est soumis au régime suivant : 1° Visite médicale des passagers et de l’équipage ; 2“ Désinfection du linge sale, des effets à usage, des objets de literie, ainsi que de tous autres objets ou bagages que l’autorité sanitaire du port considère comme contaminés. Les passagers sont débarqués aussitôt après l’accomplissement de ces opérations. Il est délivré à chacun d’eux un passeport sani¬ taire indiquant la date de l’arrivée du navire, le nom du passager et celui de la commune dans laquelle il déclare se rendre. L’autorité sanitaire donne en même temps avis du départ du passager au maire de cette commune, et appelle son attention sur la nécessité de sur¬ veiller le dit passager au point de vue sanitaire jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq jours à partir de Tarrivée du navire. L’équipage est soumis à la même sui'veillance sanitaire. L’eau potable du bord est renouvelée et les eaux de cale sont évacuées après désinfection. Le déchargement des marchandises n’est commencé qu’api’ès le débarquement de tous les passagers; la désinfection du navire est obligatoire et n’a lieu qu’après le débarquement des passagers et le déchargement des marchandises. 392 M. PROUST Navires infectés. — Le navire infecté (ayant, ou ayant eu un ou plusieurs cas de peste, confirmés ou suspects, depuis moins de douze jours) est soumis au régime suivant : 1° Les malades sont immédiatement débarqués et isolés jusqu’à leur guérison ; 2° Les autres personnes sont ensuite débarquées aussi rapide¬ ment que possible et soumises à une observation dont la durée varie selon l’état sanitaire du navire et selon la date du dernier cas. La durée de cette obsei-vation ne pourra dépasser dix jours après le débarquement, ou après le dernier cas survenu parmi les personnes débarquées : celles-ci sont divisées par groupes aussi peu nombi-eux que possible, de façon que, si des accidents se montraient dans un groupe , la durée de l’isolement ne fût pas augmentée pour tous les passagers ; 3° Le linge sale , les effets en usage , les objets de literie , ainsi que tous autres objets ou bagages que l’autorité sanitaire du port considère comme contaminés sont désinfectés; 4“ L’eau potable du bord est renouvelée. Les eaux de cale sont évacuées après désinfection ; 5“ 11 est procédé à la désinfection du navire ou de la partie du navire contaminé après le débarquement des passagers et, s’il y a lieu, le déchargement des marchandises. Le déchargement des marchandises n’est commencé qu’après le débarquement de tous les passagers, et la désinfection du navire n’est opérée qu’après le déchargement. Dans tous les cas, les personnes qui ont été chargées de la désin¬ fection totale ou partielle du navire, qui ont procédé avant ou pen¬ dant la désinfection du navire au déchargement et à la désinfection des marchandises, ou qui sont restées à bord pendant l’accomplis¬ sement de ces opérations, sont isolées pendant un délai que fixe l’autorité sanitaire et qui ne peut dépasser, à partir de la fin desdites opérations, dix jours pour les navires en patentes brute de peste. Le navire est soumis à l’isolement jusqu’à ce que les opérations de déchargement et de désinfections pratiquées à bord soient ter¬ minées. Mesures spécialement applicables aux marchandises. — La question de l’importation des marchandises provenant des pays contaminés de peste est particulièrement délicate. Les observations MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE 393 faites depuis le début de l’épidémie actuelle prouvent que la peste peut être transmise par les marchandises. Tantôt le bacille est transporté par les objets eux-mêmes (sacs, vêtements, etc.), et telle paraît être l’origine des épidémies de Port-Saïd, Alexandrie, Smyrne, Beyrouth, etc.; tantôt les marchandises en sac ou en vi-ac renferment des rats qui, débarqués avec elles, infectent les docks où on les dépose et propagent la maladie dans tous les quartiers d’une ville. Quelle conduite tenir en présence de ce danger permanent ? Parmi les matières qui font l’objet des échanges commerciaux, toutes ne présentent pas le même degré de contagiosité. Certaines sont, à cet égard, particulièrement susceptibles ; le moyen le plus simple est de les prohiber. C’est ainsi qu’en conformité de la loi du 3 mars 1882 et des dispositions arrêtées par la Convention sanitaire de Venise, le 19 ma'-s 1897, un decret du 15 avril de la même année a interdit jusqu’à nouvel ordre l’importation, en France et en Algérie, des drilles, des chiffons, des débris frais d’animaux, des onglons, des sabots, venant dii’ectement ou indirectement de toute localité où la peste aura été constatée. A été également interdit le transit à travers la France ou l’Algérie des objets ci-dessus , toutes les fois que ce transit donne lieu à un débarquement ou à une manipulation quelconque. Sont au contraire admis après désinfection ; les laines brutes ou manufacturées venant directement de toute localité contaminée de peste , les linges de corps ayant servi ou n’ayant pas servi , les hardes ou vêtements ayant servi ou n’ayant pas servi , les objets de literie ayant servi ou n’ayant pas servi , les cuirs verts et peaux fraîches venant directement ou indirectement de toute localité où la peste aura été constatée. Mais en dehors de ces marchandises spécialement visées à cause du danger qu’elles présentent, il en est un grand nombre que l’on ne peut songer à proscrire et dont la désinfection est impossible, soit en raison des difficultés matérielles et de la dépense qu’entraî- rait leur manipulation, soit en raison des détériorations que la désinfection provoquerait. Pour ces marchandises, une seule chose resterait à faire : en surveiller le déchargement d’une façon minutieuse, afin de s’assurer qu’elles ne présentent rien de suspect , notamment qu’elles ne con¬ tiennent pas de rats. Les directeurs de la santé ont donc été invités M. PROUST à désigner, d’accord avec les autorités des ports, les emplacements les plus propices au déchargement des navires en état d’isolement, et à assurer la surveillance pendant l’opération. Les agents chargés de cette surveillance dressent une liste des ouvriers occupés au déchargement et s’assurent, de temps en temps, par des appels, que tous sont présents. Si l’un d’eux vient à man¬ quer, les agents se font rendre compte du motif de son absence, et si celle-ci est due à une indisposition, un médecin est immédiate¬ ment appelé auprès du malade pour vérifier la nature de l’affection qui l’a obligé à inteiTompre son travail. Grâce à ces précautions, si un cas de peste venait à se produire parmi les déchargeurs, il serait possible d’isoler sans retard l’indi¬ vidu atteint et de surveiller les personnes qui ont pu être en contact avec lui. En même temps, le bâtiment serait envoyé sous pavillon de quarantaine au lazaret le plus proche, et traité, conformément au règlement, comme un navire contaminé. S’il est trouvé un rat mort au cours du déchargement et. qu’il y ait suspicion de peste, le cadavre de ce rat, arrosé d’eau bouillante sur place, est immédiatement soumis à l’examen d’un baclériolo- giste désigné à l’avance pour chaque circonscription. Le décharge¬ ment est interrompu et le navire repoussé loin du quai , en état d’isolement absolu. Les marchanaises débarquées sont également mises en intci’dit jusqu’à ce que le résultat de l’examen bactério¬ logique soit connu. Si cet examen est défavorable, il est procédé comme il a été indiqué ci-dessus. Nous avons dit que le décret du 15 juin 1899 avait limité à six le nombre ides ports par lesquels les navires provenant de pays contaminés de peste peuvent pénétr«r en France et en Algérie. Tant que la peste n’a sévi que dans les pays éloignés qui n’entretiennent de relations qu’avec nos grands ports, le commerce n’a éprouvé aucune gêne d’une mesure qui constituait pour la santé publique une précieuse garantie. Mais du jour où la peste est apparue à Glascow et à Cardiff, villes en communications journalières avec nos grands ports de la Manche et de l’Océan, l’application intégrale du décret du 15 juin 1899 équivalait à la suppression des transactions commerciales entre ces villes et la France. On ne pouvait, en effet, exiger le déchargement au Havre et à Saint-Nazaire des nombreux bateaux charbonniers qui chaque jour arrivent à Rouen , à Dieppe , à Honfleur, à Roche- MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE 393 fort, etc., et entretiennent la vie industrielle dans ces régions. Pour concilier tons les intérêts, l’administration sanitaire a pris les dispositions suivantes promulguées par un décret du 23 sep¬ tembre 1900. Les navires venant de localités contaminées ne ces¬ sent pas d’être astreints à se rendre dans un des six porls énumérés ci-dessus. Ils y font reconnaître leur état sanitaire et y subissent la désinfection des. postes d’équipage, du linge et des effets des mate¬ lots, toutes mesures qu’il serait impossible de prendre dans un port dépourvu de personnel et de matériel sanitaires. Mais si l’exa¬ men minutieux auquel ils sont soumis dans toutes leurs parties accessibles ne révèle rien de particulier, les navires sont autorisés à se rendre, sous pavillon de quarantaine, dans les ports de leur destination pour y opérer leur déchargement. Cette autorisation n’est accordée qu’à la condition que chacun de ces ports ait été préalablement ouvert par une décision spéciale du ministre de l’Intérieur. Or, cette décision est prise uniquement en faveur des porls où le déchargement peut être effectué à l’état d’isolement et sous la surveillance spéciale dont il a été parlé plus haut. Enfin , la faculté accordée à ces porls de recevoir, pour y effectuer leur déchargement, des navires venant de localités contaminées, est limitée à certaines provenances et à certaines marchandises. De cette façon ont été sauvegardés jusqu’à ce jour les intérêts du commerce et ceux de la santé publique, et jusqu’ici, le .service sanitaire à pu faire face à tous les besoins. Aussi, dès l’arrivée d’un navire provenant d’une région conta¬ minée de peste, il faut pouvoir, après avoir reçu sa déclaration, examiner sa patente, ses papiers de bord au point de vue de la pro¬ venance du navire, des passagers et des marchandises, de la nature de ces marchandises, des escales effectuées, des incidents de la traversée, des communications possibles en mer, etc. II faut ensuite faire la visite médicale de tous les passagers et du personnel de l’équipage, faire l’inspection sanitaire rigoureuse du navire dans toutes les parties accessibles par les médecins accom¬ pagnés d’un ou plusieurs gardes sanitaires expérimentés (anciens marins). Cette inspection doit avoir pour objet de découvrir autant que possible la présence de rats vivants, malades ou morls, l’existence de linge sale, de marchandises ou objets dangereux devant être M. PROUST déti'uils ou désinfectés , de préciser les locaux sur lesquels devra porter la désinfection immédiate. Pour le déchargement des navires, il n’est commencé qu’après le débarquement de tous les passagers. Le navire est placé en isole¬ ment aussi complet que possible, sur un quai spécial, et hors du contact immédiat des autres nâtiments. La surveillance sanitaire du déchargement est exei-cée par un ou plusieurs agents du service sanitaire, qui sont chargés de veiller à l’exécution de toutes les mesures ayant pour but d’empêcher la sortie des rats, de signaler aux chefs de seiTice la présence de cadavres de rats ainsi que les marchandises qui auraient pu être souillées par ces animaux. Si au cours du déchargement il était découvert des rats morts ou malades, ils devraient être recueillis et envoyés avec toutes les pré¬ cautions convenables au directeur du laboratoire bactériologique de la circonscription, qui procédérait d’urgence à leur examen et infor¬ merait le service sanitaire du résultat. Toute opération devrait être suspendue dans la partie du navire correspondant jusqu’à la con¬ naissance de ce résultat. Au moment de la peste de Porto, il y a eu lieu de pourvoir au danger que présentaient les arrivages, incessants dans les petits ports du littoral de l’Océan Atlantique, de bateaux venant du Portugal et et des côtes du nord de l’Espagne , où ils pêchent les langoustes et les homards, le thon et de nouveau la sardine dans la seconde quinzaine de septembre et pendant les mois d’octobre, novembre et décembre. Ce commerce est très florissant sur notre littoral ; il met le Portugal et l’Espagne en relation avec 122 ports de l’Océan, savoir 42 dans la direction de la Santé de Pauillac , 29 dans celle de Saint-Nazaire, et 31 dans celle de Brest. Dans chacun de ces petits ports, le sei’vice sanitaire est exclusivement fait par un doua¬ nier. Il a paru utile de charger un médecin d’arraisonner ces barques de pêche. Ou a pensé que de cette façon on serait informé des premiers cas de peste pouvant arriver par cette voie si large¬ ment ouverte aux contaminations et que des mesures de prophy¬ laxie nécessaires pourraient être immédiatement prises , de façon à éteindre sur place-, dès>le premier cas, toute manifestation épidé¬ mique. Nous n’avons heureusement pas eu à intervenir, MM. Cal- mette et Salembeiii et les médecins portugais étant arrivés à éteindre la peste à Oporto. MESURES A PRENDRE CONTRE LA PESTE EN FRANCE 397 L’apparition de la peste à Alexandrie, puis à Djeddah, puis à Port-Saïd , puis à Oporto , puis dans le Royaume-Uni , à Glasgow, surtout à Cardiff* où l’on ne voit pas le bateau d’importation, mais la minoterie avec les rats, car lorsqu’on voit le bateau et les passa¬ gers, il est plus facile de circonscrire et d’éteindre le mal, tout cela inspira de sérieuses angoisses. Au moment où la peste sévissait à Oporto, on a pensé qu’il serait utile de donner des indications et instructions à nos directeurs de la Santé qui n’avaient pas encore eu l’occasion de voir la peste. Ils furent mandés à Paris ainsi que les savants chargés de faire les examens bactériologiques , et des cours leur furent donnés à l'Ins¬ titut Pasteur. En même temps, on prépara plusieurs escouades de médecins sanitaires, de façon à pouvoir se rendre immédiatement sur le point menacé. En résumé, en ce qui concerne notre pays , bien que la tendance de plus eu plus grande à la dissémination de la peste puisse inspirer des préoccupations sérieuses, nous estimons, avec M. Netter, qu’il n’y a pas lieu de s’abandonner au découragement ; nous espérons , grâce aux mesures prises et exécutées, prévenir l’importation de la peste en France. Si cependant, malgré nos efforts, elle y pénétrait, elle y trouverait, grâce aux progrès de l’hygiène générale et à notre état de bien-être, un terrain bien différent de celui qu’elle a ren¬ contré à d’autres époques, et qui subsiste encore dans certaines contrées orientales et même dans quelques régions du sud de l’Europe. D’un autre côté, grâce à la lenteur de la marche de la maladie, à son peu de tendance à s’installer dans les villes européennes, à l’isolement des malades , à la désinfection radicale des objets con¬ taminés, a la surveillance et à l’immunisation des personnes se trouvant en rapport avec eux, il y a tout lieu d’espérer qu’on étein¬ drait facilement la peste sur place et qu’on s’opposerait à la forma¬ tion de foyers. Si un cas paraissait, il serait circonscrit et éteint ; et nous aurions moins à redouter l’émotion , qui eût été certainement excessive au moment où la population de Paris était doublée par le nombre des visiteurs de l’Exposition. 1. Un cas de peste a été observé récemment dans une minoterie, à Cardiff sans qu’on ait pu saisir le mode de pénétration. 398 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE J’ajouterai que nous avons du sérum en quantité suffisante pour parer à toutes les éventualités. Cependant, malgré ces conclusions rassurantes, il faut toujours être prêt, sur les navires et dans les ports, et y avoir réuni tout ce qu’il faut pour combattre la peste. J’ajouterai que, afin de présenter un terrain stérile aux germes qui pourraient nous pénétrer, les municipalités devraient donner déjà des ordres pour l’extermination de tous les rats; il faut aussi se précautionner d’avance de locaux, de façon à pouvoir isoler les malades et les individus qui ont été en rapport avec les malades et les suspects. Le point saillant qui se dégage des observations nombreuses contenues dans ce rapport , c’est qu’elles révèlent l’action de l’hygiène et de la thérapeutique. Ces résultats, ainsi que l’a dit M. le professeur Marey, en quit¬ tant la présidence de l’Académie, sont bien faits pour rassurer les populations en leur montrant que l’hygiène sait les protéger contre un mal qui autrefois répandait fa terreur. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIOUE BT DE GÉNIE SANITAIRE Séance du 24 avril 1901. Présidence de M. Brouardel. M. le Secrétaire général adjoint donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. Le procès-verbal est adopté sans observations. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la communi¬ cation de M. Chab.al, Ingénieur des Arts et Manufactures, sur : Les filires à sable et la fièvre typhoïde en Allemagne : DISCUSSION M. Howatson. — Les chiffres et les coui’bes présentés par M. Chabal sont excessivement intéressants, mais il devrait citer les villes dans lesquelles la fièvre typhoïde a diminué par la filtration des M. CHABAL. — LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 399 eaux. Il a donné comme exemple Rouen et Toulon. La mortalité dans la première est de 34,35 p. 1000, et l’eau d’alimentation est une eau de source. La mortalité y est due, non pas à la mauvaise qualité des eaux alimentaires, mais plutôt à l’absence d’aucun système de drainage. Le principe du fonctionnement d’un filtre à sable n’est pas encore bien établi. On attribue généralement son pouvoir épurant à la mem¬ brane filtrante, qui est formée par les microorganismes en transformant les matières organiques déposées à la surface en un voile gélatineux très serré qui arrête, dit-on, non seulement les matières organiques en suspension, mais aussi les bactéries pathogènes et autres. D’après moi, dans le filtre à sable, il y a une action mécanique à la siu-face et une action biologique à l’intérieur. Les premiers filtres à sable ont été établis à une époque très éloignée , quand il s’agissait tout simplement de la clarification des eaux de rivière en temps de crue. Les rivières n’étaient pas, comme à présent, contaminées par les eaux d’égouts et par les eaux résiduaires des usines, aucune de ces deux causes n’existant à ce moment. Or, les matières déposées sur la surface du filtre étaient plutôt des matières minérales, et par conséquent inofifensives. Les rivières françaises, en général, reçoivent les eaux d’égout et les eaux résiduaires des usines de toutes sortes, et jusqu’à présent il n’y a aucune loi pour empêcher cette contamination. On reçoit donc sur les filtres à sable toutes sortes de matières orga¬ niques, résidus des usines, produits des égouts, qui forment cette fameuse membrane filtrante. Ce principe est contraire à toutes les idées d’hygiène. Pourquoi former ces nids d’infection sur la surface du filtre et avoir recours aux bactéries pour les transformer ? Ne serait-il pas plus logique de débarrasser les filtres à sable de toutes ces matières nuisibles par un filtre purement mécanique, et laisser au filtre à sable le rôle de finisseur purement biologique. Dans ces filtres mécaniques, on forme instantanément la membrane filtrante avec l’hydrate d’alumine, qui est insoluble. On ajoute à l’eau à filtrer une quantité infinitésimale de sulfate d’alumine. L’acide sulfu¬ rique se combine avec le carbonate de chaux, et l’alumine libérée se dépose sur la matière filtrante. L’eau à la sortie de ces filtres, est abso¬ lument limpide ; les bactéries sont réduites dans la proportion de 80 à 90 p. 100, et si l’on passe cette eau à travers le filtre classique, il fonctionne alors dans les mêmes conditions que dans les pays où les lois défendent aux villes et aux industriels de déverser leurs eaux rési¬ duaires dans les fleuves ; par conséquent, le filtre à sable remplit le rôle pour lequel il a été désigné, c’est-à-dire celui d’épurateur biologique. Les membranes filtrantes formées par les microorganismes servent de filtres mécaniques pour arrêter les matières en suspension, mais au lieu d’arrêter les bactéries, elles fournissent au contraire un admirable champ de culture, et l’on trouve beaucoup plus de bactéries au-dessous qu’au- dessus de la membrane filtrante. Le docteur Reinsch, d’Allona, a cons¬ truit un filtre, avec des tuyaux placés à différentes profondeurs pour lui permettre de prendre des échantillons d’eau. Après un mois de fonc- 400 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE lionuement du Piltro, il a trouvé 3G.810 microorganismes dans l’eau brute et à 3 centimètres au-dessous de la membrane filtrante, le nombre des microorganismes était incalculable. Ce nombre a diminué jusqu’à 28 à 920 millimètres de profondeur. Il y a donc tout intérêt à envoyer sur les filtres à sable l’eau préalablement débarrassée de toutes matières organi¬ ques en suspension. M. Ch. CHAMBERL.4ND. — Depuis les travaux de Pasteur, personne ne songe à contester le rôle des eaux d’alimentation dans l'hygiène publique ou privée. On discute peut-être encore la question de savoirs! certaines maladies, comme la fièvre typhoïde, le choléra, la dysen¬ terie, etc., doivent être attribuées uniquement aux eaux de boisson. Pour ma part, je ne saurais admettre cette manière de voir, car le contact direct ou indirect, les aliments crus contaminés, me paraissent devoir être des facteurs importants de propagation. Je ne crois- pas, je dois le dire, à la contagion par les germes de l’air ; j’en ai donné les raisons dans un article qui date de très longtemps {Revue scientifique, 17 mars 1888) et je constate avec plaisir, en passant que, depuis cette époqae ces idées de non contage par l’air qui avaient paru d’abord subversives, se sont beaucoup généralisées. Quoi qu’il en soit, tout le monde est d’accord aujourd’hui pour reconnaître que les eaux jouent un rôle très important, je dirai môme prépondérant dans la propagation de certaines maladies. On comprend donc tout l’intérêt qui s’attache à la discussion actuelle et c’est pourquoi je vous demande la permission de vous dire franchement et nettement ma pensée sur la solution de ce problème capital. Messieurs, il s’agit d’obtenir des eaux pures au point de vue bacté¬ riologique. Si je demande aux maîtres de l’hygiène ce qu’il faut faire, je crois qu’ils seront bien embarrassés. En insistant, en les pressant un peu, je ne serais pas étonné de leur eiilcndrè prononcer ce mot déconcertant : La sciénee sur ce point a fait faillite. Serait-ce vrai ? Je réponds hardiment, non, et je vais essayer de vous le démontrer. Je connais les déceptions des hygiénistes en ce qui concerne les eaux de source. Après avoir pensé pendant longtemps que ces eaux étaient parfaites, on a été obligé de reconnaître qu’elles peuvent être contami¬ nées, que môme elles le sont assez fréquemment. Pour y remédier dans la limite du possible on propose des mesures de surveillance sur le lieu même de la captation des sources, au moyen d’inspecteurs spéciaux qui seront chargés de signaler les cas de maladies qui pourront se produire sur place. D’autres proposent d’immenses bassins filtrants en sable, comme il en existe un peu partout, surtout en Allemagne. Loin de moi la pensée de critiquer ces mesures. Elles constituent un progrès, mais le résultat sera toujours incertain. Je crains bien que malgré toute leur bonne volonté, les inspecteurs spéciaux ne signalent un cas de fièvre typhoïde que lorsque déjà, à leur insu, les sources seront contaminées. D’autre part une déchirure accidentelle dans le voile physiologique du bassin filtrant, suffira pour contagionner l’eau de toutes les conduites. M. CHABAL. — LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 401 Ces mesures ne peuvent donc être qu’imparfaites. Il y a plus ; j’admets pour un moraeiU que nous soyons en possession d’un moyen parfait, chauffage, filtration, ozonificalion, etc., pour détruire tous les germes pathogènes à l’arrivée de l’eau dans les bassins de distribution. Eh bien ! même dans ce cas, je ne conseillerais pas ce moyen. Je ne vois pas en effet la nécessité de stériliser l’eau qui doit être employée pour les water-closets, pour le lavage des rues, pour les fontaines jaillissantes, pour les machines à vapeur, etc. Quel que soit le moyen employé, en effet, il sera toujours extrêmement onéreux, s’il doit être appliqué à la totalité de l’eau consommée, par suite il sera toujours à peu près impra¬ ticable. A mon avis il faut donc abandonner ce problème qui me paraît, en effet, insoluble et accepter le principe que les eaux de distribution, quelle que soit leur origine, pourront toujours être contaminées acci¬ dentellement, ne serait-ce que par des réparations de conduite dans l’in¬ térieur d’une ville. Si vous admettez cette idée, le devoir des hygiénistes, comme le disait si bien M. Bechman dans une séance précédente, est de déclarer nettement la vérité, « car en ne l’avouant pas, on entretient dans le public des illusions qu’il faudra détruire un jour. » Nous serons donc, à mon avis, fatalement amenés dans un avenir pro¬ chain à envisager la question de la stérilisation des eaux de boisson, non à la source ou à l’arrivée dans les villes, mais au domicile même de la famille, et par suite de chercher à créer sur place une véritable petite source parfaite sous la surveillance pereonnelle des intéressés. Les moyens à employer pour obtenir ce résultat seront ceux que vous jugerez préférables : stérilisation par la chaleur, ozonification, filtration, procédé chimique, etc. Mais quel que soit le mode adopté, il faudra que chacun sache qu’il est intéressé personnellement à surveiller le bon fonc¬ tionnement de l’appareil. Si un accident, toujours possible, vient à se produire, il sera limité, même dans ce cas, aux personnes d’une même famille ou tout au plus d’une même maison, si l’appareil alimente toute une maison, au lieu d’avoir une répercussion sur la canalisation tout entière, comme c’est le cas lorsqu’un accident se produit dans un réser¬ voir central. J’arrive donc à la conclusion suivante : La stérilisation de l’eau à domicile s'impose ou s'imposera dans un avenir prochain. Maintenant, y a-t-il des moyens pratiques d’ari-iver à ce résultat? Ici, je me trouve un peu gêné, Je suis, en efîèt, l’auteur d’un filtre dont vous avez probablement entendu parler, et par ce fait je suis tenu à une grande réserve. Cependant, la question me paraît d’une telle impor¬ tance pour l’hygiène, que je no puis me résoudre à ne pas aller jusqu’au bout de ma pensée. J’éprouve le désir d’ailleurs de répondre à certaines affirmations ou à certaines opinions qui ont causé, à mon avis, un très grand préjudice à l’hygiène générale. Notre éminent président, M. Brouardel, disait dans la dernière séance : « J’émets des doutes sur l’efficacité du filtre à domicile ; le système peut être bon lorsque la personne qui l’applique est intelligente et soi¬ gneuse, mais si on le généralise et que tous sans distinction doivent on REV. d’hyg. xm. — 26 m SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE assurer le fonclionnement, j’eslime qu’il devient dangereux ; au point de vue pratique je ne connais pas de filtre excellent. » Je serais bien tenté de demander à M. Brouardel ce qu’il entend par un filtre excellent. Peut-être serait-il un peu embarrassé. Une personne moins compétente ne le serait pas, elle dirait ; C’est un appareil dans lequel on verse de l’eau, laquelle passe instantanément dépouillée de tous ses microbes ou germes et cela d’une façon indéfinie sans qu’on ait besoin de le surveiller ou de le nettoyer en aucune façon. Ce n’est pas là assurément la pensée de M. Brouardel. Un tel appareil n’existera jamais. Un filtre s’encrassera toujours puisqu’il est destiné à arrêter les microbes et les particules en suspension dans l’eau, et même, il s’encrassera d’autant plus qu’il fonctionnera avec plus de per¬ fection. Mais M. Brouardel est resté sans doute sous l’impression de ce fait, que tous les filtres, y compris les plus parfaits, se laissent traverser, au bout d’un temps plus ou moins long, par des microbes. Ici, je vous demande de serrer le problème de près. Le fait est par¬ faitement exact, et bien plus, ce fait se produira quelle que soit la nature du filtre, parce que quelque petits que soient les pores filtrants, certains microbes pourront toujours les traverser, par voie de' reproduc¬ tion et de multiplication de proche en proche à travers les parois du filtre. Ce fait se produira au bout d’un temps plus ou moins long suivant la nature de l’eau et sa température. Avec de l’eau fraîche ou froide, ce temps peut être très long, quinze jours et plus. Aussi suffit-il de mettre de la glace autour d’un filtre qui s’est laissé traverser par. les microbes, pour constater que l’eau qui continue à filtrer est devenue à peu près pure et ne contient plus ou presque plus de microbes. C’est que la pul¬ lulation de ces microbes a été arrêtée par le froid. D’où l’indication de placer les filtres dans un endroit frais. C’est en se basant sur le fait du passage des microbes au bout d’un certain teqips de fonclionnement des filtres que beaucoup de médecins consultés sur ce qu’il y a de mieux à faire en temps d’épidémie, répondent invariablement : Buvez de l’eau minérale, ou bien faitès bouillir votre eau de boisson. C’est facile à dire Faites bouillir votre eau, mais c’est moins facile à réaliser. Quand votre eau'aété portée à l’ébullition, ce qui est déjà assez long si le volume est un peu notable, il faut la laisser refroidir, l’aérer, etc., et après cela on obtient une eau fade plus ou moins désagréable. Aussi qu’arrlve-l-il ? On fait bouillir son eau une fois ou deux, puis on ne la fait plus beuillir du tout et on se trouve exposé à la contagion. Ne vaudrait-il pas mieux dire à ceux qui vous demandent conseil : Plongez votre bougie pendant cinq minutes dans l’eau bouil¬ lante et vous obtiendrez en vingt-quatre heures plus de 100 litres d’eau sûrement et absolument pure, aérée et contenant tous ses cels en disso¬ lution. Cette eau vous pourrez la metü’e en bouteilles ou dans d’autres récipients au frais ou dans une cave, et vous en servir au fur et à mesure de vos besoins, et quand bien môme, ce qui n’est pas, vous devriez plonger tous les jours votre bougie pendant cinq minutes dans l’eau M. CHABAL. — LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 403 bouillante, vous auriez encore un immense avantage à pratiquer celte opération plutôt que de taire bouillir l’eau. Mais heureusement il n’est pas nécessaire de plonger la bougie dans l’eau bouillante aussi fréquemment. Les microbes, non seulement ne tra¬ versent pas les filti'es aussi rapidement, mais de, plus, il faut se demander quels sont les microbes qui ont la faculté de les traverser au bout d’un temps plus ou moins long ? Voilà le point capital sm- lequel je désire appeler particulièrement votre attention. Je vous ai indiqué tout à l’heure le mode de propagation des microbes à travers les parois du filtre. Il faut la multiplication, c’est-à-dire un milieu favorable et des conditions de température. Ces conditions sont- elles remplies pour les microbes que nous avons surtout à redouter, comme ceux de la fièvre typhoïde et du choléra V Je ne voudrais pas vous donner des expériences personnelles, elles pourraientiparaître inté¬ ressées; mais il y a déjà plusieurs années, deux savants anglais fort dis¬ tingués, MM. G. Sims Woodhead et G.-K. Cartwright Wood, ont publié dans le Britsh medical Journal, numéros de novembre, décembre il89.4 et janvier 1893, les résultats obtenus pai’ eux. à la -suite d’expériences sur tous les filtres ou à peu près tous les filtres existant à cette épo([ue. Tous laissèrent passer directement les microbes, sauf ceux à base de porcelaine ou substances similaires à pores fixes. Les microbes banaux de l’eau étaient aiTêlés par ces filtres ipendant un tem|>s plus iOu.moins long. Ils ajoutèrent alors des microbes de la fièvre typhoïde ^ou du choléra dans l’eau à filtrer. Or pour.tous ces filtres, jamais, dans aucun cas, dans les conditions les plus variées, avec des eaux de nature très différente, môme après plusieurs semaines, ils ne purent constater la présence des bacilles de la fièvre typhoïde ou du -choléra dans. le produit filtré. Aussi leur conclusion est-elle : « Autant que les expériences peuvent nous guider en pareille matière les bougies Chamberland-^Pas- teur fournissent une sauvegarde parfaite contre le passage des orga¬ nismes pathogènes. » Ge résullat semble indiquer que ces microbes ne se cultivent pas, ou hàs difficilement dans l’eau, et ce résultat était à prévoir, car si ces microbes se cultivaient dans l’eau ordinaire ils ne disparaîtraient pas d’une eau qui am-ail été contaminée à un moment donne. La contagion par l’eau serait donc permanente pour ainsi dire, ce qui n’est pas, comme on le sait depuis longtemps. Bien plus, M. E. de Vvcudonccich (Annales de .micrographie, ssmée 1892, tome IV, p. 362) et M. le D'’ Miquel (Mômes annales, année -1893, tome V, p. 142) ont constaté que, même avec un 'bouillon propre à la cultuic du bacille typhique, ce microbe ne traversait pas les parois-jde la bougie. Ainsi les microbes qui dans certaines conditions finissent par traverser les parois de la bougie sont des microbes banaux de l’eau qui ne peuveni affecter en aucune fagon la santé. Les microbes dangeieux sont toujours éliminés par la filtration. Dans ces conditions, messieurs, je ne puis pas comprendre comment 40* SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE des hygiénistes éminents persistent à déclarer qu’il n’existe pas un bon filtre. Avant d’émettre une telle opinion qui est si decevante pour l’hy¬ giène, je ne crois pas être trop exigeant en leur demandant d’en faire une étude raisonnée et scientifique, et alors je suis convaincu qu’ils fini¬ ront par être de mon avis. Ils acquerront la conviction qu’il existe des filtres excellents qui permettent de se procurer partout, à la ville comme à la campagne, de l’eau absolument pure sans aucun danger de conta¬ mination. Alors un grand pas en avant aura été fait en faveur de l’hygiène publique. On ne se trouvera plus acculé comme on l’est aujourd'hui à faire des dépenses considérables pour capter des eaux de sources de plus en plus éloignées lesquelles seront toujours insuffisantes et ne donneront qu’une sécurité ti’ompeuse et illusoire. M. LE Président. — Je n’ai jamais dit que l’eau était le seul véhicule de propagation de la fièvre typhoïde. J’ai simplement dit, au Congrès de Vienne en 1882, que 90 fois sur 100 l’origine de la fièvre typhoïde était hydrique, et encore n’ai-je jamais eu l’intention de fixer un pour¬ centage rigoureusement mathématique. Je trouve M. Chamberland terriblement sévère pour les amenées. Tout ce que Ton peut dire c’est que des erreurs ont quelquefois été commises. M. Chamberland a cité une phrase qui m’est attribuée dans le procès- verbal de la dernière séance. J’ai voulu dire que l’efficacité d’un filtre dépendait de la surveillance dont il était l'objet. Le filtre Chamberland a été appliqué dans l’armée ; Dans certains corps il a donné des résultats excellents, dans d’autres de médiocres. Combien trouverez-vous d’habi¬ tants, notamment dans les petites villes et les campagnes, qui sauront bien surveiller un filtre ? Si vous pouvez obtenir l’installation dans des maisons très peuplées, dans des collectivités, de batteries de filtres dont le fonctionnement sera confié à un homme compétent et spécialement chargé de la surveillance, vous atteiùdrez le but désiré, mais si vous remettez le soin du filtre à une cuisinière quelconque, les résultats obtenus seront déplorables. En résumé, je ne vois pas bien les filtres excellents confiés à des mains inexpérimentées et je crois que le premier souci que nous devons avoir c’est de distribuer de l’eau bonne. M. Chamberland. — J'insiste moins sur le filtre que sur l’importance capitale de dire aux populations ; les eaux que nous vous donnons sont aussi bonnes que possible, mais nous ne pouvons pas vous assurer que ces eaux sont parfaites. Je citais à ce propos les paroles de M. Bech- mann. M. LE Président. — Je ne crois pas qu’il y ait au monde quelque chose de parfait; mais quand nous donnons à une ville une eau aussi bonne que possible, et qu’il en résulte une diminution de moitié dans la mortalité typhique, nous donnons à la population une sécurité relative. Ceux qui veulent ensuite augmenter cette sécurité par l’emploi d’un bon filtre peuvent le faire. M. CHABAL. — LES FILTRES A SABLE ET LA FIÈVRE TYPHOÏDE 405 M. Ghamberland. — Vous ne trouverez plus nulle part de sources assez abondandes pour alimenter une grande ville. M. LE Président. — Que l’on ne trouve plus de sources assez abon¬ dantes pour les très grandes villes, c’est possible. Mais il ne faut pas tou¬ jours penser à Paris et aux énormes agglomérations : pour les petites villes, nous devons leur amener de l’eau de source. 11 ne faut donc pas décourager les populations. M. Chabal. — Je tiens à appuyer ce qui a été dit par M. le Président, en ce qui concerne la fausse sécurité donnée par les filtres. Pendant une période de vingt-huit jours, mon ordonnance était chargé de l’entretien du filtre de la batterie. Lui ayant demandé ce qu’il faisait lorsqu’il trouvait une bougie cassée, il me répondit qu’il la remettait en place sans tenir compte de son mauvais état. M. Chambebland. — Quand on agit ainsi, le danger provient du fait de ceux qui n’ont pas voulu s’occuper sérieusement de leur appareil. On ne peut donc pas dire que c’est le filtre qui est dangereux. M. Trélat. — Je crois que tout le monde peut être d’accord en disant qu’il faut tâcher de donner le plus d’eau de source possible aux popula¬ tions et que chacun ait en outre son filtre à soi, mais qu'il l’entretienne avec soin. M. Bbrthold. — M. Ghamberland a considéré comme définitivement admis que la contagion ne se fait pas par l’air. Pour certaines régions, c’est vrai ; mais à Paris, dans des voies insuffisamment arrosées, l’air est tellement poussiéreux qu’il peut servir à la transmission des maladies. Get air est vicié par les fumées, les poussières, les crachats, le crottin des chevaux, etc. Je me rallie absolument à ce qui a été dit par M. le Président, je crois que les poussières de l’air ont une importance capitale. Nous devons donc demander qu’on arrose la voie publique, spécialement lorsqu’elle est pavée en bois. M. Bechmann. — Je crois qu’on a exagéré un peu ce que j’ai dit à propos de l’alimentation d’eau des villes. Il n’était certes pas dans ma pensée qu’on dût se décourager, s’arrêter dans la recherche du progrès ; je crois au contraire que dans chaque circonstance il faut s’efforcer tou¬ jours de faire pour le mieux. Seulement, j’estime qu’il convient de mettre les esprits simplistes en garde contre des illusions trompeuses et de ne pas induire le public en erreur en lui faisant entrevoir un idéal que nous ne saurions atteindre. Il est certain que l’œuvre de Belgrand mérite les éloges et l’admirâtion de tous ; il est hors de doute que ses successeurs ont fait tous leurs efforts pour l’améliorer tout en l’étendant ; et n’est-il pas permis de dire que les récriminations voire les accusations qui ont été dirigées contre notre distribution d’eau sont vraiment injustifiées? Or, ne partent-elles pas simplement de cette idée que la perfection n’a pas été atteinte? S’il m’est permis de chercher une comparaison dans un tout autre i06 SOCIÉTÉ D& MÉDECINE PUBLIQUE ordre d’idées,- je demanderai si l’on doit renoncer à se servir des che¬ mins do fer ou négliger toutes recherches en vue d’y .augmenter les garanties de sécurité, parce que de l’aveu de tous on y sera- toujours exposé à des accidents '? La réponse n’est pas douteuse. Proposons-nous .donc sans cesse un idéal vers lequel devront tendre tous nos efforts; mais,. n’oublions pas qu’il n’est pas donné à l’humanité de l’atteindre et qu’elle doit se contenter d’en approcher de plus en plus. M. Chamberland. — Je ne vous ai. pas incriminé,. vous avez amené des eaux de source, vous avez bien fait ; mais, à côté existe quelque chose d’utile : le fillrov servez-vous-en. L’ordre du jour appelle la communication de M; Launay, sur VÊpurütim bactérienne des eaux d'égout. RÉFLEXIONS SUR L’ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT Par M: Félix LAUNAY, Ingénieur en chef de l’assainissement de Paris. Jè voudrais retenir pour quelques instants seulement votre atten¬ tion, Messieurs, sur les nouveaux procédés d’épuration des eaux dlégout dits procédés biologiques, ou bactériens. Vous n’ignorez pas que, dans ces dernières années, de grands progrès ont’été réaliséa-eii An'gleten’e, depuis'1896, par la substi¬ tution des procédés biolôgiques anx procédés chimiques d’épuration dès eaui d’égout. Des recherches très intéressantes ont été poursuivies sous l’ins¬ piration de savants et d’ingénieurs parmi lesquels MM. Frankland, Roseoe, Dibdin,. Gameron,. Seott-Moncriefj Rideal, Ducat, Whit- taker, et il semble bien que l’on soit en possession de procédés des¬ tinés à supplanter les traitements chimiques, si en faveur jusqu’ici en Angleterre, parce qu’ils en suppriment les inconvénients, notam¬ ment l’accumulation des boues. L’administration municipale de la ville de Paris- ayant juge les essais entrepris assez intéi-essants pour motiver une étude sur place, je me suis rendu, à cet effet, en Angleterre au mois de novembre dernier, et j’ai eu la bonne fortune d’y être accompagné par notre éminent. collègue, M...le D' Galmette, directeur de l’Institut Pasteur d© Lille. M. F. LAUNAY. - ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 40T Successivement à Hampton, à Sutton, à Guilford (aux environs de Londres), puis à Leeds, à Salford et à Manchester, nous avons pu non seulement étudier les nouveaux procédés à l’essai, mais encore constater que des applications en grand sont réalisées et que l’épuration bactérienne entre dans la pratique de l’assainissement des villes, même avant que le Local Government Board, qui repré¬ sente en Angleterre l’équivalent de notre Comité consultatif d’hy¬ giène publique, se soit prononcé officiellement sur l’admission du système. Nous avons rapporté, M. le D' Calmette et moi, cette impression que les procédés biologiques sont véritablement sortis de la période d’incubation du début et entrés décidément dans le domaine de la pratique, puisqu’il y a actuellement plus d’une centaine d’épura¬ tions bactériennes en projet ou en cours d’exécution pour des villes de toutes importances, jusqu’à 100,000 habitants comme à Wal- thamston, et même 500,000 habitants comme à Manchester. Mon intention n’est pas d’entrer dans les détails théoriques et techniques des procédés biologiques ; ceux de nos collègues que la question intéresse les trouveront soit dans mon rapport de mission en Angleterre publié par les soins de la ville de Paris, soit dans le rapport de M. le D' Calmette, publié par la Revue d’ Hygiène de mars 1901, et par la Revue municipale du 23 mars 1901, soit enfin dans une brochure de M. Thudichum sur L’épuration bac¬ térienne des eaux d’égout, que j’ai rapportée et ti-aduite en raison de l’intérêt qu’elle présente sous une forme concise et facile à lire*. Je voudrais seulement, pour aujourd’hui, vous soumettre quelques réflexions sur l’état présent de la question et sur l’avenir immédiat qui me paraît lui être réservé de ce côté du détroit, appeler l’atten¬ tion des hygiénistes et des bactériologistes sur l’intérêt théorique et pratique de l’étude des nouveaux procédés, et en même temps indi¬ quer les réserves dont il y a lieu d’entourer leur application en France. En Angleterre, il faut bien le dire, les procédés biologiques ont été accueillis avec un véritable enthousiasme. Et cela s’explique, quand on songe que dans ce pays où une autorité vigilante préside à la protection des cours d’eau et où toutes les villes, depuis la gi'ande cité jusqu’aux petites bourgades, sont strictement obligées de 1. Béranger, éditeur, i.S, des Saints-Pères. i08 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE s’occuper de l’épuration de leurs eaux d’égout, on a dû , presque partout, avoir recours à l’épuration chimique faute de pouvoir ren¬ contrer les conditions favorables à l’épandage si éminemment rem¬ plies par nos graviers de la vallée de la Seine. Or, tous les procédés chimiques de précipitation produisent des boues ; ■ les boues sont une plaie, une abomination, la bête noii-e des ingénieurs, suivant l’expression consacrée chez nos voisins. Avec quelle faveur ne devait^on pas accueillir cette idée simple, qui consiste à laisser agir les nàicro-organismes dont pullulent les eaux d’égout pour obtenir leur purification, au lieu d’employer des produits chimiques coûteux et qui, la plupart du temps, contrarient la nature et nuisent précisément au développement des espèces microbiennes, agents actifs de la désintégration des molécules orga¬ niques complexes. Parmi les diverses combinaisons des procédés biologiques d’épu¬ ration des eaux d’égout dont l’application a pu déjà être réalisée pratiquement dans plusieurs villes anglaises, il existe deux types principaux, suivant la prédominance donnée à l’action des aérobies ou des anaérobies : le premier, dit procédé de Dibdin ou de Sutton, avec lits de contact aérobies, et le second, dit procédé du Septic tank, appliqué pour la première fois par M. Cameron à Exeter et basé principalement sur l’action des anaérobies. Le succès obtenu dans les deux premières applications de Sutton (ville de 17,000 habitants) et d’Exeter (sur un quartier de 2,000 habi¬ tants) détermina une véritable floraison de procédés variés, où les actions aérdbiques ou anaérobiques sont diversement combinées, comportant pour la plupart la fosse septique et la filtration, soit in¬ termittente sur des lits de contact en coke, mâchefer ou argile cuite, soit la filtration continue sur des lits composés de matériaux analo¬ gues avec distribution de l’eau en pluie (système Waring, système Ducat, système Whittaker à Accrington, etc.) Quelques esprits chagrins regretteront peut-être que la direction des essais ait quelque peu manqué de méthode et de rigueur scien¬ tifique, surtout au point de vue bactériologique. Qu’importe, puisque des résultats certains et tangibles ont été obtenus. Quoiqu’il en soit, de tous les systèmes essayés, celui qui paraît donner les meilleurs résultats pour l’épuration en grand des eaux d’égout d’une ville importante et qui a été adopté officiellement par Manchester à la suite d’expériences très complètes, contrôlées par M. F. LAUNAY. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 409 un comité de 3 experts : MM. Baldwin-Latham, Percy, Frankland et Perkins, est un système mixte empruntant au Septic tank de Cameron le principe de la fosse septique et à Dibdin les lits bacté¬ riens aérobies avec double contact. Dans ce système, l’épuration biologique de 100,000 mètres cubes d’eau d’égout par jour exige une surface totale de 26 hectares seu¬ lement. Cette surface extrêmement réduite doit être comparée, par exemple, avec celle qui est nécessaire dans le système parisien de l’épuration par le sol soit 900 hectares; on voit qu’à surface égale le traitement bacté¬ rien permet d’épurer 36 fois plus d’eau d’égout. Il est impossible de ne pas être frappé des i-ésullats qui ont été obtenus à Sutton, Leeds, Worcester-Park, Oswestry, Hampton, Alton, Maidstone, Aylesbury, Woadford, etc., par le système Dibdin; à Exeter, Yeovil, Barrhead, par le système Cameron; à Accrington, par le procédé Whittaker ; à Manchester, par le procédé mixte de ta fosse septique avec double contact aérobie, etc., et ces résultats sont, à coup sûr, assez concluants pour qu’il y ait intérêt en France à étudier la question de très près, car il est certain que les procédés bactériens pourraient trouver leur application dans un grand nombre de cas où, faute de teiTains appropriés, il est impos¬ sible de recourir à l’épuration par le sol. Ils ont d’ailleurs l’avantage de pouvoir se fractionner et chaque village, chaque établissement public, chaque industrie, chaque maison de campagne peut, pour ainsi dire, avoir sa propre installa¬ tion .qui, sans dépense excigérée, épure ses eaux résiduaires et empêche la contamination des cours d’eau voisins. Mais, avant d’en recommander l’application aux grandes villes comme Paris, il faut se rendre compte de ce que les procédés sont susceptibles de donner, eu égard aux circonstances locales. C’est dans cet esprit de prudence que le Conseil municipal de Paris a bien voulu accorder un crédit d’études de, 23,000 francs pour des essais et la création d’un laboratoire ; il importe, en effet, de savoir comment et dans quelles conditions les procédés nou¬ veaux pourront être adaptés aux eaux d’égout parisiennes différant par leur nature du sewage des villes anglaises, plus diluées, moins 410 SOCIÉTÉ DE MÉDECJNE PUÜLIQUE riches en matière organique soluble, contenant plus de matières minérales inertes comme les sables. Ce laboratoire fonctionne aujourd’hui et j’espère que nous pourrons vous apporter, dans uné prochaine communication, le résultat de nos constatations. MM. Duelaux et Roux veulent bien d’ailleurs nous éclairer de leurs conseils. M. le D'' Galmette, de sou côté, a institué dans son laboratoire des expériences fort intéres¬ santes sur l’épuration bactérienne des eaux de l’abattoir de Lille et sur l’épuration des eaux d’égout de villes par les procédés mixtes, chimiques et biologiques. Mais, les premiers résultats, si encourageants qu’ils soient, prou¬ vent qu’il faut-être assez réservé et se garder de conclusions pré¬ maturées. Les eaux épurées par les procédés bactériens sont considérce.s comme remarquables - par les Anglais qui les comparent aux effluents de l’épuration chimique ; mais elles sont, à coup sûr, inférieures aux eaux de drainage de notre épuration par le sol que l’épreuve bactériologique place au premier rang des eaux pures ; très riches en bactéries, elles parai.ssent même contenir encore de la matière organique. 3L Duelaux émettait d’ailleurs dernièrement des doutes sur la possibilité d’une destruction de la matière organique si rapide par l’action du Septic tank, et M. Calmette arrive à cette conclusion que la fosse septique laisse dans les eaux de l’a/.ote albuminoïde non attaqué que les lits aérobies ne parviennent pas ensuite à faire disparaître et qu’on retrouva dans l’effluent ; l’épuration ne serait donc pas complète. Ne serait-ce pas pour cette raison que le Local Government Board hésite tant à autoricer officiellement le rejet des eaux provenant des lils bactériens dans les rivières ? Il se pourrait donc que l’épuration bactérienne ne fût pour nous qu’un pis aller et, encore une fois, il faut se défier de généralisa¬ tions trop hâtives auxquelles pourraient être entraînés les adver¬ saires de l’épandage. 11 ne s’agit donc pas de bouleverser l’état de choses actuel ni de modifier ce qui a été fait à Paris, car l’épuration par le sol conserve son incontestable supériorité; mais j’entrevois que l’épuraliou bac¬ térienne pourrait être employée comme auxiliaire et comme régula¬ teur de l’épandage. Dans l’état actuel, une des difficultés de l’épandage est le défaut M. F. LAÜNAY. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT *11 de parallèlisme entre les besoins de l’utilisation, c’est-à-dire de la cullure, et les nécessités de répiiralion, et cette difficulté est accrue par l’irrégularité du débit des égouts; ils semble que les lits bacté¬ riens, qui permettraient à certains moments d’épurer le trop plein des champs d’irrigation, doivent fournir un moyen de parer à ce défaut de concordance et de rétablir rharmonie nécessaire entre l’épuration et l’utilisation sans jamais compromettre les récoltes. Ce serait donc un excellent régulateur pour la culture. Certes, l’épuration par le sol a donné d’excellents résultats avec la cullure libre, la presqu’île de Gennevilliers en est la meilleure preuve. Mais sur les domaines municipaux, en proportion relativement restreinte puisqu’ils n’occupent que 1,600 hectares sur o,000, les résultats écoiomiques sont moins bons, parce que la cultui'e muni¬ cipale est subordonnée à la nécessité d’absorber ce que la culture libre refuse. L’épuration bactérienne, en rendant une complète élas¬ ticité à la distribution des eaux d’égout inetiraitles domaines muni¬ cipaux dans une situation aussi avantageuse que celle de la cullure libre et qui consiste à ne recevoir l’eau en tout temps que dans la proportion exacte des besoins des récoltes. Etudions donc avec confiance les procédés bactériens; sacbons nous garder des illusions dangereuses. Nous pouvons être assurés que notre prudence et nos efforts seront récompensés. Ne tirerait-on de ces recherches que les avantages indiqués plus haut, que l’hygiène serait encore redevable d’une conquête de plus aux idées pasteuriennes. DrscLssioN. M. Ghardox. — Un voyage en .Angleterre accompli récemment avec notre collègue M. Lanseigne nous a jiermis de constater l’excellence et l’économie des résultats obtenus par les procédés que JI. Launay vient de vous décrire. Il nous a été fourni une liste de plus de lOü villes qui les appliquent ou sont on voie de transformation peur les appliquer. 11 nous a paru toutefois que la distinction un peu tranchée qu’a semble faire ce soir M. Launay, entre l’emploi de la fosse septique attribuée à M. Gameron et celui des filtres intermittents préconisés surtout par M. Dibdin, n’était pas aussi formelie dans la pratique, car toutes les installations qu’il nous a été donné de visiter associent les doux modes d’épuration et utilisent successivement les microbes anaérobies et aérobies. A Exeler, les travaux considérables effectués sons la direction de M. Gameron pour l’épuration de la totalité des setvagos de la ville com¬ portent G fosses septiques et 12 filtres de grandes proportions. Bien plus, sur l’invitation de M. Dibdin lui-mètne nous sommes allés 412 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE visiter enlre autres la petite installation de Worcesler Park, remarquable par l’économie réalisée dans sa construction, car elle ne comporte guère que des bassins en terre, et nous n’avons pas été peu surpris de voir le premier bassin transformé en fosse septique à air libre. L’ingénieur chargé de l’exploitation nous a appris qu’il avait opéré cette adjonction de son autorité privée, et que ce double traitement don¬ nait seul à ses eaux la pureté recherchée et dont la commission de sur¬ veillance eut entière satisfaction. C’est donc comme l’ont établi les expériences de Manchester le pro¬ cédé mixte qui parait donner les résultats les plus complets. M. Launay. — Je n’ai fait de distinction tranchée entre le procédé de Gameron et la méthode Dibdin que pour la facilité de l’exposition et de l’analyse théorique; je reconnais bien volontiers, et l’exposé complet de mon rapport de mission le fait ressortir, qu’en pratique les actions anaé- rpbiques et aérobiques sont diversement combinées et enchevêtrées, mais il fallait bien dégager les principes pour mieux fairè saisir les appli¬ cations. M. Chabdon. — Je voudrais ajouter quelques mots sur la situation faite en France à tous ceux qui s’occupent de ces questions d’assainisse¬ ment et d’épuration des eaux d’égout. J’ai parlé de là visite que nous avons faite à M. Dibdin qui accueille toujours fort aimablement nos compatriotes et a bien voulu nous fournir tous les renseignements que nous lui demandions. Néanmoins, à la fin de l’entretien, il n’a pu s’em¬ pêcher de nous dire : « Vous autres Français vous êtes tous les mêmes, a vous venez ici me demander des documents et mettre à contribution « mon expérience que je vous offre bien volontiers, mais, une fois que ■> vous avez repassé le détroit, on n’entend plus parler de vous. » Nous avons dû rappeler àM. Dibdin que, si l’Angleterre possède des lois qui forcent les villes à épurer leurs eaux et les empêchent d’en souiller les fleuves, il n’en est pas de même en France et lorsqu’une municipa¬ lité manifeste à cet égard une intention favorable, il u’existe aucun moyen de faire passer dans la pratique cette velléité sanitaire. Le maire fait bien parfois établir un projet d’assainissement, mais, lorsqu’on le lui présente avec le devis des sommes à dépenser, ne trouvant dans la loi aucun moyen de gager ces dépenses, qui ne sont pas obligatoires, il met le projet dans un carton où il va dormir indéfiniment sous une éti¬ quette qui fait l’ornement de son cabinet. 11 faut que cela change. Il faut que, comme cela se pratique en Angle¬ terre, les villes françaises aient, de par la loi, le devoir de s’assainir et d’épiu’er leurs eaux résiduaires et je me permets d’appeler toute l’atten¬ tion de la Société sur la nécessité d’obtenir enfin des pouvoirs publics le vole de cette loi qui nous est promise depuis si longtemps, et qui n’aboutit pas. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu proposé par M. Chardon, que les pouvoirs publics hâtent le vote de la loi sur la santé publique. Ce vœu est adopté à l’unanimité. D' BERTHOD. — DÉCLARATION OBLIGATOIRE DE LA TUBERCULOSE il3 LA DÉCLARATION OBLIGATOIRE DE LA TUBERCULOSE Par le D' BERTHOD Pour uu certain nombre de maladies transmissibles, contagieuses ou épidémiques, la loi de 1892 a imposé aux médecins la déclara¬ tion obligatoire sous peine d’amende ou de prison en cas de réci¬ dive. Cette déclaration obligatoire avait pour but louable la désin¬ fection. Aujourd’hui, il est constant que dans un très grand nombre de cas, la moitié au moins, ici à Paris, la déclaration n’est pas faite : c’est apparemment qu'elle ne peut l’être, car le médecin générale¬ ment, ami du progrès et de l’hygiène — à l’encontre même de son intérêt direct — n’aurait aucune raison de s’y opposer personnelle¬ ment si le silence ne lui était souvent recommandé par ses clients (boutiquiers, pensions, hôtels). Il est à remarquer en outre que la déclaration par lettre, ainsi qu’elle est pratiquée à Paris dérange peu, et s’efforce de sauvegarder — dans une certaine mesure au moins — le secret. professionnel. La collectivité a cependant intérêt à ce que cette déclaration soit faite. Elle doit y inciter le médecin, lequel pourrait d’ailleurs pres¬ que toujours s’y soustraire, s’il le voulait, sous couleur d’incer¬ titude. du diagnostic; il importe donc de ménager un amour-propre professionnel légitime, en respectant le caractère d’ami, de confi¬ dent familial, dont s’honore le médecin. J’ajoute qu’il paraît naturel et logique qu’au cas de maladie, comme pour une naissance, l’au¬ teur ou le responsable soit personnellement astreint à la déclara¬ tion. A tous ces différents titres je pense que la déclaration obliga¬ toire des maladies dans les cas où elle est imposée, doit être faite par le chef de famille ou logeur et à son défaut seulement par le médecin traitant. Vous savez, messieurs, que la déclaration est imposée suivant une liste de maladies arrêtée par le Conseil d’hygiène de France et 'Académie de médecine; or il est question d’ajouter sur celte liste tuberculose. Nous croyons cependant qu’à l’heure actuelle la tuberculose ne généralement pas être soumise à la déclaration obligatoire; la 414 SOCIÉTÉ DE MÉDECI.NE PUBLIQUE présente coramuiiication pourrait ainsi être plus justement intitulée : Conlre la déclaration obligaloire de la tuberculose. Le Congrès international d’hygiène de 1900 demandait, il est vrai, la déclaration pour \a,itubermlose ouverte, c’est-à-dire bacté- riologiquemeiit reconnue, ftlais cette distinction d’ouverture et de laboratoire était sans doute peu ipratique, t-on faire? désin¬ fecter... mais quand et combien de fois? avez-vous .pensé. au maté¬ riel nécessaire, ètantdonné le membre considérable.des tuberculeux ! et, sans vouloir diminuer 'en rien de .mérite de cette représeiitatioii d’hygiène, ne craignez-vous pas de disqualifier la désinfection" — qu’on commence seulement à admettre, malgré ses cniiiiis, il faut bien le dire — en la .faisant voir trop commune .et sans doute inefficace. D' BERTHOD. — DÉCLARATION OBLIGATOIRE DE LA TUBERCULOSE 413 Établira-t-on la mise en carte pour les tuberculeux, un livret sanitaire avec photographie et bréviaire hygiénico- diététique, un brassard ou une cocarde pathognomonique? Allez-vous à défaut de sanatorium rétablir des ghettos modernes, pour ces parias ou des parcs pour ces lépreux nouveau siècle? On- m’objectera que certaines de ces mesures ont été proposées dans d’autres pays. Je répondrai que nous vivons en France avec les défauts de nos qualités sans doute, impressionnistes et modistes, dit-on, mais frondeure et chatouilleux de notre liberté, non encore caporaux ni caporalisés; et je considère que des mesures moyen âgeuses et inhumaines vis-à-vis de la tuberculose, sont inapplicables dans notre pays. Pour toutes ces différentes raisons je crois que la déclaration obligatoire ne doit pas être imposée pour la tuberculose. Les deux conclusions qüe j’ai eu l’honneur de vous soumettre sont celles de la Société médicale du 1X“ arrondissement et de la Société médico-chirurgicale, deux des plus vivantes et des plus nombreuses de Paris. Elles répondent, j’en ai la conviction, à l’opinion médicale; elles sont d’intérêt général : c’est pourquoi je demande à la Société de Médecine, publique de vouloir bien désigner une commission qui présentera son rapport dans une prochaine séance, afin de nous éclairer pour la discussion. Discussion. M. LE Président. — M. Benliod doit se rappeler qu’au Sénat, sur la première proposition, nous avons eu un échec. Le gouvernement et la commission du Sénat avaient proposé que la déclaration fût faite par le chef de famille, le logeur, ou à leur défaut pai- le médecin. Celte proposition fut combattue au moyen de considérations surtout sentimentales et bien que j’aie fait, en qualité de commissaire du gou¬ vernement, une tentative pour la soutenir, elle fut écartée. La question ayant fait l’objet d’un vote au Sénat ne peut être reprise que lorsque la loi viendi-a devant la Chambre. Pour la seconde question, il y a eu une confusion. M. Treille a fait remarquer qu’il était extraordinaire d’avoir inscrit la tuberculose sur la liste des maladies contagieuses. Je suis contraire à la déclaration obligatoire de 1^ tuberculose. Je crois qu’à ce point de vue il faut faire la conquête du corps médical et qu’il appartient au médecin de conseiller la désinfection suivant les cas et sans apparat. D'une façon générale je serais assez d’avis que la déclai-alion soit obligatoire pour le logeur. 416 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE J’ai constaté la saleté des logements loués à des prix infimes. Dans les hôtels, il y a des mesures à prendre à la sortie des voya¬ geurs. Je propose à la Société la nomination d’une commission qui serait chargée de présenter des conclusions sm* les propositions de M. Berthod. Cette commission serait composée de MM. Vallin, Berthod, Louis Mai’tin, Drouineau et Letulle. Cette proposition est adoptée. LE SANATORIUM D’ANGICOURT Par M. BELOUET » Architecte de l’Assistance Publique. Le sanatorium d’Angicourt a été ouvert le 26 octobre 1900. Déjà bien des choses ont été dites et écrites à son sujet; mais, encouragé par le bon accueil qui a toujours été fait ici aux com¬ munications de ce genre, j’ai cru devoir, au nom de l’administra¬ tion de l’Assistance publique et en mon nom personnel, apporter à la Société de Médecine publique et de Génie sanitaire quelques renseignements précis, tant sur la genèse quelque peu laborieuse de cet établissement, que sur sa situation, les dispositions générales et particulièi-es du plan d’ensemble et des services de toutes sortes, et enfin sur les détails de construction et d’exécution. Depuis de longues années, l’administration de l’Assistance publique, préoccupée des dangers de contamination continuellement entretenus par la présence dans les salles de ses hôpitaux, de phti¬ siques de plus eu plus nombreux, cherchait, sur les réclamations incessantes du corps médical et dans l’intérêt de ses malades, les moyens pratiques d’assurer le traitement hygiénique de la phtisie, soit dans les hôpitaux existants, soit dans des établissements spéciaux à créer. Dès l’année 1890, sur la demande de M. Peyron, directeur de l’administration, M. le D' Nicaise, ancien membre du Comité de surveillance des' hôpitaux de Paris et chirurgien de l’hopilai Laënnec, voulut bien, avec son incontestable expérience en la 1. Communication faite à la Société do Médecine publique et do Génie sanitaire dans la séance du 14 avril 1901. M. BELOUET. - LE SANATORIUM Û’ANGICOURT il! matière, tracer les grandes lignes d’un programme de sanatorium pour phtisiques*. Ce sont ces données générales, complétées par les indications de la Commission d’hygiène hospitalière et de la Commission spéciale de la tuberculose que l’administration s’ est dès lors efforcée de réaliser aussi intégralement que possible. Au commencement de l’année 1891, je fus chargé par M. Peyron de dresser un plan schématique d’un sanatorium de 1(10 lits sui¬ vant les données du programme de M. le D’’ Nicaise, mais sui' un emplacement indéterminé, l’administiation faisant rechercher à ce moment des terrains dans les départements limitrophes du dépar¬ tement de la Seine. Diverses propriétés furent successivement proposées : à Fontai¬ nebleau d’abord, sur les limites de la forêt domaniale, puis à Forges-les-Bains, dans le voisinage de l’hôpital des enfants, puis à Cheptainville, en Seine-et-Oise. Tous ces emplacements furent successivement rejetés pour diverses raisons, et notamment pour insuffisance ou difficultés d’approvisionnements en eau potable, difficulté d’évacuation des eaux usées et conditions d’acquisition trop onéreuses. L’administration pensa alors qu’on pourrait installer cet établisse¬ ment dans une de ses propriétés domaniales, à Bouillancy, dans l’Oise, puis enfin à Blanclieface, sur les confins de la Beauce, à quelques kilomètres de Dourdan. Cette dernière propriété, assez vaste, et boisée en totalité, parut d’abord convenable à bien des points de vue et je fus chargé de présenter un avant-projet pour un sanatorium de 100 lits. C’est à ce moment que, sur l’avis de M. le D‘' Nicaise, je fus envoyé en Alleniagre pour y étudier quelques-uns des remarquables hôpitaux récemment ouverts et particulièrement le sanatorium Fal- kenstein, près Fraiicforl-sur-le-Mein. M. le D' Deltweiler, médecin- directeur de ce dernier établissement, voulut bien m’y faire le plus cordial accueil et me fournir, au point de vue de l’installation d’un sauatoriuin, des i-enseiguemeiits absolument précis et en ([iiebpie sorte des formules qu’il considérait lui-même connue le résumé de sa longue expérience. 2. D'' NTc.vise. De l'étiibiissemont d’iiii snnatoricim pour 1rs plilisifiucs, tiulleliu general de llierapeiiliqiie, octobre 1890. REV. d’iiyg. XXlll. — '21 418 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE A mon retour, je présentai un projet comprenant un pavillon de 100 lits, avec salle de réunion et réfectoire annexes, et bâtiments distincts pour l’administration, la cuisine, la buanderie, les morts et les machines, groupés à quelque distance du pavillon des malades. ün puits de 62 mètres de profondeur devait alimenter l’établis¬ sement. Mais on se heurta là à une première difficulté qu’on était loin de prévoir, étant donné cette profondeur même. Des échantillons d’eau prélevés au puits du village par les soins du laboratoire de M. Pouchet, donnèrent des résultats assez dou¬ teux pour qu’on ait eu un moment l’idée de recourir à des appareils de stéi’ilisation pour les eaux spécialement destinées à l’alimenta¬ tion. Une étude d’adduction d’eau de provenance assez éloignée donna, au point de vue financier, des résultats inacceptables et l’affaire était en suspens lorsque après une seconde visite du conseil de surveillance, un rapport de M. le D’’ Millard, invoquant tout particulièrement l’influence des marées aériennes des plaines de la Beauce, les terrains de l’administration n’étant protégés pai' aucune hauteur, décida l’abandon définitif de ce projet. On se mit à la recherche de nouveaux terrains et quelques-uns encore furent rejetés. Enfin, vers la fin de l’aimée 1892, M. Émile Ferry, membre du conseil de surveillance, qui portait à ce projet un intérêt tout parti¬ culier, âignala à l’administration une fort belle propriété sise sur le territoire de la commune d’Angicourt, dans le département de l’Oise et dépendant de l’ancien domaine de Verderonne. Une commission du conseil de surveillance se transporta aussitôt à Angicourt et, séduite par l’ensemble des avantages qui s’y trou¬ vaient réunis, donna immédiatement un avis favorable à l’acquisi¬ tion de la propriété, avis qui fut ratifié par le Conseil municipal, sur le rapport de M. Strauss. Sur les indications de l’administration, je dus étudier sur ce terrain un avant-projet d’ensemble ; mais cette fois pour 200 malades (100 hommes et 100 femmes) et sur la donnée générale de l’instal¬ lation des différents services dans les bâtiments distincts et isolés. Cet avant-projet, qui différait fort peu du projet en cours de réa¬ lisation, et qui fut accepté par l’administration et les différents con¬ seils , comprenait deux grands pavillons de cent lits chacun, un M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 419 grand réfectoire commun relié à ces pavillons par des galeries cou¬ vertes, en arrière la cuisine et les machines, et groupés sur les trois faces d’une cour de service, l’administration, la buanderie et le ser¬ vice des morts ; puis en aile le bâtiment des écuries et une vache¬ rie. Un pavillon était en outre prévu pour le médecin-directeur. Le chauffage des bâtiments devait être assuré par des calorifères et l’éclairage par des lampes. Au cours de cette étude, l’administration qui faisait auprès du Pari mutuel les démarches nécessaires en vue d’obtenir une subvention de 1,200,000 francs au minimum, s’était rendu compte que malgré les pressantes démarches de MM. Voisin et Ferry, ses représentants au sein de la commission, celte somme ne pourrait être accordée en une fois. Elle décida en conséquence la suppression au moins momentanée de l’un des pavillons de malades et je dus établir un projet définitif en tenant compte de cette suppression, mais en maintenant aux ser¬ vices généraux leur importance primitive. Le devis s’éleva, déduction faite du rabais probable et non com¬ pris le mobilier, à 1,200,000 francs. C’est au cours des discussions relatives à cette modification de programme que, sur l’avis formel du conseil de surveillance, l’admi¬ nistration prit le parti de consacrer exclusivement ce sanatorium ainsi réduit au traitement des tuberculeux hommes. Sur ces entrefaites, la commission du Pari mutuel se pronon(;a et la subvention accordée fut ramenée à 700,000 francs. En l’absence de toute subvention municipale, l’administralioii dut renoncer à exécuter ce projet déjà réduit, et le réduire encore de façon à ramener la dépense à faire dans la limite du crédit dispo¬ nible. Un programme définitif fut enfin arrêté et nous en trouverons la raison d’être et la substance dans cet extrait du rapport de M. le Préfet de la Seine au Conseil municipal ; « L’administration a d’abord admis de ne faire qu’une installa- « tion de SO lits. «c Sur cette base, deux solutions étaient en présence : ou mainte- « nir le bâtiment principal dans son entier et supprimer les annexes « pour les services généraux qui, réduits au strict nécessaire, seraient « installés dans ce même bâtiment, ou au contraire, conserver à ces « services généraux leur importance première, soit pour 200 lits 420 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE « (chiffre budgétaire lorsque le projet complet pourra être réalisé « avec deux pavillons de 100 lits), et ne construire que la moitié « du bâtiment principal pour y installer 50 lits. « Cette solution paraît préférable : elle aurait surtout ravanlage « de laisser entier le programme primitif tout en n’en commençant et la mise à exécution que dans la limite des ressources dont on et dispose actuellement. te Le projet, réduit à ces proportions, comporte : et 1“ Un bâtiment principal, élevé d’un rez-de-chaussée et de et deux étages et renfermant, au rez-de-chaussée, cabinet de méde- et cin, bibliothèque, bains, lingerie, etc., et aux étages des chambres et de 1 à 8 lits. et Ce bâtiment comprendrait un peu plus que la moitié de la te construction indiquée au plan du projet de M. Belouet : il pourra et être achevé lorsque nous compléterons la première partie de noire te programme, c’est-à-dire quand nous ferons un nouveau service et de 50 lits. te Une vaste marquise serait disposée en avant de ce bâtiment, te où les malades pourraient passer la journée dans des chaises et longues. « 2“ Des bâtiments isolés pour les services généraux ; réfectoiie, tt cuisine, buanderie, administration, pavillon du directeur, écurie, « service des morts. tt La plupart de ces constructions seraient suffisantes pour les tt services lorsque le sanatorium aura reçu son entier développe- ment. « Les autres sont disposées de telle sorte qu’on puisse les agran- tt dir dans des conditions peu onéreuses au fur et à mesure de l’aiig- tt mentation du nombre de malades. » Le devis des travaux de ce projet ainsi établi s’élevait à 790,833 francs, chiffre que les rabais consentis par les entrepre¬ neurs ont sensiblement réduit, du reste, mais qui n’en était pas moins relativement considérable pour un établissement de 50 lits. Dans cette somme se ti'ouvaient compris, il est vrai ; les services généraux pour 100 et 200 lits, les mouvements de terrain nécessi¬ tés par l’établissement, à flanc de coteau, d’un plateau pour le réfectoire et le bâtiment prévu à 100 lits, et enfin le chauffage à la vapeur de ces deux bâtiments et l’éclairage électrique de renseinble de rétablissement. M. BELOUET. - LE SANATOKIUM D’ANGICOURT iai Ces systèmes de chauffage et d’éclairage avaient été en effet déci¬ dés par le conseil de surveillance à la suite d’une étiide que j’avais été chargé de faire à Hohenhonnef, sur le Rhin, au sanatorium du D' Meissen. Sur les conclusions du remarquable rapport de M. P. Strauss, le Conseil municipal, dans sa séance du 13 juillet 1894, approuva les plans et devis et en autorisa l’exécution. Les travaux adjugés le 22 septembre 1894, les terrassements furent commencés dès navembre de la même année. Interrompus presque aussitôt par les gelées, ces travaux ne furent effectivement repris qu’en mars 1893. La malchance poursuivait cette affaire, dont les débuts avaient été déjà quelque peu diffieiles. Par suite de faillites et même de disparition d’entrepreneurs (on dut avoir successivement 2 terrassiers, 2 maçons, 3 eharpentiers, 2 paveurs), les travaux ne purent avance)' que fort lentement en 1893 et 1896. Cependant au printemps de 1898 ils étaient terminés et les 30 lits auraient pu être occupés vers le mois de juin, de celte même année. Mais l’administration qui tenait, pour des raisons de tout ordre, à la l'éalisation du projet de 100 lits, s’étant l'endu compte que l’achèvement du bâtiment de malades concurremment avec l’occu¬ pation de la pai'tie terminée, présenterait de gi'aves inconvénients, avait fait les démarches nécessaii'cs pour atteindi'c le but qu’elle se pi'oposait. Dès le coui-ant de 1897 les pi'ojets d’achèvement avaient été appi'ouvés par le conseil de sui'veillance et vu le mémoii-e de M. le préfet de la Seine en date du 28 décembi-e 1897, sur le rappoi't de M. Lucipia (mars 1898), le conseil municipal appiouva les plans et devis en imputant la dépense évaluée à 500,000 francs sur la somme de 6 inillions prélevée sui- les capitaux de l’Assislance publique et affectée aux mesui-es à pi-endi'c pour combatti'e la tuberculose. Ces derniei's travaux adjugés le 26 juillet 1898, commencèrent en septembi'e, et suivant cette fois une marche noi'male, furent terminés en août 1900. Au coui's de l’année 1898, une commission du conseil de sui'veil lance visitant les ti-avaux, ti'ouya quelque peu exagéi'écs les indica¬ tions do l’avant-pi'ogi'amme de M. le D-- Nicaise l'elalives au cube d’air (60 m. c.) assuré aux malades dans les chanibi'es où ils ne 422 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUDUQUE devaient rester que la nuit, et dans la plupart des^ cas avec les fenêtres entr’ouvertes. Elle décida que, sans inconvénients, les chambres à i lit pourraient en recevoir 2, celles à 2 lits en recevraient 3 et celles à 3 lits, S. Dans ces conditions, le sanatorium d’Angicourt s’ouvre avec 164 lits, dont on trouvera plus loin la répartition. Certains services ne devant pas être retrouvés dans le deuxième bâtiment à construire, l’établissement pourrait, après l’édification de ce deuxième bâtiment, contenir environ 400 lits, surtout, si comme il est probable, les malades occupent le dernier étage. SITUATION DU SANATORIUM Le domaine acquis par l’administration est situé aux confins de la commune d’Angicourt (Oise), à l’extrémité sud d’uii vaste pla¬ teau élevé qui s’avance en fome d’éperon dans une riche et ravis¬ sante vallée bien exposée au soleil, très ouverte sur l’Oise, à laquelle elle aboutit et où se cachent les villages de Rieux , d’Angicourt et de Verderonne. Cette propriété, d’une contenance de 336,433 mètres carrés , est pour les trois quarts sui- le plateau même et pour le surplus à flauc de coteaux, suivant deux directions perpendiculaires (NE-SO et NO-SE), le plateau précité, qui est à 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, s’infléchissant brusquement jusqu’à la vallée dont la partie haute est à la cote 60. En arrière, ce plateau couvert dé bois de diverses essences et notam¬ ment de sapins , s’étend au nord jusqu’à Nointel et Catenoy. 11 est constituépar une massecalcaire de 8 à 10 mètres de hauteur (moellons formés ou eu formation) reposant sur une couche de glaise d’un mètre environ d’épaisseur, légèrement relevée du côté de la vallée, et qui recueille toutes les eaux supérieures en donnant naissance à plusieurs sources, dont l’une, celle de l’Orbidée, bien connue dans tout le pays pour la qualité de ses eaux, a son point d’émergence à la cote 90,77, à l’angle formé par les coteaux. C’est la présence de cette source et sourtoiit la certitude de pou¬ voir, au moyen de captages successifs, trouver à proximité la quan¬ tité d’eau nécessaire à tous les besoins du sanatorium, qui ont décidé en partie l’acquisition de ce domaine. Au-dessous de la glaise, on trouve, sur une profondeur de plus de 25 mètres, un massif de sable qui constitue l’assise générale du M. BELOÜET. - LE SANATOBIUM D’ANGIGOURT Sanatorium d’Angicourt : Coupe transversale. M. BELOÜET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 426 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE plateau et qui , par sa perméabilité a permis , comme on le verra plus loin, l’absorption facile des eaux vannes. Sur la propriété même , se trouve au nord un bois de sapins et entre ce bois et la vallée une vaste étendue de terres en culture. A . 5 kilomètres exactement des gares de Rieux et de Liancourt et à 2 kilomètres au moins de toute habitation, cet emplacement réali¬ sait à peu de chose près les desiderata du programme de M. le D'' Nîcaise. Quant à la vue dont les malades jouissent de tous les points de leurs pavillons et de la terrasse qui les précède, il semble difficile d’en trouver une plus calme et plus reposante. Qu’il me soit permis , à ce sujet , de citer les conclusions d’un remarquable article que d’Echerac, inspecteur honoraire de l’admi¬ nistration, a consacré dans le Temps du 1" septembre 1900, à l’étude du sanatorium d’Angicourl : « Si en vérité , le charme des aspects peut être compté comme « facteur efficace dans le traitement des malades, le sanatorium « d’Angicourt fera merveille avec les vagues de verdure qui vien- « nent déferler à ses pieds , notre petite église (l’église d’Angicouil) « toute proche, qui plonge ses vieux contreforts dans les frondai- « sons neuves et luxuriantes de la vallée et le fin bleu de ses hori- « zons lointains. » DISPOSITtONS GÉNÉBALES DU PLAN Pour répondre aux exigences du programme et à celles non moins spéciales du terrain, on devait avant tout renverser les données de plans ordinairement adoptées pour les constructions hospitalières. Il fallait, en effet, placer du côté de l’entrée de l’Établissement, entrée qui devait se faire sur le plateau à l’extrémité nord de ta propriété, les services généraux et la cuisine, et en arrière, et par conséquent en façade sur la vallée les bâtiments réservés aux malades. Ces bâtiments, pavillons et réfectoire, devaient en outre être placés à flanc de coteau de façon à mettre le plus possible à l’abri des vents d’ouest et du nord, ces bâtiments eux-mèmes et les malades se promenant daœ les jardins. Ces diverses considérations ont conduit aux dispositions suivantes qui, consacrant l’isolement presque complet des divers services ont été adop¬ tées par les différentes commissions dont il a été question plus haut. Avec l’autorisation de M. Peyron, directeur de l’administration, qui portait le plus grand intérêt à cette œuvre dont il avait pris l’initiative et dont il a poursuivi la réalisation avec la plus grande insistance, ces plans ont été communiqués àMU. les docteurs Dettweiler et Meissen, médecins, directeurs des sanatoriums de Falkenstein et deHohenhoussel.qui, en outre M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT avec leur compétence indiscutable, les ont entièrement approuvés dans leur ensemble, ainsi qu’il résulte des lettres très flatteuses qu’ils ont bien voulu m'adresser. DESCRIPTION DU PLAN GÉNÉRAL Sur le grand axe du plan, grand axe qui est incliné de 29° à l’ouest, sur la direction nord-sud, on trouve à 200 mètres environ de la crête du talus de la terrasse fermant la vallée : 1° Le service des morts et à même hauteur, à droite, le bâtiment des écuries; puis, à gauche, l’emplacement d’un bâtiment prévu à usage de vacherie et de porcherie. Ces trois bâtiments sont isolés les uns des autres par des cours dont l’une, celle des convois, est entourée d'arbres et d’arbustes masquant le bâtiment des morts. 2° En continuant vers le sud, à 2S mètres en arrière, à môme hau¬ teur, et séparés par une cour plantée d’arbres, de 4S mètres de largeur, à gauche du gi'and axe : la buanderie avec à gauche encore, le réservoir d’eau et le champ d’étendage ; puis à droite du grand axe, le bâtiment d’administration. On accède à ce bâtiment par un chemin planté d’arbres qui rejoint la route principale, route en forme d’S, qui part de l’extrémité nord-ouest de la propriété où se trouvent l’entrée de l’Établissement avec le pavillon du concierge à droite, et à gauche, un pont-bascule pour les pesées de toutes sortes. A la jonction de la route principale et dii chemin de l’administration, et à 60 mètres environ à l’ouest de ce bâtiment est le pavillon du médecin en chef. Le médecin en chef, dans le principe, devait être le directeur de l’Éta¬ blissement. 3° Toujours sur le grand axe, et à 30 mètres au sud du bâtiment de la buanderie, le bâtiment des cuisines et à gauche à même hauteur, celui des machines. 4° Encore sur le grand axe, à 25 mètres au sud de la cuisine, le réfec¬ toire relié à cette dernière par une galerie vitrée. 5° Enfin, à gauche du grand axe, le premier bâtiment do malades dont l’aile droite, environ à 40 mètres à l’est de ce grand axe, est reliée au réfectoire par une galerie vitrée en partie circulaire. A droite du grand axe et â môme hauteur, un emplacement est réservé au deuxième pavillon qui doit être placé symétriquement au premier. Comme il a été dit plus haut, pour donner satisfaction aux desiderata du programme il a fallu créer pour l’assise du bâtiment des malades et du réfectoire, â flanc do coteau et à 6 mètres en contrebas du plateau supérieur, un second plateau dont l’établissement a nécessité un mouve¬ ment de terres de 70,000 mètres cubes, qui, projetées dans la vallée ont reporté à 35 mètres environ vers le sud, la crête du talus et augmenté d’autant la profondeur de la terrasse. Cette plate-forme inférieure est donc à la cote 94. La roule principale qui y aboutit et qui à partir du chemin de Tadmi- i2S SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE nistralion prend une direction perpendiculaire au grand axe, rencontre ce dernier à la cote 97. C’est sur le palier qui a été créé en cet endroit que s’ouvre te service des cuisines, avec, à droite, le chantier au charbon. En résumé, les services généraux à l’exception de la cuisine, sont sur le plateau supérieui' (100 mètres) ; le bâtiment des malades,.Ie réfectoire et les machines, sur le, plateau inférieur (94 mètres) et la cuisine occupe une situation intermédiaire (97 mètres). Le sous-sol de ce dernier bâtiment, par lequel se fait le service du réfectoire est de plain-pied avec ce dit réfectoire. Deux larges escaliers placés, le premier, sur le grand axe et le second sur le prolongement de l’axe transversal du grand bâtiment de malades, assurent les communications entre le palier de la cuisine et le plateau supérieur et entre les deux plateaux. Dispositions particulières Bâtiment des malades. — La présence de la nappe d’eau souterraine à la cote de 90“,77 n’ayant pas permis d’abaisser de plus de G mètres le niveau du plateau inférieur, pour augmenter la protection des locaus habités par les malades, il a paru indispensable, et cela d’après les con¬ seils très précis de MM. les D'^ Dettweiler et Meissen, d’adopter un parti de plan permettant non seulement d’avoir à rez-de-chaussée la galerie intérieure ou promenoir d’hiver, et la galerie de cure exposés au soleil, mais encore d’avoir à tous les étages toutes les chambres de malades exposées de même, avec en arrière un couloir général ou dégagement constituant, grâce au matelas d’air interposé, la plus efficace des protec¬ tions. D’autre part, et pour augmenter au moyen des éléments mêmes de ce bâtiment la protectioa contre les vents d’ouest et d’est, de la galerie de cure et du jardin attenant, on a cru devoir flanquer le corps principal de deux ailes ayant environ, chacune, les deux tiers de la longueur de ce corps principal, et venant s’y souder à angle obtus. En conséquence, ce bâtiment se compose d’un corps principal avec pavillon central, dont l’axe transversal est incliné de 20 degi’és à l’ouesl sur la direction nord-sud, et de deux ailes fermant chacune un angle de HO degrés avec ce corps principal, reliées audit par un pan coupé, el terminées chacune par un pavillon d’angle. Ce bâtiment est élevé, sur sous-sol d’aération caves ou sous-sol, d’un rez-de-chaussée, de deux étages carrés réservés aux malades, et d’un étage sous comble pour le personnel. Etage souterrain. — Des caves sont disposées sous le pavillon cenlrf et sous les pavillons d’angle. Elles sont reliées par une galerie située sous le promenoir d’hiver et qui se poursuit au-dessous des galeries supérieures reliant le bâtiment des malades au réfectoire et aux cuisines pour aboutir au bâtiment des machines. Partout ailleurs il n’y a que des sous-sols d’aération élevés de 1 mètre environ au-dessus du sol extérieur. La galerie contient les canalisations d’eau de vapeur et d’eaux vannes. M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 42» Elle est exclusivement réservée au personnel chargé de la surveillance de ces canalisations. Rez-de-chaussée. — Conformément aux indications formelles du pro¬ gramme de M. le D' Nicaise, aucune chambre de malade n’a été installée à rez-de-chaussée, où l’on trouve en entrant par le pavillon côté nord : L’escalier principal dans le vide duquel pourrait être installé un ascen- ^ur électrique, un grand vestibule avec à gauche un poste de gardien de nuit et un bureau de surveillant, et à droite l’office de la pharmacie avec le guichet de distribution des médicaments ; Puis à la suite, à droite dans le corps principal, la pharmacie avec son magasin de résen'e, le service des bains avec salle d’attente, salle de bains des malades (8 baignoires), salle d’hydrothérapie et deshabilloir et deux cabines de bains pour le personnel, avec vestibule et entrée spé¬ ciale : A la suite, dans le pan coupé en saillie à l’ouest, les waters-closets et vidoir pour les malades et deux pièces de service pour le service de la lingerie ; A la suite encore et dans l’aile droite, la lingerie avec salle de raccom¬ modage et dépôt de linge, le vestiaire pour le dépôt journalier des cou¬ vertures à usage des malades soumis à la cure d’air; Un lavabo pour les malades ; Un vestiaire pour dépôt des effets personnels des malades, un urinoir, un escalier secondaire desservant les trois étages, et enfin dans le pavil¬ lon d’angle, une grande salle de réunion. En avant de cette salle de réunion, le projet primitif prévoyait une grande véranda ou sorte de jardin d’hiver qui fut supprimée par raison d’économie, mais qui pour¬ rait être construite dans l’avenir. Pour le côté gauche, on trouve en partant du pavillon central et dans le corps principal, une grande salle ou parloir pour les familles venant visiter les malades ; à la suite, le service du cabinet du médecin en chef, comprenant : une salle d’attente, un vaste cabinet avec salle annexe et une pièce pouvant servir de laboratoire, dans le pan coupé en saillie à l’est, puis des waters-closets et un magasin. A la suite et dans l’aile gauche, le dépôt des matelas et un magasin, un vestiaire poui- les couvertures comme à l’aile droite, un lavabo pour les malades, un magasin, un urinoir, un escalier comme à l’aile di’oite et enfin dans le pavillon d’angle, une salle de réunion semblable à la précédente. Une vaste galerie de de largeur sm- 122 mètres de longueur, située du côté du midi et servant de promenoir d’hiver pour les malades, dessert toutes les pièces sus-indiquées. Cette galerie s’ouvre par 5 portes et 32 fenêtres sur la galerie de cure d’air ou galerie adossée, de 100 mètres de longueur sur 4 mètres de largeur et simplement couverte. Des rideaux en toile protègent les malades étendu sur des chaises longues contre le soleil et les pluies chassées par les vents du sud. Pour augmenter celte protection contre lu vent, sur la demand 430 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE de M. le D’’ Plicque, ancien médecin en chef de l’établissement, quelques cloisons vitrées transversales, en forme de paravents, seront disposées dans celte galerie, et notamment aux extrémités. En outre, sur l’avis de M. le D' Kuss, médecin en chef actuel, une autre galerie de cure sera probablement aménagée dans le bois de sapins à l’est du bâtiment des malades en vue, spécialement de la cure hivernale. f étage. — En y accédant par l’escalier du pavillon central, on trouve : A droite et à gauche, dans ce pavillon, des lavabos et en face 3 chambres à 2 lits (3“*,70 X 4“>50) ; puis à la suite, à droite, dans le corps principal, 2 chambres à 3 lits (6'",40 X 6 mètres) et 1 chambre à 3 lits (8“,S5 X 6 mètres) ; puis en pan coupé, 2 chambres à 2 lits (3'",50 X 4'”,5Ô), avec en arrière une chambre de débarras, puis en saillie à l’ouest, im office, ime chambre d’infirmier, une pièce renfer¬ mant 2 waters-closets, un vidoir et l’orifice de la trémie à linge sale ; puis, en aile à la suite, 2 chambres à 3 lits (8'",33 X ^ mètre.s), une chambre à 3 lits(3“,63 X 6 mètres). A la suite encore, l’escalier de ser¬ vice, puis enfin dans le pavillon d’angle, une salle commune de 8 lits à usage d’infirmerie, avec petit office y attenant. La partie à gauche du pavillon central est absolument semblable ii celle qui vient d’étre décrite pour le côté droit. Toutes les pièces de cet étage sont desservies par une vaste galerie de 132 mètres de long sur 2'", 30 de largeur, éclairée par 10 croisées au nord, 6 à l’ouest et 6 à l’est, et constituant pour toutes les chambres de malades la protection dont il a été question plus haut. Suivant les conditions du programme primitif, les chambres à 2, 3 et 3 lits n’en devaient renfermer respectivement que 1, 2 et 3. S® étage. — Cet étage est entièrement semblable comme dispositions au étage, à cela près, qu’à l’emplacement d’un des lavabos du pavil¬ lon central est un escalier faisant communiquer ce dit étage avec le 3®. Dans cet étage les salles de 8 lits sont destinées aux convalescents. étage. — A l’exception de 8 lits réservés aux malades convales¬ cents, cet étage est consacré au personnel. Il renferme : 1” Pour le personnel secondaire, 3 logements de 3 pièces, 2 loge¬ ments de 2 pièces et 1 cabinet ; 2“ Pour les infirmiers et serviteurs, 29 chambres à 1 lit. Puis 6 waters-closets et 3 pièces à usage de postes d’eau et vidoirs. Tous ces locaux sont desservis par une grande galerie de 122 mètres de long et par trois escaliers. En résumé, dans ce pavillon les malades seront au nombre de 104, répartis ainsi que suit ; Au l”” et au 2® étages : 4 salles communes de 8 lits . 32 lits 14 chambres communes de 2 lits . 28 — 12 — — 3 — . 3(i — 12 — — 3 — . 60 — M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 431 Au 3» étage : 4 chambres à 2 lits . 8 lits. Total . 164 lits. Les rez-de-chaussée, 1®'' et 2® étages ont chacun 4 mètres de hauteur. Dans chaque chambre de malades, le cube d’air, par malade, est en moyenne de 43 mètres cubes et la surface à la disposition de chacun d’eux de 11 mètres. Quant au personnel, il dispose dans chaque chambre, aérée et éclairée par une fenêtre, d’une surface de 12"'“,50 et d’un cube d’air de 37“®,50. Pour les chambres de malades, en prévision d’une aération continue, par les fenêtres ouvertes, même pendant la nuit, on n’a pas jugé à pro¬ pos de recourir à un système de ventilation artificielle. On a cependant ménagé à proximité du plafond, dans chaque pièce, une ou deux bouches d’évacuation d’air vicié, munies de grilles à volets et communiquant avec l’air extérieur au moyen de gaines prolongées au-dessus des toits. Réfectoire des malades. — Le réfectoire qui suivant les données pré¬ cises du programme devait être, par ses proportions mêmes, un élément des plus importants du plan d’ensemble, bien isolé et suftisamment éloi¬ gné du bâtiment des malades et même des cuisines, est installé dans une vaste salle de 13“,8.5 de longueur, de 8"',50 de largeur et d’une hauteur de 6'”,S0 où les malades, au nombre de 100, disposent d'un cube d’air de 760 mètres cubes, soit 76 mètres cubes par malade. Celte salle, bien exposée au midi, est éclairée par 5 larges baies et disposée de façon à pouvoir être agrandie à droite et à gauche lors de l’augmentation du nombre des malades. En arrière du réfectoire est un vestibule auquel aboutissent les gale¬ ries reliant ce service aux bâtiments des malades, et donnant accès au service de l’office, comprenant l’office proprement dit avec table chaude, auge en pierre (lour le lavage de la vaisselle, appareil à stériliser les verres et couverts des malades, et une pièce annexe à usage du resserre pour le matériel. Cet office communique avec le sous-sol de la cuisine par une galerie vitrée et fermée de 18 mètres de longueur. Galeries. — La galerie faisant communiquer l’aile droite du bâtiment des malades avec le réfectoire est en quelque sorte la continuation du promenoir d’hiver de ce bâtiment. Elle est élevée au-dessus de la galerie souterraine indiquée plus haut et construite en brique et bois avec parties vitrées et ouvrantes aux deux faces, à partir de 1 mètre du sol. Elle a 42 mètres de long sur 2 mètres de largeur et peut être chauffée. En adossement à cette galerie, du côté sud, sur la demande de M. le D® Plicque, on vient d’établir une seconde galerie de cure semblable à la première et de 22 mètres de longueur. Environ HO chaises longues pourront donc trouver place dans les galeries de cure. Cuisine générale. — Le bâtiment de la cuisine est élevé, sur sous-sol. i32 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE d’un rez-de-chaussée de plain-pied avec le palier de la roule principale et comprend actuellement la cuisine proprement dite, la laverie, le le bui’eau de la surveillante, un magasin, la panneterie, l’épluchage el la cage de l’escalier conduisant au sous-sol. Au sous-sol, qui est de plain-pied avec les bâtiments de la plate-forme nférieure, on trouve : le réfectoire des gens de service, les magasins à légumes et autres, la boucherie, puis la cave aux vins en prolongemenl sous la route, avec descente spéciale, et enfin le- monte-plat pour le ser¬ vice du réfectoire. Ce bâtiment où les services seraient trop à l’étroit dans l’hypothèse de l’extension future a été établi de façon à pouvoir être facilement agrandi au moyen de deux ailes qui recevraient les pièces annexes, la cuisine proprement dite devant alors occuper entièrement la partie centrale. Un chantier à charbon est installé au long de la route à proximité de la cuisine. Bâtiment des machines. — Ce bâtiment comprend une chambre de chaudières contenant 5 générateurs à vapeur, du système Thomas el Laurens, ayant chacun 40 mètres carrés de .surface de chauffe et alimen¬ tant en vapeur les bains, la buanderie, Téluvo à désinfection, les appa¬ reils spéciaux et les poupes d’élévation de l'eau, puis une chambre de machines avec deux groupes électrogènes, dont un de rechange, chacun d’une force moyenne de 30 chevaux. Les moteurs à vapeur sont du type horizontal à échappement libre. Au-dessus de la chambre des machines est la salle des accumulateurs, avec une batterie d’une capacité de SOO ampères-heures. Au bâtiment des machines vient aboutir la galerie souterraine qui se prolonge jusqu'à l’extrémité du bâtiment des malades. La cheminée, haute de 30 mètres, qui dans le principe devait être con¬ tiguë au bâtiment, a été reportée sur le plateau à proximité de'la buan¬ derie pour éviter tout rabattement de fumée sur les bâtiments de malades. Une galerâe traversant la route, remontant sur le plateau et passant sous la buanderie la relie aux carnaux des chaudières. Bâtiments d'administration. — Ce bâtiment qui, dans le principe, devait être beaucoup plus vaste et où on devait loger la presque tolaliié du personnel, est actuellement élevé sur caves, d’un rez-de-chaussée, d'un 1®’’ étage el d’un 2® étage légèrement mansardé. Au rez-de-chaussée, on trouve les bureaux et un logement de commis. Au l®’' étage, le logement de deux internes et l’appartement du direc¬ teur. Au 2° étage, des logements de sous-employés. Buanderie et étuve à désinfection. — La buanderie se compose d’un gmnd hall contenant les bassins, deux cuviers et un séchoir à vapeur; puis en aile à droite : une pièce pour le repassage et le pliage du linge. En aile à gaucho est l’étuve à désinfection du système Leblanc, à vapeur fluenle; une pièce en aile à droite est réservée pour la désinfection des crachoirs par la vapeur. En adossement à la cheminée de l’usine est un M. BELOÜET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 433 four à incinérer les déchets de toutes sortes, un champ pour l’étendage du linge est disposé en arrière de la buanderie. Service des morts. — Ce service qui dans le projet actuel a été réduit à sa plus simple expression, comprend : un vestibule à usage de salle d’exposition, une salle de repos avec quatre lits et une salle d’autopsie largement éclairée au nord. Le bâtiment a été disposé pour recevoir dans l’avenir, en deux ailes latérales, un laboratoire et quelques pièces annexes indispensables pour un établissement plus important. BâlimeiU des écuries. — Ce bâtiment comprend, au rez-de-chaussée : une écurie pour deux chevaux, une remise, une sellerie et des water-closets ; puis au l»'' étage : un logement de charretier et un grenier à fourrage. Pavillon du médecin en chef. — Ce pavillon entièrement isolé, com¬ prend au rez-de-chaussée : un vestibule, un cabinet de travail, un salon, une salle à manger et une cuisine; puis au étage : quatre chambres à coucher, une lingerie, un cabinet de toilette avec baignoire, des water- closets, et au 2“ étage : une chambre de maître, deux chambres de bonnes et des greniers; à l’étage souterrain : caves et calorifère. Pavillon du concierge. — Ce pavillon comprend au rez-de-chaussée : un parloir, une loge, une chambre à coucher, une cuisine et des water- closets ; puis au 1" ; une chambre avec cabinet ; à l’étage souterrain : une cave. SYSTÈME DE CONSTRÜCTIO' ET INSTALLATIONS PAHTICÜLlÈRES Fondations. — Dans la partie à flanc de coteau, pour le bâtiment prin¬ cipal, les fondations devant être descendues dans la glaise et au-dessous du plan d’eau, dans la crainte de perdre ou de détourner les sources, on dut renoncer au fonçage des puits prévus au devis primitif, et construire sur pilotis tous les murs dont les fondations devaient au moins atteindre le plan d’eau, c’est-à-dire ceux des galeries et des ailes latérales. Des batteries de pieux furent fichées sous les points portants, puis entre les batteries reliées par des moises on établit des rigoles qui furent remplies de béton de cailloux et mortier de ciment. Au-dessus de ces rigoles des arcs retombant sur les batteries de pieux s’élevèrent dans la hauteur des caves répa-tissant les charges sur l’ensemble des batteries. Ces travaux présentèrent quelques difficultés d’exécution et causèrent aussi quelques retards. Maçonneries. — Dans l’ensemble des bâtiments les murs de face et de refend de 0“,.50 environ en élévation, ont été construits en moellons durs du pays, hourdis 011 mortier de chaux et en plâtre. Pour le bâtiment principal on employa même presque exclusivement dans la première partie, du moellon trouvé dans les fouilles du plateau. La pierre de Saint-Maxirain et celle d’Angicourt ne furent employées qu’aux chaînes d’angles, dans les rez-de-chaussée des pavillons d’ailes et dans les bandeaux et appuis de croisées et les couronnements de souches. REV. d’UYG. xxüi. — 28 m SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Quelques refends et des points d’appui isolés furent élevés en brique du pays. Toutes les cloisons de distribution sont montées en brique creuse, ainsi que les hourdis de planchers. EnBn tous les murs et cloisons intérieurs sont enduits en plâtre, ainsi que les plafonds, et les ravalements extérieurs sont en mortier de chaux (crispi tyrolien) avec bandeaux et panneaux en plâtre. A l’intérieur dans toutes les pièces les angles sont arrondis. Planchers et charpentes. — Tous les planchers sont en fer ou en acier et dans tous les bâtiments, sauf au réfectoire, les plancliers du rez-de-chaussée sont sur sous-sol d’aération ou caves. Les charpentes de combles sont en chêne et sapin. Les escaliers sont à limons et contre-marches en tôle. Menuiseries. — Les croisées et portes sont partout surmontées d’im¬ postes ouvrantes. Les croisées des chambres de malades sont munies d’un appareil permettant de les maintenir plus ou moins entrouvertes pendant la nuit, suivant les indications du médecin. Au devant de toutes ces croisées sont des persiennes qui doivent être fermées dès le coucher du soleil. Toutes les portes des services de malades sont vitrées, pour faciliter la surveillance. Couverture. — La couverture est en ardoise à crochets pour le bâti¬ ment principal, l’administration et le réfectoire, et en tuile pour les autres t)âtiraents. Partout les toits sont pendants avec gouttières éloignées des murs de 0'“,80 à 1 mètre. Les galeries de cure ont été couvertes en holzcement. Sols. — D'une manière générale les sols de tous les services au rez- de-chaussée, y compris la galerie de cure et, dans les étages, ceux des water-closets, lavabos, ollices, bains, etc., ont été établis en caricaux de Pont-Sainte-Maxence posés sur ciment, avec plinthes à glacis au long des murs. Par contre, ceux des pièces réservées aux malades ou à l’habitation des employés ont été, par raison d’économie, parquetées en pitchpin. Lorsque ces bois auront fait tout leur effet, ils seront paraffinés. Revêtements en faïence. — Dans les water-closets, les bains, les offices, la boucherie, des revêtements en faïence ont été établis partielle¬ ment. Peintures. — Tous les murs, plafonds et cloisons sont peints à l’huile à deux couches deux tons sur enduit préalable au mastic. Toutes les boiseries sont peintes à l’huile à trois couches. Chauffage. — Le chauffage général du bâtiment des malades et du réfectoire est à vapeur à basse pression. Il a été étudié avec le plus grand soin par WM. Kremer et Desbrocher des Loges, ingénieurs de l’administration qui ont été également chargés de l’installation des chaudières et machines, de l’éclairage éleclri([ue, des bains, de la buanderie et de l’étuve à désinfection. M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 43S Pour le chauffage, la vapeur produite par la batterie de chauffe, bat¬ terie capable de fournir 2,400 kilogrammes de vapeur à l’heure, et par conséquent, assez puissante pour permettre de conserver toujours une ou deux unités comme rechange, est distribuée dans les divers sous-sols, à moyenne pression, et est détendue par des appareils ad hoc, avant son envoi dans les canalisations des étages. Les surfaces d’émission de chaleur, directes, et placées d’une façon générale, dans les embrasures des locaux à chauffer, sont constituées dans les chambres et salles de malades, par des radiateurs à surfaces lisses, et sans angles rentrants, et dans les couloirs et services secon¬ daires, par de simples surfaces à ailettes. Tous les retours de vapeur condensée, des divers services, revenant aux bâches alimentaires des chaudières, il n’est consommé réellement pour les besoins de l’usine même que la quantité d’eau qui, transformée en vapeur, est nécessaire à l’alimentation des moteurs. De ce fait, la dépense par journée de vingt-quatre heures n’est que de 3 à 4 mètres cubes en été et de 6 mètres cubes en hiver. Dans le bâtiment principal des cheminées à feu nu ont en outre été installées dans les salles de réunion, le parloir et le cabinet du médecin. Dans les autres bâtiments, le chauffage est assuré par des poêles, cheminées ou calorifère. Éclairage. — L’éclairage électrique produit par le groupe éleclrogène cité plus haut est assuré dans tous les locaux de l’établissement par 400 lampes à incandescence électrique de 5, 10 et 16 bougies, et dans les cours et jardins par 4 lampes à arc de 6 ampères. Téléphone. — Les différents services sont reliés entre eux par des postes téléphoniques. Eau. — Actuellement la source de l’Ordibée dont le point d’émer¬ gence est à la cote 91, assure à elle seule l’alimentation de l’établisse¬ ment. Celte source a été cédée à l’Administration par la commune d’An- gicourt qui s’est réservée la moitié du débit pendant douze heures de jour. Son rendement moyen étant de 70 mètres cubes par vingt-qualro heures, la quantité d’eau dont l’établissement peut disposer pendant le même temps est donc de 52""=, 300 environ. D’un bassin de partage établi en avant de la source partent : 1“ Une conduite en fonte de 0,10 amenant l’eau au lavoir de la com¬ mune, anciennement aménagé près de la source et rétabli dans la vallée, à la limite de la propriété et aux frais de l’Administralion ; 2" Une autre conduite en fonte de même diamètre amenant les eaux réservées à l’établissement dans une chambre à eau en maçonnerie d’une capacité de 80 mètres cubes et construite à proximité. C’est à celte chambre que vient aboutir la canalisation d’aspiration en fonte do 0'",0ü de diamètre, venant du bâtiment des machines où se trouvent les pompes à vapeur aspirantes et foulantes. Ces pompes refoulent l’eau «6 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE dans une conduite en fonte de O^.OG de diamètre, jusqu’au grand réser¬ voir, situé sur le plateau supérieur. Ce réservoir, d’une capacité de Co mètres cubes environ est en ciment armé. Il est placé au sommet d'une tour en maçonnerie de 10 mètres de hauteur, et le niveau supé¬ rieur de l’eau est à la cote 115,89. Une conduite de distribution en fonte de 0“,100 part de ce réservoir et alimente au'raoyende branchements de divers diamètres tous les bâtiments sans exception, et à tous les étages, ainsi que de nombreuses bouches d’arrosage, et les postes d’incendie qui se trouvent à chaque étage dans le batiment des malades. Lavabos et water-closets. — Les lavabos, vidoirs et water-closels sont en grès et du type de ceux en service dans les hôpitaux. Ils sont tous disposés pour le tout à l’égout. Eaux vannes. — L’Administration ne possédant pas dans la partie basse de la propriété de terrains de surface et do qualité suffisante pour permettre de recourir à l’épandage des eaux usées, il fallait de toute nécessité envoyer ces eaux dans dos puits de perte foncés dans les sables absorbants qui se rencontrent à flanc de coteau à la limite Est de la pro¬ priété. Ôn avait en conséquence pensé à employer le système des bassins de décantation à air libre en usage à Falkenstein. Mais comme on ne pou¬ vait installer res bassins assez loin des bâtiments pour éviter avec certi¬ tude les émanations de toutes sortes pouvant en provenir, on a dû s’en tenir au système de la fosse septique, permettant avant la projection des eaux dans les puits absorbants la liquéfaction des matières orga¬ niques solides en suspension et un commencement d’épuration par les bactéries. Une canalisation ou collecteur général en grès de à de diamètre avec branchement desservant tous les bâtiments et tous les sérvices a été établie pour l’évacuation de toutes les eaux usées, dans les conditions ordinaires du tout à l’égout. Cette canalisation dont le point de départ est sur le plateau, à la cote 98 environ, aboutit à flanc de côteau, à 100 mètres à l’Est de l’extré¬ mité de l’aile gauche du bâtiment des malades et à la cote 81,88 soit en moyenne à 9 mètres au-dessous du plan d’eau des sources, à un puits étanche de 2 mètres de diamètre et de 4 mètres de profondeur, hermé¬ tiquement fermé et formant siphon. De ce puits et par siphonnemenl les eaux se déversent dans un pre¬ mier bassin étanebe, où commence la fermentation putride, puis dans un bassin inférieur également étanche où s’achève la liquéfaction des matières organiques. Ces deux bassins d’une capacité de 45 mètres cubes chacun, sont her¬ métiquement fermés et recouverts d’une épaisse couche de terre. Us ont 1“,80 de hauteur environ et sont pourvus de trappes de visite permettant à l’occasion le curage et l’enlèvement des dépôts de matières inertes. Le liquide provenant de ces bassins se déverse à son tour et par trop plein dans deux puits absorbants foncés dans la masse de sable dont il M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 437 a été pai’lé plus haut. Ces puits de 2 mètres de diamètre avec une pro¬ fondeur moyenne de 6 mèti-es sont maçonnés en brique, et de nom¬ breuses barbacanes sont disposées dans leurs parois. Hs sont reliés entre eux par une galerie et à la base de chacun d’eux on a amorcé quelques galeries maçonnées en brique comme la galerie principale et percées de nombreuses barbacanes. On a obtenu de la sorte une surface d'absorption de 50 à 60 mètres carrés en plein sable. Dans le cas où ces surfaces d’absorption ne seiTiient pas suffisantes dans l’avenir, on pourrait facilement augmenter le nombre des puits dans cette partie de la propriété. La couche de sable étant encore très profonde à cet endroit, et aucun cours d’eau n’étant à proximité, il semble que cette installation ne peut présenter aucun inconvénient sérieux. Une circonstance fortuite ayant dernièrement nécessité l’ouverture du second puits de perte (puits infé¬ rieur), on a pu constater que le système avait fonctionné de façon nor¬ male, et que la faible quantité de liquide (fui se trouvait dans ce puits était complètement claire, mais toutefois malodorante. Clôtures. — Les terrains du sanatorium sont entièrement clos au moyen de grillages galvanisés, dits clôtures de chasse, de 2 mètres de hauteur. Jardins et parc. — Des jardins ont été établis sur la terrasse inférieure en avant des bâtiments. Sur le plateau supérieur on a planté des arbres d’alignement dans les cours et commencé le • reboisement dans les ter¬ rains confinant au bois existant. Enfin, le tracé des alléés dû parc a été fait ainsi que des plantations d’arbres dans lés ronds-points ; et un commencement d’aménagement des parties boisées, aménagement que l’état des crédits n’a rnalheurèuseinent pas permis d’achever, mais qui s’achèvera facilement d’années en années- Peut-être pourra-t-on employer en partie à ce travail les malades conva¬ lescents, qui trouveraient là, en môme temps qu’une distraction, un salu¬ taire exercice. Chemins. — Enfin , on a dû empierrer non seulement les chemins intérieurs de communication qui présentent une surface considérable, mais encore, en présence des fins de non recevoir opposées par la muni¬ cipalité de Liancourt, faire un chemin extérieur de plus d’un kilomètre pour rejoindre la roule de Poal-Sainte-Maxence et assurer les communi¬ cations de l’établissement. Mobilier. — Le mobilier qui a été fourni par le magasin central de l’Assistance publique est celui en usage dans nos nouveaux hôpitaux. Prix de revient. — La propriété dont la superficie totale est de .336,433 mètres caiTÔs, a été acquise par l’administration au prix de 35,000 francs. La surface totale occupée par le parc,- les cours et jardins est approxi¬ mativement de 322,719 mètres carrés, et celle couverte par les bâtiments de 3,713 mètres carrés. Bien que l’opération ne soit pas encore entièrement liquidée, on peut- 438 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE dès maintenant affirmer que la dépense totale, pour la construction seulement, ne dépassera pas 1,136,000 francs. Soit : pour les travaux d’architecture, 928,000 francs, et pour les travaux techniques (chauffage, éclairage, désinfection et bains), 228,000 francs. Dans ces conditions, le prix de revient par lit, pour 164 lits et pour la construction seulement , ne dépasserait pas 7,030 francs, prix qu’on peut considérer comme absolument normal. En effet, si l’on prend pour terme de comparaison, l’hospice des Incu¬ rables, à Ivry, qui n’est qu’une maison de retraite, où l’on n’avait pas à vaincre de semblables difficultés, tant au point de vue du programme que de la situation du terrain et des bâtiments et ou les administrés sont au nombre de 2,000, on trouve que le prix de revient par lit, pour la construction seulement, est 4,000 francs. Il est bien évident que, toutes choses égales d’ailleurs, ce prix de revient proportionnellement établi pour 164 lits dépasserait sensiblement la somme de 7,030 francs. D’autre part, sur l’ensemble de la dépense afférente aux travaux d’architecture on peut évaluer à 100,000 francs les charges imposées par la nature du terrain et la position des bâtiments, et celles résultant de la reconstruction du lavoir de la commune et de la suppression du chemin communal qui coupait en deux les propriétés. Ces charges se sont ainsi réparties sur l’ensemble de la dépense : Terrassements, pilotis, excédents de fondations. . . 70,000 fr. Chemins extérieurs d’accès . 13,000 — Chemins rétablis pour la commune . . 8,000 — Reconstruction du lavoir commun et amenée d’eau . 7,000 — Enfin, on doit aussi tenir compte de ce que certains services sont dès maintenant installés pour faire face à un accroissement de population, el que le jour où l’établissement pourrait contenir 400 malades , le prix de revient par lit, pour la construction ne dépasserait pas 3,000 francs, soit 6,000 francs terrain et mobilier compris. Bien que le prix dés matériaux et surtout la main-d’œuvre y soient sensiblement moins élevés qu’en France, c’est cependant à semblable résultat qu’on est arrivé en Alle¬ magne pour des établissements auxquels peut être comparé le sanatorium d’Angicourt et pour lesquels le prix moyen par lit est de 5,000 marks, soit 6,230 francs 1. Il y a loin , évidemment, de ce prix de revient à celui que j’indiquais au cours d’une communication précédente ^ pour le sanatorium de Hen- 1. Le sanatorium de Hendaye, par H. Belodet, Revue (Fhygiéne, mai 1899. 2. Prix de revient par lit de quelques sanatoriums allemands : Erbprinzinzeuthaun . 3,397 fr. Ruppertshain . 3,730 — Belzig . 6,412 - Oderberg . 6,250 — Bœlitz, pris Postdam . 12,300 — M. BELOÜET. - LE SANATORIUM D’ANGICOURT daye (240 lits), prix qui était de 2,913 francs, mais que le règlement définitif des mémoires a réduit à 2,883 francs, terrain et mobilier compris. La différence des programmes, celle de la surface des propriétés, et les prix de quelques matériaux peuvent seulement expliquer un semblable écart, les constructions d’Angicourt étant aussi simplement traitées que celles de Hendaye. On peut, du reste, s’en rendre compte par les chiffres suivants : Abstraction faite des excédents de fondations dont les raisons ont été données plus haut, le prix de revient du bâtiment des malades est, pour 1,600 mètres superficiels couverts, de 460,000 francs, soit par mètre superficiel, 287 francs. Or, comme il a été dit plus haut, ce bâtiment est élevé sur galerie et sous-sol d’isolement d’un rez-de-chaussée, de deux étages carrés et d’un étage légèrement mansardé pour le personnel. Dans ces conditions, le prix de revient par mètre superficiel et par étage ne dépasserait pas 70 francs. Bien qu’en un remarquable rapport, présenté à la Commission du sanato¬ rium des postes et télégraphes >, M. Gory, inspecteur de l’administration de l’Assistance publique ait, avec sa compétence indiscutable, et d’accord du reste avec les autorités scientifiques et médicales les plus qualifiées, maintenu la presque totalité des conditions spéciales du programme d’An¬ gicourt, et qu’il estime en conséquence le prix de revient par lit à 6 ou 7,000 francs (terrain et mobilier non compris) pom’ un établissement de 200 lits. Si, comme il semble résulter des tendances actuelles, les données des sanatoriums pour tuberculeux et indigents viennent à êti-e considérable¬ ment simplifiées, on pourra, sur des terrains ne présentant aucune diffi¬ culté spéciale, acquis dans de bonnes conditions, et pour des établisse¬ ments de 400 lits au minimum arriver à un prix de revient de 4,500 à 5,000 francs, terrain et mobilier compris. L’administration de l’Assistance publique ne pouvait arriver à semblable résultat, étant données les conditions toutes spéciales du programme complexe qu’elle s’est efforcée de réaliser intégralement, quelque onéreux qu’il ait pu lui paraître dès le début. La Société de Médecine publique et de Génie sanitaire tiendi-a sa prochaine séance le mercredi 22 mai, à huit heures et demie du soir, hôtel des Sociétés savantes. L’ordre du jour de celte séance est ainsi fi.xé : Nécrologie de M. Napus. 1® Discussion de la communication de M. Belouet sur le sanatorium d’Angicourt. 1. Ministère des Postes et Télégraphes. Rapport présenté par M. A. Gory à la Commission du sanatorium. 440 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER 2“ M. Ch. Lhcas. — Quelques données d’iiygiène spéciales aux habitations à bon marché. 3“ M. Lacaü. — Les foyers à combustion lente. 4“ M. Thoinot. — Les sources crayeuses et la fièvre typhoïde. S“ M. Fbbrier. — Le repassage et l’assainissement du linge. LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER Andréas Meyer Ingénieur en Chef de la Ville de Hambourg. Il nous semble de toute justice de faire figurer parmi Les maîtres de l'hygiène à l’étranger les ingénieurs, architectes, chimistes, etc., qui ont fait faire de grands progrès à l’hygiène par leurs concep¬ tions ou leurs travaux. A la fin de l’année dernière nous avions demandé, dans ce but, à M. Andréas Meyer quelques renseigne¬ ments complémentaires siu* sa carrière professionnelle. Notre aimable « confrère en hygiène » s’empressa de nous répondre le 29 décembre qu’il partait le lendemain en voyage d’agrément pour l’Egypte, et qu’à son retour, en février, il nous enverrait le renseignement demandé. Plus récemment, dans une lettre datée de Wildungen, 14 mars 1901 , il s’excusait de son retard en raison de sa santé qui n’était pas complètement rétablie. Nous apprenons aujourd’hui que M. Andréas Meyer est mort dans cette ville, le 17 mars dernier. C’est avec un véritable chagrin que ANDREAS MEYER 4il nous sommes obligé de transformer en bulletin nécrologique la notice biographique que nous avions préparée sur son nom depuis plusieurs mois. Franz Ferdinand Cari Andréas Meyer est né à Hambourg, le 6 décembre 1837. Il enti-a à l’Ecole polytechnique de Hanovre en 18S4 pour se vouer à la carrière d’architecte et d’ingénieur; il y fut l’élève de Conrad Wilhelm Hase, le célèbre restaurateur de l’art gothique dans l’Allemagne du Nord. Il revint à Hambourg en 1862, entra dans le corps de la Députation des constructions de la ville et y resta jusqu’à la fin de sa vie. Après avoir été attaché pendant six ans au service hydraulique, il fut*nommé en janvier 1868 ingénieur de district, et le 23 juin 1872, à l’âge de 34 ans, il prit comme ingénieur en chef (Oberingenieur) la direction de l’ensemble du service. C’est en partie à sou impulsion énergique et féconde, continuée pendant vingt-huit ans, qu’est dû le développement extraordinaire et la transformation de la ville de Hambourg; sa population a doublé en dix ans (elle est aujourd’hui de 700,000 habitants) ; elle s’est embellie et assainie, plusieurs de ses institutions hygiéniques ont servi de modèle au reste de l’Europe; il est peu de villes en Allemagne où les travaux de génie sanitaire aient eu un plus grand retentissement et réalisé déplus heureux résultats; Andréas Meyer a été en quelque sorte l’Alphaud de Hambourg. Parmi les travaux qu’il a conçus ou exécutés dans cette ville, l’on peut citer : la reconstruction des égouts sur le système de la circulation continue (Schv^'emmsystem) à type unitaire; l’achève¬ ment du réseau d’écluses commencé en 1871 ; les magnifiques bas¬ sins de filtration par le sable dans l’ile de Raltehofe ; le puisement à la nappe soutei-raine de Cuxhaven ; la construction sur le Buller- deich de l’immense établissement d’incinération des ordures ména¬ gères, le premier qui ait été fondé sur le continent dans de telles prt^ortions (36 fours Horsfall, utilisation de la vapeur produite pour actionner les ventilateurs, les grues, les machines productrices de l’énergie électrique pour les pompes, l’éclairage, etc.) ; la cons¬ truction et les projets d’agrandissement de bains publics et gratuits, de piscines sur les rives de l’Elbe, de l’Alster, delà Rille; l’exhaus- sament des parties basses de la ville, pour les mettre à l’abri des inondations par les hautes marées; les projets pour l’assainisse¬ ment de la nouvelle ville du Sud, etc. 442 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER Andréas Meyer était doué d’une énergie extraordinaire, il était ardent, enthousiaste, il transmettait aux autres sa chaleur commu¬ nicative et il savait faire aboutir les projets qu’il avait conçus. Lorsqu’une grave épidémie de choléra vint ravager Hambourg en 1892 et 1893, on reconnut de bonne heure qu’elle avait pour ori¬ gine et pour voie de transmission l’eau souillée du service public; les grands appareils de filtration par le sable établis dans les îles de Blllward et de Raltenhofe en 1890 ne devaient être terminés qu’en 1894, d’après le programme des travaux; sous son impulsion et par un effort incomparable ils furent achevés dès le printemps de 1893. Sa vie s’est écoulée dans trois villes, Hanovre, Trêves et Ham¬ bourg, cette dernière surtout qu’il aimait, dont il était fier et qui était fière de lui. Mais il avait la passion des voyages ; il a par¬ couru le monde : les Etats-Unis, l’Orient, la plupart des villes d’Al¬ lemagne et d’Europe, dont il allait étudier les perfectionnements et les travaux sanitaires; il était en relation avec nn très grand nombre d’ingénieurs et d’hygiénistes étrangers. Il s’intéressait d’une façon très particulière au côté hygiénique de sa profession ; il était fréquemment consulté en ces matières et il mérite d’être placé à Tun des premiers rangs parmi les ingénieurs sanitaires. Pendant ces quinze dernières années, dans tous les congrès d’hygiène alle¬ mands et internationaux il était chargé de présenter le rapport sur une question sanitaire, il prenait une part très active aux discus¬ sions, et il a présidé plusieurs de ces réunions scientifiques. En 1897, il fut nommé membre extraordinaire du K. Gesuud- heitsamt, et en 1901 il Venait d’être désigné pour faire partie du nouveau Conseil de santé de l’Empire, dont la séance d’inaugura¬ tion a eu lieu le 20 mars, trois jours après sa mort. L’année dernière, au cours du Congrès international d’hygiène de Paris, nous avons eu la bonne fortune de réunir un certain nombre d’hygiénistes français et étrangers dont il faisait partie, et chacun admirait son humour, son entrain, son aménité, non moins qu’une santé robuste qtti semblait à l’abri de toute atteinte. A son retour d’Egypte, une maladie qui parut d’abord peu grave le força à interrompre ses travaux ; il semblait être en convalescence et s’apprêtait à reprendre sa vie si active, quand une soudaine rechute l’enleva brusquement à la science et à l’affection de ses amis. BIBLIOGRAPHIE 443 Andréas Meyer a plus construit qu’il n’a écrit de livres. Il laisse cependant bon nombre de rapports et de brochures qui resteront classiques et feront époque dans l’histoire du génie sanitaire. La plupart de ces travaux ont été publiés dans la Deutsche Viertel- jahrsschrift fur ôffentliehe Gesundheitspjlege, au comité de rédac¬ tion de laquelle il appartenait depuis 1897 : Les plantations et jardins publics dans les villes {Ibid. 1891, t. XXIV, p. 179). — Recherches systématiques sur l’auto-épuration des cours d’eau {Ibid. 1892, t. XXIV, p. 111). — Le service d’eau de la ville libre hanséatique de Hambourg, avec considérations sur l’établissement de filtration construit de 1890 à 1893 ; Hambourg, O. Meissner, 1884, avec 35 figures et 4 plans. — Les hôpitaux-baraques pour le choléra, les maisons mortuaires et les besoins du service d’eau à Hambourg pen¬ dant l’épidémie du choléra en 1892-1893 (Arbeiten des K. Gesundheit- samtes, 1894, t. X). — Les nouveaux filtres de sable pour' le service d’eau de Hambourg (Journal für Gasbeleuchtung und "Wassersorgung, 1893, XXXVI, p. 1 et p. 221). — Le règlement du débit des filtres (Çentralblatt für allg. Gesundheitspflege, 1894, t. XIII). — De l’éloigne¬ ment des ordures ménagères et autres déchets des villes, et particulière¬ ment de leur destruction par le feu, avec le D'' Reincke (D. Viertelj. f. ôff. Geshdtpflege, 1895, t. XXVII, p. 11). — De l’état actuel de l’inci¬ nération des ordures ménagères en Allemagne (Congrès de Moscou, 1897, et Congrès de Garlsruhe, 1898.; D. Viertelj. f. ôff. Geshtpflege, 1898, t. XXX, p. 9). — L’établissement municipal d’incinération des matières usées sur le Bullerdeich à Hambourg {Ibidem, 1897, t. XXIX, p. 353 avec 10 figures. — Nouvelle édition, après cinq ans d’expérience des appareils, avec 13 figures, Braunschweig-'Vieweg, 1901. E. Vallin. BIBLIOGRAPHIE Notice sur le service des eaux et sur l’assainissement de Paris, par M. Bechmann, ingénieur en chef des ponts et chaussées, chef du service technique des eaux et de l’assainissement. Paris, Ch. Béranger, 1900, un volume in-8“ de 524 pages. Le titre de cet ouvrage est trop modeste ; c’est assurément une Notice faite en vue de l’Exposition universelle de 1900 , « sous l’administration de M. de Selves , préfet de la Seine , et la direction de M. Defrance, directeur administratif de la voie publique et des eaux et égouts, par les soins de M. Bechmann » , comme le dit l’en-tête du livre ; mais en vérité BIBLIOGRAPHIE tu c’est plus qu’une notice, c’est un beau et élégant volume qui restera, et que nous avons particulièrement consulté en ces derniers temps pour suivre les débats de la ' Commission scientifique de l’Observatoire de Montsouris », dont le titre, cette fois encore, répond fort mal à l’œuvre que cette Commission a poursuivie et accomplie. L’ouvrage se divise en quatre parties : 1® Vaperçu rétrospectif est l’historique des eaux et des égouts de Paris aux différentes périodes du siècle; on indique leur situation il y a cent ans, leur développement progressif et leur amélioration dans la première moitié du siècle, la période de transformation entreprise par Belgrand de 18S4 à 1878, la période de développement poursuivie par Alphand et ses collaborateurs, de 1878 à 1891, et enfin les travaux récents accomplis jusqu’au moment où s’ouvrait l’Exposition qui inaugure le nouveau siècle. Paris qui, au commencement du siècle, distribuait à peine 13 litres d’eau de Seine ou du canal de l’Ourcq à ses habitants, ne se contente pas d’en distribuer aujourd’hui 230 litres; il s’efforce d’augmenter encore ses approvisionnements et d’améliorer la qualité de ses eaux de source; la différence des chiffres permet d’apprécier le chemin parcouru en moins d’un siècle, et surtout dans la seconde moitié de celui qui vient de s’achever. Toute l’histoire de l’œuvre de Belgrand , d’Alphand et de ses successeurs immédiats est trop connue pour que nous y insistions, mais on sera heureux d’avoir sous la main un historique aussi complet et aussi documenté quand on aura besoin de renseignements précis sur les détails de cette transformation de l’assainissement de Paris. L’auteur arrive rapidement à la deuxième partie , c’est-à-dire à Vêlai actuel du service en général, de l’alimentation en eau, des réservoirs et de la distribution de celle-ci; des égouts collecteurs, des champs d’épu¬ ration, des canaux de navigation. C’est assurément la partie qui nous intéresse le plus ; on y trouve, en effet, une description fidèle des dériva¬ tions de chacune des sources qui alimentent Paris , avec des cartes très claires et, un nombre considérable de vues photographiques représentant les lieux de captage, les aqueducs, les siphons, les usines élévatoires de chacune de celles qui desservent le service privé ; même description avec illustration pour les eaux de rivière desservant le service public. Deux cartes en noir, plus ou moins quadrillées , indiquent les zones de distri¬ bution, par quartier, des eaux de source et des eaux de rivière; il est regrettable que le temps n’ait pas permis de représenter ces caries en chromolithographies, dont la lecture aurait été plus rapide et plus facile. Cette partie du livre a été journellement consultée par ceux qui ont voulu suivre avec fruit, en ces derniers mois, les discussions sur les causes de l’épidémie de fièvre typhoïde à Paris, et les travaux de la Commission d’étude des sources de la Vanne et de l’Avre. La même richesse de photographies , de cartes et grapliiques permet au lecteur de se renseigner sur le plan, l’étendue et le mode de fonction¬ nement des égouts, des collecteurs et des champs d’épuration. C’est un recueil de renseignements qui ne sont pas moins utiles pour les hygié¬ nistes en résidence à Paris, que pour les étrangers qui, à l’occasion de BIBLIOGRAPfflE l’Exposilion, sont venus visiter les procédés par lesquels le senice tech¬ nique municipal assure l’assainissement de Paris. Dans la troisième partie , Fonctionnement des services , exploitation et entretien, deux chapitres ont pour nous un intérêt particulier; ce sont ceux qui concernent, d'une part , l’épuration et l'utilisation agricole des eaux d’égout; d’autre part, l’assainissement des habitations ou les travaux sanitaires (écoulement obligatoire à l’égout, etc.). Les Résultats techniques et financiers sont l’objet de la dernière partie de ce livre véri¬ tablement indispensable à celui qui veut suivre avec profit les projets, les progrès et parfois aussi les lacunes actuelles de l’assainissement de Paris. C’est en maniant un pareil ouvrage qu’on reconnaît combien une telle œuvre est difficile et compliquée ; on se demande alors si, au lieu de se complaire dans des accusations plus ou moins justifiées contre les hommes de talent qui poursuivent une si lourde tâche, il ne vaudrait pas mieux rechercher avec eux les meilleurs moyens de mener à bien la partie la plus ardue de l'assainissement d’une capitale de 2,300,000 habitants. E. Vallin. L’alimentation en eau et l’assainissement des villes a l’Expo¬ sition UNIVERSELLE DE 1900 , par M. le D' E. Imbeaux, ingénieur des ponts et chaussées, directeur du Service municipal de Nancy, lauréat de l’Académie de Médecine. Paris, E. Bernard, 1901, un volume grand in-8° de 350 pages, avec 75 figures. C’est un événement heureux, c’est une bonne fortune pour l’hygiène de voir un ingénieur des ponts et chaussées compléter son instruction scientifique, obtenir le litre de docteur en médecine, passer plusieurs années dans un laboratoire de bactériologie, ambitionner et atteindre le poste difficile de directeur des services municipaux d’une grande ville, et se consacrer avec une compétence absolue à ces fonctions d’ingénieur sanitaire qui permettront à M. Imbeaux de transformer en quelques années l'hygiène de la ville de Nancy. Le très bel ouvrage qu’il vient de publier n’est pas seulement, comme le dit le sous-titre, un compte rendu de ce que nous avons vu dans les différentes galeries de l’Exposilion internationale de 1900 ; l’auteur ne se borne pas à faire connaître et à apprécier les documents et modèles relatifs aux distributions d’eau et à l’assainissement des villes exposées au Champ de Mars et sur les rives de la Seine : c’est un véritable traité sur la matière; c’est le bilan discuté et raisonné de toutes les connaissances acquises sur ce sujet au commen¬ cement du XX® siècle, et ce livre survivra à la grande exhibition interna¬ tionale qui en a été l’occasion et le prétexte. Survenant après lés travaux de la commission scienlifitiue de l’Observatoire de Montsouris, il com¬ plète et commente les mémorables rapports et discussions qui ont eu lieu au sein de celle haute commission. •Nous avons été particulièrement heureux d’y trouver, avec un grand nombre de dessins et de planches, un exposé du remarquable travail (jue 31. l’ingéniem- des mines, Léon Janet, a présentés dans sa belle confé- 4i6 BIBUOGRÂPUIE rence à la Société géologique de France, le 11 juin 1900, sur le captage et la production des sources, et sur l'application de ces principes à la dérivation par la ville de Paris, des sources du Loing et^du Lunain; les spécimens de drainage, à trancliéès creusées à ciel ouvert, faites par M. Imbeaux dans plusieurs communes de Meurthe-et-Moselle et par M. Considère dans les terrains granitiques de Quimper; les captages à grande profondeur par MM. Chamberlin, Démétriadès, l’ingénieur E. Putzeys, Lippmann, Côttancin, Villain, Verstraeten, Cari Kocb, etc. Ces travaux , parfaitement expliqués et figurés, nous font voir les diffi¬ cultés des captages , et la façon le plus souvent heureuse dont elles ont été résolues. Le médecin hygiéniste ne s’occupe que du résultat à obtenir, c'est-à-dire la qualité irréprochable et immuable de l’eau destinée à l’ali¬ mentation des collectivités ; il est indispensable qu’’il soit initié aux efforts au moyen desquels les ingénieurs peuvent arriver à ce résultat; la collaboration des uns et des autres est à la fois nécessaire et fructueuse; elle évite les récriminations rétrospectives, elle associe à la fois les com¬ pétences et les responsabilités , au gi’and bénéfice de la science et de la santé publique. Nous signalerons encore la description des appareils de filtration cen¬ trale du système Anderson, tel qu’il fonctionne à Choisy-le-Roi , des bassins filtrants d’Ivry, de Mûggelsee (Berlin) , de Hambourg, de Pilsen, de Varsovie, et enfin des filtres américains, mécaniques et rapides, de New-York et de Philadelphie. Le grand nombre et la belle exécution des figures qui accompagnent le texte donnent à ces descriptions la valeur de leçons de choses extrê¬ mement instructives. Les procédés d’épuration par l’ozone : de Tindall, de Marmier et Abra¬ ham, d’Otto, de Siemens et Halske, sont de la même façon exposés d’une façon très claire et très suggestive. L'auteur se borne à indiquer sommairement, et à l’aide de quelques dessins, les procédés de filtration à domicile; il n’y consacre qu’une dizaine de pages. L’élévation, l’adduction, l’emmagasinement et la distribution des eaux constitue un chapitre très important et très étendu de ce livre, cha¬ pitre qui intéresse plus particulièrement l’ingénieur hydraulicien, mais auquel le médecin hygiéniste ne doit pas rester indifférent. Le médecin et le bactériologiste se révèle dans la dernière partie de l’ouvrage, où M. Imbeaux traite des analyses chimiques et bactériologiques et do leur interprétation; dans la recherche expérimentale sur l’origine et le trajet des eaux souterraines ; dans la marche et l'étude des maladies d’origine hydrique, et enfin dans la protection des nappes et des sources, ainsi que dans la législation et l’instruction des projets de distribution d’eau. Ce livre rendra les plus grands services aux médecins, parce que la plupart des ouvrages écrits par les géologues et les ingénieurs hydrauli- ciens sur le captage et la conduite des eaux de source sont pour eux d’une lecture très aride, trop technique et, si j’ose dire, un peu rebutante. BIBUOGRAPHIE 447 La double qualité de médecin et d’ingénieur a permis à M. Imbeaux de rester plus à la portée de ses collègues de la Faculté; c’est véritable¬ ment un livre d’hygiène appliquée à l’alimentation en eau des villes et des collectivités, et nous lui sommes reconnaissants d’une œuvre de grande valeur qui rendra leur tâche non seulement plus facile , mais plus attrayante. E. Vallin. Le traitement bactérien des eaux d’égout, par George Thudi- obum; traduction de l’anglais, par G. Launay, ingénieur en chef des ponts et chaussées et de l’assainissement de Paris. Paris , Ch. Béranger, 1899-1901, un volume in-18 de 7S pages, avec figures. M. Launay a été bien inspiré en traduisant en français , au retour de sa mission en Angleterre, le petit livre de M. G. Thudichum, sur le trai¬ tement bactérien des eaux d’égout. Le D' Thudichum nous est connu depuis longtemps; il a été attaché jadis au Local Government Board, et de 1874 à 1886 il s’est livré à des recherches très importantes sur la composition chimique du cerveau, en particulier sur la lécithine et un grand nombre d’autres composés bien définis; depuis 1884, il est membre du London County Council et du Bureau des travaux métropolitains de Londres. Sa compétence est donc incontestable en chimie biologique et en hygiène publique appliquée à l’assainissement. Il a su formuler d’une façon aussi concise que scienti¬ fique les règles et les résultats de cette méthode si originale, qui consiste à épurer les eaux résiduelles par l’action destructive des microbes qu’elles contiennent. L’auteur fait peu de théorie ; il décrit ce qu'il a vu. Il a d’abord été étonné, puis convaincu; aussi parle-t-il sans hésitation; pour lui, c’est une telle conquête, que désormais toutes les autres méthodes doivent disparaître. 11 va jusqu’à dire « que les procédés bactériens sont les seuls “ qui, en principe comme en fait, en théorie comme en pratique, pér¬ il mettent d’obtenir do bons résultats, et qUe le traitement subséquent Il par la terre est inutile, quelquefois même nuisible. » C’est aller un peu loin et ce n’est pas notre collègue et ami, M. Launay, qui nous contredira, car la quantité d’azote contenue dans l’eau qui sort des bassins septiques ou filtrants est considérable, et c’est une richesse pour l’agriculture qu’il ne faut pas gaspiller. D’après les calculs de M. Thudicluim, la ville de Londres, pour dégros¬ sir ses eaux d’égout, pour précipiter les boues à l’aide de produits chi¬ miques et les jeter en pleine mer à Barking tt Crossness , a engagé un capital de 50 millions et dépense 1 million et demi par an ; avec le trai¬ tement bactérien la dépense totale serait de 25 millions seulement, soit une économie annuelle de 750,000 francs. L’auteur décrit d’une façon extrêmement claire, avec des dessins, les deux procédés (de M. Dibdin à Sutton, ou de M. Cameron à Exeter), associés ou employés isolément dans plus de vingt villes anglaises (ce nombre a dû augmenter depuis un an que le livre anglais a paru), avec des résultats excellents. En raison de la facilité et de l’économie de l’ap- 448 REVUE DES JOURNAUX plication, de la faible surface et du peu de surveillance qu’il exige, le traitement bactérien des eaux d’égout est surtout applicable aux petites localités, aux industries particulières et même aux habitations privées à la campagne; c’est à ce point de vue surtout qu’il a si bien réussi en Angleterre. Aussi ce petit livre sera-t-il consulté avec grand profit par les maires, les conseils municipaux, les ingénieurs et les agents voyers, etc., de nos départements. Rappelons que le traducteur ajoute à sa haute compétence l’avantage d’avoir vu fonctionner sur place, au cours de sa mission officielle en Angleterre , les nombreuses installations qu’il a visitées et que les'plus modestes n’ont pas toujours été les moins instructives. E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX La variole à Lyon en 1899-1900 , par le professeur J. Coübmont et les internes de l’hôpital d’isolement {Presse médicale, 23 mars 1901, p. 135). La statistique de l’hôpital fait voir que pour 449 femmes entrées pour variole, on ne compte que 343 hommes. M. Courmont montre que c’est surtout de vingt à trente ans que la prédominance des femmes est marquée : de vingt à trente ans, 157 femmes et 78 hommes ; de trente à cinquante ans, 146 femmes et 84 hommes. 11 attribue fort justement celte immunité relative du sexe masculin aux revaccinations du service mili¬ taire. Comme conséquence naturelle, la mortalité sur 100 cas de variole est de 14 chez l’homme, de 18 chez la femme. La même statistique montre que sur 100 cas de variole chez des non- vaccinés, 50 se sont terminés par la mort; la mortalité n’a été que de 10 p. 100 chez ceux qui avaient été vaccinés ou revaccinés depuis plus de dix ans, et de 4 p. 100 seulement qui avaient été vaccinés depuis moins de dix ans. La conclusion c’est, dit l’auteur, qu’il faut hâter la loi sur la vaccination et la revaccination obligatoires. M. Courmont fait prendre en principe à tout varioleux dont les pustules sont en suppuration un bain tiède journalier avec 30 grammes de sublimé et 30 grammes d’acide tartrique. Plusieurs fois par jour on pulvérise sur la face une solution de sublimé à 1 p. 500 ; il n’a jamais vu aucun signe d’intoxication mercurielle. Toutes les fois qu’il y a une pustule sur la conjonctive ou sur la cornée , il instille entre les paupières une solution de bleu de métylène à 0,20 p. 100 ; le résultat est excellent, et sur qua¬ rante-cinq cas il n’a pas perdu un seul œil. REVUE DES JOURNAUX 449 L’on consultera utilement sur plus d’un point cette statistique très bien laite, concernant 912 cas avec 167 décès, soit une mortalité de 18 p. 100. E. Vallin. La production du travail musculaire par l'alcool, etc., par M. Chau- VBAU, de l’Institut. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 14 et 21 janvièr 1901, p. 65 et 110). Dans un article de journal qui a fait sensation, M. Fournière a déclaré que l’alcoolisme était une nécessité pour les classes ouvrières, tant que l'insuffisance alimentaire n’aurait pas disparu par l’augmentation du bien- être. Basant son argumentation sur une théorie scientifique qui a fait son temps et dont l’exactitude était déjà très discutée, l’orateur socialiste exposait comme un dogme scientifique le raisonnement suivant : « L’alcool est un agent chimique, un hydrocarbure, destiné à remplacer l’insuffisance des aliments. Le travail musculaire exige du combustible, sous forme d’aliments. La machine humaine, comme les autres machines, transforme de la chaleur en travail mécanique. La chaleur a sa source dans les combustions qui se produisent dans les muscles en fonctionne¬ ment. Les matériaux qui rendent ces combustions possibles sont les aliments, pijncipaleraent ceux qui renferment du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène, c’esl-â-dire les hydrocarbures. Parmi ces substances, il faut placer au premier rang l’alcool ; donc, l’alimentation insuffisante de l’ouvrier lui impose l’alcool. L’excès de travail rend l’alcool nécessaire à l’ouvrier ; l’alcoolisme a une origine sociale : c’est une conséquence di¬ recte du surmenage et de l’excès de travail. » On comprend combien une pareille théorie, d’allure scientifique, est dangereuse au moment où tous les efforts se concentrent en faveur de la lutte contre l’alcoolisme, dans toute l’Europe, et particulièrement en France. Déjà, en 1897, M. Destrée, reprenant et complétant les expériences de M. Hermann Frey {Revue d'hygiène, p. 266), était arrivé à cette conclu¬ sion que l’alcool a un eft'et paralysant très marqué ; que le rendement musculaire, environ une demi-heure après administration d’alcool, arrive à une diminution d’énergie que de nouvelles doses d’alcool compensent difficilement; que l’effet paralysant consécutif de l’alcool compense l’exci¬ tation initiale momentanée, et que, somme toute, le rendement de travail obtenu est inférieur à celui que l’on obtient en se privant d’alcool. Ces conclusions expérimentales, disait-il, viennent donc appuyer une fois de plus la légitimité de la lutte entreprise contre l’alcoolisme, pour le plus grand bien de la société. M. Chauveau, qui depuis tant d’années poursuit dans son laboratoire du Muséum de remarquables travaux sur le rendement musculaire, vient de présenter à l’Académie des sciences des résultats expérimentaux qui fixent définitivement la science sur ce sujet. D’après lui, les valeurs du quotient respiratoire, de la période de repos et de la période de travail d’un animal soumis à une ration alimentaire où l’alcool a été substitue à IIEV. D’ilYG. XXllI. — 29 *80 REVUE DES JOURNAUX une quanlilé isodynarae de sucre, montrent que l’alcool n’est utilisé, comme potentiel énergétique, ni pour l’exécution de l’ensemble des tra¬ vaux physiologiques de l’état du repos, ni pour l’exécution du travail des muscles pendant l’exercice. D’autre part, la substitution partielle de l’alcool au sucre, en projportion isodyname, dans la ration alimentaire du sujet qui travaille, ration administrée peu de temps avant le travail, en¬ traîne ; 1“ la diminution absolue du travail musculaire ; 2° la stagnation ou l’amoindrissement de l’entretien ; S” l’élévation de la dépense d’éner¬ gie par rapport à la valeur du travail accompli. En résumé, « l’alcool n’est pas un aliment de force, son introduction « dans une ration de travail se présente avec toutes les apparences d’un « contresens physiologique, et les résultats de la substitution partielle de « l’alcool au sucre se montrent à tous les points de vue franclienicnl « défavorables La réfutation des assertions de M. Fournière est donc complète. Il y a lieu de rappeler que les travaux antérieurs (1897 et 1898) de M. Chau¬ veau, sur te même sujet, ont montré au contraire que, chez le sujet qui travaille, le sucre se montre un aliment supérieur au point de vue du rendement musculaire. C’est d’ailleurs un fait d'expérience que connais¬ sent bien tous les amateurs de bicyclette : pas d’alcool, mais beaucoup de sucre; et l’on a beaucoup de sucre pour le prix d’une bouteille de mau¬ vais vin. E. Vallin. De l'infection sudorale des plaies par les mains du chirurgien, par le D' E. Gbnevet {Gazette hebdomadaire, 3 mars 1901, p. 2015). M. le !)*■ Genevet, chef des travaux de la clinique chirurgicale de M. le profésseur' Poncet, de Lyon, fait connaître le résultat des expériences qu’il a faites à l’initiative de son maître et avec la collaboration du D'' L. Dor, sur la stérilisation des mains du chirurgien et le rôle de la sueur dans l’infection des plaies. Par un' lavage très rigoureux et prolongé, on obtient la stérilisalion absolue des mains au moins, pour une courte durée ; mais cette stérili¬ sation cesse aussitôt que la transpiration commence, ce qui donne à la sueur des mains du chirurgien le premier rôle dans l’infection des plaies chirurgicales. A ce point de vue, il y a de grandes différences individuelles ; il est certaines mains pour lesquelles la chirurgie est impossible et qui constituent une véritable infirmité. Le D'' Gailhard, aide-major stagiaire au Val-de-Gràce, a consacré sa thèse à ce sujet (Lyon, 1901). Dès que les mains commencent à transpirer au cours d’une opération fatigante, il faut les tremper, à plusieurs reprises, dans la solution de sublimé, l’eau stérilisée, la solution de tannin à 2 0/0. Ce dernier liquide est le plus actif pour empêcher la sueur ; avant l’opération, l’immersion doit dure, dix minutes et être suivie de rinçage à l’eau stérilisée. Les aides peuvent souiller ainsi de leur sueur les instruments, le catgut, les pièces de panse¬ ment, etc. Les gants de caoutchouc amènent une sudation énorme des mains et ils peuvent se déchirer ; à ce point de vue, ils sont dangereux. REVUE DES JOURNAUX 481 Lesiglandes sébacées et sudoripares de l’opéré, au moment où l’on sectionne là peau, déversent elles-mêmes dans la plaie les microbes plus ou moins septiques contenus dans leurs conduits excréteurs, et rendent presque impossible l’aseptisation absolue du champ opératoire (Goltstein, Lau'enstein, Sam ter) ; contre ce danger, l’on a proposé la protection des bords de la plaie par des compresses aseptiques, par le « prolectiv de Kühn », par le lavage au formol, par les sutures à plusieurs plans qui iso¬ lent mieux la peau du fond de la plaie. M. Poncet se demande si la sueur agit, dans l’infection des plaies, non seulement par la quantité de germes quelle déverse, mais aussi par sa qualité, comme bouillon de culture capable d’augmenter la virulence de certains microbes de la suppuration. Les recherches récentes de MM. Mai- ret et Ardin-Déteil {Journal de physiologie et de pathologie générale, anvier 1901, p. 119) sont plutôt rassurantes sur ce point. E. Yallin. De l'emploi des sulfites pour la conserimlwn des denrées alimentaires (vin, bière, etc.), par M. A. Riche (Comptes rendus du Conseil d’hygiène de la Seine, 4 janvier et 1®'’ mars 1901. M. Ch. Girard, analysant des bières anglaises au Laboratoire muni¬ cipal, a trouvé parfois des bières de grande marque contenant de fortes quantités d’acide sulfureux con-espondanl à plus de 3 grammes de sul¬ fate neuire de potasse par litre. Ces bières sont nuisibles d’abord par l’acide sulfureux lui-méme, puis par la formation lente d’acide sulfurique qui, no trouvant pas toujours dans ces liquides les éléments necessaires à sa saturation, se change en bisulfate alcalin dans des proportions de beaucoup supérieures à la: limite fixée par le plâtrage des vins, c’est- à-dire deux grammes. M. Girard a appelé sur ce point ratlenlion du Conseil d’hygiène de la Seine, qui a chargé M. Riche d’examiner la question en ce qui concerne les vins blancs. Le soufrage des tonneaux par la mèche soufrée, lorsqu’on doit opérer un soutirage, est une pratique séculaire qu'on ne peut songer à détruire, et à laquelle heureusement tend à se substituer l’emploi de l’acide carbonique. Mais le soufrage intensif par l’emploi dos bi.sulfites alcalins et calcaires se fait sur une immense écla'lle en France jiour la conserva¬ tion d’un grand nombre de substances alimentaires. C’est un danger d’autant plus grand que ces sulfites sont souvent impurs; quelquefois môme ils contiennent do l’arsenic, et c’est [leut-étrc ainsi pour une part aux sulfites que reviennent les intoxications arsenicales observées récem¬ ment en Angleterre chez les buveui's de bière. En Belgique, en Suisse et en Allemagne, la quantité maximum d’auliv- dride sulfureux tolérée dans le vin ne doit pas dépasser 200 milligrammes par litre; on a reconnu ipie celte dose déjà élevée est sul'lisanle iionr assurer l’antiseptie. M. Riche propose d’adopter aussi ccili' limite en France. L’acide sulfureux, ainsi introduit dans les boissons alcooliijues et sucrées, n’y reste pas en totalité à l’état libre. Sous riniluence du temps. KEVUE DES JOUHNAU.V une partie se combine avec les aldéhydes, les sucres et probablement avec d’autres principes encore. En Belgique, on en est venu à déter¬ miner dans les boissons suspectes l’anhydride sulfureux total, c’est- à-dire l’acide libre et le sulfate formé; la limite de 20 milligrammes d'acide sulfureux libre ne doit pas être dépassée pour les vins débités dans le commerce de détail. L’acide libre exerce une action plus rapide sur l’organisme que l’acide combiné aux matières organiques; mais M. Riche ne croit pas que l’expérience permette dés à présent d’appré¬ cier d’une façon suffisamment précise la différence dans cette action nocive. 11 est donc d’avis de se borner pour le moment à réprimer l’em¬ ploi de proportions exagérées d’acide sulfureux libre. En résumé, il propose de prohiber dès à présent l’emploi de tout vin blanc contenant une proportion d’acide sulfureux, libre et combiné supérieure à 200 milligrammes par litre. Le Conseil d’hygiène a voté celle conclusion à l’unanimité. E. Vallin. Deux cas d’ intoxication par l'oxide de carbone dans un torpilleur, par MM. Labordk et Cibrat {Bulletin de l'Académie de médecine, 26 mars 1901). On conserve dans la marine une pratique traditionnelle pour erapècliM la dégradation et la rouille des chaudières qu’on laisse momentanément hors de service. La fermeture à l’acide carbonique se fait de la façon suivante. On met à demeure dans la chaudière quelques boites de cliaii.x vive ; l’on y fait pénétrer les produits de la combustion d’un réchaud de charbon de bois, allumé dans la chaufferie. Quand la quantité régle¬ mentaire de charbon a été bridée, on ferme hermétiquement toutes les ouvertures du compartiment jusqu’au nouvel aiTnemenl du torpilleur. Ace moment, il est prescrit d’aérer la chaudière pendant plusieurs heures, avant d’y faire pénétrer un homme pour retirer les boites de chaux. On a peine à comprendre qu’un procédé aussi dangereux soit encore en usage de nos jours. M. LE D'’ Gibrat, médecin de la marine, a communiqué à M. Laborde deux cas, l’un terminé par la mort, l’autre suivi de guérison, observés a Cherbourg chez deux mécaniciens qui s’étaient introduits dans la chau¬ dière d’un torpilleur pour en retirer les boites de chaux destinées à sa conservation. Il fallait ramper pour pénétrer dans l’espace extrêmement étroit conduisant ii la chaudière ; les deux hommes tombèrent asphyxiés par l’oxyde de carbone. Les tractions rythmées de la langue faites avec persévérance permirent de rappeler le maître mécanicien à la vie, cl c’est un nouveau succès à enregistrer à l’avoir de l’ingénieux procédé que défend si vaillamment M. Laborde. Nous pensons qu’il y aurait lieu d’abord de renoncer à ce mode bizarc de fermeture, où l’on ne sait si la chaux sert à absorber l’humidité, ou à absorber l’acide, carbonique, en laissant intact l’oxyde de carbone qui est un poison si redoutable. Tout au moins, sur les torpilleurs et bateaux sous-marins où l’on est constamment exposé à rencontrer des milieux irrespirables par insuffisance d’oxygène, devrait-on avoir en réserve des REVUE DES JOURNAUX ■533 récipients métalliques contenant de l’oxygène comprimé ; dans un cas comme celui rapporté par MM. Laborde et Gibrat, on pourrait dégager devant la bouche d’un asphyxié un mélange d’air et d’oxygène, où ce dernier serait en proportion double de ce qu’il est dans l’air ; MM. Mosso et Gréhant ont montré que l’air surchargé d’Oxygène est un excellent moyen pour combattre l’asphyxie par l’oxyde de carbone. M. Riche a ajouté qu’il existe aujourd’hui des procédés très pratiques, extemporMés, de préparer l’oxygène, au moyen de composés solides qui, sous un ftiblê volume, on produisent de grandes quantités : ce sont les persulfates et le bi-oxyde de sodium. Ce dernier corps se décompose, au simple contact de l’eau, pour dégager de l’oxygène qui rend l'atmosphère respirable, et pour mettre en liberté de la soude qui fi.xe en même temps l’acide carbonique. MM. Degrez et Ralthazar ont appliqué ce corps à la régénération de l’air confiné; il devrait se trouver dans toutes les boîtes de secours. E. Vaelin. Sur la prophylaxie de la tuberculose, par M. Lancbreaux. (Bulletin de l’Académie de médecine, 2 avril 1901, p. W.'j). M. Lancereaux, qui fait prévaloir les droits de l’observation clinique sur l’expérimentation, base ses observations sur 2,192 cas do tuberculose recueillis par lui depuis quarante ans. Tandis que la syphilis attaque tout individu qui s’expose à la contagion, d’autres maladies microbiennes ou virulentes, comme le muguet, ne frap¬ pent que les sujets prédisposés; il en est de môme de la tuberculose, le microbe ne lève que sur un terrain favorable; personne d’ailleurs n’a jamais mis en doute, à notre connaissance, le rôle prédominant du ter¬ rain dans la tuberculose. Au point de vue des circonstances qui ont pré¬ paré le terrain, les 2,192 observations de .M. Lanrereaux se réparti.sscnt ainsi : Tuberculose et alcoolisme . 1,229 Aération insuffisante et sédentarisme . 051 Misère et privation . 82 Hérédité probable . 93 Contagion . 40 2,192 La tuberculose du buveur se distinguerait par sa localisation habituelle au sommet droit, par des granulations ordinairement disséminées et rare¬ ment par une infiltration lobaire. La tuberculose duo à l’aération insuffisante et à la sédentarité au con¬ traire est plus fréquente au .sommet gauche, avec prédominance de la forme lobulaire ou caséeuse sur la forme granuleuse. Si depuis un certain nombre d’années la tuberculose est devenue plus fréquente au sommet droit qu’au sommet gaucho, tandis que c’était le contraire auliel'ois, c’est que l’hygiène des habitations s’est beaucoup améliorée depuis trente ans, tandis que la liberté du débit des boissons .spirilueuses a considérable- REVL'E DES JOURNAEX ment augmenté le nombre des tuberculoses d’origine alcoolique, qui atteignent surtout le poumon droit; « il en résulte que la phtisie a, pour ainsi dire, changé de côté ». M. Lancereaux ne trouve que 46 cas de contagion sur 2,192 ! Bien que nous connaissions depuis longtemps la résistance de notre collègue cl ami à la doctrine de la contagion tuberculeuse , nous avons été grande¬ ment surpris de ce résultat de sa statistique. Mais il nous semble que M. Lancereaux n’a pas tenu assez de compte des cas de tuberculose où il y avait, à la fois, alcoolisme, misère, vie dans l’air confiné, et en même temps possibilité ou probabilité de contagion; or, ces cas sont Irès fréquents. M. Lancereaux n’admet comme cas de contagion que ceux où aucune autre cause adjuvante ou accessoire ne pouvait expliquer le développe¬ ment de la maladie. Voici en effet les termes mômes qu’il emploie (p. 4G8) : « En résumé, l’hérédité est peu fréquente et la contagion rare, à (I moins en L’absence de toute ‘prédisposition première, et au conlraire « deux grandes causes favorisent son éclosion , à savoir : les excès de n boissons alcooliques et surtout de boissons avec essences ; l’encombre- « ment ou l’insuffisance d’aération et le sédentarisme. » La réserve exprimée par M. Lancereaux dans les mots que nous avons soulignés explique toute la différence qui existe entre nous. Nous ne comprenons pas plus le développement de la tuberculose sans l’apport du germe tuberculeux, que nous ne comprenons l’invasion d’un clianip par le chiendent, sans que cette mauvaise graine y ait été apportée d'une façon ou d’une autre. Assurément le champ n’a été ainsi envahi que parce qu’on a négligé d’arracher les mauvaises herbes , qu’on n’a pas aéré le sol par le labour, que la terre était sans culture, sans engrais, sans concurrence vitale, etc. Personne ne conteste ([u’un organisme humain prédisposé par la misère, le ■confinement, le surmenage, l’inani¬ tion, etc., soit particulièrement apte à recevoir la contagion tuberculeuse; nier celle-ci dans tous les cas où la prédisposition existe , c’est faire une distinction arbitraire qu’on n’oserait faire pour aucune autre maladie. Sur 1,000 personnes qui boivent à une source souillée par des déjections typhiques, il n’y a que dix personnes qui contractent la fièvre typhoïde; niera-t-on l’infection par le bacille d’Eberth dans les cas où quelques-uns des malades atteints étaient particulièrement prédisposés par le surme¬ nage, par le mauvais état de leurs fonctions digestives , par des excès de boissons ou d’aliments, etc. La prophylaxie de la tuberculose consiste à la fois à améliorer le ter¬ rain et à supprimer le germe tuberculeux; ces deux éléments ont, à nos yeux, la môme importance. M. Lancereaux considère qu’il est difficile ou impossible d’atteindre l’agent pathogène et concentre tous ses efforts sur la modification du terrain ; nous sommes moins pessimiste et moins incrédule que lui; nous croyons que l’on peut faire beaucoup pour écarter les germes du voisinage immédiat des sujets prédisposés, dans la période au moins où la virulence et la vitalité de ces germes sont au maximum. S’il n’en était pas ainsi, à quoi servirait de faire la dé.sinfec- REVUE DES JOURNAUX 435 lion, l’isolement et de prendre des précautions contre la variole, la rou¬ geole, la scarlatine, la diphtérie, la coqueluche, etc. Nous croyons, avec M. Lancereaux, que l’alcoolisme prédispose très sérieusement l’organisme à se laisser envahir par le contage tuberculeux; nous demandons, comme lui, la limitation du nombre des cabarets, des conditions sévères imposées aux licences, etc., l’assainissement des loge¬ ments insalubres; mais nous croyons qu’une des principales causes de danger d’un mauvais logement que vient de quitter un tuberculeux réside dans les souillui-es qu’il a laissées sur le plancher, sm- les papiers de tenture de la chambre où il couchait pendant sa maladie. En outre, dans l’état actuel de nos mœurs, est-il beaucoup plus facile do supprimer les cabarets et l’alcoolisme, que de détruire les crachats des phtisiques ? Qu’en pense M. Lancereaux , qui a tant et si bien étudié l’alcoolisme et qui connaît les difficultés du problème ? E. Vallin. Les samloriums de forlunc pour tuberculeux pauvres, par le D'' Bru- non (Bulletin de l'Académie de médecine, 2 avril 1901, p. 448). Tout le monde, en France, demande des sanatoriums pour les tuber¬ culeux ; mais on rêve de construire pour les tuberculeux indigents des sanatoriums sinon somptueux au moins architecturaux : à Angicourt on a dépensé 2 millions pour un hôpital de 165 lits ! et il y a 300,000 tuber¬ culeux au moins à hospitaliser par an. Le mieux serait peut-être de prévenir la tuberculose; comme nous le disions en 1898, à la Société de médecine publique (Revue d’hygiène, 1898, p. 1114); en démontrant les bienfaits de l’antisepsie on a écono¬ misé les millions qu’on se croyait obligé de dépenser pour créer ces hôpitaux monumentaux que Malgaignc appelait les Versailles de la misère. Un demi-milliard et trente ans ne suffiront pas pour abriter tous nos lubercüleux indigents dans des sanatoriums où le lit coûtera 4,000 francs; il faudrait aussi penser un peu à prévenir la tuberculose, comme on a réussi à prévenir la septicémie des amputés; il faudrait combattre les grandes causes de la tuberculose: l’alcoolisme, l’air confiné, la contagion, l’ignorance des lois de l’hygiène. M. Brunon demande, comme nous, qu’au lieu de construire des sanato¬ riums architecturaux, on crée immédiatement des sanatoriums de fortune dans des bâtiments déjà existants : vieux châteaux abandonnés, asiles de vieillards ou hospices cantonaux presque inoccupés, fermes et maisons de campagne, loués ou utilisés par les administrations communales. Ce qu’il faut avant tout et ce (jui suffit à la rigueur, c’est de l’air pur, c’est la vie prftsque en plein air loin des villes, en pleine campagne. Il faut centrifuger les malades, suivant une heureuse expression de M. Letulle. A l’administration des hospices de Rouen, M. Brunon demande u l'ins¬ tallation des tuberculeux curables des hôpitaux soit dans les bâtiments déjà existants achetés ou loués par l’Assistance publique en dehors de la ville, soit dans les petits hospices cantonaux transformés en « .sanato¬ riums de fortune n. Pour les tuberculeux indigents, ajoute- l-il, ne cons¬ truisez pas de sanatoriums et créez-en partout. UEVÜE DES JOURiNAUX Ce sont les opinions que nous ne cessons de défendre depuis plusieurs années; nous ne pouvons donc qu’approuver l’intéressante cominunicalion faite par notre très distingué collègue , correspondant national de l’Aca¬ démie et directeur de l’Ecole de médecine de Rouen. E. Vallin. Traitement de la tuberculose par le sérum musculaire, par M. le D‘' A. JosiAS et M. Ch. Roux. (Bulletin de thérapeutique, 23 février 1901, p. 249. — A propos de la zomothérapie , par le D'' Duhouhcau. (llnd., p. 449). Nous avons longuement exposé {Revue d'hygiène, 1900, et 1901), le traitement par le suc musculaire ou zomothérapie, expérimenté et pio- conisé par MM. Ch. Richet et Héricourt. M. le D" A. Josias a employé ce traitement chez quelques enfants de son service à l’hôpital Trousseau, et il en a rendu compte, avec son interne M. Ch. Roux, à la Société de thérapeutique, le 13 février der¬ nier. Il faisait macérer la viande quelques instants dans le quart de son poids d’eau, puis comprimait aussi fortement que possible dans une presse de ménage ; on obtenait environ 15 à 20 centimètres cubas de sue par 100 grammes de viande, légèrement dilué par l’eau que l’on y avait ajoutée. Quand on n’administre qu’au bout de deux heures, il faut conserver ce suc dans la glace. On employait en général, comme le recommande M. Richet, 20 centimètres cubes de suc par kilogramme d’enfant ; ce traitement a été continué chez plusieurs malades (7 en tout) pendant un à sept mois. Les résultats ont été satisfaisants dans un cas où la lésion était peu avancée ; mais dans deux autres où il y avait inlll- Iration tuberculeuse des poumons avec ramollissement, le bénéfice a été médiocre ou nul, parce qu’on n’avait plus à lutter seulement contre le bacille tuberculeux, mais contre les microbes et les infections secondaires qui avaient envahi l’organisme Le suc musculaire n’a pas empèclié la mort rapide dans trois cas de méningite tuberculeuse. Il faut d’ailleurs reconnàître, avec M. Dalché, que l’hôpital n’est pas un bon milieu pour juger un pareil traitement. Dans la séance du 13 mars, M. le D'" Duhourcau a relaté l’observa lion d’un jeune homme surmené par la préparation d’un concours, affaibli, ayant une toux inquiétante, qu’il soumit à la zomothérapie. On emmena ce jeune homme à la campagne, on le fit vivre au repos et au grand air; (I comme il ne mangeait guère , on lui lit prendre chaque jour le suc de 500 grammes de viande de bœuf, préparé en mettant à macérer, pendant deux à trois heures, la viande hâchée menu avec la moitié de son poids d’eau et un peu de sel , en ayant soin de remuer de temps à autre. La viande était ensuite exprimée avec une presse de ménage sous laquelle elle était placée , enveloppée dans une toile pour éviter les éclaboussures et pouvoir l’exprimer à sec. » Les 280 à 300 grammes de suc obtenus étaient partagés en deux doses, prises l’une à 10 heures du matin, l’autre à 4 heures du soir. Aux repas, on alimentait le malade le mieux possible. L’effet fut d’abord peu REVUE DES JOURNAUX 4.”, T sensible pendant les huit premiers jours, mais la semaine suivante le résultat fut excellent, et le jeune homme reprit toute sa vigueur. L’année suivante, contre le retour de ces accidents, on reprit le traite¬ ment modifié. Avec 230 à 280 grammes de viande de bœuf, on obtenait 130 grammes de suc musculaire, pris immédiatement au repas du soir; Au bout de douze jours, le jeune homme était complètement remis. M. Duhourcau croit, contrairement à MM. Richet et Héricourt, que 130 à 250 grammes au plus de suc de viande, pris en une fois pai- jom‘, sont suffisants, surtout si l’on ajoute à l’autre repas une certaine quantité dé viande crue. M. Duhourcau ne donne aucun détail sur le degré de lésions que pré¬ sentaient les malades observés par lui , mais le nouveau traitement pré¬ conisé par MM. Richet et Héricourt, qui a si bien réussi chez les animaux, n’a encore été que rarement appliqué chez l’homme , et il est utile de mentionner toutes les observations faites dans cette voie. E. Vallin. A suggested method of prevenling waterbome enteric fever amongst armies in field (Prévention de la fièvre typhoïde d’origine hydrique dans les troupes en campagne), par les D'* L. Parkes et S. Rideal {Public Health, février 1901, p. 369). Dans une intéressante communication faite à la Société épidémiologique de Londres, MM. L. Parkes et S. Rideal ont montré que dans les guerres futures, la rapidité extrême des mouvements de troupes fera réduire au minimum les impedimenta et les convois; il sera impossible de transpor¬ ter des filtres et des appareils à stériliser l’eau. Le soldat, terrassé par la soif, boira la première eau qu’il trouvera et sera ainsi exposé à contracter la fièvre typhoïde. Dans l’impossibilité de recourir à des désinfectants proprement dits, toxiques ou non toxiques, il y a lieu de chercher si certaines substances, non désagréables au goût, ne sont pas capables de neutraliser l’action du bacillus typhosus contenu dans l’eau. Les auteurs ont expérimenté à ce point de vue les acides dilués : acides sulfurique, chlorhydro-azotique, citrique, tartrique, d'un usage fréquent dans la pré¬ paration des limonades, et d’autres substances telles que le bisulfate do soude, le phosphate acide de soude, lesulfo-vinatedc soude. Pour ces expériences on ensemeiH-a 100 centimètres cubes d’eau bouillie avec vingt gouttes de culture récente du bacille d’Eberth, ob¬ tenue au bout de quarante-huit heures de séjour il l’étuve ; dans un demi- litre de cette eau infectée, on versait une quantité variable d’acide ou de sel en expérience, et après 7 à (10 minutes de contact on portait trois chargements de fil de platine dans les tubes à culture qu’on laissait ensuite pendant quarante-huit heures à l’étuve. On trouvera dans le mémoire les tableaux détaillés dos résultats obtenus. Les auteurs donnent la jiréférence au bisulfate de soude: un gramme de ce sel dans une pinte (31)8 grammes) d’eau infectée et contenant 9,120 colonies de bacillus typhosus par centimètre cube, a stérilisé cette éau au bout de 13 minutes de contact. REVUE DES JOURNAUX La stérilisalion est d’autant plus rapide que le nombre des colonies de bacilles d’Eberth était plus faible. Ils .ont fait fabriquer des comprimés (tabloïds) contenant 12 p. 100 de ce sel et 27 p. 100 de matières inertes (gomme arabique) ; la dissolution est complète au bout de quelques mi¬ nutes. Chaque comprimé contient au total S grains (30 centigrammes de bisulfate). Ils proposent de donner ii chaque soldat dans son havresacuu étui métallique, léger, hermétique, contenant 350 tabloïdes, pesant 120 grammes et pouvant stériliser 56 litres d’eau, soit 3 tabloïdes par demi- liti’e. Dans les pays tropicaux, dans le sud de l’Afrique par exemple, le soldat pourrait, à la rigueur, calmer sa soif en laissant fondre dans sa bouche l’un de ces comprimés, qui provoquent la sécrétion de la salive. La chose mérite d’être expérimentée ; car en ces matières, pas plus qu’en d’autres, il ne faut pas avoir d’idées préconçues. E. Vallix. Les dispensaires tuberculeux dans la province de Liège, par le D' E. Malvoz {La Presse médicale, 2 mars 1901, p. 97.1 Le D' E. Malvoz, directeur de l’Institut provincial de bactériologie à Liège, a exposé au Congrès international d’hygiène de Paris, l’an dernier {Revue d'hygiène, 1900, p. 1023), les efforts qui ont été tentés à Liège pour venir en aide aux tuberculeux. Nous n’avons pu donner qu’un résumé très insuffisant du chaleureux et éloquent plaidoyer qu’il a pro¬ noncé en cette circonstance en faveur de l’hygiène sociale et de la pro¬ phylaxie de la tuberculose. Dans le travail que vient de publier La Presse médicale il expose les résultats obtenus par la création d’un dis¬ pensaire antitubercul^x à Liège, au point de vue de l’éducation hygié¬ nique de ces malades. A côté du sanatorium populaire de la province de Liège, en construction, qui comprend un parc magnifique de 70 hectares et pourra recevoir 400 à 500 tuberculeux affiliés aux Sociétés niutuel- listes, VŒtivre des tubei'culeux a érigé un dispensaire où l’on donne des conseils hygiéniques et des secours aux tuberculeux indigents. Trois fois par semaine quatre médecins donnent des consultations gra¬ tuites à ces malades, on examine leurs crachats, on se renseigne par des visites sur place sur les ressources de la famille, la salubrité du loge¬ ment. Un ancien ouvrier mutuelliste, faisant fonction d’administrateur, est attaché au dispensaire ; il est bien placé pour recueillir des rensei¬ gnements sérieux. Quand le diagnostic est confirmé, que le malade paraît digne d’intérêt, on s’occupe de lui, non pour lui donner des soins médicaux (il est soigné par le médecin de son choix et de sa Société), mais pour lui faciliter le traitement hygiéno-diététique. On lui fournit deux litres d’excellent lait par jour, on paie les honoraires du médecin si c’est nécessaire, on visite son logement, on lui indique les moyens de le rendre plus salubre, on lui donne un crachoir, des désinfectants, des couvertures ; la personne qui Ta pris sous sa protection paie au besoin les frais de nourriture et d’entretien à domicile qui sont d’ordinaire de 3 francs à 3 fr. 50 par jour. Quand c’est possible, on le loge à la cam¬ pagne ou dans la banlieue ; souvent on l’aide à payer son loyer, ou à REVUE DES JOURNAUX 459 retirer du Mont- Je-Piété les objets qu’il a engagés, etc. Mais tous ces secours sont refusés ou supprimés quand dans les visites qu’on fait fré¬ quemment et à l’improviste, on s’aperçoit que le malade ne suit pas les prescriptions hygiéniques qui lui ont été faites de vive voix ou par écrit, qu’il ne .se sert pas de son crachoir, qu’il n’aère pas sa chambre, qu’il ne la tient pas proprement, qu’il fait abus des boissons alcooliques, etc. Les résultats ont dépassé toute espérance ; le reconfort moral et maté¬ riel dont ces pauvres malades se sentent entourés, eux et leur famille, les encourage à suivre rigoureusement les conseils qu’on leur donne. On fait véritablement leur éducation hygiénique ; on obtient ainsi par la' persuasion plus que par les sévérités d’un règlement administratif. Le but qu’on poursuit et qu’on atteint est surtout de dépister les tuberculeux nécessiteux, qui sont un danger pour leurs voisins quand ils restent méconnus et qu’ils ne prennent aucune précaution pour eux et pour les autres. Il importe surtout de les découvrir et de les assister dès le début de la maladie, alors qu’ils sont assez facilement curables par le traite¬ ment diéléto-hygiénique; trop souvent jusqu’ici les tuberculeux tombent à la charge de la bienfaisance publique ét privée quand les lésions sont irrémédiables, que les dernières ressources de la famille sont épuisées, que tout espoir de guérison est impossible et qu’ils ont répandu autour d’eux la contagion. C’est cela qu’il faut éviter ii tout prix; l’exemple de Liège prouve que ce n’est pas impossible. E. Vallin. Was wüssten nmere Vorfahren von der Empf'afiglich keit der liatlen und Mâuse fur die Beulenpest des Menschen. (Que savaient nos prédé¬ cesseurs au sujet de la susceptibilité des rats et souris vis-à-vis de la peste humaine) par Rudolf Abel. (Zeifse/in'/'J furHygiene und Infections kheiten, XXXVI, p. 89.) L’étude en apparence simplement historique d’Abel a en réalité une portée plus haute et mérite que l’on s’y arrête. Le point de départ est celui-ci. On parle beaucoup aujourd’hui du rôle des rats dans la propagation de la peste. Les relations recueillies au cours des premières épidémies dans l'Inde, dans le Yunnan, montraient la participation de ces animaux. En revanche, les narrations si nombreuses qui nous sont restées au sujet de la peste du moyen âge et des épidémies des siècles suivants sont pour la plupart muettes, et les nombreux auteurs qui se sont occupés de cette maladie à la fin du xviii” et dans la plus grande partie du xix® siècle ne sem¬ blent pas du tout s’en inquiéter. En s’y prenant avec soin, on arrive il est vrai à rassembler certaines citations dans lesquelles on a voulu voir ia preuve que les rats à ce moment se comportaient comme en Chine et dans l’Inde. Abel a soumis tous ces textes à une critique très serrée et il semble bien que la plupart des auteurs qui font mention des souris ou des rats n’aient fait que copier ou modifier une citation d’Avicenne. Celui-ci parle des rats ; mais ne dit pas qu’ils meurent. Il dit seulement que ces animaux 400 REVUE DES JOURNAUX sortent de leurs trous et on les voit ramper sur le sol comme s’ils étaient ivres. En somme, il semble qu’il y ait là une simple variante du dicton po¬ pulaire : les rats quittent un bateau qui doit faire naufrage, ou une ville où va se produire un incendie, un tremblement de terre, etc. L’auteur fait remarquer avec raison, que si la mortalité des rats avait éjté la même que dans l’Inde ou la Chine, elle n’aurait pas échappé à tous les narrateurs. Il faut donc que ces animaux aient été plus réspeclés dans nos contrées. Abel ne doute pas que cette différence tient à ce que, même au moyen âge, l’hygiène et le confort étaient bien supérieurs en Europe à ce qu’ils sont aujourd’hui en Extrême-Orient. A l’appui de cette opinion, il montre que dans les épidémies de Porto, la mortalité des rats a semblé minime, qu’à Glasgow elle a été nulle. Netter. Ergebniesse der amtlîchen PockentodesfallstatisUk, etc. (Statistique officielle des décès par variole en Allemagne en 1898 et morbidité par variole en 1898), par Burkhardt, Medizinal sialütische mitlheüungen aus demi K. Gesundheitsamte, 1900, VI, p. 99). Le nombre des décès par variole a été de 15 pour toute l’Allemagne en 1898. Il avait été de 5 en 1897, de 10 en 1896. Sur ces 15 décès, 9 ont été relevés dans des localités de la frontière, 1 chez une étrangère. Si l’on compare la mortalité par variole des villes allemandes à celle des villes d’autre pays, on trouve qu’elle est 4 fois plus faible qu’en Angle¬ terre, 5 fois plus qu’en Hollande, %% qu’en France, 25 qu’en Suisse, 86 qu’en Belgique, 121 fois plus qu’en Autriche. La statistique, pour la même année, donne 129 cas de maladie pour toute l’Allemagne. L’enquête a établi que l’origine de la plupart de ces cas devait être recherchée chez les étrangers. 16 fois la variole avait été introduite par des Russes ou des objets venant de Russie : 1 fois par des Italiens, 1 fois par un sujet qui avait contracté la maladie au Portugal, 1 par une troupe de nègres venant de l’Afrique. Sur 120 individus atteints de variole, 28 n’avaient pas été vaccinés, 63 ne l’avaient été qu’une fois, 10 avaient eu la variole, 19 seulement avaient été revaccinfe. Netter. Unlersuchnngen uber Mandkygiene. (Recherches sur l’hygiène de la bouche), par Rôse. {Zeitschrift fur Hygiene und Infectionskrankheiteii, 1901, XXXVI, p. 161.) Les conclusions de ce mémoire sont les résultats de recherches pour¬ suivies plus de deux ans. La plupart des préparations dentifrices sont dépourvues' d’efficacité au point de vue antiseptique. Elle.s ont l’inconvénient d’irriter la muqueuse buccale. et de provoquer une desquamation épithéliale abondante. UEVUK DES JOURNAUX ■161 La soluiion la plus inoReusive et qui exerce une action antiseptique notable est la solution physiologique de chlorure de sodium à la tempé¬ rature du corps. L’odol est également inoffensive et plus antiseptique. On peut également recourir à la solution 2 p. 100 de bi-carbonale de soude. En revanche, les antiseptiques énergiques ont une action fâcheuse sur la muqueuse et amènent une stomatite chronique. 11 n’y a pas lieu de chercher la stérilisation de la cavité buccale. Il ne faut viser qu’à enrayer le développement exagéré des bactéries. Netteb. Du Verbrcilung von Keiiner durch gewohnliche Luflstrôme. (La dis¬ sémination des germes par les courants aériens), par Robert. J. Hut- ciiisox. (Zeilschri/Ï fur Hygiene und Infeclionskrankheiien, XXXIV, p. 223.) L’auteur a fait ses recherches à Gollingue dans le laboraloire de von Esmarch. Le microbe dont il s’est servi est le micrococcus prodigiosus. 1! s’est assuré que celui-ci pouvait pénétrer entre les pages d’un li\re exposé dans une salle où l’on pulvérisait une émulsion de ce microbe. Il suffit pour cela que les feuillets présentent une écartement de 5 milli- inèlres. La possibilité du transport de germes par les lettres a été démon¬ trée au moyen de l’expérience suivante : Des feuilles de papier sont pla¬ cées une heure dans une pièce où l’on a pulvérisé une émulsion de pro¬ digiosus. On la place dans une enveloppe que l’on expédie par la poste. Au bout de 20 heures on retrouve le prodigiosus dans la lettre. Les mi¬ crobes qui se sont déposés sur le sol ont pu être remis en circulation dans l’air par le balayage après 24 heures. En général, la majorité des germes en suspension dans l’air sont déposés dans la première demi- heure. Au bout d’une heure le dépôt est presque général. L’auteur s’est assuré que dans les cas où les bactéries sont en suspension dans la pièce elles s’insinuent dans les tiroirs et les fissures; qu’elles pénètrent par les trous de serrure. Dans un appartement les bactéries sont transportées à une assez grande distance. L’auteur a vu les germes passer d’un étage à l’autre. Il a constaté qu’à l’air libre le transport des germes j)ou\'ait se faire encore à 600 mètres. Netter. Zur Prophyluxe der Diphtherie. (Prophylaxie de la diphtérie), par Gabritschewsky. [Zeilschrift fur Uygicne und Infeelionskrankhci- le», 1901, XXXV, p. 14.6). Les recherches bactériologiques nous donnent les moyens d’enrayer les progrès de la diiihtérie en nous permettant de sou.straire les autres enfants au contact de ceux dont la gorge renferme des bacilles virulents, alors même qu’ils paraissaient absolument bien portants. Gabritschewsky nous donne un résumé assez complet des principaux travaux sur cette BEVUE DES JOURNAUX question il y ajoute des exemples fort intéressants recueillis en Russie. A Moscou, en 1887, i) y avait eu dans un pensionnat 10 cas de diphtérie. L’examen de 66 enfants montre chez 21 d’entre eux des bacilles diphtériques. Ces 21 enfants furent isolés ; 2 eurent consécutive¬ ment la diphtérie ; il n’y eut pas de cas de diphtérie chez les 4.6 autres enfants. En 1899, dans une salle d’asile, une épidémie se poursuit malgré 3 désinfections jusqu’au moment où Gabrilschewsky pratique l’exanieD systématique des enfants et du personnel. Deux sujets ont du bacille diphtérique. Ils sont isolés. L’asile est désinfecté et depuis ce moment la diphtérie est enrayée. La môme année, dans un collège de jeunes filles, il y a eu en un mois 18 cas de diphtérie. On examine les 230 pensionnaires, les membres du personnel et leur famille, soit 11.6 personnes. On trouve des bacilles viru¬ lents chez 13 pensionnaires qui sont isolées et dont 7 ont ultérieurement la diphtérie. Comme on trouve des bacilles diphtériques chez plusieurs membres du personnel et que la place manque pour isoler tous ccs sujets, on est obligé de lermer l’établissement et on désinfecte. Deux mois plus tard on laisse rentrer les pensionnaires par groupe de 30 à 40, mais en les soumettant au préalable à l’examen bactériolo¬ gique. On trouve chez 10 enfants des bacilles virulents. Ces enfants sont aussitôt isolés. Il n’est survenu aucun nouveau cas de diphtérie depuis la réouverture. Netter. Ueber Diphllieriebacilleii bei Reconvalescenlen nach Diphtérie (Per¬ sistance du bacille diphtérique chez les convalescents), par IIoloeh Prip {Zeitschrift fur Hyqieneund Infectionskrankheiten, p. 283). L’auteur a fait ses recherches dans le service de Sorensen ii Copen¬ hague. Elles ont porté sur 654 diphtériques séjournant à l’hôpital et sur 100 convalescents. Près de la moitié des malades, 309, avaient encore des bacilles dans la gorge après disparition des fausses membres. Chez 118, la persistance s’est prolongée de un à dix jours; chez 93, de dix à vingt; 31, de vingt à trente; 41, de trente à soixante; 4, de soixante à cjuatre-vingt-dix ; 2, de quatre-vingt-dix à cent vingt jours. L’emploi des badigeonnages ou gargarismes antiseptiques n’exerce aucune intluence sur la durée de cette persistance. Seules les maladies intercurrentes et plus particulièrement les angines peuvent en hâter la disparition. Les recherches poursuivies chez les convalescents sortis de l’hôpital montrent que le bacille a pu être retrouve pendant plus d un mois cliez 20, de 2 chez 11, de 3 chez 0, de 4 chez 5, de 3 chez 2. Chez un ma¬ lade les bacilles existaient encore au bout de huit mois, nu autre onze mois, un dernier vingt-deux mois. Chez quelques-uns de ces sujets les bacilles ont semblé avoir disparu pendant plusieurs semaines pour reparaître ultérieurement. REVUE DES JOURNAUX L’auleui' s’est assuré que ces bacilles pouvaient conserver leur viru¬ lence au bout de cent trente-neuf et de cent quarante-deux jours. En général, les personnes qui ont gardé des bacilles virulents dans leur gorge ne donnent pas naissance à des cas contagieux. Cependant l’auteur cite le cas d’un enfant qui a quitté l’hôpital au bout de soixante jours, qui conservait des bacilles virulents, et qui a été le point de départ d’une contagion ; et celui de 3 enfants qui après leui' sortie de l’hôpital ont donné la maladie à leurs frères ou sœurs ; 3 autres cas de contagion possible sont des plus douteux. D’autre part, l’auteur a observé 2 cas de contagion attribuables à des sujets qui ont quitté l’hôpital après disparition des bacilles de la gorge et du nez. On ne saurait en présence de ces résultats subordonner la sortie de l’hôpital et la réadmission dans les écoles aux résultats des examens bac¬ tériologiques. On se contente à Copenhague de conserver les convalescents pendant un mois à partir de la disparition des exsudais et on donne à l’enfant un certificat déclarant que vraisemblablement il n’est plus susceptible de provoquer la diphtérie. Netter. Observations on wind exposure and phlhisis (Observations louchant l’influence des vents sur la tuberculose), par William Gordon (Brit. med. Journ. 12 janvier 1901, p. 69). — Wind exposure and phthisis (Exposition au vent et tuberculose), par Charles A. Davies {Brit. med. Jotirn. 16 février 1901, p. 387). Cette question prend une certaine importance au moment où, de toutes parts, on construit des sanatoria, car elle peut influer sur le choix des localités où seront placés ces sanatoria. Le sujet n’est pas nouveau d’ailleurs, mais il y a quelque chose à ajouter à ce qu’a dit le D*' Havi- land sur ce sujet. Au moment où l’on allait élever un sanatorium près d’E.xeler, l’auteur calcula d’après la statistique la mortalité tuberculeuse annuelle dans les districts sanitaires ruraux, de préférence aux urbains parce que dans ceu.x- ci il y a beaucoup de cas importés du dehors. Le premier point à examiner est de voir quelle relation existe entre la mortalité générale et la mortalité par tuberculose. La mortalité générale peut, en effet, servir de guide pour connaître et apjirécier les conditions sanitaires d’une contrée. Or, on voit que la courbe de la mortalité géné¬ rale n’est nullement parallèle à celle de la mortalité tuberculeuse, seule¬ ment il faut avoir soin de déduire de la lélhalité globale, celle de la tuber¬ culose sous peine de fausser les résultats. En prenant celte précaution on s’aperçoit que la mortalité générale et la mortalité tuberculeuse n’ont pas la môme distribution, et, en outre, que les variations dans la lélhalité par phthisie de district à district sont relativement beaucoup plus grandes que celles de la lélhalité générale. Ainsi Tavislock perd deux fois plus de tuberculeux que Axminster, alors qu’il n’y a dans la mortalité globale qu’une différence de 14 à 16. Enfin, la courbe des années pour la mor- REVUE DES JOURNAUX 464 taillé générale n’est nullement parallèle à celle de la léthalité tubercu¬ leuse et l’une peut monter, tandis que l’autre descend. De ces considérations on peut conclure que dans le Devonsliire tout au moins, la distribution de la mortalité par tuberculose à une autre cause que celle de l’état sanitaire général. On a invoqué le régime des pluies pour expliquer la distribution de la tuberculose et à la vérité ce régime est très inégal dans le Devonsliire. m.ais ces considérations sont difliciles à établir, car en beaucoup de localités, observateurs et instruments manquent totalement. Cependant les cartes de Symons et de Shapler permettent d’établir une correspondance approximative entre celles-ci et celle de la tuberculose ; c’est ainsi que Tavislock a le maximum de morts par tuberculose et le maximum de pluie, Axminster a le minimum pour les deux, mais les résultats sont contradictoires pour d’autres villes, Crediton, Barnslaplc par exemple. Kn examinant les faits on arrive à se convaincre que, au lieu que ce soit la pluie qui cause la tuberculose, toutes les deux, pluie et tuberculose ont une commune cause; si on démontre que les vents apportant les pluies augmentent les cas de tuberculose, le problème sera résolu. L’auteur montre que dans des localités où les pluies sont abon¬ dantes, mais qui sont protégées contre les vents, les tuberculeux sont rares. Ne sait-on pas d’ailleurs, qu’à Nordrach dans la Ibrôt Noire les pluies sont très fréquentes ? Le sol, malgré les travaux de Buchanan n’explique pas dans le Devonshire les localisations de la tuberculose. Dès 1888, le D'' Haviland s’était efforcé de montrer que l’exjjosilion aux vents dominants augmentait le nombre des tuberculeux, ce travail attira peu l’attention. L’auteur examine tous les vents nord-est, est, ouest, etc., compare la mortalité tuberculeuse des villes exposées à cos vents divers cl il conclut que les vents ouest et sud-ouest semblent augmenter la mortalité par phlhisiè, si l’on compare entre eux les districts sanitaires ruraux, lliiis ceux-ci sont un peu trop vastes pour qu’on puisse comparer entre elles les localités, certaines étant protégées contre les vents et d’autres pas; de même au point de vue du sol ; c’est pourquoi l’auteur a examiné certains districts en particulier, certaines paroisses et il a pu déduire les lois suivantes : 1“ Paroisses où les habitations sont bien protégées contre le.s venls ouest et sud-ouest : 9 paroisses ayant 3,850 habitants, mortalité annuelle par tuberculose 0,24 pour 1,000 ; 4® Paroisses où les habitations sont pleinement exposées aux voiils ouest ou sud-ouest ou les deux : 18 paroisses ayant 12,732 liabiUuils, mortalité annuelle par phthisie 1,34 pour 1,000; 3® Pai'oisses imparfaitement protégées centre ces venls : 17 paroisses, 10,666 habitants, morts par tuberculose 0,57 pour 1,000. On voit donc que dans le district do Saint-Thomas, les paroisses exposées aux venls d’oûest et de sud-ouest ont une léthalité tuberculeuse cinq fois plus grande que celles des paroisses protégées contre ces venls. REVUE DES JOURNAUX i6S Mômes considérations pour le district de Newton-Abbal et mômes résultats. De môme dans le district de Okchamplon. D’autre part, si l’on compare la carte de la tuberculose avec la carte géologique dans le district de Saint -Thomas, il semble que partout où le sol est perméable la mortalité par phthisie est plus élevée. Au contraire, pour le district de Newton, il n’y a plus coïncidence. Mais si au lieu de comparer dans chaque district les localités à sol perméable avec celles à sol imperméable, on compare les sols per¬ méables protégés contre les vents avec les imperméables protégés éga¬ lement et les perméables exposés avec les imperméables exposés, alors on arrive à des résultats très différents. D'ans le district de Saint-Thomas, la mortalité annuelle tuberculeuse dans les paroisses protégées contre les vents est la suivante : sur un sol perméable, 4 paroisses, 1,800 habitanU, pas de décès. Sur un sol imper¬ méable, 0 paroisses, 2,030 habitants, 0,41 décès tuberculeux pour 1,000. Dans les paroisses exposées au vent avec sol perméable : 17 paroisses, 12,132 habitants, mortalité tuberculeuse 1,32 pour 1,000. Paroisses exposées avec sol imperméable une seule paroisse 380 habitants, 1,47 décès pour 1,000. Donc l’influence exercée par le sol semble subordonnée à celle de l’exposition à certains vents. En résumé, dans les districts de Saint-Thomas, Newton-Abbal, Okchampton et Barnstaple et probablement pour tout le Devonshire c’est l’exposition aux vents ouest et sud-ouest qui règle la carte de la tubercu¬ lose. Dans la discussion qui a suivi cette communication faite à la Société royale médicale et chirurgicale, le D"' Hermann Weber dit avoir fait des remarques identiques pour l’Ile de Man. On sait depuis les travaux de Haviland que la tuberculose est particuliérement fréquente dans cette île puisque la mortalité par phthisie s’élève à 31,67 pour 10,000, alors qu’en Angleterre, elle n’atteint que 21,30. Pour Haviland aussi, ce sont les vents qui règlent la carie de la tuberculose dans celte île et c’est à ces vents violents qu’elle doit sa haute mortalité tuberculeuse et il basait celte opinion sur les statistiques de 1880, 1881, 1882, or, M. Charles A. Davics, en 1899 a relevé la mortalité depuis quinze ans et ses résul¬ tats sont tout différents puisqu’ils contredisent formellement ceux du D'' Haviland. 11 cite divers exemples entre autres Honan qui n’est exposé qu’au vent d’Est et a la plus haute mortalité tuberculeuse de l’ile 41,17 pour 10,000. Aussi pour l’auteur, il n’y a pas dans l’Ile de Man de relations enh-e la mortalité par tuberculose et l’exposition aux vents violents. Il voudrait que dans ces statistiques mortuaires, on tienne compte des sexes, de Page, car les femmes, les enfants pour se protéger du vent se réfugieront dans de petites chambres où ils respirent un air vicié et se contagionnent. Catrw. The toleration of arsenic (La tolérance pour l’arsenic), par Robert W. Mackensie {Brit. med. Journal, 12 janvier 1901, p. 83). REV. D’IIYG. xxili. — 30 REVUE DES JOURNAUX A l’occasion de l’épidémie de névrite périphérique causée par les bières rendues toxiques par l’arsenic, l’auteur a relevé les doses admi¬ nistrées à l’hôpital des maladies de peau de Liverpool afin de voir quelle était la tolérance de l’organisme pour ce poison. La préparation employée presque toujours est la solution de Donovan, c’est-à-dire l’iodure double de mercure et d’arsenic. Avec cette prépara¬ tion, les signes d’intolérance sont extrêmement rares et des malades prennent journellement pendant des mois 45 gouttes de solution de Donovan soit 0,409 grains d’iodure d’arsenic (le grain anglais vaut OP',064) sans aucun inconvénient. Devant ces faits, on se demande comment les quantités infinitésimales d’arsenic trouvées dans les bières incriminées ont pu causer autant de désastres. Pour consommer autant d’arsenic que les malades de l’hôpilal de Liverpool, il aurait fallu que les buveurs consommassent un océan de bière, car le maxiroa de l’arsenic trouvé dans la bière s’est élevé à 0,28 par gallon. Ne sait-on pas d’ailleurs la tolérance, des mangeurs d’arsenic du Tyrol autrichien? Peut-être le milieu alcoolique sur lequel a sévi les empoison¬ nements a-t-il une influence, l’alcool en altérant les organes éliminateurs a pu, en effet, empêcher l’élimination ou l’alcool s’est peut-être uni à l’arsenic pour produire les névrites persphériques. L’auteur croit qu’on a exagéré l’importance de cette épidémie et il voudrait qu’on ne regarde comme réels que les cas où la peinture clinique de la toxémie arsenicale existe ou ceux dans lesquels l’arsenic a été trouvé dans les excrétions ou à l’autopsie dans les viscères. Le D” Taylor, médecin de l’hôpital des maladies de peau de Liverpool aifirme que sur 2,000 malades qui ont passé à sa clinique dans les quatorze derniers mois, un seul paraissait souffrir d’intoxication arsenicale. Ceci a une certaine importance, car on sait que l’arsenicisme chronique a des symptômes cutanés fréquents ; il est donc surprenant que les spécia- Kstes en maladies de peau n’aient pas eu plus de cas, si l’épidémie était aussi étendue qu’ont voulu le dire certains alarmistes. Catiii.v. A case of lead poisonning by beer (Un cas d’intoxication plombique par la bière), par E. Rica Mokgan (firüish med. journ., 10 novembre 1900, p. 1373). W. O., âgé de quarante trois ans, charpentier, consulte l’auteur le 2 mai; le diagnostic porté est catarrhe gastrique; le 16, il voit son assis¬ tant, qui le trouve beaucoup plus mal et pense à une affection hépatique. En juin, il s’amaigrit beaucoup, vomiteton pense à un carcinome gastrique. Un consultant hésite à confirmer ce diagnostic ; les 'symptômes prédomi¬ nants étaient une grande prostration, des tremblements, de la titubation, des vomissements constants, une constipation opiniâtre, des douleurs généralisées et un amaigris.sement progressif. Le 4 juillet, l’auteur, e.va- REVUE DES JOURNAUX *67 rainant les gencives, y trouve le classique liséré plorabique, ce qui expliquait tous les accidents. M. Rice Morgan est depuis plus de vingt ans médecin d’établissements où l’on travaille le plomb, il a vu un gi-and nombre de cas d’intoxication saturnine, mais la profession du malade l’avait égaré dans son diagnostic. Il fit une enquête pour savoir comment son malade avait pu s’intoxi¬ quer et après examen minutieux, il fut obligé d’en arriver à songer à la bière. Il alla au bar où se fournissait cet homme et recueillit ce rensei¬ gnement, c’est que très souvent son malade buvait la première tirée d’une bière qui, analysée par M. Seyler, expert public de Swansea, fut démontrée comme renfermant du plomb. Le malade mourut en janvier suivant. Le danger des premières tirées de bière a déjà été signalé, la liqueur ainsi obtenue a séjourné dans les conduits et risque d’étre beaucoup plus toxique que les verres suivants. Le public doit être informé de ce danger. Catiun. Amimtation mortalily at the London Tempérance hospital (La mor¬ talité par amputations à l’Hôpital de tempérance de Londres), par W.-J. CoLLi.\s (TAe Brit. med. journal, 10 février 1901, p. 394). Cette statistique comprend 107 amputations pratiquées par l’auteur du l»-^ juillet 1888 au 31 décembre 1900, dont 79 pour maladies et 28 pour accidents. Il n’y a eu que deux décès, un pour une amputation de la hanche chez une enfant de huit ans, atteinte de coxalgie à son dernier stade et souffrant d’une dégénérescence amyloïde avancée ; quatre autres amputations de la hanche ont réussi. L’autre décès concerne une ampu¬ tation de cuisse chez un homme de 49 ans, on trouva à l’autopsie un sarcome du foie et du bassin, secondaire au sarcome du jarret pour lequel on amputait la cuisse. Seize autres amputations de cuisse n’ont pas fourni un décès. Catrin. Die Bedeutung der Molkereien für die Verbreitung des Unlerleibsty- phus (L’importance des laiteries au point de vue de la propagation de la fièvre typhoïde), par Sculegtbndal. {Deutsche Vierteljahrs f. ôff. Gesundheitspfiege, XXXII, 1900. p. 287). L’auteur a surtout en vue , sous le nom de laiteries , les espèces d’en¬ trepôts où les fermiers des environs apportent leur lait qui est alors soit ^ansporté en ville pour être distribué aux particuliers, soit transformé en beurre, le lait écrémé retournant d’ailleurs chez le producteur où il est employé à différents usages. D’après Schlegtendal, tous ces échanges sont singulièrement favorables à une lai'ge propagation de la fièvre typhoïde, cette maladie ayant poui- point de départ ou la laiterie-entrepôt, pu quelque ferme de production. Une longue série de petites épidémies de fièvre typhoïde attribuées à l’usage de lait contaminé est citée pour convaincre le lectenr de la possibilité et même de la fréquence de cas de ce genre. A vrai dire , beaucoup de ces observations n’ont pas grande REVUE DEri JOURNAUX 468 valeur. Presque toujours il s’agit d’une ferme où il se produit un ou deux cas de lièvre typhoïde ; puis un peu plus tard on constate un certain nombre d’autres cas de fièvre typhoïde dans la clientèle de. cette ferme , ou dans celle de la laiterie-entrepôt si la ferme livre son lait à un établissement de cette espèce; on en conclut que le lait a send de lien entre les pre¬ miers malades et les seconds, soit que les premiers malades (ou les per¬ sonnes qui les soignaient) aient manipulé le lait, soit que leurs excrétions aient été souiller l’eau servant à laver les récipients du lait. Mais jusqu’à présent on n’a guère démontré la réalité de ces hypothèses d’ailleurs très plausibles; il nous a paru que quelquefois on s’était môme laissé beau¬ coup trop dominer pai’ l’idée de trouver bon gré malgré entre différents cas de fièvre typhoïde une filiation qui peut-être n’a pas toujours existé. Au surplus, la propagation de la fièvre typhoïde par le lait fut-elle cliose certaine, voire commune, nous ne verrions pas encore bien comment les laiteries-entrepôts favoriseraient cette propagation. La dilution du lait contaminé dans celui qui ne le serait pas nous paraît de nature ii agir très nettement dans un sens inverse, quoi qu’en pense Schlegtendal. Tout ceci ne nous empêche pas d’estimer avec cet auteur qu’il faut surveiller la récolte du lait, écarter des locaux où élle a lieu tout malade ou toute personne ayant été en contact avec un malade et n’ayant pas pris ensuite les plus grands soins de propreté , finalement recommander aux consommateurs de ue pas faire usage de lait cru ; c’est là la meil¬ leure et la plus simple de toutes les précautions, comme l’a dit Duclaux. E. Arnould. Experîmentelle Beitrdge zur üntersuchung über die Marktmilch (Con¬ tribution expérimentale à l’expertise du lait du commerce), par M. Bbci {Deutsche Vierieljahrs. f. ôff. Gesundheitspfl., XXXll, 1900, p. 430). L’auteur a examiné , au point de vue bactériologique, 56 échantillons de lait vendu à Berlin. 17 contenaient du bacille tuberculeux; 15 du bacille pseudo-tuberculeux décrit par Rabinowilsch et Pétri ; 34 du strep¬ tocoque; 1 du B. coli ; 1 un bacille coliforme ; 12 échantillons seulement parurent ne renfermer aucun germe pathogène. La technique expérimentale consista à injecter à un certain nombre de cobayes quelques centimètres cubes de chaque échantillon tantôt à l’état cru, tantôt après un chauffage plus ou moins prolongé, en employant la centrifugation pour une série d’injections, en s’abstenant de cette opération pour une autre série. 11 y aurait donc du bacille tuberculeux dans 30 p. 100 des laits vendus à Berlin, ce qui est une jolie proportion : elle avait d’ailleurs été déjà signalée. Beck est très frappé, d’autre part, de la fréquence du strepto¬ coque ; il est disposé à voir là l’explication de certaines formes graves des entérites infantiles, opinion déjà formulée per Romrae. L’auteur a ensuite recherché si la seule moulée du lait, sous l’action du chauffage suffisait pour détruire le bacille tuberculeux dans le liquide; ce n’est pas la première fois que cette expérience est faite, et l'on sait que l'on a toujours constaté que Ton ne doit pas compter sur la montée du lait pour stériliser celui-ci; Beck a vérifié les résultats obtenus précé- REVUE DES JOURNAUX 469 demment. Il doit être bien entendu que le lait devra bouillir pendant trois minutes au moins pour que les germes pathogènes qu’il peut con¬ tenir soient détroits (notamment les streptocoques et le bacille tubercu- culeux. La première moitié du mémoire de Beck est consacrée à rapporter brièvement les résultats des recherches déjà nombreuses entreprises anté¬ rieurement sur la présence du bacille tuberculeux dans le lait; l’auteur à distingué les cas où le lait provenait de vaches tuberculeuses sans lésions ou avec lésions de la mamelle, et tes cas dans lesquels l’origine du lait est inconnue; cela offre bien un certain intérêt; mais il est difficile de com¬ parer entre eux les résultats obtenus dans une même catégorie de faits, car tantôt les expérimentateurs Ont centrifugé le lait, tantôt ils ne l’ont pas centrifugé; de plus, on peut se demander combien d’erreurs le bacille pseudo-tuberculeux de Rabinowilsch a fait commettre avant d’avoir été bien signalé et décrit. E. Arnould. Zur Kermtmis der Verbreiiung des Bacillus iuberculosus und pseudo- tuberculosiis in der Nilch (Pour la connaissance du degré de fréquence du bacille iuberculeux et du bacille pseudo - tuberculeux dans le lait)’, par E. Klein (CeiUralbl. f. BaklerioL. XXVIII, 1900, p. 111). La recherche du bacille tuberculeux et du bacille pseudo-tuberculeux dans 100 échantillons de lait destiné à être vendu dans Londres a conduit aux résultats ci-après : 42 fois l’injection au cobaye n’eut aucune consé¬ quence; 8 fois les animaux inoculés succombèrent promptement à la péritonite; 7 fois ils devinrent tuberculeux; 8 fois ils furent infectés par le bacille pseudo-tuberculeux ; 43 fois les inoculations donnèrent lieu à de petites suppurations locales. L’auteur injectait aux animaux quelques centimètres cubes de lait après que celui-ci avait été laissé simplement au repos pendant vingt-quatre heures dans une glacière afin d’obtenir une certaine décantation des impuretés. (Voir Berne d'hygiène p. 273). E. Arnould. Die Entseuchung der Viehwagen nach den geseizlichen und gesund- heiistechnischen Anforderungen und die wirlhschafllichen Schâden der Viehseuchen, insbesondere beim Eisenbahnverkehre (La désinfection des wagons à bestiaux selon les exigences de la réglementation et de l’hy¬ giène et le préjudice économique apporté par les épizooties au trafic des chemins de fer), par A. Freund (Organ fùr die Fortschrilte des Eisen- bahnwesetis, 1900). Ce très long mémoire, dont l’objet principal, sinon le litre môme, a déjà été signalé dans un rapport de van Ermengem (Revue d'Hygiène, 1899, p. 933), peut être considéré comme comprenant trois parties. La première expose des documents statistiques, colligés ensuite en des tableaux d’ensemble et faisant ressortir la valeur du bétail, non seule¬ ment en Autriche-Hongrie et en Allemagne, mais aussi dans les princi¬ paux Etats de l’Europe, l'importance des échanges commerciaux et des REVUE DES JOURNAUX m transports par chemin de fer pour les animaux de boucherie, les chiffres de ce transit, ensuite les pertes dues aux principales épizooties avec les quantités de hôtes sacrifiées, les sommes représentatives, le retentisse¬ ment sur le chômage des voies ferrées et la moins-value du trafic pat chemin de fer. La seconde partie, en quelque sorte bibliographique, retrace la régle- qientation appliquée dans les différents pays pour la désinfection des wagons à bestiaux et indique les divers procédés de désinfection, vapeur surchauffée, pulvérisation d’eau bouillante, lavage avec des lessives alca¬ lines chaudes, solutions phéniquées, formaldéhyde, tous moyens laissant douteuse la parfaite stérilisation des parois infectées par le contact ou les déjections des animaux. Enfin la troisième partie, expérimentale, intéresse surtout par les essais faits avec les solutions de chlorure de chaux, essais qui avaient motivé le rapport de van Ermengem et qui sont rappelés dans ce nouveau mémoire. Trois wagons de Floridsdorf, en Autriche, station de désinfection de la « Kaiser Ferdinands-Nordbahn », furent soumis comparativement au badigeonnage au pinceau et à l’arrosage à la pompe de jardin avec des solutions de chlorure de chaux à 8 et à 5 p. 100, d’acide phénique et de sulfate de fer, et cela pendant vingt jours. Avec le chlorure de chaux les parties métalliques se couvrirent d’une couche de rouille plus ou moins épaisse, cédant facilement à un simple essayage, les revêtements de cou¬ leur à l’huile accusèrent un très léger changement de nuance, l’odeur de chlore disparut après huit à treize heures, .tandis que la solution au phénol et au sulfate de fer laissait une apparence sale avec des taches jaune brun et une forte odeur phéniquée. Les recherches bactériologiques furent faites sous la direction de Max Grüber par son assistant, le D'' Lode, sur des fils de soie imprégnés de spores charbonneuses, fils qui étaient placés dans les interstices des planches et dans les recoins des wagons, dans les endroits paraissant les moins accessibles à la pénétration de la solution de chlorure de chaux soit par badigeonnage, soit par aspersion. Sur 180 fils désinfectés avec la solution à 5 p. 100, 5 seulement cidtivèrent dans le bouillon après huit jours d’étuve à 38 degrés. La pratique en grand fut entreprise avec l’emploi de solution de cldo- rure de chaux sous pression ; la solution était placée .dans un tonneau d’une centaine de litres disposé à la partie supérieure du réservoir d’eau de la station, soit à 7 mètres 1 /2 environ du sol ou à 5 mètres comme hauteui' moyenne au-dessus du wagon ; un tuyau part du fond du ton¬ neau, circule le long de la tour du réservoir et se termine par un embout de caoutchouc avec pomme d’arrosoir. On fait deux arrosages chacun de 50 litres par wagon, à un intervalle de deux heures ; dans ces opérations, on peut considérer que chacun des points de l’intérieur du wagon reçoit au moins douze fois la projection du désinfectant. L’inconvénient du dépôt de parcelles de chaux recouvrant sur les côtés du wagon les ins¬ criptions à la couleur blanche peut être évité à l’aide d’une lillralion grossière ou d’une claïufication plus ou moins complète; les couleurs a REVUE DES JOURNAUX m base métallique peuvent donner lieu à des chlorures de teintes diverses, mais il est possible de parer à ce détail par l’emploi de produits spéciaux pour les lettres blanches. Enfin l’odeur de chlore ne persiste pas au delà de quelques heures et le recours à l’hyposulfite de soude est presque inu¬ tile; on a pu charger impunément après une désinfection des sacs de sel et de farine. Les avantages du chlorure de chaux sont au résumé les suivants ; emploi à froid, absence d’installation coûteuse, inutilité de tout appren¬ tissage préalable pour sa technique, innocuité pour les opérateurs, dégra¬ dation insignifiante des parois des wagons quant aux parties oxydables, modicité du prix de revient, immobilisation du wagon pendant un temps relativement court pouvant être réduit à quatre heures, remise immédiate en service sans persistance de l’odeur de chlore, enfin et surtout sécurité presque complète au point de vue de la destruction des germes. F.-H. Renaut. Daii amlilici per la polixda sanitaria del latte nel comune di Modena (La police sanitaire du lait à Modène), par le D’' G. L. Valbnti {Bolleltino délia Società medico-chirurgica di Modena, anno III, fasc. 1®, 1899-1900). Fort nombreuses déjà sont les études locales faites en Italie sur la composition et la valeur hygiénique du lait; l’auteur apporte sa contribu¬ tion pour la ville de Modène, où, sous l’inspiration du professeur Mag- giora, il a entrepris à l’Institut d’hygiène des recherches pour déterminer les chiffres moyens des principes trouvés dans cet aliment. Les essais ont été divisés en deux catégories, l’une correspondant au lait de la période d’automne et d’hiver où le bétail est au repos à l’étable et nourri de foumge sec ou de son, l’autre comprenant le produit du printemps et de l’été alors que les animaux sortent et paissent des herbages frais. Le lait consommé à Modène provient de la campagne environnante où les fermes ne comptent qu’un nombre peu considérable de vaches ; il n’existe pas de grandes vacheries comme en Lombardie et il n’y a pas de nourrisseùrs spécialisés dans l’industrie laitière. L’alimentation des bêtes et généralement surveillée, mais on n’a pas encore pris l’habitude d’ajouter du chlorure de sodium au fourrage pour exciter l’appétit et augmenter le rendement en graisse; trop souvent en hiver on cherche à au^enter l’ingestion d’eau d’abreuvoir en la chauffant légèrement et en y ajoutant de la farine grossière. Les étables sont déplorablement tenues, la traite s’opère sans la moindre précaution de propreté même élémen¬ taire ; les manipulations du lait dans les divers récipients l’exposent à toute espèce de souillures. Le lait a été prélevé tantôt directement dans les étables avec toutes les garanties d’asepsie, tantôt au marché sur des échantillons quelconques. Le poids spécifique a été recherché à l’aide du lacto-densimètre de Qué- venne-Müller à la température de 15 degrés, les matières grasses ont été déterminées au moyen de la méthode aérométrique de Soxhlei; la pro¬ portion du résidu sec a été relevée par double pesée après évaporation REVUE DES JOURNAUX t-2 au bain-marie et dessiccation à letuve à 100 degrés après trois ou quatre heures. Les moyennes de 370 analyses sont résumées dans le tableau ci-joint. 13,16 12,86 11,09 11,48 88.90 88,51 PBOTENANCE automne-hiver printemps-été automne- hiver printemps • été Outre son infériorité chimiquement établie, le lait du marché présenlail une notable .quantité de substances étrangères due au manque de soins dans la traite et les transvasements. Au point de vue de la police sanitaire, l'ensemble de ces expériences permet de conclure en prenant des chiffres ronds que du l®' octobre au 15 avril le lait doit fournir à l’analyse 3,50 p. 100 de matières grasses et 13 p. 100 de résidu sec et que du 15 avril au li®® octobre les proportions à exiger pour les premières se réduisent à 3 et pour le second à 12,00; tout lait donnant des chiffres inférieurs est suspect de soustraction de crème et d’addition d’eau. Ces indications, spéciales à une ville, pour¬ raient facilement être reprises pour chaque localité ou chaque région, après les essais répétés aux différentes saisons. F. H. Renaut. Dos Torfstuhlverfahren als zweckmâssiges der oberirdischen Abfnk (Le système des tinettes à tom-be comme meilleur procédé de l’évacua¬ tion à ciel ouvert), par H. Thiesing {Yerhandlungen der Deulschen GeseUschaft für ô/fenlliche Gesundheüspflege zu Berlin, 1900, n° 8). Pour do multiples raisons, beaucoup de municipalités ne pourront jamais avoir le tout à l’égout. Les fosses fixes sont irrémédiablement condamnées ; lès tinettes mobiles ordinaires ont des exhalaisons infectes et ne permettent pas le lavage à grande eau. Aussi n’est-il pas hors de propos de rappeler les avantages de la tourbe pulvérisée, qui par ses propriétés absorbantes et désodorantes se met au premier rang pour la garniture des récipients de closets. C’est la matière de choix pour donner aux fèces une forme maniable, pour masquer leur apparence répugnante et pour enlever leur odeur spéciale; enfin, lorsqu’elle est épuisée par des acides minéraux concentrés, elle développe un pouvoir désinfectant considérable et devient un agent pulvérulent très sûr pour la destruction des germes nocifs (Revue d'hygiène, 1892, p. 339, et 1894, p. 995). La tourbe n’est pas à utiliser dans les installations avec tuyauterie en raison des obsti’uctions inévitables ; elle ne réclame que le dispositif fort REVDE DES JOURNAUX *73 simple de VEarth-commode que l’on peut introduire partout dans les appartements {Revue d'hygiène, 1879, p. 57), avec ou sans mécanisme automatique pour faire glisser la quantité de poussière nécessaire après chaque visite ; les perfectionnements automatiques et esthétiques apportés au siège des tinettes à tourbe peuvent être admis dans les maisons parti¬ culières, mais s’adaptent mal aux exigences des habitations collectives. La vidange, le remplacement et le nettoyage des récipients peuvent se faire à heure et à jour fixes par les soins d’une entreprise dans les meilleures conditions de propreté et de discrétion. La quantité largement suffisante pour une exonération est estimée à 40 grammes de tourbe; la consommation par personne et par an serait environ.de 40 kilogrammes, d’tae valeur totale de 1 mark 50 pfennigs, soit 1 fr. 90. Mais toutes les tourbes n’ont pas la même capacité absorbante et sous ce rapport elles peuvent différer du simple au double. Les frais d’installation et d’entre¬ tien sont minimes et maintenant, grâce. à la facilité des transports, il est aussi pratique de s’approvisionner de poussière de tourbe que de charbon de terre; les abonnements de vidange ne sont pas élevés même poiur l’échange quotidien, en raison du bénéfice que l’entrepreneur peut retirer de la vente du compost livré aux maraîchers et aux cultivateurs. L’application en grand des tinettes à tourbe a été faite depuis 1895 à Münden (Hanovre); à la fin de 1898, 400 récipients fonctionnaient pour l’usage de 4,200 habitants, c’est-à-dire pour la moitié de la population; depuis lors, l’installation du système a été rendue obligatoire pour l’autre moitié. La difficulté de trouver un entrepreneur au début a forcé la ville à organiser elle-même le service, dont les détails sont intéressants à consulter tant au point de vue économique que sous le rapport pratique, car ils montrent la possibilité hygiénique pour les petites localité de se libérer de l’infection du sous-sol, sans avoir à redouter les devoirs colos¬ saux d’un réseau de canalisation et d’un champ d’épandage, trop souvent irréalisables d’ailleurs par défaut de ressources et d’emplacement. F.-H. Rbnaüt. Ueber Fosses Mourus und ühnliche Einriehlungen %ur Beseitigung der Abfallsloffe (Des fosses Mouras et des installations analogues pour l’éloignement des matières usées), par le professeur O. Roth et le D' A. Bertschinger, chimiste municipal de Zurich {Correspondeiiz-Blaii fur Schweizer Aerlw, 1900, n» 23). Les auteurs ont fait des observations et des recherches sur les « fosses Mouras ou fosses automatiques » installées à Zurich à l’effet de savoir s’il y avait lieu de recommander l’extension de ce système, dont ils retracent l’historique d’après la revue critique de Vallin {Revue d'hygiène, 1892, p. 328). Les appareils en usage dans celte ville sont la fosse Mouras ou une combinaison se rapprochant plutôt de la fosse automa¬ tique de Bordeaux ; on trouve aussi des réservoirs divisés en doux ou trois compartiments et des couples de cylindres en fer dont le second sert à la clarification; enfin il faut signaler des tinettes spéciales à Zurich et qui n’ont du Mouras que le délayement des matières dans l'eau. 474 REVUE DES JOURNAUX De nombreuses analyses chimiques ont été divisées en cinq séries sui¬ vant la conformation du réservoir qui fournissait le liquide à examiner; les tableaux donnant les chiffres moyens des éléments permettent de déduire les très faibles proportions de nitrates et de nitrites, ce qui dénote la transformation fort incomplète de la matière Organique par nitri¬ fication, malgré la quantité suffisante d’oxygène relevée dans l’analyse des gaz des fosses. Les matières solides de dépôt furent appréciées par différents modes d’examen et de prélèvement : c’étaient, suivant les réservoir.*, des agglo¬ mérats plus ou moins compacts de fèces, de vase et de papier; ce dernier particulièrement était si peu altéré que les caractères d’imprimerie étaient très reconnaissables; tantôt l’ensemble formait une bouillie de consistance variable, tantôt on distinguait trois couches, d’abord une croûte superficielle, souvent assez dure, véritable « chapeau », puis du liquide et enfin des matières sans cohésion. Des examens microsco¬ piques faits sur les éléments de la croûte y ont décelé des tissus ani¬ maux et végétaux indiquant clairement que la décomposition des fèces et du papier même est loin d’être aussi complète qu’on l’a prétendu. L’épais¬ seur de la dernière couche dépend de la capacité du réservoir et de la quantité d’eau qu’il reçoit; une grande fosse avec écoulement d’eau lent favorise le dépôt, qui ne pourra pas s’opérer dans une tinette de petit volume avec passage d’eau considérable. Les modifications chimiques qui s’opèrent dans les fosses Mouras n'ont aucune influence sur l’activité des bactéries et il n’y a pas de décompo¬ sition biologique analogue à celle des bassins de Dibdin. Quant ans bacilles pathogènes et spécialement ceux de Koch et d’Eberth, ils ne perdent pas plus leur virulence dans les fosses automatiques que dans un réservoir quelconque. Il y a donc lieu d’ètre très réservé sur l’opportunité du déversement des liquides provenant de ces appareils dans les égouts ou directeinent dans les cours d’eau. En ce qui concerne l’hygiène même de l’habitation, le système Mouras ne donne qu’une sécurité relative au point de vue de l’infection du sous-sol, de l’inutilité de la vidange, du fonctionnement même à cause des engorgements et des fissures possibles. Les conclu¬ sions de Roth et Bertschinger, basées sur des recherches scientifiques, ne font que corroborer l’avis déjà lointain de Vallin, résultat de la pra¬ tique môme de la fosse Mouras, qui n’apporte aucune solution à la ques¬ tion de l’éloignement des matières usées. F.-H. Rbnaut. Valeur comparative de différents procédés d'analyse quantitative d'acide azoteux dans l’eau, par P. Kostine (Thèse de Saint-Pelersbourg, 1899 ; travail fait dans le laboratoire du professeur Shidlovsky). L’auteiur a contrôlé les trois procédés d’analyse quantitative d’acide azoteux les plus simples et donnant les résultats les plus favorables ; 1" Le procédé de Thamsdorf par l’empois d’amidon iodo-zingué ; 2° Le procédé de Tiemann-Preusse par le métaphényldiamine ; REVUE DES JOURNAUX «S 3° Le procédé récent de E. Riegler par le réactif de naphlol. Les avantages et les inconvénients dè ces procédés sont les suivants ; 1® L’empois d’amidon iodo-zingué donne avec l’acide azoteux une colo¬ ration bleue intense. Cette coloration est due à ce que l’acide azoteux agissant dans un milieu acide (acide sulfurique délué) met en liberté l’iode de l’iodure de potassium qui colore en bleu l’empois d’amidon. Grâce à ce phénomène, le procédé de Thamsdorf est surtout précieux pour les cas où le liquide à analyser est coloré et où sa décoloration est très diffi¬ cile. Les réactifs nécessaires pour ce procédé sont peu compliqués et se conservent longtemps. Pour obtenir la réaction, on n’a besoin que d’em¬ pois d’amidon iodo-z'mgué et d’acide sulfurique. Mais les expériences ont montré d’autre part que l’eau peut contenir de l’urine fraîche, des subs¬ tances albuminoïdes et des sels de fer. Ces substances entravent la réac¬ tion et la rendent impossible si la quantité d’ocide azoteux est minime. Les rayons solaires directs contribuent à la mise en liberté de l’iode de ses combinaisons et peuvent, par conséquent, amener la coloration bleue de l’empois d’amidon sans que le liquide contienne de l’acide azoteux. En absence d’acide azoteux, la môme réaction avec l’empois d’amidon iodo-zingùé est obtenue avecjes sels d’o.xyde de fer; les sels de protoxyde de fer entravent la marche de la réaction d’après l’auteur. En raison de ces inconvénients du procédé de Thamsdorf, on peut dire que dans certains cas, qui ne sont pas très rares, on ne peut pas compter avec certitude sur la réaction de l’acide azoteux avec l’empois d’amidon iodo-zingué, car on peut faire des déductions fausses sur la teneur du liquide en acide azoteux, aussi bien au point de vue quantitatif que qualitatif. 2“ Le procédé do Tiemann-Preusse par le mélaphényldiamine est basé sur ce fait que le métaphénydiamine estitransforraé, par l’acide azoteux en présence de l’acide sulfurique, en triamédobenzol qui a une coloration jaune éclatante et, si le liquide est plus concentré, jaune rougeâtre. On emploie pour la réaction une solution aqueuse de métaphénydiamine aci¬ dulée par l’acide sulfurique en excès et décolorée par le noir animal. Si le liquide contient de l’acide azoteux, la réaction se fait rapidement. Comme on voit, on n'a besoin que de deux réactifs ; les appareils sont simples et toutes les manipulations très peu compliquées. La plupart des substances étrangères qui se rencontrent le plus souvent dans l’eau (urine, sels gastriques, etc.) n’entravent pas la marche régulière de la réaction; il en est de môme pour la lumière, ta tempéraliffe et autres influences atmosphériques. En plus, le réactif principal peut avec quelques précautions être employé à l’état naturel (en poudre). Le plus grand inconvénient de ce procédé consiste dans la faible colo¬ ration en jaune si le liquide ne contient que peu d’acide azoteux (au-dessous de 0,01 pour 100 centimètres cubes). Celte coloration est insuffisante pour marquer les autres nuances colorées du liquide à analyser d’où i)os- sibililé d’une erreur. Enfin le réactif lui-mème ne peut être conservé sans s’altérer au delà de deux jours, môme à l’abri de la lumière. 3» Le réactif naphtolé de Riegler est un mélange de parties égales (en «6 BEVUE DES JOURNAUX poids) d’acide naphtiénique et de naphtol-p. La réaction se fait de la manière suivante : On additionne 100 centimètres cubes de liquide à ana¬ lyser de 3 ou 4 gouttes d’acide chlorhydrique concentré et d’un peu de poudre du réactif naphtolé. On agite le mélange fortement pendant une minute et on y ajoute 20 à 30 gouttes d’ammoniaque concentré. Sur les limites de contact de l’ammoniaque avec le liquide on voit apparaître une coloration rose qui se transmet par agitation uniformément à tout le liquide qu’elle colore en rose ou en rouge, suivant sa teneur en acide azoteux. Cette réaction est excessivement sensible et permet une analyse quantitative avec une quantité deux fois moindre et qualitative avec une quantité dix fois moindre qu’avec les procédés précédents. La coloration est très nette, apparaît aussitôt après l’addition de l’ammoniaque et per¬ siste pendant très longtemps. En plus, la préparation du réactif naphtolé est très facile; il est stable ; le dosage est facile. Mais il y a ici un réactif en plus qui complique l’opération et constitue un élément d’erreur sup¬ plémentaire. Des vases spéciaux sont nécessaires pour cette réaction; un un des réactifs (l’ammoniaque) change constamment de concentration, ce qui n’est pas sans influence sur la réaction et partant sur la détermi¬ nation exacte de la quantité d’acide azoteux. Les mélanges organiques (urines, etc.) tout en n’entravant pas la marche de la réaction et n’empê¬ chant pas l’analyse qualitative d’acide azoteux, modifient toutefois la coloration à tel point que l’analyse quantitative exacte devient impos¬ sible. Les sels de fer même en quantité minime entravent complètement la réaction qui ne se manifeste plus. Tous ces faits forcent à limiter l’em¬ ploi de ce' procédé exclusivement aux solutions pures d’acide azoteux et le rendent peu commode pour les buts pratiques ordinaires. L’auteur conclut de tout ce qui précède que parmi tous les procédés énumérés, il faut mettre en premier lieu la réaction avec le métaphény- diamine, quoique la coloration jaune ne soit pas assez caractéristique et soit marquée dans quelques cas par d’autres nuances du liquide à analy¬ ser. Le second rang appartient au procédé de Thamsdorf qui permet l’analyse qualitative d’acide azoteux dans la grande majorité des cas, et même l’analyse quantitative si l’on prend quelques précautions. Le réactif naphtolé de Riegler ne vient qu’en dernier lieu, car il est irw sensible aux mélanges organiques et aux sels de fer et un de ses composés (l’ammoniaque) n’a pas de concentration constante. S. Bboïdo. Emploi de la formaline pour la conservation des produits alimen¬ taires, par S. Kostovsky (Thèse de Saint-Pétersbourg, 1899). Ce travail est composé de quatre parties. A. Action des vapeurs de formaline sur la viande crue. On faisait éva¬ porer à la température ambiante les solutions de formaline dans de grandes cloches sous lesquelles se trouvaient des morceaux de viande crue, soit suspendus, soit posés sur des plaques de verre. Les résultats étaient les suivants : 1“ De petites quantités de formaline en s’évaporant à la température REVUE DES JOURNAUX m ordinaire peuvent empêcher la puli’éfaclion de la viande crue pendant trois jours ; 2» La viande crue soumise à l’influence des vapeurs faibles de forraa- line conserve ses qualités naturelles durant trois jours. Une action plus prolongée de ces vapeurs (cinq jours) tout en préservant la viande de la putréfaction, modifie son aspect extérieur, sa consistance et ses qualités gustatives ; 3“ Pour empêcher la putréfaction de la viande, il faut que les vapeurs de formaline agissent sur toute sa surface, ce qu’on ne peut obtenir que par suspension de la viande. Les parties tournées du côté de la source des vapeurs sont les plus influencées. B. Dans la seconde partie, l’auteur relate ses expériences sur l’action des solutions de formaline sur la viande crue. A cet effet on addition¬ nait de solution de formaline des substances enrôlantes et l’on couvrait avec ce mélange les morceaux de viande crue. On a ainsi fait des essais avec des mélanges de formaline et de glycérine, de formaline et de para- fine, de formaline et de gélose et d’autres substances indifférentes suscep¬ tibles de former une couche plus ou moins épaisse et solide autour de la viande en expérience. Les résultats de ces expériences sont les sui¬ vants : 1“ Les morceaux de viande enrôlés dans la gélatine, puis soumis à l’action de la formaline (procédé de Gattstein), tout en se conservant bien, sont desséchés au bout de dix à douze jours jusqu’à acquérir le dureté de pierre ; 2° Si l’on met ces morceaux sous une cloche saturée d’humidité, afin d’éviter le désséchement, ils se couvrent à la troisième semaine de levures, de moisissures et se putréfient finalement ; 3“ Le système de Gattstein a encore l’inconvénient de ne pas permettre le dosage de la formaline, de sorte que certains morceaux ne sont pas complètement stérilisés, tandis que les autres le sont trop jusqu’à la modification des propriétés naturelles de la viande ; A" Les morceaux de viande enrôlés dans un mélange de formaline et de gélatine ou de formaline et de gélose, tout en étant préservés de la putréfaction, se dessèchent. Si on les met dans une chambre humide pour éviter le dessèchement, ils moisissent et se putréfient ; 5® L’enrôlement dans les mômes mélanges avec enrôlement consécutif dans une couche formalinoparafinée, préserve la viande de la putréfac¬ tion pendant quatre mois. Pendant ce temps, la viande reste stérilisée, conserve sa consistance molle, présente une couleur un peu plus foncée mais conserve ses qualités gustatives. c. Outre la viande crue, l’auteur a encore fait des expériences avec des produits alimentaires cuits : viande cuite, œufs, pommes de terre, lait, bouillon, gélatine-bouillon péptonisé, bouillon- gélose péptonisé. Les produits solides étaient mis sur des plaques en verre dans des cloches où se. trouvait une quantité définie de formaline déliée avec de l’eau sté¬ rilisée pour éviter la polymérisation. Les résultats sont les suivants ; 1° Dans les espaces clos, restreints, la viande cuite, le poisson, les 478 VARIÉTÉS pommes de terre, les œufs peuvent être conservés pendant six jours en présence des vapeurs de formaline dégagées par de petites quantités de cette substance (0,01 p. 1,000) à la température ordinaire; 2® Si la conservation dure plus longtemps, ces produits dessèchent, les œufs deviennent durs et acquièrent une consistance cartilagineuse ; 3“ Le bouillon et le lait ne peuvent être conservés dans les espaces clos, môme après saturation avec des quantités notables de formaline. D. Enfin dans la dernière partie de son travail, l’auteur prend en con¬ sidération la possibilité de propagation des maladies contagieuses par les produits alimentaires et a voulu élucider dans quelles conditions et à quelle quantité la formaline peut servir pour stériliser ces produits s’ils sont chargés de bacilles typhiques ou cholériques, c’est-à-dire de deux espèces microbiennes dont la transmission par les produits alimentaires peut être considérée comme probable. Les résultats obtenus sont ainsi résumés : 1° La quantité minima de formaline (0,01 p. 28,000) tue au bout de trois heures, dans des espaces restreints, tous les bacilles typhiques et cholériques sur les produits alimentaires ; 2“ Avec l’augmentation de l’espace clos il faut, pour obtenir l’action stérilisante de formaline, augmenter la quantité de cette substance plus que proportionnellement ; 3“ Le plus grand effet est obtenu si l’on place les sources de formation d’aldéhyde formique (solution de formaline) sur différentes hauteurs ; 4° Plus les produits alimentaires se trouvent près de la source de for¬ mation du gaz, plus la stérilisation est parfaite ; 8° Les moisissures et les levures sont peu influencées par l’aldéhyde formique ; 6® Les bacilles du choléra sont, au contraire, rapidement détruits par ce produit. S. Broïdo. VARIÉTÉS L’organisation des services sanitaires maritimes. — Le décret du 4 janvier 1896 concernant la création de médecins sanitaires maritimes ne paraît pas avoir complètement assuré ce service, ni avoir donné à ces médecins une situation acceptable (Revue d'hygiène, 1897, p. 326). Us sont trop sous la dépendance des Compagnies de navigation, qui les écartent et les laissent sans engagement quand ils prennent jilusde souci de la santé publique que des intérêts commerciaux et financiers de la Compagnie. Le Congrès international d’hygiène de Paris, en 1900, a adopté à l’unanimité, dans sa séance de clôture, le vœu suivant, qui avait été formulé à la suite de la discussion sur la prophylaxie de la peste et de la désinfection des navires : « Pour mieux faciliter la déclaration des maladies pestilentielles sur- > venues pendant la traversée, il est désirable que les médecins sanitaires VARIÉTÉS 479 « maritimes aient l’indépendance vis-à-vis des Compagnies qui les O emploient et des capitaines qui commandent les navires. » Le même vœu a été adopté par le Congrès international de médecine professionnelle et de déontologie médicale. C’est pour arriver à ce résultat que la Société de médecine sanitaire maritime, fondée à Marseille depuis quelques années, vient, par l’organe de son président, M. le D'’ Danjou, de préparer un avant-projet de loi qu’elle soumet à l’appréciation de tous les médecins sanitaires maritimes, et dont voici lès données principales : 1° Relever le niveau scientifique du médecin sanitaire maritime, assurer sa dignité professionnelle, sa situation matérielle et morale, et un meilleur recrutement ; mettre le médecin à bord dans une position indépendante, analogue à celle de l’agent des postes embarqué , c’est-à-dire faisant de lui un commissaire du gouvernement, à devoirs et à prérogatives définies; 2° Obligation pour les Compagnies de navigation d’assurer, dans des conditions prévues par un règlement , l’installation et l’organisation des locaux servant au fonctionnement du service médical à bord ; 3» Création d’un corps d'infirmiers sanitaires maritimes, servant alter¬ nativement, comme les médecins, à bord et dans les lazarets ou direc¬ tions de santé des ports; 4“ Entrée des médecins sanitaires maritimes dans les conseils ou comités locaux et généraux d’hygiène publique, dans lesquels se traitent les questions d’hygiène navale et de police sanitaire maritime ; 8" Unité- de direction des services sanitaires maritimes concernant la marine marchande, centralisée dans une direction unique et spéciale, placée au ministère de l’Intérieur ou du Commerce. Be cette façon, ces médecins seraient appelés tour à tour à des fonctions à terre et à bord, dans les différents services sanitaires maritimes, et y apporteraient le concours de leur expérience technique ; 6“ Révision de l’organisation et du fonctionnement des directions et sous-directions de la santé des ports et de la composition de leur per¬ sonnel (création de postes de secours permanents, de nuit et de jour, pour parer aux accidents survenus dans le port; nécessité d'employer le médecin sanitaire de service pour l’examen de la patente de santé, pour donner ou refuser la libre pratique , opération actuellement faite par un capitaine ou un employé de la santé sans compétence technique, etc.); 7“ Dépôt de la patente de santé dans les mains du médecin sanitaire embarqué dès que cette patente arrive à bord ; visa de cette patente dans les escales, non par l’agent de la Compagnie de navigation, mais par le médecin sanitaire du bord conduit aux autorités françaises locales, etc.; 8“ Faculté, après quinze ans de navigation, d’obtenir par concours et après épreuves sérieuses les places vacantes à la direction de la santé des ports, comme sous-directeur, directeur de lazai'et, agent principal dans les formations sanitaires maritimes hors de la métropole, médecins des hôpitaux français à rélrangcr, etc. ; 9° Obligation, après vingt ans de navigation, de quitter le service à la mer et de subir un concours de classement pour l'ime des places *80 VARIÉTÉS mentionnées ci-dessus. Le concours serait subi soit au ministère, soit à l’Institut Pasteur, soit dans un établissement public d’instruction médicale; 10“ Amélioration dans le recrutement des médecins sanitaires mari¬ times. Roulement dans les différents semces ; stages périodiques d’ins¬ truction ; régularisation des soldes et allocations ; droits à la retraite, etc.; 11“ Mesures transitoires. Ce programme contient d’excellentes propositions, qui permettront de constituer véritablement un corps de médecins sanitaires maritimes, ayant non plus seulement comme aujourd’hui des devoirs, mais aussi des droits. La limitation du nombkb des débits de boisso.ns. — Une enquête officielle faite à Lyon a permis de constater qu’il existait dans cette ville, au 24 mars dernier, 5,617 débits' de boissons, soit 1 p. 85 habitants sans distinction d’âge ni de sexe, soif-éhcore 1 débit par un peu plus de 3 maisons. Le D' Augagneur, maire de Lyon, a rappelé que l’article 9 de la loi du 17 juillet 1880 , loi qui permet à tout venant d’ouvrir un débit de boissons, donne aux maires, les conseils municipaux entendus, le droit de déterminer les distances auxquelles les cafés et débits ne pourront être établis autour des édifices du culte, des cimetières, des écoles primaires, collèges et autres établissements d'instruction publique. > Cet article de la loi paraît avoir été jusqu’ici complètement oublié; il permet cependant de tempérer ce qu’il y a d'excessif dans la liberlé absolue d’ouvrir des cabarets qui caractérise la loi du 17 juillet 1880. M. le D' Augagneur, professeur à la Faculté de médecine et maire de Lyon , vient de prendre un arrêté qui fixe à 250 mètres la distance à laquelle les nouveaux débits devront se tenir loin des hospices , écoles, églises, cimetières. On ne saurait trop louer le courage d’un maire socia¬ liste, qui ne craint pas ainsi de mécontenter les grands-électeurs de la France moderne. La fumivorité a Paris. — A la suite de la discussion, au Conseil d’hygiène de la Seine, du rapport de M. Armand Gautier sur les fumées de Paris et d’un vole du Conseil municipal, M. le Préfet de la Seine, par un arrêté du 12 février dernier, vient d’ouvrir un concours d’appareils fumivores. A cet effet il a constitué une commission de dix membres, comprenant cinq membres du Conseil municipal : MM. Ballière, Baran- ton, J. Caron, Chérot, Dubuc, et en outre MM. Brüll, A. Gautier, Hirsch, Liébaut et Waleke'naer. Assisteront aux séances avec voix consultative : MM. de Ponlich, Bechmann, Launay, Lauriol et Paul Adam. La prési¬ dence est confiée à M. Hirsch, inspecteur général honoraire des Ponts et Chaussées, professeur au Conservatoire des Arts et Métiers. La commission examinera les différents systèmes présentés et fera choix de ceux qui lui paraîtront mériter d’être expérimentés. Elle con¬ trôlera les expériences auxquelles ces appareils seront soumis et formu¬ lera à leur sujet des conclusions définitives. Le gérant : Pierre Auger. lmp. PAUL DUPONT, 4, rue du Boulot. — Paris. I*' Arr*. — a.5.t901(Cl.) REVUE U’ENSEIGISEMEriT DE LA MEDECINE ET DE I.’HYGIENE COLONIALES Par le E. VALLIN. Il s’est fondé l’année dernière à Paris, sons ce nom : L’Union coloniale française, une Association qui n pour but la défense et les progrès de nos intérêts coloniaux. Elle se propose non seulement de fuMii iser rémigraticjti vers nos possessions nouvelles, de faire connaiire les ressources et les besoins de chacune d’elles, mais aussi de coni|jléter, de vulgai'iser les notions sur les maladies qu’on est exposé à y rencontrer, sur les règles particulières d’hygiène à Enivre pour les éviter. Notre collègue le professeur Uaphaël Blaneliaial a oi’ganisé cet hiver, dans cet ordre d’idées, des conférences lailes par les savants les plus com¬ pétents, sur l’anthropologie, la to|iograpbie médicale, l'Iiistoire de la colonisation et l’hygiène de Madagascar, etc. Nous avons assisli', dans le grand amphithéâtre du .Muséum, aux conréreiiecs tiès inté¬ ressantes, avec projections, qu’il a faites lui-niéme sur les maladies parasitaires et infectieuses qui régnent dans l.i giande ile, sur les REV. d’HYC. XXIII. — yi mesures à prendre pour se défendre contre la malaria et les mous¬ tiques qui la propagent. Le nombre considérable d’auditeurs qui se pressaient à ces séances montre combien le public parisien est curieux de tout ce qui touche à notre domaine colonial, et avec quelle facilité, peut-être, on provoquerait chez lui un élan vers les exploitations aventureuses et lointaines. L’Association a fait paraître, il y a quelques semaines, une bro¬ chure de 60 pages , ayant pour titre : Création a Paris d’un Ins¬ titut de médecine coloniale. L’auteur, qui ne dit pas son nom, mais que M. R. Blanchard connaît sans doute, constate avec raison les eft’orts considérables que font autour de nous depuis deux ou trois ans les pays colonisateurs, pour organiser dans leurs écoles de médecine ou dans leurs ports un enseignement de la médecine et de l’hygiène coloniales. En Angleterre, sous l’impulsion du D' Patrick Manson, le célèbre pai’asitologue qui a si bien étudié en Chine les migrations des blai¬ res, il s’est fondé à Londres, en 1899, une Ecole de médecine tropicale [The London School of tropical medicine) , qui a un corps de neuf professeurs, un programme d’enseignement, des labo¬ ratoires, etc. ; elle délivre des diplômes aux médecins qui ont suivi les cours et les exercices pratiques pendant une session trimestrielle (l’inscription coûte dé 300 à 600 francs pour la session) et ont subi avec succès l’examen de sortie. A côté de l’enseignement théorique, elle donne l’instruction pratique dans l’hôpital flottant des marins (Seamen’s Hospital), installé à bord du vaisseau le Dreadnmighl, ancré dans la Tamise à Greenwich et contenant 22S lits; ou y recueille les Hindous, les Cinghalais, les Chinois, les nègres de tous pays et les matelots anglais qui ont rapporté des colonies des mala¬ dies spéciales aux contrées tropicales. Pour éviter la pei-te de temps qu’entraîneraient des voyages trop fréquents à Greenwich (à S kilo¬ mètres du Pont de Londres) , on a construit une aile nouvelle au Branch Hospital, dans Canning Town, et l’on y a installé une cli¬ nique spéciale, avec 66 lits destinés aux cas de maladies exotiques présentant un intérêt particulier et nécessitant des recherches spé¬ ciales. C’est à cet hôpital d’ailleurs qu’est annexée la Tropical School , et un certain nombre de chambres confortables peuvent y être louées aux médecins ou étudiants qui tiennent à ne pas s’éloi¬ gner des laboratoires. Tous les élèves prennent leurs repas à l’Ecole, en compagnie de leurs maîtres; cette vie en commun facilite Tins- ENSEIGNEMENT DE LA MÉDECINE ET DE L’HYGIÈNE COLONIALES 48.) traction et ci’ée des relations durables, profitables aux progi'ès scientifiques. Des donations privées, les allocations de plusieurs ministères ont eu moins de deux ans apporté plus de 300,000 francs à cette institution qui est florissante et en plein fonctionnement. A Liverpool, tord Page! a inauguré, au mois d’avril 1898, l’Ecole internationale des maladies tropicales (Liverpool School of tropical diseases und animal parasilology). La création en est due à l’initiative et aux libéralités d’un notable citoyen de cette ville, M. A.-L. Jones, qui s’est engagé à verser chaque année pendant trois ans près de 9,000 francs pour aider à cette fondation , et qui l'année suivante contribua pour 23,000 fr. à y annexer un hôpital. L’enseignement théorique est donné à Uni- versity College , et une clinique de maladies exotiques est installée au Royal Southern Hospital, au voisinage immédiat du port. Une souscription à laquelle ont pris part des négociants de la ville, les grandes Compagnies de navigation, etc., ont permis d’organiser quatre missions scientifiques : à Sierra-Leone (avec le D' Ronald Ross) , au Vieux-Calabar et au sud du Niger, à Accra et à Lagos, pour étudier la malaria, et la quatiième au Brésil pour étudier la lièvre jaune. Le chef de cette dernière mission, le D’’ W. Myers, est luoi’t de fièvre jtuine au Para, le mois de janvier dernier, à l’âge de vingt-huit ans; cette fin prématurée a excité une douloureuse émo¬ tion dans les milieux scientifiques de l’Angleterre et de tous les pays civilisés. Sous l’impulsion du D’’ Noclit, clief de la santé du port de Ham¬ bourg, on a fondé dans cette ville, au commencement de 1900, « l’Institut de médecine navale el tropicale de Hambourg », au moyen de dons particuliers, de fonds votés par la municipalité, d’allocations du ministère de la marine et de celui des colonies de l’Empire allemand. Cet Institut comprend des salles de cours, des laboratoires, un pavillon d’hôpital de 60 lits. Dix places dans l’Ecole sont réservées à des élèves désignés par le ministère impérial de la marine, lequel verse à ce titre à l’Institut une redevance annuelle de 12,300 francs; on y fera passer successivement les médecins des colonies tropicales ou des troupes d’occupation des pays de protectorat. Les travaux de l’Institut sont publiés dans un journal médical, VAreliiv fur Schiffs- und Tropen-Uygieue, qui paraît depuis 1897. D' E. VALLIN L’on trouvera sur ces différentes institutions les renseignements les, plus intéressants dans deux mémoires de M. R. Blanchard, publiés par le Progrès médical : L’enseignement de la médecine tropicale, IS juillet et 4 novembre 1899, reproduits et complétés dans la brochure de l’ünion coloniale française. D’autres efforts ont été faits dans la plupart des pays de l’Europe pour ouvrir des cours ou pour envoyer des missions médicales dans les colonies intertropicales et résoudre des questions scientifiques concernant les maladies exotiques les plus meurtrières : la Société royale de Londres a envoyé la mission Daniels Stephens et Eliristo- phers aux Indes, en Italie, au Chiré, au lac Nyassa, pour y étudier le paludisme, la fièvre bilieuse hémoglobinuriqne, etc.; les Univer¬ sités d’Aberdeen, d’Edimbourg, de Liège, de Bruxelles, d’L'Ireehl, de John Hopkins à Baltimore ont commencé l’organisation d'un enseignement des maladies des pays chauds ; une Société |>our l’élnde du paludisme s’est constituée à Rome, en 1898, et les beaux travaii.v de MM. Gelli, Grassi, Bignami, Golgi, etc., prouvent quels services elle a rendus et peut rendre encore. Il faut le reconnaître, la France est un peu en l’etard dans ce mouvement ; elle n’est cependant pas restée inactive. Dès 1889, le ministre de rinstruction publique avait créé à l’Ecole de médecine d’Alger un cours de pathologie exotique que M. le professeur Brault, nommé en 1897, a rapidement transformé, rajeuni, qu’il a mis an courant des travaux les plus modernes de la parasitologie et de la bactériologie. Ce dernier a créé un laboratoire de recherches et réussi, après quelles luttes ! à obtenir, en décembre 190(1, dans l’Iiù- pital de Mustapha, une clinique fort, riche en cas de maladies peu connues, spéciales à nos colonies et aux régions tropicales i lhaull. L’enseignement de la médecine coloniale à l’Ecole de médecine d’Alger, Revue d’hygiène, 1900, p. 492). Il a recueilli en particu¬ lier un grand nombre de cas provenant des l'égiments de tirailleurs algériens, de spahis, de zouaves, de la légion étrangèi'e, qui, üutre les postes avancés de l’Algérie et de la Tunisie, alimentent en grande partie les corps expéditionnaires ou d'occupation de Madagascar, du Tonkin, de l’Annam, de la Chine, du Dahomey, du Sénégal et les missions du Soudan. Le Traité pratique des maladies des pays chauds et tropicaux que M. le professeur Brault a publié en 1899 fait voir combien de questions nouvelles ont pu être étudiées a .\lger et en .Algérie à l’aide des ressources locales et d(^s rapatriés RNSEIGNEMENT DE LA MÉDECINE ET DE L’HYGIÈXE COLOMALES m de tant de provenances diverses. Si excellent que soit un tel ensei¬ gnement pour les médecins de l’Algérie et peut-être du Midi de la France, il faut reconnaître qu’il n’est à la portée que d’un petit nombre de médecins français de notre continent. Dès 1893, le conseil général des Facultés approuvait par un vote unanime la décision de l’Ecole de médecine de Marseille, d’instituer une chaire de pathologie exotique. Le conseil municipal a créé, en 1899, cinq chaires nouvelles concernant la pathologie et l’histoire naturelle des pays chauds ; la chaire de clinique exotique fut confiée à M. le D' Boinet, ancien agrégé à la Faculté de Montpellier et anté¬ rieurement professeur de pathologie interne à l’Ecole de Marseille ; M. le D'' Raynaud fut chargé du cours poui- la chaire d’hygiène, climatologie et épidémiologie coloniales ; tous deux ont été jadis médecins l’un de l’armée, l’autre de la marine, et ont une compé¬ tence justifiée en ces différentes matières qu’ils enseignent. La Faculté de Bordeaux a ouvert depuis plusieurs années un cours complémentaire de pathologie exotique, qu’elle a confié à un de ses agrégés, M. le ü" Le Dantec, qui est en même temps médecin prin¬ cipal de la marine et professeur à l’Ecole principale du service de santé de la marine. M. Le Dantec a publié l’année dernière un Précis très complet et très documenté de palliologie exotique. En ces derniers jours, le conseil de la Faculté et le conseil de l’Uni¬ versité de Bordeaux ont décidé une série de dispositions concernant l’étude de ces maladies et la création d’un diplôme de médecin colo¬ nial, toutes mesures qui sont en ce moment soumises à l’approba¬ tion ministérielle. Marseille et Bordeaux, dont les ports reçoivent presque toutes les provenances de nos colonies, sans (amipter les émigrants, les nomades ou trafiquants de tous les pays, sont comme Alger parfai¬ tement qualifiés pour donner un enseignement pratique et clinique des maladies exotiques. A 'l'onloii, le magnilique hôpital de Sainl- Mandrié est en quelque sorte mi j»rolongemeul de nos hôpitaux coloniaux ; c’est uii véritable laboratoire clinique ofi les jeunes médecins de la marine, à la sortie de la Faculté et de l’Ecole de santé de Bordeaux, viennent pendant six mois acquérir l’éducation professionnelle, en suivant les cliniques, les cours de pathologie exotique, de bactériologie et d’Iiygicne navale. Ils sont ainsi prépa¬ rés au service qui les attend dans les colonnes ou expéditions de nos colonies, sur les bâtiments de la flotte et dans les hôpitaux D' E. VALLIN maritimes, où ils rencontreront incessamment les spécimens les plus variés des maladies tropicales. On ne peut guère désirer pour eux davantage. Que fait-on, à ce point de vue, pour les médecins de l’armée de terre ? Nous reprochons souvent aux journaux politiques et littéraires d’être mal renseignés sur les choses de la médecine et de parler de questions qu’ils ignorent complètement. Les lèuilles médicales n’échappent pas à ce reproche, et nous en voulons pour preuve le paragraphe suivant du manifeste intitulé : « Création à Paris d’uii Institut de médecine coloniale. » Après avoir rappelé la part que l’armée de terre a prise et conti¬ nue à prendre aux expéditions de Chine, du Mexique, du Tonkin, de Madagascar, de Tunisie et de nouveau en Chine, elle ajoute : « Les médecins militaires sont très fréquemment appelés à servir dans la zone tropicale ou subtropicale. Dès lors nous sommes en droit de nous demander s’ils ont jamais reçu, au cours de leurs études, un enseignement spécialisé de médecine exotique. La réponse est facile : non, il n’ont jamais suivi de cours théoriques, pratiques et cliniques, portant sur les maladies des pays chauds. Un tel enseignement n’existe ni à la Faculté de Lyon, ni à l’Ecole du service de santé à Lyon, ni à l’Ecole d’application du Val-de- Grâce (à Paris). On conçoit à quel point est regrettable un pareil état de choses. » Ce qui est regrettable au premier chef, c’est de lancer de telles al'lir- mations, que nous xmyons reproduites par plusieurs journaux ; c’esi d’alarmer les familles et de discréditer un corps, sans prendre la peine de s’assurer si elles sont exactes. La brochure en question esl rédigée en partie par un de nos collègues de l’Académie de méde¬ cine, avec qui nous entretenons les relations les plus amicales, el qui aurait pu facilement se renseigner auprès de MM. Léon Colin, Relsch, Laverait et nous-même, qui avons été pendant de longues années chargés de l’enseignement de l’épidémiologie ou de l’hygiène au Val-de-Grâce. Or, on peut dire que tout est erroné dans la cita¬ tion qui précède. Une seule chose est vraie : à la Faculté de Lyon, il n’existe pas plus d'enseignement des maladies exotiques qu'à la Faculté de Paris ; le besoin jusqu’ici ne s’en est pas fait sentir. Il n’en existe lias non plus à l’Ecole du service de santé militaire à Lyon, el pour ENSEI6NEMMT DE LA MÉDECINE ET DE L’HYGIÈNE COLONIALES 487 s'en étonner il faut ne pas bien connaître le but et la raison d’étre de cette Ecole. Elle a été créée pour faire des docteurs en méde¬ cine ; ses élèves sont, en quelque sorte, les élèves internes de la Faculté ; ils en suivent assidûment et l’égulièrement les cours, les travaux pratiques, les cliniques, au même titre que les autres étu¬ diants; ils sont astreints à l’intérieur de l’Ecole à des exercices phy¬ siques (école du soldat, maniement du fusil, tir, équitation, escrime); ils sont soumis à la discipline et à une éducation mili¬ taires, à des interrogations, à des explications et des commentaires, c’est-à-dire à de véritables répétitions sur les matières des cours de la Faculté, laquelle n’a à leur enseigner rien de plus qu’aux autres étudiants. C’est seulement quand ils ont achevé ces études préli- minaTes et générales, quand ils sont docteurs en médecine, qu’ils viennent à VEcole d’application de la médecine militaire, où on leur enseigne exclusivement ce qui est nécessaire à un docteur en médecine pour devenir un bon médecin militaire, c’est-à-dire les blessures de guerre, l’épidémiologie et les maladies du soldat en campagne et dans les divers climats, l’hygiène militaire dans les garnisons et aux colonies, les expertises hygiéniques et bactériolo¬ giques, l’appréciation des infirmités entraînant l'exemption à la révision, la réforme ou la retraite, les règlements du service de santé, etc., etc. Depuis que le Val-de-Grâce a été réorganisé en f8S4, il existe un programme imprimé de l’enseignement, d’une quarantaine de pages in-4®, qu’on distribue à chaque élève à son arrivée à l’Ecole ; il contient pour chaque cours et conférence le sommaire en quelques lignes, rédigé par le professeur, des matières qui font l’objet de chacune de 45 ou 48 leçons de son cours. Ce programme est légère¬ ment modifié tous les cinq ou six ans, pour être tenu au courant de la science. Un simple coup d’œil suffit pour juger combien les allé¬ gations du rédacteur de la brochure incriminée sont peu fondées, et combien il lui aurait été facile de se renseigner. Le cours des maladies et épidémies des armées a été créé par Michel Lévy, alors directeur du Val-de-Grâce, au lendemain de la guerre de Crimée dont il avait été pendant deux ans le médecin en chef. Depuis cinquante ans, le Val-de-Grâce est peut-être le seul établissement- d’enseignement supérieur où l’on professe l’épidé¬ miologie, et les traités magistraux de MM. L. Colin et Relsch, qui se sont succédé dans cette chaire, montrent quelle a été la valeur D' E. VALLIN iS8 (le cet euseignement, confié depuis huit ans à M. Vaillard. Ajou¬ tons qu’en 1889 M. Relsch, alors professeur du cours, a publié avec son ami, le professeur agrégé Riener, depuis professeur de pathologie générale et d’histologie pathologique à la Faculté de Montpellier, un ouvrage considérable et de très haute valeur, qui porte ce titre suggestif : « Traité des maladies des pays chauds (région prétropicale) ». Dans ce livre, les auteurs exposent les recherches personnelles de clinique et d’histologie pathologique qu’ils ont faites pendant de longues années de séjour en Algérie et en Tunisie sur la dysenterie, les abcès du foie, les cirrhoses, les formes graves du paludisme, les altérations encore non signalées jusqu’ici que la malaria imprime au foie, à la rate, aux reins, etc. Il est étrange de voir porter l’accusation de ne donner à ses élèves aucuns cours théoriques, pratiques ou cliniques sur les maladies des pays chauds, contre une école dont les professeurs se nomment L. Colin, Relsch, Laveran, Riener, de qui les traités sur ces maladies sont depuis longtemps classiques. Ajoutons que, outre la découverte du parasite du paludisme, outre ses travaux sur les formes cliniques de cette maladie et sur le rôle des moustiques dans sa transmission, M. Laveran a publié un livre sur les proto¬ zoaires du sang, dont la seconde partie, consacrée aux Vers du sang, a été écrite par son collaborateur et collègue M. R. Blanchard. Pendant.les dix années où il m’a succédé comme professeur d’hygiène militaire au Val-de-Grâce, tous ceux. qui ont fréquenté TÉcolc savent avec quel zèle vigilant on étudiait, dans son service d’hô¬ pital et dans son laboratoire, les maladies exotiques, et en particu¬ lier les maladies parasitaires des pays chauds qui n’y étaient pas rares. Dans le programme du cours des maladies et épidémies ile.s années, daté de 1900, sur 48 leçons nous en trouvons au moins 18 qui sont consacrées aux maladies des pays tropicaux et prétropi¬ caux, en y comprenant la peste, le choléra, la fièvre jaune, la dysenterie, les hépatites, la fièvre bilieuse hématurique, les formes graves ou compliquées du paludisme. En outre, dans les confé¬ rences faites deux fois par .semaine pendant six mois par le pro¬ fesseur agrégé, nous en trouvons au programme un nombre au moins égal consacrées à la démonstration sur pièces, à la nosogra¬ phie, à la prophylaxie des parasites ou maladies suivantes : tænias ; trichinose ; filariose ; ankylostome duodénal ; ver de Guinée ; hœ- ENSEIGNEMENT DE LA MÉDECINE ET DE L’HYGIÈNE COLONIALES 489 mopis vorax ; lèpre ; béribéri ; dengue ; actinomycose ; morve ; rage, etc. Enfin, au laboratoire de bactériologie, parfaitement aménagé, sous la direction de M. Vaillard et des professeurs agrégés Vincent et Simonin, les aides-majors stagiaires sont exercés plusieurs hëures par semaine, pendant six mois, à la technique bactériologique, à la détermination des microbes pathogènes dans l'eau, le sang, les liquides pathologiques, les substances alimentaires, etc. Chaque stagiaire a sa place, son microscope, son matériel instru¬ mental et fait lui-même des préparations. Voici pour l’enseignement théorique et pratique; reste l’instruc¬ tion clinique. C’est au Val-de-Grâce que viennent se faire soigner, quand ils sont convalescents ou malades à Paris ou en France, la plupart des fonctionnaires de nos colonies tropicales : explorateurs, magis¬ trats, employés des diverses administrations et des pénitenciers, missionnaires et religieux, etc., sans compter les officiers de la ma¬ rine et de l’armée de terre qui viennent souvent y passer plusieurs mois à leur rentrée en France. Il y a là une série de chambres par¬ ticulières parfaitement installées avec dépendances, disposées pour recevoir depuis le sous-lieutenant jusqu’aux généraux de division. J’ai été personnellement chargé de ce senice pendant plus de dix ans, et j’ai pu en apprécier la richesse et la variété. Indé¬ pendamment des officiers et des fonctionnaires, cet hôpital reçoit un grand nombre de soldats ou de sous-officiers, que des congés de convalescence ramènent des régions tropicales dans leur famille, et que des rechutes, des complications forcent à entrer dans cet hôpital, ou qu’on y évacue de toute la France. L’on veut créer un Institut de médecine coloniale à Paris; je doute qu’on puisse y réunir plus de cas de clinique exotique qu’on n’en rencontre au Val-de-Grâce. Je comprends parfaitement l’utilité, je dirais même la nécessité à Paris d’un enseignement théorique, scientifique, des parasites pathogènes ou même des maladies para¬ sitaires et microbiennes au point de vue du laboratoire et de l’ex¬ périmentation, et personne ne me paraît mieux qualifié que M. Blan¬ chard pour aider à ce progrès; je souhaite vivement l’organisation de conférences et d’exercices pratiques, soit à l’Institut Pasteur, soit à la Faculté de médecine, comme annexe au cours de médecine expé¬ rimentale et comparée; excellente aussi la création d’un stage volon- 490 D' E. VALLIN taire où certains médecins viendront se familiariser avec la micro¬ biologie, la sérothérapie des maladies exotiques, et entendre des conférences d’un ordre élevé sur la nature de maladies nouvelles ou peu connues. Mais le lieu me semble moins bien choisi pour un enseignement clinique. Où trouvera-t-on des malades? où trouvera- t-on même des professeurs qui aient une longue expérience dos maladies tropicales, en dehors de quelques médecins de l’armée on de la marine qui ont pris leur retraite par anticipation et qui soni encore en pleine activité scientifique? Je dirai même : où trouvera- t-on des auditeurs ? N’est ce pas plutôt dans un port de mer, siège d’une École ou d’une Faculté, que de jeunes médecins iront se préparer à la pratique médicale des colonies, à l’examen exigé pour obtenir le diplôme de médecin sanitaire maritime, etc.? Une éenlc de médecine coloniale à Paris fait un peu penser à Paris-Port de mer, ou à l’École navale créée à Angoulême, sous la Restauration, pour faire honneur et plaisir au duc de ce nom. Ce n’est pas le eas de faire de la centralisation à outrance. Le manifeste déclare qu’il appartient aux pouvoirs publics de rendre un décret obligeant de nombreuses catégories de médecins à passer par le futur Institut de Paris. Une de ces catégories est celle des médecins coloniaux indigènes, ayant pris dans les écoles de leur pays le diplôme de médecin. » Nous faisons allusion ici « aux Ecoles de Tananarive et de Saigon, et même à la Faculté « (française) de Beyrouth. Le gouvernement de Madagascar vient « d’envoyer à Montpellier, en vue de l’obtention du diplôme fraii- « çais, quatre docteurs indigènes de l’Ecole de Tananarive. Que ces « jeunes médecins, qui représentent l’élite de leur promotion, fas- « sent leurs études générales dans une Faculté de province, rien de « mieux ; mais leur passage à l’Institut de médecine coloniale « deviendra pour ainsi dire obligatoire ». Malgré la réserve exprimée par ces mots « pour ainsi dire », l’obligation paraît excessive. Passe encore pour des exercices pra¬ tiques dans un laboratoire de bactériologie, ou pour un examen prouvant qu’on e.st familiarisé avec ces pratiques . Mais n’y a-t-il pas quelque chose de choquant, pour ne pas dire plus, à forcer un diplômé de Tananarive, docteur de Montpellier ou de Bordeaux, a venir étudier à la clinique coloniale de Paris la fièvre bilieuse héina- turique, dont on ne rencontre peut-être pas deux cas par an dans tons les hôpitaux civils de Paris, tandis que ce jeune médecin malgache en ENSEIGNEMENT DE LA MÉDECINE ET DE L’HYGIÈNE COLONIALES *91 aura déjà vu ou soigné peut-être une vingtaine dans son propre pays. Enfin, c’est la suppression d’un seul mot des écoles et des chaires coloniales déjà créées à Alger, à Marseille, à Bordeaux, et qui, au point de vue clinique, ont au moins aussi bien pourvues que serait celle de Pai’is. Enfin, pourquoi un diplôme obligatoire de médecin colonial, quand on n’exige pas de diplôme spécial pour pi-atiquer les accouchements, la chirurgie, l’ophtalmologie, la gyné¬ cologie, le traitement de la syphilis et des maladies de la peau, etc. ? Au lieu de vouloir créer trois écoles complètes et du même genre à Marseille, à Bordeaux et à Paris, ne vaudrait-il pas mieux n’en créer qu’une seule, la doter richement, y attirer des savants de valeur, soit comme biologistes et expérimentateurs, soit comme cliniciens et praticiens. Une école unique, véritablement pratique ou professionnelle, avec quelques laboratoires et de grandes res¬ sources cliniques, suffira pleinement pour les médecins qui vou¬ dront pendant trois mois se familiaiiser avec la recherche des parasites et des microbes en vue du diagnostic, avec les ressources (le la thérapeutique, de la sérothérapie et de la prophylaxie. A Paris, des savants éminents, à idées géniales, prépareront, élucideront les questions scientifiques nouvelles concernant la nature des maladies exotiques qui sont un champ mystérieux qu’on com¬ mence seulement à défricher ; ce qu’il faut à Paris, c’est moins une école d’enseignement qu’un atelier de découvertes. C’est dans un port du midi, c’est dans la véritable école qu’on divulguera les faits récemment acquis, qu’on tiendra au courant de la science ceux qui voudront sur ce point compléter leur instruction professionnelle, apprendre à reconnaître ces maladies étranges, à les soigner et à les prévenir. Mais c’est surtout et avant tout par l’envoi de missions scientifiques très compétentes, bien outillées, bien prépa¬ rées, pouvant séjourner six mois ou un an dans une région déter¬ minée, qu’on réalisera de véritables progrès dans ce domaine de la pathologie exotique. 49-2 H'- BORKI, MÉMOIRES I A DÉPENSE SANITAIRE DU GOLFE PERSIQIJE ET DU CHAT-EL-ARAB Par le Df BOREL, Médecin sanitaire maritime. I. — Historique de la question Conférence de Paris, 1894. — Conférence de Venise, 1897. Depuis longtemps l’attention des services sanitaires européens a été attirée vers le golfe Persique et le Chat-EI-Arab considérés comme voies de pénétration pour les épidémies de peste et de cho¬ léra. L’épidémie cholérique de l’Irak-Arabi, celle de la Mésopotamie et de la Syrie en 1889, 1890, 1891 et 1893 ont démontré que le danger de ce côté était réel. Aussi la conférence de Paris, en 1894, avait-elle inscrit au programme de ses travaux la question de la protection sanitaire du golfe Persique. La conférence avait émis les résolutions suivantes : 1» A Faô, ou à proximité de ce point, grand lazaret sur lerre ferme, avec service sanitaire complet, ayant sous sa direction les postes sani¬ taires du golfe Persique mentionnés ci-dessous ; 2“ Petit lazaret dans un des îlots ottomans Salahyé ou Vélanyé, situés près de Bassorah, pour .surveiller les individus qui auraient échappé à la visite du Faô ; 8" Maintien du poste sanitaire existant actuellement à Bassorah ; 4® Installation d’un poste sanitaire dans la baie de Kouiel pour sur¬ veiller l’étal de santé qui est facilement compromis par les rapports très suivis de.s- habitants avec Bahrein et autres points du golfe Persique, ainsi que par les transports des cadavres par les pèlerins pour être enterrés dans les lieux saints des Chiites ; O® Poste sanitaire à Menama, chef-lieu des îles Bahrein ; ce point est très important à cause des pêcheurs de perles qui y affluent de tous les points du golfe et d’au delà; DÉFENSE SANITAIRE DU GOLFE PERSIQUE i9i) 6° Poste sanitaire à Ben der-Àbbas ; 7® — — à Buchir; 8» — — à Mohamerah ; 9“ — — dans le port de Givadars (Belouchistan); 10° — — dans le port de Mascate (sur la côte d’Oman). Les résolutions ne furent pas exécutées et lorsque la peste sur¬ vint aux Indes le danger était resté le même ; la question revêtit de suite un nouveau caractère d’actualité. C’est alors que se réunit la conférence de Venise, en 1897, qui dut s’occuper encore du golfe Persique. Le nouveau système proposé fut d’installer le point d’ar¬ raisonnement à l’entrée du golfe Persique, dans l’ile d’Ormuz, par exemple. Mais à la suite de divers pourparlers, l’installation du lazaret à Ormuz fut rejetée ; l’Angleterre proposa alors de l’installer à Djask, cap isolé situé sur la côte persane du golfe d’Oman ; ce iiouvean plan ne fut pas non plus exécuté. Il demeure donc constant que le débat reste ouvert et . que la question attend encore une solution pratique. Le danger existe toujours pour l’empire ottoman et partant pour l’Ënrope entière. Aussi, dans une conférence sur la peste, M. le professeur Lan- douzy pouvait-il dire avec juste raison : « Le golfe Persique est « encore une maille ouverte dans le réseau défensif assez serré « que. la politique sanitaire de ces dernières années est parvenue 19 nées que connut la jeunesse de cette époque, devaient succéder pour Napias les jours de devoir et les années de labeur. Par un sentiment de haute valeur morale, ses frères et lui se décidèrent à entrer presque en même temps dans la marine. L’un d’eux, entré le premier au florda et sorti le premier, donna son nom à une voie navigable de l’Australie, nom inscrit sur les cartes qu’on pouvait voir, dans le pavillon spécial de l’Exposition de l’an der¬ nier. Son autre frère fut commissaire de marine. Napias, lui, prit le métier de médecin de marine dans lequel, a-t-il dit, j’ai passé mes plus belles années : « école de discipline, de courage et de cour¬ toisie, à laquelle je dois beaucoup de reconnaissance et de bonnes amitiés. » Ce qu’il oubliait d'ajouter, c’est qu’il y témoigna, comme tou¬ jours, du plus rare et du plus courageux dévouement. Entré, en f863, à l’Ecole de médecine navale de Toulon, il se trouvait, en '1865, comme médecin de troisième classe, à la Guadeloupe, lors- qu’y éclata l’une des plus meurtrières épidémies de choléra qu’on ait jamais eu à enregistrer. Eu quelques mois, sur 149,407 habi¬ tants, 1-1 ,937, soit 8 p. 100, succombèrent au fléau. Mais ce fut surtout à la Basse- Terre que l’épidémie sévit avec une intensité toute particulière ; on y compta 1,956 décès sur 9,576 habitants, soit 20,32 p. 100 de la population. C’est là que Napias, à l’ambu¬ lance du Mont-Carmel, se dépensa sans compter, voyant même dis¬ paraître avec la plus efifrayanle rapidité, du jour au lendemain tout au plus, quelques-uns de ses meilleurs camarades, que les soins les plus dévoués ne pouvaient sauver. Il fallait le forcer avec insistance pour avoir de lui quelques détails sur cet épisode de sa vie, ipii lui valut, à vingt-trois ans, sur le rapport de son chef, .M. Waltiicr, nue médaille d’honneur décernée par le ministre de la Marine. Les sou¬ venirs de M. le professeur Le Dcnlti et le mémorial de son père, qui prit, lui aussi, comme rmi , comme disait Montesquieu. Napias, qui venait de retrouver des amis de jeunesse dont les aspirations répondaient aux siennes et dont beaucoup étaient parmi les plus ardents dans ce mouvement de rénovation sociale qui était alors la vie même de la France, sentait quelle puissance donnerait à ces aspirations une association commune, largement ouverte à toutes les opinions scientifiques, à toutes les bonnes volontés. Jus¬ qu’Ici, comme il l’a fait observer, on n’avait pas assez intéi'essé les pouvoirs publics à l’hygiène et il fallait s’adresser pour cela à l’opi¬ nion. Il s’en ouvrit à quelques-uns d’entre eux et peu à peu prit corps l’idée, puis la création, de notre Société. Lié de la plus étroite amitié avec Thévenot qui venait de repré¬ senter brillamment l’école médicale française comme professeur de clinique chirurgicale et d’obstétrique à l’Université de Santiago-de- Cuba au Chili, il put réunir chez celui-ci quelques partisans de ces mêmes idées, tels que Goudereau, dévoué ami de toutes les causes généreuses; Laborde, dont l’éloquence entraînante et la science captivante se sont toujours mises au service de tous les progrès ; Lacassagne, alors savant, érudit et disert, professeur agrégé d’hy¬ giène et de médecine légale au Vaf-de-Grâce. Quelque temps après, le petit groupe s’était accru de Du Mesnil, dont l’enseignement populaire de l’hygiène dans les divers quartiers de Paris faisait une recrue précieuse; de Pinard, de Budin, qui commençaient, sous l’égide de leur maître Tarnier, à renouveler en France l’obstétrique, l’hygiène des femmes en couches et celle des nouveau-nés ; de Catelan, camarade de la médecine navale, qui défend actuellement notre lit¬ toral méditerranéen contre les invasions pestilentielles ; de Dubois, ancien compagnon des luttes d’autrefois; de Delaunay, esprit prime- sautier, dont les investigations dans les questions d’hygiène profes¬ sionnelle ont eu leur part d’intérêt. On se réunissait tour à tour chez Thévenot et Goudereau, et sur¬ tout dans les salles étroites et encombrées du laboratoire de La¬ borde, sur l’un des bas-côtés de la vieille Ecole pi’atique. Les aina- 522 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE leurs de pittoresque peuvent en regretter la disparition ; ceux qui l’ont connu ne peuvent oublier quel puissant centre d’enseigne¬ ment et de recherches fut ce modeste laboratoire pour les élèves de la Faculté et le personnel d’élite qui s’y trouvait réuni après la guerre. Bientôt les premiers statuts de la Société , rédigés par Laborde, furent approuvés ; le nombre des amis et des adhérents de la pre¬ mière heure allait en s’augmentant rapidement. Au mois d’avril 1877, une première réunion générale, tenue dans la salle de la Société d’encouragement, comprenait plus de cent membres qui approuvèrent les statuts et le règlement de la Société qui prit pour titre celui de Société de médecine publique et d’hygiène profession¬ nelle de Paris. Le 27 juin 1877, notre Société tint sa première séance régulière. Elle avait alors pour président le vénéré professeur d’hygiène de la Facullé de médecine, Bouchardat, dont l’enseignement original et si personnel a, notamment dans ses leçons sur l’étiologie et sur la misère physiologique, laissé de maîtresses pages sur l’hygiène individuelle. « Je me félicite, s’empressa-t-il de déclarer en ouvrant la première séance, d’avoir été choisi pour inaugurer la présidence d’une Société dont le but et la composition assurent l’avenir et l’utilité. Je suis heureux de coopérer à la fondation de celte œuvre humanitaire, à côté et en compagnie d’hommes de science et de liberté. » C’était bien ainsi en effet que les fondateurs de la Société compre¬ naient sou rôle et son but. Son premier secrétaire général, Lacas- sagne, les définissait alors en termes qui, vingt-cinq années après la fondation, ne pourraient subir aucune modification. A son dixième anniversaire, fêté non sans éclat en 1887, Napias s’expri¬ mait en ces termes : « La Société de médecine publique aura une part à réclamer dans les progrès accomplis par l’hygiène; instituée, d’après les termes mêmes de ses statuts, pour l’étude approfondie et la solution de toutes les questions d'hygiène, de salubrité, de médecine et de police sanitaire nationale et internationale, d’épidé¬ miologie et de climatologie, d’hydrologie, d’hygiène des professions, de toutes les questions en un mot qui sont afférente’s à la médecine sociale, elle peut affirmer avec un juste orgueil qu’elle n’a pas failli à la tâche qu’elle s’était donnée. » Si cette déclaration est encore vraie aujourd’hui, il n’est que M. LE D' NAPIAS 543 juste de reconnaître qu’on le doit, pour une gi’ande part, au soin jaloux avec lequel Napias n'a cessé d’attirer à la Société tous les savants, de compétences' variées, qui pouvaient aider aux développe¬ ments de la médecine publique, de même que sa préoccupation constante a été de donner à ses travaux la notoriété qu’ils méri¬ taient à, tant de titres. Pour bien marquer ses tendances, la Société n’a-t-elle pas toujours mis à sa tête les représentants les plus auto¬ risés des sciences et des professions les plus indispensables ou les plus intéressées aux progrès de l’hygiène ? Aucun de nos présidents n’a pu résister en effet aux sollicitations préalables de notre secré¬ taire général ; tous trouvaient en Napias un apôtre et un conseiller aimable qui leur montrait sans peine et avee eet enjouement discret et persuasif qui le caractérisaient, tout le bien à faire et combien les sciences les plus diverses, comme les aptitudes les plus variées, peuvent concourir en fin de compte à l’amélioration de l’hygiène publique et privée. Ils devenaient bien vite et restaient ses amis. La Société de médecine publique se fondait au lendemain du jour où l’œuvre des (longrès internationaux d’hygiène et de démo¬ graphie se reprenait à Bruxelles, en 1876. Elle eut immédiatement la charge de l’organisation du Congrès qui se tint à Paris deux ans après et, depuis lors, son bureau et ses membres eurent une part prépondérante, soit dans les Congrès réunis à Paris, soit dans la participation de la France aux Congrès tenus à l’étranger. Il en fut de même pour la participation de l’hygiène aux diverses Expositions universelles, tant en France qu’à l’étranger. C’est dire l'influence que son secrétaire général avait su lui acquérir, partout où l’hygiène devait être mise eu honneur ou donner lieu à de sérieux et instructifs débats. Dans toutes ces occasions, Napias, qui, dès 1878, avait dû prendre comme secrétaire général la place de Lacassagne, appelé hors de Paris par ses fonctions militaires, tenait à montrer combien la Société de médecine publique marchait à l’avant-garde du progrès hygiénique. « Elle sait bien, ne cessait-il de répéter, qu’à ehaque pas elle peut se heurter à des préjugés, à des ignorances, à des intérêts, — à l’indifférence qui est la pire pierre d’achoppement ! — mais elle n’en va pas moins d’un pas alerte et régulier, sûi'C d’arriver au but, paree que ses membres ont dans la poursuite de ee but la tenace patience qui constitue une sorte de foi scientifique, et qui, elle aussi, soulève les montagnes ». Cette foi scientifique, elle ne pouvait échapper à ses collègues 524 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE lorsqu’à cette place même que sa trop grande complaisance m’a laissée, ils avaient coutume de le voir et de l’entendre pendant vingt-deux ans, jusqu’à sa nomination à la direction de l’Assistance publique. La figure ouverte et d’un joli dessin, comme illuminée par deux yeux vifs, perçants, malicieux et quelque peu câlins, encadrée d’une barbe soignée et de cheveux légèrement bouclés, il suivait les discussions et prenait part aux débats, en ayant tou¬ jours garde de paraître les diriger. Mais sa parole claire et toujours spirituelle ne tardait pas à amener ses interlocuteurs par les che¬ mins les plus aimables et souvent même les plus fleuris, douce¬ ment, et sans les heurter, à l’opinion qui lui semblait le plus conforme aux doctrines que la Société de médecine publique avait en quelque sorte mis&ion de défendre et de propager. Ce large esprit de tolérance, mais aussi cette ferme conception de ses devoirs envers notre Société, ont assurément contribué à donner à celle-ci l’influence qu’elle exerce depuis ans sur l’hygiène publi¬ que en Fiance. On peut assurément regretter que notre pays se soit à cet égard laissé devancer par la plupart des pays européens et les nations américaines, au moins pour ce qui concerne l’organisation de la médc; cine publique et les progrès de la prophylaxie sanitaire. On le regrette d’autant plus qu’il est la patrie de Pasteur et le berceau des plus grandes découvertes qui ont fourni à l’hygiène moderne tant et de si puissants moyens d’action. Il serait toutefois souverai¬ nement injuste de ne pas reconnaître combien l’hygiène s’est améliorée en France depuis la création de la Société et tout ce que l’assainissement, la salubrité, la prophylaxie y ont gagné dans ce temps. Déjà, en 1882, le livre rédigé dans ce but par les secrétaires généraux de la Société avait révélé les commencements de ces progrès ; celui qu’on rédigerait aujourd’hui serait encore plus instructif et donnerait encore plus de confiance. Napias, qui n’était pas un homme de science au sens strict du mot, et qui n’avait pas encore fait œuvre d’administrateur, était aloi-s un vulgarisateur des plus persuasifs, par le charme de son style, l’absolue honnêteté de ses écrits, comme il était aussi le plus spirituel et le plus convaincant des conférenciers. Tiès lettré, connaissant les auteurs de la fin du xym” siècle presque par cœur, surtout les Encyclopédistes et Voltaire, très érudit aussi, il savait se faire lire et donner à ses œuvres, même les plus aiddes en appa- M. LE D'^ NAPIAS rence, un tour littéraire très cai’actérisé. Comme en se jouant, il fit ou écrivit des conférences sur Molière, sur le mal qu’on dit des médecins, etc., qu’on a pu justement qualifier de petits bijoux littéraires. Le nombre de ses ouvrages et mémoires approche de la centaine. Ils répondent aux trois phases principales de sa vie publique, suivant qu’il eut successivement à s'occuper d’hygiène industrielle et professionnelle, d’hygiène générale et enfin d’assistance publique. Tout d’abord, en effet, il eut l’occasion d’acquérir, dans un concours remarqué, le titre d’inspecteur départemental du travail des enfants dans l’industrie, en même temps qu’il devenait membre de la commission des logements insalubres de la ville de Paris. Dans une série de rapports et de monographies qu’on consultera toujours avec fruit, il eut à traiter de nombreuses questions en rapport avec l’exercice de scs fonctions. C’est alors qu’il publia sou Manuel d'hygiène industrielle, qui complétait si heureusement les ouvrages déjà anciens de Vei’nois et Tardieu, et qu’il fut quelque temps après chargé de rédiger le rapport qui servit de base aux différents projets présentés depuis par le gouvernement sur la salu brité et la sécurité du travail. Sa compétence en ces matières fut vite appréciée; après avoir fait partie des diverses commissions officielles où s’élaboraient les projets de réforme sanitaire du tra¬ vail dans l’industrie, il ne pouvait manquer d’être appelé à la pré¬ sidence de la commission d’hygiène industrielle, récemment ins¬ tituée au ministère du commerce. La maladie l’empêcha trop tôt de participer aux travaux de cette commission ; il put toutefois s’as¬ socier au vote sur la suppression de l’emploi du blanc de céi’use dans la peinture, qu’il réclamait depuis tant d’anuées dans ses rap¬ ports, ses mémoires et ses conférences. Le talent de parole de Napias ne tarda pas à lui attirer nombre de demandes de conférences ; sans les rechercher, il s’empressait d’y faire bon accueil, toutes les fois qu’il y voyait l’occasion de quelque bien à faire. Aussi est-ce surtout dans les milieux popu¬ laires qu’il aimait à porter sa parole élégante et si persuasive ; dans ce Congrès ouvrier de \ 892, par exemple, qui fit faire un si grand pas à l’hygiène industrielle, au Congrès de Limoges de l’Association française pour l’avancement des sciences en 1890, au Congrès d’hy¬ giène industrielle de Rouen en 1884, et dans de nombreux milieux professionnels. S26 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Entre temps son expérience, qui s’affirmait de plus en plus, le fit appeler dans toutes les commissions où s’élaboraient à cette époque nombre de réformes sanitaires dont les administrations publiques sentaient alors l’urgente nécessité. C’est ainsi qu’il fut le rapporteur, au ministère de l’instruction publique, de la commission d’hygiène scolaire sur l’hygiène des internats, l’hygiène des écoles maternelles, la construction des écoles primaires et des écoles maternelles ; au Comité consultatif d’hygiène publique de France, sur l’inspection médicale des écoles, sur la prophylaxie des mala¬ dies épidémiques ou contagieuses chez les écoliers, sur la désin¬ fection des locaux et du mobilier des écoles en cas d’épidémie ; sur le typhus exanthématique, le vagabondage et la propagation des épidémies, la vulgarisation et l’enseignement de l’hygiène, etc. Bientôt Napias fut appelé à prendre sa part de responsabilité dans les affaires publiques. M. Waldeck-Rousseau, dans son second passage au ministère de l’intérieur, lui offiût la succession de M. Lunier, comme inspecteur général des établissements de bien¬ faisance. En peu de temps il sut y acquérir une autorité chaque jour moins contestée ; les missions les plus délicates et les plus difficiles lui furent confiées sur tous les points du territoire et il ne tarda pas à devenir le conseiller écouté, indi.speusable, d’une administration où tant d’intérêts divers viennent souvent entraver les meilleures volontés. Que de conflits son habile prudence et son désir invétéré de conciliation n’eut-i! pas à apaiser ! De fait, sou passagç dans ce service, sa présidence du Conseil des inspecteurs généraux, ont imprimé une activité et une empreinte spéciales aux progrès récents de l’assistance publique en Fi ance. Paraissant alors abandonner ses travaux d’hygiène, et cela pour beaucoup par affection pour l’un de ses plus chers et de ses plus intimes, amis, il retint pour lui-même les questions d’hygiène hospitalière et s’adonna tout particulièrement à l’étude de l’assistance publique. Le moment était d’autant mieux choisi que la réorganisation de la direction ministérielle de l’Assistance publique et l’institution du Conseil supérieur de l’Assistance publique lui fournissaient les moyens de faire aboutir tant d’idées généreuses, tant de réformes sociales dont sa fréquentation des malheureux et divers épisodes de sa vie lui avaient démontré l’ingénieuse nécessité. A son œuvre de début sur le Mal misère il donne alors un M. LE D' NAPIAS 521 pendant dans sa lumineuse brochure intitulée : Pour les pauvres. Notre Société eut plaisir à l’entendre sur l’insalubrité des mater¬ nités dans quelques hôpitaux de province, sur les conditions de l’hygiène hospitalière en France, sur les hôpitaux d’isolement en Europe, en collaboration avec M. Dubrisay, etc. C’est aussi de cette époque que date ce charmant petit volume sur l’Assistance publique dans le département de Sambre-et-Loire, chef-d’œuvre de bon sens, d’érudition, de clairvoyance et de fine et discrète critique. « En révélant au public, a dit un bon juge, le regretté M. Bergeron, tous les actes de son préfet idéal, M. Napias a donné une fois de plus la preuve, non seulement de son indiscu¬ table compétence de toutes les questions d’assistance, mais encore de son amour du bien public, et des sentiments de charité sincère et intelligente, dont il est animé. Pour ma part, j’estime que ce petit roman devrait être envoyé, et sa lecture attentive recommandée, à tous les préfets de France et d’Algérie ; pour ceux qui savent comprendre et qui ont du cœur, elle vaudrait toutes les circulaires ministérielles. » Comme il fallait s’y attendre, le succès de cet ouvrage fut consi¬ dérable. Toutes les questions d’assistance publique n’y étaient pas seulement effleurées, mais discutées et solutionnées avec tant d’ai¬ sance et de bonne grâce que bien des administrateurs, qui voulurent bien le lire, pensèrent probablement qu’il n’était pas de matière où ils pourraient exercer plus aisément leur facilité d’improvisation. Beau¬ coup s’aperçurent probablement assez vite qu’il y fallait aussi des connaissances approfondies et une compétence longuement pré¬ parée. C’est pour ceux-là sans doute que Napias prit la peine, peu de temps après, de publier, dans l’Encyclopédie d’hygiène publique de son ancien chef de la médecine navale, Bochard, son important ouvrage sur l’Hygiène hospitalière et l’Assistance publique. Là il mit en ordre tous les documents qu’il avait réunis sur ces matières, les classant suivant un ordre déterminé et formant ainsi à la fois le Code administratif et le Guide de tous ceux qui, administrateurs, médecins, constructeurs, philanthropes, sont appelés à unir leurs efforts pour assister les déshérités, recueillir et soigner les malades et les infirmes. Une carrière si féconde en travaux de cet ordre ne pouvait man¬ quer d’attirer à Napias les suffrages les plus recherchés. Le roupiou que son maître Brouardel avait initié à la pratique médicale à l’hô- 628 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE pilai de la Gharité et que sou travail et ses talents avaient fait appré¬ cier partout où il avait été à même d’eii donner témoignage, fut élu membre de l’Académie de médecine, dans la section d’hygiène, il y a quatre ans. Il eu conçut la joie la plus profonde et la fierté la plus légitime. Aucun de nous n’a oublié avec quel tact et quelle chaleu¬ reuse et aimable éloquence, il remercia ses amis et ses collègues, lorsqu’ils se réunirent en si grand nombre, pour fêter sa nomination, au banquet du 9 avril 1897. Vous ne me pardonneriez pas de ne pas citer quelques fragments encore du parfait et si délicat discours qu’il y prononça ; « Faire de l’hygiène publique, c’est travailler pour les humbles, les petits, les malheureux, c’est travailler en somme pour l’hunia»- nité qui vaut bien qu'on l’aime pour ses qualités méconnues, alors que tant de gens atteints d’une misanthropie injustifiée pensent que l’humanité n’est pas digue de les intéresser et prennent prétexte de ses défauts ou de ses vices pour oublier ses vertus. Je sais bien qu’à tout instant on nous montre des scandales et qu’on nous fait assister à des procès retentissants ; mais je sais aussi qu’il ne faut qu’un peu de vase qu’on agite pour troubler beaucoup d’eau claire, et je suis et. je veux demeurer optimiste quand il s’agit de l’humanité... et Ce sont aussi les sentiments qui doivent s’affirmer dans l’étude et la pratique de l’Assistance publique, c’est à-dire dans l’élude des moyens à employer pour réparer les malheurs et les misères créés par les injustices sociales, par les conditions nées de la concurrence, produites par la lutte des intérêts, par les lois écono¬ miques, ou seulement par le hasard cruel ou la fatalité. Ce sont là des problèmes d’une portée sociale élevée, faits pour passionner ; et j’y ai mis, en les étudiant, non seulement mon bon vouloir, mais, je l’avoue, une passion que parfois on a pu trouver exces¬ sive. » L’année suivante, la direction de l’Administration générale de l’Assistance publique à Paris devenait vacante. On y salua la nomi¬ nation de Napias comme le couronnement naturel de sa carrière. Il l’accepta avec moins d’enthousiasme, mais avec résolution cl avec un très vif sentiment des responsabilités qu’il allait désormais encourir. Depuis longtemps d’ailleurs il s’y était préparé par des éludes et par des rapports spéciaux au Conseil supérieur de l’As¬ sistance publique, en particulier sur la révision de la loi de 1849 [. LE D- NAPIAS qui régit encore cette Administration. Et, bien qu’en bon disciple de Sancho Pança, comme il aimait à le rappeler, il estimât que « c’est une grande avance pour aimer les malheureux que de l’avoir été soi-môme », il ne douta pas un instant que de tels senti¬ ments et la persuasion du bien à accomplir ne fussent des raisons suffisantes pour briser promptement tous les obstacles. Sa première préoccupation fut d’établir le bilan des besoins des services qu’il était appelé à diriger. Il ne tarda pas à reconnaître que leur énumération, qui s’allongeait chaque jour en raison de la vétusté des bâtiments hospitaliers, de l’augmentation incessante de la population parisienne et surtout de l'accroissement de ses apports extérieurs, de la nécessité d’accorder au personnel hospi¬ talier des logements et des salaires convenables, de mettre nos hôpitaux en rapport avec les nécessités de l’hygiène moderne, que l’énumération de tous ces besoins, disons-nous, avait pour contre¬ partie l’absence totale de ressources ordinaires pour y faire face. Néanmoins il s’ingénia, avec les conseils compétents, à étudier les moyens de créer des ressources à son administration, dans l’intérêt supérieur des déshérités et des malades qui frappent inces¬ samment à ses portes. Il eût voulu par-dessus tout, se rappelant des exemples qu’il avait eu tant de fois sous les yeux, assurer immédiatement une assistance convenable aux vieillards de plus de 70 ans et il fit les plus grands eft’orts pour y parvenir. L’Exposition universelle de l’an dernier lui fournit l’occasion de montrer brillamment les résultats obtenus, depuis un siècle, dans la transformation de notre régime hospitalier; combien il tient plus compte des intérêts physiques et moraux de ceux qui doivent lui demander aide et assistance, et d’opposer, aux promiscuités dangereuses des malades et bles.sés uans les lits de l’ancien Hôtel- Dieu, les salles d’isolement des services actuels. Il dirigea et colla¬ bora avec passion à la publication du magnifique ouvrage sur l'Assistance publique à Paris en IWO, qui restera longtemps le lAv.^e d’or de cette administration. Ayant ainsi poursuivi une enquête patiente et approfondie sur toutes les parties de l’immense et extraordinairement difficile ser¬ vice qu’il avait â diriger, il espérait apporter, lentement il le savait bien, mais prudemment et à coup sûr, les améliorations indispeu- iiEv. d’hyg. xxiii. — 34 â3ü SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE sables et gagner peu à peu, coinuie il l’avait tant de fois constaté au cours de son existence, la confiance de tons ceux qu’il lui fal¬ lait associer à ses efforts, lorsque la maladie le terrassa. Une aft'ec.tion grave du foie, dont il avait déjà à plusieurs reprises ressenti les atteintes, mais qui avait Jus(iue-tà cédé aux soins et au repos qu'il avait alors pu prendre, prit bientôt le caractère le plus alarmant. Malgré les secours médicaux les plus compétents et les plus dévoués, malgré l’attentive et vigilante assistance de son admi¬ rable compagne, ses forces ne cessèrent de décliner et la maladie de faire d’irréparables progrès. Souriant devant sa femme à laqnelle jusqu’au dernier jour il cacha ses angoisses, il s’empressait, dès qu’il pouvait parvenir à l’éloigner quelques instants, de confier ses dernières et suprêmes volontés à ses intimes. Et même, au cours de l’agonie, il murmurait des mots qui témoignaient encore de ses préoccupations constantes de bienfaisance et de charité. Le 28 avril au matin ses souffrances prirent fin et deux joui's après, son cercueil quittait cette grande Maison des pauvres, où il eût voulu plus longtemps donner tout son temps, sa puissance de travail et tout son cœur à la lutte contre ce 39 cier la valeur de travaux aussi délicats et spéciaux ; mais nous avions le devoir de signaler des recherches poursuivies avec une grande ténacité et illustrées par des démonstrations bactériologiques à la fois très nom¬ breuses et très soignées. E. Vallin. AnNÜAL REPOUT OF THE STATE BOARD OF HEALTH OF MASSACHUSETTS (Rapport annuel du conseil de santé de l’Etal de Massachusetts, t. XXX, pour 1898-1899, et t. XXXI. pour 1899-1900. Boston, 1899 ; in-8“ de 878 pages, et 1900, in-8® de 812 pages). Nous venons de passer plusieurs heures et même plusieurs joure à par¬ courir la plume à la main ces deux gros volumes, espérant pouvoir en extraire, comme les autres années, les faits intéressants constatés à ce grand laboratoire de Lawrence, qui fonctionne depuis douze ans, et qui' a amorcé, on peut le dire, la question de l’épuration bactérienne des eaux d’égout. Nous avons le regret de dire que la mélliode de rédaction de ces volumes est mauvaise ; qu’elle décourage les meilleures volontés ; qu’un petit nombre d’initiés et de spécialistes sont seuls capables de tirer quelque profit d’une telle lecture. Ce sont des notes de laboratoire ; ce ne sont pas des rapports ; la besogne n’est pas faite, par les rédacteurs des volumes, et l’on se perd au milieu de ces innombrables tableaux d’analyses chimiques et bactériologiques, indiquant ce qui s’est passé dans chacun des bassins d’expérience ii la station de Lawrence. De résumé, de conclusions générales, il n’y en a pas trace ; il est impossible de savoir quels progrès dans l’étude de la queslion croient avoir réalisé les deux chefs de service et leurs deux assistants. Nous le regrettons vivement, car il y a là une dépense considérable de travail et de science, dont l’utilisation est rendue très difficile : c’est comme un journal de médecine ou une monographie très étendue pour lesquels on aurait négligé de faire une table de matières. En relisant les notes prises au courant de nos lectures, nous ne voyons pas la possibilité d’en tirer un résumé intéressant ; au milieu de la pro¬ lixité des détails concernant des faits connus depuis longtemps et qui se répètent d’année en année, les quelques faits nouveaux observés en 1898 et en 1899 sont noyés en quelque sorte, ou bien soulèvent des criti(iues, des explications auxquelles il faudrait improiiser nous-mêmes des réponses. Les 150 pages consacrées dans le volume de 1900 aux «Expé¬ riences sur la purification du sewage » auraient été avantageusement remplacées par un exposé en une vingtaine de pages donnant les résul¬ tats obtenus, avec renvoi aux tableaux et analy.ses qui servent de base et de confirmation à ces résultats. Nous relevons toutefois quelques cliitfres et quelques faits qui nous paraissent intéressants. L’ocume durcie, formant chapeau à la surface des bassins septiques, ne contenait plus en général que 2,5 p. 100 de matière organique azotée, tandis qu’elle perdait par combustion ignée 03 p. 100 de matière hydro-carbonée. L’analyse des gaz recueillis sous le couvercle de ces bassins septiques où les matières d’égout avaient 540 BIBLIO(JRAPHIE séjourné à l’abri de l’air et de la lumière pendant trente-six heures, donnait la composition suivante pour 100 volumes : acide carbonique 3,4; hydrocarbures lourds 0,3 ; oxygène0,5; oxyde de carbone 0,6; méthane 78,9 ; azote 16,3. Actuellement, dans l'Etat de Massachusetts, il y a 17 villes ou cités, représentant une population de 137,589 habitants d’après le recensement de 1895, où la purification des eaux de l’égout public se fait par la filtration à travers le sable ou le gravier, et dans un grand nombre d’établissements particuliers, l’épuration se fait par la même méthode. Nous trouvons bien pour une dizaine de ces villes les tableaux d’analyse de ces eaux d’égout avant et après le passage à travers les surfaces d’épuration ; mais au bout de vingt pages chargées de chift'res (p. 557 à 577) et après les détails sur les dispositions projetées et autorisées par le conseil de santé pour un grand nombre de villes (p. 57 à 101), on aimerait trouver l’appréciation du rapporteur, disant si en général ces eflbrts ont donné de bons résultats au point de vue de la salubrité de ces villes, ou même simplement au point de vue des mauvaises odeurs. Le rapport XXXI contient des recherches intéressantes faites sur les eaux de plusieurs villes, eaux souillées par des composés ferrugineux, et sur le moyen de se débarrasser de ce métal. M. Harry Clark, sur plus de 40 échantillons d’eau des services publics de l’État de Massachusetts, n’en a pas trouvé un seul qui ne contint pas de fer ; quelques-uns en conte¬ naient une proportion tout à fait incommode. Voici comment l’auteur explique ce phénomène : Il La pluie, en traversant le sol, se ti’ouve en contact en tant d’endroits avec des matières organiques, que l’oxygène qu’elle tenait en dissolution s’épuise en oxydant cette matière organique ; il se forme de l’acide car¬ bonique et une grande quantité de matière organique qui reste en solu¬ tion. Presque toujours le sol contient du fer combiné à ta silice ou à d’autres substances. L’eau pure n’a presque aucune action sur ce fer ; mais' quand elle tient en solution de la matière organique, en même temps que de l’acide carbonique au lieu d’oxygène, le fer et les oxydes basiques se sont dissous à l’état de carbonates. Ce carbonate ferreux, par l’exposition de l’eau à l’air, se transforme en hydrate ferrique qui se pré¬ cipite. Lorsque le fer n’entre dans l’eau que par l’oxydation de pyrites, il. se forme du sulfate de fer et l’hydrate se précipite plus difficilement. Les mêmes phénomènes se produisent quand l’eau des couches profondes, dépourvue d’oxygène , se trouve en contact avec des principes feiTugi- neux. » Des expériences très nombreuses, dont les tableaux sont reproduits tout au long (p. 537 à 554), montrent qu’on réussit très bien à se débar¬ rasser du fer par la filtration intermittente sur le sable, sur du coke, sur de la limaille de fer, sur de la chaux, ou par l’addition de permanganate de potasse. Mais là encore, il n’y a pas de conclusion et l’auteur dit que « chaque èspèce d’eau réclame un traitement différent pour obtenir une purification satisfaisante « . Il nous semble cependant que le traitement par le coke est le procédé qui réussit le mieux, quand on a soin d’aérer BIBLIOGRAPfflE S4i l’eau en la faisant passer à travers une colonne de coke ou de gravier avant de la filtrer, et quand on lave de temps en temps le lit de coke pour le débarrasser de l’oxyde de fer déposé. Dans un autre rapport : « Sur ta filtration de l’eau et le bacillus coli communis », l’auteur, probablement cette fois encore M. Harry W. Clark, à qui l’on doit la plus grande partie du volume, l’auteur s’est posé cette question : Y a-t-il un degré de filtration de l’eau destinée aux boissons capable d’éliminer sûrement le bacillus coli communis, ou bien est-il seulement nécesssaire que la filtration soit assez effective pour que ce germe ne se trouve que rarement, par exemple dans un ou peut- être même dans cinq centimètres cubes de l’eau filtrée examinée? La question était bien posée, elle était pratique. L’auteur, en opérant sur l’eau de la rivière, le Merrimac , avait préalablement trouvé en 1899 que sur 180 échantillons d’eau non filtrée, le coli communis s’y trouvait 180 fois, et que le nombre de ces bacilles dans 1 centiraèire cube variait de 8 en août à 140 en décembre, soit en moyenne pour toute l’année 47 par centimètre cube (la moyenne ici est perfide). Pendant la même période il opéra sur l’eau filtrée par le » bassin filtrant de la ville de Lawrence », qui a une surface de 2 acres 1/2 (soit 8,096 mètres superfi¬ ciels, un peu moins d’un hectare). Sur 189 échantillons d’eau filtrée recueillis à la station de pompe pour y rechercher ces mêmes germes, 45 fois on trouva le bacillus coli dans 1 centimètre cube de cette eau et l’auteur croit qu’il n’y était représenté que par une seule colonie. Comme l’eau du fleuve, avant d’arriver au filtre, contenait par centimètre cube 5,800 germes quelconques et 55 seulement à la sortie du filtre, on est eu droit de conclure que la filtration retenait 99,95 p. 100 des germes pri¬ mitivement contenus dans l’eau ; malgré cette efficacité très réelle du filtre, le bacillus coli passa presque 1 fois sur 4 123.6 fois sur 100). Là encore il y a 52 pages de tableaux d’analyses presque sans commentaires et il faut un grand travail pour en tirer la conclusion que nous venons de formuler. En 1898, le laboratoire du Conseil de santé avait reju des différentes localités de l’Etat 132 échantillons de sang recueilli sur des individus atteints d’affections réputées palustres, en vue d’élre examinés au micros¬ cope ; dans 51 cas on y a manifestement l'econnn les parasites de la malaria. En 1899, on n’a envoyé que 76 échantillons, sur lesquels 20 seulement contenaient ce parasite ; dans la ville de Concord, sur 37 ma¬ lades dont on a ainsi examiné le sang, 14 lois on trouva les corps figu¬ rés, 23 fois iis faisaient défaut. On so propose de dresser la carte géogra¬ phique des localités de l’Etat où le sang des fébricitants renferme le plus souvent la plasmodie de Laveraii. L’on voit, par ces quelques extraits, combien sont intéressants les comptes rendus annuels du Conseil d’hygiène de l’Etat de Massachusetts ; ils le seront plus encore le joui- où rl’aussi précieux documenUs seront véritablement rédigés et utilisés en vue d’eii montrer la signification scient ifi(|uo. BIBLIOGRAPHIE ljuii)b: l'oi'üi.AiKE n’nvGiÈNE : Manuel de la santé, publié par l’Ortici' sanitaire de l'empire allemand. Traduit d’après la 8° édition allemanilii, par le D'' J. Cryns, médecin légiste à Verviers, avec préface de M. le D'' E. Malvoz. Bruxelles, Manceaux, 1901, in-S” de 876 pages, avec 55 figures. En rendant compte, l’année dernière (Revue d'hygiène, 1900, p. 827), de l’exposition du Kaiserliohes Gesundlieitsamte au Palais de l’hygiène, nous mentionnions un Traité élémentaire d’hygiène (Gesundheitbüchlein) dont il avait déjà été tiré 70,000 exemplaires, et qui avait été traduit dans la plupart des langues européennes. La traduction en français était alors en préparation; elle vient de paraître ces jours derniers ; elle est l’œuvre de M. le D'' Cryns, de Verviers, qui a déjà traduit récemment les Inslruclions populaires sur la tuberculose, de l’Office sanitaire alle¬ mand. Quand on songe que ce Traité de vulgarisation de l’hygiène a été rédigé par le directeur et les membres de l’Office sanitaire allemand, qui sont tous ou ont été professeurs et directeurs de l’Institut d’hygiène d’une Université, on parcourt avec curiosité et intérêt un petit livre qui doit être en principe un modèle de précision , d’exactitude et de sobriété. Nous devons reconnaître que cette attente est pleinement justifiée et que l’œuvre est tout à fait digne des maîtres éminents qui en ont assumé la responsabilité. Une première partie, très courte (30 pages), est consacrée à la descrip¬ tion des organes et des fonctions du corps humain. Les chapitres suivants ont des titi-es un peu tliéoriques et assez vagues, mais que les sous-titres expliquent très clairement. La rubrique B, Les choses nécessaires à l’entrelien de la vie, comprend l’étude de Tair, de l’eau, des aliments, du vêtement, de l’habitation, de l’activité et du repos ; c’est en somme toute l’hygiène individuelle résumée en une centaine de pages. Sous le titre G, L’homme dans ses rapports avec la société, on traite successivement : des agglomérations (évacuation des immondices, fumèe.s hygiène indusU’ielle, surveillance des aliments, hôpitaux, vérification des décès; cadavres infectieux, etc.); déplacements et voyages (cordons sani¬ taires et quarantaines, etc.) ; éducation (liygiène scolaire, éclairage dans les écoles, surmenage prétendu, gymnastique, etc.); vocations et profes¬ sions (inspection du travail, maladies causées par les poussières, les gaz, les métaux toxiques, prophylaxie des accidents industriels, etc.). Comme on le voit, les titres sont parfois inattendus, et sortent de la routine ordinaire, mais le développement en est judicieux, et les conseils sont groupés d’une façon très pratique. La quatrième partie, D, Influences extérieures inléressanl la sanie, comprend : les dangers provenant des conditions atmosphériques et du climat (précautions contre le froid, la chaleur, Ihnsolation, la foudre, etc.); les maladies infectieuses en général (mode de propagation et prophy- liaxe); les maladies infectieuses en particulier, les accidents (premiers soins à donner : hémorrhagies, entorses, fractures, mort apparente, etc.)- BIBLIOGRAPHIE Si3 Les mesures prophylactiques à prendre dans chaque maladie sont indi¬ quées avec sobriété, mais d'une manière très précise, tout en restant dans les généralités , en s’abstenant de formules qui sont souvent mal interprétées et mal appliquées. Le paragraphe (8 pages) concernant la nature, la contagion et la prophylaxie de la tuberculose contient tout ce qu’il est nécessaire que le public sache et mette en application dans la pratique journalière; là surtout l'on peut dire : nil nimis, et c’est un modèle qui mérite d’être imité. Le volume se termine par des Instructions pour Les garde-malades, sur les soins à donner à la chambre, au lit, aux évacuations, à l’ali¬ mentation du malade, à l’administration des médicaments, aux lotions et bains froids, etc. Une table alphabétique très complète permet de trouver facilement les renseignements que l’on cherche, et supplée à ce qu’il y a d’un peu vague dans les titres et dans la répartition des chapitres. Ce livre est en quelque sorte le résumé officiel de l’hygiène moderne; il contient ce qu’il est indispensable que le public connaisse et applique chaque jour autour de lui. Le très grand mérite que nous lui trouvons, c’est qu’on n’y trouve pas ce ramassis de banalités, banalement formulées, qui rend si rebutante la lecture de certains manuels d’hygiène , trop nombreux, à l’usage des gens du monde, petits livres remplis parfois de niaiseries solennelles, capables d’inspirer le dégoût et le mépris de l’hygiène à ceux qui ne con¬ naissent cette science que par l’intermédiaire d’hygiénistes improvisés et incompétents. Les directeurs et les membres de l’administration de l’Office impérial sanitaire, dans leur préface, expriment le vœu que « ce petit livre soit accueilli dans l’esprit que ses auteurs ont voulu lui donner, c’est-à-dire comme un tribut à l’accroissement du bien-être social ». Nous croyons que ce Manuel est parfaitement capable de réaliser cette aspiration, et nous félicitons M. le D’’ Cryns d’en avoir donné en langue française une traduction qui est à la fois fidèle et élégante. E. Vallin. Rapport sur les opérations du service vétérinaire sanitaire de Paris et du département de la Seine pendant l’année IStttl, par H. Duprez, vétérinaire délégué, chef du service. Paris, Chaix, 1900, in-4» de 132 pages. Le rapport annuel de M. Duprez est toujours très documenté et très intéressant. Nous citerons quelques faits recueillis au cours de la lecture de ce volume et qui concernent plus particulièrement la pathologie et l'hygiène de l’homme. Tuberculose. La tuberculose a été constatée dans 68 étables de Paris et dans U9 de la banlieue, au total 217 sur 1,300 vacheries, soit 16 p. 100. Le nombre des vaches reconnues atteintes a été de 223 , au lieu de 23.3 en 1899, soit 1 p. 100, la population bovine exploitée par les noiirris- seurs dans le département de la Seine étant évaluée à 20,000. 11 n’y a eu d’ordinaire qu’une seule vache infectée par étable, parce que les vaches BIBLIOGRAPHIE m laitières qui arrivent fraîches vélées ne sont exploitées que pendant dix à douze mois et envoyées ensuite à l’abattoir; quand une d’elles s’infecte au bout de quelques mois , elle est abattue avant d’avoir pu répandre la contagion autour d’elle. Il serait désirable que le nouveau règlement d’administration publique complétant le Code rural exigeât que toutes les vaches laitières fussent tuberculinisées avant d’être admises dans les vacheries de Paris ; car les nourrisseurs se soucient peu de cette occasion pour les vétérinaires inspecteurs de pénétrer souvent dans leurs étables, et d’autre part la perte qu’ils subissent par les vaches tuberculeuses est très minime et ne les effraie pas ; ils n’auront donc recours à la tuberculi¬ nisation que si elle leur est imposée. La désinfection est d’ailleurs toujours opérée quand un cas a été reconnu. Les dispositions de la loi de finances du 13 avril 1898 et de la loi du 30 mai 1899 ont été appliquées pour la première fois en 1899. L’article 8 de la loi du 13 avril 1898 règle ainsi les indemnités accordées pour les animaüx saisis quand les propriétaires avaient fait régulièrement la déclaration de tuberculose : 1“ le tiers de la valeur qu’avait l’animal au moment de l’abattage, lorsque la tuberculose est généralisée ; 2° les trois quarts de cette valeur lorsque la maladie est localisée; 3° la totalité de la valeur de l’animal abattu par mesure administrative, s’il résulte de l’autopsie que cet animal n’était pas atteint de tuberculose. Dans tous ces cas , la valeur de la viande et des dépouilles vendues par les soins du propriétaire, sous le contrôle du maire, est déduite de l’indemnité prévue. Ces dispositions n’ont pas eu le succès qu’on devait en attendre; une demi-douzaine seulement de déclarations orit été faites par les proprié¬ taires; espérons que le temps fera disparaître cette suspicion contraire à leurs intérêts. Dans les abattoirs du département de la Seine, sur plus de 302,000 bœufs, vaches ou taureaux abattus, on n’en a saisi que 2,160 (soit 0,66 p. 100) pour tuberculose , dont 1,881 pour tuberculose localisée, et 279 généralisée ayant entraîné la saisie totale. En somme, pas de changement et situation assez favorable. Rage. Le nombre des cas de rage observés sur les animaux dans le département de la Seine a été de 60.6, en diminution de 121 cas sur 1898; on a constaté deux cas sur des ânes. Les 603 animaux ont mordu 61 enfants et 214 adultes, qui presque tous ont été traités à l’Institut Pasteur. Sur 587 chiens et 88 chats quelconques autopsiés à la fourrière, on a constaté 68 fois la rage chez les chiens et 9 fois chez des chats: on ne dit pas comment un diagnostic rigoureux a été établi. Enfin, 1,120 chiens ou chats, sur 9,691 saisis, avaient été mordus ou roulés par des animaux enragés : tous ont été abattus par application de l’article 10 de la loi du 21 juillet 1896. La situation ne s’améliore donc pas, car le nombre des personnes mor¬ dues est en augmentation sur 1898. Le nombre des chiens errants en liberté, dans Paris et les communes suburbaines, surtout le matin avant l'enlèvement des ordures ménagères, est énorme. A Paris seulement le nombre des chiens déclarés s’élève â 80,000 environ ; l’on croit qu’il y REVUE DES JOURNAUX 8*5 en a le double qui ne sont pas déclarés et ne paient pas la taxe. Il s’agit donc de près de 240,000 chiens qui chaque jour sont exposés à contracter la rage et à la répandre. En 1897, on a saisi et conduit à la fourrière 17,770 chiens errants, 13,126 en 1898, et seulement 9,691 en 1899. Cette diminution des captures est préjudiciable à l’intérét général et indique un relâchement dans la sévérité de la répression. Il n’y aura de sécurité que lorsqu’on rendra obligatoire le port d’une médaille pour tout chien qui a payé la taxe, comme on l’a fait à Lyon. A Paris, une ordonnance de police du 30 mai 1892 ordonne que tout chien circulant sur la voie publique soit muselé ou tenu en laisse ; mais elle n’est peur ainsi dire jamais appliquée. Lorsqu’un cas de rage est constaté dans une com¬ mune, le maire, aux termes de l’article .64 du décret du 22 juin 1882, doit prendre un arrêté pour interdire pendant six semaines au moins la circulation des chiens, à moins qu’ils ne soient tenus en laisse. Là encore les règlements sont rarement observés en France, par suite de la sensibi¬ lité ridicule de l’opinion publique. L’on trouvera dans ce rapport, trop peu connu et très bien fait, des renseignements instructifs sur le marché de la Villette, les clos d’équa- rissage, les abattoirs, les halles centrales, les marchés alimentaires, riiippophagie, etc., toutes questions qui intéressent au plus haut point l’hygiène publique. E. Valun. REVUE DES JOURNAUX Variole et vaccine dans les colonies et dans la métropole, par le D'' Antonv {Bulletin médical, 30 janvier 1901, p. 81). M. le D'' Antony, médecin principal de 1''“ classe de l’armée et profes¬ seur au Val-de-Grâce, a été chargé autrefois pendant plusieurs années, alors qu’il était professeur agrégé, de la direction du centre, vaccinogène du Val-de-Gràce, qui fournit du ^’accin à une grande partie de l’ai'mée. Il a fait de nombreuses observations et a montré l’un des premiers l’uti¬ lité de la glycérine pour détruire les germes parasites dans la pulpe vac¬ cinale. M. Antony examine aujourd’hui la question de la vaccination dans les pays chauds et particulièrement dans nos colonies. M. Porquier a constaté que la pulpe destinée aux colonies résiste mieux à l’action des hautes températures de l’été, quand elle est conservée avec partie égale de glycérine, mais sans trituration préalable, dans de gros tubes qu’on protège contre l’échaufîement au moyen d’ouate, de KEV. d’hyg. xxiii. — 3o 546 REVUE DES JOURNAUX doubles boîtes en bois, et en les plaçant pendant la traversée dans des chambres frigorifiques ou la glacière du bord. Ce vaccin transporté doit servir surtout à entretenir des sources de vaccin sur place, à l’aide d’ino¬ culations soit sur les génisses, soit sur des mouflons, comme l’a fait si heureusement M. Calmetle en Cochinchine. M. le D'' Loir, directeur de l’Institut Pasteur à Tunis et qui a beaucoup contribué à répandre la vaccination chez les indigènes tunisiens, ne semble pas avoir été aussi heureux, et les génisses inoculées par lui ont donné tant d’insuccès qu’il proposait l’année dernière de suspendre, dans les pays chauds, les vacci¬ nations et les revaccinations de juin à novembre. M. Hervieux, à l’Aca¬ démie de médecine, s’est élevé avec force contre celte formule trop exclusive ; s’il est vrai que la culture du vaccin sur les animaux soit diffi¬ cile en été dans nos colonies, rien n’empêche, en temps d’épidémie, de vacciner et de revacciner avec du vaccin de la métropole. M. Antony ne conteste pas que les inoculations sur la génisse réus¬ sissent mal en été en Algérie et Tunisie. Cela tient en partie à ce qu’on se sert souvent de génisses trop âgées ; on ne doit inoculer que de jeunes animaux ayant moins de six à huit mois. La réceptivité des génisses nées sur le sol africain est moindre que celle des génisses françaises ; chez ces animaux peu réceptifs, la virulence s’atténue après le sixième ou le sep¬ tième passage. Il faut régénérer le cow - pox en inoculant de la pulpe glycérinée ou pulvérulente envoyée de France en hiver, en automne ou au printemps. Rien n’empôche de récolter en Algério de la pulpe fraîche pendant les trois saisons tempérées ; il ne resterait plus que trois mois pendant lesquels on s’abstiendrait de vacciner hommes et génisses ; ce n’est pas d’ailleurs par les chaleurs torrides de juillet, aofit et septembre, que les médecins peuvent aller dans les tribus éloignées porter la vacci¬ nation aux indigènes. Toutefois, on pourrait ça et là, dans des points élevés où l’altitude met à l’abri d’une grande chaleur, créer quelques centres vaccinogènes d’où l’on expédierait en toute saison du vaccin pour les cas d’épidémie. M. Antony est d’avis que la vaccination ne doit en général être faite que par des médecins ou des sages-femmes ; il croit dangereux d’inciter comme on le fait les instituteurs, les laïques de bonne volonté à prati¬ quer cette petite opération ; elle se fera malproprement, avec du vaccin souillé ou septique, et des accidents graves jetteront l’effroi ou la suspi¬ cion parmi les indigènes. Il réclame pour notre pays la loi attendue depuis si longtemps sur la vaccination et la revaccinalion obligatoires, à laquelle supplée heureusement dans nos colonies la pression que l’auto¬ rité exerce sans peine sur la population indigène. lî. Vallin. La fièvre aphteuse et son traitement, par M. Nocard. {Bulletin de l'Académie de Médecine, 2G mars 1901.) A l’occasion d’un rapport dont il avait etc charge sur un mode de trai¬ tement (illusoire) de la fièvre aphteuse, M. Nocard montre par des chiffres saisissants l’extrême contagiosité de cette épizootie, relativement bénigne, et les pertes qu’elle occasionne. En 1892, en Allemagne, la fièvre REVUE DES JOURNAUX 54T aphteuse avait frappé 106.000 étables et 4.153.000 animaux habitant ces étables ; les perles causées par la maladie (diminution du lait, du travail et de l’état de graisse, avortements, stérilité, maladies du pis, mort des veaux et môme des bâtes adultes), ont été évaluées à 200 millions pour cette seule année. De môme en Angleterre, en 1871, la fièvre aphteuse atteignit 700.000 animaux, et le mal alla en augmentant jusqu’en 1876, parce que les mesures étaient mal appliquées et mat surveillées. En 1878, le Parlement promulgua une loi dont l’exécution fut rigoureuse, et la maladie a complètement disparu depuis 1886. M. Nocard rappelle qu’il n’existe actuellement aucun traitement spéci¬ fique de la fièvre aphteuse, si ce n’est l’inoculation préventive, dès que la maladie a envahi une étable ; les moyens de diminuer ses ravages con¬ sistent : 1“ A donner la maladie en môme temps à tous les animaux de l’étable infectée ; on y parvient aisément en badigeonnant la bouche des animaux sains avec de la salive des animaux malades ; le plus souvent, les ani¬ maux contractent la forme buccale de l’affection, de beaucoup la moins grave; on diminue ainsi, dans une proportion considérable, la durée de l’épizootie et aussi le temps pendant lequel l’étable infectée doit rester soumise aux mesures de police sanitaire toujours gênantes et onéreuses ; 2° A soumettre les animaux malades au traitement hygiénique depuis longtemps classique : lavages antiseptiques de la bouche, des mamelles et des pieds, répétés aussi souvent que possible, la nature de l’antisep¬ tique employé ayant beaucoup moins d'importance que les soins apportés à l’exécution des lavages ; suppression des aliments durs, paille, four¬ rages, grains, exigeant une longue et complète mastication ; interdiction absolue de faire prendre de force des aliments, même liquides, pour évi¬ ter leur pénétration dans les voies respiratoires ; 3° A utiliser les tubes trayeurs pour vider les mamelles malades, et à faire bouillir le lait recueilli avant de le livrer à la consommation des personnes ou des jeunes animaux. Il va sans dire qu’il faut, avant tout, prévenir la maladie par l’isole¬ ment, et la désinfection des écuries, des wagons, des ustensiles, etc. E. Vallin. De Vinloxication par le sulfure de carbone, et de son action sur le cerveau des ouvriers en caoutchouc, par le D' Marandon de Montvel (Annales d’hygiène et de médecine légale, mars 1901, p. 236). Delpech a signalé il y a longtemps (L’Industrie du caoutchouc soufflé, Annales d’hygiène, 1863, t. XIX, p. 65) l’ivresse, l’excitation érotique initiale et les troubles nerveux causés par l’inhalation du sulfure du car¬ bone dans plusieurs industries. M. Marandon de Montyel , médecin en chef de l’asile de Ville-Evrard, dans un premier mémoire publié par les Annales d’hygiène, en 1895 (p. 309) , avait cherché à démontrer que ces divers accidents, ivresse simple ou démence, ne se produisaient que dans les usines à sulfure de carbone mal tenues , à conditions hygiéniques sis RfeVÜE DES JOURNAUX mauvaises, où les ouvriers négligeaient les mesures de précaution et les soins de propreté, où au lieu de relever les ballons avec une fourchelle, les ouvriers plongent comme à plaisir leurs bras dans le bain de sulfure. Même dans ces conditions, un assez grand nombre d’ouvriers restent indéfiniment indemnes de ces accidents. L’auteur en concluait que l’in¬ toxication par le sulfure , de carbone ne détermine les diverses variétés d’aliénation mentale que chez les sujets ayant déjà des prédispositions psychopathiques. Dans son nouveau travail , et à l’occasion d'un cas récemment observé d’aliénation chez un ouvrier en caoutchouc, M. Marandon vient confirmer ses conclusions antérieures. 11 emprunte au mémoire de M. Hampe, de Leipzig, sur le même sujet, en 1893, aux monographies de Koster et de Landenheimer, publiées en 1899, la preuve que la plupart de ces intoxiqués délirants étaient des prédisposés vésaniques, des dégénérés, fils ou parents d’aliénés. Pour lui, il n’y a pas de folie sulfo-carbonéc; l’intoxication par le sulfure ne provoque l’éclosion de la folie que chez ceux qui y sont prédisposés; ces derniers doivent donc éviter avec soin les industries où l’on emploie cet agent toxique. E. Vallin. La tecnica délia filtrazione nei laboratorii di batteriologia , par le D' O. Casaorandi (Annali d’igiene sperimenlale, 1900, fasc. 4, p. 462). Le D' Casagrandi décrit et figure les appareils dont on fait usage au laboratoire d’hygiène de l’Université de Rome pour assurer la filtration rigoureuse des liquides de culture et des sérums. La plupart de ces appareils sont déjà connus, mais leur multiplicité, rendue nécessaire par des besoins différents, est un inconvénient et un embarras. Il a cherché à réunir les avantages des divers modèles en un type unique permettant de filtrer à volonté au papier, à l’amiante, au charbon, au. calcaire poreux, à la porcelaine. Un dessin fait comprendre le fonctionnement de cet appareil. Un autre modèle permet de répartir le liquide filtré dans les différents récipients, sans crainte d’aucune contamination par l’air extérieur. La simplification de la technique est encore plus désirable dans les laboratoires d’hygiène expérimentale et appliquée que dans les laboratoires de bactériologie proprement dite; il faut donc faire connaître toutes les tentatives faites en ce sens. E. V. La rééducation des mouvements du cœur par les exercices métho¬ diques, par le D‘' Fernand Lagrange (ftenue de médecine, 10 avril 1901, p. 299). C’est toujours avec une grande curiosité et un vif intérêt que nous lisons ce qui sort de la plume de M. F. Lagrange ; on y trouve des vues originales, des préceptes parfois inattendus, s’appuyant constam¬ ment sur des données physiologiques rigoureuses. Ce travail nouveau de M. Lagrange est très étendu ; il a été publié dans les numéros de décembre, janvier, février et mars 1901 de la Revue scîenti/ique, et se termine dans le numéro d’avril de la même Revue. Bien qu’il s’agisse REVUE DES JOURNAUX Di9 avant tout du traitement des maladies du cœur, nous devons signaler à nos lecteurs cette importante étude d’bygiène thérapeutique et en indi¬ quer les principes généraux sinon les détails d’exécution. Quand il existe une lésion organique du cœur, le but à atteindre est d’assurer la coordination dans les forces qui président à la circulation du sang, de maintenir l’équilibre et la compensation. Pour obtenir le maxi¬ mum de fonctionnement compatible avec la lésion ou la maladie, il est indispensable de cultiver la fonction, de la développer par l’exercice, d’en faire l’éducation et d’arriver à l’endurance. Chez les cardiaques à lésion compensée, l’hygiène devra comporter un exercice musculaire suffisamment actif pour habituer le cœur à supporter sans s’émouvoir les actes usuels de la vie, et môme quelques mouvements un peu plus éner¬ giques, de façon à ce que, le cas échéant, une fatigue ne vienne pas provoquer dans l’appareil respiratoire des réflexes excessifs qui pourraient ôtre le point de départ d’une rupture de la compensation et devenir l’ori¬ gine d’une aggravation de la maladie. Naguère encore, chez un sujet ayant simplement un souffle à un orifice, on prononçait la proscription absolue de tout exercice ; on exagérait ainsi l’émotivité cardiaque, l’on perdait tout le bénéfice de l’endurance acquise depuis longtemps par l’appareil cardio-vasculaire, on préjiarait l’asystolie. Assurément il faut éviter l’efibrt, l’effort violent surtout ; on y arrive aisément, et le système d’Oertei, c’est-à-dire la marche méthodiquement réglée sur un terrain incliné, agit bien plus comme moyen d’éducation des réflexes cardiaques que comme fortifiant du myocarde. M. Lagrange a montré, dans un chapitre très intéressant de son mémoire (mars 1901), que l’éducation du cœur doit se faire surtout par le poumon ; dans le traitement gymnastique des troubles circulatoires , c’est le poumon qui doit en quelque sorte battre l i mesure du mouvement ; chaque mouvement du membre qui accomplit un exercice actif doit être accompagné d’un effort volontaire d’inspiration aussi profond et aussi lent que le sujet peut le faire ; le grand bénéfice de la marche .1 en côte » , ce sont les inspirations forcées et profondes que l’ascension des pentes provoque Chez les malades. Nous ne voulons pas nous étendre davantage ; nous nous bornons à signaler cette importante étude d’un hygiéniste qui est en même temps un savant physiologiste et un praticien consommé. E. Valu-n. Note sur la présence du plomb dans le chlorure de sodium et dans la magnésie calcinée légère, parM. Maljean, pharmacien-major de fadasse {Archives demédecine militaire, mars 1901, p. 211.) Le plomb se faufile partout, a-t-on dit souvent, et c’est souvent en vain qu’on cherche dans les boissons et les aliments l’origine d'une intoxi¬ cation saturnine restée longtemps méconnue. On ne songerait guère, en effet, à soupçonner le sel marin de contenir du plomb. M. Maljean a analysé un sel qui en apparence ne laissait rien à désirer REVUE DES JOURNAUX au point de vue de la blancheur des cristaux; sa richesse en clilorure de sodium pur s’élevait à 99,74 p. 100 ; mais si à la solution dans l’eau distillée on ajoutait quelques gouttes d’acide chlorhydrique, puis une solution saturée de gaz sulfhydrique, on obtenait Immédiatement une coloration brune due àdu sulfure de plomb, dans la proportion de 0e’',01 SGG pour 100 grammes de chlorure de sodium. Si l’on songe qu’un adulte consomme en moyenne 16 à 20 grammes de chlorure de sodium par jour, on voit que la dose de 2“S',73 est parfaitement capable de pro¬ duire à la longue une intoxication saturnine grave. M. Maljean suppose que ce plomb provenait des bassines en cuivre, élamées avec de l’étain plombifère, dans lesquelles on avait fait éva¬ porer les solutions. L’on sait, en effet, que certains étameurs font jour¬ nellement un frauduleux usage d’alliages contenant une proportion de plomb bien supérieure à la tolérance de 3 p. 100 adoptée par le Comité consultatif et qui est trop grande ; bien heureux si certains ne dépassent pas la proportion de 10 p. 100 de plomb, tolérée non pour l’étamage mais pour la soudure. Pour rechercher si le chlorure de sodium facilite l’attaque du plomb par l’eau, M. Maljean a plongé des lames de. plomb en contact dans des solutions concentrées à 30 grammes pour 100 de chlorure de sodium pur, soit au bain-marie, soit à froid ; la perte de poids subie par la lime de plomb qui pesait environ 20 grammes (19,364) était de 4 milli¬ grammes au bout de deux heures, de 6 milligrammes au bout de sept heures et de 12 milligrammes au bout de quinze heures. A froid la perte était de 6'"x'’,3 au bout de trois jours et de 19 milligrammes au bout de dix jours. L’étamage ne devrait jamais être permis qu’avec un alliage contenant 5 grammes d’étain par kilogramme, c’est-à-dire avec le véritable étain fin du commerce ; c’est la très sage prescription contenue dans le formu¬ laire des hépitaux militaires, et dont l’exécution ne soulève pas de dif¬ ficulté dans l’armée. M. Maljean a trouvé également 0e'‘,015 de sulfate de plomb dans 100 grammes de magnésie calcinée; mais le danger est infiniment moindre, parce qu’on ne fait qu’un usage accidentel de faibles quantités de cette substance médicamenteuse. E. Vallin. La luberculote expérimentale, par le professeur Ch. Richet {Revue générale des sciences, de L. Olivier, IS avril 1901, p. 302.) Dans une conférence faite le 11 février 1901 à la Société des amis do l’Université de Paris, M. Ch. Richet a magistralement exposé l’instoire de la découverte de l’inoculabilité et du microbe de la tuberculose, et surtout ses expériences relatives au traitement de la tuberculose par l’emploi du suc musculaire (zomothérapie). Le récit des phases par les¬ quelles son collaborateur M. Héricourt et lui ont passé depuis 1888 est vraiment très intéressant ; on voit que ces travaux ont été accomplis sous la direction d’un physiologiste habitué à la rigueur e.xpérimentale- REVUE DES JOURNAUX Les courbes nombreuses reproduiles dans le mémoire montrent les diffé¬ rences énormes de poids qui suivent l’ingestion de viande cuite d’une part, de viande crue ou de suc musculaire d’autre part. Chez les animaux tuberculisés, la diminution du poids est presque aussi forte quand ils sont nourris à la viande cuite en excès que lorsqu’ils restent au régime normal des herbivores ; ceux qu’on nourrit avec le suc musculaire et la viande crue au contraire, continuent presque indéfiniment à augmenter de poids ; « ils ne meurent jamais de l’inoculation, alors que les ebiens autrement nourris en meurent toujours «. Nous avons déjà plusieurs fois exposé les beaux résultats obtenus par M. Richet au moyen de la zomothérapie ; nous n’y insisterons pas, mais nous signalons ce nouveau travail qui confirme ceux qui l’ont pré¬ cédé. E. Vallin. Bouillons ouvriers et restaurants populaires, par le D"' J. Laumo- NiER {Bulletin général de thérapeutique, 28 février inof, p. 28.'j.) L’hygiène publique ne doit pas se désintére.sser de ces restaurants et cuisines populaires dont tous ceux qui ont voyagé en Suisse, en Alle¬ magne, etc., ont pu voir les progrès en ces dernières années. La France a suivi ce mouvement d’un pas un peu lent ; cependant l’Exposition internationale de 1900 a fourni l’occasion de créer des établissements de ce genre, qui n’ont pas très bien réussi, en raison de certains préjugés de la classe ouvrière qui n’existent pas au même degré dans les autres pays qu'à Paris. M. le D’’ Laumonier a publié en 1897 un volume très intéressant, La physiologie générale, où il donne de grands développements aux fonctions d’assimilation, à l’anabolisme, à la biodynamique, à la produc¬ tion d’énergie, aux réserves nutritives, etc. Il était donc parfaitement qualifié pour étudier la composition des rations qui doivent composer les repas populaires. Il en discute les bases, et expose le fonctionnement pratique des établissements de ce genre créés à Paris, à Lyon, à Lille, et dans divers pays, où pour 50 centimes on fournit à l’ouvrier un repas complet, composé d’aliments de bonne qualité. Il a mangé dans plusieurs de ces cuisines populaires, tant en France qu’à l’étranger; n la nourri¬ ture lui a toujours paru passable et meilleure, en tout cas, que dans les restaurants moyens de 2 fr. 50 à 4 francs par repas » . C’est peut-être beaucoup dire ! « Ce qui manque, ajoute-t-il, c’est le décor, les glaces, les lustres, les banquettes de velours, la fausse argenterie, et les gar¬ çons ou les filles en tablier blanc. Mais si l’on songe que ce décor inutile représente les trois quarts de la somme payée, un quart au plus figurant comme valeur réelle des aliments consommés, on ne manquera pas de reconnaître que la cuisine poinilairc est bien plus avantageuse quand elle reste fidèle à son but hygiénique et social. » REVUE DES JOURNAUX An experimenl on the effect of inhalation of elhylene, par MM. J Lor¬ rain Smith et Percy Hoskins (Journal of /tÿÿiene, janvier 1901, p. 123). Sir Henry Roseoe a émis récemment cette opinion que dans l’intoxi¬ cation par le gaz à éclairage et ses analogues, les accidents n’étaient pas imputables seulement à l’oxyde de carbone, mais probablement aussi à des hydro-carbones » illuminants », dont l’éthylène est le type. Les auteurs ont fuit respirer du gaz d’éclairage à des animaux et ils ont constaté que les accidents toxiques correspondaient exactement à la proportion d’oxyde de carbone. Ils ont fait ensuite respirer de l’air contenant 10 0/0 de son volume d’éthylène ; à cette dose, les phénomènes d’intoxication devinrent évidents ; mais, en agitant une solution titrée de sang avec cet éthylène, suivant le procédé du üaïd&nc (Journal of physiologie, 1898), ils purent constater dans ce gaz la présence de CO, dans la proportion de 1,80/0. L’étliylène avait été préparé sui-^ant le procédé ordinaire, par l’alcool et l’acide sulfurique. Iis préparèrent alors l’éthylène au moyen du dibromide d’étliylèno, par l’action d’un couple zinc-cuivre ; l’analyse de ce gaz donna : éthylène, 96,0; oxygène, 0,5; azote, 1,7; hydrogène, 1,4; éthane, 0,4. Ils remplirent un cylindre d’un mélange contenant pour 100 parties 72,5 de cet éthylène presque pur et de 27,5 d’oxygène. Une souris fut placée dans ce mélange, et quoique au bout d’une minute sa démarche parut troublée par la respiration brusque de cette atmosphère étrange, au bout d’une heure son état ne s’était pas aggravé, et quand ensuite elle fut remise en liberté, sa santé resta parfaite. Ordinairement, le gaz de houille ne contient pas plus de 3 à 4 0/0 d’éthylène, et une atmosphère dans laquelle s’est déversé du gaz d’éclai¬ rage devient toxique alors que, de ce fait, la proportion d’éthylène dans le mélange ne dépasse pas 0,2 0/0. Il est donc certain que l’éthylène ne joue aucun rôle dans l’intoxication par le gaz d’éclairage. E. Vallin. Recherche du bacille de la tuberculose dans les crachais, par M. A. Gibard (Répertoire de pharmacie, 10 juin 1900, n“ 6). Afin de laisser les bacilles tuberculeux se précipiter sous forme de sédi¬ ment microbien, M. Girard, chef du laboratoire de l’hôpital de Villepintc, dissout à froid le mucus des crachats au moyen de l’eau de Javel. L'ex¬ pectoration est jetée dans trois fois son volume d’eau de Javel concentrée diluée au tiers et agitée. On laisse les éléments figurés se déposer dans un verre conique pendant vingt-quatre heures, ou mieux on centrifuge en plusieurs opérations, en décantant chaque fois le liquide clair. Le chlore est transformé on chlorure de sodium par l’addition de cinq à six gouttes de la solution normale de potasse ou de soude. Le tube est rempli d’eau stérilisée et filtrée, puis centrifugé encore une fois. Le dépôt recueilli est traité, comme d’habitude, par la méthode de Ziehl ou d’Elirlich. M. Girard dit avoir obtenu d’excellents résultats par le procédé qu’il préconise, l’eau de Javel ne modifiant par l’apparence du bacille de Koch. REVUE DES JOURNAUX On réussit également bien, d’après lui, en employant de la môme manière la solution d’hypobromite de soude qui sert au dosage de l’urée, étendue au tiers. E. Vallin. Inloxicalion par une teinture d'aniline servant à noircir les chaus¬ sures, par MM. Laurent et Güillrmin {Journal des praticiens, 2 mars, 1901, p. 131). C’est la relation fort intéressante de 7 cas, dont 4 dans la môme famille, observés chez des enfants dont les chaussures venaient d’être noircies à l’aide d’une teinture à base d’aniline. Des animaux dont les pattes avaient été badigeonnées expérimentalement avec la môme tein¬ ture, présentèrent des accidents analogues. Ces cas sont identiques à ceux que MM. Landouzy et Brouardel ont signalés récemment à l’Académie, et au sujet desquels ils pom-suivent depuis deux ans une enquête dans un grand nombre de villes en France . E. V. L'intoxication par l'aniline , par le D'' Delorb {Lyon médical, 24 fé¬ vrier 1901, p. 296). M. Delore rappelle la thèse de Charvet (Epidémie dans une fabrique de fuchsine, Paris, 1863), restée classique. Mais à cette époque on prépa¬ rait la fuchsine avec de l’aniline en la déshydratant avec l’acide arsé- nique, ce qui n’a plus lieu aujourd’hui; on emploie aujourd’hui le procédé Coupler, par la nitro-benzine. L’aniline est fabriquée principalement dans les usines allemandes, la Badisch, qui a une succursale à Neuville- sur-Saône, et dans celle de Hoschst, près de Francfort-sur-le-Mein. Dans cette dernière usine, les intoxications professionnelles par l’aniline sont très communes, et M. Delore en retrace le tableau d’après Engelhardt, Pfister, etc. Le D” Gros, à Lyon, a cité récemment un nouveau cas d’em¬ poisonnement par la teinture des chaussures. MM. Aubert, Lannois, Linossier et Guinard, à Lyon , ont montré par des expériences l’absorp¬ tion cutanée de l’aniline à Fêtât de vapeurs, surtout pondant les clialeurs; mais dans les grandes usines , c’est surtout par les voies respiratoires et digestives que l’aniline peut s’introduire dans l’économie. E. Vallin. Some praclical aspects of lhe plagne al Sydney (Observations pratiques sur la peste à Sidoey), par le D’ Frank Tidswell {Journal of lhe Sanitary Inslitute, janvier 1901, p. 549-578). Le D'' F. Tidswell , principal assistant du médecin chef du gouverne¬ ment de la Nouvelle-Galles du Sud, a fait, à l’Institut sanitaire de Londres, une conférence fort intéressante sur la peste à Sydney. Nous laisserons de côté les observations cliniques et anatomo-pathologiques, même les mesures prises pour combattre l’épidémie, parce que ces mesures, excel¬ lentes d’ailleurs, ne diffèrent pas sensiblement de celles appliquées dans REVUE DES JOURNAUX la plupart des épidémies analogues. Nous nous bornerons à signaler le rôle très important , et même exclusif, que l’auteur fait jouer aux rais et aux puces dans la transmission de celle maladie à Sydney ; nous le fai¬ sons d’autant plus volontiers qu’en général les médecins anglais en ccs derniers temps ont mis en doute la réaHlé de ce rôle , en particulier en Egypte et à Glasgow. Le premier cas signalé chez l’homme eut lieu le 19 janvier 1900; le second apparut quatre semaines plus lai'd; dès lors, les cas se mulliplient très rapidement. Une enquête minutieuse, faite auprès des fonctionnaires publics et en particulier auprès des agents de la douane, prouva que depuis huit jours et même depuis plusieurs semaines avant le 19 janvier, on trouvait sur les quais de débarquement, devant les magasins de grains, un nombre tout à fait inaccoutumé de cadavres de rats ou de rats malades. Le fait est que dès le premier jour, en quelques heures, on put apporter au laboratoire une quinzaine de rats dont plusieurs étaient manifestement pesteux. Les premiers cas chez l'homme furent observés chez des indi¬ vidus demeurant près de ce quai, et vivant au voisinage d’amas de chif¬ fons et d’ordures ménagères où les rats pullulaient. On n’a pu observer aucun cas de transmission directe d’un homme pesteux à un homme sain, non plus que par le contact avec des objets souillés. Sur plusieurs milliers d’hommes employés à nettoyer les maisons et les places infectées par les pestiférés, on n’a relevé que trois ou quatre cas de peste, et rien, dit l’auteur, ne prouve que ces hommes n’ont pas contracté la maladie comme les autres, c’est-à-dire par les puces des rats pesteux. On sent môme chez l’auteur un certain parti pris en faveur de ce mode à peu prés exclusif de transmission. Sur la grande quantité de rats portés chaque jour au laboratoire, beaucoup portaient des déchirures ou morsures au nez et aux oreilles; c’est peut-être par celle voie que les animaux malades inoculaient les autres. On ne sait si les cadavres de rats infectés n’étaient pas mangés par les rats vivants; mais on a réussi à infecter des rats sains en leur faisant manger des organes ou tissus de rats pesteux. — Dans ce cas, quelle preuve a-t-on que ces débris d’organes n’ont pas inoculé le germe par les plaies, écorchures et morsures de la peau ? D’autant plus qu’on n’a jamais réussi à infecter des rats en souillant leurs aliments (pain, grains) avec des sécrétions pesteuses. — Jamais non plus les rats sains n’ont contracté la peste par le fait d’avoir séjourné dans dos cages très mal propres dans lesquelles des rats étaient morts de la peste. On a placé dans une même cage un rat sain et un rat pesteux , en les séparant par une double toile métallique à larges mailles, de sorte que les puces pouvaient librement passer d’un rat à l’autre; dans deux cas, le résultat fut négatif. D’autre part, on a recueilli des puces sur des rats pesteux , on les a écrasées puis délayées dans de l’eau, et cette émulsion injectée sous la peau d’animaux leur a transmis la maladie. Ce qui confirme l’auteur dans sa croyance que la peste passe des animaux à l’homme par l’intermédiaire des rats et des puces, c’est la REVUE DES JOURNAUX «55 présence des bubons pesteux dans la région inguinale ; cela suppose des effractions et des portes d’entrée aux jambes et aux pieds, souvent nus. Cependant à Sydney les gens du peuple ont tous des cbaussures. A l’époque où les quais de cette ville étaient couverts de rats morts ou mourants, les puces pullulaient à ce point sur le sol que les ouvriers étaient obligés de serrer le bas de leur pantalon avec une ficelle au cou¬ de-pied, afin de se protéger contre les assauts de cette vermine. Aussi, avant de transporter au laboratoire des rats morts ou vivants pour faire des expériences, on prenait toujours le soin de les arroser de chloroforme afin de stupéfier les puces et les empêcher de fuir, puis on mettait le feu au poil afin de tuer les insectes qui s’y trouvaient cachés. Le port de Sidney est en rapports constants avec la Chine, l’Inde, les îles Sandwich, Nouméa, où a régné la peste. Parmi les rats examinés, on a trouvé une fois un rat très grand, sauvage, tout noir, très différent de ceux qui existent à Sydney, mais semblable, paraît-il, aux rats do l’Inde. Ce rat, d’ailleurs bien portant, serait la preuve que d’autres qui ont péri ont pu passer de l’Inde à Sydney et y transporter la peste. Tous ces faits et toutes ces hypotlièses sont la confirmation de ceux que le D'' Simond a accumulés dans son mémoire aujourd’hui classique. Nous regrettons toutefois que le D’’ Tidswell n’ait pas donné plus de détails sur chacune de ses expériences, et n’ait pas appuyé de preuves plus précises les nombreuses assertions contenues dans son travail. Il est vrai que celui-ci est une conférence, et en pareil cas on est bien forcé d’étre narratif et un peu superficiel. E. Vallin. Des moyens à employer dans la lutte contre ta tuberculose, par MM. Lemoine et Carrière {Bulletin médical, l'*' mai 1901, p. 385). Dans cette communication faite à l’Académie de médecine, le 7 mai, les auteurs disent, après beaucoup d’autres, qu’il ne suffit pas de cherclier à détruire les bacilles tuberculeux : on n’y réussira jamais; il faut forti¬ fier le terrain, améliorer le bien-être, l’alimentation, assainir les loge¬ ments, diminuer l’encombrement , l’alcoolisme, etc. C’est une utopie de vouloir créer des sanatoriums luxueux et coûteux pour les pauvres gens; il faudrait près de deux millions pour les construire , sans compter 3 fr. par jour pour l’entretien de chaque tuberculeux ainsi éloigné de sa famille, de ses affections, de son milieu normal. Il vaudrait mieux se borner à isoler des tuberculeux dans des baraquements suburbains très modestes. II croit, comme M. Brunon, qu’il serait avantageux et écono¬ mique d’improviser des sanatoriums de fortune dans les bâtiments dispo¬ nibles et inutilisés au voisinage immédiat des villes ; il faudrait y placer non des tuberculeux ayant des lésions avancées, mais des sujets suspects, tout à fait au début de la maladie. Il y a une part de vérité dans ce que disent les auteurs et nous ne cessons de protester depuis deux ou trois ans contre ces sanatoriums architecturaux et luxueux, dont on nous présente les plans magnifiques, et dont le lit revient à 6,000 francs. Mais nous regrettons le pessimisme, 1 amertume, l’esprit de contradiction et d’opposition que reflète le mé- REVUE DES JOURNAUX moire de nos collègues. Il s’agit en ce moment de déterminer un cou¬ rant d’opinion, d’organiser un effort puissant, une ligue généreuse contre un mal qui nous décime et qui nous dévore. En pareil cas, les gens trop sages, pusillanimes ou trop raisonnables sont de dangereux amis; ce n’est point avec eux qu’on remporte des victoires, qu’on fait des révolu¬ tions et qu’on transforme les mœurs. E. Vallin. Elude des fonctions de l'amygdale, par S.-V Mangonbi {Gazelle cli¬ nique de Bolkin, 28 octobre 1900, p. 1332). Le Journal de physiologie et de pathologie générale , de Boucliard et Chauveau, donne l’analyse de ce curieux mémoire de >J. Mangonbi (15 mars 1901, p. 321). L’amygdalectomie est suivie d’une diminution considérable des leucocytes (55 p. 100 en moyenne), et cela pendant longtemps, dans un cas pendant soixante-huit jours; le nombre des hématies diminue aussi dans la plupart des cas , et il y a hypohémoglo- binhémle. Après l’ablation de deux amygdales chez les chiens, l’injection des toxines diphtériques et à un degré moindre l’inhalation des subs¬ tances en putréfaction provoquent l’augmentation des leucocytes, laquelle n’atteint presque jamais le chiffre initial, et en outre la diminution du nombre des corpuscules sanguins et de l’hémoglobine. Au point de vue clinique , l’inhalation des substances^ en putréfaction provoque chez les chiens opérés la diarrhée, parfois des vomlssënients , tandis que les ani¬ maux de contrôle ne présentent aucun trouble gastro-intestinal. L’injection des toxines diphtériques détermine chez les chiens tonsillotomisés, d’une manière constante, des vomissements et parfois de la diarrhée. Ne serait-il pas intéressant de rechercher si, chez les enfants auxquels on a enlevé les deux amygdales, on retrouve celte diminution dans la défense de l’organisme par la phagocytose. La diphtérie et d’autres maladies infectieuses sont-elles plus communes chez les sujets auxquels on a enlevé complètement les deux amygdales ? Pendant combien de temps chez les hommes tonsillotomisés dure l’hypoleucocytose ? Il semble que ces questions, si les résultats observés par M. Mangonbi se confir¬ ment, seraient capables d’intéresser la prophylaxie des maladies infec¬ tieuses. E. Vallin. The resuit of 950 bacteriological examinations for diphtheria-bacilli during an oulbreak gène est atteint un peu comme nous, peut-être plus sévèrement que nous , mais surtout dans l’enfance ; qu’il y a beaucoup de cas légers®; qu’en outre, même dans les cas sérieux, on n’a pas recours au médecin et qu’on se contente des prières et des sortilèges des marabouts. Certains auteui’S, tels que ; Bertherand, Esbrana, ont d’ailleurs fourni des statistiques, qui ten¬ draient à prouver que les jeunes Arabes meurent de typhoïde dans une très forte proportion. 1. Lebon. Archiv. de méd. milü., 1899, p. 213. 2. Dcscosscs (Archiv. de méd. milü., décembre 1899) signale un ccrlain nombre de cas n’ayant pas dépasse deux septénaires. LA FIÈVRE typhoïde DANS LES PAYS CHAUDS 601 Dans ces derniers temps , on a cherché à éclairer le problème à la lumière des nouvelles méthodes , et on s’est adressé au séro-dia- gnostic. H. Vincent, dans une communication à l’Académie de médecine (10 mai 1898), dit que sur 23 indigènes adultes, il n’a obtenu qu’un seul fait bien positif. Lebon, en mars 1899, sur 13 examens a obtenu une seule agglutination. Convaincu que la solution du problème était plutôt dans l’examen du sang des jeunes indigènes, j’ai nettement insisté sur cette partie du problème dans un livre paru au mois d’jioût 1899 L Tout d’abord, sur une série de 10 examens pratiqués sur des enfants' de 8 à 14 ans, j’ai trouvé : 8 résultats négatifs, 1 cas positif et 1 cas douteux. Dans une autre série, que j’ai communiquée à la Société de médecine de Gand sur 20 cas (enfants de 4 à 14 ans), M. Ser¬ gent, mon préparateur et moi, nous n’avons trouvé que deux cas douteux ; tous les autres résultats ont été négatifs. Cela fait en somme : Réaction positive . I — douteuse . 3 — négative . 26 Ces chiffres sont encore malheureusement trop faibles pour mener à une conclusion ferme. La séro-réaction peut sans doute persister un certain temps après la guérison de l’affection ; on l’a vu se produire encore des mois et même des années après la gué¬ rison; mais dans un assez grand nombre de cas, elle disparaît quelques semaines ou quelques mois après l’entrée en conva¬ lescence. Il faudrait donc un très grand nombre d’examens pour trancher la question de savoir si l’indigène est pris par la typhoïde, surtout dans l’enfance ; la véritable manière d’opérer consisterait à organiser dans ce but une mission en pays arabe ; on pourrait dès lors faire porter l’examen sur plusieurs centaines d’enfants, la cause se trouverait ainsi jugée sajis appel. Plusieurs auteurs ont appliqué le séro-diagnoslic à tous les âges indifféremment ; ici les résultats sont assez contradictoires. Au mois de décembre 1899, MM. Buquet et Crespin ont commu¬ niqué à la Société de biologie une statistique portant sur 60 cas. Sur ces 60 examens, 20 furent positifs, soit 1/3; quant aux âges, 1. J. Brault. Hyg. et proplivï. des mal. des pays chauds. — L’.Vfrique française. 2. J. Brault. Bulletin de la Société de méd. de Gand, août 1900. 602 D' J. BRAULT les auteurs indiquent qu’ils n’ont rien à dire de précis, car le phé¬ nomène de Widal ne s’observe pas avec plus de prédilection dans une période de là vie que dans une autre. Les auteurs rapprochent leurs résultats de ceux de Freyer, qui sur 21 Hindous a trouvé 16 fois des séro-réactions positives Par contre, dans un article paru au mois de novembre 1900, M. Chavigny * rapporte que Humain a pratiqué la séro-réaction, sous sa direction, sur 100 indigènes de tout âge ; il n’y a pas eu un seul cas positif. Le problème en est là ; sa solution, comme nous l’avons dit tout à l’heure, nous semble résider dans l’examen du sang d’un nombre considérable d'enfants ; c’est dans cette voie que nous conseillons de diriger de plus en plus les recherches. Ce n’est pas seulement dans l’Afrique du Nord que les troupes indigènes jouissent d’une certaine immunité vis-à-vis de la typhoïde ; dans l’Inde, les statistiques anglaises nous montrent que les soldats Hindous et la population autochtone sont bien moins atteints que les Européens. Pour une période de dix années, on trouve chez les premiers la proportion de 0,02 admissions pour 1,000 et de 0,01 décès également pour 1 ,000, alors que les troupes européennes donnent 8,9 p. 1,000 pour les admissions et 3,1S p. 1,000 en ce qui concerne les décès (Withehead in Davidson). A Hong-Kong, la fièvre typhoïde est aussi plus fréquente chez les soldats européens que chez les Chinois. D’après un certain nombre de relations, les natifs des archipels de la Polynésie seraient assez susceptibles. Aux Etats-Unis, la proportion des décès pour 1,000 est de 33,9 pour la race blanche, de 31,7 pour les races de couleur et de 22 seu¬ lement pour les Indiens. En résumé, il ressort de tout ce que nous venons de dire que si aucune race n’est réfractaire d’une façon absolue à la dothiénen- terie, les natifs des pays chauds ; Arabes, Kabyles, noirs, jaunes. Indiens, sont moins susceptibles que nous-mêmes. 11 existe là une question passionnante de pathologie exotique ; en se servant des nouvelles méthodes de diagnose, on devrait scientifiquement relever la proportion exacte des indigènes et des Européens respective- 1. Bosquet et Grespin. Bulletin médical, 1900. 2, Chavigmt et Malbot. Bulletin méd. de l’Algérie, novembre 1900. LA FIÈVRE typhoïde DANS LES PAYS OHAUDS 603 ment atteints dans les divers pays chauds, au moins dans les colo¬ nies. Causes, — Bien entendu, dans les pays chauds comme aux régions tempérées, ce sont les mêmes causes qu’il faut incriminer. Dans les villes, c’est l’insalubrité générale des quartiers denses et populeux*, c’est surtout leur approvisionnement en eau de mau¬ vaise qualité. Pour ne prendre qu’un exemple, à Alger, c’est le quartier Rovigo alimenté par l’éau de l’Aïn-Zéboudja, mal captée et mal amenée, qui a toujours été le plus atteint. Lors d’une épidémie qui frappa cruellement le quartier en 1 895, je fus pris de dothiénentérie pour la deuxième fois mon soldat ordonnance fut atteint à son tour; six personnes, en outre, payèrent leur tribut à la typhoïde dans la maison que j’habitais à cette époque. Dans les pays où la civilisation a déjà pénétré, tantôt il s’agit d’un mauvais captage des eaux, tantôt c’est l’adduction qui est défectueuse ; dans quelques autres cas, ce sont des fosses fixes, des égouts qui communiquent plus ou moins avec les prises d’eau. Ailleurs c’est pis encore, témoins les séguias du Sud Algérien, les birkets d’Egypte, les tanks de l’Inde, etc. Dans les colonies, la dothiénentliérie est surtout sévère durant les manœuvres, les expéditions et dans les camps® ; l’encombrement sous la tente favorise l’éclosion de la maladie. Pendant l’expédition de Tunisie, sur 20,000 hommes d’effectif on a eu 4,200 cas de dothiénentérie et 10 p. 100 de décès. On a observé quelque chose d’analogue durant l’expédition du Sud Ora- nals. Les souillures du sol dans les campements, la chaleur exces¬ sive, les fatigues de toutes sortes, les privations, les marches for¬ cées, toutés conditions qui se rencontrent couramment dans les 1. Ces quartiers ne manquent pas dans les villes des contrées chaudes. A Alger, il n’y a qu’à visiter les quartiers de la Casbah et de la Marine. Dans les villes de l’Inde, c’est pis encore : Chawls, Bhustees, etc. ) 2. Ma première aMeInte Te'montait à quinze ans, alors que j’étais interne en médecine. 3. La dothiénentérie, il faut se le rappeler, vit volontiers à la campagne. 604 D' J. BRAULT guerres et les expéditions coloniales, constituent dés circonstances aggravantes Parmi les causes secondes, nous ferons bon marché des pluies, des vents, de la pression barométrique, de la nappe d’eau souter¬ raine ; nous nous contenterons de faire remarquer que la dothié- nentérie aux contrées chaudes affectionne particulièrement la période estivo-automnale, d’ailleurs comme ses alliées la dysenterie et la malaria. A l’heure où la propagation des maladies par les insectes est à l’ordre du jour, à l’heure même où nos hôtes intestinaux sont accu¬ sés d’ouvrir souvent la porte aux infections semées le long du trac- tus intestinal, il est une remarque que je ne puis passer sous silence. J’ai bien des fois insisté ailleurs sur la pullulation des parasites ailés et sur la richesse de la faune intestinale aux pays chauds. En examinant les selles des légionnaires rapatriés du Tonkin, j’ai à maintes reprises trouvé des œufs des différents vers intestinaux (tænia, trichocéphale, etc.). Il est bien possible que ces hôtes Incommodes jouent un rôle dans la colonisation du bacille d’Eberth, tout comme ils le font dans certains cas d’appendicite Particularités cliniques, complications. — J’ai eu le loisir d’étu¬ dier la fièvi’e typhoïde en France et dans des pays déjà chauds comme l’Algérie; j’ai donc pu me rendre compte des variantes qui ressortissent à la dothiénentérie observée aux colonies. Ces particularités cliniques, il faut l’avouer, ne sont d’ailleurs pas capitales et possèdent une certaine variabilité. Quoi qu’il en soit, dans les pays chauds, le type de la dothiénen¬ térie est en général un peu modifié. C’est ainsi que dans l’Afrique septentrionale l’affection a un caractère de brusquerie qui est bien fait pour étonner au début, lorsqu’on l’a observée de l’autre côté de la Méditerranée. En outre, au début on remarque très fréquemment des fausses intermittences dans la température forme sudorale pseudo-intermittente. Les symptômes gastro-intestinaux (anorexie accentuée et prolongée, vomissements) sont en général très marqués; 1. L’ncclimatation doit aussi entrer un peu en ligne de compte; les gens non acclimatés semblent en effet payer un plus lourd tribut, soit comme morbidité, soit comme mortalité. C’est ainsi que nos troupes métropolitaines du corps d’occupation sont surtout frappées cruellement. 2. Cette dernière n’est pas rare dans nos pays ; ici, j’en ai opéré au moins une vingtaine de cas, et observé un bien plus grand nombre. LA FIÈVRE typhoïde DANS LES PAYS CHAUDS 60S la constipation remplace souvent les selles diarrhéiques, couleur « soupe aux pois » . Cette même constipation se retrouve, au dire de Manson, dans la typhoïde observée sous les tropiques. Dans la dothiénentérie des contrées chaudes, en même temps que les phénomènes gastro-intestinaux , les symptômes du côté du système nerveux périphérique et central sont également assez mar¬ qués. Les localisations sur le système vasculaire, respiratoire ou urinaire ne méritent aucune mention spéciale. En Algérie, d’après notre confière le D'' Crespin *, les localisations hépatiques ne seraient pas rares dans certaines épidémies. Du côté de la peau, on observe souvent des sueurs profuses, de la moiteur. Les taches rosées lenticulaires sont souvent plus dis¬ crètes et plus tardives ; elles sont d’ailleurs plus difficiles à dépister sur la peau colorée des individus bronzés par le soleil des tropiques. Les divers érythèmes, soit au cours, soit dans la convalescence de la fièvre typhoïde ne sont pas exceptionnels. J’arrive aux complications ; ces dernières, sont simplement celles que l’on rencontre dans les pays tempérés. Pour notre compte, les hémorrhagies intestinales ainsi que les perforations ne nous ont pas paru beaucoup plus fréquentes qu’en France ® ; il faut tenir compte ici de la gravité du génie épidémique et des coïncidences, qui peuvent fausser l’impression d’observateurs insuffisamment documentés. Les autres complications viscérales ou musculaires ne donnent lieu à aucune remarque intéressante. Les névrites, dont nous avons observé plusieurs exemples, ne sont ni plus graves, ni plus nombreuses que dans les contrées tempérées. Laveran. avait été frappé du nombre des parotidites rencontrées chez les dothiénentériques en Algérie. Dans notre statistique qui porte sur deux années nous en relevons deux cas observés dans une même quinzaine, c’est là une pure coïncidence. Du côté des complications musculaires et osseuses, je relève dans la même statistique ; 2 myosites très étendues des droits de 1. J. Crespin. La fièvre typhoïde dans les pays chauds. 1901. S. J’ai du opérer un individu atteint de perforation au cours d’un typlius ambulatorius ; l’iléon était extrêmement maiade et d’une friabilité inouïe tout le long de son parcours. (Voir J. Brault, Statistique aivh. provinciules île chirurgie, mars 1898.) 606 D- J. BRAULT l’abdomen, 1 myosite du jumeau interne à droite; 2 ostéites super¬ ficielles du tibia, 1 ostéite de la partie supérieure du péroné droit; ce qui est en somme peu de chose vis-à-vis du nombre de cas traités annuellement à l’hôpital du Dey, où j’ai pu faire mes observations. Pronostic, diagnose, traitement. — Aux pays chauds, la dothié- nentérie est surtout grave par ses associations avec les microbes banals (staphylocoque, streptocoque) et aussi avec la dysenterie, la malaria ^ et la coli-bacillose ^ ; c’est là ce qui augmente en grande partie sa gravité et rend la mortalité plus élevée. Les rechutes sont fréquentes et graves, les récidives ne le sont pas moins Les particularités cliniques sur lesquelles nous croyons avoir suf¬ fisamment insisté plus haut, les associations que nous venons de citer rendent le diagnostic de la dothiénentérie plus difficile aux colonies. Ce n’est pas tout; certaines affections inconnues, ou moins fréquentes dans les pays tempérés, peuvent être confondues avec la dothiénentérie et viennent encore compliquer les données du pro¬ blème. Prenons quelques exemples. Je n’apprendrai rien à personne en disant que certains cas de pseudo-continues d’origine purement malariaque ont pu en imposer pour une infection eberthienne. Le typhus dans l’Afrique septentrionale et aux Indes a donné lieu égale¬ ment à de semblables méprises. On sait d’autre part que la dysen¬ terie peut non seulement se combiner avec la typhoïde; mais encore, tout en restant pure, évoluer à la façon de la dothiénentérie (dysen¬ terie à forme typhoïde). J’ai été aux prises avec les deux et j’ai été quelquefois dans l’embarras. Dans nos régions, il est une affection qui peut surtout prêter grandement à confusion avec la dothié¬ nentérie, c’est la fièvre dite méditerranéenne, maladie encore très difficile à déterminer. Sans doute, on donne des signes de diagnose différentielle entre les deux affections, mais aucun n’est bien tranché ; leur ensemble même ne constitue pas un faisceau très caractéristique. Les symptômes suivants sont plus particuliers à la fièvre ondulante : sueurs profuses, nocturnes, constipation, 1. Typho-malarienne . 2. Il est d’autres maladies qui peuvent encore se proportionner avec la typhoïde (la tuberculose, le choléra, etc.) 3. J’ai par devers moi plusieurs exemples concernant Alger. LA FIÈVRE typhoïde DANS LES PAYS CHAUDS 601 remissions et rechutes, douleurs et gonflements articulaires, orchites légères, absence de tache rosées lenticulaires. Mais si l’on veut bien se reporter à ce que nous avons dit à propos des particularités cli¬ niques delà fièvre typhoïde dans les pays chauds, on veri-a que le type fébrile de la dothiénentérie y est souvent mal défini ; que beau¬ coup de signes considérés comme faisant partie du cortège habituel de la fièvre ondulante lui appartiennent également : sueurs abon¬ dantes, forme sudorale, constipation, rechutes ; il faut y joindre la discrétion des taches rosées lenticulaires. Tout ceci revient à dire que le diagnostic clinique, dans les pays chauds peut-être encore plus qu’ailleurs, doit être éclairé par les mé¬ thodes histologiques et bactériologiques. Le séro-diagnostic de Wright (micrococcus mélitensis), le séro-diagnostic de Widal (Eberth); l'examen des microorganismes, leurs cultures ; l’examen du sang (absence d’hématozoaires) pourront seuls lever les obstacles (fièvre ondulante, malaria) dans beaucoup de cas par trop difficiles à dia¬ gnostiquer cliniquement *. Et encore, il est parfois des diagnostics qui échappent; nous avions dernièrement dans notre service un jeune Espagnol qui pen¬ dant trois mois a présenté une courte de fièvre ondulante quasi typique : il n’a agglutiné franchement ni avec le melitensis ni avec l’éberth et nous n’avons trouvé chez lui aucun hématozoaire, bien qu’il est été, à sou dire, atteint de malaria. Ajoutons que chez beaucoup de malades qui ont pris plus ou moins de la quinine, il est impossible de retrouver des liémato- zoaires, bien qu’il s’agisse de malaria. Le traitement ne noiis parait pas se prêter à des considérations bien spéciales aux pays chauds. En raison de ce que nous avons dit de l’accentuation des troubles gastro-intestinaux et nei-veux ; l’anti¬ sepsie intestinale et la méthode de Brand doivent y être inscrites au premier rang. Les règles de la prophylaxie sont ici les mêmes que dans les 1. Bien entendu la plupart des fièvres dites climatiques : embarras gas¬ trique a colore, synoqiie des pays chauds, lièvre de quatorze jours, oca, lièvre ardente, fièvre inflammatoire, lièvre catarrhale, ne sont pas autre chose que des dothiénentéries plus au moins atténuées. 608 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE régions tempérées En fait de prophylaxie individuelle, pour le terrain, on devra redoubler de précautions vis-à-vis des causes de débilitation (fatigues, alcoolisme) ; il faut aussi se garantir de cer¬ taines contaminations en proscrivant les coquillages, les légumes crus mangés en salade ; on use et on abuse de ces derniers dans l’alimentation aux pays chauds. Quant à la prophylaxie publique, elle consiste comme partout à capter et à amener de l’eau pure ; à assainir et désinfecter les logements ; à éviter de toutes façons la contagion ; à construire de bons égouts étanches et à circulation active ; enfin à stériliser les eaux-vannes : épandage, épuration par les agents physiques et chimiques. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE ET DE GÉNIE SANITAIRE Séances des 12 et 26 juin 1901. Présidence de M. le D’’ Bhouaiidel. NOUVELLE CONTKIRUTION A L’ÉTUDE DES POLLUTIONS PROFONDES DES SOURCES DE LA CRAIE ET DU CALCAIRE, ET A LA FIÈVRE TYPHOÏDE CAUSÉE PAR l’eau DE CES SOURCES. Par M. le D'^ THOINOT, Agrégé de la Faculté de médecine des liûpitau.x. Ancien membre du Comité consultatif d’hygiciie. En février 1900, je présentais à l’Académie de médecine le pre¬ mier travail qui, je crois, ait été donné au point de vue médical sili¬ ce sujet. Les épidémies typhoïdiques de Besançon , celles de Paris étudiées par moi, la première en 1894, les secondes de 1894 à 1900, 1. Il faudrait, toutefois, réagir ici contre certaines pratiques religieuses qui peuvent faciliter la propagation de la maladie comme d’autres fléau-x (peslo, choléra, etc.) ; je fais surtout allusion aux ablutions dans les eaux dites sacrées et à leur absorption ensuite. D'^ THOINOT. — POLLUTIONS PROFONDES DES SOURCES 009 formaient, avec de très intéressants faits empruntés aux recherches si connues de M. Martel, la base de cette étude. Mes vues sur le rôle des sources à caractère vauclusien de la vallée de la Vanne dans la fièvre typhoïde à Paris et à Sens ont été confirmées de tous points par les recherches entreprises, sur l’ordre de M. le préfet, par un groupe de savants distingués, et tout ce que j’avais avancé s’est trouvé confirmé. J’ai ressenti une grande satisfaction à voir qu’une campagne entreprise avec mes seules forces et mes seules ressources et avec le seul aide de quelques amis dévoués, parmi lesquels je dois citer le D'' Moreau et M. Viraly, de Sens, campagne où peu d’ennuis, les uns légers, les autres fort graves, m’ont été épai’gnés, avait porté ses fruits. J’apporte aujourd’hui à la Société de médecine publique quelques nouveaux faits de pollution profonde de sources émergeant, les unes de la craie . les autres du calcaire , terrains également fissurés et également dangereux en quelques circonstances dont le méca¬ nisme est aujourd’hui bien connu et sur lesquelles il est inutile de revenir. Les faits sont d’ailleurs la meilleure démonstration et voici ceux que j’ai rassemblés à nouveau. Quelques jours après ma communication à l’Académie , je rece¬ vais une intéressante lettre de M. le D"' Ficatier, médecin des épidé¬ mies de l’arrondissement de Bar-ie-Duc, qui m’annonçait que les sources alimentant la ville de Bar semblaient bien elles aussi être des sources susceptibles de contamination profonde. Je me rendis à Bar-le-Duc, et sous la conduite de M. le D’’ Ficatier, assisté de ses dévoués collaborateurs, M. Colin, adjoint au maire et M. l’ingé¬ nieur en chef Rüss, j’ai examiné la question sur place et reconnu la haute valeur des preuves épidémiologiques et expérimentales que MM. Ficatier, Colin et Kttss ont su rassembler, et j’ai promis à ces messieurs de vous faire eonnaître leur belle étude qui constitue un document de plus dans le dossier dont je crois avoir établi, l’année dernière, la première pièce. Il y a quelques années, la ville de Bar réalisa l’amenée et la dis¬ tribution d’une puissante source jaillissant dans le village de Fains, au pied d’un haut plateau, dont il sera question tout à l’heure. Cette source, émergeant à 2 kilomètres environ de Bar, débite plus de SOO litres à la seconde en plein débit hivernal ; elle garde encore REV. d’hyg. xxm. — 39 610 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE 40 litres dans les périodes d’extrême sécheresse : par elle, la quantité était assurée. La qualité ne le semblait pas moins. Une analyse faite à l’École des mines déclarait l’eau de Fains une des plus pures de France. Bar-le-Duc semblait donc assuré contre la fièvre typhoïde ; la désillusion fut grande quand on vit que les faits démentaient une prévision paraissant aussi bien établie. De 188S — l’amenée de l’eau de Fains date de 1883 — au 1" janvier 1889, il y eut 1S4 décès par fièvre typhoïde, dont 70 dans la population militaire. En 1900, il y eut, au début de l’année, une sérieuse poussée qui causa 9 décès au régiment; il y en eut 6 en ville. La population de Bar n’est pas considérable et ce taux de mortalité typhoïdique est fort élevé. Les soupçons se portèrent sur la source de Fains. Le D' Legrand, médecin-major de 1” classe au 94° caserné à Bar, démontra jusqu’à l’évidence, par de nombreux graphiques, que j’ai vus moi-même et dont l’auteur a bien voulu me remettre copie, la corrélation constante entre les grandes pluies et l’apparition consécutive des cas de fièvre typhoïde au régiment. Il était bien facile de s’assurer, d’autre part, que l’eau de Fains, claire en temps de sécheresse, louchissait singulièrement après les périodes pluviales. Un quartier de la ville, — et il s’agit d’un quartier ouvrier — la rue du Véel, est alimentée exclusivement en eau particulière ; il reçoit la source Bourrot. Or il contraste par son immunité singu¬ lière contre la fièvre typhoïde avec le reste de la ville. Enfin, les analyses successives démontrèrent que la source de Fains était au moins de qualité variable. Il apparut d’abord par les analyses effectuées tant au laboratoire du Comité consultatif d’hy¬ giène de France qu’à celui du 6° corps d’armée que ces eaux, bonnes en période d'eaux claires, devenaient mauvaises en période d’eaux troubles. Le 22 novembre 1897, le Comité consultatif examine un échantillon d’eau — claire — : il la trouve excellente. Le 1" avril 1897, un échantillon trouble lui avait été envoyé ; il l’avait déclarée détestable. Variable nettement avec les apparences physiques, la qualité de l’eau pouvait d’ailleurs varier, l’eau conservant une apparence exté¬ rieure rassurante. Le 21 mars 1900, un échantillon fut envoyé au aboratoire du Comité : l’eau prise au griffon même élait claire : D-- THOmOT. — POLLUTIONS PROFONDES DES SOURCES 611 elle n’en fut pas moins trouvée détestable. « Souillée par des infil¬ trations d’eaux superficielles renfermant des matières fécales et des produits de putréfaction de matières organiques. » D’où venait donc l’évidente contamination des eaux? Des environs immédiats de la source ? Assurément non ; quand on a vu le point d’émergence on ne saurait soutenir cette hypothèse. De la canalisa¬ tion ? L’eau est impure au griffon même. La contamination ne pou¬ vait être que profonde. A priori c’était possible. iMM. Ficatier, Colin et Küss nous expo¬ sent en effet que le haut plateau de 80 à 100 kilomètres carrés, compris entre les rivières d’Ornaiii et de la Saulx d’une part, les vallées de Véel et de Montploiine de l’autre est constitué par un terrain calcaire à fissures nombreuses; en certains endroits il y a des trous, des bétoirs, des souterrains même : tel celui de Combles où nous sommes descendu nous-même. Les pertes de cours d’eaux sont bien connues dans le pays ; le Haut-Oriiain se perd ; l’Orge se perd. Une croyance populaire voulait même que les sources de Fains constituassent une réapparition de l’Orge ou du Haut-Ornain. MM. Ficatier, Collin et Küss ont vérifié directement que le fait n’était pas exact , au moins pour l’Orge, dont la perte ne commu¬ nique nullement avec les sources de Fains. Mais sur le plateau qui surplombe les sources alimentant Bar, plateau à sol crevassé, il se fait un épandage constant de matières fécales. Il y a des villages, et deux de ces villages ont immédiate¬ ment appelé l’attention de M. Ficatier et de ses collaborateurs. Vous voyez sur cette carte le village de Combles. Il est situé à 4 kilomètres environ à vol d’oiseau de Bar. Toutes les eaux rési¬ duaires, sans exception, suivent doucement la pente de la rue prin¬ cipale, et pénétrant dans une propriété située à l’extrémité du vil¬ lage, disparaissent dans un gouffre, situé dans celte propriété. Le volume de ces eaux résiduaires n’est pas négligeable : il était, au 25 janvier 1900, de 10 litres par seconde, soit 804 mètres cubes en vingt-quatre heures ! Voyez encore le village de Véel, situé à 3 kilomètres à vol d’oi¬ seau de Bar; toutes les eaux résiduaires se rassemblent pour venir se perdre dans un petit pré situé au-dessous du lavoir de chaque côté de l’ancien chemin de Véel à Combles. Ces eaux s’infiltrent dans le sol et dans un espace très limité elles disparaissent presque soudainement. Il fallait connaître l'aboutissant de ces eaux vannes disparues, leurs relations possibles avec les sources alimentant Bar-le-Duc. MM. Ficatier, Küss et Colin ont étudié ce problème capital à l’aide de la fluorescéine. Le 25 janvier 1900, ils versaient dans le gouffre où disparaissent les eaux vannes de Combles 5 kilogrammes de fluorescéine en dilu¬ tion. L’expérience avait lieu de 8 h. 3/4 à 9 h. 1/4. A 3 h. 15, c’est-à-dire six heures plus tard, la source de Fains alimentant la ville de Bar apparaissait colorée ; la couleur passa pendant cinq heures. Toutes les petites sources émergeant au pied du plateau en amont de la source de la ville furent colorées, et aussi une puis¬ sante source que vous voyez sur la carte située à quelque distance de celle de la ville, source dite des Eventails. Le problème était donc résolu pour les eaux vannes de Combles ; elles vont s’engouffrer dans un trajet souterrain qui les conduit rapidement à la nappe, ou à la rivière souterraine si vous voulez, D' THOINOT. — POLLUTIONS PROFONDES DES SOURCES 613 qui va émerger en partie à Fains, en partie à la source des Even¬ tails. Le 27 février, les mêmes expérimentateurs étudiaient les eaux résiduaires de Véel. La couleur parut le lendemain non à la source de Fair.s, mais à celle des Eventails; elle y persista pendant près de trente-six heures. Les eaux résiduaires de Véel ne semblent donc pas en commu¬ nication avec l’eau émergeant k Fains. Mais voici qui va démon¬ trer que si Véel même n’est peut-être pas dangereux , le plateau cultivé dans l’entourage immédiat du village n’est pas aussi inof¬ fensif pour les eaux du sous-sol. A 400 mètres de Véel existe un entonnoir profond de S mètres, une mardelle de tous points analogues à celles qui sont si nom¬ breuses dans la région de l’Avre et de la Vanne. Cet entonnoir reçoit les eaux d’égouttement des champs voisins qui s’y perdaient avec le faible débit de 8 litres à la minute le jour de l’expérience suivante. Le 10 mars, les expérimentateurs jetaient dans cet entonnoir 3 kilogrammes de fluorescéine et opéraient une sorte de chasse avec 400 litres d’eau. L’opération faite à huit heures du matin durait un quart d’heure. Le 12 mars, à huit heures du soir, soit soixante heures après, la source de Fains était colorée, et elle restait colorée pendant près de quarante-huit heures ; celle des Eventails restait exempte de toute coloration. Telle est la belle étude très concluante que j’ai tenu à vous pré¬ senter. Les expérimentateurs, dont je veux une dernière fois louer la science et l’habileté, ont eu la bonne fortune de voir la municipalité leur prêter un concours entier, les encourager, et suivre leurs études avec la plus grande attention. Aucun d’eux ne s’est vu blâmé ou pis encore pour avoir osé soupçonner l’eau de Fains de n’être pas la plus pure des eaux, et pour l’avoir scientifiquement démontré. On a estimé qu’ils avaient rendu service à leurs concitoyens. J’espère qu’à tous les points de vue, scientifique et administratif, les faits que j’ai eu l’honneur de vous exposer resteront un modèle à suivre. Les faits qu’il me reste à vous faire connaître m'ont été signalés 61* SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE par le distingué professeur d’hygiène à l’Université d’Iena, le D’’ Gartner. Je n’en donnerai qu’une analyse succincte que j’extrais des lettres que M. le D" Gartner a bien voulu m’écrire ; notre savant collègue se propose d’en faire l’objet d’une publication naturelle¬ ment plus détaillée. 1° La fièvre typhoïde à Soest. — La ville de Soest est située dans le bassin de la craie de Westphalie. Au milieu de la ville surgit une source puissante qui alimente aussitôt des moulins et qui n’est qu’une source de réapparition. Dans la ville se voient des anciens effondrements ou mardelles qui en temps de pluies vio¬ lentes deviennent des sources abondantes. Le terrain est constitué par de la craie turonnienne très fissurée. La ville tire son eau d’un puits foré qui, à 17 mètres de profon¬ deur, a rencontré une cassure de grande dimension dans laquelle l’eau s’élève à la façon de l’eau artésienne. En temps de pluie cette eau devient trouble et contient en abondance des gammarus qu’on est obligé de retenir avec des cribles placés en avant des pompes. Le nombre des bactéries s'élève en même temps d’une façon consi¬ dérable. Le puits fut établi en 1884 ; en 1899 uue épidémie typhoïdique sévit brusquement sur toute la ville. Nouvelle et brusque épidémie de 437 cas en 1892, en relation évidente avec la distribution d’eau municij)ale, car 2S cas seulement en tout n’ont pu être rattachés à cette distribution qui dessert 1,044 maisons sur 1,785. 2“ Epidémie de Paderborn. — Paderborn est comme Soest situé dans le bassin de la craie de Westphalie. L’épidémie typhoïdique éclata en septembre 1898; il y eut 234 cas ; elle se déroula en deux périodes. Tous les malades de la première, à l’exception de deux, étaient tributaires de la canalisation municipale qui dessert les deux tiers environ des maisons. Paderborn est situé par moitié sur la craie turonnienne et par moitié sur le terrain diluvien ; à la limite dès deux jaillissent, dans la ville même, 150 sources donnant 7 mètres cubes à la seconde. Ces sources sont de natures très variées ; certaines ont une tempé¬ rature de 15", 6 et environ 400 milligrammes de chlore par litre, et à 25 ou 30 mètres de là se trouvent des sources plus froides à 9",5 contenant 20 milligrammes de chlore. Les sources froides se trou- D' THOINOT. - POLLUTIONS PROFONDES DES SOURCES 615 blent en temps de pluie. C’est à ce dernier groupe qu’appaitiennent les sources qui donnent l’eau potable à la ville ; elles se troublent relativement assez rarement, mais contiennent alors plusieurs mil¬ liers de bactéries. Les sources se réunissent en six ruisseaux qui vont disparaître en totalité ou en partie dans les gouffres, les bétoirs, etc. Tout le terrain est fissuré et contient des mardelles en abondance. L’influence - des pluies sur l’épidémie a été très manifeste. Les 7 et 8 août de fortes pluies étaient tombées. Dans la garnison une partie des soldats, en manœuvre au dehors à cette époque, n’avaient pas consommé l’eau de la ville : ils restèrent sains ; l’épidémie frappa au contraire la partie des troupes qui ne s’absenta de la ville que plus tard. Même fait dans la population scolaire : ceux des élèves qui étaient partis en vacances c’est-à-dire avaient quitté la ville à la date des 7 et 8 août restèrent indemnes; ceux qui par¬ tirent plus tard furent malades. 3» Épidémie de Weimar et d’Apolda. — Au bord de l’Ilm, petite rivière de Thuringe émergent de la craie sur un espace de 3 hectares environ 12 sources dont une partie alimente Weimar, et l’autre Apolda, villes situées à 17 kilomètres l’une de l’autre. Le 28 juillet 1898 la fièvre typhoïde éclata à Weimar et à Apolda suivant dans ces deux villes une marche absolument parallèle : début, ascension, recrudescences, tout fut identique synchrone. Les sources émergeant de la craie qui alimentent ces ceux villes se troublent après les pluies, et leur trouble varie d’aspect suivant la couleur même de VUm à ce moment. Cette rivière traverse succes¬ sivement en effet dans son cours, des terrains de nature géologique variée : grès et craie ; la pluie tombe-t-elle sur le territoire de la craie, l’eau de l’Ilm prend une couleur grise ; tombe-t-elle au con¬ traire sur le territoire du grès, l’eau de l’Ilm devient rougeâtre. A 4'‘"',S00 en amont du point où émergent les sources qui ali¬ mentent Weimar et Apolda se trouvent, sur le cours de l’IIm, des pertes puissantes où l’eau de l’Ilm s’engouffre en partie avec force. Du sel de cuisine versé au niveau de ces pertes reparut dans les sources au bout de vingt heures, et une épreuve de même nature tentée avec de grandes quantités de bacilles rouge de Kiel réussit en dix-neuf heures. En amont des pertes se trouvent un certain nombre de villages 616 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE et de petites villes qui s’alimentent à l’Ilm et lui renvoient toutes les eaux vannes. Or, la fièvre typhoïde de Weimar et d’Apolda fut précédée par une épidémie dans plusieurs de ces villages, et elle en fut la conséquence certaine, comme il est facile de l’imaginer. De fortes pluies qui tombèrent les 9, 10 et 11 juillet jouèrent le rôle ordinaire. Tels sont, messieurs, les quelques faits que je voulais vous pré¬ senter. Les études faites en France nous en offriront bien d’autres encore, car dans notre pays où les sources émergeant de la craie et du calcaire dominent de beaucoup, on peut établir, je crois, cette règle que dans toute agglomération alimentée par une de ces sources — sources de belle apparence et très puissantes en général — la fièvre typhoïde, si elle n’est pas due à des souillures banales et faciles à écarter des abords de la source ou de la canalisation (toutes choses faciles à reconnaître) est due à des pollutions pro¬ fondes du genre de celles que je viens de passer en revue avec vous. Les caractères suivants ne manqueront jamais dans ces cas : ils résultent de la disposition même des choses et ont une haute signi¬ fication. La source se trouble après les pluies ; les matières orga¬ niques et les bactéries y augmentent singulièi-ement ; parfois très pure en régime de sécheresse, la source prend les caractères chi¬ miques et bactériologiques d’une eau dangereuse après les orages et les pluies abondantes, et c’est toujours à une période d’orages ou de grandes pluies que succèdent l’apparition et les recrudescences de la fièvre typhoïde dans la population alimentée par la source. Quand ces caractères se rencontrent, il n’y a plus qu’à chercher la cause de la pollution. C’est affaire de recherches patientes dans le bassin d’alimentation de la source. D' FERRIER. — LE REPASSAGE ET L’ASSAINISSEMENT DU LINGE 617 LE REPASSAGE ET L’ASSAINISSEMENT DU LINGE Par le D' FERRIER, Médecin-major, professeur agrégé au Val-de-Gràce. Les diverses manipulations que comporte le blanchissage du linge ont au point de vue de la désinfection de celui-ci ont une effica¬ cité indiscutable. L’essangeage et le savonnage le débarrassent des matières organiques adhérentes à ses fibres, et provoquent ainsi 'élimination de la plupart des bactéries ; le lessivage, en raison de l’immersion prolongée dans l’eau bouillante, équivaut presque à une stérilisation absolue; enfin le séchage lui-même, lorsqu’il s’opère au soleil, peut amener en peu d’heures la destruction d’une quantité assez notable de bactéries, parmi lesquelles il convient de citer le bacille typhique (Vincent, Revue d’hygiène, 1898, n“ 3). Nous nous sommes demandé, si le repassage ne pouvait pas égale¬ ment collaborer dans une certaine mesure à assurer l’assainisse¬ ment du linge. En effet le repassage porte le linge à une haute température, pendant quelques secondes il est vrai, mais peut-être la durée de son application est-elle suffisante pour provoquer la destruction de nombreuses bactéries? Nous avons essayé de vérifier cette hypothèse par les quelques expériences que nous rapportons plus loin. Avant de pratiquer celles-ci, il était tout d’abord nécessaire d’être fixé sur la température à laquelle s’exécute habituellement le repas¬ sage. Dans la pratique ordinaire, cette tempéi ature n’est évaluée que d’une façon très empirique; on .sait cependant que quelques gouttes d’eau projetées à la surface d’un fer à repasser passent immédiate¬ ment à l’état de vapeur. En nous servant de substances pulvéru¬ lentes, fondant à des températures déterminées, que nous interpo¬ sions entre un fer à repasser et un linge sec, nous avons pu constater que la température propice pour le repassage peut atteindre 169 degrés (température de fusion de l’iiydroquinone), qu’elle des¬ cend rarement au-dessous de 133 degrés (température de fusion de l’acide tartrique). Dans les cuvettes et cylindres des machines à repasser chauffées par la vapeur, on emploie des pressions de 3 kilogrammes, quelquefois de 5 kilogrammes, correspondantes à 618 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE des températures de 13S à ISO degrés. Dans les sécheuses-repas¬ seuses à rouleaux multiples, la pression dans les cylindres peut atteindre de 6 à 7 atmosphères, donnant ainsi à la surface des cylindres uné température d’environ 160 degrés. On peut donc admettre que dans la pratique le repassage s’exécute à des températures variant le plus souvent de 140 à 160 degrés . Nous avons pratiqué nos expériences en nous rapprochant le plus possible des températures indiquées ci-dessus. Nous nous sommes servis tantôt d’une repasseuse à gaz, tantôt d’un fer à repasser ordinaire, dont nous relevions la température ainsi que nous l’indiquerons plus loin. Les linges de toile ou de flanelle, les bandes de drap, employés dans nos expériences, étaient fraîchement imprégnés de cultures, afin de nous rapprocher le plus possible des conditions *de la pratique ordinaire, le repassage ne s’exécutant en général que sur les linges encore humides. a) Première série d’expériences faites avec une repasseuse a gaz. La repasseuse était maintenue à une température moyenne ; le repassage était exécuté par un personnel habitué au maniement de l’appareil. Des petites bandes de toile et de flanelle, larges de 4 centimètre et longues de 3 à 4 centimètres, récemment imprégnées de cultures diverses furent mises en contact avec la repasseuse pendant une durée qui n’excéda jamais huit secondes. Elles furent ensuite immergées dans des tubes de bouillon qu’on laissa à l’étuve pendant quinze jours. Les résultats sont consignés dans le tableau ci-dessus ; le signe — indique que les cultures ne se sont pas développées, et que par suite D' FERRIER. - LE REPASSAGE ET L’ASSAINISSEMENT DU LINGE 619 les bandes de toile ou de flanelle avaient été stérilisées ; le signe -|- indique au contraire que la stérilisation avait échouée. On ne put donc obtenir, ainsi qu’il fallait s’y attendre d’ailleurs, la destruction du bacillus subtilis. Par contre tous les autres germes succombèrent. b) Deuxième série d’expériences faites au moyen d’un fer A REPASSER. Le fer employé était percé d’un canal dans lequel pénétrait la tige d’un thermomètre; on pouvait ainsi, en raison de la grande conductibilité du métal, connaître la température de la face infé¬ rieure du fer directement en contact avec les étoffes en expérience. Cette température, ainsi que nous avons pu nous en assurer, corres¬ pondait assez exactement à celle indiquée par le thermomètre ; en effet lorsqu’on mettait le fer en contact avec des substances pulvé¬ rulentes fondant à des températures déterminées (hydroquinone, santonine, acide pyrogallique, soufre), on ne relevait que 2 ou 3 degrés d’écart entre le point de fusion de ces substances et la température du thermomètre. Cette méthode nous a permis de constater les effets du repassage à diverses températures et pendant des durées variables. 620 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Nous avons ainsi soumis au repassage des petites bandes d’étoffes (linge, flanelle, drap) préalablement trempées dans des bouillons de cultures ou dans des dilutions de cultures sur agar. Le tableau ci-dessus donne les résultats obtenus à diverses tem¬ pératures pendant un repassage de cinq secondes. Ainsi donc entre 160 et 150 degrés toutes les étoffes (linge, fla¬ nelle, drap) fraîchement imprégnées des cultures indiquées ci-dessus sont désinfecté Quant aux désinfections, on n’en a fait en tout que MO dans toute l’année , dont la moitié (62) pour des cas de tuberculose pulmonaire ; et cependant la gratuité a été largement offerte aux intéressés, plus largement même que l'année précédente. N’estrce pas là une situation d’autant plus lamentable, que ces faits se passent dans une ville de Faculté, dans une population qu’on dit très éclairée et intelligente. N’y aurait-il pas lieu de stimuler cette inertie du public, des familles, des médecins eux-raémes, par des conférences, par des instructions de l’autorité communale ou préfectorale, par une sorte d’agitation de l’opinion publique? Que des faits pareils se produisent dans un chef-lieu de canton éloigné des lignes de chemins de fer où les idées de progrès pénètrent difficilement, cela peut à la rigueur se comprendre; mais à Montpellier ! au siège de cette Faculté qui conserve si pieusement la mémoire du premier et du plus illustre des hygiénistes ; Cous olim, nunc Monspeliensis Hippocrates. N’est-on pas autorisé à considérer comme le résultat de cette infrac¬ tion à toutes les mesures de police sanitaire les chiffres suivants qu’a fournis la mortalité de Montpellier en 1900 ? Pour une population de 73,659 habitants (recensement de 1896), il y a eu 2,133 aécès et seule¬ ment 1,582 naissances ! Il est vrai que l’on peut retrancher du chiffre total des décès 12 fournis par les militaires et 197 fournis par des passa¬ gers, soit en tout 1,925 décès contre 1,582 n.aissances! Ce n’est pas de ce côté qu’on peut attendre le relèvement de la population de la France. Nous aurions aimé trouver dans la lettre d’envoi au maire qui précède ce rapport, l’expression des regrets que doit inspirer une situation aussi lamentable. A part la phrase mélancolique que nous signalions tout à l’heure, rien n’attire l’attention de l’autorité sur l’inobservation des mesures imposées par la loi, sur le peu d’utdité réelle d’un service de désinfection qui doit coûter fort cher à la municipalité puisqu’il sert si rarement, sur la dépopulation qui menace l’une des capitales du Midi. Il est probable que le directeur est fatigué de clamer dans le désert, et qu’il pourrait dire à son tour ; <■ Un désespère alors qu’on espère tou- jom-s. Il Nous lui envoyons dans ce cas l’expression de toutes nos condoléances et nos encouragements pour de nouveaux efforts. E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX Contribution à Vhistoire de l’épidémie de peste à Kolobovka, par N. Schmidt {Wralch, 1900, n"* H et 12). L’épidémie de peste à Kolobovka (district de Tzarevski, gouvernement d’Astrakhan) a duré du 16 juillet 1899 au 9 août de la même année. Il y eut 24 cas dont 23 terminés par la mort. ItEV. D’HYG. xxiu. — 40 REVUE DES JOURNAUX Sur les 12 maisons allciiiles 8, avec 18 malades, se trouvaient dans des rues voisines l’une de l’autre ; mais il y avait aussi des cas dans des mai¬ sons assez distantes les unes des autres. La voie par laquelle s’ est faite la première contamination n’a pu être établie avec certitudes, car on était en présence de trois hypothèses éga¬ lement plausibles de contamination : 1“ par des lettres venues du frère de la première malade, frère qui navigue en Extrême-Orient ; 2“ par suite des relations des indigènes du gouvernement d’Astrakhan avec la Mongolie où Zabolotni a découvert des foyers endémiques de peste; enfin 3“ les relations entre Astrakhan et la Perse et les pèlei-inages des Mahométans. Parmi les très nombreuses personnes qui assistèrent au convoi et au repas des funérailles de la malade morte la première, seules furent contaminées celles qui entrèrent en rapports plus ou moins étroits avec la malade, la propriétaire, la femme qui lava le corps de la défunte, les voisins qui venaient souvent la voir. D’autre part, les habitants du vil¬ lage qui travaillaient sur des champs voisins et qui ne rentraient à Kolo- bovka que de temps à autre pour chercher des produits divers, restèrent tous indemnes. M. Schmidt en conclut que l’épidémie de Kolobovku n’était contagieuse qu’à condition de rapports plus ou moins intimes et prolongés avec les malades, leurs maisons et leurs vêtements. Par consé¬ quent, tant que le foyer est petit, il est péremptoirement démontré qu’on peut l’arrêter et l’éteindre sur place ; un des meilleurs moyens d’arriver à ce résultat c’est d’organiser des quarantaines intérieures (des maisons ou quartiers atteints). Le professeur Tchislovüch a rapporté les résultats de ses recherches bactériologiques et anatomo-pathologiques. L’autopsie n’a pu être fai le que dans 5 cas ; ou trouva deux fois des lésions de pneumonie pesteuse, deux fois une pleurésie et une fois des bubons. Dans un cas il n’y avait ni bubons, ni pneumonie. Les bacilles de la peste furent trouvés dans les préparations faites avec les organes des sujets morts de peste et dans les crachats, mais non dans le sang. Ces bacilles inoculés aux souris et aux cobayes ont amené'la mort de ces animaux. A l’autopsie de ces derniers on trouva des foyers d’atélectasie pulmonaire, de l’hypertrophie de la rate et un exsudât séro-sanguinolent dans le point injecté. Les ensemencements avec les organes de ces animaux ont reproduit le même bacille, sauf ceux faits avec les organes de la souris qui a succombé la première ; celle-ci a donné des cultures qui décomposaient le sucre de raisin en donnant des gaz et troublaient le bouillon. D’autre part, le professeur Tchistovitch a parlé de l’épidémie (jui avait éclaté à peu près vers la même époque à Samara et que l’on avait d’abord cru être de nature pesteuse, mais qui ne l’était pas en réalité. La cause de l’erreur faite au début par les médecins était qu’en un espace de temps très court il y eut 9 malades très suspects dont S succombèrent rapidement. En outré, à l’autopsie d'un de ces malades on avait trouvé un bacille qui à première vue ressemblait à celui de la peste. Mais un examen plus attentif démontra que ce bacille troublait le bouillon. RBVL’E DES JOUUNAEX décomposait la glucose en dégageant des gaz, était mobile, etc. A l’au¬ topsie d’un de ces malades le professeur Wissokovitcli trouva des lésions de malaria maligne avec infection secondaire par un bacille ressemblant au coli-bacille. Chez les 4 autres sujets que M. Wissokovitcli a pu examiner avant leur mort, il trouva chez l’un une pneumonie et chez les trois autres une forme grave de malaria. On venait de sortir de l’épia démie de Kolobovka ; on craignait l’extension de l’épidémie et l’atten¬ tion était surtout dirigée vers ce point, et la responsabilité morale des médecins eût été beaucoup plus grave qu’ils avaient laissé passer ina¬ perçue une épidémie de peste au début ; et c’est ainsi qu’on s’explique la fausse alarme donnée par les médecins du zemstvo de Samara. Dans son article consacré au même sujet dans le n“ .3 du Wratch, de 1900, par M. AnousTAMov qui a été envoyé un des premiers à Kolo¬ bovka, nous trouvons la description détaillée de la marche de la petite épidémie sur laquelle nous ne nous arrêterons pas. Mais ce qui mérite d’y être souligné, c’est ce fait que l’épidémie s’élait nettement arrêtée lorsque l’on isola dans une maison spéciale les malades, dans une autre les douteux et dans une troisième les personnes bien portantes qui s’étaient U’ouvées dans les maisons contaminées. Les médecins auscultaient sans slethoscope et ne portaient pas de blouses ; en fait de mesures hygiéniques ils se contentaient de changer do vêtement après chaque visite, de se laver au sublimé la chaussure, la face et les mains. Aucun des membres du personnel médical n’a été atteint . S. Broido. L'anlialcoolisme dans les écoles, par L. SKAnoiNSKV {Journal de la Société russe d’hygiène publique, 1900, mai, p. 449). A la fin du travail de l’auteur, qui a fait l’objet d’un rapport à la Com¬ mission pour la lutte contre l’alcoolisme, nous trouvons un programme pour l’enseignement de l’antialcoolisme. Ce programme doit être double, d’après Skarginsky : rendre d’une part l’enseignement de l’antialcoolisme aussi nécessaire pour la société (luo celui de toutes les .autres sciences; organiser des cours spéciaux d’anti¬ alcoolisme dans les écoles d’enseignement primaire et secondaire; d’autre part, englober l’enseignement de l’antialcoolisme dans tous les autres cours. Par exemple, dans les écoles primaires, l’enseignement se fait à l’aide de schémas et de dessins. Ces schémas et ces dessins doivent se rap¬ porter en partie à l’antialcoolisme, en montrant les effets nuisibles de l’alcool. Les murs des écoles doivent être couverts de tels tableaux dont la signification sera expliquée aux élèves. Quand un enfant commence à apprendre à lire, il faut choisir pour la lecture les exemples des effets désastreux de l’alcoolisme. Dans les leçons d’écriture, de calligrajihio, d’orthographe, il faut donner aux enfants à copier et à dicter des ma.ximes d’antialcoolisme dont l’introduc¬ tion dans tous les manuels doit devenir obligatoire. Pour développer l’in¬ telligence des enfants, il faut leur raconter des nouvelles que les élèves 628 REVUE DES JOURNAUX répètent eux -mêmes ensuite, et ces nouvelles doivent contenir des pas¬ sages relatifs aux bienfaits de la spbriété. II. faut surtout faire afficher les masdmes sur l’antialcoolisme dans les villages et les centres industriels, sur les murs des écoles primaires. Les enfants, par le fait même d’avoir toujours vu ces maximes affichées, les auraient apprises par cœur, et les auraient répétées en revenant à la maison. De telles maximes apprises par cœur et lues tous les jours sur les, murs de l’école, se graveraient dans la mémoire pour toujours. Dans l’enseignement du calcul aux enfants on peut leur poser des problèmes se rapportant aussi à l’antialcoolisme. Ainsi, par exemple : si un alcoolique dépense pour sa boisson telle ou telle somme, com¬ bien, s’il était sobre, aurait-il pu économiser ou mettre à la caisse d’épargne ? Quelle fortune aurait-il eu après un temps donné ? etc. L’auteur propose d’introduire dans le programme des écoles primaires des additions sur l’antialcoolisme àtousles chapitres d’enseignement déjà existants, sans avoir recours à des cours proprement dits sur l’alcoo¬ lisme. Dans les écoles secondaires, il propose encore d’ajouter aux cours déjà existants, des cours sur l’antialcoolisme, d’après les indications sui¬ vantes : 1“ Expliquer aux élèves les partfes de l’organisme humain et la com¬ position des boissons et des aliments que nous employons ; 2° Indiquer quels sont les boissons et les aliments pour l’âge et ta profession de chaque sujet ; 3“ Comparer las principaux aliments et les principales boissons employés par l’homme; 4® Enseigner aussi complètement que possible la composition et les propriétés des boissons alcooliques et des boissons non alcooliques ; 5® Enseigner l’action de l’alcool sur l’organisme humain et illuslrei' cet enseignement par des expériences. Indiquer l’action spéciale de l’al¬ cool sur le cerveau ; ^ 6® Montrer l’action de l’alcoolisme au point de vue pathologique, mon¬ trer par exemple l’influence nocive de l’alcool sur la digestion, le foie, le système nerveux ; 7® Montrer les chiffres statistiques des accidents produits par suite de l’alcoolisme ; 8® Faire des cours sur l’alcoolisme et les maladies mentales ; 9® Sur l’alcoolisme et la mortalité ; 10® Sur l’alcoolisme et le suicide ; 11® Sur l’alcoolisme et la mortalité des marchands d’alcools ; 12® Faire la comparaison des statistiques do la mortalité chez les alcooliques et les gens sobres; 13® Faire la comparaison de la composition de différentes boissons alcooliques; 14® Montrer les résultats de l’emploi de l’alcool au point de vue éco¬ nomique; 15® Faire des cours sur l’alcoolisme et la criminalité ; REVUE DES JOURNAUX 629 16“ Les autres moyens de lutte contre l’alcoolisme sont les suivants : a) créer un enseignement d’antialcoolisme ; b) mettre des entraves aux permissions d’ouvrir des cabarets; c) élever le prix des boissons spiri- tueuses ; d) perfectionner la méthode de distillation et déterminer les conditions de pureté sans lesquelles les baissons spiritueuses ne pour¬ raient être vendues; e) punir et arrêter les ivrognes; f) élevçr isolément les enfants des alcooliques ; 17“ Organiser des sociétés de tempérance pour les adultes et les enfants; 18“ Organiser des cafés pour les antialcooliques ; 19“ Organiser des hôpitaux pour les alcooliques ; 20“ Faire un exposé historique et statistique de la lutte contre l’alcoo¬ lisme. Outre les causes sur l’antialcoolisme, il faut exiger des élèves des com¬ positions et des thèmes sur l’anlialcoolisme, et cela de telle façon qu’en dehors de l’enseignement aride et des chiffres inévitables l’élève apprenne à réfléchir sur la question. Il assimilera ainsi mieux les principes de l’antialcoolisme et par suite de l’exercice cérébral sur cette question ; il arrivera à quelques conclusions personnelles qui faciliteront la propa¬ gande ultérieure de ses idées. Au cours des premières années d’études dans les écoles secondaires, il faut introduire la récitation de pièces de vers sur l’anlialcoolisme; dans les classes plus élevées on organisera des cours que les élèves feront eux-mémes, des déclamations devant les camarades en présence des professeurs et du directeur do l’établissement scolaire. Tout cela permettra à l’adolescent d'apprendre à parler, à penser sur l’anlialcoo- lisme et en même temps lui facilitera l’assimilation des principes sur celte question. Dans les écoles supérieures, facultés, universités, académies, écoles spéciales, etc., l’enseignement antialcoolique peut être introduit dans tous les cours. Cette plaie sociale qu’on nomme alcoolisme doit être traitée partout où l’on enseigne : que , ce soient lois, mathématiques, économie politique, médecine. S. Broïdo. Valeur du sérodiagnostic dans la fièvre typhoïde, par Tli. Dombrovsky (Wratch, 1900, n““ 4 et S, p. 104 et 139). L’auteur a contrôlé la valeur de ce moyen de diagnostic sur 96 malades suspects d’être atteints de fièvre typhoïde. 11 a obtenu des résultats posi¬ tifs dans 83 cas; dans leslScasnégalifs, l’évolution ultérieure ou l’autopsie confirme qu’il ne s’agissait pas de fièvre typhoïde. Dans les 83 cas posi¬ tifs, révolution ultérieure ou l’autopsie confirma le diagnostic de fièvre typhoïde. Mais, il y eut 2 cas où, dans l’un, le diagnostic de fièvre typhoïde elle résultat positif de la séroréaction furent démentis par l’autopsie, et l’autre où le résultat de la séroréaclion fut négatif et où l’on trouva à l’autopsie des lésions de fièvre typhoïde. Dans le premier de ces deux cas, on trouva à l’autopsie l’endocardite ulcérovégélacèle et des ulcérations REVUE DES lODRNAUX tuberculeuses du gros intestin. L’examen baotériologiçiue des ulcérations n’a pu être fait. Mais avant son entrée à l’hôpital ce malade traînait depuis un mois et aurait eu la grippe, qui n’était peut-être qu’une fièvre typhoïde ambulatoire. Dans le cas où la séroréaction fut négative, et où l’on trouva à l'autopsie des lésions typhiques, le sérodiagnostic a été fait au 11' jour de la mala¬ die ; d’ailleurs, ici il y avait à la fois ulcérations tuberculeuses et ulcéra¬ tions typhiques de l’intestin. L’auteur a, en outre, tenté le sérodiagnostic avec le sérum typhique chez 18 tuberculeux et chez 20 sujets sains ; sur les 1 8 tuberculeux 6 don¬ nèrent des résultats positifs avec la dilution à 1 pour 10 ou 1 pour 25, mais jamais avec le sérum de 1 pour 50. Chez les sujets sains M. Dom- brovsky a obtenu 2 résultats positifs, mais avec la dilution à 1 pour 25. En ce qui concerne la persistance de la séroréaction, l’auteur l’a trouvée jusqu'à cinq mois après la fièvre typhoïde, parce que les rechutes rendent plus longue la durée de cette persistance. S. Bnoino. Alcoolisme dans l'armée, ses causes, par P. V. Poütilor {Journal de la Société russe d'hygiène publique, 1900, février-mars, p. 194). Après une étude' très détaillée de l’alcoolisme dans l’armée russe, de ses causes et de ses effets, l’auteur donne les conclusions suivantes : 1® Les rapports sur l’état sanitaire de l’armée ne donnent pas de chiffres exacts de l’alcoolisme, des maladies qu’il provoque et de cas de mort qu’il occasionne dans l’armée. Ces cas sont en réalité beaucoup plus nombreux que ne le dit la statistique ; beaucoup d’affections occa¬ sionnées par l’alcool sont comprises dans d’aütres chapitres, la plupart sont inscrites sous le nom d’ambulatoires qui ne préjuge de rien. 2° Beaucoup de maladies qui éclatent au cours des manœuvres sont ducs à l’alcool, à la possibilité de se griser «pom' se chauffer», jusqu’à la perte de tout sentiment, avec l’eau-de-vie qu’on trouve dans les cantines et qui est expressément acheté, parfois même en grande quantité, dans ce but. 3® Avec la diniinution de l’alcoolisme dans l’armée on aura aussi une diminution des maladies vénériennes qui sévissent impitoyablement dans l’armée, ainsi que la diminution de beaucoup d’autres maladies. On verra par la même occasion diminuer le nombre des soldats criminels. Tout cela amène la diminution des dépenses pour les hôpitaux et les prisons militaires. Ceci est dit pour tranquilliser les hraves gens qui craignent l’affaiblissement du Trésor par suite de la propagation des idées de tem¬ pérance. 4® La chasteté stricte n’est observée pendant une expédition que par les soldats absolument sobres et ce sont ceux-là qui sont aussi les plus sains, les plus moraux, les plus disciplinés. 5® Le (I petit verre » accordé dans les occasions solennelles et les jours fériés contribue non seulement à l’alcoolisation des soldats, mais mène fatalement sur là même chemin beaucoup d’officiers. 631 REVUE DES JOURNAUX 6“ L’opinion personnelle du commandant sur les effets nuisibles ou sur l’innocuité de l’alcool a une grande influence sur la diminution ou l’aug¬ mentation de l’alcoolisme des soldats qui lui sont confiés. 7“ Dans les spectacles organisés pour les soldais, les pièces jouées où l’on voit à chaque instant vanter les bienfaits de l’alcool, où agissent des personnages ivres, où l’on prêche sur la scène la nécessité pour les ouvriers, les soldais de boire un coup, contribuent à la propagation de l’alcoolisme dans l’armée. 8” L’expédition de Nansen au pôle Nord et celle de Kitchener dans l’Afrique, faites toutes les deux sans alcool, montrent que, non seulement on peut, mais qu’on doit se passer do cette boisson, aussi bien aux pôles que sous les tropiques. 9° La vie militaire présente des conditions spéciales qui favorisent l’alcoolisme. Aussi faut-il entreprendre une lutte immédiate contre ce fléau. Il faut que les officiers prêchent d’exemple aux soldats et, à cet effet, il faut commencer l’éducation de la sobriété des officiers dès le jeune âge, dans les écoles militaires spéciales (corps de cadets et autres), on faisant connaître aux élèves de ces écoles les effets désastreux de l’alcool. Actuellement, la plupart des officiers n’ont pas les notions néces¬ saires sur ce sujet, ou n’ont du moins que des connaissances très insuffi¬ santes pour exercer une influence salutaire sur les soldats à ce point de vue. 10“ Ce qui contribue encore à la propagation de l’alcoolisme dans l’armée, ce sont les économies d’argent qu’on fait dans les caisses des régiments aux dépens du chauffage des casernes et de la qualité des produits de première nécessité, ainsi que la nourriture uniforme, souvent insuffisante et mal préparée des soldats. S. Broido. Essais sur la vaccination anticharbonneuse des rennes, par N. Ekkbrt {Société d’hygiène publique de' Saint-Pétersbourg, in Wratch, 1900, n“ 4, p. 120). Dans le gouvernement d’Arkhanghelsk et quelques autres gouverne¬ ments septentrionaux, le charbon ravage souvent les troupeaux de rennes. Pour y remédier l’auteur a fait quelques essais de vaccination. Mais la première tentative faite avec le vaccin sporulé de Pasteur (fabriqué par une société industrielle anonyme de Nijni-Novgorod) a donné des résultats très insuffisants. On recourut alors au vaccin préparé par le professeur Tzenkovsky et déjà contrôlé sur un grand nombre d’animaux domestiques de différentes especes. La vaccination des rennes d’un troupeau déjà frappé a donné des résul¬ tats négatifs. Par contre, les inoculations préventives faites dans des régions indemnes a donné d’excellents résultats : les animaux vaccinés résistaient parfaitement à l’inoculation consécutive avec une culture très énergique qui provoquait chez eux à peine une légère réaction fébrile, tandis que les animaux témoins succombaient à cette inoculation au bout de deux à trois jours. 032 REVUE DES JOURNAUX Se basant sur ces données, M. Ekkert préconise la vaccination préven¬ tive des rennes avec des cultures charbonneuses atténuées, mais il trouve inutiles les inoculations pendant une épizootie déclarée. Ces inoculations n’ont pas seulement un intérêt strictement vétérinaire, car on a observé plusieurs cas de charbon chez des hommes ayant mangé de la viande qui provenait de rennes, d’animaux malades. S. Bnoino. Les bases organiques du naphte de Bakou, par le professeur G. Khlo- piNE {Société d'hygiène publique de Saint-Pétersbourg, in Wralch, n“ ü, 1900, p. 156). Ces bases sont contenues dans le naphte en (juantité à peine appré¬ ciable ; ainsi dans 11 kilogrammes de goudron de naphte on u’en a retiré que 3 grammes. Cette substance a de nouveau été isolée en 1898 par Nixitin au cours de ses recherches sur l’influence du naphte, sur la qualité de l’eau et sur le poisson, puis décrite par M. Khlopine et par M. P. Shes- takov. Actuellement, l’auteur rapporte les résultats de ses nouvelles recherches sur le corps en question. C’est une masse huileuse foncée à reflet verdâtre, épaisse, à odeur rappelant les corps de la série pyridique, peu soluble dans l’eau, très soluble dans l’alcool, l’éther et le benzol. Il résulte de son analyse chi¬ mique que ce corps, d’après sa composition et ses propriétés physiques, appartient au groupe des dérivés de la pyridine ou de la quinoline. Mais, une analyse plus détaillée démontra qu’il s’agissait, non pas d’une seule substance, mais d’un mélange de plusieurs bases azotées, dont on a isolé déjà cinq. La partie biologique de ses recherches consistait en expériences faites sur des animaux à sang chaud, sur des poissons et sur des bactéries. A. Animaux à sang chaud. La substance isolée a été injectée sous la peau à des cobayes et à des rats blancs, à la dose de 0S'',0277 à 0»%0554 ; elle ne semble pas exercer une action nocive quelconque sur ces animaux. B. Poissons. 0s'',011 de bases mis dans un' aquarium contenant 50 litres d’eau où se trouvaient 2 gardons n’ont exercé aucune fâcheuse influence sur le poisson ; mais 0b'',721 ajoutés à 5 litres ont amené au bout de trente-deux heures la mort du poisson placé dans cette eau. L’auteur ayant constaté dans ses travaux antérieurs que le résidu du naphte est nocif pour le poisson, il en conclut maintenant que l’agent nocif n’est pas dans les bases organiques isolées, étant donné que ces bases ne sont nocives qu’à dose relativement beaucoup plus élevée que celle à laquelle elles se trouvent normalement dans l’eau souillée par le naphte. Celte action nocive doit donc être attribuée aux hydrocarbures de naphte et à leurs dérivés. C. Des émulsions avec 1 p. 100 des bases en question n’exercent aucune action sur les cultures bactériennes. S. Bnoino. La destruction en masse de poissons aux pêcheries d’Astrakhan, par M. N. Shmidt (Société d’hygiène publique de Saint-Pétersbourg, in IVratch, 1900, n“ G, p. 183). REVUE DES JOURNAUX 633 En 1899, l’inspection sanitaire a découvert à l’une des pêcheries les plus importantes du Volga, 20 « cimetières » de poissons. Ces cimetières se composaient d’un certain nombre de fossés (plus de 150), d’environ 2 mètres de profondeur sur 1"',50 de largeur et autant de longueur. Le poisson qui y était enterré (environ 17,000,000 pièces) était frais, c’est- à-dire non salé, et de toutes tailles et toutes espèces (Pourquoi enterré ?) Dans la plupart de ces fossés l’eau couvrait le fond en formant une couche de 0'“,15 à O^.SO de hauteur; cette eau appartenait à la nappe souterraine. D’autres fosses partaient des ruisseaux qui se déversaient dans le tleuve ; à la surface de certaines fosses des gaz putrides se déga¬ geaient. Les poissons étaient en putréfaction active et l’odeur putride péné¬ trait très loin au delà des cimetières. Cependant, après la crue hivernale habituelle, l’infection de l'air était beaucoup moindre; à ce moment, probablement, sous la pression de. la couche de terre qui les couvrait, les poissons s’étaient aplatis et leurs sucs étaient comme exprimés, puis probablement absorbés par le sol ; cet ensemble de faits donnait une fausse apparence de putréfaction sèche. En raison des conditions météorologiques, des crues périodiques et de la nature du terrain, le voisinage de la nappe souterraine très élevée, ces masses de matières organiques en putréfaction infestent les eaux, le ter¬ rain, le sol et l’air, et seule la combustion de ces poissons ou leur transformation en guano peut permettre d’éviter tous les résultats fâcheux possibles d’un tel étal sanitaire ou plutôt antisanitaire. Pour le professeur Siiidlovskv, la combustion dont le prix de revient est trop élevé et la technique encore insuffisamment perfectionnée, ne peut pas être préconisée ; mais il faut exiger que l’enfouissement du poisson et de ses déchets se fasse dans de meilleures conditions, à savoir : qu’une surface suffisante couvre les masses de poisson, que le terrain soit sec et que l’eau souterraine voisine ne puisse être polluée. Si la combustion est faite dans de mauvaises conditions permettant aux dérivés de la distilla¬ tion de se répandre dans l’air, elle ne peut pas être considérée comme une mesure à recommander. S. Broido. Combuslion. et désinfection des ordures des habitations et des rues, par le professeur Th. Euisman.x (Archives russes de pathologie, de méde¬ cine clinique et de bactériologie , 1900, vol. IX, p. 441). Dans un travail très détaillé, l’auteur passe en revue tous les procédés employés justiu’à présent pour se débarrasser des ordures ménagères et de celles des rues. Avec preuves à l’appui, il arrive à cette conclusion qu’actuellemenl ni le système d’Arnold-Desbrochers ni celui des Schnei¬ der-Wegener ne peuvent égaler, au point de vue des applications pra¬ tiques, le système de combustion des ordures dans le four d’Horsfall. L’action de la vapeur ne peut être appliquée qu’aux déchets de cuisine; en plus, elle est insufiisante au point de vue sanitaire et esthétique. Le système de fusion (ou l'onte) des ordures , tout en répondant à toutes les conditions sanitaires, est d’un revient trop cher et la technique de ce procédé n’est pas encore suffi.samment élaborée. KlîVUE DES JOUBNAUX Aussi l’auteur conseille-t-il d’avoir toujours recours au four d'Horsfall chaque fois qu’une ville devra choisir entré les divers systèmes de des¬ truction des ordures. Le système d’Horsfall, sous la forme actuelle et avec une exploitation rationnelle, répond mieux que tout autre aux exi¬ gences de l’hygiène, de la technique moderne et de l’économie. La destruction des ordures urbaines dans les fours d’Horsfall ne coûte pas plus cher que le procédé actuellement en cours qu’on peut appeler barbare. Le prix est surtout abaissé si l’on utilise la chaleur dégagée et les produits obtenus. Aussi les villes plus ou moins grandes où l’incon¬ vénient d’accumulation des grandes quantités d’ordures dans les environs se fait particulièrement sentir, doivent-elles sans crainte entreprendre la construction des établissements pour la combustion des ordures. Ce serait un très grand pas en avant aussi bien au point de vue sanitaire que de la beauté extérieure des villes. Les avantages de ces établissements au point de vue de la santé publique consistent non seulement dans la désinfection convenable des ordures, mais surtout dans la suppression des masses putréfiées et fétides qui encombrent actuellement les fosses d’aisance et les égouts , qui infectent l’air de nos cours et de nos habitations. Quand on aura les fours à combustion des ordures, ces masses ne resteront pas indéfiniment dans les cours. On n’aura plus ni besoin ni possibilité de conserver pendant des mois et des mois, à proximité des habitations, ces déchets putréfiés et les fosses où l’on a l’habitude de les conserver deviendront inutiles. L’organisation du système de combustion des ordures doit être entre les mains de la municipalité. Le transport de ces ordures doit se faire très souvent, à intervalles réguliers, trois fois par semaine et plus, car les fours à combustion réclament continuellement des matières à com- burer. Alors les déchets culinaires, les balayures , les cendres des chemi¬ nées et des poêles, ainsi que les ordures des rues seront ramassés tous les jours, par des voitures spéciales, à la porte de chaque maison. La ville ne fera que gagner avec un système pareil, aussi bien au point de vue de la propreté que de l’hygiène publique. Les villes de Russie , sans excepter les capitales , y gagneront les premières , car jusqu’à présent elles sont submergées par leurs ordures et ne peuvent s’en débarrasser. En guise de résumé, le professeur Erismann indique, les conditions nécessaires pour la construction et l’exploilation des fours pour l’inciné¬ ration des ordures : 1“ Les ordures doivent être apportées à l’établissement de telle façon qu’il n’y ait pas d’encombrement, que la combustion soit faite au fur et à mesure et que la quantité accumulée ne dépasse pas celle apportée en vingt-quatre heures ; 2° Pour la conservation de celte quantité, il faut avoir des espaces clos; 3° Le triage des ordures doit être défendu, sauf celui des objets métal¬ liques volumineux ; 4° Les fosses à incinération doivent être construites de telle façon que les produits de distillation sèche des ordures ne se mêlent pas directe- REVUE DES JOURNAUX ment à la fumée. En tous cas, il faut, pour la construction des fours, tâcher d’obtenir une température minima de 650* ; dans ces conditions on n’aura pas à craindre le passage dans la fumée des gaz non comburés et fétides ; 5® Le chargement dos fours doit être tel que la production de pous¬ sière soit à son minimum ; G® Toutes les pièces doivent être bien ventilées et il serait à désirer que l’air chassé passe par des foyers; 7® La cheminée fumivore doit être élevée de 30 mètres; 8“ Pendant le travail des scories il faut éviter le passage des pous¬ sières dans les ateliers ; 9” Une salle de bains doit être annexée à l’établissement , qui permet¬ trait aux ouvriers de prendre des bains gratuits ; 10“ A cet établissement doivent aussi être annexés des logements pour les ouvriers ; 11° Etant donné le fonctionnement incessant de l’établissement, il faut diviser les hommes en équipes se succédant toutes les huit heures ; 12® Si l’établissement se trouve dans une partie habitée de la ville, les rues où passent les voitures avec les ordures doivent être pavées avec une substance qui assourdisse le bruit des roues. Si toutes ces conditions sanitaires étaient remplies , ces établissements ne présenteraient aucun inconvénient ni pour tes ouvriers ni pour la population du voisinage. S. Broïdo. Des dangers de la pollution de l’eau du Volga par le naphle trans¬ porté (Travaux de la Commission envoyée par le Conseil d’hygiène médicale de Saint-Pétei’sbourg), Wratch, 1900, n® 5, p. 154. La moitié du naphte de Bakou est transportée par le Volga sur des bateaux qui donnent toujours une fuite de 2 p. 100 des produits trans¬ portés. 11 s’ensuit que l’eau du Volga est constamment souillée par des quantités énormes*de naphte (75,000,000 de litres par an) et cette souil¬ lure retentit et d’une façon très fâcheuse sur la pisciculture du Volga et en même temps sur l’état sanitaire général. Cependant l’action nocive du naphte sur les poissons était longtemps considérée comme non démontrée et en 1893 Nikolsky se prononça contre cette hypothèse; plus tard, en 1895 et 1897, les expériences d’Arnold et de Tcïicrmok établirent néan¬ moins la toxicité du naphte. En 1898, Khlopine et Nikitine démontrèrent expérimentalement que le naphte, les résidus de celui-ci et le kérosène sont toxiques pour les poissons. Enfin , dans leur travail, paru en 1899, dans les Mémoires de l’Académie des sciences de Sai.it-Pétersbourg, MM. Ovsiannikov et Kouliabko établirent que non seulement le naphte et ses dérivés sont toxiques pour les animaux , mais qu’il peut encore en résulter une intoxication chronique pour l’homme. Mais une autre question se posait : tout en admettant que le naphte est toxique, on disait que cette toxicité ne doit pas être prise en considé¬ ration sur le Volga, car le naphte n’y formerait qu’une pellicule assez mince, sous laquelle le poisson se comporterait comme si elle n’existait 636 REVUE DES JOURNAUX point; d’autre part, cette pellicule s’oxyderait assez rapidement et se décomposerait. A cela les expériences de Tchermok et d’Arnold opposent le fait établi par eux, quoique difficile à expliquer, que le naphte et ses résidus pénètrent dans la profondeur de la couche d’eau et tombent au fond du fleuve. Pouj’ résoudre celte question si controversée, une commission spéciale a été envoyée sur le Volga; le professeur Shîdlovsky, président de la commission , rendit compte de ses travaux à la Société russe d’hygiène publique. Les membres de la commission ont constaté sur l’eau du Volga, entre Nijni-Novgorod et Astrakhan, des pellicules mates ou irisées et, par places, des taches et de véritables courants d’une masse goudronneuse. Ces pellicules et courants se trouvaient parfois jusqu’à une distance de trois quarts d’heure du lieu où se trouvaient les bateaux à naphte. Dans certains endroits, les riverains parviennent môme à recueillir le naphte qni surnage pour s’en servir. Sur toute l’étendue de la côte on trouvait des dépôts de naphte produits pendant les crues et les baisses consécutives et l’enquête a établi que le naphte ainsi déposé a modifié qualitativement et quantitativement les herbages et le foin. En même temps on trouva un dépôt de naphte sur les roseaux qui se trouvent sur les bords des rives. D’autre part, l’agitation violente de l’eau faisait remonter de la profon¬ deur du fleuve , des taches de naphte et des pellicules irisées qui cou¬ vraient parfois toute la surface de l’eau. Les recherches expérimentales et les analyses faites par les membres de la commission ont démontré que la pénétration du naphte dans l’épaisseur de la couche d’eau et jusqu’au fond du fleuve se fait à la faveur des particules suspendues dans l’eau du Volga en très grande quantité et qui l’entraînent par leur poids. Divers échantillons d’eau prise à des profondeurs et à des endroits variables contenaient tous des traces plus ou moins appréciables de rési¬ dus de naphte; il en était de môme pour les échantillons de vase et de sol pris du fond du fleuve, à des endroits divers; dans certains endroits, la teneur du sol en naphte était de 0,OS p. 100. De même on retrouvait des dépôts de naphte dans la vase déposée dans les conduites d’eau qui alimentent les villes voisines. M. Shidlovsky résume ainsi les résultats des travaux de la commission : L’action nocive du naphte sur les plantes, les animaux et l’homme étant démontrée, la souillure des eaux du Volga par les dérivés du naphte peut être considérée comme nocive au point de vue sanitaire en général et aussi au point de vue de la pisciculture. Malgré l’étendue con¬ sidérable que présente la surface de la nappe d’eau du Volga, depuis Nijni-Novgorod jusqu’à son embouchure dans la mer Caspienne, cette surface se trouve néanmoins plus ou moins souillée par le naphte et ses résidus, qui forment soit une couche très mince à reflet irisé, appréciable seulement à un examen attentif, soit des bandes et taches d’aspect hui¬ leux dont l’irisation est facilement appréciable à distance ; le naphte et ses hEVüJS 1)ES JOURNAUX 637 résidus pénètrent, en outre, dans la profondeur et se déposent dans la vase et sur la sui’face du fond. Les masses de naphte s’ajoutant d’année en année, la quantité du dépôt augmente proportionnellement. Il en résulte un danger absolu aussi bien pour les poissons que pour tous ceux qui se servent de l’eau du Volga. Le professeur Dianine, membre de la commission, a donné le procédé qu’il recommande pour la recberche des faibles quantités de naphte dans l’eau. On agite le naphte avec 20 parties d’acide sulfurique pur concentré, dans un vase fermé avec un bouchon en verre, ou bien on fait le mélange dans un vase en porcelaine qu’on place aussitôt dans un exsicateur pen¬ dant six à douze heiu'es; on l’en retire ensuite et on laisse le vase, ouvert, à l'air libre ; de temps en temps on l’agite de façon à étendre le mélange sur une plus grande surface possible. Au bout de quelque temps, le mélange se colore en jaune, puis en rose et, au bout de cinq à six heures, en rouge carminé et en violet. Cette coloration peut persister de dix heures à quelques jours; mais finalement le liquide se décolore en laissant un précipité bleuâtre. Pour obtenir ces colorations, il faut éviter de se servir de naphte traité au préalable avec solution alcoolique de potasse caustique. En suivant la technique que nous venons de décrire, on découvre le naphte môme lorsqu’il ne se trouve qu’en quan¬ tité extrêmement faible. S. Broïdo. Contribution à l’étude de l'immunité contre la fièvre récurrente, par le Professeur Savtshenko (dé Kazaii). {Archives Russes de Pathologie, de Médecvne clinique et de Bactériologie, 1900, vol. IX, fasc. 6, p. 573). Gabritschevsky a conclu, après sa découverte des substances bactéricides dans le sérum des convalescents de la fièvre récurrente, que les spiroctètes disparaissent pendant les accès, non pas grâce à l’action des phagocytes, mais pai' suite de leurs destructions exti’acellulaires dans le plasme san¬ guin, par action directe des substances bactéricides spécifiques. Cet auteur admet que l’immunité naturelle des cobayes contre les spirilles dépend surtout de la rapide formation chez ces animaux de substances bactéricides au point d’inoculation. Une épidémie de fièvre récurrente qui a éclaté à Kazan pendant l’hiver 1899-1900 a permis .lu Professeur’ Savtshenko de faire une série d’expériences sur les spirilles et le sérum immunisant. La première pai-tie du travail se rapporte surtout à l’étude de l’action in vitro du sérum immunisant sur les spiroctètes de la fièvre récurrente. Les spirilles qui succombent in vitro sous l’intluence des sérums bacté¬ ricides présentent des altérations morphologiques constantes et bien déter¬ minées. Ces altérations ne se retrouvent pas chez les spirilles qui périssent en quelques jours dans le sérum du malade au début de l’accès; suivies au microscope dans une chambre humide chauffée à 37”, elles se présentent Les spirilles du commencement de l’accès mélangés au sérum d’un convalescent présentent d’abord un ralentissement de leurs mouvements, 038 REVUE DES JOURNAUX il la surface du spirille apparaît un grain brillant, parfois deux ou trois. S’il n’y a ([u’uii seul grain il occupe le plus soui-enl le milieu du microbe s’ils sont plusieurs ils sont plus petits et s’accolent aux extrémités du spi¬ rille. Ces petites boules sont toujours à la surface des microbes, jamais à leur intérieur. Le corps du spirille s’amincit, perd son éclat et prend l’aspect d’un étui vide. Si l’on met dans ces conditions une goutte de bleu de méthylène sur la lamelle, le corps du spirille ne prend pas de colora¬ tions et est à peine visible. Les grains se colorent au contraire très bien et présentent la même couleur que le corps des spirilles normaux. Les substances bactéricides spécifiques ne sont pas détruites môme si le sérum est chauftë pendant une 1/2 heure à 60». Le phénomène de Pfeiffer e.«t donc ici typique sous l'influence des substances immunisatrices spécifiques du sérum combinée à l’action des lysines contenues dans tout sérum, l’enveloppe du spirille subit une altéra¬ tion partielle, se rompt aux points les plus ramollis. La substance nuclé¬ aire du microbe suit par attractions de l’enveloppe et prend la forme d’une boule. Les expériences sur les animaux ont donné à Savtshenko les résultats suivants : Les spirilles restent vivants environ 30 heures dans la cavité péritonéale et le tissu cellulaire sous-cutané, tandis que dans le sérum et ii l’étuve les spirilles témoins sont détruits au bout de six à huit heures. Donc les substances bactéricides spécifiques ne se forment pas au point d’inocula¬ tion, comme le voulait Gabritshevsky. En effet jamais on n’a observé les destructions des spirilles en dedans des cellules par le phénomène de Pfeiffer. Les spirilles disparaissent grâce à une phagocytose très lente, par action presque exclusive des cellules monucléaires. Les phagocyles pré¬ sentent une chimiotaxie négative très marquée ; ils n’englobent pas les spirilles, même si ceux-ci sont par hasard entortillés entre les pseudo¬ podes. Si l’on injecte des spirilles dans la cavité péritonéale d’un cobaye qui a reçu 24 ou 48 heures avant une injection sous-cutanée d’un 1/2 c. c. de sérum immunisant, on peut noler la destruction de ces spirilles en dehors des cellules déjà au bout de 15 à 20 minutes. Comme dans les expé¬ riences in vitro, les spirilles succombent par le phénomène de Pfeiflèr. Tous les spirilles vivants disparaissent 30 ou 50 minutes après le début des expériences. Il s’agit ici, comme dans les expériences avec le vibrion cholérique, de l’action simultanée sur les spiroctètes, des substances imniu- nisanles et des lysines qui se trouvent à l’état libre dans la cavité périto¬ néale. Au microscope, on peut suivre pas à pas ce phénomène si l’on additionne aux spirilles l’exsudât péritonéal des cobayes traités préalable¬ ment par le sérum immunisant. Les spirilles ne succombent pas tous en dehors des cellules. Quelques- uns d'entre eux sont englobés par des cellules endothéliales du périloine avant qu’ils aient le temps de succomber parle phénomène de Pfeiffer. On trouve les cellules endothéliales desquamées au milieu d’un amas do cellules polynucléaires six ou sept heures après l’e.xpérience. A l’intérieur de ces KEVUE DES JOUllNAUX 639 cellules on trouve des grandes vacuoles en forme de vésicules où l’on peut déceler la présence des spirilles à l’aide de bleu de méthylène. Dans le tissu cellulaire sous-cutané on ne retrouve pasle phénomène de Pfeiffer. Ici, chez les cobayes immunisés par le sérum spécifique, les spi¬ rilles succombent par la phagocytose des cellules mononucléaires. Savtshenko a encore fait l’expérience suivante : Vingt-qualrc heures apres avoir injecté à deux cobayes un 1/2 c. c. de sérum sous la peau, il a introduit dansla cavité péritonéale do l’un d’eux (le second restant comme témoin) 3 c. c. de bouillon. Si le jour suivant (48 heures après le début des expériences) on injecte à l’un et à l’autre de ces cobayes un 1/2 c. c. de sérum chargé de spirilles, on trouve chez le cobaye témoin des altérations des spirilles par le phénomène de Pfeiffer, tandis que chez l’autre cobaye tous les spirilles restent vivants et ne dis¬ paraissent que par phagocytose assez précoce dans ce cas et plus rapide que chez les cobayes non traités par le sérum préventif. On peut se demander où sont les substances immunisantes et les lysines qui existaient sans doute à l’état libre chez le cobaye témoin. L’expérience suivante permet de répondre a cette question. On fait à deux cobayes une injection sous-cutaiiée d'un 1/2 c. c. de sérum immu¬ nisant. 24 heures après on injecte dans la cavité péritonéale de l’un d’eux et à un troisième cobaye 3 c. c. de bouillon. Le Jour suivant on trouve dans la cavité péritonéale de ces deux derniers cobayes une leucocytose très prononcée. Si l’on traite les spirilles in vitro par une gouttelette de l’exsudât péritonéal des deux premiers cobayes, on voit que le phéno¬ mène de Pfeiffer ne se produit (jifavec l’exsudât du cobaye qui n’a pas reçu d’injection de bouillon. Les deux derniers cobayes sacritiés, si on recueille l’exsudât péritonéal de chacun d’eux dans un tube effdé et si, pour le coaguler, on l’additionne d'une quantité minime de sang d’un cobaye qui n’a subi aucune expérience, on aura au bout de 48 heures de petites iiuantilés de sérum provenant des leucocytes de ces cobayes. Ce sérum permet de faire des expériences sur les spirilles in vüro. On voit alors que ce n’est ipie le sérum provenant de la destruction des leucocytes immunisés qui provoque le phénomène de Pfeiffer. On peut aussi constater à l’aide des expériences in vitro que les leucocytes qui contiennent des substances immunisatrices possèdent des propriétés chimiotoxiiiues positives très énergiques vis-a-vis des spi¬ rilles. Les leucocytes d’un cobaye non immunisé englobent énergiquement les spirilles tués par les chaleurs à 30 degrés. En tuant ainsi les spirilles on détruit en môme temps la substance inconnue qui empêchait la phagocy¬ tose. Les substances immunisantes englobées par les leucocytes neutra¬ lisent probablement aussi l’action négative des substances — défenseurs des spirilles — sur les leucocytes. Enfin les dernières expériences démontrent que les substances inmumi- satrices (bactéricite de üabritshevsky) peuvent exister dans le sang sans agir directement sur les spiroctètes en dehors des cellules. Ces substances peuvent exister dans les leucocytes et déterminer par leur présence une KEVUE DES JOUKNAUX 6tü crise pliagocitaire énergique dans la fièvre récurrente; elles peuvent ne devenir libres que dans le sérum et exercer alors in vitro leur action sur les spirilles. L’apparition des substances immunisalrices et des lysines à l’étal libre ne dépend nullement de la réaction de coagulation du sang, lîn effet si l’on applique une sangsue à un sujet guéri de la fièvre récur¬ rente, le sang extrait ainsi ne se coagule pas; mais ce sang donne, 2 heures ou môme 24 et 48 heures après l’expérience, le phénomène de Pfeiffer très net avec les spiroctètes. Il résulte de tout ce qui vient d’être dit d’après Savtshenko que : 1“ Chez les animaux naturellement réfractaires à la fièvre récurrente (cobayes) les spiroctètes succombent au point d’inoculation par suite d’une phagocytose lente des cellules mononucléaires et non pas par suite d’une formation de substances bactéricides au point d’inoculation. 2° Chez les mêmes animaux, après immunisation préventive, les pro¬ priétés phagocytaires des leucocytes augmentent et ils acquièrent une chi¬ miotaxie positive très nette vis-à-vis des spiroctètes. 3“ La mort intra-cellulaire des spirilles chez les animaux immunisésn’a lieu que là où il existe des immunisines et des lysines libres dont l’ac¬ tion combinée provoque chez les spiroctètes des altérations analogues au phénomène de Pfeiffer. S. Broïdo. Inclusion des corps étrangers à l’intérieur des œufs de poules, par N. Marie (Archives russes de pathologie, de médecine clinique et de bactériologie, 1900, vol. IX, fasc. 3“, p. 283). Après un court aperçu historique de la question, l’auleur décrit 4 cas d’inclusion de corps étrangers dans les œufs de poule. Dans le premier cas, on avait affaire à une distance uniforme. Dans le second cas, il s’agissait d’inclusion d’œufs du même parasite, entourés d’un coagiilum albumineux farci de leucocytes. La forme de ce coagulum, ses dimensions, son aspect lisse, ses extrémités coniques lui donnaient l’aspect d’un néma¬ tode. Le troisième œuf examiné contenait aussi ses œufs du diatame. Enfin, dans le quatrième cas, on a trouvé des œufs qui rappellent jvar leur structure des œufs des ascarides et n’étaient autres que les œ,ufs d’hétéracés inflexa. S. Bnoino. Fermentation hydrogénique de la cellulose, par V. Omilian.sky (Arch. des sciences biologiques de l’Institut Impérial de médecine expérimcnlale de Saint-Pétersbourg , vol. VII, fasc. 5, p. 423, in Vestnik, Obstohes- nemoï Hyghieni i soudebnoï i prektitsheskoï chedifzini, 1900, avril). Les expériences ont été faites sur la cellulose normale qui comprend la cellulose des fibres de colon, de lin et de quelques autres végétaux. Le type le plus parfait est représenté par le papier suédois jiur. Celle cellulose normale représente une substance complètement insoluble, dépassant par sa stabilité la plupart des corps carburés, ne s’oxydant pas, inaccessible à l’hydrolyse et ne pouvant être décomposée que par la fermentation. La question de fermentation de la cellulose est encore peu éludiée. REVUE DES JOURNAUX 6*1 Tout ce qu’on sait sur cette question se rapporte à la fermentation avec production de méthane et d’acide carbonique. Le travail le plus impor¬ tant à ce sujet appartient à Hoppe-Seiler, qui a injecté, en 1886, le papier suédois par la vase. Dans une de ses expériences, où la fermen¬ tation a duré quatre ans, cet auteur a recueilli 3 litres 3/4 de CO^, et près de 2 litres 1/2 de CH*. On n’a pas trouvé d’autres produits de décomposition de la cellulose. L’examen microscopique des cultures ayant fermenté a montré des microbes rappelant par toutes leurs propriétés l’amylobacter. Omeliansky a eu recours au même milieu que Hoppe-Seiler. Le papier suédois, coupé en bandes, était mis dans des tubes de verre ou dans des ballons à longs goulots , couvert d’eau de fontaine et ensemencé avec de la vase. Pour neutraliser la formation possible d’acides on additionnait le liquide de craie. La fermentation du papier commence ordinairement du septième au dixième jour. D’abord apparaît un léger trouble du liquide, puis le déga¬ gement de gaz devient très intense, la craie disparaît à vue d’œil et le papier subit les modifications suivantes : d’abord les bandes deviennent flasques, tombent au fond du vase l’une sur l’autre. Si à ce moment on examine une de ces bandes, on voit que ses bords sont rouges et qu’elle présente de place en place des amincissements notables. Comparées à du papier frais, on voit qu’ici les fibres sont moins adhérentes entre elles et que le papier semble transparent. Plus tard , le papier se décompose en fibrilles isolées et se désagrégé au moindre contact. Puis sa surface devient gluante , le papier se prend en grumeaux irréguliers, ne rappe¬ lant plus en rien sa structure primitive et transformé en masses muccoïdes anhixies. La craie du liquide se prend aussi en masses isolées. Le papier primitivement blanc devient jaune fauve; le liquide présente la même couleur et dégage une odeur désagréable rappelant celle du fromage pourri. Les mêmes modifications ont été observées lorsque un fragment de papier en expérience, qui a subi un commencement de fermentation, a été transporté dans une solution stérilisée de sel. Malgré toute une série de ces ensemencements successifs, la fermentation suivait son cours avec la même énergie. A l’examen microscopique des cultures du cinquième au sixième ense¬ mencement, l’auteur a constaté que les fibres du papier sont couvertes^^ à la surface et farcies à l’intérieur de microbes très fins, à spores rondes à une de leurs extrémités. Tout le processus se passait à l’abri complet de l’air; en plus, le milieu ne contenait presque ))as des substances orga¬ niques solubles nécessaires pour le développement de la plupart de microbes vulgaires. Aussi l’auteur est-il certain d’avoir eu affaire â un microbe spécifique de la fermentation cellulosique et propose de l’appeler bacillus fermenlalionis celhdosœ. Ses formes jeunes ont l’aspect de bâtonnets très fins, en général rectilignes, de 4 à 8 n de long sur 0,3 à 0,5 p. d’épaisseur. Avec le temps, ces bâtonnets acquièrent une longueur de 15 p, mais ne -s’épaississent pas. Ils ne forment pas de ramifications. Parfois les REV, D’iIYG. XXIII. — 41 642 REVUE DES JOURNAUX bâtonnets sont légèrement incurvés et môme contournés en spirale. Au cours du développement du bâtonnet une de ses extrémités se gonfle légèrement; ce gonflement s’accentue progressivement , devient rond et donne au bâtonnet une forme en baguette de tambour. Au niveau de ce gonflement se forme une spore ronde, qui occupe tout l’espace et devient bientôt libre. Les vieilles cultures où la décomposition du papier est déjà très avancée, sont composées presque exclusivement d’un amas de spores avec très peu de microbes. Ces derniers se colorent assez bien et uniformément par les couleurs d’aniline. Ils ne bleuissent pas par l’iode. Ce microbe n’a presque rien de commun avec l’amylobacter. L’examen du mélange gazeux formé pendant la fermentation a permis de constater qu’il était composé , durant les premiers ensemencements, d’acide carbonique , de méthane, et d’hydrogène avec prédominance de méthane ; plus tard, le méthane disparaissait, malgré le môme aspect exté¬ rieur de la fermentation et les mêmes caractères de destruction du papier et le mélange gazeux était alors cdmposé exclusivement d’acide carbo¬ nique et d’hydrogène. Il résulte de cette première série d’expériences que : 1° La formation de cellulose peut s’effectuer dans un liquide exclusi¬ vement minéral ; 2® Les ensemencements successifs dans le même milieu n’entravent pas la fermentation ; de tous les microbes qui composent ce mélange compliqué , seul résiste le bâtonnet spécifique qui provoque la fermen¬ tation ; 3® La fermentation s’accompagne de dégagement d’acide carbonique et d’hydrogène ; la présence de le méthane ne s’observe que lors des premières cultures; 4® Le dégagement de méthane ne dépend pas des conditions de cul¬ ture, car ces conditions restent toujours les mêmes, mais est l’effet d’un microbe qu> disparaît pendant les ensemencements ultérieurs. Il restait encore à isoler le bâtonnet à l’état de pureté. On pouvait se débarrasser des espèces asporogènes par la chaleur, mais malgré cela le bacille était toujours accompagné d’un microbe assez volumineux à grosse épure terminale allongée, qui se colorait très bien par les couleurs ordinaires d’aniline et dont on ne pouvait se débarrasser. Ce n’est qu’a- près de longs tâtonnements que l’auteur a réussi à trouver un milieu de culture favorable pour l’isolement de son bâtonnet. A cet effet, il emploie des plaques de pommes de terre, couvertes de craie et conservées après stérilisation et ensemencement dans le vide à 33®. Comme on a vu plus haut, la cellulose est progressivement décom¬ posée pendant la fermentation par l’activité microbienne, en donnant des produits solubles et gazeux. Comment ces phénomènes se produisent-ils? L’action réciproque de la cellule vivante et du milieu ambiant peut s’effectuer de diverses maniè¬ res ; ou bien la solution diffuse â l’intérieur de la cellule et sous son influence la composition des parties subit des modifications déterminées ; au lieu de cellule secrète, une diastase soluble qui a une action réci- REVUE DES JOURNAUX 643 proque sur le milieu ambiant ; ou bien enfin les deux processus s’effec¬ tuent simultanément. La première hypothèse n'est pas possible , la cellu¬ lose étant complètement insoluble dans l’eau. On peut admettre que le bâtonnet cellulosique secrète une diastase qui , tout en ne décomposant pas la cellulose sans laisser des traces, la transforme en composé soluble. Les expériences ultérieures de l’auteur ont démontré que le processus de fermentation peut amener la décomposition de toute la cellulose. Le mélange de gaz est composé d’hydrogène et d’acide carbonique, avec prédominence d’hydrogène au début. Mais ces produits gazeux ne repré¬ sentent que 30 p. 100 de la cellulose; le reste, 70 p. 100, est dépensé en acides volatiles, surtout acétique et butirique, avec mélange d’acide vale- rianique et peut-être aussi d’acide formique. Parmi les produits de fer¬ mentation, on n’a trouvé traces ni de sucre, ni d’albumine, ni d’acide duccinique. L’auteur conclut que la fermentation hydrogénique de la cellulose est un processus microbien au taname , dû à l’activité nitrale d’un microbe spécifique. La décomposition de la cellulose appartient au groupe très étendu des fermentations anacrobies, de la classe de fermentation butirique, car jusqu’à 70 p. 100 de la quantité totale de cellulose se transforme en acides gras (acétique et batirique) et 30 p. 100 seulement se transformant en produits gazeux, hydrogène et acide carbonique. Les caractères biolo¬ giques de cette fermentation la rangent dans une catégorie spéciale de décomposition de la cellulose, distincte de la fermentation méthanique. Cette dernière est caractérisée par la fermentation des produits gazeux, seuls de la décomposition de la cellulose , du méthane et d’acide carbo¬ nique et par l’absence complète d’autres produits. Il est certain que les microbes de ces deux espèces de fermentations sont aussi différents. S. Baoïoo. Contribution à l’étude de la réduction de la boue médicinale d'Odessa (limons), par N. Antziferov {Archives russes de pathologie, de méde¬ cine clinique et de bactériologie, 1900, vol. IX, fasc. 3, p. 251). En hiver 1898-1899, l’auteur a fait dos reclierches à l’Institut bacté¬ riologique d’Odessa, afin d’établir avec jilus de précision les conditions de formation de la boue des limons au point de vue bactériologique. L’analyse très détaillée et très complète des salines et de la boue de limons a permis d’isoler treize espèces bactériennes, se distinguant entre elles par leurs rapports vis-à-vis les milieux des cultures, par le dégage¬ ment de SH^, leur forme, leurs mouvements. Les espèces qui dégageaient certainement l’hydrogène sulfuré étaient au nombre de cinq. En plus, on a vérifié les données trouvées dans la littérature sur le dégagement de l’SH^ par certains microorganismes décrits par d’autres auteurs. Les conclusions de l’auteur sont les suivantes : I® L’ensemencement de la boue stérilisée par des différentes cultures bactériennes dégagent de l’hydrogène sulfuré, ou bien n’amène aucune 6U RETUE DES JOURNAUX coioralion noire de cette boue, ou bien ne donne que des traces de réduc¬ tion, mais cette réduction n’est jamais achevée. Les bactéries meurent dans cette boue après un temps variable. Il en est de même pour les cultures combinées; 2° L’addition de l’eau douce non stérilisée à la boue stérilisée donne les mêmes résultats. La réduction peut faire complètement défaut ou ne présenter que des traces, mais jamais on n’a observé la réduction com¬ plète; 3® Les microbes aérobies ou anaérobies des salines et de la boue des limons sont insuffisantes pour expliquer le processus de la réduction de la boue ; 4® Si l’on suppose que la réduction de la boue est un processus biolo¬ gique il faut admettre', que ce processus est provoqué non pas par des bactéries accidentelles trouvées jusqu’à présent dans les salines et la boue des limons, mais bien par des microbes spécifiques, dont les fonctions sont intimement liées au processus réducteur de la boue. Les procédés à employer pour isoler et étudier ces bactéries doivent différer sensible¬ ment des méthodes usuelles. S. Broïdo. Esperienze profilattiche contro la malaria ütituite allô stagna di Liccari (Essai de prophylaxie contre la malaria dans les marais de Lic- cari), par le professeur G. Fermi et par le D' U. Cano-Brüsco {Annali d'igiene sperimentale, 1901, fasc. I). La protection des parties découvertes du corps contre les anophèles au moyen de gants et de capuchons spéciaux se poursuit en Italie (Revue d'hygiène, 1900, p. 470 et 1901, p. 64} et les auteurs rapportent une véritable expérience humaine entreprise avec beaucoup de soins et exécutée avec une grande précision. Il s’agissait de transporter pendant une dizaine de jours d’un lieu salubre à un endroit certainement palustre des individus sains, de les protéger contre les moustiques avant le départ ayant lieu le soir, de leur feire passer la nuit sous les moyens de protection dans la zone dange¬ reuse, de les ramener à l'aube à leur domicile où ils pouvaient alors se dévêtir. La ditficulté était de recruter des personnes voulant bien se prê¬ ter à ces déplacements répétés dans un accoutrement quelque peu gro¬ tesque. Néanmoins l’expérience put être menée à bonne fin avec 16 volon¬ taires de seize à trente ans parfaitement sains et exempts de tout accès palustre depuis plus d’un an; 10 devaient se protéger le visage et les mains avec la capuche et les gants, tandis que les 6 autres restaient à découvert comme témoins. Ils étaient transportés chaque soir dans une cabane à proximité des marais de Liccari, à 10 kilomètres de Porto- Torres, région où les anophèles abondent ; on surveillait leur habille¬ ment de telle sorte qu’aucune imprudence puisse être commise pour laisser découverte une partie quelconque du corps. Le résultat de l'expé¬ rience sert de conclusion à ce mémoire : parmi les individus protégés aucun ne tomba malade, tandis que 5 des témoins contractèrent la malaria. F.-H. Renaut. REVUE DES JOURNAUX 6t8 SuUa resislenza del bacUlo tuberculare negli sputi sopra diverse specie de pavimenti e dentro le biancherie (Résistance du bacille tuber¬ culeux des crachats sur diverses espèces de revêtements et dans le linge), par les D" F. Abba. et F. Barelu {Rivista d'igiene e sanità pubblica, 16 fév. 1901, p. 116). Les auteurs firent tomber des parcelles de crachats tuberculeux frais et riches en bacilles sur quatre sortes de revêtements : plaques de verre, lames de bois non vernissé, briques communes et tapis ; pour se rappro¬ cher autant que possible des conditions naturelles ils divisèrent les maté¬ riaux ainsi disposés en deux séries. La première fut déposée à l’extérieur des fenêtres du laboratoire : une moitié recevant le soleil et la pluie, l’autre restant à l’air, mais à l’abri des intempéries. La seconde série fut enfermée dans une armoire où un dispositif spécial détermina une humi¬ dité et une température constantes dans l’obscurité. Après quelque temps d’exposition et de séjour le reliquat des crachats était inoculé dans le péritoine de cobayes. Quatre tableaux Indiquent pour chacun des revêtements les résultats obtenus dans trois séries d’expériences avec mention des conditions atmos¬ phériques relevées pendant le temps d’essai variant de six à vingt-quatre jours. Des résumés synthétiques montrent que les rayons solaires directs détruisent au bout de quelques heures l’action du bacille de Koch, tandis que des crachats subissant les variations météoriques à l’abri du soleil ont conservé leur virulence au bout de seize jours, virulence qui fut encore constatée après cinquante jours dans l’humidité et l’obscurité. La qualité des revêtements se prête plus ou moins à la conservation du bacille qui résiste davantage sur les matières poreuses et sur les sur¬ faces rugueuses; le classement dans l’ordre de nocivité était à prévoir : tapis, briques, bois et verre. Ces résultats confirment les recherches ana¬ logues d’Ottolenghi et de Lucibelli et celles antérieures de Slavo. En même temps des crachats tuberculeux avaient été étalés sur des morceaux de toile, qui avaient été repliés sur eux-mêmes, puis exposés à la lumière, à la température et à l’humidité du laboratoire, dans des conditions analogues à celles où se trouvent des mouchoirs de poche usagés, entassés dans un coin de chambre en attendant le blanchissage. Après inoculation des raclures aux cobayes on trouva que ce linge ren¬ fermait encore des bacilles virulents après, vingt-six jours; ce qui démontre la nécessité de désinfecter le linge des phtisiques avant sou envoi au lavage. P- H. Renact. Sull'uso e sitl rieonoscimento di alcuni colorl verdi dérivait dal catrame adoperali nella coloralione arliliciale di liquori e di sostanze alimentari (Moyen de reconnaître certaines couleurs vertes dérivées du goudron et employées dans la coloration artificielle des liqueurs et des substances alimentaires), par le D'' C. M.4zza (liivisla d’igiene e sanilà pubblica, 16 janv. 1901, p. .68). Ayant eu à examiner la li(iueur de menthe qui se vend au verre ou en bouteille dans les cabarets et les épiceries, Mazza reconnut que sur presque REVUE DES JOURNAUX tous les échantillons la coloration verte était obtenue à l’aide d'un mélange d’indigo avec un jaune provenant du goudron, coloration en tout sem¬ blable à celle fournie par les substances végétales inoifensives. Quand la substance jaune est en excès, on arrive avec un peu d’habitude à recon¬ naître une teinte légèrement jaunâtre qui apparaît plus facilement, si on observe une-couche mince de liquide. Cette façon de colorer s’emploie non seulement pour les liqueurs vertes, mais aussi pour les confitures de fruits verts et la couleur jaune se retrouve dans les pâles alimentaires en grande quantité. Pour fixer la substance colorante l’auteur se servit de la laine dégrais¬ sée et isola une solution aqueuse ammoniacale jaune; mais parfois une partie du bleu restait liée au jaune et donnait à la laine ainsi qu’à la solution une teinte verdâtre masquant les réactions successives. Le meil¬ leur moyen pour précipiter ou décolorer le bleu d’indigo a été la simple exposition au soleil pendant sept à huit heures ; la matière a été ensuite traitée à chaud par la solution de bisulfite de soude à 3B degrés. Le résidu desséché et pulvérisé est soumis à l’acide sulfurique, à l’acide chlorhy¬ drique et à la soude ; suivant la teinte, le précipité ou le manque de réac¬ tion on peut ainsi différencier la série colorante des dérivés du goudron. Fi-H. Rbnaut. Sul contenuto mierobico e sulla resistenza dei germi palogeui in alcuni oli (Teneur microbienne et résistance des germes pathogènes dans certaines huiles), par le D' L. Baldassari {Giornale delta H. Socielà Italiana d'igiene, fév. 1901, p. 66). Les expériences furent entreprises sur des huiles végétales (olive) et animales (poisson), en mélangeant intimement des fractions de centimètre cube de ces liquides avec un milieu nutritif (gélatine, agar) par une rapide solidification dans les boîtes de Pétri; après séjour à l’étuve ou maintien à la température ambiante la numération des colonies était faite le dixième joiir. Le maximum des germes comptés par centimètre cube dans les échantillons en examen a été de .675, le minimum de 5, énorme différence due sans doute à la difficulté d’obtenir un mélange homogène ; c’est l’huile de foie de morue qui a donné le chiffre le moins élevé. Les colonies développées comprenaient le penicillum glaucum, l’aspergillus niger, des sarcines, des microcoques, le B. sublilis, le B. mesentericus. On n’a pas relevé de germes pathogènes, mais on ne saurait néanmoins en attester l’absence constante. Les cultures renouvelées après un temps variable ne présentèrent pas ultérieurement une prolifération des colonies ; au contraire on nota une diminution. Cette autodépuration est plus ou moins lente suivant les espèces d’huile; elle a paru plus active dans l’huile de foie de morue, déjà la plus pauvre en germes et de plus marquant l’acidité la plus con¬ sidérable. Les échantillons maintenus à l’étuve perdaient plus vile leurs germes, fait explicable par l’augmentation de l’acidité des huiles à la chaleur. Une autre série de recherches eut pour objet l’étude des microbes REVUE DES JOURNAUX 6*7 pathogènes déposés artificiellement dans les huiles : dans celles stéri¬ lisées par ébullition les germes ne conservaient leur vitalité que pendant une semaine au plus ; mais les microorganismes résistaient pendant deux mois dans les liquides gras non soumis à des températures élevées. Ces faits ont été vérifiés pour les staphylocoques, le colibacille, l’Éberth ; ce dernier, après un mois d’immersion dans l’huile d’olive, gardait intacte toute sa virulence ; les spores charbonneuses y ont montré leur résistance habituelle. C’est l’huile de foie de morue qui relativement a présenté l’action bactéricide la plus considérable, due à son degré d’activité. En résumé, les huiles du commerce renferment des germes banals ; mais les pathogènes immergés accidentellement y conservent leur viru¬ lence pendant un temps suffisamment long pour devenir une cause de danger. Aussi ne saurait-on trop protéger dans les magasins les huiles contre les souillures extérieures; il importe en outre que la pratique chirurgicale ne dispose que d’huiles parfaitement stériles. F.-H. Rbnaut. Beitrag zur Verbreilunggsweise des Typhus abdominalis durch den Genuss von rohen Aiistern (Diffusion de la fièvre typhoïde pai' l’inges¬ tion d’huîtres crues), par le D’’ Jaroslav Horcicka ( Wiener Medicinischen Woschenschrift, n“ 2 et 3, 1900). Pola, port de guerre sur l’Adriatique, laisse beaucoup à désirer sous le rapport de l’hygiène et présente plus ou moins endémiquement de la fièvre typhoïde. Recherchant toutes les causes do propagation de cette maladie, l’auteur, directeur du laboratoire de bactériologie de l’hôpital maritime de cette ville, avait déjà étudié en 1897 la résistance du bacille d’Eberth dans les huîtres et en avait constaté la virulence après vingt jours de date du mélange d’un bouillon de culture ii l’eau du mollusque, replongé ensuite dans l’eau de mer. A la suite d’une véritable catastrophe typhoïdique survenue au commencement do décembre 1898 chez quatre officiers, après un repas de restaurant où avaient été consommées beau¬ coup d’huitres ; il fit en 1899 de nouvelles expériences bactériologiques sur des huîtres recueillies en quatre endroits difl'érents du port. Il no put déceler la présence du bacille de la fièvre tj’phoïde sur 40 échantillons, 10 par prélèvement; mais il trouva que la plus grande partie des huîtres examinées, 37 sur 40, étaient souillées de matières fécales, fait peu sur¬ prenant en raison du débouché des égouts dans le port ; aussi la perma¬ nence de la dothiénentérie à Pola amène à cette conclusion que les huîtres du port peuvent à un moment donné héberger plus ou moins longtemps le germe de l’infection. L’histoire de la maladie de chacun des officiers est rapportée avec détails cliniques. Le major F... s’alite huit jours après le repas en ques¬ tion et meurt un mois plus lard ; l’autopsie montre les lésions de la fièvre typhoïde et le sac de la rate donne une culture de l’Eberth. Le capitaine Kr... entre à l’hôpital de la marine de Pola douze jours après cette réunion et succombe, au bout de treize jours d’hospitalisation, pai’ REVUE DES JOURNAUX le fait d’une fièvre typhoïde confirmée par la nécropsie et les cultures obtenues avec l’exsudât splénique. Le premier lieutenant R..., parti pour Vienne, y tombe malade dix jours après l’ingestion des huîtres et fait une forme adynamique grave ayant pu aboutir à la convalescence. Enfin le capitaine N. N... avait eu une indigestion la nuit même du repas, avec vomissements répétés et diarrhée abondante ; peut-être dut-il à ces éva¬ cuations de n'avoir qu’un embarras gastrique de quelques jours. L’infection typhoïdique par les huîtres de ces quatre officiers aurait une grande analogie avec un cas qui s’est produit à Tarente et qui est relaté par le D'' Strasser dans les Blâiter fur Klinische Hydrothérapie von Winterit%, 1898; il aurait été intéressant d’avoir des renseigne¬ ments comparatifs sur celte fièvre typhoïde, également attribuable aux huîtres ; malheureusement l’auteur ne fait que mentionner l'indication bibliographique. F.-H. Renaut. Sui costumi dette larve dette zanzare det genere Anophetes in reta- zione con te bonifiche idrautiche (Mœurs des larves des moustiques du genre anophèles dans leur rapport avec l’assainissement du régime des eaux), par E. Perrone , ingénieur {Annati d'igiene sperimentate , 1901, p. 1). M. E. Perrone, que ses fonctions appelaient à faire un rapport sur tous les cours d’eau de l’Italie centrale et sur la plus grande partie de ceux de l’Italie méridionale , fut chargé par le professeur A. Celli d’en- Irsprendre des observations sur les habitudes des larves des moustiques palustres suivant la nature des eaux de ces régions, suivant aussi les travaux d’assainissement déjà exécutés pour le drainage des parties maré¬ cageuses. Les recherches furent faites sur toutes espèces de cours et de masses d’eau , depuis les fleuves et les lacs jusqu’aux ruisselels et aux mares, aussi bien sur les larves d’anophèles que sim celles du genre culex. Les larves 'd’anophèles ne vivent pas dans les eaux agitées même très faiblement par le courant, le vent ou toute autre cause; elles fuient les eaux privées d’herbes , où on ne trouve qu’exceptionnellemenl quelques individus isolés ; elles ne se rencontrent pas dans les eaux sulfureuses, salées, ni dans les fosses de rouissage de chanvre, ni à l’embouchui’e des cours d’eau; à ce§ exceptions près, elles vivent parfaitement dans toutes les eaux dormantes, limpides ou sales, acidulées, calcaires, alcalines, ferrugineuses, surtout dans celles où végètent des plantes aquatiques ; on en observe jusqu’à 1,300 mètres d’altitude et à des températures diverses de 8 à 31 degrés. Les larves de culex ont le même genre de vie ; mais en outre elles peuvent prospérer dans l’eau dépourvue d’herbes , dans l’eau sulfureuse, dans les macérations de plantes textiles; elles ne supportent pas non plus l’eau salée. La connaissance des mœurs de ces larves permet de prendre quelques mesures pour les détruire ou du moins pour en arrêter la propagation, puisque lés deux espèces no vivent pas dans les eaux courantes et que REVUE DES JOURNAUX les anophèles ne se trouvent pas dans les eaux dépourvues d’herbes. Il ne sera pas toujours possible de donner une dérivation ou une pente suffisante à un marais ou à une masse d’eau pour en empêcher la sta¬ gnation; mais il sera toujours facile de détruire les herbes aquatiques; ce sont là les deux modes d’assainissement à mettre en œuvre à l’égard de toutes les eaux pour diminuer les causes d’extension de la malaria. Le mémoire se termine par la description et l’examen des trois princi¬ paux types de l’assainissement du régime des eaux de marais de l’Italie centrale au point de vue de leur influence sur la pullulation des ano¬ phèles. Le dessèchement avec de grands canaux d’écoulement à niveau toujours élevé , en usage dans les marais Pontins , constitue un système favorable à la destruction des larves, si cette région si plate pouvait assurer un écoulement convenable à l’eau collectée dans les canaux. L’action des machines avec déversement de l’eau dans des cananx sou¬ vent à sec est employée à Ostie et n’empéche pas la stagnation de l’eau dans les rigoles dans l’intervalle des opérations ; ce qui crée des condi¬ tions propices au dépôt et à la transformation des larves. La môme observation s’applique au troisième système dit des alluvions ou du colmatage, qui est appliqué dans le pays de Grosseto, où les pentes insuffisantes et la riche végétation aquatique permettent la multiplication indéfinie des anophèles. F. -H. Ren.\ut. Sopra la malaria e le zamare malariche salina di Cervia e nel ler- rilorio di Comacchio (Paludisme et moustiques palustres dans les marais salants de Cervia et sm’ le territoire de Comacchio), par F. Ficalbi {Annali d’igiene sperimentale, 1901, p. 23). Les anophèles à l’état do larves ne peuvent pas vivre dans l’eau salée, néanmoins certaines localités, dont le sol est largement imprégné de chlorure de sodium , ne sont pas indemnes de malaria. Aussi le profes¬ seur de Padoue étudie deux centres, Cervia et Comaccliio, se trouvant dans ces conditions et dévastées par le paludisme, pour rechercher si ce dernier concorde toujours avec la présence d’anophèles. Cervia offre une superficie de 828 hectares de marais salants à une distance d’environ un kilomètre de la mer; sur cette surface il n’y a d’eau douce que celle provenant de la pluie et devenant rapidement sau¬ mâtre; mais à la périphérie se trouvent des rigoles et des fossés où l’eau peut être considérée comme douce en raison do sa faible teneur en sel marin. Les habitants, les saulniers et les agents du fisc présentent de nombreux cas de lièvre palustre de juin à septembre. Ficalbi put déter¬ miner différentes variétés de culex et d’anophèles, mais sans jamais trou¬ ver de larves dans l’eau salée de la localité, eau qui reste absolument étrangère au développement de la malaria malgré les préjugés popu¬ laires. Les anophèles de Cervia proviennent des environs de la saline, là où leurs larves ont pu se développer dans de l’eau douce stagnante, par conséquent les marais salants peuvent être considérés comme complète¬ ment Indemnes de paludisme par eux-mêmes, l’infection provenant de la zone d’eau douce. 660 REVUE DES JOURNAUX Gomacchio semble destiné à disparaître par le fait même de l’intensité des cas de malaria qui s’y développent malgré sa situation au milieu de l’eau salée, sans marécage aux environs. Ficalbi fit une excursion sur le territoire de ceUe commune et réussit à découvrir des larves d’anophèles dans de l’eau de pluie formant une petite mare et ayant pris au contact du sol une prorortion de 4 p. 100 de chlorure de sodium; il semblerait que ces larves qui ne s’accommodent que dans l’eau douce aient cepen¬ dant adapté leur organisme à un milieu légèrement salé; de plus, des larves ont aussi été découvertes dans des endroits où la pluie n’avait pu se mélanger aux éléments salins de la surface, récipients à usages domestiques, gouttières des toits. En résumé, le sol emprégné de chlorure de sodium n’est pas exempt de malaria,^ont la cause réside toujoure dans les anophèles, ceux-ci ayant pu trouver les conditions de leur développement clans l’eau douce, soit de pluie, soit de boisson, restée stagnante. Cervia et Gomacchio ont des moustiques palustres malgré l’eau salée et leur malaria rentre dans la règle générale. F.-H. Renaut. Die Sanit&lsbank (Banc scolaire hygiénique), par Laufenberg, institu¬ teur à Cologne-Deutz (CentralWaM f. allgem. GesundheUspflege, 1901, page 34). Pour qu’un écolier soit commodément installé, il faut que le bord antérieur du banc se trouve à une distance minima de 2 bu 3 centimètres au-dessous d’un plan vertical passant par le bord correspondant do la table ; mais dans ces conditions l’accès est difficile et la station debout se trouve impossible; pour y remédier, il faut que le siège soit éloigné de la table de 8 à 10 centimètres au moins. Le problème ne peut être résolu que par la mobilité de l’un ou de l’autre. Nombreux sont les systèmes à banc mobile ; le changement de distance s’obtient par clifl'é- rents artifices appliqués au siège : verrou, glissière, charnière, manivelle, contre-poids ; mais tous ces mécanismes sont passibles d’inconvénients : incommodité, fragilité, manque de sécurité, bruit, blessures des jambes ou des mains. Par contre, le chiffre des modèles à table mobile est beaucoup plus restreint ; on a cependant construit des tables à bascule ou à glissière qui ont l’avantage d’un fonctionnement simple en laissant au siège toute sa solidité, mais le déplacement reste bruyant et expose à des pincements de la main. Le banc scolaire hygiénique, imaginé par M. Laufenberg, a résolu, d’une façon très ingénieuse, la transformation de la table à hauteur de siège en pupitre debout , opération se faisant sans bruit et sans danger de blessure. Le plateau de la table porte sur le bord tourné du côté du blanc une planchette se trouvant alors verticalement inclinée en bas et en avant de façon à ne gêner ni les cuisses ni les genoux de l’écolier; lorsque celui-ci so lève, il entraîne dans ce mouvement la table qui pivote mollement sur des coussinets adaptés aux montants; la table devient verticale, la planchette alors horizontalement inclinée en arrière, sert d’appui aux avant-bras et permet de placer un livre ; le tout cons- REVUE DES JOURNAUX 681 titue un pupitre droit devant lequel l’enfant se tient debout, sans avoir les membres inférieurs serrés par le banc. Le croquis de l’ensemble donne une idée de la simplicité et de la commodité du système bien mieux que ne peut le faire la description. La largeur de la planchette n’est pas suffisante pour l’écriture; mais il y a tout avantage à faire écrire les enfants assis en raison de l’incer¬ titude de leurs mouvements et la défectuosité de leur attitude. Le casier à livres est placé latéralement auprès du siège , ce qui en facilite la surveillance; l’encrier, indépendant de la table, est solidement fixé sur le montant vertical. Le système peut être établi à deux ou à plusieurs places, chacun ayant sa portion de table mobile; le modèle à deux places a une barre d’appui pour les pieds; il est d’un accès plus com¬ mode; il facilite les mesures de nettoyage de la classe. Ce banc a le grand avantage de laisser l’écolier longtemps debout sans gène, ni fatigue. M. Laufenberg estime qu’actuellement les élèves restent beaucoup trop assis durant les classes et qu’il y aurait tout avan¬ tage pour la santé et le développement de l’enfant à faire alterner fré¬ quemment la situation assise et la station debout avec appui sur un pupitre droit. F.-H. Renaut. The dangers of geysers ivilhout spécial fines (Les dangers des appa¬ reils à gaz pour chauffer les bains sans issue spéciale de ventilation), par Drew {Brit. ined. journal, 5 janvier 1901, p. 40). Une enquête faite par l’auteur attire l’attention sur le danger trop fré¬ quemment ignoré du public que suscite l’emploi d’appai'eils à gaz pour chauffer l’eau des bains lorsqu’il n’existe pas de conduit spécial d’aéra¬ tion. Un jeune homme de 15 ans fut trouvé mort dans une salle de bains mesurant 8x4x8 pieds, dans laquelle le seul moyen de ventilation était une fenêtre, qu’on trouva fermée quand on constata la mort du jeune homme. Il fut établi que tous les appareils étaient en bon état de fonctionnement. A l’autopsie, on trouva le sang fluide et rouge vermeil, indice certain d’un empoisonnement par l’oxyde de carbone. On prétendit que l’appareil n’avait pas besoin de tuyau spécial de ventilation parce qu’il ne produisait pas de fumée. Le jury rendit un verdict pour « mort accidentelle par intoxication oxycarbonnée dans une chambre non ven- tillée où brûlait du gaz >>. Les accidents de ce genre sont loin d’être rares. Les chambres de bain sont d’ordinaire très petites et il ne semble pas que le public comprenne la nécessité d’avoir un appareil de ventilation dans ces chambres. On sait que le principal avantage de ces appareils chauffe-bains est de brûler beaucoup de gaz en très peu de temps, ce qui augmente de beaucoup les chances d’une combustion incomplète et par suite les dangers de la pro¬ duction d’oxyde de carbone. En outre, depuis quelques années on utilise beaucoup le mélange du gaz de charbon et de gaz d’eau d’où un danger plus grand encore. Mais même sans cette circonstance aggravante, le danger est assez grand pour que les pouvoirs publics interdisent l’emploi de ces appareils sans moyen d’aération spéciale. REVUE DES JOURNAUX En France, ces appareils sont peu employés dans les maisons spéciales, mais on les utilise beaucoup dans les appartements particuliers et spécia¬ lement à Paris, où nous avons vu des chambres minuscules, qualifiées pompeusement de salles de bains, alore qu’on aurait pu plus justement les appeler salles d’empoisonnement. J’ai vu pour ma part un accident mortel dans un cas de ce genre et j’ai sur moi-même pu constater le danger de ces prétendues salles de bains. Catiii.n. Tke influence of hospital isolation for scarlel fever (L’influence des hôpitaux d’isolement pour la scarlatine), par le D' C. K. Millabd {The Brilish med. Journal, 16 février 1901, p. 403.) On sait que S. G. Buchanan et Newsholme ne considèrent pas les statistiques existantes comme suffi.=amment probantes pour démontrer que l’existence de ces hôpitaux d’isolement réduisent la prédominance et la gravité de la scarlatine. Le D"' Wilson a fait remarquer que la dimi¬ nution de la mortalité par scarlatine pendant ces dernières annéés, bien que coïncidant avec l’adoption des mesures d’isolement, de notification, ne doit pas être rapportée d’une façon absolue à l’adoption de ces mesures, car on a également constaté cette diminution dans des villes où aucune mesure n’a été prise et aussi dans les districts ruraux sans loi sanitaire, et enfin aux Etats-Unis où l’isolement est inconnu. M. Marriott, de Noltingham, a été plus loin ; l’isolement des scarlati¬ neux, ou, comme il l’appelle, leur accumulation dans un hôpital con¬ tribue à la diffusion et à l’augmentation de la virulence de la maladie. L’auteur a fait une enquête comprenant 113 ville.s, dont 31 grandes, 81 plus petites et le comté de Londi-es, et donnant les cas notifiés, les décès, l’opinion des médecins, etc. L’opinion des médecins est en général favorable aux hôpitaux d’isolement, mais cette opinion repose plutôt sur des impressions que sur des enquêtes strictes. La mortalité scarlatine parut effrayante de 1875 à 1880 elle est devenue insignifiante dans les années consécutives, ce qui a été, comme nous l’avons dit, attribué aux mesures d’isolement, mais celte atténuation avait commencé avant même que ces mesures ne fussent prises. A Huddersfield, par exemple, où depuis plus de vingt ans la déclara¬ tion et l’isolement ont été adoptés on a une morbidité scarlatineuse moyenne de 4,31 pour 1,000 et une mortalité de 4,49 pour 100, alors que dans quatre autres grandes villes où l’isolement est inconnu, la mor¬ bidité est de 4,45 ht la mortalité de 3,29. On a invoqué la plus faible léthalité hospitalière et on a cité à Huddersfield la mortalité hospitalière 3,18 la comparant à la mortalité dans la pratique urbaine 16,91. Cette différence est trop considérable pour être attribuée à l’inlluence du trai¬ tement. A Oldham, en 1892, il y eut une épidémie de variole ; on ferma donc l’hôpital aux scarlatineux pendant deux ans; or pendant ce temps et durant les trois années suivantes, il y eut en ville moins de scarlatine que jamais. REVUE DES JOURNAUX AW A Swansea, où les conditions sanitaires sont médiocres, on a vu la mortalité, qui était effrayante avant 1880, tomber brusquement, et en 1896, sur 549 scarlatines il y eut trois décès. Dans les villes du Lancashire, à l’exception de Manchester, Salford et Liverpool, les médecins croient avoir remarqué que l’isolement, c’est-à- dire l’agglomération de scarlatineux dans un meme local, développait un type de fièvre très tenace, très infectieux et qui, par les cas de conta¬ gions, semblàit augmenter la virulence de la scarlatine dans toute la région. Le D'’ Wilson (Ayr) considère que la question de la nécessité des hôpitaux pour scarlatineux n’est pas encore résolue et M. Shirley Murphy pense que les statistiques sont incapables de résoudre la ques¬ tion; il faudrait l’observation individuelle ou par an de la prédominance saisonnière et cyclique de la scarlatine. Le D’’ Boobyer ne croit pas à l’existence de la virulence exaltée de la scarlatine par suite de l’accumulation des malades, pas plus qu’il ne croit d’après son expérience à Nollingham à la plus grande fréquence des cas de contagion dans la pratique hospitalière. Catrin. The effets of severe imiscular exertion, sudden and prolonged in young adolescents (Les effets des exercices musculaires, violents, non gradués et prolongés chez les jeunes gens, par W. Collier (Oxford) [The Brlt. med. Jour., 16 février 1900, p. 383). Bien que l’Angleterre soit le pays où les exercices athlétiques soient le plus en honneur, il n’y a pas de traité sur ce sujet et l’auteur n’a trouvé de renseignements que dans le livre si connu de Lagrange et dans la physiologie du sport par G. Kolb. W. Collier étudie d’abord l’effet de l’exercice sur le cœur et les pou¬ mons, et après avoir rappelé les expériences de Lagrange (injection d’acide carbonique dans les veines d’un chien) il conclut que la quantité d’effort musculaire nécessaire pour produire la dyspnée varie avec chaque individu et avec la capacité individuelle pour éliminer l’acide carbonique par les poumons. Le jeune homme ayant des poumons volumineux, un cœur puissant et l’habitude de dilater son thorax éliminera son acide carbonique beaucoup plus rapidement qu’un autre qui a les poumons mal développés, un cœur débile et une faible expansion thoracique. L’exercice musculaire violent, soit non gradué, soit prolongé, produit l’emphysème physiologique et l’auteur affirme que la plupart du temps quand il examine un athlète d’une université, il trouve ces signes de l’em¬ physème physiologique ; absence des battements du cœur, soit à l’ins¬ pection, soit à la palpation, atténuation des bruits, ces deux phéno¬ mènes étant dus à ce que le poumon emphysémateux élargi recouvre le cœur ; comme autre signe d’emphysème physiologique, il note aussi l’exagération de la sonorité sous les clavicules. Si les efforts musculaires qui o.-it amené l’emphysème physiolo¬ gique, sont trop répétés ou trop prolongés, alors survient l’emphysème pathologique. REVUE DES JOURNAUX Uti des autres effets do l’exercice violent et prolongé est la dilatation du cœur droit. On trouve souvent cette dilatation chez de jeunes ser¬ vantes, obligées de marcher beaucoup et de gravir fréquemment des escaliers; comme assez souvent celte dilatation cardiaque d’effort est associée à de l’anémie, on traite celle-ci oubliant celle-là, et l’on n’ob¬ tient aucun résultat avec le fer, jusqu’au jour où à ce médicament on ajoute le repos plus ou moins prolongé. La pression du sang est-elle augmentée pendant l’exercice? Kolb dii oui, et Lagrange, d’après Mary, affirme que non. Chaque fois que l’auteur a examiné l’élève d'un gymnase, toujours il a trouvé son cœur hypertrophié ; si l’élève était fort pour tous les exercices athlétiques : course, rame, foot-ball, battement de la pointe plus bas et plus à gauche, impulsion forte et renforcement du second bruit aortique. Il pense que si les efforts sont trop répétés et trop prolongés, celte hypertrophie peut menacer l’existence. Le D' Clifford Allbutt a fait ces remarques il y a plus de trente ans et recommandait la graduation sévère dans les exercices. La prophylaxie de ces accidents repose sur les précautions suivantes ; Tout enfant avant de se livrer aux exercices divers des sports doit être soumis à l’examen d’un médecin et s’il n’est pas vigoureux, on doit lui interdire la course, la rame, etc., pour le soumettre à des exercices moins violents et gradués. Les jeunes gens qui ont subi un développement rapide seront égale¬ ment éloignés des sports pendant un certain temps. Enfin, les garçons vigoureux, qui prennent part au jeu de foot-ball, au paper-chases, etc., doivent être soumis une ou deux fois par an à un examen médical, sur¬ tout au joint de vue du cœur. Les accidents graves immédiats sont rares à Oxford après les exer¬ cices, et l’auteur a connu des hommes qui s’y livrèrent impunément malgré des, maladies valvulaires nettes, mais c’est dans l’avenir que réside le danger. Dans son enquête qui a porté sur quarante ans, le D'' Morgny a établi que les rameurs d’Oxford et de Cambridge avaient presque tous béné¬ ficié de ces exercices, et qu’en outre, la proportion des maladies de cœur n-’était pas plus forte chez eux que chez les gens du même âge ne se livrant pas à ces sports violents, mais tous ces hommes étaient soumis à un examen médical sérieux à leur admission, et leur entraîne¬ ment était réglé par le médecin lui-même. L’auteur recommande de ne jamais mettre en compétition dans les courses, etc., des jeunes gens d’âges inégaux, de toujours procéder à l’entraînement, de ne pas répéter trop fréquemment ces exercices vio¬ lents. L’éminent vétérinaire M. Flemming a signalé la fréquence des mala¬ dies du cœur et des vaisseaux chez les animaux qu’on astreint à de grands efforts musculaires répétés : lévriers, chiens pour la chasse au renard, etc. Aux individus incapables de prendre part aux exercices violents, l’au- REVUE DES JOURNAUX 655 leur recommandé la bicyclette, en évitant les montées et le vent, le lawn-tennis, etc. M. W. Collier croit que les règles adoptées dans l’armée quant au poids, à la taille, à la mensuration de la poitrine sont trop sévères. En règle générale, les coureurs pour de longues distances sont petits. Weston, le champion de l’Amérique pour les courses à longues dis¬ tances, couvrit souvent plus de 500 milles en une semaine (804 kilo¬ mètres), c’était un homme de petite taille (5 pieds 7 pouces) ; de même son concurrent Rowell, qui, en six jours, parcourut COO milles (965 kilo¬ mètres). L’auteur croit que Weston n’aurait jamais été accepté dans l’armée anglaise vu son poids et son périmètre thoracique. De môme les guides suisses sont souvent de petite taille. M. W. Collier rappelle qu’il ne faut pas oublier qu’il y a deux types de poitrine, les larges et les longues ; or, jamais on ne connaît le diamètre vertical. L’auteur cite des observations d’albuminurie inlermittente et entre autres celle d’un homme très vigoureux, ayant tous ses organes sains et qui présentait pourtant de l’albuminurie que le repos de la nuit faisait disparaître ; la quantité d’albumine variait avec la violence et la durée de l’exercice. Parfois une heure après l’exercice on ne trouve plus trace d’albumine. Il faut néanmoins recommander à ces sujets d’éviter les exercices violents. Il serait intéressant de faire des travaux sur ce sujet. Les conseils donnés par le médecin d’Oxford sont excellents et trop négligés en France; j’ai vu à diverses reprises des accidents circulatoires assez inquiétants se manifester chez de jeunes lycéens qui se livraient ou qu’on livrait avec trop d’ardeur à la gymnastique violente, encore en honneur dans certaines maisons d’éducation ou aux jeux un peu brutaux, comme le foot-ball, si en honneur en France depuis quelques années. Tous ces accidents cessaient avec la cessation de ces acrobaties. Quant à la visite médicale, avant de laisser les jeunes gens se livrer aux divers sports, presque tous empruntés à l’Angleterre, nous ne sachions pas qu’elle existe, mais serions heureux de pécher par ignorance. Nous rappelons au lecteur qu’un élève de l’Ecole du service de santé militaire de Lyon, M. Finot, a fait une intéressante thèse sur ce sujet de l’albuminurie intermittente, prenant comme sujet d’étude ses camarades à la suite de leçons d’escrime, d’équitation, etc. Catrin. The malaria experiments in llie campayna (Les expériences sur la malaria dans la campagne romaine), par les D" Samron et Low {Brit. med. Journal, 8 décembre 1900, p. 1679). Les D‘'“ Sambon et Low, revenant en Angleterre en excellente santé après un séjour prolongé dans la campagne romaine, ont démontré qu’en prenant certaines précautions, on pouvait impunément séjourner dans les foyers paludéens les plus actifs. On avait choisi primitivement Cerveletta, localité basse, située dans la vallée de l’Aniene entre Rome et Tivoli, mais cette localité, bien cultivée 686 REVUE DES JOURNAUX pav des paysans lombards, n’a pas semblé assez malsaine pour rendre concluantes les expériences; aussi, d’après l’opinion des D” Marchiafava, Celli, Bignarai, Gualdi, etc., qui ont étudié le paludisme en Italie, on se décida pour Maccarese et Ostia, deux localités de réputation funèbre ; on fut obligé de renoncer à Maccarese, vu la mauvaise volonté du proprié¬ taire de la seule maison habitable. La cabane à l’épreuve des moustiques fut commencée en juin et ter¬ minée le 19 juillet. Les expérimentateurs y dormaient, les fenêtres ouvertes, ce qu’aucun paysan ne voulut croire sans l’avoir vérifié lui- méme, et grand fut leur étonnement de voir les habitants rester sains et robustes, malgré la fatigue des excursions et une nourriture plus que médiocre. Ostia, comme toutes les autres localités paludéennes de l’Italie, n’a pas de population indigène, mais seulement une population flottante venant de tous les points de l’Italie et surtout du sud. En hiver, beaucoup de cultivateui’s viennent séjourner dans ce pays ; ils l’abandonnent en juin et dans l’été d’autres Italiens viennent faire les récoltes, mais ne séjournent que peu de temps; encore souffrent-ils tous de la malaria et ont-ils mérité le nom d’esclaves blancs ; ils sont d’ailleurs mal nourris, vivant de pain noir, de fromage et d’oignons; l’eau de bonne qualité n’existe plus en avril, et ces malheureux boivent l’eau vaseuse du Tibre. On ne trouve que deux espèces d’anophèles à Ostia. l’A. claviger et TA. pseudopictus, quoiqu’on ait dit y avoir rencontré l’A. bifurcatus. L’A. cla¬ viger est le plus commun de beaucoup ; on trouve ses larves non seule¬ ment dans toutes les mares, mais dans tous les canaux de drainage. Les larves de culex sont également très fréquentes dans ces canaux. L’anophèles claviger recherche les coins sombres; on le rencontre fréquemment sous les tables, les lits. Dans une chambre d’une maison d’Ostia, le plafond était entouré d’une raie bleu foncé; c’est sur cette raie sombre que se concentraient les anophèles. En juillet, l’A. claviger abondait; il continua à pulluler jusqu’à mi- septembre; à cette époque, quatre jours de pluie torrentielle en firent diminuer beaucoup le nombre. C’est surtout au moment du coucher du soleil qu’apparaissaient les anophèles. La piqûre des anophèles est extrêmement rare dans la journée, non seulement au dehors, mais même dans les maisons. Ostia est une des localités les plus paludéennes de l’Italie. Après l’as¬ sassinat du roi, une quinzaine de policiers vinrent à Ostia pour arrêter quelques anarchistes suspects; ils ne restèrent qu’une partie de la nuit dans le village et tous curent la fièvre dans la quinzaine suivante. Au contraire, aucun des expérimentateurs, malgré la prolongation de leur séjour, n’eüt la moindre indisposition imputable au paludisme. Catrin. Remarks on the conclusions of lhe report of tke anesthélics commit- tee of the British medical Association (Remarques sur les conclusions du rapport de la commission des anesthésiques de l’Association médicale REVUE DES JOURNAUX 65T anglaise), par Georges Easlbs {The Brit. med. journ., 23 février 1901, p. 441). Cette statistique porte sur 25,920 cas dans lesquels 43 anesthésiques distincts ont été employés. Dans 21,000 cas, on s’est servi de chloro¬ forme, ou d’éther, ou de mixtures d’éther et de chloroforme dans des proportions variées ; dans 3,500 cas, on a utilisé l’oxyde nitreux seul ou combiné à l’oxygène ; les 1,200 cas restants comptent 38 autres anesthé¬ siques divers. Avec le chloroforme,, le danger (comprenant les morts) serait de 0,582 p. 100, avec le mélange d’éther et de chloroforme 0,478, avec le chloroforme précédé de l’éther 2,2, avec le chloroforme suivi d’un mélange d’alcool, de chloroforme et d’éther 0,36 p. 100 ; avec l’éther 0,065 ; avec l’éther précédé d'une mixture d’alcool, de chloroforme et d’éther 0. L’éther serait le moins dangereux des anesthésiques. Aucune méthode d'administration du chloroforme n’est exempte de danger ; il ne semble pas y en avoir une inférieure à l’autre, tout dépend de celui qui admi¬ nistre l'anesthésique. Les hommes sont plus souvent en danger que les femmes. Le danger (les enfants exclus) semble augmenter avec l’âge. C’est surtout dans les premières périodes de l’administration de l’anes¬ thésique qu’il faut craindre les accidents, qui sont d’autant plus fréquents que l’opération est plus grave. Le chloroforme est deux fois plus dangereux pour les hommes que pour les femmes ; c’est lorsque le patient est en bonne santé que l’anes¬ thésie par le chlororme est le plus dangereux ; il semble que c’est surtout le système circulatoire qui soit atteint dans les accidents chloroformiques. Le chloroforme fait plus souvent mourir que les autres anesthésiques, les vomissements après l’anesthésie sont, quand ils se produisent, plus graves mais moins fréquents qu’avec l’éther. Avec l’éther, les complications sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes, mais elles sont moins graves. La bronchite se voit plus fréquemment après l’éther qu’après le chloroforme. La conclusion la plus importante est que le danger de tous les anesthé¬ siques est d’autant moindre que celui qui les administre est plus expéri¬ menté. Catwn. The prévention of waterborne typhoïd in armee in the field (La pré - vention de la propagation de la fièvre typhoïde par l’eau dans les armées en campagne) , par Louis Pabkes et Samuel Rideal (Société d’épidé¬ miologie de Londres, 18 janvier 1901. — Brit. med. Journ., 16 janvier 1901, p. 242). Pour ces auteurs , trois questions doivent être posées à l’occasion de l’épidémie de fièvre typhoïde qui sévit sur les troupes anglaises de l’Afrique du Sud ; 1“ Le nombre des cas de fièvre typhoïde a-t-il excédé celui qu’on UEV. d’hyg. xxm. — 42 6S8 REVUE DES JOURNAUX trouve habituellement dans les autres campagnes quand les conditions sanitaires sont aussi désavantageuses ? 2° La fièvre typhoïde devait-elle probablement devenir épidémique parmi les troupes prévues par l’autorité militaire? 3° A-t-on pris les mesures les plus efficaces pour sauvegarder l’armée en marche et dans les. camps ? 11 parait probable que les premiers cas ont été causés par la consom¬ mation d’eau infectée par le virus entérique, provenant soit de la popu¬ lation civile, soit plutôt des Boers, chez lesquels la maladie existait dès le début de la campagne. ^On a toujours eu soin d’éviter, pour les troupes en marche, le campe¬ ment sur des points antérieurement occupés; d’autre part, il a fallu se servir souvent de sources contaminées soit par les armées anglaises, soit par les ennemis. Avec les marches rapides, les mouvements incessants, il était impos¬ sible de songer à distiller ou même à faire bouillir l’eau de boisson. Y serait-on parvenu que Jamais en route les hommes harrassés de fatigue et de soif n’auraient consenti à attendre le fonctionnement des appareils. On chercha alors s’il n’y aurait pas une substance chimique capable, si ce n’est de détruire le bacille typhique, du moins d’en entraver la multiplication sans être nuisible pour la santé, sans rendre l’eau non buvable. On ne pouvait songer à employer les toxiques où même les désinfec¬ tants ordinaires, mais on utilisa les acides : acide sulfurique, acide nitro- hydrochlorique, acide tartrique, acide citrique. On essaya également le bi-sulfate acide de soude et le phosphate acide de soude ainsi que le sulfovinate. Avec les acides tartrique, citrique, nitro-hydrochlorique et une dose de l-«',20 par pinte (37 centilitres), il faut un contact d’au moins quinze minutes; avec la demi-dose , celte durée ne suffit pas et avec la dose mlnima d’acide citrique (30 centigrammes) , il n’y a aucun effet produit après vingt-quatre heures. L’acide tartrique parait plus efficace que le citrique. L’acide nitro-hydrochlorique dilué semble plus actif que l’acide sulfu¬ rique, mais On n’a pas continué ces expériences, car il a paiu aux méde¬ cins que la substance dont pourraient se servir les soldats devait être solide, vu la difficulté de transporter et doser les liquides. Le bisulfate acide de soude aux doses nécessaires ne saurait être pur¬ gatif, et ce sel, dans la proportion d’un gramme par demi-litre tuait le bacille typhique après un contact de cinq minutes ; mais par prudence on conseilla de laisser en contact quinze minutes. Le sulfate acide de soude et le sulfovinate furent expérimentalement reconnus inefficaces. On employa le bisulfate acide de soude sous forme de tablettes, ren¬ fermant chacune 30 centigrammes de substance active; on ajouta un peu de gomme pour que la dissolution soit plus rapide. Ces tablettes cendenl l’eau plus agréable à boire et l’on a constaté que REVUE DES JOURNAUX 689 les hommes qui les employaient étaient plus rapidement désaltérés, buvaient beaucoup moins que leurs camarades. Le major Macpherson fait remarquer qu’au moment où la fièvre typhoïde a été le plus intense, elle n’a jamais dépassé S, 8 p. 100; les Allemands devant Metz atteignirent S,3 et les Américains dans la guen-e cubaine ont eu 10,4 p. 100. Les commissions américaines prêtent peu d’importance à l’étiologie hydrique et font remarquer que les troupes en marche, beaucoup plus exposées à boire de l’eau souillée, avaient moins de cas que les troupes campées. Chaque compagnie anglaise avait un filtre donnant 18 litres d’eau en dix minutes, mais ces filtres se cassaient souvent. Il condamne les méthodes de stérilisation de l’eau par l’hypochlorite de chaux (Autriche) et le peroxyde d’hydrogène (Belgique), le permanganate de potasse, l’alun et la chaux (France) , mais croit qu’il faut compter sur le bisul¬ fate de soude. Le major Batbie croit qu’en campagne, toutes les méthodes de stérili¬ sation de l’eau connues jusqu’à ce jour sont impraticables; d’ailleurs, l’eau n’est pas le seul facteur étiologiquej il y a aussi les poussières, les mouches, etc. Dans le camp de la yeomanry impériale , on a utilisé avec succès le filtre Berkefield, mais en buvant très peu : sur 150 hommes, il n’y a eu que 6 cas bénins. L. Catein. Ueber desinficirende Wandstriche (Pouvoir désinfectant des peintures murales), par Jacobitz {Zeitschrift fur Hygîene und Infectionskran- kheiten, 1901, XXXVII, p. 70). Deycke, Heimes et Bosco ont déjà montré que certains enduits servant à la peinture des murs possèdent une action antiseptique vis-à-vis de divers agents pathogènes. Jacobitz a repris ces expériences à Halle, dans le laboratoire de FraenkeK II a expérimenté avec diverses couleurs, les couleurs d’amphi- boline utilisées par Deycke, celles de la fabrique Zonca qui avaient servi aux recherches de Heimes, quatre couleurs de porcelaine émaillée, des couleurs à l’huile de céruse et de blanc de zinc, des couleurs à l’hy- péroline, etc. Les microbes utilisés ont été : le bacille diphtérique, le bacille typhique, le staphylococcus aureus, la bactéridie charbonneuse, le strep¬ tocoque de l’érysipèle, le vibrion du choléra. Le dispositif expérimental a été fort simple. Il consiste à enduire de peinture une plaque de bois de chêne on de ciment. On laisse sécher et on applique ensuite une culture sur bouillon avec un pinceau ou du coton. Les surfaces ainsi traitées ont été exposées à la lumière ou conser- véés à l’obscurité. Des ensemencements ont été pratiqués à divers inter¬ valles. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec les couleurs de porcelaine émaillée, sur lesquelles on ne retrouve pas le vibrion cholérique et le 660 REVUE DES JOURNAUX bacille diphtérique après quatre jours, le bacille typhique et le staphylo- coccus aureus après huit jours, le streptococcus de l’érysipèle après douze jours, la bactéridie charbonneuse après trente jours. Les résultats sont un peu moins bons avec les peintures à l’huile, à la céruse et à l’oxyde de zinc : disparition au bout de quatre jours (vibrion cholérique, bacille diphtérique et bacille typhique), douze jours (staphy- Iqcoccus auréus et streptocoque), trente jours (bactéridie charbonneuse). Les effets sont bien moins satisfaisants avec les autres enduits de cou¬ leur, et notamment l’amphiboline et l’hypéroline. Ces dernières mettent 70 fois plus de temps à faire disparaître les germes. L’auteur a trouvé la cause de ces différences. Les couleurs à action désinfectante sont à base d’huile de lin, et cette dernière, très oxydable, donne naissance à des acides volatils. C’est à ces produits volatils de l’oxydation de l’huile de lin qu’est due l’action désinfectante des enduits de couleur. Cette action se poursuit alors même que la couleur a été appliquée depuis plusieurs semaines. Netter. Die Ergebnisse des Impfgeschcefts im Deutschen Reiche fur das dus Jahr 1898 (La vaccination en Allemagne en 1898), par Burkhardt {Medizînal statistüehe MUtheilungen aus dem Kaiserlichen Gesundheits- amte, VI, 1901, p. 265). Le nombre des enfants vaccinés en 1898 a été de 1,480,810; celui des revaccinés de 1,195,205. La proportion des succès a été pour les vaccinations de 97,15 et pour les revaccinations de 91,79 p. 100. La vaccine animale a à peu près été la seule employée : 99,96 p. 100. La vaccination de génisse à bras est, comme l’on sait, à peu près aban¬ donnée en Allemagne. Sur 1,194,973 revaccinations à l’aide de vaccin animal, il y a eu seulement 195 vaccinations de génisse à bras. La proportion des réfractaires a été de 2,12 aux vaccinations de 0,46 p. 100 aux revaccinations. Les personnes qui ont aussi refusé de se laisser vacciner ou revacciner ont été surtout nombreuses dans le dis¬ trict de Magdebourg (11,59 p. 100), le duché d’Oldenbourg (11,10), a Brème (6,98). Ces localités étaient déjà signalées les années précédentes pour les mêmes résistances. 11 ne faut pas incriminer seulement la mau¬ vaise volonté des parents, mais aussi la négligence sur certains points des autorités et des médecins. Dans certaines régions les autorités ont fait respecter la loi, notamment à Nuremberg où il y a eu 138 condam¬ nations, Gôrlilz 28, etc. Les anlivaccinaleurs ont fait en maints endroits une campagne très vive. Dans plusieurs localités, les mères s’empressent d’essuyer la région inoculée ou s’efforcent de sucer ou de laver avec la salive les piqûres. Cette pratique n’est pas sans inconvénient, et le rapport publie l’ob¬ servation d’une enfant qui après une pratique de ce genre a présenté des abcès multiples. Ce cas avait été invoqué par les anlivaccinateurs comme un exemple de maladie causée par la vaccination. Netter. 661 REVUE DES JOURNAUX A contribution to the etiology of épidémie cérébro-spinal meningitis (Contribution à l’étiologie de la méningite cérébro-spinale épidémique), par le D'' ’W.-J. Buchanan (Journal of hygiene, avril 1901, p. 214). Le D' Buchanan , superintendant de la prison centrale de Bhagalpur, au Bengale, et rédacteur en chef de la Jndian medical gazette, donne la relation de trois épidémies de méningite cérébro-spinale qui, en l’espacé de quatre ans, se sont succédé dans cette prison et ont occasionné 47 cas, avec 32 décès, soit une mortalité de 68 p. 100. Les examens faits par les D” Drury et Rogers, tous deux professeurs au Collège médical de Cal¬ cutta, ont démontré la présence dans ces cas du diplococcus intracellu- laris meningitidis , décrit en 1886 par Weichselbaum comme l’agent producteur de la méningite cérébro-spinale épidémique. Gerraano a prouvé que ce diplocoque conserve sa vitalité pendant quatre-vingts à quatre vingt-dix jours quand il est desséché. M. Buchanan pense qu’à la prison de Bhagalpur les poussières du dehors et du dedans ont été les véhicules du germe et ont transporté la maladie. Quant à l’angine première de ce germe, elle est restée inconnue : il n’y avait eu antérieurement et depuis longtemps aucun cas dans la loca¬ lité; le prisonnier le moins ancien avait au moins trois mois de séjour dans la prison même , il n’y avait pas eu de cas depuis quatre ans avant la première épidémie et les deux autres épidémies ont été séparées par des interruptions complètes de six à seize mois. L’encombrement ne peut être rais en cause ; la prison est très belle, très vaste, et dans les cham¬ brées la place qui revient à chaque homme sur le sol est de plus de 3,5 mètres carrés (3“,720) ; les soldats n’en ont pas toujours autant dans leurs casernes. Sur 1,800 prisonniers indous, 1,000 environ sont employés dans l’inté¬ rieur de la geôle à des industries telles que la fabrication de couvertures de laine pour l’armée, de tapis, ou bien ils sont tailleurs, charpentiers, etc. Sur ce nombre, il n’y a eu que 3 hommes atteints sur les 47 cas observés. Les 800 autres sont employés au balayage des cours et des chemins, aux travaux de jardinage, à ceux d’une briqueterie, et travaillent bien plus à l’extérieur des salles qu’à l’intérieur ; ils vivent en général dans une atmosphère de poussière, d’autant plus que c’est surtout dans la saison sèche et chaude que se sont développées les trois épidémies. C’est presque exclusivement les prisonniers ayant « des occupations poussiéreuses » qui ont été atteints (44 cas sur 47). La démonstration ne nous parait pas suffisante. On ne dit pas dans quelle proportion le diplococcus a été trouvé, dans quels tissus, organes et liquides sa présence a été constatée. Il n’est mentionné nulle part . qu’on ait cherché et reconnu la présence de ce même diplococcus dans les poussières recueillies à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison. L’auteur se borne à dire que " l’objet principal de ce mémoire est de montrer jusqu’à l’évidence la connexion de ces cas avec la poussière, connexion établie par le capitaine D’’ Stevens pour les cas de la troisième épidémie de la prison ». Il ajoute que « la poussière n’est sans doute que le véhi¬ cule du germe spécifique, le milieu où il reste latent et en activité poten- 663 REVUE DES JOURNAUX Uelle, jusqu’à ce qu’une condition favorisante inconnue (chaletu' ou encombrement) le rende très actif; peut-être même la poussière n’agit- elle qu’in Jireoteraent en blessant les voies respiratoires et en diminuant la résistance. » L’auteur ne dit pas si d’autres maladies, telles que la grippe, la scarla¬ tine, etc., avaient sévi antérieurement ou sévissaient en même temps dans la prison. Malgré ces lacunes, l’observation est digne d’intérêt et servira peut- être à jeter un peu de lumière sur la nature encore si obscure de la méningite cérébro-spinale et sur sa prophylaxie. E. Vallin. Sur certaines conditions qui peuvent rendre le lait toxique ou dan¬ gereux, parM. P. Leblanc {Lyon médical, 14 avril 1901, p. 861). M. P. Leblanc a présenté à la Société des sciences médicales de Lyon des observations très intéressantes sur certaines conditions qui peuvent rendre toxique ou dangereux un lait d’apparence normal. Le lait des animaux tuberculeux est dangereux alors même qu’il n’existe pas de lésions tuberculeuses de la glande mammaire. Il est dan¬ gereux non par les bacilles, mais par les toxines tuberculeuses qu’il renferme. Jemma a établi que le lait tuberculeux est toxique. James Lavv a cité le cas d’individus ayant éprouvé des malaises très sensibles après l’ingestion de ce lait. Michellazzi a établi expérimen¬ talement : l®-qu’on trouve dans le lait d’un animal tuberculeux le poison tuberculeux; 2® que ce lait injecté à un tuberculeux détermine une réac¬ tion fébrile; 3® que le lait d’une mère tuberculeuse est toxique à la longue pour les enfants ; 4® que la stérilisation à 100 degrés n’a pas une valeur absolue, puisque les toxines ne sont pas détruites ; 5® que ce lait stérili.sé détermine une intoxication lente et chronique de l’organisme. Tant que l’animal tuberculeux fonctionne d’une manière physiologique, son lait reste normal ; mais s’il survient chez lui une indisposition pas¬ sagère ou chronique, son lait véhicule des déchets organiques qui déter¬ minent des troubles digestifs chez ceux qui en font usage. Gaffky a rap¬ porté trois cas d’entérite infectieuse chez l’homme, dûs à l’ingestion de lait provenant de vaches atteintes d’entérite hémorrhagique. En Amérique on a signalé chez l’homme une maladie, dite maladie du lait, après l’ingestion de lait provenant d’une vache qui avait bu de l’eau croupissante. La glande mammaire est en effet un organe sécréteur très actif ; on retrouve dans le lait un grand nombre de médicaments ingérés par l’animal : tartre stibié, alcool, alcaloïdes de l’opium, atropine, cam¬ phre, éther, térébenthine, assa fetida, chloroforme, aloès, arsenic, stry¬ chnine, acide salioylique, acide phénique, sels de plomb, iode, corn-, posés mercuriels, etc. Le lait des femelles nourries avec des plantes alliacées, des crucifères, prend l’odeur de ces essences. Les jeunes por¬ celets nourris exclusivement avec le lait de leur mère, quand celle-ci reçoit une alimentation très échauffante ou toxique présentent parfois des troubles digestifs. La diarrhée des veaux a souvent la même origine. REVUE DES JOURNAUX 663 Lorsqu’on a désinfecté une vacherie avec des antiseptiques à odeur forte, le lait des vaches prend un goût insupportable ; ce lait, cru ou bouilli, a parfois déterminé chez l’homme des nausées et des vomissements. Le D’’ Vieth rapporte le cas d’un troupeau de vaches qui passaient fré¬ quemment à une certaine distance d’un cadavre de veau en putréfaction abandonné sur la route ; le lait de toutes ces vaches était gâté et avait un goût repoussant' l’enfouissement du cadavre fit cesser ce mauvais goût du lait. Le lait des vaches taurelières a un goût salé, amer, et quand on le conserve il prend une odeur insupportable de fromage. AI. Leblanc a fait ingérer à de jeunes chiens du lait de vaclies en chaleur ou taurelles ; les chiens ont été pris de diarrhée abondante, jaune et fétide. La glande mammaire ne laisse pas passer les germes figurés que contient le sang ; il n’y a d’exception que dans les cas où Te lait est sanguinolent (charbon, hémorrhagie du part). Alais avec une glande intacte, les sinus galactophores peuvent s’infecter directement, par leur extrémité périphérique. AI. Leblanc a constaté par des expériences directes, en ouvrant aseptiquement le canal du mamelon, que le sinus galactophore est rarement un milieu aseptique ; il y a trouvé, 18 fois sur 24 vaches : le staphylocoque doré (10 fois), le staphylocoque blanc (6 fois), le staphylocoque citrin (1 fois); une fois il y a reconnu un agent appartenant au groupe du B. coli, et capable de produire une septi¬ cémie aiguë. 11 a pu ensemencer et cultiver tous ces microbes sur la gélose. Hesse et Zchokke avaient déjà constaté que le sinus galactophore est une cavité constamment infectée, pas plus aseptique que la bouche. Le professeur Renaut, de Lyon, et AI. Charrin ont trouvé les agents de la suppuration dans le lait des mères venant d’accoucher. Les vaches qui ont subi la castration paraissent à ce point de vue, d’après AI. Leblanc, capable de donner un lait de meilleure qualité et de composition plus constante que les autres vaches. E. Vallin. SuUa pretesa azione antibaiterica del estraito di Tœnia medioca- nellata (Sur la prétendue action antibactérienne de l’extrait de lænia), par le D' L. Tavernari. (Societa med.-ch. di tlodeiia, 30 janvier 1901.) MM. Ramond et Picon, dans une communication faite le 10 mars 1899 à la Société biologique de Paris, disaient avoir constaté qu’une macéra¬ tion de tænia interne dans du sérum physiologique jouissait d’un pou¬ voir bactéricide vis-à-vis de certains microbes intestinaux ; le coli¬ bacille se développait avec peine dans les milieux de culture additionnés d’une telle macération ; le bacille d’Eberth et celui de Koch ne s’y déve¬ loppaient pas du tout. Le D'' Tavernari, premier assistant à l’Institut d’hygiène de l’Université de Modène, a eu l’occasion de contrôler ces faits, au moyen d’un tænia inerme encore vivant, qui venait d’être expulsé spontanément par un individu, sans l’aide d’aucun vermifuge; Il fît macérer 65 grammes de ce tænia dans 100 grammes de solution physiologique de chlorure de 66i REVUE DES JOURNAUX sodium additionnée de glycérine neutre et très pure ; au bout de deux jours de celle macération à + 18®, il filtra le liquide à travers une bougie en porcelaine et institua des essais de culture sur divers milieux liquides et solides, en ajoutant une certaine quantité du filtrat ii ces milieux stérilisés. Il a opéré sur le bacille typhique, le bacille tuberculeux et le coli¬ bacille. Il n’y a eu aucun retard dans la culture de ces germes; la glycérine paraît avoir activé légèrement le développement de ce der¬ nier. Même résultat en ajoutant le /iltralum à ce que les allemands appellent Nàhrstoff Heyden. L’auteur pense que la macération dont se sont servis MM. Ramond et Picon retenait quelques traces de l'aiithelmintique employé, et que ces substances étaient douées de propriétés anlimicrobiennes et toxiques. La même opinion avait déjà été exprimée par le professeur Mingazzini dans la Rassegna intermzionale delta medicina moderna, 1901, n®6. E. Vallin. Rapport sur un projet de création d'un sanatorium privé pour lépreux dans la commune de Rouceux, près de Neufchâieau {Vosges), par M. Ernest Besnibr (Bulletin de V Académie, séance du 21 mai 1901, p. 600). Dom Sauton, docteur en médecine de la Faculté de Paris, bénédictin de Ligugé, a visité un grand nombre de pays lépreux en Asie, en Océanie et en Europe, et a acquis de ses deniers en 1899 une vaste propriété dans la commune de Rouceux, près de Neufchàteau, en vue de créer un refuge pour les lépreux disséminés sur le territoire de la France. Le Conseil municipal et les habitants de la région réclamèrent contre le danger de contagion auquel on exposait le pays, non moins que contre la dépréciation qui en résulterait pour les propriétés du voisinage. Le ministre de . l’Intérieur consulta d’abord le Comité consultatif d’hygiène de France qui, le 18 juin 1900, sur le rapport de M. Netter, donna un avis favorable à la création du sanatorium privé pour lépreux ; mais le maire de Ronceux ayant pris un arrêté interdisant la création de cette léproserie, le D’’ Sauton déféra cet arrêté au Conseil d’Etat. C’est alors que le ministre de l’Intérieur consulta, le 21 janvier 1901, l’Académie, « sur la question de savoir si une fondation de cette natm’e présente une réelle utilité et si elle ne peut être l’origine d’aucun inconvénient pour la santé publique •>. L’Académie nomma à cet effet une commission composée des membres de la section d’hygiène, auxquels on adjoignît MM. Henri Monod et le D’’ Hallopeau, dont le service a recueilli en ces dernières années un certain nombre des lépreux entrés à l’hôpital Saint-Louis. Personne n’était plus qualifié que M. Besnier pour être le rapporteui' de la Commission, et son rapport «st un modèle de discussion judicieuse, où tous les côtés de la question ont été étudiés avec une absence com¬ plète de parti pris et une grande modération. Sur les deux points en litige, l’utilité et Finnocuité dans une telle localité d’un sanatorium pour 66S BEVUE DES JOURNAUX lépreux, M. Besnier a demandé l’avis écrit des léprclogistes les plus compétents et les plus renommés de l’Europe, et il a reproduit dans son rapport le texte même des consultations données par Hansen, G. Bock, Neisser, Ehlers, Blasehko, Jeanselme, etc. Avant de soumettre à la dis¬ cussion les conclusions de ce rapport, la Commission a entendu les explications très intéressantes qu’est venu lui donner le D*' Sauton, inspiré d’ailleurs uniquement par des sentiments de philanthropie et de charité pour les victimes de cette affreuse maladie. Finalement le contrat de vente de la propriété de Rouceux a été résilié à l’amiable, et sans abandonner le projet de fonder un sanatorium privé pour lépreux, dom Sauton renonce tout au moins à l’établir dans la région des Vosges, où la lèpre est pour ainsi dire inconnue. Le rapport de M. Besner était si complet et si bien étudié, qu’il ne restait en quelque sorte rien à discuter; aussi après quelques échanges d’observations, les conclusions suivantes ont elles été votées telles qu’elles avaient été formulées par le rappor¬ teur : i> 1® Dans la mesure et avec les réserves expresses formulées au cours du rapport, l’Académie pense que, placé le plus près possible d’une région où il y a encore des lépreux, un « sanatorium > privé pour lépreux peut avoir une utilité réelle ; « 2“ Dans la mesure et avec les réserves expresses formulées au cours du rapport, l’Académie pense que, solidement réglementé dans sa cons¬ titution par l’autorité sanitaire et soumis par elle à une surveillance inté¬ rieure et extérieure permanente et effective, un « sanatorium » privé pour lépreux parait, dans l’état actuel, ne devoir être l’origine d’aucun inconvénient pour la santé publique ». Les restrictions émises ci-dessus n’étant pas exécutables, puisque nous n’avons aucun droit légal de surveillance sur les établissements privés, M. Besnier a dù ajouter cette troisième conclusion ; « 3“ L’état actuel de notre législation ne rendant pas cette surveillance possible, une commission nommée par l’Académie étudiera les mesures qu’il y a lieu de prendre à l’égard de tous les établissements d’assistance. » Cette dernière conclusion a été vivement appuyée par M. Brouardel ; il a l’appelé à cette occasion ce qui s’est produit à Limoges, où une per¬ sonne très charitable avait transformé sa maison en un asile où elle attirait de tous les pays et soignait les phtisiques arrivés à une période avancée de la maladie. Les voisins s’étant plaints du danger que leur faisait courir un tel voisinage et des cas de contagion paraissant s’être produits dans le quartier, l’inspecteur général des services sanitaires fut invité par l’autorité à visiter l’établissement; mais l’établissement n’étant pas classé, il ne put y pénétrer sans violation de domicile. Dans la séance du 4 juin, l’Académie a voté ces trois conclusions, et nommé une commission composée de MM. F. Guyon, Besnier, Brouardel, Henri Monod, Roux, Vallin et Berger. E. Vallin. Recherche du bacille typhique dans l’eau potable, par le professeur A. Chantemesse {Presse médicale, S juin 1901, p. 261). Dans cette très intéressante lecture, faite à l’Académie de médecine 666 REVUE DES JOURNAUX quelques jours avant son élection, M. Ghanteraesse fait remarquer que jusqu’ici on n’a pas tenu assez de compte des modifications de l’affaiblissement que subit le bacille typhique quand on le transporte dans un milieu défavorable. 11 a donc cherché une méthode qui lui permit de faire proliférer, de renforcer et rajeunir ces microbes, contenus non dans quelques gouttes d’eau mais dans une grande masse d’un liquide de prolifération; cela fait, il les porte dans un second milieu de culture, dit milieu de différenciation, où les colonies typhiques, revêtant des caractères objectifs très particuliers, puissent être aperçues et reconnues. Ce qui prouve la sensibilité du procédé, c’est que M. Chante- messe a toujours pu déceler le bacille d’Eberth dans l’eau de Seine coulant au robinet de son laboratoire. D’autre part, dans un récipient rempli d’une vingtaine de litres d’eau de rivière naturelle non stérilisée, il a ajouté une petite quantité de bacilles typhiques ; au bout de quinze, de trente, de quarante-cinq jours, il a retrouvé au milieu de beaucoup d’autres microbes, ces bacilles typhiques. Il n’est donc pas vrai que le bacille typhi¬ que meurt rapidement quand il a envahi des eaux naturelles même impures. Milieu de prolifération. — L’examen de l’eau à analyser porte sur 6 litres ; dans le récipient renfermant cette eau, une bougie Cham- berland stérilisée, et dans laquelle on fait le vide, arrête sur sa surface externe tous les microbes. On lave alors cette bougie avec 200 grammes d’une solution stérile de peptone à 3 p. 100. On obtient ainsi un liquide trouble que l’on place à l’étuve à 37° dans un bocal à large goulot, fermé par un bouchon de caoutchouc percé de quatre trous; dans le premier trou pénètre une petite bougie poreuse filtrante ; par le second, un tube de veiTe muni en haut d’un bouchon d’ouate amène au fond dut liquide de l’air qui vient y barboter constamment; dans le troisième s’engage un tube de verre destiné à faire le vide; le quatrième, enfin, reçoit un tube de verre, mis par sa partie supérieure en communication avec un vase rempli d’eau peptonisée stérile à 3 p. 100. Quand l’appareil est en marche, à l’aide de tuyaux d’aspiration actionnés par une trompe à eau on fait le vide dans le flacon pour y aspirer et y faire barboter l’air; ensuite, le moment venu, on soutire, par aspiration à travers la bougie, le liquide qui a servi à la culture et qui entraîne avec lui les produits solubles des sécrétions microbiennes, tandis que les germes sont retenus dans le vase et sur les parois de la bougie ; il ne reste plus qu’à faire pénétrer dans le récipient, par le tube à ce destiné, de l’eau peptonisée ; la culture et le barbotage de l’air recommencent alors dans un bouillon frais. Le changement du liquide usé doit être fait toutes les douze heures une ou deux fois. Au bout de ce temps, le bocal renierme une culture extrêmement riche en microbes, où toutes les espèces — y compris le bacille typhique — capables de pulluler à 37° dans un milieu aussi favorable que l’eau peptonisée très aérée, ont abondamment proliféré et ont retrouvé la jeunesse et l’énergie. Le bouillon de culture est ensuite placé dans le centrifugeur pendant environ une demi-heure, puis décanté. Au fond des tubes de centrifugation s’est déposé un magma épais, formé surtout de microbes assez volumineux, peu mobiles, ou de chaînettes de micro- REVUE DES JOURNAUX coques, tandis que la plupart des bacilles typhiques, minces, très mobiles, munis de cils vibratiles, restent en suspension dans le liquide. Aussi est-ce ce dernier qui servira à ensemencer le milieu de différenciation. MUieu de différenciation. — Il est formé d’eau peptonisée à 3 p. 100, additionnée de 2 p. 100 de gélose et cuit à l’autoclave à 120 pendant trois quarts d’heure, afin de supprimer l’expulsion d’eau que détermine la solidification de la gélose hâtivement préparée. Ce milieu doit être parfaitement neutre, et mis à l’ahri de la dessiccation. Quelques minutes avant de Tutiliser, en lui ajoute 1 gr. 03 centigr. d’acide phénique cristallisé pour 1,000 grammes (il est important que l’addition de l’acide phénique soit faite au dernier moment, sans quoi le taux de cette subs¬ tance s’affaiblit par suite de sa combinaison avec les matières organiques) : à cet effet, dans le milieu de culture fondu et maintenu au bain-marie à 46°, on verse, pour 50 grammes de gélose, 2 centimètres cubes 1 d’une solution d’acide phénique cristalisé à 2, .3 p. 100. Mais pour que ce milieu de différenciation donne les résultats attendus, il doit être utilisé sous forme d’une mince pellicule, de façon à n’obtenir que des colonies de surface, car cès colonies n’ont pas la meme apparence que celles qui germent dans la profondeur, à l’abri de l’air. Dans ce but, une douzaine de tubes stérilisés plongés dans un bain-mqrie à 42° reçoivent chacun 2 centimètres cubes environ de gélose phéniquée; ils sont ensuite ensemencés avec un fil de platine trempé dans le premier bouillon sorti du centrifugeur, et qui suffit pour ensemencer successi¬ vement 4 tubes, de telle sorte qu’il dépose dans chacun d’eux un nombre de moins en moins grand de germes; pour ensemencer les 12 tubes, le fil de platine doit donc être trempé 3 fois seulement dans le liquide de prolifération. L’ensemencement pratiqué, les tubes sont portés l’un après l’autre dans un bain-marie à 46°, et la gélose, inaintenue très liquide par cette température, est agitée doucement et roulée sur la surface interne du tube, qu’elle mouille partout. On retire ensuite le tube en le renversant le fond en haut et l’orifice en bas ; la gélose fluide descend sur l’ouate, mais il reste, sur la surface interne du verre, une mince pellicule de gélose qui se solidifie en quelques instants par le fait du refroidissement. Le bouchon d’ouate et le culot de gélose qui le recouvre sont enlevés et remplacés par un bouchon do liège qui sort do la paraffine maintenue en fusion. Les tubes, mis à l’étuve à -f- 37°, laissent se développer des colonies de coli-bacilles largement aérées, toutes en surface; presque toutes sont sorties de la seizième à la di.x-septième heure. A ce moment on pointe à l’encre chaque colonie apparente à l’œil nu et on reporte de nouveau le tuhe dans l’étuve. De la di.x-huitième à la vingt-quatrième heure, de nouvelles colonies très petites et gardant toujours leur petitesse, deviennent visibles. Au microscope, on voit qu’elles sont constituées par deux espèces microbiennes distinctes. Les unes, entourées d’une zone translucide, sont des colonies typhiques ; les autres à centre foncé avec une zone périphérique jaunâtre, sont des microcoques. On prélève ces petites colonies soit à l’aide d’un fil de platine, soit à 668 REVUE DES JOURNAUX l’aide d’un petit appareil, le micro-diérète, que l’auteur a fait construire par M. Collin, avec lequel il est facile de saisir la plus fine colonie, et de s’assurer qu’elle est prise et seule prise. Lorsque la colonie est assez volumineuse, on peut la dissocier dans un peu de bouillon; une partie du mélange recevant du sérum agglutinant antityphique permet quel¬ quefois de porter un diagnostic immédiat. Ce cas n’est pas fréquent ; il faut d’ordinaire que le bouillon ensemencé ait fructifié pour permettre d’établir le diagnostic avec certitude. Pour cela, l’ensemencement est pratiqué dans le bouillon (eau peptone) lactose, dont la fermentation, comme l’ont montré l’auteur et M. Widal en 1891 , est un, moyen précieux de différenciation entre le coli-bacille et le bacille d’Eberlh. Lorsqu’on ajoute à de l’eau de Seine naturelle du bacille typhique agglutinable, ou des matières fécales typhiques contenant le bacille agglutinable, on constate que ces microbes, vivant dans l’eau, conservent pendant une vingtaine de jours leurs propriétés d’agglutination; il les perdent au bout de trente à quarante-quatre jours ; le microbe qui reste est cependant bien du bacille typhique, car on peut souvent lui restituer sa propriété d’agglutination. Celte méthode permet aux hygiénistes d’examiner rapidement une eau suspecte, de mettre en décharge une source ou une canalisation dès qu’on y a constaté la présence du bacille typhoïde, et avant qu’elle ait occasionné des désastres. Il est donc grandement à souhaiter que le contrôle qui va être fait de son emploi dans le laboratoire de bactério¬ logie et d’hygiène lui soit favorable. E. Vallin. Sur une méthode de recherche du bacille typhique, par M. R. Cambier (C.-Ii. de l'Académie des sciences, séance du 10 juin 1901, et Gazelle hebdomadaire, 27 juin, p. 604). Certaines espèces microbiennes sont capables de traverser les parois des bougies en porcelaine ; de toutes les espèces banales que nous avons examinées jusqu’ici, aucun ne passe aussi vite que le bacille typhique. Cette curieuse propriété du bacille typhique m’a suggéré l’idée de le rechercher dans l’eau de la façon suivante : On dépose dans un large tube de verre fermé à une extrémité une bougie de porcelaine suffisamment poreuse ; tube et bougie sont à demi remplis de bouillon et stérilisés à 110°. Si l’on ensemence avec précaution le bouillon contenu à l’intérieur de la bougie au moyen d’une culture typhique pure, on peut constater déjà après quelques heures d’étuve à 37®, que le bouillon entourant la bougie, qui était d’abord parfaitement limpide, présente maintenant un louche manifeste, traduisant le passage du bacille à travers les pores de la bougie de biscuit. Tous les échantillons du bacille typhique se sont comportés de la même façon, à la rapidité du passage près. Les bacilles les plus mobiles sont ceux qui passent le plus vite à travers le filtre; certains le traversent en moins de 10 heures, d’autres en 2 ou 3 jours. Un bacille, conservé depuis 1896 par des repiquages fréquents sur agar et ayant perdu toute mobilité, n’a passé qu’après 8 jours. REVUE DES JOURNAUX 669 On sème donc une certaine quantité de l’eau à éprouver dans l’intérieur d’une bougie, placée comme il vient d’être dit dans un litre de bouillon à 38®. Dès qu’un louche se manifeste dans le bouillon extérieur, à l’aide d’une pipette effilée on en prélève une partie qu’on ensemence sur les milieux de différenciation habituels; lait, milieux lactosés, pomme de terre, etc., et qu’on soumet à l’examen microscopique et à la réaction d’agglutination. Parfois le passage du bacille typhique est si net qu’on trouve dans le bouillon extérieur une culture pure de ce bacille. Parfois il passe mélangé d’une espèce étrangère dont on peut essayer de le séparer par une nou¬ velle culture en bougie ou par la culture sur plaques. Dans de l’eau de Vanne renfermant du colibacille et artificiellement infectée du bacille d’Eberth, j’ai pu retrouver ce bacille soit immédia¬ tement, soit après 18 jours de conservation dans une armoire obscure du laboratoire. J’ai pu isoler facilement, par ce nouveau procédé, les bacilles typhiques de l’eau de Seine et de ftlarne, ainsi que de l’eau de certaines sources. L’isolement du bacille des selles typhiques est actuellement à l’étude. Dans les cas les plus favorables, on peut, en 18 ou 20 heures, être fixé sur la présence du bacille typhique dans un échantillon d’eau; seules, les méthodes de différenciation qu’il faudra toujours appliquer aux bacilles isolés par la culture en bougie retarderont de 2 ou 3 jours le diagnostic. E. V. Bactériologie de l’ozène, étiologie et prophylaxie, par le D® Fernand Perez (Annales de l'Institut Pasteur, mai 1901, p. 409). Déjà en 1899 et dans ces mêmes Annales, M. F. Perez a montré la présence constante dans l’ozène d’un organisme qu’il nomme le cocco- bacillus fœtidus ozenæ, dont les cultures sont toujours fétides. Aux 63 cas antérieurs, il en ajoute aujourd’hui 30 autres, confirmant sa démonstration. Des observations faites en ces derniers temps dans le laboratoire de M. Lignicres, d’Alfort, à Buenos-Ayres et des expériences bien conduites permettent d’avancer que l’ozène a le plus souvent pour origine primitive la transmission de ce microbe du chien à l’homme, puis de l’homme à l’homme. Le cocco-bacillus ozenæ n’est pas rare dans la salive et le mucus nasal du chien bien portant ; il ne l’a jamais trouvé chez le chat, le cheval, le porc, le mouton, le bœuf, la poule, etc. ; il se multiplie rapidement et se rencontre en grande abondance chez les chiens malades , et particulièrement chez ceux qui sont atteints de ces maladies infectieuses graves que M. Lignières réunit sous le nom com¬ mun de pasteurelloses. Chez neuf personnes atteintes d’ozène, M. Perez relève la possession d’un chien avec lequel l’enfant ou l’adulte vit dans une étroite familiarité; parfois les autres membres de la famille n’aiment pas les chiens, et c’est peut-être à cause de cela, dit l’auteur, qu’ils ne sont pas atteints d’ozène. Il relève d’ailleurs 12 autres cas où, dans la même famille, plusieurs membres sont atteints d’ozone transmis sans doute par contagion d’homme à homme. Pour lui, l’infection n’est pas la 670 REVUE DES JOURNAUX conséquence plus ou moins tardive de l’atrophie d’une muqueuse enflammée chroniquement; l’injection débute sur la pituitaire pour gagner très sou¬ vent les différentes cavités des sinus ou du nez. Voici ses conclusions : « Nous savons que la contagion de l’ozène peut être d’origine canine ou humaine. De là deux indications primordiales ; empêcher la cohabi¬ tation des chiens et des personnes, des enfants surtout; éviter le conlact intime et prolongé entre un ozéneux et des personnes saines. Désinfec¬ tion des mouchoirs et des différents objets de toilette ou de table qui pourraient être contaminés par les mucosités ozéniques. Désinfection des fosses nasales du malade par de grands lavages antiseptiques , après application des tampons de Gottstein, cautérisations énergiques de la muqueuse pituitaire avec les solutions argentiques ; traitement des sinu¬ sites (des sinus ethmoïdaux et sphénoïdaux) , par les procédés si magis¬ tralement décrits par Hajeck. » E. Vallin. Myxœdéme congénital et myxœdème fruste, par le professeur Debove {Presse médicale, 15 mai 1901, p. 225). A côté des goitreux et des crétins, et bien au-dessus d’eux, se trouvent les myxœdémateux congénitaux, dont l’état se caractérise par une infil¬ tration muqueuse du tissu cellulaire sous-cutané, une sorte d’apathie générale, physique et intellectuelle , et souvent par un arrêt de dévelop¬ pement; on a remarqué que chez ces individus le corps thyroïde était absent ou profondément altéré ; l’introduction de corps thyroïdes frais d’animaux dans leur alimentation détermine souvent chez eux une véri¬ table transformation.- M. Debove va plus loin et remonte encore plus haut. Il y a des formes frustes du myxoêdème. On voit des enfants ou des jeunes gens qui sans être le moins du monde des crétins ; leur développement s’achève mal, ils gardent après vingt ans l’aspect infantile, l’esprit et les goûts du jeune âge ; la voix est grêle et féminine , ils ont parfois de l’obésité, la peau est glabre et la taille petite, les organes et les appétiU génitaux restent peu développés; la glande thyroïde est à peine perceptible; l’intelligence est lente, paresseuse et permet difficilement l’exercice d’une profession ou d’un métier manuel, etc. M. Debove croit, comme M. Grancher, que « dans certains cas « l’obésité ou l’infantilisme ne sont que des formes frustes ou larvées du myxœdème; d’après lui, l’usage alimentaire de quelques lobules de corps thyroïdes de mouton pourrait activer ou achever l’évolution intellectuelle ou physique de ces jeunes gens retardés. Mais une grande prudence est nécessaire dans l’emploi de cet aliment, et l’on ne doit guère dépasser 3 grammes de lobules frais , administrés tous les deux ou trois jours pendant plusieurs semaines. E. Vallin. Du rôle des casernes dans la genèse de la fièvre typhoïde, par le Df Granjüx {Bulletin médical, 27 février 1901, p. 177). L’auteur montre que si la cause principale des épidémies de fièvre VARIÉTÉS 611 typhoïde dans les casernes est la souillure de l’eau, elle n’est pas la seule, et qu’il faut continuer 4 faire une part aux émanations des égouts, des latrines, et surtout aux poussières provenant des démolitions et des champs d’épandage du voisinage, des entrevous et des planchers mal entretenus. Il en cite de nombreux exemples empruntés à la statistique de l’armée, et passe en revue les divers procédés proposés et employés pour rendre les planchers des chambrées imperméables. E. Vallin. Diagnostic différentiel des bacilles typhoïdes et du bacillus coli com- munis, par A. Mankowsky {Archives russes de pathologie et bactério¬ logie, VIII, p. 310 ; et Presse médicale, 2 février 1901, p. 95). L’auteur remplit trois éprouvettes de gélose stérilisée , colorée en bleu ou en bleu violet au moyen de quelques gouttes d’une solution acide de fuchsine, neutralisée par la potasse caustique à 1 p. 100 ; on ajoute au besoin à la solution qui précède une liqueur d’indigo-carmin. Si l’on ensemence la surface des éprouveites avec des cultures de bacille typhoïde, la gélose bleue ou bleu-violet vire au rouge framboise au bout de un à deux jours ; avec les cultures de bacillus coli, la gélose bleue passe au vert et se décolore ensuite. Une troisième éprouvette non ense¬ mencée sert de contrôle. La réaction est beaucoup plus rapide si sur deux éprouvettes de gélose ordinaire, où sont en culture les deux espèces de bacilles âgés de deux à trois jours, on verse avec une pipette une ou deux gouttes du mélange colorant. Presque instantanément, les cultures de bacille typhoïde se colorent en rouge, tandis que les cultures du coli prennent une coloration bleu-verdâtre, qui disparaît rapidement. Pour mieux assurer la réaction, il faut ajouter à la gélose un demi à un tiers, pour cent de glucose. E. Vallin. VARIÉTÉS Élection de M. Laveran a l’Academie des sciences. — Personne plus que nous ne s’est réjoui de l’élection de notre collègue 'fet ami, M. Laveran, à l’Académie des sciences en remplacement de M. Potain. C’est donc avec un vif regret que nous avons constaté l’omission qui a été faite de cette élection dans le dernier numéro de la Revue d'hygiène; c’est la conséquence d’un accident de mise en page qui s’est produit au moment même du tirage, alors que cette élection figurait au sommaire du fascicule. Comme document pour l’histoire de l’hygiène moderne, il 612 VARIÉTÉS est nécessaire de consigner ici que, dans la séance du 20 mai, l’Académie des sciences a procédé à cette élection qui a donné les résultats suivants l'fTOTm 2* iobr 3* tour (batlottage). MM. Laveran . 13 voix. 22 voix. 40 voix. Richet . 12 — 17 — 26 — Charrin . 12 — 13 — Lancereaux ... 8 — 8 — Hayem . 7 — 1 — Jaccoud . 6 — 8 — Comil . 6 — Fournier . 1 — M. Laveran était déjà depuis longtemps correspondant de l’Institut. Son élection comme membre titulaire est la juste récompense de cette grande découverte de la nature parasitaire du paludisme, que M. Laveran a affirmée pondant vingt ans au milieu de l’incrédulité générale, et de sa participation à cette autre découverte, presque aussi importante, du rôle des moustiques dans la transmission du parasite de l’homme aux mous¬ tiques et de ceux-ci à l’homme. Nous sommes lieureux et fier du succès de notre collègue. Traitement du mal de mer par la compression abdominale. — La compression de l’abdomen par des ceintures armées de pelotes portant sur le creux épigastrique a été très souvent préconisée contre le mal de mer, et paraît dans certains cas avoir donné d’assez bons résultats. M. le D'' Boucher l’a expérimentée sur lui avec succès: le dispositif qu’il adopte définitivement est une large ceinture annulaire en caoutchouc de l milli¬ mètre et demi d’épaisseur, haute de 20 centimètres , avec une circonfé¬ rence représentant 3 centimètres de moins que le tour de la taille pris aux hanches (sic) ; on entre dans ce tube comme dans un caleçon de bain, depuis le pubis jusqu’au dessus de l’ombilic, de manière à bien contenir les viscères abdominaux. On peut toujours essayer. Le gérant : Pierre Aüoer. lmp. PAUL DUPONT, 4, du Bonloi. — Paris, i" Ait». — 7.7.1901(01.) D’H NE POLICE SANITAIRE suit L’API'LICTAION DES PROCÉDÉS D’ÉPURATION RIOLOGIQUE AUX EAUX ItÉSIDUAIKES DE VeUVIERS Par MM. le D’’ A. GALMETTE, directeur Je l’Institut Pasteur de Lille, professeur à rUniversité ; E. ROLANTS, chef de Laboratoire à l’Institut Pasteur de Lille. Le problème de l’épuration des eaux résiduaires de Verviers présente des difficultés tout à fait comparables à celles qu’offre l’épuration des eaux de l’Espierre. Les grandes villes de Roubaix- Tourcoing, où les industries qui travaillent la laine sont particu¬ lièrement florissantes, déversent chaque jour dans l’Espierre, affluent de l’Escaut, de 90 à 100,000 mètres cubes d’eaux noires, boueuses, chargées d’une proportion de graisse tellement considé¬ rable (environ 500 grammes par mètre cube), qu’on a pu évaluer à 10,000 francs par jour la valeur de celle-ci. De même, la Vesdre reçoit à Verviers 36,000 mètres cubes d’un mélange d’eaux résiduaires d’usines et de tout à l’égout. Les eaux résiduaires d’usines, collectées par le canal dit « des Usiniers », représentent à elles seules un débit moyen de 23,000 mètres cubes par jour. Leur composition est assez variable, suivant la marche du travail industriel, mais, d’après les renseignements qui nous ont été fournis par le docteur Malvoz, de Liège, et par MiM. J. Delattre père et fils, de Dorignies-lez-Douai, elles renferment environ 312 grammes de matières organiques par mètre cube, et elles for- xxiii. — 43 REV. d’hyg. m A. CALMETTE ET E. ROLANTS ment dans le lit de la Vesdre des nappes épaisses de boues grasses que le travail naturel des microbes n’arrive pas à détruire. Ces eaux proviennent, en majeure partie, des lavoirs à laines et d’usines de carbonisage. Les conditions topographiques que présente la ville de Verviers ne se prêtent pas à l’épuration par le sol ; et, fût-il possible de trouver, dans les environs immédiats, une assez vaste étendue de terrains propices, ceux-ci seraient très promptement mis hors d’état d’absorber la plus petite quantité d’eau : les graisses ani¬ males, la suinline de laine, et peut-être surtout les résidus des graisses minérales qui servent à lubrifier les innombrables machines de l’industrie verviétoise, ne tarderaient pas à constituer, à la surface des terrains d’épandage, une nappe imperméable qui les transformerait bientôt en un vaste désert boueux ! Quant à l’épuration chimique, il ne pouvait en être question que si les boues précipitées étaient utilisables, donc préalablement dégraissées, et transportables. Or, ni la chaux, ni le sulfate ferrique, ni aucun autre des pro¬ cédés anciennement connus ne permettait de séparer les graisses autrement qu’après la dessiccation des boues ; et celle-ci nécessi¬ tant des dépenses énormes de combustible et de main-d’œuvre, il n’y fallait pas songer. D’autre part, si l’on se contentait de précipiter les matières en suspension et de recueillir le dépôt décanté à 80 p. 100 d’eau, on devait être obligé de chercher un moyen pratique de se débarrasser chaque joui- d’un volume de boues grasses égal à 150 mètres cubes au moins, pesant ensemble 180 tonnes ! L’étude des procédés biologiques d’épuration employés depuis quelques années avec succès dans plusieurs villes anglaises et les expériences d’épuration chimico-biologique que nous avons entre¬ prises récemment à l’Institut Pasteur de Lille, nous ont conduit à penser que la solution du problème pour les eaux résiduaires di^ Verviers comme pour celles de Roubaix-Tourcoing pourrait bien être la même dans les deux cas, puisqu’il Verviers et à Roubaix^ Tourcoing on se trouve en présence de difficultés de même nature. Pour répondre aux desiderata de l’hygiène moderne, l’éiuiratioii des eaux résiduaires doit comprendre : 1“ La séparation des matières inertes entraînées (sable, iiierres, charbon, fragments de métaux) ; PROKËUlilS ü’liPURATION BIOLOGIQUE (i73 La précipitation on la solubilisation et la (iégradation des matières organiques ; 3“ La destruction des germes microbiens pathogènes. Le procédé de choix, sera, dans chaque cas particulier, celui qtiî réalisera le mieux et le plus économiquement ce triple but. Voyons donc, en premier lieu, si l’épuration bactérienne seule est applicable ici. Les procédés bactériens que l’un de nous a décrûs dans un mémoire récent*, sont basés tantôt exclusivement sur l'iitilisatioa des microbes aérobies, capables d’oxyder les matières organiques, comme dans le système primitif de Dibdin, tantôt sur l’emploi suc¬ cessif des microbes anaérobies et des microbes aérobies, comme dans le système de Cameron . L’oxydation simple sur « lits bactériens aérobies » est absolu¬ ment inapplicable aux eaux chargées de matières grasses. Elle ne doit donc pas nous arrêtei-. La fermentation anaérobie en fosses septiques, suivie d’un double passage des eaux effluentes sur lits bactériens aérobies, donne, avec les eaux très riches en graisses, des résultats peu satisfaisants. Les expériences ont été faites dans des conditions variées, d’abord avec un jour seulement (24 heures) de lérmenlation anaérobie, dans une fosse septique en pleine activité, amorcée avec des matières fécales, ensuite en prolongeant la fermentation anaérobie pendant deux fois 24 heures. L’effluent de la fosse septique a été traité successivement par deux passages de deux heures chacun sur des lits de scories nitri¬ fiantes. Entre chaque passage, les lits bacléricns étaient laissés vides, au repos, pendant six heures au moins. Pour enrichir nos lits bactériens en microbes nilrifiants. nous avons usé d’un artifice dont l’idée nous a été suggérée par une expé¬ rience bien connue de M. Miintz : nous avons d’abord lavé nos scories à plusieurs reprises avec de la délayurc de bonne terre de jardin. Ensuite, au lieu d’y déverser directement nos eaux rési¬ duaires sortant de la fosse septique, nous les avons irriguées cliaiiue jour pendant une semaine, et par intermittences, avec une solution I. D'' r.Ai..Mi:TTE . — I.OS pi'océilés biologiques d’épuration des eau.v rési¬ duaire [llei'ue il'lii/gièiie el du gdnic sanüaire, 25 mars l'JOl i. 616 D' A. CALMKTTE ET E. ROLANTS faible de sulfate d’ammoniaque (0,25 p. 1,000) dans l’eau prise au robinet du Laboratoire. En recherchant au moyen du réactif de Nessler la présence de l’ammoniaque dans l’effluent des lits ainsi traités, on saisit le moment où la nitrification devient presque com¬ plète. Les lits sont alors prêts à fonctionner utilement. Malgré leur richesse en germes nitrifiants, les eaux du canal des Usiniers s‘y épurent cependant très mal. Elles en sortent dégros¬ sies, mais non épurées. Elles détériorent promptement les lits bactériens, et les scories s’obstruent par suite de l’accumulation de graisses infermentesci- bles à leur surface ; et il ne paraît pas douteux que ces graisses soient constituées en majeure partie par des huiles minérales. Les résultats analytiques obtenus dans ees conditions n’ont aucune va. leur . La nitrification , faible d’abord , devient rapidement presque nulle. Il n’en est pas de même des eaux d’égout non mélangées avec les eaux du canal des Usiniers. Celles-ci, après 24 heures de fermen¬ tation dans une fosse septique bien amorcée, et après deux passages sur lits bactériens aérobies, se sont débarrassées d’environ 85 p. lOÜ de la matière organique et de 30 p. 400 de l’azote albuminoïde qu’elles renfermaient. La marche de cette épuration exclusive¬ ment bactérienne est d'ailleurs indiquée par le tableau ci-après : Essais D’ÉPunATiox des eaux de l’égout collecteur de Veuvier.s par la fosse septique avec double passage sur lits bactériens aérobies l’ROCÉDÉS D’ÉPÜRATION BIOLOGIQUE en Au point de vue de l’épuration microbienne, nos expériences pronvent que la richesse en germes de l’eau brute et de l’eau épurée reste sensiblement la même. La numération des microbes au sortir des lits bactériens, effectuée après cinq jours par la méthode de dilution en boîtes de Pétri, sur gélatine, nous a donné les chiffres suivants : Les colonies de bactérium coli et de microbes liquéfiants étaient extrêmement abondantes et en nombre à peu près égal avant et après l’épuration. Ces résultats montrent que le système biologique par fosses sep¬ tiques avec double passage sur lits bactériens aérobies ne peut pas être appliqué à Verviers. Y fût-il applicable, d’ailleurs, que nous serions fort embarrassés pour trouver, dans les environs immédiats de la ville, les douze hectares de surface nécessaires. Mais, il est inutile de songer à cette éventualité, puisqu’elle ne peut pas se produire. En même temps que nous poursuivions les expériences précé¬ dentes, nous avons reçu de MM. Delattre, de Dorignies, qui vien¬ nent d’obtenir du Gouvernement français la concession de l’épu¬ ration des eaux de l’Espierre, à Roubaix-Tourcoing, des échantil¬ lons d’eaux de Verviers traités par leur méthode de précipitation chimique pour l’extraction des graisses. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que cette méthode consiste à traiter les eaux résiduaires par un mélange de sulfate ferrique et d’acide sulfurique ou par l’un de ces deux réactifs seulement. Le mélange le plus convenable pour les eaux de Verviers serait, d’après MM. Delattre ; Sulfate ferrique . 400 gr.) Acide suif, à 33“ Beaumé. 275gr.j mètre cube d’eau. Les boues se précipitent alors dans une série de déposantes où on les recueille à 80 p. 100 d’eau environ. On les dirige alors, sans séchage préalable, dans un appareil spécial à extraction des D' A. CALMETTE ET E. KOLANTS graisses par des dissolvants appropriés cl économiques. Les boues, débarrassées des graisses, peuvent être passées sans difficulté au filtre-presse, et sont transformées en tourteaux à 30 p. 100 d’eau seulement, dont la richesse en azote est assez grande pour qu’ils aient une réelle valeur. Les graisses, recueillies à part, subissent une série de traite¬ ments en vue de séparer celles qui sont saponifiables de celles qui ne le sont pas, ces dernières étant constituées en majeure partie par là suintine provenant du lavage des laines et par les huiles miné¬ rales qui ont servi au graissage des machines. La quantité de matières grasses utilisahles que MM. Delattre ont pu extraire des boues dont ils nous ont envoyé les effluents, cor¬ respondait à environ 440 grammes par mètre cube d’eaux rési¬ duaires du « Canal des Usiniers a et à 44 grammes par mètre cube d’eaux d’égouts, ces chiffres étant calculés sur le précipité sec. Si Bon doit admettre qu’ils ne subissent pas de variations très sensi- Wes, on pourrait donc extraire, en précipitant la totalité du débit du collecteur de Verviers, de 8 à 40,000 kilos de graisses par jour ! 11 est évident que, dans ces conditions, la précipitation chimique devient une source de profits dont il y a lieu de tenir compte, parce qu’ils viennent en déduction des frais d’épuration totale. L’effluent, débarrassé de toutes les matières organiques précipi¬ tables, est transparent, à peine louche, et presque sans odeur. Nous y avons dosé les matières organiques en solution acide et en solution alcaline, l’azote ammoniacal, l’azote albuminoïde et les nitrates. Voici les résultats de ces analyses ; PROCÉDÉS D’ÉPURATION BIOLOGIQUE 679 Çes eaux, traitées par le réactif chimique, renferment donc encore une proportion assez élevée de matières organiques, d’azote ammo¬ niacal et d’azote albuminoïde. Si on les conserve em vase clos, à l’étuve ou à la température du Laboratoire, elles ne tardent pas à dégager une odeur de putréfaction. Elles sont donc encore fermen¬ tescibles. Il importait, eu conséquence, de rechercher s’il était possible d’en achever l’épuration en les soumettant à l’action nitrifiante des lits bactériens aérobies. La fermentation anaérobie préalable en fosse septique était ici inutile, puisque ces eaux ne contenaient plus que des matières organiques solubles et surtout de l’ammoniaque. L’expérience, répétée à plusieurs reprises pour chacun des échantillons qui nous ont été fournis, a montré que cette épuration bactérienne complémentaire était extrêmement facile, complète et rapide. Un seul passage de deux heures sur un lit de scories de 60 centimètres de hauteur nous a suffi pour oxyder, avec l’eau du Canal des Usiniers (la plus difficile à épurer), 90 p. 100 de la matière organique et 47 p. 100 de l’ammoniaque. Voici, d’ailleurs, sous forme de tableaux, l’ensemble des résul¬ tats analytiques que nous avons relevés successivement après un seul et après deux passages sur nos lits bactériens : ÉPURATION BIOLOGIQUE DE L’EFFLUENT Df SYSTÈME DeLATTRE I. — Eau du Canal des Usiniers. NOMBRE bE PAS.SAGES LITS BACTÉRIENS AÉROBIES de 0,60 de hauteur MATIÈRES ORGANIQUES permanganate de potasse AEOTE alliumi- NITRATES solution solution alcaline niacal noïdo / >na.vimum . ■10,2 H, 8 2,58 0,65 16,5 1 j minimum . t,-2 i,i 0,01 0,36 5,6 \ moyenne . 0,0 1,-42 0,50 10,5 ^ maximum . 0,1 8,2 0,67 0,45 11,4 i j minimum . 1.8 3,8 Ü,0ü 0,13 22,0 \ moyenne . 6,1 0,2 0,36 0,28 18,0 Eau brute (eff. ciiim.).... 30,0 18.0 1,2 1,05 2,0 NOTA. — La prccipilalion chimique avait été faite par 681 gr. ferrique et 190 gr. d'acide sulfurique à 53** Bé par m. c. de sulfate D' A. CALMETTË ET E. ROLAiNTS II. — Eau d'égoul. in. — Mélange 2/3 eaux industrielles et ijS eaux d’égout. PROCÉDÉS D’ÉPURATION BIOLOGIQUE 081 Il résulte avec évidence de ces tableaux que l’épuration bacté¬ rienne, succédant à la précipitation chimique, permet d’obtenir un effluent irréprochable, dont le déversèment dans les rivières ne présente plus aucun, inconvénient. Sa teneur en matières organi¬ ques et en azote ammoniacal est assez faible pour que les échan¬ tillons, conservés en vase clos, ne s’altèrent plus, même après plu¬ sieurs jours à l’étuve à 30°. Il nous restait à rechercher ce que deviennent les microbes pathogènes et autres dans cet effluent. A cet effet, nous avons demandé à Verviers de nouveaux échan¬ tillons d’eau du Canal des Usiniers et d’eau d’égout, et, deux jours îq)rès leur prélèvement, nous les avons traités par les mêmes doses de réactifs précipitants qu’emploient MM. Delattre. La décantation faite, nous avons mélangé immédiatement à de la gélatine nutritive en boites de Pétri des quantités variables du liquide surnageant. En même temps, nous avons fait la numéra¬ tion des germes contenus dans l’eau non traitée. L’eau du Canal des Usiniers et l’eau d’égout renfermaient toutes deux une proportion de germes tellement considérable qu’on ne pouvait pas les compter. Elle s’élevait à plus de 1 million par centimètre cube. L’eau surnageant, le précipité chimique ne nous a fourni qu’un seul germe pour l'échantillon du Canal des Usiniers, et aucun germe pour l’eau d’égout. Ce résultat nous a profondément surpris ! On pouvait se demander s’il était attribuable à la présence d’un excès de sulfate ferrique ou d’acide sulfurique. Mais l’effluent, parfaitement neutre, achevait très bien de s’épurer par voie d’oxydation microbienne sur les lits bactériens et il s’y repeuplait en microbes. Donc il ne renfermait aucun antiseptique capable d’entraver le développement des germes sur les plaques de gélatine. Ces diverses expériences montrent que, dans le cas particulier de Verviers, le système d’épuration chimique qui va être appliqué aux eaux résiduaires de Roubaix -Tourcoing est tout indiqué; il présentera ici les mêmes avantages économiques, les mêmes faci¬ lités d’application, les mêmes garanties pour l’hygiène publique. Et, si l’on veut que les garanties soient absolues, on n’aura qu’à compléter l’épuration chimique par l’épuration bactérienne réduite à un seul passage sur lit aérobie nitrifiant. L’épuration chimique 082 D‘ A. CALMETTE ET E. ROLAiVTS agglutinera les microbes, pi-écipitera toutes les matières organiques précipitables, permettra l’utilisation agricole des boues et l’extrac¬ tion des graisses; l’épuration bactérienne achèvera de purifier les eaux effluentes et les rendra à la Vesdre aussi limpides et aussi pures qu’elles pouvaient l’être en amont de Verviers. Mais, pour que ce système mixte, chimique et biologique, puisse être proposé à la ville de Verviers, il faut déterminer d’abord les espaces nécessaires à son application et savoir si l’on peut disposer de ces espaces. Nous n’avons pas de données précises sur les surfaces qu’exigent les appareils et les « déposantes » du système Delattre ; mais, pour ce qui concerne l’épuration biologique, seule, en prévoyant un débit maximum de 80,000 mètres cubes, supérieur de 14,000 mètres cubes environ au débit actuel, il faut 6 hectares de lits bactériens aérobies, dits de simple contact, c’est-à-dire sur lesquels l’eau effluente des bassins de précipitation chimique séjourne deux heures, en un seul passage. Si cette surface est difficile à trouver, on pourrait tourner la difficulté en construisant des lits bactériens aérobies disposés en épaisseur au lieu de lits en surface du système anglais*. Il suffirait de construire des bassins rectangulaires de 6 mètres de profondeur, disposés côte à côte, en relief ou en creux, suivant les commodités pour l’écoulement des eaux effliuentes. Ces bassins seraient remplis de scories, séparées en plusieurs étages par des drains superposés. Leurs parois, en poteries creuses, devraient permettre la libre circulation de l’air dans l’intérieur des lits. Un seul hectare de surface sur 6 mètres de profondeur pourrait alors achever sans peine l’épuration des 80,000 mètres cubes d’eau dont toutes les matières organiques précipitables auraient été préalablement séparées dans les « déposantes » Delattre. Si cette solution pouvait être envisagée, elle serait certainement la plus parfaite au point de vue des résultats définitifs, l’effluent obtenu par ce système étant débarrassé de tous microbes pathogènes et de 90 p. 400 au moins de l’azote organique qu’il renferme encore après l’épuration chimique. 1. Nous avons réalisé à l’Institut i’asteur, de Lille, des expériences qui nous monlrent que des lits bactériens ainsi disposés en hauteur fonctionnent parfaitement, pourvu que l’aération des scories y soit convenablement assurée. ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES (jS't Si la dépense qu’elle entraîne est trop lourde à supporter, et si l’espace indispensable pour la réaliser fait défaut, nous estimons qu’alors il conviendrait que la ville de Verviers adopte le système d’épuration qui va être appliqué h Roubaix-ïourcoiiig, d’après la convention passée entre ces deux villes et MM. Delattre, avec la participation de l’Etat français. Ce système permet, en effet, l’extraction économique des graisses et la séparation des résidus azotés utilisables. La valeur de ces graisses et de ces résidus azotés vient en déduction des frais géné¬ raux d’épuration et l’effluent, quoique renfermant encore une assez grande quantité d’azote organique et d’ammoniaque, est débarrassé de microbes, transparent, incolore et très peu odorant. On peut donc s’en contenter d’autant mieux qu’aucun système ne donne des résultats aussi satisfaisants, et que l’eau ainsi épurée, rejetée dans la Vesdre, n’entraînera la formation d’aucun dépôt dans le lit de cette rivière, et ne tardera pas à s’y épurer spontanément au contact des microbes nitrifiants qu’elle y rencontrera en abondance. Nous conclurons donc que, pour s’éclairer définitivement sur la valeur des systèmes sus-indiqués, qui nous paraissent jusqu’à présent les seuls applicables à l’épuration de ses eaux résiduaires, la ville de Verviers devrait entreprendi’e une expérience assez vaste et assez prolongée pour fixer tous les éléments d’appréciation que tes essais de laboratoire ne permettent pas de déterminer d’une façon précise. .NOTES suit LES DÉFECTUOSITÉS DE LA RÉGLEMENfATION DES ÉTABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES OU INCOMMODES* Par M. BEZANÇON, Chef de division à la Préfecture de police, membre du Conseil d’hygiène de la Seine. Le décret du 15 octobre 1810 et l’ordonnance royale du 14 jan¬ vier 1815 constituent, avec les décrets d’administration publique 1. M. Besançon ayant depuis longtemps signalé les défectu.isités du régime actuel des établissements classés, M. le Préfet de police lui a demandé de rédi¬ ger une note rappelant les observations qu’il lui avait présentées à ce sujet. Le Préfet a transmis cette. note au Conseil d’hygiéné de la Seine, en l’invitant 68i M. BEZAXÇON portant classement des industries, les seuls l'èglements généraux concernant les établissements dangeieux, insalubres ou incom¬ modes. Ils présentent des lacunes et des anomalies, voire des erreurs matérielles, comme il est facile de le démontrer; leur sanction est insuffisante, et, d’autre part , ils pourraient sans inconvénients êtie modifiés à certains égards dans un sens libéral; enfin, ils datent d’une époque trop éloignée pour être d’accord avec les progrès de l’industrie et avec notre législation industrielle. Les observations ci-api-ès en font ressortir les défectuosités prin¬ cipales : I. — Toutes les lois spéciales contiennent l’indication des peines encourues par ceux qui commettent des infractions à leurs pres¬ criptions. Telles sont, par exemple, la loi du 21 juillet 18S6, con¬ cernant les appareils à vapeur et les bateaux à vapeur, — la loi du 19 juillet 1845, sur la vente des substances vénéneuses, — la loi du 21 juillet 1881 , sur la police sanitaire des animaux, — la loi du 16 avril 1897, sur la vente et la fabrication de la margarine, — la loi du 23 décembre 1874, sur la protection des enfants du pre¬ mier âge, — la loi du 2 novembre 1892, sur le travail dans l’indus¬ trie, — la loi du 12 juin 1893, sur l’hygiène et la sécurité des tra¬ vailleurs, — et la loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail. 11 n’en est pas de même ici : le décret-loi du 15 octobre 1810 a omis d’in¬ diquer les peines , et , faute de mieux , on s’est borné à appliquer l’article 471 , § 15 , du Code pénal , qui punit « ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l’autorité adminis¬ trative... » (Loi du 28 avril 1832, article 95.) Nous verrons pins loin combien cette sanction est insuffisante. II. — Le décret du 15 octobre 1810 et l’ordonnance royale de 1815 parlent exclusivement (art. l*') des établissements « répan¬ dant une odeur insalubre ou incommode ». Par la force des choses, le classement s’est néanmoins, par des décrets successifs, étendu à à préparer un projet de toi, s’il le jugeait nécessaire. Une Commission fut nommée, composée deM.I. Troost, président; Barrier, Bunel, Chautemp', Jungfleisch, Linder, Micliel-Lévy, Moissan, Nocard, Riche, Vieille, Laurent, secrétaire général de la Préfecture de police; Besançon, Drujor, et Perccval. secrétaire. Nous croyons utile de reproduire ici la note qui a servi de base au rapport de M. Chautemps, ainsi que le projet de loi discuté et voté par le Conseil d'hygiène delà Seine, le 21 janvier 1901. (N. D. L. R.) ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES 683 des établissements qui, pour n’être pas odorants, ii'en sont pas moins dangereux, insalubres ou incommodes, tels sont les fabriques d’artifices et les dépôts de pièces’" d’artifices, les dépôts d’alcool, la trituration du liège, les dépôts et magasins de vente de celluloïd, la fabrication des amorces fulminantes, le battage des tapis, les ateliers de serrurerie, la fonte et le laminage du plomb, les dépôts d’allumettes cbimiques, la fabrication de la céruse, la préparation de l’acétylène, etc., etc. Le décret de 1810 aurait dû dire que la réglementation des établissements classés s’appliquait à tous les établissements industriels dangereux, insalu"bres ou incommodes, quels que soient les motifs de leur classement : odeur, danger d’incendie ou d’explosion, bruit, etc. Les décrets de classement seraient ainsi à l’abri de critiques au point de vue légal. III. — Dans la procédure d’instruction des demandes d’autorisa¬ tion , il serait nécessaire de prescrire que le Conseil d’hygiène sera consulté. En 1810, le législateur ne pouvait imposer cette obliga¬ tion , puisque le Conseil d’hygiène et de salubrité de la Seine était le seul existant alors, et que c’est seulement en 1848 que les Con¬ seils d’hygiène ont été créés dans toute la France. Mais aujourd’hui il est évident que l’avis du Conseil d’hygiène est l’un des principaux éléments de l’information, et la loi devrait le dire expressément dans l’intérêt du voisinage. Il semblerait, d’ailleurs, très utile de faire siéger dans les Conseils d’hygiène, outre les personnes dési¬ gnées par le décret du 18 décembre 1848 et l’arrêté ministériel du lo février 1849, le chef du service sanitaire vétérinaire et un ins¬ pecteur du travail dans l’industrie. Nous estimons qu’un délégué du tribunal de commerce ou de la Chambre de commerce devrait être appelé également à faire partie de ce Conseil. Cette proposition se justifie d’elle-même. IV. — L’article 3 du décret du lo octobre 1810 porte que, pour les fabriques et manufactures de l'® classe, la permission ne sera accordée qu’après un affichage dans toutes les communes, à 5 kilo¬ mètres de rayon, et il ajoute : « dans cc délai , tout particulier sera admis à présenter ses moyens d’opposition ». Le rédacteur de cet article a omis de déterminer la durée de ce délai, et une simple décision du Ministre de rintéricur du 22 novembre 1811 y a suppléé en la fixant à un mois. 11 faudrait qu’une loi ratifiât cette fixation. C86 M. ItKZANÇON — Le même article appelle une autre critique. Il est peut-être admissible qu’une enquête soit faite dans un rayon de S kilomètres lorsqu’il s’agit d’une fabrique d’acide sulfurique, d’un dépôt de boues et immondices, ou de la fabrication des engrais an moyen de matières animales; mais s’il est question de la préparation des amorces fulminantes ou des pièces d’artifices, il est bien évident que le voisinage est seul Intéressé. Or, l’apposition , dans ce cas, des affiches à o kilomètres du point où l’on doit édifier l’usine se fait aujourd’hui en vertu du règlement, tout comme si l’éventualité d’une explosion pouvait donner lieu à des observations justifiées à une pareille distance. Le décret de 1810 et l’ordonnance de 1815 eus¬ sent pu plus opportunément ordonner l’insertion d’un avis dans une publication d’annonces légales, en même temps que l’afficbagc dans la commune où l’usine serait établie et dans les communes limitrophes. VI. — S’il s’agit d’un établissement de l’'” classe, le Conseil de préfecture doit être consulté avant toute décision lorsque des oppo¬ sitions ont été produites au cours de l’enquête (art. 4 du décret de 1810). Gela .se comprenait alors que l’autorisation ou le refus résul¬ tait d’un règlement d’administration publique. Mais depuis le décrel de 1852 sur la décentralisation administrative, c’est le Préfet qui statue, et comme c’est lui également qui (sauf dans le départemeni de la Seine) préside le Conseil de préfecture , on ne voit pas bien l’utilité de cette consultation. Il en résulte, en outre, cette singula¬ rité que le Conseil de préfecture, appelé à donner son avis avant la décision, peut ensuite être appelé à réformer la décision du Préfet, si l’autorisation est attaquée C VIL — Le décret du 15 octobre 1810 et l’ordonnance royale du 14 janvier 1815 ont eu exclusivement en vue l’insalubrité ou l’iii- commodité du voisinage ; ils n’ont pas été préparés dans l'intérêt de la santé des ouvriers. Malgré ce fait incontestable, la nomencla¬ ture des établissements classés contient quelques industries, telles que la fabrication de la ceruse, que le décret du 15 octobre 181h 1. Les recours contre l’autorisation ou le refus d'autorisation des clabli^sc- ments do 3” classe doivent toujours être adressés au (ionseil do préfecture, dont la décision est susceptil)le d’appel devant le Conseil d’Ltat; mais itoiir les établissements de la l” et do la 2" classe, le recours de l'iniluslriel doit être adressé directement au Conseil d’Etat. C’est encore là une anonui'ir inexplicable . ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES 687 avait lui-même rangée dans la 2“ classe, fort peu nuisibles au voisinage, et par contre dangereuses pour les ouvriers. Les termes de l’exposé des motifs du décret de 1810 et surtout le non-classe¬ ment d’une série d’industries dangereuses pour les ouvriers ont amené le législateur à faire une loi spéciale (loi du 12 juin 1893j sur l’hygiène et la sécurité des travailleui’s dans les établissements industriels. Peut-être eût-il été préférable de fondre les prescriptions contenues dans cette loi et dans le décret du 10 mars 1894, rendu pour son application , avec un remaniement du décret du IS octo¬ bre 1810. Tout au moins doit-on regretter que la loi du 12 juin 1893 n’ait pas fait concourir à cette mission si importante et si difficile les Conseils d’hygiène et de salubrité. Nous nous bornerons à faire quatre remarques ; 1” Les prescriptions en matière d’établissements classés impo¬ sées par les préfets peuvent être en contradiction avec les mises en demeure que les inspecteurs du ministère du commerce mention¬ nent sur les registres déposés dans les usines ; 2“ Les Conseils d’hygiène, composés de médecins, d’ingénieurs, de chimistes, c’est-à-dire de collaborateurs dont chacun a des con¬ naissances techniques utiles à rapprocher en pareil cas, pourraient indiquer, avec plus d’autorité que des inspecteurs ayant nécessaire¬ ment une science et une expérience moins étendues que l’ensemble des membres du Conseil d’hygiène, les améliorations à réaliser, les pratiques à éviter ; 3® Les ateliers pourraient être utilement inspectés — du moins en province — comme établissements classés en même temps qu’en vue de l’application des lois de 1892 et de 1893 par le même per¬ sonnel, sans qu’il en résultât une augmentation sérieuse de charges pour le budget ; 4“ D’ailleurs, il est des industries classées dont les arrêtés d’au¬ torisation comportent forcément des prescriptions relatives à la fois à la salubrité ou à la sécurité du voisinage et à la salubrité ou à la sécurité des ouvriers. Tels sont, par exemple, la fabrication du ful¬ minate de mercure, les lavoirs, les ateliers de dorure et les ateliers de secrétage. Parmi les prescriptions imposées en 1891 à une fabrique d’amorces fulminantes installée aux Bruyères de Sèvres, figurent les suivantes : « Les ateliers seront munis de portes battantes et sans fermeture a88 M. BliZAMÇÜN à rintérieur, s’ouvrant en dehors et disposées de façon à permetli-e en cas d’accident une sortie rapide des ouvriers et ouvi-ières ; « L’appareil mécanique qui distribue la charge dans les amorces sera muni d’un bouclier semi-circulaire en tôle de 10 millimètres au moins d’épaisseur et 2 mètres au moins de hauteur, destiné à garantir contre toute éventualité d’explosion les femmes et ouvriers employés à disposer les capsules dans les mains de fer et à opérer le chargement et le pressage ; « La presse sera disposée de telle sorte que, par suite d’une explosion fortuite, la main de fer ne puisse être projetée en arrière et atteindre aucun des ouvriers ou ouvrières de l’atelier ; « Le travail dans les ateliers de chargement ne pourra être fait autrement qu’à la journée afin d’éviter les accidents pouvant prove¬ nir de ta précipitation résultant du travail à la tâche. Il en sera de même dans les ateliers de fulminate. » Le Conseil d’hygiène de la Seine, en libellant ces prescriptions, a peut-être proposé au Préfet de police d’excéder les limites de ses pouvoirs, puisqu'il est attaché à garantir la sécurité des travailleurs. Nul, cependant, ne saurait l’en blâmer. Voici un autre exemple, plus caractéristique, parce qu’il est relatif à une industrie infiniment plus répandue : les lavoii-s. Les conditions imposées aux lavoirs établis soit à Paris, soit dans la banlieue, comprennent notamment : « Qu’il sera réservé à chaque laveuse une place d’au moins 0"‘,80, — que les batteries seront écartées de 3 mètres, — et qu’on don¬ nera un cube d’air d’au moins 15 mètres cubes par laveuse ; « Que si le cube d’air du lavoir permet de placer des laveuses sous des rései’voirs, le fond de ces réservoirs sera revêtu d’un voli- geage en planches jointives pour éviter la condensation des buées sur les parois : « Enfin que les essoreuses seront entourées de grillages métal¬ liques destinés à empêcher les accidents ; ces grillages devront avoir une hauteur suffisante pour protéger les laveuses de l’approche des organes mobiles de l’appareil. » Nous ne dissimulons pas que ces prescriptions ont été for¬ mulées dans l’intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des laveuses. Le Conseil d’hygiène et le Préfet de police continuent malgré cela à les indiquer. Dans l’espèce, ils hésitent d’autant moins que le bTABLISSKMENTS INSALUBRES 689 décret de 1894 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs n’est pas, quant à présent, appliqué aux lavoirs par cette raison que le personnel protégé n’est pas employé par le patron. Sans l’interven¬ tion administrative résultant de l’exécution du décret du lo oc¬ tobre 1810, l’encombrement des lavoirs, leur insécuilté et leur insalubrité intérieures ne seraient en rien atténués. Ces exemples, qu’on multiplierait aisément, démontrent la con¬ nexité étroite qui existe entre les mesures à prendre dans l’intérêt du voisinage et dans l'intérêt des travailleurs. Vin. — Il paraît singulier d’exiger une autorisation pour quel¬ ques-unes des industries actuellement rangées dans la 3“ classe (par exemple la production de l’acétylène non comprimé, les dépôts de chiffons, la fabrication de la glace par l’emploi de l’ammo¬ niaque, une étable de cinq ou six vaches, ou la fonderie de cuivre), alors qu’une simple déclaration adressée à l’autorité administrative suffit pour le fonctionnement d’un appareil à vapeur, même consi¬ dérable, ou pour un débit d’essence minérale 1. Il est possible que cette iiiterprétîtion ne soit pas maintenue, étant donné qu’un arrêt de cassation du 15 janvier 1897 porto que « du moment ipie le travail se fait en commun, il y a atelier au sens légal du mot ». 2. Actuellement, l’autorisation pour les établissements de 3" classe peut être donnée « après l’avis des maires et de la police locale », dit l’ordon¬ nance du 14 janvier 181.5. Il n’est prescrit ni de faire une enquête (le corn- modo et imcommodo, ni de consulter le Conseil d’hygiène et de salubrité. Les recours contre les arrêtés d'autorisation ou do refus sont formés devant le Conseil do préfecture, sauf appel devant le Conseil d’État. Dans le département de la Seine, bien que l’enquête ne soit pas obliga¬ toire, la préfecture de police fait toujours procéder à une information auprès des habitants voisins, qui sont avertis personnellement par le commissaire- enquêteur do la demande d'autorisation, et invités à produire dans le délai de dix jours leurs observations. Ces observations sont communiquées au péti¬ tionnaire, qui est lui-même invité à y répondre. Le dossier, contenant un procès-verbal de cette procédure, est transmis au Conseil d’hygiène qui émet son avis, sur le vu duquel lo préfet de police statue. Les services techniques (services d’architecture, de l’inspection des établissements classés, de l’inspection sanitaire vétérinaire, des ponts et chaussées) ont donné chacun leur avis, qui figure dans le dossier en question. Y ligure également, en général, l’avis de la Commission d’hygiène et de salubrité de l’arrondisse¬ ment, laquelle Commission est toujours consultée; mais l’administration doit passer outre, dans l’intérêt de l’industriel et même dans l’intérêt des tiers, si le rapport se fait trop attendre. Le projet soumis en ce moment au Conseil d’hygiène apporterait à ce régime une modilication importante. Il y aurait une simple déclaration de l'industriel, au lieu d’une autorisation administrative, et il serait délivré à l'industriel un récépissé de celte déclaration sous forme d’arrêté, indiquant les prescriptions auxquelles est subordonnée l’exploitation de l’établissement. iiEV. d’hyg. xxni. — 44 690 M. BËZANÇON Avant le décret du 25 janvier 1865, les appareils à vapeur cons¬ tituaient des établissements classés, et, par suite, ne pouvaient exister sans autorisation. Le régime de la déclaration a été subs¬ titué alors à celui de l’autorisation, et le décret du 30 avril 1880 a confirmé sur ce point la réglementation des appareils à vapeur sans qu’il en résulte d’inconvénients. Le décret du 19 mai 1873 et celui du 20 mars 1885 ont exigé une déclaration du débitant d’huiles minérales. Cette déclaration, dit le décret de 1885, doit contenir : la désignation précise du local constituant le débit et de l’emplacement qui sera affecté dans sa boutique aux récipients de liquides inflammables ; les procédés de conservation et de livraison des dits liquides ; la nature précise des divers liquides conservés dans le débit; enfin, les quantités de chacun de ces liquides auxquelles il entend limiter son approvision¬ nement. Les décrets de 1865 et de 1888 concernant tes appareils à vapeui' et ceux de 1878 et de 1885 concernant les hydrocarbures 'ont, en même temps, imposé aux déclarants une série de prescriptions spéciales. Ponrquoi n’en serait-il pas de même pour une série d’industries telles que celles énumérées plus haut ? Quelques usines, par exemple les locations de force motrice et les usines d’électricité *, que le danger d’incendie, les trépidations, 1. La loi (lu 2ü juin 1893 concernant rétablissement des conducteiiis d’énergie électrique affranchit même de l’obligation de la déclaration les installations faites en dehors des voies publiques et qui ne sont pas suscep¬ tibles d’atteindre les lignes téléphoniques ou télégraphiques. Les usines de location de force motrice, que le Conseil d’hygiéne du département de la Seine avait, en 1887, proposé de classer (rapport cIc MM. Léon Faucher et Hétier), sont surveillées par les inspecteurs du travail. Des prescriptions y sont imposées, en vertu de la loi du 12 juin 1893, pour faciliter la sortie des ouvriers en cas d'incendie, mais non pour prévenir ou combattre l’incendie. 11 est possible, d’ailleurs, à un industriel de surseoir pendant trop longtemps à la construction des escaliers dont il est question dans l’article 16 du décret de 1891, sans qu’un jugement ait ordonné la fer¬ meture de l’usine. Sans doüte, l'autorité municipale (loi des 16-24 août 1790 et la loi du 3 avril 1884) prend, de son cûté, des mesures contre l’incendie, mais l’infraction à ses arrêtés est passible de peines de simple police, ce qui, ici, est insuffisant, et le maire ne saurait ordonner la fermeture (Conseil d’Ëtat, 26 juillet 1889, maire de Lyon, — 17 novembre 1893, maire de Sedan). Dans ces conditions, des dommages et des accidents qu’on eût peut- être pu conjurer donnent lieu ii l’application do l’article 1382 du Code civil ou des articles 319 et 320 du Code pénal. ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES «91 le bruit et la fumée rendent certainement incommodes, u’ont pas été encore classées : le régime de la déclaration pourrait donner au voisinage et au personnel employé dans ces établissements des garanties que l’article 1382 du Code civil, eu l’absence complète de réglementation, ne protège sans doute pas suffisamment. IX. — Actuellement, les établissements classés passent de mains en mains sans que l'industriel ait à demander une nouvelle autori¬ sation, ni même à faire une déclaration. Il est légitime de ne pas exiger une nouvelle autorisation, attendu que la précarité qui résulterait de cette mesure nuirait à l’industrie ; mais, dans l’intérêt de la surveillance et afin d’établir formellement les responsabilités, il conviendrait d’obliger à une déclaration en pareil cas, comme le pi-escrit le décret du 20 mars 188o (art. 9) pour les débits d’huiles minérales. X. — Aujourd’hui, il est possible que les tiers intéressés ne soient pas renseignés sur la suite donnée par l’autorité administra¬ tive à une demande d’autorisation, même alors qu’ils ont protesté au cours de l’enquête de commodo et incommode. Pour être édifiés, il leur faut aller à la préfecture ou à la sous-préfecture, ou à la mairie, et comme l’affaire peut ne pas recevoir une solution rapide, à cause de la procédure de l’instruction, il devront peut-être y retourner à diverses reprises. Ne conviendrait-il pas d’ordonner l’affichage d’un extrait de l’arrêté d’autorisation pendant huit jours au moins à la mairie de la commune sur laquelle l’établissement serait exploité, et l’insertion de cet extrait dans un journal d’an¬ nonces légales ? Cette publicité permettrait, d’ailleurs, de constituer un point de départ des délais à impartir aux tiers pour se pour¬ voir, s’ils le jugent bon, contre la décision. Nous parlerons plus loin de ce poun'oi. XI. — Dans le rapport qui sert d’exposé des motifs au décret du IS octobre 1810, il est expliqué que ce règlement n’a pas pour but exclusif de protéger les habitants contre le voisinage d’une indus¬ trie insalubre, mais qu’il a été préparé afin que le sort des établis¬ sements industriels fût mieux assuré que par le passé. « Cet état d’incertitude, dit le rapport, cette lutte continuelle entre le fabri¬ cant et ses voisins, cette indécision éternelle sur le sort d’un éta¬ blissement paralysent, rétrécissent les efforts du manufacturier et éteignent peu à peu son courage et scs facultés. » Cependant le 692 M. BEZANÇON décret de 1810 n’a pas donné, il faut le reconnaître, aux indus¬ triels une sécurité suffisante. Le recours ouvert aux tiers contre l’arrété d’autorisation devant le Conseil de préfecture est indéfini. Un auteur (M. Dufour) a même déclaré « que la loi avait voulu ménager au voisinage la ressource de réclamer à tout instant contre les inconvénients que leur nature ne permet guère de prévoir et de prévenir avec quelque certitude ». Il y a quelques années, par application de cette théorie, nous avons vu le Conseil de préfecture de la Seine admettre l’opposi¬ tion à un arrêté d’autorisation (affaire Billault et Billaudot) qui avait été pris douze ans auparavant. Sans doute, dans la pratique, le silence prolongé des tiers sera considéré comme un acquiescement virtuel à l’autorisation, et le plus souvent le Conseil de préfecture devra alors rejeter l’opposi¬ tion. Il y a lieu, toutefois, de se demander s’il ne conviendrait pas de sauvegarder expressément les intérêts des industriels eu limi¬ tant le délai d’appel contre la décision préfectorale. En matière de contributions, le délai d’appel devant le Conseil de préfecture est de trois mois : ce délai serait un peu long, parce que l’industriel, qui ne serait pas absolument confiant dans le résultat d’une ins¬ tance possible, devrait, par prudence, surseoir pendant ces trois mois à la construction de ses ateliers. La loi du 22 juillet 1889, sur la procédure devant les Conseils de préfecture, fixe à deux mois le délai dans lequel les arrêtés des Conseils de préfecture peuvent être attaqués devant le Conseil d’Etat. Il semblerait bon de fixer égale¬ ment à deiix mois le délai dans lequel les arrêtés d’autorisation d’établissements classés pourraient être déférés au Conseil de pré¬ fecture, et de faire courir ce délai du jour de l’insertion dans un journal d’annonces légales d’un extrait de l’arrêté d’autorisation ou du joui* de l’affichage de cet arrêté à la mairie. XII. — Les lois dont l’application ne peut être surveillée effica¬ cement que par un personnel technique instituent, en général, des agents spéciaux pour assurer ce service.- C’est ainsi que la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux a créé les fonc¬ tions de vétérinaire délégué. C’est ainsi encore que la loi du 2 novembre 1892 sur le travail dans l’industrie, la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs et la loi du 9 avril 1898 sur les accidents ont investi les inspecteurs du travail dés pouvoirs nécessaires pour en contrôler l’exécution, et leur ont donné entrée ÉTAULISSEMENTS L\SALLURES 693 dans les manufactures, fabriques, chantiers et ateliers de tous genres ainsi que dans les « théâtres, cirques, magasins et autres établissements similaires où il est fait emploi d’appareils méca¬ niques ». Le décret de 1810 et l’ordonnance de 181S ont négligé de pour¬ voir dans des conditions analogues à la surveillance des établisse¬ ments classés.' Dans le département de la Seine, les vacheries, porcheries et abattoirs sont inspectés par le service sanitaire vétérinaire, et les autres établissements sont visités par un corps spécial d’inspec¬ teurs, nommés au concours et présentant au point de vue technique toutes les garanties désirables. La moitié de ces inspecteurs a la qualité de commissaire de police, ce qui leur permet de verbaliser lorsqu’ils se trouvent eu présence d’une contravention. Dans tout le reste de la France, l’inspection des établissements classés est faite presque exclusivement par les maires, les commissaires de police ou les gardes champêtres, c’est-à-dire par des agents qui, quels que soient leur dévouement, leur impartialité et leur souci des intérêts publics, sont le plus souvent incompétents s’il s’agit d’apprécier des manipulations ou de reconnaître la présence de produits chi¬ miques. En 1896, suivant l’avis émis par le Conseil d’hygiène sur un rapport de M. Alf. Riche, le Préfet de police a autorisé une fabrique de baryte caustique et de bioxyde de barium, avec condensation des vapeurs nitreuses dégagées dans la calcination du nitrate de barium, et parmi les conditions imposées à l’industriel figurent les deux suivantes : « Les vapeurs nitreuses et nitriques provenant de la décom¬ position du nitrate de barium seront condensées d’une façon absolue; « Il ne sera pas établi dans l’usine de traitement du sulfate de barium pour y fabriquer l’azotate de barium. » Il est évident que pour contrôler l’exécution de ces dispositions une très grande bonne volonté ne saurait suppléer à une initiation professionnelle. Chaque préfet devrait avoir, comme a près de lui le Préfet de police, des inspecteurs techniques. Mais est-ce à dire qu’en conférant la qualité de Commissaire de police à un certain nombre d’inspecteurs d’établissements classés 694 M. BEZANÇON on leur a donné toute possibilité de constater les infractions? Non, attendu qu’ils ne peuvent pénétrer de nuit dans les usines. Un exemple va démontrer qu’il est cependant indispensable de leur donner ce droit, La fabrication du caoutchouc factice noir a été rangée dans la première classe et celle du caoutchouc factice blanc dans la deuxième classe par le décret du 15 mars 1890. Le factice brun s’obtient en portant à une haute température de l’huile de lin et en ajoutant du soufre, d’où des fumées très désagréables, au moment surtout où l’on additionne de soufre le produit, et si le feu prend, son extinction est peu facile en môme temps qu’elle est accompa¬ gnée d’émanations insupportables. Le factice blanc, au contraire, se produit seulement à ' froid en faisant agir dans un bac de bois du chlorure de soufre sur un mélange de craie et d’huile de colza. Ce dernier travail dégage d’abondantes vapeurs piquantes, qui pro¬ voquent le larmoiement, mais il est moins dangereux sans aucun doute que le précédent. Or, si un industriel a été autorisé à préparer exclusivement du caoutchouc factice blanc et s’il y a lieu de le soupçonner, à raison des émanations produites la nuit dans son établissement, de pré¬ parer du caoutchouc factice noir, il faudrait que l’inspecteur pût pénétrer après la chute du jour dans ses ateliers. Cependant l’ins¬ pecteur, même s’il est officier de police, ne peut y pénétrer la nuit. L’officier de police n’a accès dans les lieux non publics, la nuit, qu’en cas d’inondation, d’incendie et de réclamation ou d’appel venant de l’intérieur des maisons (lois du 5 fructidor an Vil, article 359 ; 28 germinal an VI, article 131 ; du22 frimaire an Vlll, article 76 et article 46 du Code d’instruction criminelle). Quant aux lieux publics (cafés, cabarets, maisons de jeu, etc.), il peut y entrer en tous temps, mais seulement pendant (jue ces établissements sont encore ouverts au public (loi du 28 germinal an VI, loi du 28 avril 1816, article 295 ; Cassation, 19 novembre 1829). Il est inutile de faire remarquer qu’on ne saurait considérer un atelier de préparation de caoutchouc factice comme un lieu public, c’est-à-dire où tout le monde est admis indistinclenieiil, suivant la définition qu’en a donnée la loi des 19-22 juillet 1791, titre I®'. L’inspecteur-commissaire ne saui-ait donc forcer la porte de ces établissements pendant la nuit sans commettre une illégalité qui ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES 695 \icierait ses constatations et même l’exposerait à des poursuites (art. 184, § 1" du Code pénal). Ce que nous disons de la fabrication du caoutchouc factice peut, d’ailleurs, s’appliqua’ à un très grand nombre d’industries. Une fabrique (par exemple d’aluminium par procédés électro-métallur¬ giques, en faisant usage des fluorures) a été autorisée à la condi¬ tion que les vapeurs seraient condensées : il est essentiel de s’as¬ surer que, même la nuit, cette condensation a lieu. Dans l’état actuel des choses, l’autorité est désarmée. La loi du 16 avril 1897, concernant la fabrication et la vente de la margarine a créé (art. 6) un corps d’inspecteurs qui peuvent (art. 7) pénétrer en tous temps dans tous les locaux des fabriques de margarine et d’oléo margarine soumises à leur surveillance, dans les magasins, eaves, celliers, greniers y attenant ou en dépen¬ dant, de même que dans les dépôts... La loi sur le Code rural (livre III, titre 1“) du 21 juin 1898 a formellement autorisé les inspecteurs vétérinaires sanitaires à pénétrer la nuit dans les écuries, vacheries, bergeries, chenils, etc., soumis à leur surveillance, au point de vue de la police sanitaire des animaux. D’autre part, la loi de 1892 sur le travail dans l’industrie a implicitement donné la même faculté aux inspecteurs du travail. Cette loi, on le sait, a interdit d’employer à aucun travail de nuit* les enfants âgés de moins de dix-huit ans, les tilles mineures et les femmes, et elle porte que « les inspecteurs et inspectrices ont entrée dans tous les établissements visés par l’article premier de cette loi, de l’exécution de laquelle ils sont chargés ». Pourquoi les inspecteurs des établissements classés ne rece¬ vraient-ils pas de la loi une investiture semblable, leur permettant, à eux aussi, de dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire et de pénétrer à toute heure dans les ateliers ? Nous croyons devoir insister surtout sur la sanction dont nous avons dit plus haut quelques mots. Une condamnation à une amende de l à o francs et, en cas de récidive (art. 474 du Code pénal), à trois jours de prison, peut être prononcée par le tribunal de simple police. D’autre part, le Préfet peut ordonner, en cas d’inexécution des prescriptions impo 696 M. BEZANÇON sées ou d’exploitation non autorisée, suivant les cas, soit la ferme- ture définitive, soit la fermeture provisoire de l’usine ’, sauf recours au Ministre, puis au Conseil d’État. L’action du tribunal de simple police n’est pas suffisante, par cette raison que la condamnation à l’amende est le plus souvent illusoire, et que la condamnation à la prison s’obtient difficilement outre qu’elle entraîne des délais inadmissibles. La fermeture administrative ne saurait, de son côté, être pro¬ noncée que s’il y avait une nécessité absolue, non seulement parce que la ruine de l’industriel peut en être la suite, mais aussi parce qu’elle pourrait avoir comme conséquence le chômage d’un grand nombre d’ouvriers. Un exemple fera ressortir la gravité de ces objections. Les raffineries et fabriques de sucre ont été rangées dans la deuxième classe des établissements dangei-eux, insalubres et incom¬ modes. Supposons une usine importante, dans laquelle on n’a pas exécuté l’une des prescriptions imposées. Une condamnation à 1) francs d'amende contre une société au capital de 500,000 francs est bien inutile. Une condamnation à la prison du président du conseil d’administration sera-t-elle obtenue au tribunal de simple police? Quant à la fermeture qui mettrait sur le pavé 2 ou 300 ouvriers, victimes d’une incurie ou du refus de dépenser quel¬ ques centaines de francs pour remédier à l’inconvénient résultant pour le voisinage de l’émission de fumées, le préfet hésiterait cei'- tainement à s’y décider. Autre exemple : Un dépôt considérable de boues et d’immondices (établissement de l” classe) a été formé sans autorisation. Un procès-verbal a été dressé, et le tribunal de simple police a infligé à l’auteur de ce dépôt une amende de 5 francs. Le contrevenant n’apporte plus d’immondices dans son enclos, et un nouveau procès-verbal ne peut être dressé contre lui : par suite, il ne saurait être condamné à la prison. L’administration a ordonné la fermeture du dépôt, qui, néanmoins, continue à infecter le voisinage. Quelles mesures peut-on prendre*?. 1. Le préfet peut ordonner la fermeture d’uu établissement classé quand l’industriel ne s’est pas conformé aux prescriptions imposées (Cour de cassa¬ tion, 16 février 1893, — Conseil d’État, 16 mars 1891;. 2. Dans l’article 37 du projet de loi qui suit la présente note, il a été indi¬ qué des dispositions à prendre en pareil cas. ÉTABLISSEMEMS L\SALUBRES 697 Nous avons dit que la condamnation à la prison entraînait de longs délais. Il importe de l’établir par une espèce. ün fabricant d’engrais au moyen de matières animales n’a pas exécuté les mesures qui lui étaient ordonnées ; — pour préciser, disons qu’il n’a pas couvert l’un des magasins dans lesquels il a déposé les engrais. Il a été condamné à S francs d’amende à la date du 1“" août, le procès-verbal ayant été dressé le 20 juillet. .Mais la condamnation a été prononcée par défaut, et il forme oppo¬ sition. L’affaire revient devant le tribunal de simple police le l'*' septembre (la plupart des tribunaux de simple police ne siègent qu’une ou deux fois par mois, et il y a, d’ailleurs, les détails d’op¬ position et d’assignation dont il faut tenir compte). Il est de nou¬ veau condamné à S francs d’amende. Le jugement est signifié le lo octobre. Quelques jours après, l’industriel ayant déposé de nouveaux engrais dans cet enclos non couvei’t, un nouveau procès- verbal est dressé et transmis au tribunal de simple police. La même procédure que pour le premier procès-verbal est suivie. L’in¬ dustriel est condamné à trois jours de prison le IS novembre, pai' défaut. Il forme encore opposition. Le 16 décembre, la condamna¬ tion est maintenue par le tribunal de simple police. Appel est formé, et le tribunal cori’ectionnel confirme à son tour cette condam¬ nation le 16 janvier. Il a fallu plus de six mois depuis la première constatation pour obtenir une sanction réelle à l’infraction. Ajoutons que si l’industriel avait, avant le prononcé de sa condamnation, argué que le procès-verbal avait été dressé à tort et qu’il était demeuré dans les bornes de son autorisation, il en serait né une question préjudicielle d’interprétation sur laquelle le tribunal aurait dû surseoir jusqu’à ce qu’il ait été prononcé par l’autorité administrative* compétente, et qu’au besoin il y aurait élévation de conflit (12 mars 1844, affaire Sabbe). Nous n’avons, au surplus, rien exagéré dans l’exposé des diffi¬ cultés auxquelles l’administration peut ainsi se heurter, et les délais que nous avons indiqués peuvent fort bien être plus longs encore. Dans ces derniers temps, n’avons-nous pas vu un industriel de Montreuil qui avait été traduit devant le tribunal de simple police, 1. C’est le préfet qui statue, sauf recours au ministre, puis au Conseil (l’Etat; — voir arrêt du Coitscil d’Etat, 9 août 1880. «98 M.BEZANÇOiX pour avoir l'ait stationner des voitures d’immondices qu’il chargeait et déchargeait dans un enclos où il n’était pas autorisé à déposer des immondices, former un pouiToi devant le Conseil d’État, contre la décision du préfet de police qui avait déclaré que cette industrie rentrait dans la rubrique : dépôts de boues et immon¬ dices (ordonnance royale du l®*' février 182o, classement en 1''° classe), et l’affaire se prolonger ainsi pendant quatre ans, jus¬ qu’à ce que le Conseil d’État ait rejeté son pourvoi? CONCLUSIONS Les observations et explications qui précèdent justifieraient amplement la substitution d’une réglementation nouvelle à celle qui résulte du décret du IS octobre 1810 et de l’ordonnance royale du 14 janvier 1818. Il est certain, en effet, que dans l’intérêt du public, des ouvriers et de l’industriel lui-même, il y a des modifica¬ tions à apporter an régime actuel. Nous proposons à M. le préfet de police de demander au Conseil d’hygiène d’examiner la question et de préparer un projet de loi ayant pour but, notamment, de simplifier certaines formalités administratives, de proportionner l’importance des peines au pré¬ judice que les infractions peuvent causer à la salubrité, à la sécurité et à la commodité, enfin d’organiser une surveillance efficace des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. Pour faciliter la tâche du Conseil, nous lui soumettons le projet ci-après ‘ . PROJET ÜE LOI concernant les ÉTABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES OU INCOMMODES Disposi tiom générales . Article premier. — Les manufactures, ateliers, usines, magasins, chantiers et tous établissements industriels qui présentent des causes de danger soit pour la sécurité, la salubi-ité ou la commodité du voisinage, soit pour la sécurité ou la santé du personnel qui y est occupé, sont soumis à la surveillance de l’autorité administra¬ tive. 1. Nous ne croyons pas utile de reproduire ce projet : nous luisons Ggurer ici le texte modifié, adopte par le Conseil d’hygiène, sur le rapport de M. Chautemps, et transmis à M. le ministre du Commerce et de l’induslrio. ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES 699 Art. 2. — Ces établissements sont divisés en trois classes, sui¬ vant la gravité des inconvénients inhérents à leur exploitation. Art. 3. — Les établissements rangés dans la 1” classe ou dans la 2“ classe ne pourront être ouverts sans une permission délivrée par le préfet. Les établissements de 3' classe devront faire l’objet d’une décla- l’ation écrite, adressée au préfet. Art. 4. — La première classe comprendi-a les établissements qui doivent être éloignés des habitations particulières. La seconde comprendra ceux dont l’éloignement des habitations ii’est pas l'igoureusement nécessaire, mais dont l’exploitation sera autorisée seulement si l’on peut imposer des mesures de nature à éviter que les propriétaires ou locataires voisins n’éprouvent des dommages. Dans la troisième classe seront placés les établissements qui peuvent rester sans inconvénient auprès des habitations, mais qui doivent être surveillés. Art. 5. — Des décrets d’administration publique détermineront les industries auxquelles s’appliquera la présente loi et le classe¬ ment de chacune de ces industries. Ils préciseront la forme des demandes d’autorisation ou des déclarations et la nature des plans à produire à l’appui de ces demandes ou déclarations. Dispositions spéciales aux établîssemenis de classe. Art. 6. — La demande d’autorisation d’un établissement de 1'* classe fera l’objet d’une enquête de commodo et incommoda ouverte pendant un mois. L’ouverture de cette enquête sera annoncée par des affiches apposées dans la commune, et, à Paris, dans le quartier où l’éta¬ blissement est projeté, ainsi que dans les communes ou quartiers limitrophes. Les décrets d’administration publique portant classement pour¬ ront déterminer un rayon plus étendu pour certaines industries dont les inconvénients sont susceptibles de se produire au delà des communes ou quartiers limitrophes. Art. 7. — Le Conseil municipal de la commune où l’établisse¬ ment est projeté sera appelé à formuler son avis. /uo M. BEZANÇO.X Dispositions spéciales aux établissements de 2" classe. Art. 8. — La demande d’autorisation d’un établissement de 2' classe sera soumise à une enquête de commodo et incommode ouverte pendant dix jours. Le commissaire enquêteur devra avertir personnellement les habitants des immeubles voisins de l’établissement projeté qu’une enquête est ouverte et de l’objet de cette enquête. Dispositions communes aux établissements de /■“ et de 2‘ classe. Art. 9. — Dès l’ouverture de l’enquête, une publication sera faite dans un journal d’annonces légales de la localité. Cet avis indiquera la nature de l’industrie, la classe à laquelle elle appartient, l’emplacement où l’exploitation doit avoir lieu, la date de l’ouverture de l’enquête et la durée de cette enquête, enfin la désignation du commissaire-enquêteur. .\rt. 10. — Après la clôture de l’enquête, le commissaire-enquê¬ teur convoquera l’industriel et lui comniiuiiquera sur place le.s observations écrites ou orales consignées dans son procès-verbal, en l’invitant à produire, dans un délai maximum de quinze jours, un mémoire en réponse. Le commissaire-enquêteur rédigera ensuite un avis motivé et enverra le dossier de l’affaire au préfet, qui statuera par un arrêté •sur un rapport du Conseil central d’hygiène et de salubrité. .\rt. 11. — Un extrait de cet arrêté sera placardé à la porte de la mairie ou, à Paris, du commissariat de police. n sera également inséré dans un numéro du journal d’annonces légales qui a annoncé l’ouverture de l’enquête. Art. 12. — Si l’établissement projeté doit comprendre plusieurs industries classées, il sera procédé à une seule enquête, dans les formes indiquées pour la classe la plus élevée. Un seul arrêté pré¬ fectoral statuera sur l’ensemble. Art. 13. — Les arrêtés préfectoraux portant autorisation ou refus pourront être déférés au Conseil de préfecture dans un délai de deux mois. Ce délai commencei’a à courir pour l’industriel du jour où la notification lui aura été faite de l’ari’êté, — et pour les tiers du jour où un extrait de l’arrêté aura été inséré dans un journal d’an¬ nonces légales, ainsi qu’il est dit à l’article 11 ci-dessus. KAHLISSEME^ÏS INSALIIBRES TOI Art. 14. — Le Conseil de préfecture statuera dans les formes prévues par la loi du 22 juillet 1889. Il admettra l’intervention de ceux qui ont intérêt dans le litige engagé. La décision du Conseil de préfecture pourra elle-même être attaquée devant le Conseil d’Êtat par les intéressés, dans les trois mois qui suivront la notification de cette décision. Art. 15. — Les autorisations seront subordonnées aux réserves et conditions jugées indispensables dans l’intérêt de la sécurité et de la salubrité publiques, ainsi que dans l’intérêt des ouvriers attachés à l’établissement. Des arrêtes ultérieurs pourront atténuer au besoin ces prescrip¬ tions. Ils pourront aussi imposer aux industriels de nouvelles pres¬ criptions, s’il est reconnu que la sécurité et la salubrité intérieures ou extérieures de l’établissement justifient des mesures complémen¬ taires ; mais ces arrêtés ne pourront ordonner la transformation de l’établissement ni impliquer des charges telles qu’ils sembleraient constituer un retrait déguisé de l’autorisation. Les recours contre ces arrêtés pourront être formés devant le Conseil de préfecture, puis devant le Con.seil d’Ètat, comme il est dit à l’article précédent. Art. 16. — Si un établissement industriel peut présenter pour l’avenir des inconvénients graves au point de vue de la salubrité, de la sécurité ou de la commodité, par suite de la transformation probable du voisinage, il pourra être l’objet d'une autorisation temporaire. L’autorisation temporaire sera accordée pour une durée d’au moins dix années ; cctle limitation sera motivée, et l’autorisation pourra être renouvelée après enquête. Art. 17. — L’autorisation pourra devenir caduque quand l’ex¬ ploitation aura cessé pendant un an au moins, sauf le cas de force majeure. Un règlement d’administration publique déterminera les formes dans lesquelles cette déchéance sera constatée. Dispositions spéciales aux établissements de 3 classe. Art. 18. — Les déclarations relatives aux établissemenis de 3® classe seront reçues, comme il est dit à l’article 3, par le préfet. Celui-ci en donnera récépissé sans délai. Il notifiei'a en même temps à l’industriel une copie des prescrip- 702 M. BEZANÇON lions générales dont il est question à l’article 19 ci-après, concer¬ nant l’industrie qui a fait l’objet de la déclaration. Le maire de la commune intéressée, ou à Paris le commissaire de police, recevra une copie de cette déclaration et le texte des prescriptions générales, pour être communiqués sur place aux personnes qui croiraient utile de les consulter. Art. 19. — Le ministre du Commerce et de l’Industrie arrêtera, après avis du Comité consultatif des arts et manufactures, les pres¬ criptions générales à imposer à chacune des industries rangées dans la 3° classe. Des modifications pourront être apportées dans chaque départe¬ ment à ces prescriptions, par arrêté préfectoral, pris sur un avis conforme du Conseil départemental d’hygiène et approuvé par le ministre du Commerce et de l’Industrie. Art. 20. — Si l’industriel qui a fait une déclaration pour un établissement de 3“ classe veut obtenir l’atténuation ou la radiation de quelques-unes des prescriptions générales qui lui ont été notifiées, le préfet instruira sa requête et statuera sur l’avis de l’Inspection des établissements classés et du Conseil d’hygiène et de salubrité. Celte décision devra être approuvée par le ministre du Commerce et de l’Industrie. Les tiers qui jugeraient que rindustrie n’est pas de celles poui’ lesquelles une simple déclaration est suffisante ou qui estimeraient que l’exécution des prescriptions générales appliquées dans l’espèce ne les garantirait pas contre les inconvénients inhérents à cette exploitation^ pourront former un recours devant le préfet, et ulté¬ rieurement, devant le ministre du Commerce et de l’Industrie : s’il y a lieu, des prescriptions additionnelles pourraient être imposées à l’industriel, sur un avis conforme du Conseil d’hygiène par le préfet, et sur un avis du Comité consultatif des arts et manufac¬ tures, par le ministre du Commerce et de l’Industrie. Art. 21. — Au cas où un établissement industriel, ouvert après déclaration, cessera d’être exploité pendant plus d’un an, l’exploi¬ tant devra faire une nouvelle déclaration. Dispositions applicables aux établissemenls des trois classes. Art. 22. — Les établissements dangereux, insalubres ou incom¬ modes sont soumis à la surveillance de l’inspection dite « dos éta- ÉTABUSSEMENTS INSALUBRES 703 blissemeuts classés » et à la visite des membres du Conseil d’hy¬ giène, délégués par le préfet. Les propriétaires, directeurs ou gérants de ces établissements, sont tenus d’y laisser pénétrer le délégué du Conseil d’hygiène et l’inspecteur des établissements classés, en vue de faire telles cons¬ tatations qu’ils jugeront nécessaires. Si la visite a lieu après le coucher du soleil, le délégué ou l’ins¬ pecteur devra être accompagné du maire ou du représentant de la police locale. Art. 23. — Les inspecteurs désétablissements classés sont nom¬ més par le préfet, au concours. Leur traitement est à la charge du budget départemental. Avant leur entrée en fonctions, ils prêteront, devant le tribunal civil de l’arrondissement de leur résidence, serment de ne pas révéler les secrets de fabrication et, en général, les procédés d’ex¬ ploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Toute violation de ce serment est punie confor¬ mément à l’article 378 du Code pénal. Le préfet pourra toutefois, avec l’assentimentdu ministre du Com¬ merce et de l’Industrie, sur un vote conforme du Conseil général, charger de la surveillance des établissements classés les inspecteurs du travail nommés pour l’application des lois du 2 novembre 1892 et du 12 juin 1893. 11 pourra également, sur une délibération conforme du Conseil général, charger le service vétérinaire sanitaire, organisé en vertu des lois du 21 juillet 1881 et du 21 janvier 1898, de la surveillance, comme établissements classés, des étables, porcheries, abattoirs et clos d’équarrissage compris dans la nomenclature des industries auxquelles s’appliquent la présente loi. Art. 24. — Lorsqu’un établissement industriel autorisé ou dé¬ claré passera en d’autres mains, une déclaration du transfert devra être adressée au préfet par le nouvel exploitant ou son représentant. Cette déclaration, dont il sera délivré un récépissé sans frais, sera faite dans le mois qui suivra la prise de possession. Art. 2o. — Lorsque l'industriel voudra ajouter à sou exploitation première, quelle que soit la classe dans laquelle elle rentre, une autre industrie classée, même de classe inférieure à celle qui a été autorisée, il sera tenu de se pourvoir d’une nouvelle autorisation 701 .M. UKZANÇON OU de faire une nouvelle déclaration pour celte nouvelle industrie. Ai\t. 26. — Toute traiisforination dans l’état des lieux, dans la nature de l’outillage ou du travail, entraînant une modification des termes de la déclaration ou des conditions imposées par l’arrêté d’autorisation, implique une déclaration ou une demande d’autori¬ sation complémentaire, suivant la classe de l’établissement. Aut. 27. — Les établissements industriels existant anlcrieurc- ment au décret d’administration publique qui les a classés comme établissements dangereux, insalubres ou incommodes continueront à être exploités sans autorisation, mais ils seront soumis à la sur¬ veillance de l’inspection et du Lonscil d’hygiène prévue par l’arti¬ cle 22. Leurs directeurs, propriétaires ou géi'unts pourront être invités à produire une déclaration appuyée d’un plan de leur établissement, Le préfet pourra, sur un avis conforme du Conseil d’hygiène et de salubrité, y prescrire des mesures dans l’intérêt de la salubrité, de la sécurité ou de la commodité. Ces mesures seront ordonnées dans les mêmes conditions que celles imposées postérieurement aux arrêtés d’autorisation par application du § 3 de l’article 15. Elles seront susceptibles de recours devant le Conseil de préfecture et devant le Conseil d’État. Aut. 28. — Une interruption d’un an au moins dans l’exploita¬ tion d’une industrie dont l’existence remonte à une époque anté¬ rieure au décret qui l’a classée entraîne la déchéance du bénéfice résultant de cette antériorité. Art. 29. — Si un établissement, non compris dans la nomen¬ clature des établissements classés, donne lieu à des inconvénienl.s graves pour le voisinage ou pour le personnel qui y est employé, le préfet peut, sur un avis conforme du Conseil d’hygiène, y imposer, à titre provisoire, des mesures de nature à remédier à ces inconvé¬ nients. L’arrêté préfectoral, ordonnant dans ces conditions soit des tra¬ vaux, soit des dispositions spéciales, soit une réduction des quan¬ tités des produits en dépôt ou en travail, devra être soumis sans délai à l’approbation du ministre du Commerce et de l’Induslric. Le ministre provoquera, s’il y a lieu, un décret de classcmeni provisoire en attendant la décision du Conseil d’Etat. ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES 70S Pénalités Art. 30. — Les contraventions à la présente loi et aux règle¬ ments d’administration publique rendus pour son exécution seront poursuivies devant le tribunal de police correctionnelle et punies d’une amende de 16 à 100 francs. Par exception, le défaut de déclaration sera déféré au tribunal de simple police et passible seulement des peines portées dans l’ar¬ ticle 471 du Gode pénal. En cas de récidivé, le contrevenant pourra être condamné à trois jours de prison et l’amende portée au double. Il y a récidive, lorsque dans les douze mois antérieurs au fait poursuivi le contrevenant a déjà subi une condamnation pour infrac¬ tion à la présente loi ou aux décrets ou arrêtés préfectoraux ayant pour objet l’exécution des dispositions de cette loi. Art. 31. — En cas de pluralité de contraventions, l’amende sera appliquée autant de fois qu’il aui-a été relevé de contraventions. Le tribunal pourra atténuer la peine par application de l’article 463 du Gode pénal, sans cependant faire descendre l’amende au-dessous de 16 francs par chaque contravention entraînant la peine de réci¬ dive et au-dessous de 5 francs s’il s’agit d’un premier procès-vei'bal. Art. 32. — Est puni d’une amende de 100 à SOO francs quicon¬ que aura mis obstacle aux visites soit du délégué du Gonseil d’hy¬ giène, soit de l’inspecteur des établissements classés. En cas de récidive, l’amende sera portée de oOO à 1,000 francs. L’article 463 du Gode pénal sera applicable aux condamnations prononcées en vertu de cet article. Art. 33. — Les autorisations accordées aux établissements de l” et de 2® classe pourront être suspendues par le préfet, en cas d’inobservation des réserves et conditions imposées. Gette mesure sera prise après une mise en demeure suivie de la constatation, par un procès-verbal, de la persistance de l’infraction. Ge procès-verbal sera dressé par l’inspection des établissements classés. La fermeture provisoire d’un établissement de 3" classe dans lequel l’inexécution des prescriptions aura été constatée pourra éga¬ lement être ordonnée par le préfet. Art. 34. — La décision du préfet prononçant cette mesure pourra être, dans le mois qui suivra sa notification, déférée par l’intéressé REV. d’hyc. xxni. — 4a -06 M. BEZA.NÇON ail Conseil tic prélecture, qui statuera après avoir pris l’avis du Conseil central d’hygiène et dans les formes prévues par la loi du “22 juillet 4889. Le pourvoi ne sera pas suspensif. Le Conseil de préfecture pouri-a cependant, par un arrêté avant faire droit, autoriser la réouverture provisoire de l’établissement. Aiit. 35. — Le fait de continuer re.\ploilation d’un établissement classé dont la fermeture aura été oi-donnée sera puni d’une amende de 50 à 200 francs, sans préjudice des dommages-intérêts auxquels il pourrait donner lieu au profit des tiers. Un procès-verbal pourra être dressé chaque jour contre l’exploi¬ tant. Au besoin, le préfet prendra un arrêté ordonnant l’apposition des scellés sur les appareils et machines et même sur les portes des établissements dont l’exploitation serait continuée malgré la consta¬ tation de plusieurs infractions. Le bris de ces scellés sera poursuiii par application de l’article 253 du Code pénal. Akt. 36. — Les contraventions aux prescriptions de la présente loi sont prescrites comme en matière de contraventions relevant du tribunal de simple police par un an pour la poursuite et deux ans pour la peine. Akt. 37. — Si le préfet, sur l’avis du Conseil d’hygiène, décide qu’il y a lieu de prendre d’urgence des mesures de désinfection et de nettoyage, il en ordonne l’e.xécution immédiate à l’industriel. Le préfet déterminera un délai passé lequel il fera procéder d’office à cette désinfection et à ce nettoyage aux frais de l’industriel, sauf recours de celui-ci contre qui de droit. Le recouvrement de cette dépense sera effectué comme en matière de contributions directes. Dispositions relatives à Vexéention île la loi. Akt. 38. — • Les attributions données aux préfets par la présente loi seront exercées par le Préfet de police, à Paris et dans tonte l’étendue de sa juridiction. Akt. 39. — Dans le délai d’un an à dater de la promulgation de la présente loi, des règlements d’administration publique, notam¬ ment ceux dont il est question aux articles o et 19 ci-dessus, seront rendus pour son application, après avis du Comité consultatif des arts et manufactures, sur la proposition du ministre du Commerce et de l’Industrie. LA PKKSEUVATIOiN DE LA TUBERCULOSE 707 Ces décrets comprendront la révision de la nomenclature des éta¬ blissements classés telle qu’elle résulte des décrets des 3 mai 1886, O mai 1888, lo mars 1890, 26 janvier 1892, 13 avril 1894, 6 Juillet 1896, 24 juin 1897, 14 août 1897, 29 juillet 1898, 19 juillet 1899, etc. Art. 40. — Le décret du lo octobre 1810 et l’ordonnance royale du 14 janvier 1815 sont abrogés à partir de cette date. REVUE DES CONGRÈS COiXGRÊS BRlTANiMQUE POUR LA PRÉSERVATION DE LA TUBERCULOSE Tenu il Londres du 2i au 26 juillet 1901. Séance d'ouvcrlure. Le Congrès de Londres devait avoir lieu le 21 avril 1901, et comme de coutume sous la présidence du prince de Galles. La mort de la reine Victoria l’a fait reporter au mois de juillet, et le roi Edouard VII, qui l’a gardé sous son haut patronage, a invité le duc de Cambridge à présider la séance d’ouverlnrc. Cette séance a eu lieu avec une grande solennité à Saint-James- Hall (Piccadilly), en présence des ambassadeurs des nations étran¬ gères et des représentants les plus éminents du gouvernement, des sciences et de l’aristocratie. Par un message dont le président a donné lecture, le roi a envoyé ses félicitations aux savants délégués de toutes les parties du monde et leur a donné rassurance de son concours énergique pour combattre l’un des plus grands fléaux de la vie moderne. Comme d’habitude, les chefs des délégations étrangères, pré¬ sentés successivement au président pai- le comte de Derby, sont venus saluer la nation amie qui leur offrait l’hospitalité. C’est lord Lister qui a d’abord parlé au nom des médecins anglais, puis 708 REVUE DES CONGRÈS M. Brouai-del pour la France, M. von Leyden pour l’Allemagne, M. von Schrôtter pour rAutriche, etc., etc. Séances générales /. — La lutte contre la tuberculose, à la lumière de l'expérience acquise contre les autres maladies infectieuses^ Par le Professeur R. KOCH, Directeur de l’Institut pour les -maladies infectieuses à Berlin. ... La lutte dont ce Congrès est le but est une des plus difficiles ; c’est celle aussi dans laquelle on est le plus sûr de trouver la récompense de ses efforts... Beaucoup de personnes mettent en doute la possibilité de combattre cette maladie qui existe depuis des milliers d’années et qui s’étend dans le monde entier... Je ne par¬ tage nullement celte opinion, et voici mes raisons : L’on croyait autrefois que la tuberculose était le résultat de la misère sociale... Mais depuis que l’on sait qu’elle est due à la pré¬ sence d’un parasite visible et palpable, il est évident que nous pou¬ vons détruire ce parasite aussi bien que tant d’autres... Pour cela, il faut la coopération de l’État, des communes et de la population tout entière ; le moment est venu de rendre cette coopération eôec- live... L’expérience acquise dans la lutte contre les maladies évitables nous a appris que c'est une grosse erreur de vouloir appliquer un traitement luiiforme à toutes les pestilences : prenons pour exemples la peste, le choléra, l’hydrophobie et la lèpre... En ce qui concerne la peste, on croyait jusqu’à ces derniers temps que la maladie ne pouvait êti-e transmise que par le malade ou les objets contaminés par lui et c’est sur cette idée qu’étaient basées toutes les mesures sanitaires. L’examen microscopique, l’ex¬ périmentation sur les animaux permettent aujourd’hui de recon¬ naître avec certitude les premiers cas de peste, de mieux assurer par conséquent l’isolement des malades, la désinfection des maisons, 1. En raison de la grande importance de ce mémoire, qui a été le clou, le véritable master-piece du Congrès de Londres, nous en avons traduit littéra¬ lement la plus grande partie; nous nous sommes borné à résumer et à désigner par des points les quelques paragraphes ne contenant pas d’opi¬ nions personnelles ou d’arguments nouveaux. E. Vallin. D' KOCH. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 709 des navires, des marchandises ; et cependant cet isolement et cette désinfection n’ont pas suffi à empêcher sa transmission et son extension. C’est que nous savons désormais que le malade atteint de pneumonie pesteuse est seul un centre d’infection directe, et que les rats sont de véritables agents de la propagation de la peste. Partout où les rats sont intentionnellement ou involontairement détruits, la peste disparaît rapidement ; partout où l'on méconnaît ou dédaigne ce danger, l’épidémie continue ses ravages. Si beau¬ coup de mesures anciennes édictées contre la peste ont paru inef¬ ficaces, c’est qu’on ne connaissait pas alors la co-existence de cette maladie chez les rats. Cette notion doit être utilisée désormais dans toute prophylaxie internationale contre la peste. Il en est autrement du choléra; sans doute il se transmet dans beaucoup de cas d'homme à homme; mais l’agent de propagation le plus dangereux est l’eau. En Allemagne, c’est en s’occupant avant tout de l’eau destinée aux boissons que depuis quatre ans on a réussi à détruire cette pestilence, malgré des importations succes¬ sives des pays voisins, et sans compromettre les intérêts du com¬ merce... La rage non plus n’est pas stérile en enseignements. L’inocula¬ tion préventive des personnes mordues réussit à empêcher l’éclosion de la maladie, mais elle ne peut en rien empêcher l’infection. La véritable prophylaxie, c’est la muselière; cette mesure ne donnera des résultats complets, que lorsqu’elle sera devenue internationale et que la rage ne sera plus d’année en année transportée d'un pays voisin dans un autre. La lèpre est, au point de vue étiologique, comparable à la tuber¬ culose. Elle aussi résulte de la présence d’un parasite qui res¬ semble à celui du tubercule; comme la tuberculose, elle ne se mani¬ feste que longtemps après l’inoculation et sa marche est encore plus lente. Elle ne se transmet que de personne à personne et seule¬ ment par un contact intime et prolongé dans la chambre à coucher nu dans une habitation étroite. La prophylaxie consiste donc sur¬ tout à empêcher les contacts entre le malade et les personnes qui l’approchent. C’est par l’isolement rigoureux, c’est par les lépro¬ series que la lèpre, qui au moyen âge ravageait l’Europe centrale, a presque complètement disparu. C’est celte méthode qui tout récemment a été adoptée en Norvège par une loi spéciale, et bien que cet isolement n’ait été appliqué qu’irrégulièrement et aux cas 710 REVUE DES CONGRÈS graves, elle a cependant réussi à produire une diminution notable de la lèpre. L’extinction de ta maladie aurait été plus rapide et plus complète si l’isolement avait été aussi rigoureux qu’au moyen âge- Ces exemples suffisent à prouver que, pour combattre les maladies infectieuses, il faut détruire la source même du mal et ne pas s’at¬ tarder à des mesures accessoires et inutiles. Aussi nous devons nous demander si jusqu’ici on s’est attaqué à la source, à la cause première de la tuberculose, et par quels moyens on peut détruire ce germe d’une façon certaine. Pour cela il faut chercher comment et où se produit l’infection tuberculeuse. Origines de la tuberculose humaine. — Dans la grande majo¬ rité des cas, la tuberculose siège dans le poumon et c’est par là qu’elle débute. On en peut conclure que le bacille tuberculeux pénètre dans le poumon par inhalation. Il n’est pas douteux qu’il passe dans l’air avec les crachats des phtisiques, qui eu contiennent des quantités incroyables. En toussant, en parlant, les malades projettent dans l’air des vésicules humides qui contiennent ce bacille à l’état frais et infectent leurs voisins; les crachats en se desséchant sur le sol, sur les tissus, se dispersent dans l’air sous forme de poussière. Il s’établit de la sorte un cercle vicieux qui engendre et propage la tuberculose. Sans doute le bacille peut envahir de la même manière d’autres organes que le poumon ; mais cela est beaucoup plus rare. Les ci'achats des phtisiques doivent être considérés comme la source principale de l'infection tuberculeuse; tout le monde est d’accord là-dessus. La question est desavoir s’il n’y a pas d’autres sources encore, assez communes pour Imposer l’atten¬ tion dans la lutte contre la tuberculose. On a coutume d’attacher une grande importance à la transmis¬ sion héréditaire de la tuberculose. Aujourd’hui une investigation rigoureuse a montré que, s’il ne faut pas nier complètement l’in¬ fluence de l’hérédité, la tuberculose héi-éditaire est extrêmement rare et nous avons le droit de laisser complètement de côté cette influence dans les mesures pratiques que nous aurons à prendre. Une autre source possible et généralement admise de la tuber¬ culose est la transmission à l’homme des germes provenant d’ani¬ maux tuberculeux. Ce mode d’infection est d’ordinaire considéré comme prouvé et comme un des plus fréquents, et l’on demande les mesures les plus rigoureuses pour le pi’évenir. Une part consi- D' KOCH. — LUTTE CONTRE LA TUI ERCÜLOSE ‘Il dérable doit êti’e faite dans ce Congrès à la discussion sur le danger pour l’homme des animaux tuberculeux. Comme mes recherches m’ont conduit à une opinion très différente de celle qui est géné¬ ralement admise, je vous demande la permission de la discuter un peu longuement. Le bétail est réfractaire à la tuberculose humaine. — La vraie tuberculose a jusqu’ici été observée chez la plupart des animaux domestiques et plus fréquemment chez les volailles et dans le bétail. La tuberculose aviaire diffère cependant à ce point de la tuberculose humaine, que nous pouvons la laisser de côté comme source d’infection chez l’homme. A proprement parler, la seule tuberculose animale qui soit à considérer pour l’homme est celle du bétail, soit par la viande, soit par le lait des animaux malades. Dès mes premiers travaux j’ai fait des réserves sur l’identité de la tuberculose humaine et de la tuberculose bovine. Les faits que je possédais ne me permettaient encore ni d’affirmer, ni d’infirmer cette identité. Depuis, tant que je n’ai expérimenté que sur de petits animaux (lapins et cobayes) je n’ai pu obtenir des résultats parfaitement concluants. La complaisance du ministre de l’Agri¬ culture m’a permis d’expérimenter sur le gros bétail; ce sont les seuls animaux qui conviennent réellement pour de telles recherches. Pendant ces deux dernières années j’ai fait de nombreuses expé¬ riences avec le professeur Schütz, de l’Ecole vétérinaire de Berlin; je désire vous faire connaître brièvement les principaux résultats de ces recherches. Un grand nombre de jeunes bovidés, soumis à l’épreuve de la tuberculine et qui n’avaient pas réagi, furent inoculés avec des cultures pui-es de bacilles provenant de tuberculose humaine; à quelques-uns on inocula directement des crachats de phtisiques. Les inoculations furent faites dans plusieurs cas sous la peau, dans le péritoine, dans la veine jugulaire; 6 autres animaux prii-ent chaque jour des crachats tuberculeux avec leurs aliments pendant sept à huit mois; 4 autres inhalèrent à de fréquentes reprises de grandes quantités de bacilles, contenues dans de l’eau pulvérisée sous forme de spray. Aucun de ces 18 animaux ne montra le moindre signe de la maladie, tous augmentèrent considérablement de poids. Ils furent sacrifiés de six à huit mois après le début de l’expérience. On ne trouva aucune trace de tubercules dans leurs organes internes. Seulement, aux points où les inoculations avaient 712 REVUE DES fiONGRÈS été faites s’étaient formés de petits foyers de suppuration, où l’on pouvait trouver quelques bacilles tuberculeux. C’est exactement ce qu’on trouve quand on injecte des bacilles tuberculeux ncorts sous la peau d’animaux réfractaires à la contagion. En résumé, les animaux sur lesquels nous avons expérimenté furent impres¬ sionnés par les tubercules vivants de la tuberculose humaine exacte¬ ment comme si les bacilles injectés avaient primitivement été tués; les animaux inoculés étaient absolument réfractaires à ces bacilles. Le résultat était très différent quand on injectait à des bovidés non tuberculeux des bacilles provenant des poumons d’animaux atteints de tuberculose bovine. Après une période d’incubation d’environ une semaine, on trouvait les désordres tuberculeux les plus graves dans les organes internes des animaux inoculés sous la peau, dans le péritoine ou dans le système vasculaire. La fièvre était forte, les animaux devenaient faibles et maigres ; quelques-uns mouraient au bout de six semaines à deux mois; d’autres furent abattus au bout de trois mois, dans un état misérable. A l’autopsie, on trouva des infiltrations tuberculeuses considérables, aux points où l’injection avait eu lieu, dans les ganglions lymphatiques du voisinage, avec altérations avancées des organes internes, en parti¬ culier des poumons et de la rate. Quand l’injection avait été faite dans le péritoine , les lésions si caractéristiques de la tuberculose bovine se rencontraient dans le péritoine. En un mot , les bovidés se montrèrent aussi susceptibles à l’infection du bacille de la tuber¬ culose bovine, qu’ils s’étaient montrés réfractaires à l’infection par le bacille de la tuberculose humaine. Les préparations des organes des veaux artificiellement infectés avec la tuberculose bovine peu¬ vent être examinées au Musée de pathologie et de bactériologie. La différence fut presque aussi marquée en alimentant des porcs avec les produits de l’une ou l’autre tuberculose. Six jeunes porcs ingérèrent, chaque jour pendant trois mois, des crachats de phtisiques riches en bacilles. Six autres ingérèrent de la même façon des bacilles de tuberculose bovine. Les premiers restèrent bien portants et vigoureux ; les seconds devinrent malades , cessè¬ rent de s’accroître, la moitié succombèrent. Au bout de trois mois, les trois survivants furent tués et examinés. Chez les animaux qui avaient ingéré des crachats humains, nulle trace de tuberculose, si ce n’est de petits nodules dans les glandes lymphatiques du cou, et dans un cas quelques noyaux gris des poumons. Les animaux KOCH. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 713 qui avaient avalé des bacilles de tuberculose bovine présentaient, sans exception (exactement comme les bovidés), de graves lésions tuberculeuses, spécialement rinliltration tuberculeuse des ganglions lymphatiques très hypertrophiés du cou, des glandes mésentériques, avec envahis-sement des poumons et de la rate. Les résultats furent identiques chez les ânes, les moutons, les chèvres. J’ajoute que mes expériences ne sont pas les seules qui aient donné ce même résultat. Si l’on étudie les anciennes expériences de ce genre, en particulier celles de Chauveau , Günther et Harms, Bollinger, etc., sur les veaux, les porcs, les chèvres alimentés avec des matières tuberculeuses, on voit que ceux de ces animaux qui ingéraient du lait et des morceaux de poumon de vaches tubercu¬ leuses contractaient toujours la tuberculose , tandis que ceux qui ne recevaient avec leurs aliments que des produits humains restaient intacts. Ces études comparatives ont été poursuivies récemment dans l’Amérique du Nord, par Smith, Diuwiddie, Frothinghem ; les résultats obtenus ne diffèrent pas des-miens. Ces résultats, non douteux et absolument concluants, tiennent à ce que nous avons choisi des méthodes d’infection qui excluent toute cause d’erreur, et évité les influences de stabulation, d’alimentation, etc., qui vien¬ nent souvent troubler les expériences. Je me crois donc en droit d’affirmer que la tuberculose humaine diffère de celle du bœuf et qu’elle ne peut être transmise aux bovidés. Toutefois il me semble très désirable que ces expériences soient répétées par d’autres, afin qu’il ne puisse s’élever aucun doute sur la justesse de mes assertions. J’ajoute que , en raison de la grande importance du sujet, le gouvernement allemand a nommé une Com¬ mission pour faire une enquête très complète sur cette question. Maintenant, quelle est la réceptivité de l’homme pour la tuber¬ culose bovine ? Cette question est encore plus importante que la première. Il est impossible de répondre directement, parce qu’on ne peut expérimenter sur l’homme. Cependant on peut tenter une réponse indirecte. Tout le monde sait que le lait et le beurre consommés dans les grandes villes contiennent souvent de grandes quantités de bacilles vivants de tuberculose bovine; on en a la preuve par le succès des expériences d’infection faites sur les animaux avec ces produits des vacheries. La plupart des habitants de ces villes ingè- 71i REVL'E DES CONGRÈS rent ces bacilles actifs et virulents de la tuberculose bovine, et sont les sujets involontaires d’expériences qu’il est impossible de faire. Si les bacilles en question étaient capables d’infecter l'homme, un grand nombre de cas de tuberculose causés par l’usage de ces produits alimentaires conlaminés ne pourrait manquer de se pro¬ duire chez les habitants des grandes villes, particulièrement chez les enfants. La plupart des médecins croient d’ailleurs qu’il en est ainsi. En réalité, cependant, il n’en est rien. On ne peut affirmer avec certitude qu’un cas de tuberculose a pour origine les aliments, que lorsque l’intestiD est envahi le premier, c’est-à-dire quand on trouve ce qu’on appelle une tuberculose primitive de l’intestin. Mais ces cas sont extrêmement rares. Parmi beaucoup de cas de tuberculose examinés après la mort, je ne me rappelle avoir vu que deux fois cette tuberculose primitive de l’intestin. Sur le grand nombre d’autopsies faites à l’hôpital de la Charité de Berlin, on n’en a renconti-é en cinq ans que 10 cas. Sur 933 cas de tuberculose chez des enfants, à l’hôpital de l’Impératrice-Fréde- rick, à Berlin, Baginsky n’a jamais trouvé cette tuberculose intesti¬ nale sans des lésions coïncidantes des poumons et des ganglions bronchiques. Sur 3,104 autopsies de tuberculose infantile, Biedert n’a observé que 16 cas de tuberculose primitive de l’intestin. Je pourrais emprunter à la littérature spéciale un nombre encore plus grand de statistiques de même sorte, montrant toutes d’une façon indubitable que la tuberculose primitive de l’intestin est une maladie relativement rare, surtout chez les enfants. Et dans le petit nombre de cas relatés, rien ne prouve d’une façon certaine que l’infection provienne d’une tuberculose bovine. Il se peut très bien qu’elle ait été causée par des bacilles, si largement répandus, de la tuberculose humaine, qui auraient pénétré dans le canal digestif par une voie quelconque, par exemple en avalant la salive. Jusqu’ici, en pareil cas, personne ne pouvait décider avec cerli- lude si la tuberculose de l’intestin était d’origine humaine ou ani¬ male. Aujourd’hui, nous pouvons faire ce diagnostic. Il suffit de cultiver, en culture pure, les bacilles trouvés dans la matière tuberculeuse, et de s’assurer' s’ils appartiennent à la tuber¬ culose bovine en s’en servant pour inoculer un bovidé. Dans ce cas, je recommande l’injection sous-cutanée qui donne des résultats D' KOCH. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 713 caractéristiques et convaincants. J’ai poursuivi ce mode de reclier- ches depuis six mois, mais la rareté de la tuberculose primitive de l’intestin est telle que le nombre des cas sur lesquels j’ai opéré est très restreint. Ce que j’ai constaté jusqu’ici n’est pas favorable à l’hypothèse que la tuberculose d’origine bovine se rencontre chez l’homme. Bien que l’importante question de savoir si l’homme peut con¬ tracter la tuberculose bovine ne soit pas encore complètement résolue, et ne le sera ni aujourd’hui ni demain, on est cependant en droit de dire que si cette réceptivité existe réellement, ce mode d’infection n’a lieu que très rarement dans l’espèce humaine. J’esti¬ merais volontiers que l’infeclion par le lait, la viande de bétail tuberculeux ou par le beurre dérivé de ce lait est à peine plus fré¬ quente que la transmission héréditaire; je crois donc qu’il n’y a pas lieu de prendre des mesures contre elle. Crachats tuberculeux. — Laseulevraiesource de l’infection tuber¬ culeuse est l’expectoration des phtisiques, et les mesures pour com¬ battre la tuberculose doivent tendre à empêcher la diffusion des crachats. Plusieurs moyens se présentent dans cette voie. I^a pre¬ mière idée qui vient à l’esprit est de consigner dans des établisse¬ ments spéciaux toutes les personnes atteintes de tuberculose pul¬ monaire dont les crachats contiennent le bacille. Non seulement cela est impraticable, mais cela n’est pas nécessaire. Car un phti¬ sique qui en toussant expulse des bacilles tuberculeux n'est pas nécessairement un foyer d’infection, aussi longtemps qu’il prend soin que ses crachats soient recueillis proprement et rendus iiiof- feusifs. Cela est vrai de beaucoup de malades, surtout dans les pre¬ mières périodes, en particulier chez les per.sonnes qui appartiennent à la classe aisée et qui peuvent se procurer les soins nécessaires. Il en est autrement de ceux dont les ressources sont restreintes. Tout médecin qui a fréquenté les logements des pauvres gens, et j’en peux parler d’après ma propre expérience, sait quel est le triste lot des tuberculeux et de leur famille. Toute la famille vit dans une seule pièce ou dans deux petites chambres mal ventilées. Le malade est laissé sans l’assistance dont il a besoin, parce que chacun autour de lui doit gagner sa vie par son travail. Comment assurer dans ces conditions la propreté nécessaire ? Comment faire en sorte que ses crachats ne soient pas dangereux ? Toutes les familles sont 716 REVUE DES CONGRÈS ainsi contaminées ; la mort qui les enlève éveille dans l’esprit de ceux qui ne connaissent pas la contagiosité de la tuberculose l’opi¬ nion que c’est l’hérédité qui au bout de quelques années a frappé successivement tant de personnes. Souvent, l’infection n’est pas limitée à la famille ; dans les locaux où la population est condensée, elle se propage à tout le voisinage et alors , comme l’admirable enquête de Biggs l’a montré dans les quartiers encombrés de New-York, il se forme un réseau inextri¬ cable de foyers morbides. Quand on va au fond des choses, on trouve que ce n’est pas la pauvreté par elle-même qui favorise la tuberculose, mais bien les mauvaises conditions domestiques que les pauvres gens subissent partout, et en particulier dans les grandes villes. Les statistiques allemandes montrent en effet que la tubercu¬ lose est moins fréquente, même chez les pauvres, quand la popula¬ tion n’est pas étroitement entassée, et qu’elle peut atteindre les plus grandes proportions dans la population aisée quand ces condi¬ tions d’habitation et de vie domestique sont mauvaises, surtout en ce qui concerne les chambres à coucher; c’est ce qu’on observe par exemple sur les côtes de la mer du Nord. Ce sont donc les logements encombrés des pauvres qu’il faut considérer comme les véritables foyers d’origine de la tuberculose; c’est de là sans cesse que la maladie sort et se renouvelle ; c’est cela qu’il faut tout d’abord supprimer si nous voulons attaquer le mal dans sa racine. Cela étant, il faut se réjouir des efforts tentés dans presque tous les pays pour améliorer les conditions domestiques des pauvi-es gens. Je suis convaincu que ces efforts, qu’il faut compléter par tous les moyens, auront pour résultat une diminution considérable de la tuberculose. En attendant qu’on améliore ces logements encombrés , tout ce qu’on peut faire est d’en éloigner les malades atteints de tubercu¬ lose et de les loger mieux, dans leur propre intérêt et dans l’inlérêt des personnes qni les approchent. Cela ne peut se faire que dans des hôpitaux appropriés. Loin de moi la pensée de les y envoyer de force. Ce que je demande, c’est que les phtisiques soient mieux soignés qu’ils ne le sont actuellement. Les phtisiques avancés sont considérés comme des incurables qui ne sont pas à leur place dans un hôpital. La consé¬ quence est qu’on les y admet à regret et qu’on s’en débarrasse le plus tôt possible. Le malade lui-même, quand le traitement ne lui semble KOCH. — LUTTE COÎiTRE LA TUBERCULOSE 717 pas améliorer son état, quand la longue durée de sa maladie aug¬ mente lourdement sa dépense, a bientôt le désir de quitter l’hôpital. Cet état de choses cesserait s’il y avait des hôpitaux spéciaux poul¬ ies phtisiques, où ceux-ci seraient soignés gratuitement... Au moins faudrait-il que dans les hôpitaux existants il y eût des salles spéciales pour les tuberculeux. . . L’Angleterre est le seul pays qui possède un nombre considérable d’hôpitaux spéciaux pour la tuberculose ; c’est une des causes principales de la diminution de cette maladie en Angleterre... Beaucoup de personnes ont une grande fortune; quelques-unes pourraient consacrer une partie de leur superflu à soulager ainsi les pauvres gens, si elles savaient comment le faire d’une manière judicieuse, en unissant pour celte bonne œuvre leurs efforts à ceux de l’Etat et des communes. Déclaration obligatoire de la tuberculose. — Parmi les mesures que réclame la lutte contre la tuberculose, la déclaration obliga¬ toire me paraît une des plus utiles. Pour combattre toutes les mala¬ dies infectieuses, il est indispensable de connaître leur siège, leur topographie, particulièrement leur dissémination, leur accroisse¬ ment, leur décroissance. De même, si nous voulons combattre la tuberculose, nous ne pouvons nous dispenser de la déclaration obli¬ gatoire ; nous en avons besoin non seulement pour nous renseigner sur sa dissémination, mais afin d’apprendre où l’on doit porter l’aide et l’instruction, spécialement où il faut pratiquer la désinfec¬ tion qui est si urgente et nécessaire en cas de mort ou de change¬ ment de domicile d’un tuberculeux. Heureusement il n’est pas du tout nécessaire de déclarer tous les cas de tuberculose, ni même tous les cas de phtisie ; il suffit de déclarer ceux qui en raison des conditions domestiques et individuelles sont une source de danger pour les personnes en contact avec les malades '. Cette déclaration restreinte a déjà été instituée en plusieurs pays, par exemple en Norvège par une loi spéciale, eu Saxe par une decision ministérielle, à New-York et dans plusieurs villes américaines qui ont suivi son exemple. A New-York, la déclaration était d’abord facultative ; elle est ensuite devenue obligatoire et l’expérience a prouvé qu’elle est 1. C’est exclusivement pour les cas vraiment dangereux pour l’entourage, c’est seulement pour la tuberculose ouverte que nous avons au Congrès d’hy¬ giène de Paris, l’année dernière, soutenu la nécessité de la déclaration obli¬ gatoire {Revue d'hygiène, octobre 1900). e. v. •718 REVUE DES CONGUÈS éminemment utile. 11 a été ainsi démontré que les inconvénients qu’on attribuait à la déclaration obligatoire au moment où on l’a appliquée pour la première fois n’avaient pas de raison d’être, et il est grandement à souhaiter que les exemples que je viens de citer puissent bientôt exciter une émulation générale. Désinfection. — La désinfection est une autre mesure, liée étroi¬ tement à la notification, et qui, comme nous l’avons déjà dit, doit être appliquée quand un phtisique meurt ou change de domicile, afin que ceux qui plus tai-d le remplaceront dans le logement contaminé soient protégés contre l’infection. 11 faut désinfecter non seulement le logement, mais la literie et les vêtements des phti¬ siques. Education du public. — 11 Importe d’éclairer toutes les classes de la population sur la contagiosité de la tuberculose, et de leui- indiquer les meilleui's moyens de se protéger contre ses atteintes. Le fait que la tuberculose a considérablement diminué dans presque tous les pays civilisés ne s’explique que par la connaissance de plus en plus répandue du danger de sa contagion, et parce qu’on a pris plus de précautions dans les relations avec les tuberculeux...; on ne saurait trop répandre ces notions. Les instructions doivent être plus courtes et plus précl.ses qu’elles ne le sont d’ordinaire ; mais on n’insistera jamais assez sur le danger qu’occasionne la commu¬ nauté avec les tuberculeux de la chambre à coucher et des ateliers étroits et mal ventilés. Les instructions doivent toujours indiquer ce que le phtisique doit faire quand il tousse et surtout ce qu’il doit faire de ses crachats. ÿanaloriums. — La création de sanatoriums pour tuberculeu.v est une mesure qu’on a mise depuis peu au premier plan et qui en ce moment joue un rôle prédominant dans la lutte contre la tuberculose. G’e.st un fait incontestable que la tuberculose doit être considérée comme curable dans ses premières périodes. Il était donc naturel de chercher à guérir le plus possible de malades, afin de réduire le nombre de ceux qui arrivent aux périodes où l’infection est redou¬ table, et de diminuer ainsi le nombre des cas nouveaux. La question est de savoir si le nombre des personnes guéries par ce moyen sera assez grand pour exercer une influence appréciable sur la diminu- 1)' KÜCH. — LUTTE CONTBE LA TUBERCULOSE 719 tioii de fréquence de la maladie. Je voudrais essayer de répondre à cette question, à la lumière des preuves que j’ai pu réunir. D’après le compte moral du Comité central allemand pour la création de sanatoriums destinés à la cure des tuberculeux, environ 5,o00 lits auront été mis à la disposition de ces institutions à la fin de 1901 ; si nous supposons que le séjour moyen de chaque malade au sanatorium est de trois mois, il sera possible de traiter au moins :2!),000 malades par an. La statistique des résultats obtenus ainsi dans le traitement des tuberculeux montre que sur 100 malades qui avaient des bacilles dans leurs crachats, il y en a 20 chez qui on n’a plus trouvé ces bacilles. C’est la seule garantie du succès, surtout au point de vue de la prophylaxie. Sur cette base, nous voyons que chaque année 4,000 tuberculeux sortiront guéris des sanatoriums. Mais, d’après les statistiques de l’Office sanitaire impérial alle¬ mand, il y a en Allemagne 226,000 personnes âgées de plus de quinze ans atteintes de tuberculose pour qui un traitement à l’hô¬ pital est nécessaire. Comparé avec ce grand nombre de tuberculeux, le nombre de oas’de guérison relevés dans ces établissements est si petit, qu’il ne peut exercer aucune influence sur la diminution de la tuberculose en général. Ne croyez pas que je veuille, par ces chiffres, faire obs¬ tacle au mouvement en faveur des sanatoriums. Je veux simplement m’élever contre l’importance exagérée qu’on leur attribue, comme si c’était le seul moyen de lutter contre la tuberculose et que les autres mesures fussent de valeur secondaire. C’est le contraire qui est vrai. Les statistiques de Cornet sur la décroissance de la morta¬ lité par tuberculose en Prusse, de 1889 à 1897, montrent ce qu’on peut obtenir au point de vue de la prophylaxie générale, par la notion du danger d’infection et par les précautions plus grandes dans les rapports avec les malades. Avant 1889, la proportion était en moyenne de 31.4 pour 10,000, tandis que de 1889 à 1897 la proportion est tombée à 21.8. A New-York, sous l’influence des mesures sanitaires générales prises d'une façon si exemplaire parle ü"' Hermann Biggs (hôpi¬ taux spéciaux de tuberculeux, déclaration obligatoire, désinfection, instructions populaires, etc.), la mortalité par tuberculose a diminué de plus de 33 pour 100 depuis 1886, et dans cette ville comme en Prusse les progrès indiqués par la statistique ont corn- •720 REVUE DES CONGRÈS mencé avec l’application de ces mesures ; le progrès ne s’arrêtera pas là; Biggs espère que de cette façon dans cinq ans la ville de New-York seule aura 3,000 décès tuberculeux de moins qu’autre- fois. Je saisis cette occasion de recommander instamment l’organi¬ sation du D*’ Biggs à l’étude et à l’imitation de toutes les autorités sanitaires municipales. Maintenant, je suis persuadé qu’on peut rendre les sanatoi-iuins beaucoup plus efficaces. Si l’on veille rigoureusement à ce qu’on n’y laisse entrer que les malades qui peuvent profiter de ce mode de traitement et si la durée de celui-ci est prolongée, il est certaine¬ ment possible d’obtenir SO guérisons sur JOO et peut-être davan¬ tage. Même s’il en est ainsi et en augmentant beaucoup le nombre des sanatoriums, le bénéfice total de ces derniers sera toujours modéré, et les autres mesures que j’ai indiquées ne seront jamais superflues. Comme conclusion, si nous jetons un regard en arrière sur ce qui a été fait jusqu’ici pour la lutte contre la tubei-culose, et si nous songeons à ce qui reste -à faire, nous avons le droit de déclarer avec une certaine satisfaction que la besogne commencée est pleine de promesses : je veux parler des hôpitaux de tuberculeux en Angle¬ terre, des i-èglements concernant la déclaration en Norvège et en Saxe, de l’organisation créée par Biggs à New-York, des sanato¬ riums et de l’instruction spéciale donnée aux populations. Mais il est nécessaire de développer ces premiers efforts, de prouver et d’accroître leur influence sur la diminution de la tuberculose, et d’opérer de la même façon partout où rien encore n’a été fait. Si nous sommes constamment guidés dans cette entreprise par le sentiment sincère de la science médicale préventive, si nous profitons de l’expérience acquise en luttant contre les autres mala¬ dies pestilentielles, si nous nous imposons pour but principal d’atta¬ quer le mal à sa source première, la lutte contre la tuberculose, si énergiquement commencée, ne peut manquer de nous conduire à la victoire. Lord Lister, président, après avoir rendu hommage aux admirables travaux de Koch sur la tuberculose, dit que le fait le plus important du discours qu’on vient d’entendre est celte thèse nouvelle et surprenante, que le tubercule du bœuf ne pourrait pas se développer chez l’homme. Si la justesse de celte opinion se confirmait, il faudrait supprimer comme inutiles toutes les mesures qu’on a édictées pour assurer la pureté du LORD LISTER. — LUTTE CONTRE LA TURERCULOSE 721 lait livré par le commerce. En ce qui le concerne, il admet la démons- Iraliou faite par R. Koch que le tubercule de l’homme ne se transmet pas directement aux bovidés ; mais il reconnaît avec lui qu’une enquête complète est nécessaire pour confirmer cette conclusion. Quand bien même cette démonstration serait confirmée, il ne s’en suivrait pas que la tuberculose bovine ne puisse se transmettre à l’homme. On peut invo¬ quer l’exemple de la variole. Les plus éminents pathologistes ont presque toujours échoué dans leurs tentatives pour inoculer aux veaux la variole de l’homme, et ils avaient conclu que la variole et la vaccine étaient deux maladies entièrement différentes. C’était une erreur complète, nous savons maintenant que le cow-pox n’est que la variole modifiée par le passage à travers la vache. Le D*' Monckton Copeman n’avait pas réussi à inoculer la variole humaine au veau, mais il l’a inoculée avec un succès constant de l’homme au singe, puis du singe au veau, et le cpw-pox ainsi obtenu de ce dernier a servi à vacciner parfaitement les jeunes enfants. 11 pouvait donc se faire que le passage sur certaines espèces animales intermédiaires fût nécessaire pour obtenir la transmission de la tuber¬ culose de l’homme aux bovidés ou inversement des bovidés à l’homme. Il y a là un champ d’expériences à cultiver. L’hypothèse de Koch, à savoir que le tubercule des bovidés ne se transmet pas à l’homme, repose sur la rareté de la tuberculose primitive de l’intestin chez l’homme et l’enfant, bien que ceux-ci avalent fréquem¬ ment les bacilles tuberculeux du bœuf contenus dans le lait. Même en admettant que cette rai-eté de la tuberculose intestinale primitive soit aussi réelle que semblent l’indiquer les statistiques citées par R. Koch, on ne peut méconnaître la fréquence chez l’enfant du tabes mésenté¬ rique; c’est même la forme la plus commune qu’on rencontre à l’au¬ topsie des enfants qui meurent de tuberculose. Quand ce développement des glandes du mésentère ne s’accompagne d’aucune lésion tuberculeuse de l’intestin, on peut très bien admettre que les bacilles tuberculeux contenus dans les aliments ont traversé la muqueuse intestinale sans l’altérer, et qu’ils se sont ensuite arrêtés et ont évolué dans les ganglions mésentériques. C’est ce qu’on observe dans la fièvre typhoïde, où il existe parfois de l'hypertrophie de ces glandes sans qu’on trouve les lésions caractéristiques de la muqueuse intestinale. Koch n’a pas réussi à inoculer la tuberculose aux bovidés en leur injectant le contenu des glandes d’enfants atteints de tabes mésentérique ; mais ces expériences sont peu nombreuses, et les résultats négatifs ne sont pas très concluants. Il se pourrait que le tubercule du lait ingéré se modifiât de telle sorte, par son passage chez l’homme, que les bacilles des glandes mésenté¬ riques do l’enfant, quoique dérivés de la tuberculose bovine, ne fussent plus exactement ceux du vrai tubercule du bœuf, mais se soient déjà transformés en bacilles ayant les caractères du tubercule humain, c’est- à-dire peu aptes à se développer chez les bovidés. L’assistance a été unanime à applaudir lord Lister, dont la critique si mesurée fait honneur à la courtoisie traditionnelle de l’Angleterre. M. Nocard, qui jadis a pu mesurer la noblesse de caractère de Koch, HEV. d’hyc. xxin. — 46 -22 REVUE DES CONGRÈS lors de l’épidémie de choléra d’Egfypte en 1883, s’excuse de venir coin- ^Ure l’opinion du plus grand bactériologiste du monde culier. M. Nocard a toujours protesté contre l’exagération des mesures rpie cer¬ tains réclamaient contre le danger de transmission par la viande des animaux tuberculeux; il croit au danger du lait, beaucoup moins an danger de la viande. 11 n’esl pas exact de dire qu’on n’a pas réussi à transmettre aii\ bovidés et particulièrement au veau la tuberculose humaine. Parmi les expériences faites à ce sujet par Gjiauveau.. il en cite quatre au moins où la transmission a été certaine, avec localisations considérables sur- l’in¬ testin, le péritoine, les ganglions mésentériques, rétro-pharyngiens cl œsophagiens. Or, chez le jeune veau la tuberculose est extrêmement rare, et les veaux témoins, empruntés aux mêmes lots, furent trou\és absolument indemnes de toute lésion tuberculeuse. Les insuccès nombreux tiennent à ce fait qu’un parasite quelcoiniiic ne s’adapte que progressivement à un milieu nouveau, tandis qu’il sc développe plus aisément dans son milieu d’origine. Cela est vrai pour les bouillons de culture, pour les milieux inertes ; n fortiori cela esi vrai pour les milieux vivants. Les échecs sont inévitables quand on vcui faire passer pour la première fois le rouget du porc au lapin, le trypa¬ nosome de la dourine du cheval au chien, ou même de celui-ci au rai et à la souris. M. Nocard a montré lui-mème que le bacille de la tuberculose rie l’homme ou de la vache, cultivé dans le péritoine de la poule à l'ahri de l’action phagocytaire, grâce à la protection d’un sac de collodion, acquiert peu à peu les caractères de la tuberculose aviaire et devient incapable de tuer le cobaye, ou ne le tue qu’avec des lésions analogues à celle de la tuberculose aviaire. De même il faut un certain temps cl un certain nombre de passages pour que le bacille tuberculeux de l’homme s’adapte à l’organisme des bovidés. Môme s’il était démontré, ce qui n’est pas, que les bovidés sont réfrac¬ taires à là tuberculose humaine, il n’en faudrait pas conclure que la réciproque est vraie, et que l’homme est réfractaire à la tuberculose bovine. M. Nocai’d cite les noms d’un certain nombre de vétérinairés (pii ont succombé à l’évolution progressive de tuberculose contractée par inoculation involontaire en opérant sur des bovidés tuberculeux : Moscs, de Weimar; Thomas Walley, d’Edimbourg, etc. D’autres n’ont dû leur salut, en pareilles circonstances, qu’à des interventions chirurgicales hâtives et radicales, par exemple M. Jensen, de Copenhague. Enfin il existe des faits probants de transmission de tuberculose chez riioinine par l’ingestion de lait tuberculeux ; le plus saisissant exemple est celui qui concerne une des filles de M. le professeur Gosse, de Gené\'e. La diminution de la tuberculose en .Angleterre peut servir à prouver, dans une certaine mesure, le danger du lait provenant des vaches tuber¬ culeuses. On a beaucoup assaini les ateliers, le logement du pauvre, on a diminué les chances de transmission par les voies respiratoires : on s’est moins occupé de diminuer l’infection par les voies digestives, sur- M. FAÜYEAN. — LAIT ET TUBEUCULOSE 7â3 tout chez les nourrissons ; aussi, d’après Thorne-ïliorne, si la raorla- lité tuberculeuse des adultes a diminué eu Angleterre de 45 p. 100 depuis cinquante ans, la tuberculose abdominale des enfants du premier âge a augmenté de 27 p. 100. C’est pourquoi M. Nocard ne cessera d’engager les mères, demain comme hier, ,à. faire bouillir le lait qu’elles donnent à leurs enfants. Le professeur Banc, de Copenhague, estime que si R. Koch a montré (jue l’infection de l’homme par les animaux tuberculeux était moins à craindre qu’on ne l’a cru jusqu’ici, il n’a nullement prouvé que ce danger n’existe pas. Son opinion personnelle est que ce danger est réel, et il a observé des cas d’inoculation par blessure accidentelle chez l’homme par des bovidés tuberculeux. Il est d’avis qu’il ne faut pas se felàcher d’une très grande prudence dans l’usage du lait suspect. Le professeur Si.ms Woodhead, comme membre de la Commission royale de la tuberculose a fait, en 1895, avec le 1)'' Sidney Martin, de nombreuses expériences prouvant la transmission de cette affection par le lait de vaches dont les glandes mammaires étaient tuberculeuses ; c’est en grande partie à la suite do ces expériences que la Commission royale a décidé que les autorités locales auraient le ch’oit d’envoyer à l’abattoir les vaches atteintes de la sorte. M. Sims Woodhead a été très mesuré dans sa critique des opinions de R. Koch; il reste convaincu du rôle important de la tuberculose bovine dans la transmission à l’espèce humaine ; il sollicite du ministre de l’agriculture la nomination d’une nouvelle Commission d’enquête ; jus(|iie-Ià il n’y a pas lieu de se relâcher de la sévérité des mesures prises contre ce danger. Nous allons voir reparaître dans les discussions qui se sont produites au sein des diverses sections du Congres, la plupart des questions trai¬ tées dans la conférence magistrale de R. Koch, en particulier la trans¬ mission des animaux à l’homme, la déclaration obligatoire, l’isolemenl des tuberculeux, la création et' le fonctionnement des sanatoriums. H. — Les bacilles tuberculeux clans le lait de vache comme source possible de la tuberculose de l’homme. Par le professeur JOHN MAC FADYEAN. Le discours du professeur Mac Fadycan était attendu comme une réponse à celui de R. Koch, nous allions dire comme une réfutation de celui-ci. Nous en donnons la traduction abrégée d’après le texte publié in-exlenso dans le Drilish med’Lcal Journal et la Lancel. En préparant ce discours, dit rauteiir, j’avais pensé que per¬ sonne ne contestait l’identité de la tuberculose humaine avec celle "24 UEVLE DES COXCiRÈS des bovidés et des autres animaux domestiques. Aujourd’hui, après le discours du maître qui vient de déclarer que les deux maladies sont différentes, je me vois forcé de critiquer l’opinion de cet illustre savant, bien que je sois à peine digne de dénouer les cor¬ dons de ses souliers. Lui-même a jadis établi que la tuberculose bovine était la même maladie que celle de l’homme, et les travaux accumulés depuis dix- huit ans ne paraissaient pas avoir ébranlé cette opinion. On consi¬ dérait que lorsque les circonstances -étaient favorables à la trans¬ mission du bacille d’une espèce animale à une autre, la tubercu¬ lose humaine pouvait avoir une origine animale et réciproquemenl. Les opinions variaient; quant à la fréquence de cette transmission, elles n’ont jamais varié sur la réalité de l’infection. Les trois arguments sur lesquels on se base pour nous demander de changer d’avis sont les suivants : 1“ Les bacilles trouvés dans les cas de tuberculose bovine sont beaucoup plus virulents pour les bovidés et pour les autres quadru¬ pèdes domestiques que les bacilles de la tuberculose humaine; 2“ Cette différence de virulence est si marquée et si constante qu’elle peut servir à distinguer le bacille de l’homme de celui des bovidés, même en admettant que le bacille de la tuberculose puisse dans des cas exceptionnels être reconnu comme la cause de la maladie chez l’homme ; 3° Si les bacilles du bœuf étaient capables de causer la maladie chez l’homme, les occasions de transmission des bacilles d’une espèce anjmale à l’homme sont si fréquentes, que les cas de tuber¬ culose intestinale primitive devraient être très communs. Et cepen¬ dant les autopsies faites sur l’homme montrent la grande rareté de cette lésion. Il en faut donc conclure que l’homme est réfractaire à l’infection par le bacille du bœuf, ou bien qu’il est si faiblement susceptible à ce bacille, qu’il est inutile de prendre des mesures pour s’opposer aux chances d’infection par cette voie. Je me permets de faire remarquer qu’une au moins des pré¬ misses n’est pas bien établie, que les autres ont peu ou pas du tout de valeur^ans la question, et qu'il reste des motifs raisonnables pour regarder le lait des vaches tuberculeuses comme particulièrement dangereux pour l’homme. On ne peut nier que ce que l’on appelle les bacilles de la tuber¬ culose bovine sont en règle générale plus virulents pour le bétail cl M. FADYEAN. — LAIT ET TIJBERCULOSE -«o les autres aiiiinaiix domestiques que pour l’homme, et les expé¬ riences montrent que le danger n’est pas très grand de ce coté pour nous. Mais la faible virulence du bacille humain pour le bétail ne prouve pas et ne rend même pas probable que le bacille du bœuf n’ait qu’un faible pouvoir pathogène pour l’homme. Le fait aurait pu être considéré au moins comme probable, si l’on avait pu mon¬ trer que le bacille du bœuf n’est très virulent que pour le bétail ; mais il est bien établi au contraire que ces bacilles sont hautement dangereux pour un grand nombre d’espèces animales, telles que le lapin, le cheval, le chien, le porc, le mouton, en un mot pour presque tous les quadrupèdes sur lesquels ou a expérimenté. Com¬ ment existerait-il une exception pour l’homme ? Ce serait une déro¬ gation à ce qu’on observe pour la plupart des maladies bactériennes, qui toutes se transmettent à l’homme quand elles sont transmis¬ sibles à la plupart des animaux domestiques. D’ailleurs les bacilles d’une même maladie ont souvent une virulence très variable chez les animaux d’une même espèce. Le troisième argument de 31. Koch, est que les cas seulement de tuberculose intestine primitive pourraient avoir pour origine l’inges¬ tion de viande ou de lait provenant d’animaux tuberculeux ; or de tels cas sont d’après lui extrêmement rares. Le professeur Koch s’appuie sur les statistiques et les autopsies des hôpitaux allemands consacrés à l’enfance. Mais les statistiques ne sont nullement una¬ nimes sur ce point et je lui opposerai celtes que le D” Still a dépouillées à l’hôpital anglais des Enfants malades de Créât Urmond Street, et ceux du T. Shennan pour l’hôpital des Enfants malades d’Edimbourg. Le D” Still a trouvé que 29 pourlOO des cas de tuberculose primitive chez les enfants siégeaient dans l’in¬ testin. Ce n’est pas une proportion insignifiante; le D' Shennan est arrivé à une conclusion presque identique, car il estime que 28.1 p. 100 des cas de tuberculose parmi les enfants à Edimbourg étaient dus à l’infection alimentaire. La chance d’erreur dans ces statistiques est faible, car le nombre des cas dont il s’agit s’élève dans les deux séries à 547, et dans les deux groupes les lésions constatées à l’autopsie étaient interprétées de telle sorte qu’on ne peut faire aucune exception. Des chiffres qui précèdent on peut tirer cette conclusion, qu’au moins chez les enfants, l’infection pri¬ mitive par la voie du canal alimentaire est relativement fréquente. -2C REVUE DES CONGRÈS Voyons s’il y a d’autres faits pi-ouvant le danger de la présence de bacilles tuberculeux dans le lait. Dans le nombre considérable de cas imputés à l’ingestion du lait tuberculeux, il faut reconnaître qu’il n’y en a qu’un petit nombre qui soient absolument convaincants, et il est difficile qu’il en soit autrement, car la tuberculose se développe lentement, longtemps après qu’on a ingéré le lait suspect ou contenant le bacille. Com¬ ment retrouver alors le corps du délit? On ne peut remonter à la source de la maladie que dans le cas où après l’appartition des symp¬ tômes de la tuberculose, on pourrait retrouver et examiner la vache qui a fourni le lait incriminé. Dans la pratique, c’est tout à fait l’exception. Nous avons vu que, dans ce pays au moins, les cas où la tuber¬ culose débute par l’intestin chez les enfants ont une fréquence con¬ sidérable. Quelle est la proportion dés cas de ce genre imputables ii l’usage de lait infecté par le bacille tuberculeux ? Certains auteurs très distingués n’ont pas hésité à dire que pratiquement tous les cas de tuberculose primitive de l’intestin chez les enfants doivent être attribués à cette cause. Le regretté sir l’horne-Thorue, dans ses Harben Lectures sur le contrôle administratif de la tuberculose, en 1898, exprimait sa conviction que le lait tuberculeux était la principale »au.se du tabes mésentérique chez les enfants. Voici sur quels faits s’appuyait cette formidable accusation. Les statistiques du Registrar-General ont montré que depuis cinquante ans la pTitisie a causé beaucoup moins de décès; or, la phtisie est la forme que prend d’ordinaire la tuberculose imputable à l’inbalation du bacille. D’un autre côté, pendant la même période il n’y a eu qu’une très légère diminution de la mortalité de tout âge par le fait des formes de tuberculose imputables à l’infection alimentaire, cl même il y a eu une notable augmentation de la mortalité chez les enfants de moins d’un an, par le fait de ces formes de la maladie. La diminution de la mortalité par phtisie, s’explique par les grandes améliorations qui ont été réalisées pendant ces cinquante années dans l’hygiène de l’habitation, le perfectionnement 'de l’éclairage, du drainage, de la ventilation. Mais ces améliorations de l’hygiène générale n’ont point diminué l’infection parle lait; celle-ci a même augmenté chez les enfants, parce que pendant ces cinquante ans le lait de vache est entré plus largement daiis l'ali¬ mentation des très jeunes enfants. M. FAÜYEAN. — LAIT HT ÏÜBERCILOSE 11 y a plusieurs points faibles dans celle arguinenlalion. Le plus faible de tous est peut-être cette pétition de principe que les décès certiliés sous la rubrique de « tabes mésentérique » coi-respondent exactement avec ceux que les pathologistes classeraient comme cas d’infection alimentaire primitive. Il est à peine possible de douter que le terme de tabes mésentérique, dans le l'apport du Registrar-General, couvre une collection hétérogène de cas dont la majorité ne sont peut-être pas du tout des cas de tuberculose. Il suit de là et d’autres arguments encore, que les rapports du Re¬ gistrar-General n’apportent pas de renseignements bien démons¬ tratifs en ce qui concerne le nombre de cas de tuberculose intesti¬ nales primitive, et sont absolument sans valeur pour indiquer l’ex¬ tension de rinfeclion tuberculeuse par le lait chez l’homme. On peut chercher de.s jireuves dans une autre direction, à savoir si le lait contient plus souvent qu’autrefois des bacilles tuberculeux. Nous savons que 30 p. 100 des vaches laitières de ce pays sont tuberculeuses à un degré quelconque. C’est grave et inquiétant, mais pas autant qu’on le croirait au premier abord. Heureusement, toute vache tuberculeuse ne donne pas du lait contenant des bacilles tuberculeux ; le lait n’en contient que lorsque les glandes mammaires sont le siège de lésions tuberculeuses. S’il n’y a pas unanimité absolue sur ce point, les exceptions et les dissidences .sont peu nombreuses. Dans quelques cas le lait contenait des bacilles tuberculeux, bien qu’on n’ait pas trouvé de lésion tubercu¬ leuse des glandes mammaires; il est vrai de dire que cet examen anatomo-pathologique n’a pas toujours été fait sous le microscope. Il faut' 7‘echercher quelle est la fi-équence de la tuberculose des mamelles. Quelques-uns ont dit une fois sur dix, mais la propor¬ tion est bien moins forte dans la Grande-Bretagne. D’après mon expé¬ rience personnelle, je ne crois pas qu’il y ait dans cette contrée plus de 2 vaches laitières sur lüO qui aient des tubercules des mamelles. Maintenant une glande tuberculeuse vei’se parfois dans le lait une quantité innombrable de bacilles, et l’on comprend quel danger fait courir un tel lait. Ce danger est accru par deux considérations. Kn premier lieu, la mamelle tuberculeuse reste longtemps indoloi'e ; pendant long¬ temps les bacilles sont versés dans le lait sécrété, avant qu’on ait reconnu l’existence de la maladie, et ce lait est vendu et consommé sans qu’on .soupçonne le danger. Il n’est pas douteux que si le lait 728 REVUE DES CONGRÈS de cette vache était directement consommé sans être mélangé à d’autre lait, quelques-unes des personnes qui en feraient usage seraient infectées. Mais le plus souvent ce lait est mélangé avec celui des vaches saines, et les germes sont ainsi distribués à un plus grand nombre de consommateurs ; toutefois le danger diminue avec le degré de la dilution. Puisque il y a environ 1 vache sur SO qui est atteinte de maramite tuberculeuse, et que le nombre moyen des vaches dans chaque vacherie est inférieur à 50, il en résulte que la majorité des laiteries et des fermes four¬ nissent du lait ne contenant pas de bacilles tuberculeux, ou au moins ne contenant pas de bacilles ayant cette origine. D’un autre côté, quand cette matière infectante arrive dans le lait, elle pullule dans le lait des vaches saines qu’on a mêlé au lait de la vache affectée. La tuberculose de la mamelle n’est pas la seule source du bacille dans le lait ; il en est introduit un grand nombre par la malpro¬ preté et la poussière des mains du vacher et des trayons eux- mêmes, par l’air des étables, etc. Quand dans une écurie 30 vaches sur 100 sont tuberculeuses, les bacilles ne manquent pas dans l’atmosphère et sur les parois d’un bâtiment sale et mal tenu, et il est presque impossible qu’un, certain nombre de ces germes ne tombent pas dans le lait recueilli. L’étendue du danger par le lait ainsi contaminé peut se résumer ainsi. On ne peut la déterminer en établissant combien de per¬ sonnes sont ainsi infectées chaque année, non plus qu’en cherchant la proportion des personnes infectées de la sorte, par rapport au nombre total de celles qui contractent la tuberculose dans le cours de l’année. En même temps, il est impossible de douter que le danger est très réel, puisque actuellement le lait est le véhicule par lequel les bacilles tuberculeux sont souvent introduits dans le corps humain. Quant aux moyens d’éloigner ce danger, la méthode idéale serait de supprimer la tuberculose bovine ou d’empêcher la vente du lait de toute vache tuberculeuse. C’est malheureusement impossible dès à présent. Si la maladie a fait des progrès si alarmants dans le bétail, c’est que jusqu'à ces derniers temps on avait des idées très fausses sur ses causes, et qu’on avait négligé toutes les précautions pour la prévenir. L’immense majorité des éleveurs ne sont pas encore convaincus que la contagion est la seule cause de la tuber- M. FADYEAN. — LAIT ET TUBERCULOSE 729 culose, et très peu ont fait quelques efforts pour l’empêcher de se propager. Presque partout on laisse des bêtes évidemment phtisi¬ ques vivre au milieu des autres ; c’est le manque de conviction qui explique une conduite aussi dangereuse et aussi absurde. Il faut donc d’abord éclairer la population, surtout dans un pays où le Parlement n’intervient jamais que lorsqu’il est poussé par l’opinion publique. L’Association nationale pour la prévention de la consomption et la Société royale d’agriculture se sont efforcées de propager des notions utiles parmi les fermiers et les éleveurs, mais beaucoup reste à faire dans cette direction. On ne peut d’ail¬ leurs rester dans le statu quo et attendre pour agir que l’instruc¬ tion des fermiers soit achevée sur la nature de la tuberculose; Beaucoup ont songé à éloigner des troupeaux les bêtes reconnues malades par l’épreuve de la tuberculine; tout en reconnaissant l’impossibilité d’imposer l’isolement des bêtes déjà infectées, il serait encore possible de n’accepter comme laitières que des vaches n’ayant pas réagi. Je doute qu’une personne bien au cou¬ rant des difficultés pratiques puisse croire cette mesure applicable. Le fait que, actuellement, le tiers des vaches laitières sont tubercu¬ leuses est un obstacle insurmontable. La dépense serait énorme, et l’élimination de toute vache ayant réagi désorganiserait l’élevage et l’industrie laitière. De plus on ne peut s’en fier aveuglément à l’épreuve de la tuberculination et déclarer que le lait de toute vache qui n’a pas réagi ne contient aucun bacille tuberculeux serait imprudent. Si précieuse que soit la tuberculination, elle n’est pas infaillible. Il est donc indispensable, si l’on veut empêcher la vente de lait tuberculeux, d’établir un système d’inspection périodique et compé¬ tente, afin d’exclure des vacheries les vaches ayant des lésions tuberculeuses des glandes mammaires. Le problème serait simple si chaque ville produisait elle-même le lait qu’elle consomme. A l’exception de Glasgow, Manchester et quelques autres localités, une autorité locale n’a pas le pouvoir d’inspecter les vaches en dehors de son propre district ; c’est la situation de Londres et de quelques grandes villes. L’inspection obligatoire de toutes les vaches de la contrée serait une entreprise considéi-able ; il serait peut-être prématuré de la demander de suite. En attendant, il faut rendre généraux les pouvoirs spéciaux relatifs à l’inspection des vaches dans les districts extérieurs que quelques villes ont heu- 730 UEVUE DES CONGRES reusemeiit acquis par les actes spéciaux du Parlement. C’est là uu des points que les membres de la Commission royale de la tuber¬ culose ont considérés comme nécessaires. U y a d’autres mesures, moins importantes que les précédentes, qu’il ne serait pas difficile d’instituer ; 1° la déclaration obligatoii’c des affections des mamelles et de tout symptôme de tuberculose chez les vaclies laitières, aYec amende très forte en cas d’infrac¬ tion; 2" l’interdiction de la vente du lait de toute vache atteinte d’une affection tuberculeuse des mamelles ou présentant des signes de phtisie. L’état actuel de la législation ou plutôt l’absence presque com¬ plète de toute législation concernant l’infection par le lait est un scan¬ dale et un affront à la civilisation. 11 est à peine croyable, mais c’est un fait, que le propriétaire d’une vache arrivée au degré le plus avancé de la tuberculose et présentant les signes évidents de cette maladie, peut vendre le lait de cette vache à des êtres humains aussi long¬ temps que celte vente n’aura pas spécialement été interdite sur le certificat d’un vétérinaire, et qu’aucune peine n’atteint le crime de mettre en vente de parti pris ou par négligence un aliment conte¬ nant les germes d'une dangereuse maladie. Les mesures empêchant de garder une vache ainsi malade seraieiil dans l’intérêt des éleveurs et seraient utiles même s’il était proiné que la tuberculose bovine n’est pas transmissible à l’homme; les autres animaux de l’étable seraient protégés et le propriétaire aurail avantage à envoyer celte vache à l’abattoir. Ce serait, commettre une grave omission que de ne pas rai)pel(M- ici que la température de 100“ détruit les germes dangereux con¬ tenus dans le lait ; malheureusement le chauffage modifie un pen le goût de ce liquide; mais l’inconvénient est très faible pour les jeunes enfants. La sécurité que donne le lait bouilli ne justifie pas l’absence de mesures préservatrices de la part de rautorité. On pourrait aussi rendre inoffensive la bière contenant de l’arsenic, en prenant un contre-poison avant de la boire ! Comme conclusion, je voudrais exprimer le ferme espoir que le Congrès n’approuvera pas l’opinion proposée, à savoir (pi’il est inutile de prendre des mesures pour empêcher la transmission à l’homme de la tuberculose des animaux inférieurs... Sans douli- l’inhalation des poussières de crachats tuberculeux est la grande cause de la tuberculose humaine et toute mesure capable d’empe- M. NOCAUD. — LAIT Kï ÏUBKKCLT.OSK -.31 cher ce mode de transmission doit êlre mise en œuvre; mais en même temps nous ne devons pas permettre aux laitiers de nous vendre des bacilles tuberculeux, même si nous étions assurés que, pas plus que les cochons mis en expérience par le professeur Koch, nous n’avons pas à craindre autre chose que « le développement de petits nodules disséminés dans les glandes lymphatiques du cou » ou de « quelques tubercules pris dans nos poumons » ! Lono Spbxcku, qui présidait cette séance, a déclaré que comme homme de loi il n’avait pas ii émettre une opinion en matière scienti¬ fique, mais que le public doit êlre protégé contre la vente du lait pro¬ venant d’animaux malades. Les agriculteurs courent de grands riscpics à ce point de vue, et le monde agricole approuverait les mesures récla¬ mées pour prévenir l’infection tuberculeuse. Le D’’ Brown, délégué de l’Etat de Wisconsin, qui avait fait connaître à son gouvernement les propositions de R. Koch, a reçu un télégramme par lequel on annonce ([ue les expériences de contrôle commenceront dès demain dans cet Etal. M. Nocard et le professeur Hamilton (d’Aberdeen) ont insisté sur les dangers que la tuberculose bovine fait courir à l’espèce humaine et notre savant collègue a renforcé les arguments si lumineux (pdil avait déjà exposés à la suite du discours de R. Koch. Le D'' Ravenel, de Philadelphie, a cité plusieui-s cas où la tubercu¬ lose bovine avait rendu des hommes tuberculeux à la suite d’une infec¬ tion accidentelle. Le professeur Crookshank, de Londres, craint (jue les assertions de R. Koch ne paralysent les mesures prises jusqu’ici pour protéger la santé publique. La discussion est assurément le meilleur moyen d’éclairer les questions, mais l’orateur croit (pie R. Koch a généralisé trop vile les faits qu’il a observés. Il proteste contre celte opinion qu’il ne faut rien faire pour protéger l’homme contre la tuberculose bovine. IH. — La lutle internai ionak’ contre la tuberculose*, Par le professeur BROUARDEL. Les principes sur Icsipiels on s’est basé pour lutter contre la tuberculose sont identiques dans tous les pays. La tuberculose est évitable, elle est curable... Les moyens employés pour faire appli- 1. Ce Mémoire, qui a rempli tonte la secomle st'ance !;rnéralc . est ici reproduit en aliréiré. N. I). !.. II. 132 REVUE DES CONGRÈS cation de ces deux formules sont les mêmes dans tous les pays, mais les uns ou les autres ont pris le premier rang, suivant l’im¬ pulsion donnée par les savants des diverses nations, suivant les mœurs et les lois en vigueur... La première règle est de faire l’opinion du peuple; elle est indis¬ pensable pour réussir. Gomment faire cette éducation antitubercu¬ leuse ? Les Sociétés populaires antituberculeuses. — En Angleterre , en mai 1899, on a fondé une Association nationale pour éviter la phtisie et les autres formes de la tuberculose, par l’instruction popu¬ laire. Elle a rédigé des plaquettes courtes, pratiques, qui peuvent servir de modèle : « The crusade against consumption » (48 pages, prix 6 pence); v Milk and tuberculosis; Fresh air and ventilation »; « How to prevent consumption » , etc. On les répand à profusion. L’Allemagne, après avoir constitué les Sociétés formées pour la construction des sanatoriums, a fondé les Sociétés pour la « propa¬ gation de l’idée » , pour la vulgarisation des notions de salubrité. Ce sont de petites Sociétés disséminées dans les diverses localités, se groupant en Sociétés provinciales. Elles aussi publient des bro¬ chures de vulgarisation. En Belgique, une Ligue nationale contre la tuberculose à son siège à Bruxelles. Chaque province a une section indépendante. En Norwège, le Shorthing a voté 40,000 couronnes pour l’im¬ pression et la distribution d’un écrit populaire du D'' Klaus Hans- sen sur la tuberculose, et 2,000 couronnes pour créer une bourse de voyage accordée aux médecins qui désirent se perfectionner dans l’étude du fonctionnement des sanatoriums. En LVance , la Société de préservation contre la tuberculose par l’éducation populaire a groupé, sous la direction du D' Peyrot, ceux dont la parole a autorité sur la jeunesse française ; je cite les noms de MM. Lavisse, Matignon, Victorien Sardou, Landouzy, etc. Beaucoup d’entre nous sommes allés dans les différents départe¬ ments, où de toutes part surgissent des œuvres anti-tuberculeuses, exposer les règles de la prophylaxie. J’ai profité de ce que j’ai l’hon¬ neur d’être président de l’Association polytechnique, pour instituer une instruction populaire à Paris. Cette année, quatre-vingt-huit conférences sur la tuberculose ont été faites aux douze mille élèves de cette association. Sans doute, il ne faut pas créer la « tuberculophobie », faire du D' BROÜARDEL. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 733 malade un « paria ». Bien avant nous, un tuberculeux a vécu de longs mois sans contaminer sa femme ou ses enfants.- Le danger, c’est le crachat que porte en lui des milliards de germes contagieux . Cracher sur le sol, autour de soi est une coutume dégoûtante et dangereuse, le jour où elle aura disparu, la tuberculose décroîtra rapidement. Quel sera , en effet , le rôle de ce crachat dans la pro¬ pagation ultérieure de la maladie ? Il sera bien différent suivant les cas. Recueilli, capté dans un crachoir personnel ou commun, mais aseptique, détruit par incinération ou partout autre procédé, il ne menace personne. Projeté dans un milieu sec et bien éclairé, sou¬ mis aux rayons du soleil , il perdra bientôt ses propriétés dange¬ reuses. Mais s’il séjourne dans un milieu humide, mal éclairé, il conservera longtemps toute son activité. Les logements insalubres. — Aussi , c’est dans les habitations sombres, peu aérées , mal éclairées , que les germes de la tubercu¬ lose font leurs plus nombreuses victimes. En Angleterre , en 1836, la législation intervient pour favoriser les associations qui construisent des maisons pour ouvriers. Les 8 building Societies » sont des casses d’épargne qui procurent des maisons à leurs membres , et actuellement elles comptent plus d’un million d’adhérents dans le Royaume-Uni. Les « labouring classes lodging houses Acts » (1831-1866-1867) forment un ensemble de lois qui stimulent les paroisses et les mu¬ nicipalités des villes de plus de 10,000 habitants à construire des maisons salubres. Les « Acts for the removal [of nuisances » (1832-1869-1874) accordent aux autorités locales le droit d’inspection des maisons ouvrières, et fixent les amendes pour contraventions aux lois et règlements. Les « Artisan’s dwellings Acts » (1868 à 1882) appelés égale¬ ment « Torren’s Acts », ont pour but primordial la réparation et la démolition des maisons insalubres ; ils permettent aussi de sup¬ primer les bâtiments « obstructeurs » , c’est-à-dire ceux qui enlè¬ vent l’air à d’autres maisons et empêchent la ventilation. Les « Artisan’s and labourer’s dwellings improvement Acts » (1873-1882) obligent les municipalités à démolir les logements insa¬ lubres et à fournir un logement aux personnes qui, par suite de cette mesure, se trouveraient sans abri. Cette action du gouvernement a suscité l’intervention de bienfai- 13i REVUE DES CONGRÈS leurs, tels que Peabody, miss Octavia Hill, etc. , « l’ai'tizan’s labou- i-er’s aud general dwelliiigs Company », fondée par des ouvriers, en 1867, et qui possède maintenant plus de 6,000 maisons, etc. En Allemagne, l’initiative privée a donné sur ce point de moins bons résultats. Cependant, quelques Sociétés de construction sc sont fondées , notamment la « Berliner Baugenossenschaft » . La Belgique est une des nations qui s’est mise à l’œuvre avec le plus de zèle pour assurer aux ouvriers des habitations salubres. La loi de 1889 a créé dans chaque arrondissement administi-atif des Comités pour favoriser la construction et la location d’habitations ouvrières salubres. Le Danemark est le pays dans lequel les Sociétés de construction ont pris le plus grand développement. En 1600, Christian IV avait donné l’exemple en faisant construire des maisons avec jardins pour les employés de sa maison. Une association, fondée par le ü'' Ulrich, possède actuellement vingt mille membres, neuf cents immeubles ayant une valeur de 10 millions de francs. Ces maisons forment le quartier le plus salubre de Copenhague. Je n’ai pas à rappeler ici les efforts faits en France pour arriver au même résultat : la loi de 1850 sur les logements insalubres, les travaux de Du Mesnil sur le logement du pauvre à Paris , la loi du 30 novembre 1894 qui détermine les attributions de l’État et de l’initiative privée dans la construction des maisons ouvrières. L’un des délégués français, M. le prince d’Aremberg, donnera avec plus de compétence que moi toutes les indications précises sur ce sujet. Tous les auteurs s’accordent pour constater que dans ces maisons salubres, la mortalité est inférieure à celle de la ville dans laquelle elles sont construites. La maison salubre est donc anti-tuberculeuse. Mais que l’on ne s’y trompe pas , une ville n’est pas insalubre toute entière, elle ne forme pas un bloc irréductible. J’ai démontré ailleurs que dans une môme ville, des quartiers contigus ont une mortalité tuberculeuse qui varie du simple au double, et que la mortalité tuberculeuse des quartiers de Paris varie de 10 à 100 p. 10,000 habitants. Enfin , dans chaque quartier il y a des mai¬ sons tuberculisantes , ce sont elles qu’il faut rechercher, qu’il faut faire disparaître. Surtout il ne faut pas en construire de nouvelles aussi insalu¬ bres que celles qui constituent un danger pour une cité , pour tout un pays. Dans la plupart des villes de tous les pays, les projets de ItROUAUDEL. — LUTTE UONTUE I,A TUItERCULOSE 733 coiistiTictioii des maisons neuves doivent être soumis à l’approba¬ tion de l’autorité sanitaire locale. Les méfaits du logement insalubre ne se bornent pas au danger de contagion : absence d’air, de lumière, agit sur la nutrilion de ceux qui habitent ces logements, les enfants s’étiolent, dépérissent, les hommes les plus robustes ne résistent ])as^ ces logements font de tous les êtres humains qui les habitent, la proie désignée à toutes les maladies infectieuses et si nous ne considérons que la phtisie, ils en fout des prédisposés à la tuberculose, transforment riiommc le plus vigoureux et le mettent dans le même étal que ceux qui sont nés de parents tuberculeux. Pour ces derniers, l’hé¬ rédité n’est pas directe, on ne naît pas tuberculeux mais tuberculi- •sable. En outre, dans ces demeures obscures, encombrées, la propreté est difficile sinon impossible à sauvegarder, leur séjour est désa¬ gréable, l’ouvrier n’y passe que le moins de temps possible, il y prend ses repas, il y dort, mais il donne le reste de son temps dis¬ ponible au cabaret. L’alcoolisme. — I/alcoolisme est, en effet, le plus puissant fac¬ teur de la propagation de la tuberculose. L’homme le plus vigou¬ reux devenu alcoolique est sans résistance devant elle. Baudran (de Beauvais) a montré que les cartes de mortalité par tubei’culose et celles de la consommation de l’alcool en France sont presque super¬ posables. Toutes les mesures d’ordre gouvernemental ou d’ordre privé qui pourront être prises pour limiter les ravages de l’alcoolisme seront nos plus précieux auxiliaires dans la lutte contre la tuberculose. -Malheureusement, dans les différents pays les hommes chargés de gérer les finances de l’Etat calculent volontiers la somme que l’Etat encaisse par l’impôt de l’alcool, il faudiait en déduire ce que coûte à la commune la famille de l’alcoolique ruinée, ses enfants dégé¬ nérés, infirmes, scrofuleux, épileptiques, voués à l’asile. Dans le monde, l’avenir appartient aux peuples sobres. Sanatoriums marins. — Les conditions de la vie moderne for¬ cent l’homme à vivre dans les milieux surpeuplés et même insalu- lubres. Enfant, il est pris par l’école; adulte, par la caserne; ouvrier, par l’atelier; étudiant, par les cours, les bibliothèques, les laboratoires ; employé, fonctionnaire, par les bureaux et les locaux 736 UEVUE DES CONGRÈS administratifs. S’il se déplace, il utilise les voitures, les compar¬ timents des chemins de fer trop souvent souillés; à l’hôtel où il descend , des malades l’ont souvent précédé et à leur départ aucun moyen de préservation n’a été pris pour mettre le nouvel arrivant à l’abri d’une contagion possible; indigent et malade, il entre à l’hôpital, où l’environnent toutes les menaces de contamination. Ce péril de la vie en commun , inhérent aux progrès même de la civilisation, va sans cesse croissant; il en est la rançon et explique l’augmentation de plus en plus menaçante de la tuberculose. Placés en face de ceux qui sont prédisposés par leurs origines familiales, par l’insalubrité de leurs logements , on a dans certains pays admis que le devoir était de rechercher les moyens de relever ces orga¬ nismes chancelants et de les mettre en état de résistance vis-à-vis des dangers qui les menacent. On a pensé avec raison que c’était sur l’enfant et l’adolescent que l’action serait plus efficace. Grâce au concours de quelques villes et de l’initiative privée, en Italie, en France et dans d’autres pays on a créé des sanatoriums marins pour enfants scrofuleux et chétifs. La France en possède 14 et y reçoit plus de 2,000 enfants par an, grâce à M. Bergeron. De plus, le nombre des colonies de vacances, des œuvres pour les séjours temporaires au bord de la mer ou dans les montagnes, ne cesse de s’accroître. A Sedan, M”® Hervieu a créé l’œuvre des jardins ouvriers, imitée à Saint-Etienne par le P. Volpuette. 11 opéra aussi à Bercy ; il s’en crée en ce moment à Fontainebleau, à Villeurbanne, près de Lyon. La viande et le lait. — Pour la viande, dans les grandes villes, la sécurité est établie par la surveillance installée dans les abat¬ toirs. En Belgique, une loi a organisé l’inspection môme dans les campagnes. Mais sauf dans ce royaume partout ailleui-s, je crois, les tueries particulières échappent à toute surveillance, bien que ce soit là qu’on abatte surtout les vaches phtisiques, les porcs ladres, etc. ; ces viandes nuisibles entrent ensuite dans la consommation soit comme viandes fraîches, soit sous forme de pâtés ou de saucissons dont n’ont pas été mêlés les viscères tuber¬ culeux. De même, les viandes colportées en morceaux échappent à tout contrôle. Sans exagérer le danger de la propagation de la tuberculose par la viande, on doit reconnaître qu’il existe ; il est D'^ BROUARDEL. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 737 facile par une loi, comme l’a faite la Belgique, de mettre les popu¬ lations à l’abri de ce mode de contamination. L’usage alimentaiie du lait des vaches atteintes de maminite tuberculeuse est bien établi. La surveillance des vacheries, telle que le Danemark, la Suède, la Norvège l’ont installée au grand bénéfice de la santé publique, s'impose partout. En attendant, il importe de faire connaître à la population que le moyen le plus simple d’éviter le danger créé par le lait consiste à le faire bouillir, en dépit du préjugé trop répandu qui veut, à tort, que le lait bouilli soit moins nutritif et indigeste. Curabilité de la phtisie. — Tous les anatomistes ont confirmé l’exactitude de la notion de la guérison possible de la tuberculose que proclamait déjà Hippocrate. On admet aujourd’hui que dans plus de la moitié des autopsies on trouve des lésions tuberculeuses anciennes guéries, soit par transformation critasée, soit par cica¬ trisation fibreuse. Malgré des habitudes hygiéniques souvent déplo¬ rables, la résistance personnelle a suffi. C’est aussi l’avis de tous les médecins qui se sont occupés de phtisiologie ; ils estiment, comme Grancher l’a dit, que la tuberculose est la plus curable des maladies chroniques. Il faut donc organiser les soins qu’on donne au tuberculeux de façon à tout faire pour le guérir. Or, s’il est vrai qu’à toutes les périodes le tuberculeux peut guérir, il est certain que cette possibilité se réalise surtout quand on fait suivre au malade les médications nécessaires dans la période de prétuberculose, alors que les lésions sont minimes et que l’individu peut trouver dans son organisme les ressources nécessaires à la lutte. Contrairement à ce qu’il faisait volontiers autrefois, le médecin doit donc prévenir le malade et sa famille qu’il a une affection grave, mais curable. S’il ne l’avertit pas à temps, c'est-à-dire dès le début, il s’expose à ce que le malade ou sa famille lui fasse plus tard le reproche d’avoir trahi sa con¬ fiance. Mais cette transformation dans les habitudes médicales ne sera possible que si le médecin peut indiquer au malade, en môme temps que la nature de son mal, les moyens que la science a mis à sa disposition pour le combattre. Utilité des dispensaires antituberculeux. — Les moyens à pré¬ coniser varient suivant l’époque à laquelle est parvenue la maladie ; iiEv. D’nvc. xxm. — 47 738 BEVUE DES CONGRÈS ils varient aussi si le malade est célibataire, marié, père de famille. On peut schématiquement distinguer trois périodes. Dans la première, l’ouvrier, il a un rhume qu’il néglige ou soigne impar¬ faitement lui-même ; puis la fièvre et le dépérissement surviennent et tout travail devient impossible. Il est alors sou vent trop tard pour pouvoir intervenir efficacement. En Allemagne, dans les grandes villes, on a organisé des poli¬ cliniques pour tuberculeux, dans lesquelles un personnel médical choisi, muni de l’outillage nécessaire, donne ses soins aux tuber¬ culeux qui viennent le consulter, pendant tout le temps de la maladie, ou seulement pendant la période qui précède le moment où le malade veut entrer au sanatorium et où celui-ci peut lui ouvrir ses portes. Un Comité de patronage, composé de personnes bienfaisantes, parmi lesquelles les dames sont en grand nombre, s’occupe du malade à domicile, donne des conseils à la'femme, veille à la propreté du logis, indique les mesures de prophylaxie nécessaires. Dans la mesure du possible, la misère inséparable du chômage est écartée par l’appareil qu’apporte une caisse de secours de famille, alimentée comme celle des sanatoriums. M. Calmette, à Lille, a pensé qu’au lieu d’attendre que l’ouviuer vienne demander l’avis des médecins, il fallait aller au-devant de lui, l’inviter à un dispensaire analogue aux policliniques allemandes (Voir Revue d’hygiène, 1901, page 577). A Paris, M. le D"" Bonnet a fondé un dispensaire analogue dans un des quartiers de Montmartre ; d’autres sont en voie de forma¬ tions. L’expérience a- montré que les ouvriers ne craignent pas de venir à ces dispensaires ; mais, pour dépister ces malades, il faut avoir des agents-ouvriers. G’ést aussi parmi ces clients que l’on reconnaît ceux qui ne peuvent guérir que s’ils sont envoyés au sanatorium. Si l’ouvrier ou l’employé est célibataire et si on peut lui donnera cette période l’entréè du sanatorium, les chances de guérison sont très nombreuses ; pour que l’ouvrier père de famille puisse bénéfi¬ cier du même espoir, il faut que pendant la durée de sa cure sa famille soit à l’abri du besoin, que toute inquiétude sur le sort des siens soit absolumeut écartée de son esprit. La caisse des secours pour la famille est l’organe le plus es.sentiel d’un sanatorium. Le D'^ BROUARDEL. — LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 73U sanatoi’ium est indispensable dans bien des cas pour compléter l’œuvre du dispensaire. Les sanatoriums. — Rappelons-nous qu’ils doivent être fermés, aseptiques, disciplinés et que la formule de Dettweiller est restée intacte : repos physique et moral, suralimentation, aération con¬ tinue. L’Allemagne possède 83 sanatoriums populaires ouverts ou prêts à fonctionner. Elle y reçoit par an 12,000 tuberculeux. Us ont été construits par les assurances régionales, parles caisses des mala¬ dies, par les industriels qui se sont unis pour fonder des sanato¬ riums pour leurs ouvriers, par les communes qui se sont concer¬ tées dans ce but, c’est ce dernier système qui est le plus en pro¬ grès. Dans certains districts on a établi une taxe personnelle d’un pfennig, L’Etat a fondé quelques sanatoriums pour ses employés : l’administration forestière, le ministère des chemins de fer, l’État de Hambourg. La commission du budget du Reichstag a résolu de créer des sanatoriums d’Etat dépendant du ministère de l’Intérieur. [,a durée du traitement est en moyenne de quatre-vingt-dix jours, l’expérience a montré qu’il était utile aux malades de faii-e, pen¬ dant l’année qui suit la cure, un nouveau séjour de quatre semaines au sanatorium. Dans ces conditions, quelle est la durée des succès obtenus ? Parmi ceux (72 p. 100) qui quittent le sanatorium dans un état jugé favorable, on a constaté que les malades qui travaillaient encore en 1900 étaient pour ceux qui étaient sortis du sanatorium. En 1896 . -46 p. 100 1897 . 47 — 1898 . 38 — 1899 . ; . 60 — La dépense moyenne d’entretien pour un tuberculeux pendant les trois mois de séjour s’élève à huit francs par jour y compris le. secours de famille qui représente le tiers de cette somme. Dans un compte rendu très intéressant, M. le D' Pannwitz relève les desiderata signalés par divers médecins. Ceux-ci regrettent qu’on n’ait presque rien fait pour les femmes et pour la classe moyenne. Les D'"' Schrœder et Naumann Reiners font remarquer à juste titre que dans la classe moyenne les symptômes initiaux .sont plus tôt eonstatés, qu’elle est plus prévoyante et qu’à la sortie ses 740 REVUE DES CONGRÈS membres peuvent en général ne pas se livrer au surmenage de tra¬ vail qui dans la classe ouvrière compromet souvent le succès. L’expérience a montré que, comme l’avait dit Sersiron, tant vaut le médecin, tant vaut le sanatorium ; aussi pour recruter le médecin des sanatoriums on va créer un enseignement spécial. Le D*' Pannwitz insiste sur ce fait que les sanatoriums, pour leui' bon fonctionnement économique, ne doivent être ni éloignés des villes ni placés sur des hauteurs ; il exprime le vœu que leur construction soit moins onéreuse ; actuellement elle correspond à 10,000 marks par lit, il estime qu’elle ne devrait pas dépasser 4.000 marks. L’expérience a montré enfin que le voisinage d’un sanatorium n’expose la localité dans laquelle il est placé à aucun danger. Ce qui est dangereux c’est le phtisique en liberté qui dissémine partout ses crachats, c’est la maison où on reçoit des phtisiques sans y organiser la discipline. La surveillance est indispensable. Le D’ Pannwitz cite deux villages dans le Hartz qui ont été décimés par ces créations dangereuses. Lopo de Carvalho fait la même i-emarque pour Guarda, en Portugal. Toutes les maisons où l’on reçoit des tuberculeux doivent être soumises à la surveillance de l’autorité. L’exemple de l’Allemagne fut suivi. L’Angleterre, l’Ecosse, l’Australie, le Canada, élevèrent quelques sanatoriums encore peu nombreux. En Autriche, Schrætter réussit à faire construire le sanatorium d’Alland qui compte 300 lits. Le chevalier Von Kusy transforma en petits sanatoriums des baraquements du type Ducke. Aux Etats-Unis on sépara des quartiei-s d’hôpitaux pour en faire des hôpitaux de consomption. On créa une trentaine de petits sanatoriums, l’association de l’Alabama en construisit un pour les prisonniers, le département de la Marine en créa un pour la marine; New-York possède actuellement six sanatoriums. Grâce à la munificence du tsar, la Russie a édifié en 1897 l’éta¬ blissement Halila; depuis 1898, le sanatorium de Tactzi avec deux pavillons de 20 lits pour les hommes et de 20 lits pour les femmes. A Salta, la princesse Barjatinska a fondé un établissement pour les élèves du gymnase, etc. Le roi de Suède a consacré à la construction de trois sanato¬ riums, les 2,300,000 couronnes offertes en souscription à l’occa- I)' imOUARDEL. - LL’TTE CONTRE LA TUBERCULOSE 7il sion de son jubilé, le Parlement a voté 800,000 couronnes dans le même but et l’Etat a donné tes terrains nécessaires à l’édification de ces trois sanatoriums. Le Danemark possède déjà deux sanatoriums, le Parlement s’oc¬ cupe d’un projet de construction de sanatoriums populaires. L’Italie, les Pays-Bas, la Norwège ont obéi à la même impul¬ sion. En France, plusieurs sanatoriums sont ouverts : celui de Hau- teville, près de Lyon, celui d’Angicourt pour Paris. Dès 1876, nous avions créé l’asile de Villeplnte, puis celui d’Ormesson pour les adolescents tuberculeux. Citons encore les colonies agricoles du Cannet, l’asile Jean Dollfus à Cannes, le sanatorium girondin, celui de Cimiez, près Nice, celui d’Argetez et enfin ceux qui viennent d’ouvrir ou qui vont ouvrir ; Lille, Nancy, Orléans, Ver¬ sailles, Amiens, Le Havre, Marseille, à Paris, le sanatorium de Bligny, Bouen,etc., etc. Tous les peuples ont donc obéi à la même généreuse impulsion, on peut entrevoir le moment où le malheureux tuberculeux, aban¬ donné depuis des siècles à son triste sort, trouvera, s’il n’est encore que dans les deux premières périodes de son mal, par les dis¬ pensaires et les sanatoriums, les moyens d’espérer toujours et de réaliser souvent sa guérison. Si le malade a franchi ces deux premières périodes, s’il vient frappera la porte de l’hôpital, on ne doit pas oublier qu’il peut encore guérir, à condition qu’on lui impose la conviction qu’il en est ainsi. Il faut le recevoir dans des salles isolées, humainement disposées, pour qu’il ne soit pas découragé par le spectacle de l’agonie de ses camarades. Les règles de cet isolement ont éti for¬ mulées par Grancher et Thoinot, pour le tuberculeux, pour le per¬ sonnel qui l’a soigné, vous les avez réalisées dans les hôpitaux de consomption. A Brompton, en vingt ans, on a soigné IS,000 tuber¬ culeux. Personne, parmi les médecins, les directeurs ou les sur¬ veillants, n’a été infecté. Cette affirmation est répétée .par le D"' William, médecin de l’hôpital, par Mœller et par Masbrenier. Au point de vue international, je ne crois pas que l’on puisse prendre dans cet ordre d’idées des mesures semblables à celles que l’on a instituées pour empêcher l’invasion d’un pays par la peste, le choléra ou la fièvre jaune. Je ne sais pas comment un médecin pourrait affirmer que le voyageur qui se présente à la UEVÜK DES CONGKÈS frontière ou dans un port n’est pas tuberculeux. Mais l’entente enti-e les nations pourrait se faire sur un autre terrain. Il serait désii'able que toutes les mesures de désinfections soient prises dans les wagons de chemin de fer, dans les paquebots, dans les hôtelleries pour que le voyageur ne se trouve pas en présence des germes de contagion. C’est là un intérêt véritablement interna¬ tional. Le ministre des travaux publics de France vient d’adresser aux compagnies de chemins de fer une circulaire visant les précau¬ tions à prendre pour faire disparaître ou au moins diminuer les chances de la contagion tuberculeuse. Dans divers pays, aux Etats-Unis en particulier, les hôteliers qui reçoivent un tuberculeux sont tenus d’en faire la déclaration à la municipalité. La désinfection de la chambre est obligatoire avant qu’un autre voyageur y pénètre. Le ministre de l’intérieur de l’empire allemand a édicté des inesures plus sévères encore. Toiit médecin ayant à traiter un malade atteint de tuberculose pulmonaire ou laryngée doit en aviser par écrit la police, dès que le diagnostic a été porté. Aussitôt après la mort d’un tuberculeux, la chambre où a eu lieu le décès et les effets du malade doivent être soumis à la désinfection. Les tenanciers des hôtels, maisons meublées, asiles et autres établisse¬ ments publics, sont tenus de signaler immédiatement tout cas de maladie tuberculeuse sniwenu dans les établissements qu’ils dirigent. Déclaration, désinfection, assainissement des hôtels et des wagons et paquebots, telles sont les questions d’ordre international qui pourraient être utilement débattues par les représentants des diverses nations. Si je cherche à caractériser l’enseignement qui ressort de l’en¬ semble de ces effoi’ts faits dans tous les pays pour lutter contre la tuberculose, je puis dire que l’expérience nous montre que nous devons par la parole, par les journaux, par des brochures faire pénétrer dans l’esprit de tous qu’on peut éviter et comment on peut éviter la contamination tuberculeuse, que de plus on peut la guérir. Si la conviction de nos concitoyens est faite sur ces deux points l’initiative privée se sentira orientée, les œuvres antituberculeuses se multiplieront, se coordonneront ; les communes, les pi-ovinces, l’Etat ne pourront pas résister au mouvement qui entraînera lé C. FRAENKEL 743 peuple tout entier, et nous pourrons espérer que réunies dans un même effort, toutes les nations civilisées réussiront à éteindre la peste la plus cruelle qui ait jamais frappé autour de nous, nos enfants, nos amis, celle qui compromet l’avenir de nos patries. LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER Le professeur C. FRAENKEL Diracteur de l’Institut d’hygiène do l’Université de Halle M. Cari Fraenkel est né à Carlottenburg , près Berlin, en 1861 ; il est l’un des plus brillants élèves de R. Koch, et a été, pendant plusieurs années, assistant de son laboratoire. Il a été successive¬ ment privai -docent pour l’hygiène à rUniversité de Berlin (1888), professeur extraordinaire d’hygiène de Kœnigberg (1889), puis à Halle-sur-Saale , où il est en même temps le directeur de l’Institut d’hygiène de l’Université depuis 1893. Par un décret impérial de juin 1900, il a été nommé membre pour cinq ans du Conseil sani¬ taire de Tempire; il est, en outre, membre du Comité d’agriculture du Reichs-Cesundheitsaint , etc. Il est, depuis la fondation du Hygienisclie Rundschau, avec M. Max Rubner et Cari Günther^ l’un des trois rédacteurs de cet excellent journal. Dès 1886, M. G. Fraenkel s’est fait connaîlre par la publication d’un Précis de bactériologie, qui est rapidement devenu classique et a été traduit dans plusieurs langues; la troisième édition a paru en 1891. Comme complément à ce livre, il a publié avec R. Pfeiffer, ce magnifique Allas micopliotographique de bactériologie, dont la première édition est de 1889, et la deuxième de 1896; tous les laboratoires possèdent ce bel ouvrage, qui ne comprend pas moins de 76 planches et 136 figures, et qui représente l’état actuel de la bactéilologie. Ses travaux, en collaboration avec L. Brieger, sur les poisons bactériens et sur l’immunisation provoquée de la diphtérie, le firent 744 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER désigner par le gouvernement allemand, en 1894, pour venir étudier les résultats de la sérothérapie anti-diphtérique dans les hôpitaux français. Outre de nombreuses recherches sur la bactériologie géné¬ rale, sur les bacilles du choléra, de la diphtérie, de la tubercu¬ lose, etc., M. Fraenkela fait une étude spéciale des germes contenus dans le sol, dans l’eau, et des procédés de flltraiion microbienne des eaux de boisson, des eaux résiduelles, de leur purification par les bassins de sable et par l’épandage. Les travaux d’hygiène appliquée tiennent dans son œuvre une place importante à côté des travaux un peu théoriques du laboi-atoire. Quand on parcourt la liste si considérable de ses publications, celui qui ne connaît pas personnellement le professeur G. Fraenkel pourrait s’attendre à rencontrer un savant en pleine maturité, arrivé au summun de son activité scientifique. On est un peu surpris de trouver devant soi un homme jeune, presque un jeune homme (il a à peine quarante ans), d’un abord souriant, aimable et spirituel, dont le présent et le passé permettent d’augurer encore un plus brillant avenir. M. Fraenkel parle et écrit avec la plus grande facilité l’italien et le français et connaît assez bien la langue anglaise. L’an dernier il a été délégué par le gouvernement prussien au Congrès international d’hygiène de Paris, et il a pu renouer ainsi des sympathies qui depuis longtemps sont venues à lui lors des Congrès antérieurs. Pour rendre plus facile la revue et la recherche de ses travaux, nous les avons groupés dans un ordre méthodique suivant la nature des sujets traités : Bactériologie générale. — Abrégé de bactériologie ; un volume in-8“' Berlin-Hirschwald ; P® édition en 1886; 3® édition en 1891. — Atlas microphotographique de bactériologie, en collaboration avec R. Pfeiffer; Berlin-Hirschwald; l” édition en 1889; 3® en 1895, avec 76 planches et 156 figures (60 marks). — Le but et les problèmes de la bactériologie, Leipzig-Vozel , 1894. — Contribution à l’élude du développement des bactéries sur bouillons de culture sans albumine {Hygienische Rundschau, 1894, p. 817. — Recherches sur les poisons bactériens, avec L. Brieger {Berliner klin. Wochenschrift, 1890, p. 251). — Sur la culture aérobie des microorganismes (Cenlralbl. f. Bakt., 1888). — Recherches sur rétablissement de l’immunité artificielle, avec G. Sobernheim {Hyg. Rundschau, 1894, p. 97 et 145). — Valeur de la réaction de Widal comme moyen de diagnostic de la fièvre typhoïde {Deutsche med. Waeh., 1897, p. 33 et 344). C. FRAENKEL •74S Bactéries de l’eau, du sol; filtration sur le sable. — Sur la présence des bactéries dans la glace {Zeitschrift f. Hygiene, 1886). — Recherches sur la présence des microorganismes dans les différentes couches du sol (Ibid., 1887). — Recherches sur la désinfection des sources et sur les germes de la nappe souterraine (Ibid., 1889, t. VI). — Recherches sur le mécanisme de la filtration sur le sable (Ibid., 1890, t. VIII). — L’eau de boisson de la ville de Berlin , est-elle mise à l’abri de toute source d’infection par la filtration sur le sable (Deutsche med. Zeitung, 1890, n“ 11 et 12). — Les bassins filtrants du service public des villes (Deutsche Viertelj. f. ôffentl. Gesundheitspflege, 1891, t. XXIII, p. 38). — La question de l’approvisionnement de l’eau (Deutsche med. Woch., 1892). — La filtration de l’eau et l’irrigation agricole (Hyg. Rundschau, 1896, t. VI). — Les sources et la fièvre typhoïde à la cam¬ pagne (Mittelg. d. deutsck Landwirthsch, 1898, XIII).— Sur le réglage bactériologique des bassins filtrants de sable (Hyg. Rundschau, 1900). — L’approvisionnement d’eau par le barrage des vallées au point de vue hygiénique, avec le professeur Intze (Deutsche Viertelj. f. ôffentl. Gesundh, 1901, t. XXXIII, 1, p. 30). — L’approvisionnement en eau et l’aide de l’Etat (Zeitschrift fur Medieinalbeamte, 1900, t. XIV. Choléra. — Démonstration du bacille cholérique dans l’eau des rivières (Deutsch med. Woch., 1892). — Critique des doctrines de Pettenkofer sur le choléra au sujet de l’épidémie de Hambourg (Ibid., 1892, p. 1099 et 1176). — La question du choléra (Hyg. Rundschau, 1894, p. 577 et 817). — Rapport sur l’invasion du choléra dans le village de Bürgeln, près de Marbourg, en 1894 (Arbeît. aus d. K. Gesiindheitsamt , 1896, t. Xll). Diphtérie. — Sur l’immunisation artificielle dans la diphtérie (Berlin. Klin. Woch., 1890). — Sur l’existence du bacille de Lœffler (Ibid., 1893). — La signification étiologique du bacille de Lœffler (Ibid., 1895). — La distinction entre le vrai et le faux bacille de la diphtérie (Hyg. Rundchau, 1896). — La lutte contre la diphtérie (DeuIscA Viertelj. f. ôff. Gesh., 1896, t. XXIX, et Berl. Kl. Woch., 1897, p. 1087). Le tubercule. — La nature et les formes de la tuberculose (Derickt iiber den Gongress Zur Bekampfung der Tuberculose als Volkskran- kheit, 1899). — Recherches sur le sérodiagnostic de la luberculose d’après le procédé d’Arloing et Courmont (Hyg. Rundschau, 1900, p. 630). — Sur la culture du bacille tuberculeux (Ibid., 1900, p. 617). Bacilles divers. — Recherches sur le bacille du salpêtre décrit par Stutzer et Hartleh (Centralblalt f. Bak., 1898). — Sur la présence du meningococcus intracellularis comme cause des inflammations diphtéri- tiques de la conjonctive (Hyg. Rundschau, 1898, et Zeitschrift f. Hygiene, 1899, p. 221). — Sur l’étude dos bacilles du smegma (Ceniralblatl f. Bgkt., 1901, p. 1). — Contribution à l’étude du bacille du sang de rate (Hyg. Rundschau, 1981, p. 602). Hygiène appliquée. — Des propriétés désinfectantes du cresol; essai sur la question de la désinfection (Zeitschrift fîtr Hygiene, 1889). — Tif) UlULlOültAPlllE Reclierclies sur les germes de hi larioline (Cenlrabl. f. liakl., 1887.) — Sur la prétendue insalubrité de la viande des porcs d’Amérique (/)eu On ihe influence of ozone on lhe vilalily of some pathogenic and others bacteria (Influence de l’ozone sur la vilalild de certaines bactéries palbo- gènes et autres), par Arthur Ransomr {Public Health, juillet 1001, p. 684). L’auteur fait l’Iiistorique de la question. Il a fait une longue série d’expériences pour vérifier les assertions formulées. Nous ne pouvons les analyser en détail; nous en résumerons seulement les conclusions. A l’élal sec, l’ozone, quelles que soient la dose employée et la durée du contact, n’a aucune action appréciable sur la vitalité des diverses bactéries, mais l’ozone exerce sa propriété bactéricide quand il traverse un liquide (du lait) contenant des bactéries en suspension ; ce résultat confirme la conclusion d’Ohlmüller. Cette différence d’action du gaz sec ou humide se rencontre aussi dans l’emploi du chlore et de l’acide sul¬ fureux. A l’état sec, tel qu’il se trouve dans la nature, l’ozone ne 'peut détruire les bactéries; mais toute action purificatrice de l’ozone est due à l’oxyda¬ tion chimique directe de la matière organique putrescible; cela n’em- pôche nullement l’action des bactéries qui plus tard agissent, comme l’ozone lui-méme, en réduisant la matière organique morte en substances élémentaires (plus simples) non putrescibles. E. Vallin. Untersuchungen über den Eînfless der Unlerlage auf die Wirksam- keit von Desinfeklionsmilteln gegenüber Milzbrandsporen (Recherches sur l’influence du support vis-à-vis de l’efficacité des moyens de désin¬ fection employés contre les spores du charbon), par Otsuki {Hygienische Rundschau, t. X, 1900, p. 163). L’auteur rapporte très longuement des séries d’expériences dont’ les résultats aboutissent à la vérification de ce fait bien connu : à savoir que le support des germes est susceptible de faire varier dans des limites fort étendues l’action des moyens de désinfection permettant de détruire les germes en question. Les essais ont porté sur des spores charbon¬ neuses de résistance normale qui étaient desséchées sur des fils de soie, de coton, de la plume, du poil, du cuir, du bois, du papier filtre, du verre; on faisait agir sur ces spores tantôt la vapeur d’eau, tantôt l’acide phénique en solution à 5 p. 100. Plus le support était poreux, mieux les spores résistaient; elles étaient au contraire détruites le plus rapidement sur les supports à surface lisse, imperméable, dont le type est le verre. En général, leur résistance était relativement assez longue sur les fils, les tissus et même le bois. Il faut noter qu’elles étaient tuées assez vite sur le cuir. Enfin, l’épaisseur de la couche déposée sur les divers supports conditionne aussi le plus ou moins de rapidité d’action des agents de désinfection. E. Arnolld. Rôle des Irichocép haies dans l'appendicite, par M. J. Girard {Annales de l’Institut Pasteur, 26 juin 1901, p. 440). M. Girard, interne des hôpitaux, publie une nouvelle observation prou¬ vant non seulement que les vers trichocéphales peuvent s’introduire dans REVUE DES JOURNAUX l’appendico vonuiculaire, niais que leur cxlrémilé aiilérieure peut pénétrer profondément dans l’épaisseur de la muqueuse de cet organe. Une enfant de 8 ans présente dans le cours d’une fièvre typhoïde tous les signes d’une péritonite, localisée surtout dans la fosse iliaque gauche. On fait la laparotomie; on trouve dans la cavité péritonéale un liquide séro-puru- lent, avec des fausses membranes fibrineuses sur les anses intestinales distendues et fortement congestionnées. Le chirurgien, pensant que l’ap¬ pendice est peut-être en cause, le resèque par précaution; la tillette guérit. Dans l’appendice on trouve la lumière occupée par deux corps arrondis en canon de fusil (voir la planclic). L’examen microscopique montre que ces corps représentent la section transversale de deux néma¬ todes. M. le professeur Uaillet, d’Alfort, examine les parasites; cé sont deux trichocéphales de l’Iiomme, un mâle et une femelle, coupés dans la zone génitale, dont l’extrémité antérieure a pénétré dans la muqueuse; au point d’implantation on trouve un grand nombre de leucocytes, avec noyaux avariés; au milieu du détritus cellulaire, on observe toute une flore bactérienne dans laquelle on reconnaît de nombreux stn-ptocoques, des bacilles ramifiés se colorant par le Gram, et de petits coccobacilles qui se décolorent par celte méthode. L’inflammation autour du tricliocé- phale est donc due à l’inoculation des microbes intestinaux par le néma¬ tode. Bien que M. Girard attribue une partie dos accidents à une péritonite d’origine génitale (valvite blennorrhagique), celte observation confirme par certains points les assertions de M. Melchnikoft’ sur le rôle des nématodes dans la production de l’appendicite. E. Vallin. Intoxication mei-curielle par le bronzage des fusils, par le D" Bau- DissoN, médecin-major de l’armée (Archives de médecine mililaire, juin 1901, p. .*>07). M. Baudisson, médecin-major de l'“ classe du 59“ d’infanterie, observa chez deux soldats des accidents cachectiques, sans localisations orga¬ niques, sans albuminurie; un examen plus attentif révéla du tremble¬ ment des extrémités supérieures, un liseré gingival, etc. ; le diagnostic d’hydragyrismo s’imposait; il fallait en trouver l’origine. Les deux malades étaient des ouvriers armuriers; leur état s’aggravait après chaque opération de bronzage des canons de fusil. D’après l’instruction ministé¬ rielle du 30 août 1884, l’une des opérations de bronzage consiste à plonger les canons dans deux bains consécutifs. La liqueur n“ 1 contient, pour 1 litre d’eau, 50 grammes de bi-chlorure de mercure et 50 gramiiies de chlorhydrate d’ammoniaque. Après cliaque bain, on fait sécher les canons; après le second séchage, on détache avec une brosse métallique l’enduit semblable à de la rouille qui recouvre les canons de fusil. Il est évident que cette poussière soulevée par le gralte-brosse souille les mains, les habits et peut pénétrer dans les voies respiratoires ou diges¬ tives. Une enquête, faite par le directeur du service du 17“ corps d’armée, a révélé un certain nombre de cas analogues. Le directeur a prescrit des VARlÉTliS mesures assurémenl fort sages (bronzage tles canons à l’air libre et non dans les ateliers; bâillon de mousseline ; vôtements fermés hermétique¬ ment aux poignets et au cou ; élimination des ouvriers atteints de carie dentaire; lavage des mains, de la face et de la barbe avec de l’eau aci¬ dulée à l’acide chlorhydrique, etc. filais ce ne sont là que dos mesures palliatives; ce qui s’impose, c’est la suppression sans délai pour le bron¬ zage d’un bain contenant l’incroyable proportion de üO grammes par litre d’un poison aussi redoutable que le sublimé. E. Vai.lin. VARIÉTÉS La vARioi.i: a Paris. — Malgré les invitations pressantes de l’Académie de médecine, du Conseil d’bygiùne de la Seine et les avis multipliés de fil. le préfet do police, le public parisien ne montre plus d’empressement à se faire vacciner et surtout revacciner. On oublie trop qu’au bout de quinze à vingt ans, un individu qui ne se soumet pas à la revaccination est dans la môme situation qu’un enfant qu'on négligerait de vacciner dans les premiers mois qui suivent sa naissance. Aucun médecin ne conteste plus aujourd’hui que l’immunité donnée par la première vacci¬ nation est en grande partie épuisée au bout de dix ans, qu'elle est à peu près nulle au bout de vingt ans; c’est par conséquent une grande impru¬ dence quand il s’agit de soi-mémo, c’est une faute grave, c’est presque un crime envers les mineurs dont on a la charge, de ne pas recourir à la revaccination tous les dix ou quinze ans au moins. Une preuve saisis¬ sante de l’utilité de la revaccination est fournie par l’armée, où tout arrivant est revaccine sans qu’on s’occupe de savoir s'il l’a été depuis peu de temps ; les garnisons restent complètement épargnées par la variole au milieu des foyers qui se développent au voisinage des casernes dans la population civile. La mortalité par variole, à l’àge de 20 à 40 ans, est trois fois plus forte dans la population civile féminine i|uo dans la môme population masculine; cette énorme différence ne s’e.xiilique que par le fait de la revaccination des hommes de l'armée active et de la ré.serve, tandis que les femmes échappent à la revaccination qui n’est pas obligatoire en dehors de l’armée. Rappelons qu’en Allemagne, où la vaccination et la revaccination sont obligatoires pour tout le monde, une population de 52 millions ne fournit que 10 décès par variole dans toute l'année, tandis qu’à Paris une population de 2 millions 1/2 d’habitants compte en ce moment plus de 10 décos par semaine, lin eU'et, pendant les vingt-trois premières semaines de l’année 1901, c’est-à-dire du 1“'' janvier au 8 juin 1901, il y a eu à Paris 234 décès par variole et environ 1,800 cas déclarés, sans compter ceux qui ne l’ont pas été. 168 VARIÉTÉS Il est donc urgent que la population use de toutes les facilités qu’on lui fournit pour se revacciner; cette revaccination est gratuite à domicile par le service municipal, pour les indigents à l’Académie de médecine, dans les mairies des arrondissements, aux jours et heures indiqués par les afRclies publiques. Le vaccin de l’Académie est irréprochable, ainsi que l’attestent les innom¬ brables bulletins où les médecins, à qui elle a délivré gratuitement des tubes, doivent rendre compte du nombre des vaccinations faites avec ce vaccin et des résultats obtenus. D’ailleurs, pour ceux qui ont encore ce préjugé que le vaccin est plus actif quand il est inoculé de pis à bras, h; directeur de la vaccine, le vénérable et dévoué D'' Hervieux, inocule deux fois par semaine la lymphe empruntée directement aux pustules d’une génisse dont on peut d’un simple coup d’œil apprécier la bonne santé, la propreté irréprochable... et la docilité. Le CADucÉp. — Nous signalons avec plaisir le nouveau journal de chirurgie et de médecine d’armée que M. le D' Granjux vient de créer sous ce titre, et nous lui souhaitons la bienvenue. M. le D" Granjux, ancien médecin-major de 1™ classe de l’armée, et depuis longues années secrétaire de la rédaction du Bulletin médical, était doublement qualifié pour diriger cette nouvelle publication, car depuis longtemps, sous le pseudonyme du D'' Noël, il publiait chaque semaine dans le Bulletin médical des critiques très indépendantes, parfois caustiques, sur le fonctionnement et les desiderata du service de santé des armées de terre et de mer et des colonies. Un grand nombre de médecins de réserve et de l’armée territoriale, d’autres aussi du service actif, lui ont. demandé de créer un organe qui n’eût aucune attache officielle et qui eût la même indépendance que les autres périodiques de l’armée, le Progrès militaire, la France militaire, etc. Ce n'est point un journal d’opposi¬ tion systématique, mais un journal de libre examen et de critique loyale; M. Granju? s’est d’ailleurs assuré l’assentiment des ministres et des directions des services de santé des trois ministères. Le caducée est l’in¬ signe qui distingue dans lem* uniforme les médecins de nos armées, et aucun titre ne pouvait mieux convenir à une telle publication. Le Caducée paraît tous les quinze jours dans le formai du Bulletin médical; il fera une large place à la chirurgie d’armée, à l’épidémiologie, aux maladies exotiques, à l’hygiène militaire, aux questions d’administration et d’or¬ ganisation du service en temps de paix et en cas de mobilisation; il a beaucoup de titres pour être utile et nous serons heureux d’applaudir à ses succès. Le gérant : Pierre Auger. ris. — lmp. PAUL DUPONT, 4, ru Boutoi (Ct.) 8 S.tOOl D’H'^ ^NE POLICE SANITAIRE MÉMOIRES ET DOCUMENTS LA PROPHYLAXIE DU MAL VÉNÉRIEN • L)ü1T-üN, ou JiON, ÜANS LES CliNTUES SCOLAIKES, ÉCLAlItEll LES ÉLÈVES DES CLASSES SÜPÉIIIEÜRES SUR LES DANGERS DES AEKECïlüNS VÉNɬ RIENNES ; ET, SI OUI, DANS QUELLE MESURE ET COMMENT ? Par M. le professeur A. FOURNIER. I Avant d’abordoT au fond cette question, un point préjudiciel doit être examiné, à savoir': Ladite question comporte-t-elle, oui ou non, un intérêt l'écl de par une réelle fréquence des affections vénériennes contractées dans la vie de collège de 16 à 19 ans? Car, si ces contaminations juvé¬ niles n’étaient que des raretés, voire des exceptions, vraiment elles 1. Nous avons annonce ylievue d'luj que l’on emploie constamment en Angleterre, comme syno- CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 819 nyrae de tuberculose. Depuis un an nous étudions cette question à l’aide des documents officiels ; nous ne pouvons réu.«sir à nous convaincre que des statistiques anglaises comprenant, comme chez nous, tous les cas quelconques de tuberculose des différents organes ou tissus, confirment des résultats aussi merveilleux. En France, de peur d’omettre quelques décès par tuberculose mal définie, on en arrive dans certaines statisti¬ ques officielles à comprendre dans la tuberculose tous les décès par bron¬ chite ou inflammation pulmonaire, ce qui est une véritable exagération ; en Angleterre, dans les très rares statistiques qui portent le titre de « maladies tuberculeuses «, rien ne prouve qu'on y a compris comme chez nous les tuberculoses des os, des méninges, de l’abdomen, du péritoine, de la plèvre, de la scrofule, les tumeurs blanches, etc., etc. Le mémoire de M. Tatham ne nous a apporté aucun éclaircissement nouveau sur ce point. Influence de Vêlai social, de V alimentalion, de l’âge des parents sur la production de la tuberculose, par le D'' Joseph von Kôrôsi, de Bu¬ dapest. D’après ses observations personnelles, la profession de peintre est celle qui fournirait le plus de décès par tuberculose : 60 décès tuberculeux sur lüO décès généraux adultes de cette profession. Viennent ensuite les sommeliers, les cordonniers, teinturiers, meuniers (49 à .62 p. 100), les charpentiers, les bouchers, les marchands (28 à 33 p. 100); les capita¬ listes et les médecins sont ceux qui meurent le moins de tuberculose (10 à 12 décès tuberculeux sur 100 décès). Dans la classe aisée, cette même mortalité tuberculeuse est de 16 p. 100; elle est de 22,3 p. 100 dans la classe pauvre, soit de 40 p. 100 supérieure à la première. Sur 100 décès généraux d’enfants, 3,4 p. 100 ont eu lieu par tubercu¬ lose dans leur famille ; 8,9 hors de leur famille ; 3,3 nourris au sein ; 9.3 nourris artificiellement; au total : 13,9 p. 100 nourris au sein (dont 5,2 à la maison, 8,7 au dehors) ; 22,7 p. 100 nourris artificiellement (dont 6.4 à la maison et 16,3 au dehors). Quant à l’influence de l’âge des parents, la mortalité par tuberculose la plus grande est celle d’enfants nés des mères les plus jeunes (8,43 p. 100 décès généraux d’enfants nés de mères âgées de moins de 20 ans ; 3,09 quand la mère avait moins de 20 à 30 ans ; 2,78 quand la mère à l’épo¬ que de la naissance avait moins de 30 à 33 ans ; 4,26 au-dessus de 33 ans). Il en est à peu près de même en ce qui concerne l’influence de l’âge du père; quand les pères conçoivent avant 23 ans, sur 100 enfants décédés 5,71 meurent de tuberculose ; au-dessous de 23 à 30 ans, 4,74 ; au-des¬ sous de 30 à 40 ans, 3,61 ; au-dessous de, 40 à 30 ans, 6,01. Les assurances obligatoires des ouvriers en Allemagne au point de vue de la lutte contre la tuberculose, par M. Bielefeld, conseiller privé et président de l’administration impériale des assurances *. 1. La compétence particulière de l'auteur et l’importance du sujet nous ont décidé à traduire littéralement le texte do la communication, insérée dans le British medical Journal, p. 493. E. Vallin. 830 D' E. VALLIN Depuis 1891, tous les ouvriers allemands dont le revenu ne monte pas à plus de deux tiers d’un en Allemagne à l’aide de l’assurance obligatoire des ou¬ vriers, aidée par les autorités locales, par les institutions pour le bien- être public, aussi bien que par la charité privée. L’expérience montre que ces assurances sont le meilleur moyen d’assurer la victoire. M. le D'' T. G. IIavward, qui est medical officer of health à Haydock (Lancashire) lit un long travail : La mortalilé par phtisie et autres ma¬ ladies tuberculeuses, où il « s’est proposé de réunir, dit-il, les chiffres les plus autorisés pour expliquer comment les bacilles tuberculeux, qui sont peut-être originairement des champignons saprophytiques, ont acquis le pouvoir d’envahir les animaux vivants, et sous quelles conditions ces der¬ niers peuvent voir leur résistance vitale s’abaisser à tel point qu’ils de¬ viennent la proie de leurs assaillants ». Il a en outre cherché à calculer non pas combien d’hommes meurent par an de tuberculose, mais com¬ bien de vies aux divers âges pourraient être épargnées par cette maladie et surtout dans quelle mesure la période active de la vie pourrait être augmentée si l’on supprimait la tuberculose. Malheureusement le Congrès a lieu un an avant la publication d’un nouveau recensement décennal de la mortalité, et il faut encore s’en tenir à la période 1881-1890, tandis que l’an prochain on aurait pu se baser sur la statistique décennale 1889- 1900. 11 est impossible d’analyser les nombreuses tables de morlalité dressées par l’auteur d’après une méthode nouvelle. La conclusion, un peu théori¬ que on en conviendra, est que si l’on pouvait supprimer la phtisie, la durée moyenne de la vie serait augmentée de deux ans et demi. Ceux qui ont dépassé l’âge de 15 ans pourraient compter sur une prolongation d’environ trois ans et quart. Ce résultat serait supérieur à celui qu’on ob¬ tiendrait par la suppression des sept principales maladies zymoliques et évitables. En effet, la suppression totale de trois de ces maladies, la fièvre typhoïde, la scarlatine et la diphtérie, qui entraînent de grandes dépenses pour l’isolement et pour les hôpitaux, n’augmenterait la durée moyenne de la vie totale que d’une année environ, et d’un trimestre en plus pour ceux qui ont dépassé l’àge de l.’i ans. Ces données, quoique bien théori¬ ques, sont cependant à retenir. M. Hoffmann, statisticien de la Compagnie américaine d’assurances « Prudential » voudrait qu’on discutât cette question ; Quel intérêt les Compagnies d’assurances sur la vie ont-elles à la question des sanato¬ riums pour phtisiques? C’est la tuberculose qui au point de vue financier coûte le plus cher et cause le plus d’ennuis aux Compagnies d’assurances. Dans ces cas l’assuré a payé en général 24 dollars (120 francs) à la Com¬ pagnie, et il a coûté à la Compagnie C5 dollars (325 francs) avant que le traitement dans un sanatorium soit possible. Il dit que les Compagnies devraient favoriser de toutes les façons l’instruction du public sur les moyens de prévenir la maladie et do la traiter dès son début. M. E. W. BitAimuoK, statisticien des sociétés mutuelles de la Grande- Bretagne, conclut de certains documents statistiques que si ces sociétés ont théoriquement intérêt à construire des sanatoriums à cause de leur 824 D' E. VALLIN responsabilité à l’égard des membres qui deviennent tuberculeux, en pra¬ tique elles n’ont qu’un trop faible intérêt financier à créer cos sanato¬ riums. Après une discussion prolongée et comme conclusion, Sir James Chi- < iiton-Browne propose à la section d’appuyer le vœu suivant : « La sec¬ tion est d’avis que la création de sanatoriums est une condition indispen¬ sable pour le traitement et la diminution de la tuberculose, et que c’est les conseils provinciaux qui ont le devoir d’assurer l’existence de ces sana¬ toriums. >1 Plusieurs amendements sont successivement proposés et rejetés, et la section approuve la formule ci-dessus de M. J. Crichlon-Browne. 2® SECTION (pathologie, climatologie et sanatoriums). L’étude des sanatoriums a pris la plus grande place dans les ordres du jour et les discussions de cette section. Nous y joindrons quelques tra¬ vaux sur les sanatoriums qui ont été communiqués dans l’une des divi¬ sions de la f” section, et qui nous semblent mieux à leur place ici. Sanatoriums. Sir James Crichton-Brovvne a lu sur Le traitement de la tuberculose dans les sanatoriums une adresse qui est reproduite in extenso dans la Lancet du 24 août ; c’est une conférence très complète sur ce sujet iné¬ puisable, où l’auteur résume les opinions courantes. Les tuberculeux cura¬ bles ont le plus de chances de guérir dans les sanatoriums ; les incurables, en cessant d’y être dangereux pour la communauté, peuvent y pro¬ longer leur vie et avoir tout le confort désirable. Il divise les tubercu¬ leux en trois classes auxquelles il donne les dénominations suivantes ; 1“ la classe opulente affluent; c’est le riche que ^on médecin peut assu¬ rément diriger, surveiller à domicile, mais qui trouvera souvent dans un sanatorium privé très confortable une direction compétente et une disci¬ pline de tous les instants : il faut encourager ces petits sanatoriums, sortes de maisons, de santé destinées à un nombre très restreint de malades ; 2“ la classe qui a le strict nécessaire competent, comprenant les tuber¬ culeux de la classe moyenne, et ceux qui ont des ressources suffisantes quand leur santé leur permet de se livrer à leur travail ou à l’exercice de leur profession, mais qui laissent leur famille et eux-mémes dans la gêne quand ils deviennent malades; il leur faut des sanatoriums à prix modestes, de 25 à 50 francs par semaine, soutenus par la bienfaisance privée et discrète qui comble les déficits de l’exploitation ; les indiyenls enfin, forment une classe très nombreuse, pour lesquels des sanatoriums populaires sont indispensables. Le fonctionnement de ces divers sanato¬ riums diffère naturellement dans chaque classe. Sir John Burdon-Sanderson présente d’intéressantes considérations sur les sanatoriums pour les ouvriers hommes et femmes. D'après lui le meilleur système est celui qui a pour base l’assurance obligatoire comme en Allemagne ; mais un tel système ne sera jamais admis en Angleterre ; on le remplacera très bien par l’assurance volontaire au moyen d'une CONGRÈS DE LA TUBEROILOSE A LONDRES 82S contribution prélevée sur le salaire de l’ouvrier. D’autre pari les sanato¬ riums défrayés par ces assurances volontaires ne réussiront jamais aussi bien à supprimer la tuberculose que ceux fonctionnant sur le principe de l’assurance obligatoire. En ce qui concerne les adhérents volontaires, ce mode serait le plus avantageux, puisque les bénéfices réalises ne s’appli¬ queraient qu’à eux et non à la classe inférieure des ouvriers, qui est la plus exposée à la phtisie ; mais d’autre part il serait moins avantageux au point de vue de la santé publique, car plus le malade est pauvre, plus il est nécessaire qu’il soit rapidement éloigné de sa maison et de son en¬ tourage. Le D'' J. Edward Squirb, médecin du Norlh London hospital for Con- sumption, voudrait que dans le régime hospitalier destiné aux tubercu¬ leux il y eut des services distincts pour les différents groupes de malades: d“ des dispensaires ou consultations pour les malades du dehors, situés dans les quartiers où la phtisie fait le plus de ravages; c’est là qu’on donnerait aux suspects ou malades au début des conseils hygiéniques, pi-éventifs et curatifs ; 2“ des services intérieurs pour les malades hospi¬ talisés, d’accès facile, où l’on admettrait les malades fournis par les quar¬ tiers les plus pauvres; on y ferait l’éducation hygiénique, l’isolement temporaire des malades, qui y seraient momentanément soulagés ; 3“ des sanatoriums à la campagne pour les cas curables, où l’on ferait un séjour beaucoup plus prolongé qu’à l’hôpital ; enfin 4“ des établissements pour les phtisiques aux périodes avancées, où l’on pourrait les isoler des autres malades. M. le professeur Calmette, de Lille, expose le fonctionnement du dis¬ pensaire qu’il a créé à l’Institut Pasteur de cette ville (Revue d’hygiène, juillet 1901). MM. les D” L. Petit, de Paris; Hobbs, du Bordeaux; Siegmund Moritz, de Manchester; Bünnbt-Lyon, de Paris, etc., etc., décrivent le fonctionnement des sanatoriums récemment établis dans leurs rési¬ dences. Sous ce titre. Les sanatürinms populaires de réparliiion, M. lu I)'' G. Kuss, de Paris, médecin en chef du sanatorium d’Angicourt, expose que les tuberculeux reconnus curables et justifiables du sanatorium populaire présentent de grandes différences entre eux au point de vue des lésions, de la résistance du cœur, de la sensibilité aux causes de fièvre, des apti¬ tudes réactionnelles du terrain, ün type uniforme de sanalorium ne peut convenir à des malades si différents ; il faut catégoriser ces derniers par groupes similaires et affecter à chaque groupe un type de sanatorium approprié à leur état et à leurs besoins. Ici, de vrais malades fébricitants et alités, nécessitant les soins du médecin et une surveillance journalière dans un véritable sanatorium bien aménagé ; là, des apyrétiques à forme scléreuse et torpide, pouvant s’accommoder d’une installation quelconque, à la campagne ; mais comme leur tuberculose est ouverte ou peut le de¬ venir au premier jour, ils doivent être isolés dans un sanalorium de for¬ tune, visité deux ou trois fois par semaine par un médecin d’une localité voisine. Enfin, un troisième groupe comprend ou des candidats à la tu- 820 D'^ E. VALLliN berculose ou des malades à peu près guéris, chez qui l’auscultalion ne révèle pas ou plus de lésions nettement appréciables ; pour ceux-là le repos à l’air pur, à la campagne, avec une bonne alimentation, suffit dans une maison de convalescence ou dans une colonie agricole. Placer des malades du dernier groupe dans un vrai sanatorium, c’est faire un véritable gaspillage. Cette répartition ne peut être décidée par l’examen rapide et superficiel qui se fait dans une consultation publique ; un séjour de courte durée à l’hôpital et un examen approfondi répété pondant plusieurs jours est né¬ cessaire. En plaçant un tel hôpital à la campagne mais à proximité de la ville, on aurait l’avantage de préjuger, par cette épreuve à la campagne, les chances de guérison qu’aurait chaque malade dans tel ou tel type de lieu de cure. Pour M. Kuss, cet hôpital serait à vrai dire un sanatorium de répartition ; c’est là que seraient d’abord reçus tous les tuberculeux présumés curables envoyés de la ville par les consultations publiques ; après une ou plusieurs semaines d’observation et de repos, l’on renverrait soit dans un asile de phtisiques, soit à un dispensaire, tous ceux qui ne présenteraient pas des garanties suffisantes de curabilité. Les autres se¬ raient répartis comme il vient d’être dit. Il y aurait à la fois économie pour les services d’assistance, et plus de chances de guérison pour les malades véritablement curables. SI. Kuss formule ainsi ses conclusions : 1“ En raison de la diversité des formes de tuberculose justiciables du sanatorium populaire, on est amené tout naturellement à catégoriser les malades ; 2“ Pour arriver avec le minimum de dépenses au maximum de résul¬ tats, on doit réserver à chacune de ces catégories une formation hospita¬ lière différente : aux malades fragiles et délicats convient un vrai sanato¬ rium digne de ce nom, avec surveillance médicale continue ; aux tuber¬ culeux résistants et apyrétiques il lésions sclérosantes torpides, le sanato¬ rium de fortune, fonctionnant très économiquement, avec surveillance médicale intermittente; aux suspects et aux convalescents, une maison de convalescence à la campagne ; 3“ La répartition méthodique et rationnelle des malades doit être dé¬ cidée dans un sanatorium bien installé, situé à proximité de la ville ; ce sanatorium, recevant le lot des malades présumés curables envoyés de la ville, le passerait au crible pour ainsi dire ; il arrêterait au passage les sujets pour lesquels la cure de sanatorium ne se montrerait pas profitable et il répartirait les autres malades dans les établissements dont les res¬ sources seraient adaptées à leur forme de maladie. M. le professeur Clifford Albutt, de Cambridge, ne nie pas que la cure d’air puisse avoir lieu au domicile du malade, mais la surveillance étroite et journalière d’un praticien compétent et exercé est nécessaire. Les trois degrés de la cure sont l’arrêt de la maladie, le passage à l’état chronique ou l’obsolescence, la restitutio ad integrum. L’obsolescence exige deux hivers et un été ; il ne peut en être question pour les tuber¬ culeux indigents. Pour assurer ce qu’on pourrait appeler « la cure éco¬ nomique 11, six mois sont nécessaires dans la moitié des cas. 11 faut dis- CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 827 iraire les malades pendant leur séjour au sanatorium. I/auteur soulève ensuite des questions de diagnostic et de [thérapeutique qui sortent du terrain de l’hygiène, lequel doit seul nous occuper ici. Le professeur ScnnoTTEii, de Vienne, expose qu’en Autriche, avant d’envoyer les malades au loin, on les garde en observation dans un sanatorium central, ]iour mieux assurer une répartition efficace. En Autriche il y a un sanatorium central de l.SO lits où l’on tient les tuber¬ culeux en observation pendant deux ou trois mois ; puis, quand on a étudié leur résistance, leur susceptibilité, on les répartit les uns dans le midi, d’autres à la montagne ; d’autres enfin sont gardés plus longtemps en observation. Il pose la question de savoir s’il faut envoyer les malades dans le midi ou dans la montagne. Le D’’ Rosentiul, de Copenliague, croit que, dans les hôpitaux des petites villes, on peut faire suivre aux tuberculeux la cure de plein air, en attendant que partout on ait construit des sanatoriums. Sir Herman Weber lit un mémoire sur le Sanaioria au bord de la mer, spécialement pour la prophylaxie et le traitemenl des enfants scro¬ fuleux. — Le principe de ce traitement est la cure en plein air, une forte nourriture et l’hydrothérapie, ce qu’on ne peut faire ni à domicile ni à l’hôpital pour les enfants pauvres. En Angleterre il n’y a pas plus de 300 lits dans les hôpitaux marins d’enfants, il en faudrait 5,000. C’est l’Angleterre la première qui, à la suggestion de Lettsom et de Latham, créa le premier hôpital de ce genre à Margate en 1791. Les côtes de l’An¬ gleterre sont merveilleusement disposées pour de nombreux établisse¬ ments de ce genre. Le D’’ Lasalle, de Bordeaux, appuie ces observations sur l’utilité des sanatoriums marins pour le traitement et la prophylaxie surtout de beau¬ coup de formes de la tuberculose. La climalologie et la tuberculose. Le D’’ C. Théodore Williams, de Londres, médecin consultant à l’hô¬ pital des tuberculeux de Brompton, a tenté une classification des climats au point de vue de la tuberculose; il montre l’aide puissante que le climat apporte au traitement et à la curation de cette maladie. Les hautes alti¬ tudes, surtout dans les pays où elle ne s’accompagne pas d’un refroidis¬ sement considérable de l’air, comme dans les Cordillières des Andes, les Montagnes Rocheuses, certains postes privilégiés des Alpes, donnent d’e.xcelicnts résultats, surtout pour les malades jeunes, n’ayant pas atteint le milieu de la vie. 11 indique les indications et les contre-indications des climats marins, secs et chauds, de montagne. Mais nous quittons le terrain de l’hygiène pour entrer sur celui de la thérapeutique. M. J. Burnev Veo, de Londres, médecin consultant à King’s College Hospital, a étudié particulièrement les effets du climat sur la marche et le traitement de la tuberculose. Le but que l’on poursuit dans le traite¬ ment de cette maladie par les influences de climat est multiple : on se propose 1“ de modifier l’état catarrhal des voies aériennes ; 2“ d’amé- D'^ E. VALLIN liorer la lonicilé des nerfs et de la circulation ; 3“ d’augmenter l’activité des fonctions digestives, et de stimuler ainsi la nutrition en provoquant le désir et en augmentant la faculté de prendre de l’exercice ; 4° d’élever la tonicité morale par un entourage clair, brillant et gai ; 5“ de diminuer l’activité bactériologique par les propriétés aseptiques du milieu. Le mé¬ moire a été publié in extenso dans le Brilish medical Journal du 27 juillet, p. 202. Nous avons déjà analysé ici l’année dernière les curieuses expé¬ riences de MM. Lannelo.xouiî, AcnAan et Gaillabd, en vue d’étudier l'influence comparée des climats et de la résistance individuelle dans la tuberculose expériménta le, expériences qu’ils ont complétées et dont ils ont présenté le résumé au Congrès de Londres. Leur conclusion c’est que l’influence des climats ne joue qu’un rôle secondaire et qu’il faut mettre au premier rang les conditions de résistance individuelle, c’est-à- dire l’ensemble des causes internes, le terrain. Nous nous permettrons d’ajouter que devant un résultat aussi inat¬ tendu et aussi contraire à l’observation clinique, à savoir que les ani¬ maux maintenus pendant plusieurs mois dans les caves de l’École pra¬ tique résistaient mieux que ceux élevés en plein air à la campagne, en forêt ou au bord de la mer, il y a lieu de rechercher si les autres con¬ ditions d’origine, de promiscuité, de soins hygiéniques, de surveillance étaient identiques dans les trois groupes. En outre, il y a eu dans un même groupe des différences considérables dans la diminution du poids, l’étendue et la durée de l’évolution tuberculeuse. Quand on opère sur plusieurs centaines d’animaux répartis sur des points fort éloignés de Paris, l’observation scientifique est difficile ; on ne peut connaître l’histoire de chaque animal en observation, en faire l’autopsie, en décrire les lésions, etc; on est réduit à additionner de.s chiffres, et à en tirer des moyennes. Il y a là beaucoup de chances d’erreurs, et l’avantage du grand nombre des animaux mis en expérience est plus apparent que réel. Ce qu’on appelle un climat est un ensemble extrêmement com|de.\e d’influences de milieu, qui se prèle assez mal à l’expérimentation scien¬ tifique, et cela est aussi vrai pour les animaux que pour l’homme. Nous sommes d’ailleurs parfaitement d’accord avec les auteurs que » cc sont les causes internes, dont l’ensemble constitue le terrain, beaucoup plus que les causes externes et les influences climatériques, qui déter¬ minent la modalité et la marche générale des lésions M. le D"' Stepiia.vi, de Montana (Valais), donne le résultat de ISO tu¬ berculeux traités dans cette localité de 1897 à 1900. Ses conclusions sont les suivantes : la cure d’altitude est indiquée dans toutes les formes de la tuberculose; elle donne en bloc 12 cas pour tOO de guérison com¬ plète, .10 d’amélioration, 20 d’arrêt dans le cours de la tuberculose, 18 d’insuccès. Les chances de guérisons sont d’autant plus nombreuses qu’il s'agit d’une tuberculose au début, d’une forme pleurale ou sèche, apyrétique, exempte de complications et d’hérédité. Les seules contre- indications avérées de l’altitude sont, avec les formes asthmatiques, les tuberculoses congestives accompagnées de troubles cardiaques. CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 829 Le D’’ Amrein, d’Arosa, présente une statistique montrant le bénéfice du traitement dans les climats d’altitude. Au point de vue de l’améliora¬ tion générale, sur 100 malades traités, on trouve 83,4 améliorations dans les grandes altitudes; 77,0 par les voyages en mer; 65,0 par le séjour dans les stations de la Riviera; 63,7 dans l’habitation à la campagne. Quant à l’état local de la lésion, les résultats sont si sur¬ prenants qu’ils sont un peu suspects : la lésion locale s’est arrêtée 425 fois sur 100 aux hautes altitudes; 7,7 dans les voyages en mer; 5,0 dans la Riviera; 2,0 à la campagne. MM. les D''®Hi(;kens, de Rosselare, et Tii. Zam.mit, de Malte, signalent les bons résultats obtenus par le séjour dos tuberculeux dans les îles anglaises et on particulier à Malte. M. le D'' Aui'friît, directeur du service de la sauté à Brest, délégué j)ar le Ministre de la Marine, n’a pas craint de montrer que le climat tempéré de Brest, au lieu d’ètre, favorable aux tuberculeux, leur est au contraire nuisible par les sautes brusques du vent, les tran.silions imesque instantanées d’un air humide et tiède (Gulf Stream) à un air sec et frais (vents du Nord et du N.-E.). 11 arrive aux conclusions suivantes : La mortalité par phtisie est en raison inverse de la température moyenne du mois qui précède les décès. Les variations de température agissent certainement sur la marche de la phtisie et contribuent à en précipiter la fin. Les mois les plus éprouvés sont ceux de décembre à avril, mars étant le plus éprouvé de tous. Ces mois héritent des intluen- ces nuisibles de l’hiver. Le D’’ James Hallen, de Pietermaritzburg (Natal), célèbre VImmunitc naturelle contre la tuberculose à Natal (Afrique du Sud), et fait un éloge admirable de ce pays très exotique. Tout le monde, dit-il, sait que certains pays en raison de leur climat, de leui- topographie, des conditions sociales, etc., sont plus ou moins ravagés que d’autres par la tuberculose. Il y a lieu d’étudier les pays qui jouissent d’une immunité relative, afin d’introduire artificiellement dans les localités plus menacées les éléments de défense qui semblent avoir une influence préservatrice. L’auteur a vécu pendant vingt-six ans à Pietermaritzbourg, la capitale du Natal, comme médecin chef de Grey’s Hospital et comme médecin municip.d. Il décrit la topographie et la climatologie de cette ville qui compte 30,000 habitants (blancs ou indi¬ gènes), ainsi que du Natal, où vivent 60,000 Européens, un million do Zoulous et 50,000 Indiens ; il consacre un très long mémoire à celte curieuse description, qui n’a pour nous Français qu’un intérêt secon¬ daire. Au Natal, la tuberculose est inconnue parmi le bétail qui vit à l’état sauvage; mais les animaux capturés et domestiqués perdent bientôt cette immunité, qui n’est donc pas l’elïet du climat. Il en est do mémo du singe, qui capturé, mis en cage ou transporté en Europe, succombe rapidement à la tuberculose, à laquelle il échappe quand il reste en li¬ berté et à l’état sauvage. Celle immunité naturelle résulte d’une perfection corporelle, produit d’une élection séculaire ; elle diffère donc de l’immunité scientifique et ar- E. VALLIN lificielle, bien que dans les deux cas le résultat soit le même. Il serait utile cependant de connaître la nature, le mécanisme, les causes de cette immunité naturelle, lentement acquise, contre la tuberculose, le tétanos ou la septicémie Iputéfraction). Ces trois bacilles existent partout, et cependant certains individus, certaines races acquièrent une résistance de terrain indéniable à leurs atteintes. Au Natal, l’homme possède une immunité au tubercule presque égale à celle des animaux. La vie en plein air concourt ii cette immunité; les meilleures maisons ne sont qu’un abri contre le soleil et la pluie. Description des mœurs et de la manière de vivre des Zoulous, de la bière de Kaffir ou tiiswala, faite avec du millet fermenté, que l’auleur considère comme une boisson utile dans la phtisie et l’épuisement des forces. La tuberculose ne se rencontre guère dans les hôpitaux du Natal que chez des Européens, qui sont venus parfois pour y chercher un emploi en même temps qu’un climat favorable à une tuberculose acquise en Europe; en ces dernières années le nombre de ces immigrants malades est devenu tel, qu’on a invité les Compagnie de transport du Natal à ne pas admettre sur les navires, au départ d’Europe, de tuberculeux ii une période trop avancée. On s’est borné à cette restriction, sans prohiber l’admission des tu¬ berculeux en général. Si l’on n’y prend garde, on sera bientôt forcé do refuser l’entrée du Natal aux immigrants tuberculeux, comme ou a dù le faire à la Nouvelle-Zélande. Actuellement on garde les tuberculeux jusqu’à leur mort dans les hôpitaux du Natal. C’est inhumain et impoli¬ tique; il vaudrait mieux y établir des sanatoriums où l’on pouri'ait rece¬ voir et traiter des tuberculeux jusqu’il ce qu’ils fussent capables de re¬ prendre la vie commune. Ce très long mémoire, publié in-extemo dans la Lancet, contient des renseignements curieux sur ce pays peu connu, mais il ne nous éclaire pas beaucoup sur les causes de l’immunité naturelle et sur les moyens de l’acquérir. V alimenlalion 'par la viande crue dans la tuberculose. Nous avons déjà signalé (fieyue d'hygiène, avril 1901), les bons effets obtenus cliniquement par M. le D’’ A. Josias et par M. Roux, à l’hôpital Bretonneau, par l’emploi de la viande crue, suivant la méthode zomo- thérapique introduite par MM. Richet et Héricourt. Les auteurs ont com¬ plété leurs observations. Le traitement a été appliqué en tout à IC en¬ fants tuberculeux; actuellement quatre peuvent être considérés comme guéris; un va mal; huit sont morts. Mais il faut commenter ces chilï’rc.s. Sur trois tuberculeux au 1“‘' degré on compte 1 guéri et 2 en voie d’amélioj'ation ; au 2° degré, 2 guéris, 1 qui va mal, 1 mort ; au S” de¬ gré, 1 amélioré, 7 morts. Le Iraitemenl par le sérum musculuii-e et la viande ne paraît donc amener de bons résultats que dans le premier stade de la tuberculose, quand on a en face de soi des lésions et des symptômes tenant seulement au bacille tuberculeux. Mais quand la lésion tuberculeuse est envahie par les coloniès microbiennes les plus variées, CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 831 quand l’organisme est infecté par les toxines de la flore des cavernes, le traitement n’a d’ordinaire aucune action appréciable. Les professeurs Cohnil et Ciiantemesse, de Paris, ont exposé le ré¬ sultat d’expériences contradictoires sur les effets de l'alimentation par la viande crue sur l'évolution de la tuberculose expérimenlale. Les expériences de contrôle faites sur celte méthode de trailemenl hygiénique sont encore très rares, en dehors de celles poursuivies dans le laboratoire de M. Richet ; nous croyons devoir donner avec quel¬ ques détails les résultats obtenus par nos savants collègues : (1 Les animaux nourris à la viande cuite ou à la viande crue recevaient en vingt-quatre heures le mémo poids d’aliment. Les chiens étaient par¬ tagés en lots de deux, chaque unité dans les lots ayant même apparence et môme poids. L’un des animaux de chaque couple avait il satiété de la viande cuite ; la quantité qu’il dévorait était mesurée chaque jour ; et le second chien recevait le lendemain une quantité de viande crue égale à celle que le premier avait mangée cuite la veille. Dans chaque couple, le régime du second animal était réglé par le régime du pre¬ mier. La seule différence alimentaire résidait donc dans la cuisson et dans la non-cui.sson de la viande. Encore est-il à remarquer que pour obicnir un kilogramme de viande cuite, il faut environ l,2b0 grammes de viande pesée avant la cuisson ; il en résulte que les chiens nourris il la viande cuite absorbaient pour ce poids égal de nourriture une masse de viande plus considérale que celle fournie à leurs camarades soumis au régime de la viande crue. « Les inoculations de tuberculose ont été pratiquées dans la veine des animaux avec une culture très virulente, tuant le cobaye en six semaines par inoculation sous-cutanée, à la dose d’une anse de til de platine. Tous les chiens ont été inoculés le 18 juin 1900 dans la veine de la patte avec une dose égale d’une môme culture. n Les résultats de ces expériences ont été décisifs. Les chions nourris à satiété avec de la viande cuite ont succombé dans un espace de temps variant entre quatre semaines et trois mois. A l’autopsie ils présentaient des lésions de tuberculose généralisée avec nodules caséeux plus ou moins volumineux. Le foie était frappé de dégénérescence graisseuse avancée. Il Le second animal de chaque couple, celui qui mangeait de la viande crue, était sacrifié aussitôt que mourait son comjiagnon nourri à la viande cuite. Dans tous les cas l’autopsie montrait la conservation d’un notable embonpoint, une dégénérescence graisseuse du foie modérée et aussi de nombreuses productions de tuberculose. Cependant les tuber¬ cules que l’on constatait étaient moins nombreux, moins volumineux et moins caséeux que ceux présentés par les chiens nourris à la viande cuite. Il Nous avons gardé pendant un an, on continuant à ne le nourrir qu’avec de l’eau et de la viande crue (environ 7K0 grammes par jour) un de ces chiens dont le compagnon qui mangeait de la viande cuite avait succombé au bout de cinq mois. Pendant toute l’année, ce chien av, it «32 D' B. VALLIN conservé sa force, son embonpoint et une santé en apparence parfaite, 11 a été tué par le chloroforme. Nous avons trouvé des lésions de la plupart des organes, du poumon, du foie, de la rate et des reins. . . « En résumé, d’après l’aulopsie de ce chien en apparence très bien portant, on peut dire que sa tuberculose était en excellente voie de guérison , mais qu’il avait conservé à la suite de la tuberculose du rein une né¬ phrite double chronique avec atrophie glomérulaire partielle et avec des lésions conjonctivo-vasculaires incurables qui auraient mis ses jours en danger au moindre accident pathologique survenu ultérieurement. « Nous avons tenté chez des animaux frugivores le traitement de la tuberculose expérimentale par l’ingestion de viande crue. Deux singes ont reçu dans les veines une culture de tuberculose très virulente. L’un a été laissé à son régime ordinaire; il a succombé au bout de vingt-trois jours il une tuberculose généralisée. Le second avait pris quinze jours avant l’inoculation et avait continué depuis ce moment à no manger que de la viande crue. Cette nourriture ne lui souriait pas et il n’en prenait chaque jour qu’une petite quantité. Cependant, grâce à son régime ali¬ mentaire, il a survécu à l’inoculation pendant quarante-neuf jours. « Il résulte de ces expériences que l’utilité du régime de la viande crue pour le traitement de la tuberculose ne réside pas dans un phé¬ nomène de suralimentation pur et simple, mais qu’elle repose sur une qualité particulière, anti-tuberculeuse, de l’aliment. M. SA.MUEL Bernheim, sans méconnaître l’importance si bien établie par Brehmer d’une alimentation réparatrice dans le traitement de la tuber¬ culose, dit qu’il faut tenir grandement compte des facultés digestives, de l’hypo-acidité ou de l’hyperacidité des sels gastriques chez les malades, et diriger avec prudence le régime. Il combat le régime carné exclusif, parce que ces aliments contiennent, dit-il, une quantité infime des sels et des acides indispensables à la restauration de l’organisme et à la vila. lité du tuberculeux. Diverses questions de pathologie, de pathogénie, de diagnostic et de thérapeutique ont été traitées et discutées dans cette section et ont pro¬ voqué des observations intéressantes de la part de plusieurs de nos com¬ patriotes, en particulier de MM. Bouchard, Landouzy, Letulle, Béclérc, Léon Bonnet, Mosny, Bernheim, Tabary et Haushaltcr, etc.; nous ne pouvons nous y arrêter sans soiâir du cadre de cette lierue. Nous nous bornerons à signaler les travaux suivants, ayant traita l’étiologie -et à la pathogénie. Sous ce litre : La prophylaxie de la luberculose pulmonaire par lu connaissance de son terrain, MM. les D’’'* Albert Roiii.n et Maurice Binet ont donné le résume de la communication faite récemment sur ce sujet à l’Académie. D’après les auteurs, l’exagération des échanges res¬ piratoires est l’une des conditions de terrain qui prédisposent à la phtisie; c’est l’aptitude de l’organisme à consommer trop d’oxygène, à en fixer trop dans les tissus, à produire trop d’acide carbonique, en un mot à se consumer d’une façon exagérée. Les auteurs ont analysé les échanges respiratoires de 28 descendants CONGRÈS Dlï LA TUBERCULOSE A LONBRES 833 de tuberculeux paraissant jouir d’une bonne santé et âgés de 13 à 50 ans. Ils ont trouvé ces échanges : exagérés dans 01,9 p, 100 des cas, nor¬ maux dans .33,3; abaissés dans 4,8 p. 100 ; c’est-à-dire que sur 10 des¬ cendants de phtisiques 6 présentent un terrain favorable à la contagion. D’autre part, cette suractivité des échanges respiratoires peut être acquise par le surmenage, l’alimentation insuffisante, l’alcoolisme, l’in¬ somnie, les veilles prolongées ; ils l’ont constatée chez 92 p. 100 des phtisiques avérés, et ce caractère peut aider à réaliser le diagnostic précoce de la tuberculisation pulmonaire. Au point de vue de la prophylaxie comme au point de vue du traite¬ ment, il y a avantage à instituer un régime ayant pour but de res¬ treindre le pouvoir de l’organisme de fixer trop d’oxygène et de faire trop d’acide carbonique : les arsenicaux, les tanniques, l’huile de foie de morue remplissent parfaitement cette indication. De meme qu’on vaccine contre les diverses infections, il y a lieu de traiter préventivement, chez les individus qui semblent prédisposés, l’aptitude à contracter la tuberculose. M. le D'' Mosny dit que les parents tuberculeux ne transmettent à leurs enfants, ni la tuberculose, ni la prédisposition spécifique à la contami¬ nation bacillaire, ni une immunité à l’égard de ses atteintes; mais la tuberculose des parents exerce sur les produits de la conception une action semblable à celle qu’exercent les intoxications ou infections chro¬ niques (alcoolisme, saturnisme, la syphilis) ; les rejetons héritent d’une véritable débilité, d’une tendance dystrophique comparable à ce que M. le professeur Fournier appelle l’hérédité atypique indifférente. C’est cette tendance que M. Morny désigne sous le nom de hérédo-dyslrophie para-tuberculeuse. Ces rejetons de tuberculeux, débiles des là nais¬ sance, plus éprouvés que d’autres par les échéances de la croissance, semblent être prédisposés à l’infection bacillaire parce que les risques de contagion sont multipliées à l’infini par le contact immédiat et inces¬ sant avec des parents contaminés, et parce que leur organisme débilité offre moins de résistence à l’infection. D’après M. le D’’ Mignon, professeur au Val-de-Gràce, le rôle des fosses nasales dans la prophylaxie de la tuberculose mérite l’attention des médecins et des chirurgiens. L’air est le véhicule des bacilles tuber¬ culeux ; ces bacilles sont d’ordinaire arrêtés par les mucosités et les cils vibratiles de la muqueuse si étendue des fosses nasales et du vesti¬ bule. La clinique montre que les fosses nasales sont plus réfractaires à la tuberculose que tout le reste de l’arbre respiratoire et que la cavité bucco-pharyngée. Quand les fosses nasales sont obstruées par des végé¬ tations adénoïdes, par des déviations de la cloison, des rhinites, etc., on respire directement par la bouche, et les voies respiratoires sont moins bien protégées. L’insuffisance nasale entraîne en outre l’insufti- sance de l’hématose. Il est donc d’une bonne prophylaxie de faire cesser par une opération ou un traitement approprié les obstructions des voies nasales. UEV. D’HYG. xxul. — o3 Df E. VALLIN III“ SECTION. — Pathologie et bactébio'.ogie. Sous la présidence de sir Richard Douglas Powell , la deuxième et la troisième sections se sont réunies pour discuter plusieurs questions, dont la plus importante a été la valeur de la tuberculine au point de vue diagnostique et thérapeutique chez l’homme et chez les animaux. Le D'' Héron rappelle l’enthousiasme et les déceptions qu’a causés la proclamation faite en 1890 par Koch, des propriétés révélatrices et cura¬ trices de la tuberculine. L’opinion exprimée par Virchow, peu de temps après, que la tuberculine produit la destruction des tissus autour des mas.ses caséeuses, ne lui semble pas justifiée d’après les 2,000 cas où M. Héron a employé la tuberculine, soit comme agent curatif, soit surtout comme moyen de diagnostic. Son opinion paraît encore hésitante sur sa valeur thérapeutique, mais la tuberculine a l’avantage énorme de révéler chez l’homme l’existence de la tuberculose à l’époque où elle est le plus curable. Dans ces conditions, l’injection n’ofîre pas de danger. Le professeur Koch dit que 97 à 98 fois sur 100 une seule injection chez les animaux suffit à affirmer le diagnostic. Chez l’homme de même une seule i.ijectionde un dixième de milligramme est suffisante, et sans danger; on ne doit dans certains cas faire une seconde injection que lorsque la température est redevenue tout à fait normale. Gomme les paroles qu’il a dites à celte occasion ont été, suivant lui, mal reproduites, Koch a envoyé une note rectificative publiée dans le British medical Journal du 3 août, p. 319, et dont voici la traduction : « La tuberculine, qui est maintenant partout employée, dérive de la tuberculose humaine; il semble donc qu’il y ail une certaine contra¬ diction dans ce fait que la tuberculine, dérivée de la tuberculose humaine, donne des réactions chez les bovidés, bien que la tuberculose des bovidés soit incontestablement différente de celle de l’homme. Celte contradiction n’est qu’apparente , et ce ne n’est pas un exemple isolé. Je puis citer l’action agglutinative du sérum d’hommes atteints de fièvre typhoïde sur les cultures pures de bacille typhoïde , ce qu’on appelle la réaction de Widal. Cette réaction n’est pas absolument spécifique. On a dit que le sérum des malades typhoïdes exerce une action agglutinante non seule¬ ment sur les bacilles typhoïdes mais aussi sur certains coli-bacilles qu’on a de ce fait appelés bacilles paratyphoïdes. Nous avons encore ici affaire non pas avec des réactions absolument limitées, mais plutôt avec un groupe de réactions. « Nous avons étudié diverses sortes de tuberculine , d’abord celle pro¬ venant du bacille tuberculeux de l’homme, puis celle provenant du bacille de la tuberculose bovine , et finalement celle de la poule. Celle dernière donne des réactions chez le bœuf comme chez l'homme, quoique beaucoup plus faibles. « Quand nous voyons que la tuberculine a des propriétés de celle sorle, c’est sans doute qu’il s’agit de propriétés chimiques. « J’ai écoulé avec beaucoup d’intérêt l’exposé des recherches de CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 838 M. Eric France*. Je les considère comme très importantes. Autant que je sache , c’est la première fois que de telles recherches aient été faites sur l’homme et en même temps vérifiées par l’autopsie. Vous avez entendu que pas une seule exception à la règle ne s’est rencontrée soit chez ceux qui ont réagi, soit chez les autres... <1 J’ai encore à parler d’un autre point qui me paraît avoir beaucoup d’importance. On a souvent cité des faits qui semblaient montrer que le traitement par la tuberculine et la cure de plein air étaient opposés l’un à l’autre. Le temps ne me permet pas de traiter cette question, mais il me semble évident qu’on doit user de tous les avantages qu’offrent les divers traitements et autant que possible les combiner. Je suis convaincu que dans l’avenir le traitement de la tuberculose ne sera pas exclusif, que ni la tuberculine, ni le plein air, ni aucune méthode de traitement ne doit être employée seule; on peut tirer du bénéfice de leur association, et je recommande de les combiner le plus étroitement possible. » Une assez longue discussion a suivi les deux communications de M. Héron et de M. R. Kocli ; elle n’a amené aucune conclusion pouvant servir de contribution à l’hygiène. Il en est de même d’une discussion intéressante entre .MM. Benda, A. Moeller, Bulloch, Marmorek, Mac Weeney, Kossel, etc., sur les variétés morphologiques du bacille tuberculeux , mais qui ni rentre pas dans le sujet de nos études. Une communication de M™" Lydia Rabinowitscii , publiée depuis in extenso dans la Zeitschrift für Hygiène , de Koch (p. 4.39) Sur l'infec¬ tiosité des vaches tuberculeuses, etc., a ramené une question qui ne sera pas de longtemps épuisée. On connaît déjà les nombreux travaux (jue M"’” Rabinowitsch a publiés depuis plusieurs années sur ce sujet. Elle a de nouveau examiné le lait de dix vaches que des vétérinaires très auto¬ risés avaient déclarées atteintes de tuberculose mammaire. Le lait de la plupart de ces vaches ne contenait aucun bacille tuberculeux, et l’examen bactériologique et histologique de la glande n’y a pas fait reconnaître de tubercule. Dans d’autres cas, c’est le contraire qui s’est produit. Elle cite un cas observé par M. Delépine , où la glande mammaire était réel¬ lement tuberculeuse, et où cependant le lait ne contenait pas le bacille. Ces cas, après tout, ne nous paraissent pas très surprenants; il n’y a d’ordinaire pas de bacilles tuberculeux dans les crachats d’un individu dont les tubercules pulmonaires ne sont pas ramollis. Sans nier la grande utilité du harpon conseillé et employé par M. No- card, M"" Rabinowitsch pense avec Kühnau que ce procédé ne donne pas une certitude absolue. Suivant elle, la clinique est incapable de faire 1. Les expériences de Jl. France, de Claibury, ont clé faites sur des aliénés dans un asile. Il a inoculé 35 individus, dont 20 qui n’étaient nullement tuber¬ culeux n’ont donné aucune réaction. Sur 55 sujets suspectés, 45 réagirent; de ces derniers, 34 sont morts depuis, et l’on a pu faire l’autopsie 29 fois; 29 fois on trouva une tuberculose en évolution. Des 11 sujets encore vivants, 6 sont évidemment tuberculeux. M. France en conclut que la valeur diagnostique de la tuberculine est énorme. — E. V. D' E. VALLIN le diagnostic rigoureux de la inammite tuberculeuse ; on n’arrivera à déraciner la tuberculose du bétail et à empêcher la propagation de celle de l’homme qu’au moyen de l’épreuve par la tuberculine; c’est le meil¬ leur moyen d’écarter le danger si considérable provenant de l’usage alimentaire du lait des vaches atteintes de tuberculose mammaire. D’après le professeur Mac Weeney, de Dublin, la mastite tubercu¬ leuse est rare ; il a fait des expériences sur seize vaches qui réagissaient à la tuberculine ; on ne trouvait de bacilles tuberculeux que dans les cas où la glande mammaire était vraiment tuberculeuse ; quand , en dehors de ces cas, on rencontre dans le lait le bacille spécifique, c’est qu’il y a été introduit accidentellement par les crachats, des bidons malpropres, etc. Le professeur Nocard, d’Alfort, signale le danger causé par la mau¬ vaise habitude qu’on a, dans les pays où l’on fabrique du beurre et du fromage, de donner les résidus de cette fabrication aux veaux et aux porcs; il y a là très souvent une cause d’infection, surtout pour les porcs. Il croit que le lait non bouilli est extrêmement dangereux poul¬ ies enfants, et si en Angleterre la tuberculose abdominale a augmenté de il p. 100 chez les enfants, c’est sans doute à la souillure du lait par le bacille tuberculeux qu’il faut imputer ce résultat. Le professeur Hamieton , d’Aberdeen , soulève la question de savoir si un veau peut devenir tuberculeux quand il est allaité par une vache tuberculeuse, mais ayant les glandes mammaires saines. Le D'' Ravenel, de Philadelphie, a inoculé des cobayes avec le lait mélangé de cinq vaches tuberculeuses, mais qui avaient les glandes mammaires saines; 12,5 p. 100 de ces cobayes moururent de tuberculose. En Pensylvanie, on a recours en principe à l’épreuve de la tuberculine, mais on fait périodiquement des analyses bactériologiques du lait et le vétérinaire fait de temps en temps des inspections. Le professeur Woodhead, de Cambridge, pense que dans les expé¬ riences sur la virulence du lait, il vaut beaucoup mieux l’injecter dans le péritoine que de s’en servir pour alimenter les animaux en expérience. Quand une vache a une mastite et qu’elle réagit à la tuberculine, son lait doit être prohibé ou tout au moins stérilisé. Il a la conviction que l’usage alimentaire de lait tuberculeux peut rendre les amygdales tuber¬ culeuses , même dans les cas où la muqueuse de l’intestin résiste aux bacilles. Le professeui- Rang, de Copenhague, dit qu’on n’a pas le droit de condamner le lait d’une vache qui réagit à la tuberculine, si ses glandes mammaires sont saines, ni même s’il n’est pas prouvé qu’un engorge¬ ment de la glande est de nature tuberculeuse. Sur 63 vaches ayant une tuberculose avancée mais des glandes saines, 9 seulement fournissaieni un lait capable de déterminer des lésions chez les cobayes , et une fois seulement le cobaye mourut. Dans une séance ultérieure, M. Rang a fixé à -f 85° la tompéralure minimum nécessaire pour détruire le bacille tuberculeux dans le lait; le grand danger est que la mousse du lait n’atteint jamais la température du lait lui-même. CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 837 Le D’’ Kossel a Irouvé de son côté qu’il fallait au moins 90° pour stériliser le lait sur une grande échelle , et que cette température n’em¬ pêche pas d’utiliser ce lait pour faire du beurre ou du fromage. Le professeur Delépine insiste sur ce fait qu’une ébullition de très courte durée ne peut réellement luer les bacilles, et que la température nécessaire est très voisine de -f- 100° G. M. William Brown lit un mémoire Sur l’examen des carcasses des bêles abattues en cas de tuberculose, et il fait passer sous les yeux des assistants une centaine de projections photographiques représentant les altérations tuberculeuses des différentes parties du corps de ces animaux livrées à la boucherie. M. le D*' Ravenel , de Philadelphie, lit un long mémoire, publié i/i extenso dans la Lancet du 10 et du 17 août (p. 349 et 443), Sur la virulence comparée des bacilles tuberculeux d'ongine humaine ou bovine. Ce travail, d’une très grande étendue, et résumant de très nombreuses expériences faites au laboratoire du Conseil sanitaire de Pensylvanie, a pour but de vérifier .si les deux bacilles sont identiques; c’est Te complé¬ ment des recherches de plusieurs bactériologistes des Etats-Unis, Théo- bald Smith, R. Dinwiddie, Leonard Pearson, etc., publiés sur le môme sujet de 1896 à 1899. Les expériences comprennent deux séries ; 1° l’isolalion et l’étude des cultures de diverses sources dans l’homme et le bétail ; 2° la démonstra¬ tion du pouvoir pathogénique de la matière tuberculeuse d’origine humaine ou bovine. Les expériences de la première série ont porté sur 13 cultures, dont 7 provenant du bacille humain et 5 du bacille du bœuf; les cultures et sous-cultures pures furent inoculées à des cobayes, des lapins, des chiens, des chèvres, des chevaux, etc., et de nombreux tableaux donnent le détail des résultats obtenus par le passage sur ces divers animaux. Ces résultats, et en particulier ceux du tableau IV, montrent que toutes les cultures bovines ont une plus gi-ande virulence que celles d’origine humaine. La durée moyenne de la survie chez les cobayes inoculés avec le bacille de l’homme était plus de deux fois supérieure (79 jours 3/4) à celle des animaux inoculés avec le bacille du bœuf (39 jours 1/3). Tous les lapins qui reçurent des cultures provenant de l’homme continuèrent à gagner du poids et on fut obligé de les luer, tandis que ceux qu’on inocula avec des cultures du bœuf maigrirent et moururent, présentant à l’autopsie des lésions très étendues des pou¬ mons et des reins. Ajoutons cependant que les cobayes inoculés avec le bacille humain perdirent le plus souvent la moitié de leur poids et mou¬ rurent de tuberculose au bout do deux mois environ ; le bacille humain est donc plus virulent pour les cobayes que pour les lapins. iv° SECTION. — Tuberculose xhez les animaux. Il y a lieu de remarquer que la première séance de cette section a eu lieu dans la matinée du 23 juillet, c’est-à-dire quelques heures avant la ü” E. VALLIN conférence sensationnelle de R. Koch. C’est dans cette séance que, par suite d’une indiscrétion accidentelle, on apprit très sommairement que Koch devait proclamer que la tuberculose des animaux n’est pas trans¬ missible à l’homme. 11 en résulta un grand émoi, et notre collègue M. Piocard eut un entretien à ce sujet avec lord Lister, lui montrant le danger de laisser passer sans protestation une déclaration semblable dans une séance publique où se trouveraient réunies toutes les notabi¬ lités de l’Angleterre et des autres pays de l’Europe. D’autre part, une conférence d’apparat ne peut en principe donner lieu à aucune discussion, d’autant plus que personne, en dehors d’un très petit groupe de savants allemands, ne savait exactement ce que R. Koch allait dire. Pour répondre à l’illustre savant, il fallait improviser une réfutation immé¬ diatement après la lecture faite par Koch, en anglais, de son discours traduit dans cette langue, qui ne lui est pas complètement familière. 11 fallait donc être parfaitement sûr de sa parole et avoir un sens critique exceptionnel pour oser tenter une improvisation devant un tel publie. Lord Lister et notre savant collègue M. Nocard ont eu ce courage, et dans les applaudissements ([ui ont accueilli leurs discours, une bonne part s’adressait au talent des orateurs qui avaient accompli ce véri¬ table tour de force, sans manquer aux règles de la plus parfaite courtoisie. La première séance de la section est présidée par sir GEonou Brown. Elle est ouverte par une communication du professeur Dewar, prin¬ cipal du Collège royal vétérinaire d’Edimbourg, sur le diagnostic de la tuberculose chez les animaux. Le diagnostic symptomatologique est difficile: 75 fois sur 100 la tuberculose débute par les organes thora¬ ciques. L’examen bactériologique doit porter non seulement sur le lait, mais sur le mucus du nez, de la bouche ; c’est surtout dans la glande mammaire postérieure qu’il faut cherclier l’induration tuberculeuse, qui existe 3 fois pour 100 chez les vaches atteintes de tuberculose, et on retire un grand profit du harponage recommandé par Nocard. C’est la tuberculose qui éclaire le mieux le diagnostic et l’auteur indique quelques règles à suivre dans son emploi. M. Nocard dit que la tuberculine donne des résultats presque infail¬ libles; il donne des détails sur le diagnostic de la tuberculose de la mamelle et de l’utérus et sur l’emploi du harpon. Le D‘' Malm (de Norvège), qui depuis 1891 fait un usage constant de la tuberculine, recommande de prendre la température toutes les heures, ou au moins toutes les deux heures après l’injection. Il emploie la tuber¬ culine de Koch de 1890 et il en administre de 50 centigrammes à 1 gramme chaque fois. Le professeur Scuutz, de Berlin, le collaborateur de Koch dans ses expériences sur la transmission de la tuberculose de l’homme aux ani¬ maux, est d’avis que le diagnostic microscopique de la tuberculose est beaucoup moins facile chez les animaux inférieurs que chez l’homme ; la caséification en particulier est mal accentuée chez les porcs et les mou¬ tons. Dans les glandes mammaires de la vache, l’apparence histologique CONGBÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 839 est celle d’une mammite chronique bien plus que celle du tubercule ordi¬ naire. Dans le lait lui-niôme, on peut trouver d’autres bacilles qu’il est difficile de distinguer de ceux du tubercule et dont on ne peut recon¬ naître la nature que par l’inoculation aux cobayes. Dans les expériences sur les animaux artificiellement infectés, il a constaté que la susceptibi¬ lité et la réaction à la tuberculine a une période latente, puis elle aug¬ mente tout d’un coup et tombe graduellement. Le D'' Banc est d’accord avec M. Nocard quant à l’importance de l’examen clinique de l’utérus et dos mamelles. Il ne partage pas l’avis de M. Schütz sur le diagnostic microscopique, et il déclare que sur 100 vaches dont le lait est reconnu tuberculeux par l’examen micros¬ copique on en trouve 99 qui ont de la tuberculose des glandes mam¬ maires. M. Mac Fadvean attribue plus de valeur que ne le fait M. Dewar en diagnostic bactériologique, et pense que ce diagnostic peut être plus précoce chez les bovidés que chez l’homme. Dans 80 pour 100 de oes cas peu avancés, la tuberculine est seule concluante ; le harponage n’est pas facilement accepté en Angleterre. Il croit que M. Malm exagère un peu l’infaillibilité de l’épreuve par la tuberculine; les expériences faites eu France et en Angleterre montrent que les vaches artificiellement tuber- culisées ne réagissent d’ordinaire que cinquante jours après l’inocu¬ lation. D’après M. Arloing, de Lyon, tandis qu’une dilution de 1 p. 10 à 1 p. IC donnerait la réaction de l’agglutination avec le sérum d’animal tubereuleux, on n’obtiendrait cette réaction avec le sérum non tubercu¬ leux qu’avec une dilution variant de 1 sur t à 1 sur 4-. Cette réaction a une grande valeur, particulièrement dans les cas de fraude pour mas¬ quer les résultats donnés par la tuberculine. Le professeur Mac Eachran (de Montréal) est d’avis que les erreurs, dans l’emploi de la tuberculine au Canada et aux Etats-Unis, n’attei¬ gnent pas 2p. 100. La tuberculose des mamelles est plus rare et la tuber¬ culose de l’utérus plus fréquente qu’on ne le croit généralement. M. John Dollar, de Londres, en lisant une note sur la tuberculose et la consommation du lait, offre l’occasion do discuter l’adresse du pro¬ fesseur Koch, dont on a pu entendre ou lire le texte la veille. Il com¬ mence par discuter les rapports entre la tuberculose bovine et celle de l’homme. La déclaration de M. Koch lui parait prématurée et inoppor¬ tune. Pour obtenir la trtmsmission de la tuberculose bovine à l’homme, il faut une certaine concentration des bacilles tuberculeux dans le tube digestif ; c’est pour cela que la tuberculose primitive de l’intestin est rare chez l’adulte comme chez l’enfant. Il met en garde ses auditeurs contre celle assertion que la chèvre est réfractaire à la tuberculose et qu’à cause de cela il est préférable de donner du lait de chèvre aux enfants. Nocard a démontré qu’on provoque très bien le développement de la mammite tuberculeuse chez la chèvre en lui injectant du lait lubercu- 840 D-^ E. VALLIN leux sous la peau des trayons ; il en est de môme chez l’àne et le mouton. M. Dollar discute les méthodes en vue d’empêcher la trans¬ mission de la tuberculose chez l’homme par le lait, à savoir la pasteuri¬ sation et la stérilisation. Le meilleur système est celui qui consiste à n’utiliser que des vaches laitières qui n’ont pas réagi à la tuberculine. Il expose la législation concernant le commerce du lait proposée par l’ünion laitière allemande. M. Montepiore (Belgique), au contraire, dit qu’en Belgique il a été presque impossible d’inoculer la tuberculose aux chèvres; il voudrait que dans les sanatoriums on entretînt des chèvres dans les étables pour en donner le lait aux tuberculeux. MM. Bence Jones et Laithwood proposent l’adoption de vœux récla¬ mant entre autres choses la déclaration obligatoire par le propriétaire de tout cas de tuberculose des mamelles. Ces propositions sont écartées pour le moment et pourront être présentées à la séance générale de clô¬ ture du Congrès. M. Bang dit qu’en Danemark sur 100 vaches qui paraissent atteintes de tuberculose mammaire et dont le lait envoyé à son laboratoire conte¬ nait le bacille, 99 furent reconnues tuberculeuses à l’abattoir. Sur 100 vaches tuberculeuses qui avaient les glandes mammaires en appa¬ rence saines d’après l’examen clinique, 14 fois seulement ce lait injecté à des cobayes les rendit tuberculeux. M. E.-G. Easton, membre du conseil du Comté de Londres, ne croit pas que la tuberculose des bovidés soit transmissible à l’homme. 11 con¬ sidère comme une absurdité de faire bouillir le lait. Le professeur Rookshank, de Londres, ne saurait admettre les con¬ clusions de R. Koch ; lui-méme a prouvé il y a peu d’années que l’on pouvait transmettre aux bovidés la tuberculose de l’homme, et Koch n’a pu prouver que la tuberculose des bovidés ne pouvait être inoculée à l’homme., Il n’y a donc pas lieu de se relâcher de la sévérité des mesures prises contre le danger de la viande et du lait des animaux tuberculeux. Cette opinion est ])artagée par M. Mac Fadvean. Dans la séance du 25 juillet, dans la môme section, M. James King, vétérinaire inspecteur de la cité de Londres, a traité de la tuberculose dans ses rapports avec la fourniture de la viande. La tuberculose du bétail est une cause de ruine pour le bouclier comme pour le fermier ; comme il est très difficile à l’expert de reconnaître et de saisir la viande tuberculeuse provenant des pays étrangers, c’est l’éleveur anglais qui en souffre le plus. Il donne une statistique intéressante, qu’on trouvera dans la Lancet du 27 juillet, p. 245, où est reproduite in extenso la communication importante de M. King. Il a eu l’occasion d’examiner à l’abattoir des bêtes de choix qui avaient été présentées aux principales expositions ; il a fallu plusieurs fois condamner des parties de cette viande comme infectées par la tuberculose. Depuis dix ans qu’il est vété¬ rinaire inspecteur de grands marchés, il arrive à cette conclusion, que de plus en plus les bouchers demandent de la viande à l’étranger, tandis CONOnÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 841 qu’il y a diminution de la fourniture indigène; la raison alléguée est que la viande du bétail indigène est trop souvent saisie comme tubercu¬ leuse et que la perte est excessive. Dans deux tableaux très détaillés, l’auteur clierclie à évaluer la perte annuelle en bétail et en argent, par tuberculose, à Londres et en Angleterre. Citons simplement ce chiffre, que sur üOO vaches abattues, examinées à l’abattoir, il on a trouvé .'53,2 p. 100 dont les « cai’casses » étaient complètement libres de tuber¬ culose et 46,8 qui étaient tuberculeuses. Sur ce nombre, 35 carcasses (7,0 p. 100) ont été complètement détruites et 32 (6,4 p. 100) l’ont été partiellement. Par contre, sur 100 veaux, il y en avait 98,72 p. 100 parfaitement sains et seulement 1,27 p. 100 qui contenaient des tubercules; on n’en a détruit totalement que 0,21 p. 100, et 0,21 p. 100 partiellement. En con¬ cluant, il demande pendant combien de temps on laissera persister cette situation, sans qu’on prenne les mesures nécessaires pour extirper ou même réduire les ravages de cette maladie. MM. Bowen Jones et W. Cooper voudraient que des règlements apportassent plus d’uniformité dans les saisies, certains inspecteurs ne condamnant que les viandes où l’infection tuberculeuse est générale, d’autres saisissant même quand l’infection est limitée; ils voudraient qu’en cas de saisie, on indemnisât le propriétaire. M. W. Fieed se plaint de ce que les inspectéurs de la viande ont très souvent une compétence insuffisante ; on en choisit parfois qui étaient antérieurement jardiniers, plombiers, moissonneurs, etc. La question de l’uniformité des saisies comme celle de l’indemnité au propriétaire revient ici comme dans tous les congrès vétérinaires. Elle n’a pas abouti cette fois plus que les autres. La dernière séance de la section était consacrée à l'élude des mesures législatives pour contrôler et extirper la tuberculose des animaux. Le professeur Duncan Max Eachran (de Montréal) a lu sur ce sujet un long mémoire qui est reproduit in extenso dans la Lancet, du 3 août, p. 279. C’est une question trop spéciale pour que nous puissions donner le résumé de ce travail. M. Nocard a fait ensuite une communication sur la tuberculose des bovidés, ses dangers, ses progrès, sa prophylaxie. Il demande l’isole¬ ment précoce des bêtes reconnues malades, l’envoi à l’abattoir des bêtes dont la tuberculose est cliniquement démontrée ou qui sont atteintes de mammite tuberculeuse, avec interdiction de la vente de ces bêtes sur pied, la pasteurisation de tous les sous-produits de la fabrication du beurre et du fromage; d’autre part, répondant aux affirmations de Koch, il déclare que la ressemblance entre les deux tuberculoses ne peut être niée ; des vétérinaires, des bergers ont été contaminés par des bêtes malades et réciproquement ; la viande des animaux tuberculeux n’est que rarement et faiblement dangereuse, néanmoins l’inspection est indispensable si les règlements actuels étaient bien appliqués, ils seraient suffisants ; malheu¬ reusement ils sont niid oh.serves. D' E. VALLIN JL F. -J. Lloyd, chimiste à la Dairy Farmers’ Association, affirme, en contradiction avec M. Nocard, qu’il est tout à fait impossible de faire du fromage avec du lait stérilisé. La fabrication du fromage détruit d’ail¬ leurs toujours le bacille tuberculeux. En Danemarck, la pasieurisatioii du beurre donnerait un produit meilleur et plus uniforme. Il reconnail d’ailleurs que la stérilisation du lait donne des garanties non seule¬ ment contre le danger de la tuberculose, mais contre celui do la scar¬ latine et des autres maladies infectieuses. S’il est vrai que le lait d’une vache tuberculeuse ne renferme que rarement le bacille tuberculeux, il le renferme quelquefois, et alors le danger est considérable ; il faut donc éliminer les vaches atteintes de mammite tuberculeuse, les isoler, ne vendre leur lait qu’après l’avoir fait bouillir et faire inspecter les étables de vaches laitières par dos vétérinaires. Le professeur Tiiomassen, d’ütrecht, a fait en français une communi¬ cation très intéressante, qui est une excellente réfutation des opinions émises par Koch, et qui malheureusement n’a été faite qu’à la dernière heure du Congrès. 11 cite quatre cas d’inoculation de tubercule humain à des veaux; chez deux de ces animaux, l’infection ne réussit pas dans un cas et dans l’autre on ne trouva, au bout de plusieurs mois, que des granulations indurées dans les poumons ou sur la plèvre. Jlais dans un cas le veau, d’abord bien portant, contracta une diarrhée qui n’était peut-être qu’accidentelle et qui l’affaiblit beaucoup ; à partir de ce moment, l’infection tuberculeuse qui avait été produite par inoculation dans la chambre antérieure de l’œil, fît des progrès considérables et quand l’animal mourut, tous les organes étaient farcis de tubercule; les gan¬ glions lymphatiques de la face, et en particulier au voisinage de l’u'll inoculé, formaient un chapelet de masses tuberculeuses. Il eût été inté¬ ressant de pouvoir oppo.-er ce cas à ceux de JIJI. Koch et Schütz. Après. quelques autres communications de JIM. PonTEii, Pentla.nu, Edgard, Hüxti.vg, etc., la séance est levée et les remerciements sont votés à sir George Brown, qui a présidé les travaux de cette section avec autant de correction que de fermeté. SÉANCE DE CLÔTURE Dans la séance de clôture, présidée par lord Derby, qui a eu lieu le 20, les résolutions suivantes, qui résument les discussions des sections, ont été mises aux voix et adoptées. L’on trouvera le texte complet dans le Uritish medical Journal, 3U, et dans la Lancet, p. 302; nous en donnons ici le texte un peu abrégé, avec les noms de ceux qui ont présenté ces conclusions : 1" Les crachats tuberculeux sont le principal moyen de transport de virus d’homme à homme ; on devrait donc supprimer l’habitude de craclicr partout (JI. Jlalcolm Jlorris); 2° Chaque hôpital ou dispensaire devrait délivrer à chaque malade extérieur souffrant de phtisie, un feuillet imprimé contenant des inslruc- CONGRÈS DE LA TUBERCULOSE A LONDRES 8i3 lions prophylactiques, et lui fournir un crachoir de poche (G. Sims- Woodhead et Sir William Broadbenl) ; 3' Le succès déjà obtenu par la déclaration volontaire des cas de tuberculose avec expectoration tuberculeuse a facilité les mesures pré¬ ventives, et fait désirer que cette déclaration soit répandue et encouragée dans tous les districts où une organisation sanitaire efficace permet l’adoption des mesures qui en sont la conséquence (James Niven et Cliffort Allbull) ; 4» La création do sanatoriums est une partie indispensable des moyens nécessaires pour la diminution de la tuberculose (Sir John Burdon-San- derson) ; 5* A la lumière des travaux présentés dans ses séances, le Congrès est d’avis que les médecins sanitaires (medical officers of health) doivent continuer à user des pouvoirs qui leur sont conférés et à ne pas se re¬ lâcher de leurs efforts pour prévenir ^extension de la tuberculose par l’emploi du lait et de la viande (Sir Herbert Maxwell et lord Spencer); ()' En raison des doutes jetés sur l’identité de la tuberculose humaine et de la tuberculose bovine, il est nécessaire que le Gouvernement soit sollicité d’instituer immédiatement une enquête sur cette question, qui est d’importance vitale pour la santé publique et a de grandes conséquences pour l’industrie agricole (D™ Héron, P. Lloyd et Farquharson) ; 7- Il faut encourager et aider de toutes façons l’œuvre éducatrice des grandes sociétés nationales pour la prévention de la tuberculose. C’est par elles que l’opinion publique peut être éclairée, et que les mesures prophylactiques peuvent être secondées et facilitées (Sir James Crichlon- Browne) ; 8» Le Congrès est d’avis qu’il faut créer dans chaque pays un Comité national permanent, dont les membres, élus par les grandes sociétés de prophylaxie, seront nommés par le Gouvernement, pour assurer l’exécu¬ tion des mesures de prévention de la tuberculose ; toutes les sociétés na¬ tionales et internationales doivent être invitées à coopérer dans le môme but (Sir William Broadbenl et Brouardel) ; 9° L’encoinbremeni , l’aération insuffisante, l’humidité, l’insalubrité générale des logements de la classe laborieuse diminuent les chances de guérison de la tuberculose, favorisent l’éclosion et l’extension de la ma¬ ladie (Crookshank et Th. Williams); 10" Tout en reconnaissant la grande importance des sanatoriums pour combattre la tuberculose dans tous les pays, les Gouvernements devraient attirer l’attention des sociétés charitables et philanthropiques sur l’utilité de la création des dispensaires antituberculeux destinés aux classes in¬ dustrielles et indigentes (Calmette et Brouardel) ; H" Que le prochain Congrès fasse étudier la question suivante : Des conditions constitutionnelles qui prédisposent ii la tuberculose et des moyens de modifier cette prédisposition (Albert Robin et Sir VVilliam Broadbenl). Après le vote de ces conclusions, lord Derby prononça la clôture du Congi-és ; des remerciements furent votés aux Présidents du Congrès et 8i.l REVUE DES UONGRÈS des sections, ainsi qu’aux Comités d’organisation et aux secrétaires gé¬ néraux. Exposition au Hmëum. En même temps que le Congrès, l’on avait préparé dans le Muséum de Queen’s Hall une exposition fort intéressante comprenant trois sections : 1" Une section de bactériologie et d’anatomie pathologie, à la fois rétrospective et riche en documents récents; le professeur R. Koch y expose des sous-cultures provenant des cultures originales de la mémo¬ rable découverte du 15 août 1881, et plus loin les préparations d’organes des animaux ayant servi aux récentes expériences de Koch et de Schülz sur la non transmission de la tuberculose humaine aux animaux, etc.; 2“ une section de statistique et un grand nombre de documents, do pièces, d’appareils, concernant le diagnostic, le traitement et la prophy¬ laxie de la tuberculose; 3» enfin, une exposition des plans, dessins, pho¬ tographies, graphiques faisant connaître pour chaque pays les sanato¬ riums, dispensaires, hôpitaux spéciaux à l’usage des tuberculeux, leur mode de fonctionnement, les résultats obtenus. Grâce à l’initiative et à l'activité de MM. Landouzy et Letulle, qui se sont prodigués au dernier moment, la France a pu être représentée d’une façon honorable dans cette Exposition improvisée. Les membres du Congrès ont visité avec le plus grand intérêt le Musée d’hygiène de Parkes (Margai'et Street) où ils ont été reçus par le prési¬ dent, D’’ Wynter Blyth et par le secrétaire, le D‘' White Wallis. Les principaux délégués de chaque nation (MM. Brouardel, Bouchard et Nocard pour la France) ont été reçus par le roi Edouard VII le 2S, ii Saiût-James’s Palace. Un grand nombre d’autres réceptions ont eu lieu, en particulier chez le Pré.-ident du Conseil; par le lord-maire à Mansion- Ilouse; chez le comte et la comtesse de Derby à Kensington; par Sir J. Wiltaker Ellis et lady Ellis en garden-party à Richmond ; chez M. le ducetM‘"“ la duchesse de Northumberland en garden-party à Syon-House (Isleworth) ; au Jardin Botanique royal de Regent’s Park par les dames du Comité de réception, etc. Un grand diner a été donné le 26 aux vice-présidents et délégués étrangers, sous la présidence de lord Derby, à Ceeil Hôtel. Un grand nombre de toasts ont été portés ; nous devons mentionner spécialement celui de M. Félix Voisin, conseiller à la Cour de Cassation, qui au nom do M. le Président de la République française, a invité les membre du Congrès il se réunir à Paris on 1903 ou 1904 à l’occasion du prochain Congrès de la tuberculose. L'on ne saurait trop célébrer la large et magnifique hospitalité avec laquelle les grands seigneurs anglais savent recevoir leurs visiteurs. C’est une tradition nationale, qu’on conserve avec fierté, et l’énumération qui précède montre que les représentant de la science ont été honorés et acceuillis avec la cordialité la plus courtoise. Sans méconnaître que les Congrès internationaux se multiplient un peu trop et se succèdent plusieurs fois dans la môme année sans inter- FELIX PUTZEYS 815 ruption, on ne peut contester que celui-ci aura renilu cio véritables services. 11 affirme la volonté de tout les peuples, de tous les Gouverne, raents, de toutes les associations d’entreprendre une lulte sérieuse contre la tuberculose, qui cause à elle seule plus do ravages que toutes les autres maladies infectieuses, et qui reste stationnaire ou continue ii s’accroître quand ces dernières sont en décroissance. Dans ce compte rendu, nous nous sommes efforcé de ne donner que des résumés, faits par nous-mêmes sur le texte original des communi¬ cations publiées in-extenso dans les journaux français et étrangers. A vrai dire, les journaux anglais et en particulier le Brüisli medical Jour¬ nal et la Lancet sont presque les seuls qui aient donné le texte de la plupart de ces communications ; mais à part de très rares exceptions ils n’ont reproduit et cité que des travaux anglais ou de langue anglaise; dans les discussions mômes, on ne voit apparaître que rarement et ex¬ ceptionnellement les noms d’auteurs français et surtout allemands, à tel point qu’on pourrait croire à première vue que le Congrès de Londres était anglais et non international. En consultant les périodiques médicaux de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie, nous avons été également surpris de n’y trouver qu’une mention presque insignifiante des travaux de ce Congrès; la plupart semblent s’en désintéresser. Peut-être est-ce une conséquence naturelle des vacances ; peut-être aussi a-t-il paru préférable de réunir et d’étudier à tête reposée tous ces travaux, avant d’en donner plus tard un ensemble concret et la ciitique dans quelqu’une de ces grandes Revues trimes¬ trielles qui sont les véritables archives de l’hygiène et de la médecine contemporaine. Nous aurons soin de signaler et d’analyser, au fur et à mesure de leur publication dans les revues spéciales, les communica¬ tions faites au Congrès dont il n’aurait pu être fait une mention suffi¬ sante dans ce compterendu. E. Vallin. LES MAITRES DE L’HYGIENE A L’ÉTRANGER Félix Putzeys Professeur d’iiyjiéne à l’Cnivcr.'ité do Liège Le Félix Putzeys est né à Liège en 1847; il a été nommé successivement préparateur du cours d’histologie en 1875, chef des travaux anatomiques de 1876 à 1879, et à ce titre a été chargé pendant plusieurs années d’une partie de l’enseignement de l’ana- 8i6 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER toniie. En 1879, la chaire d’hygiène étant devenue vacante, il fut envoyé anx frais de l’Université à Munich , où il suivit l’enseigne¬ ment de von Pettenkofer et travailla dans son laboratoire. A son retour, il fut nommé professeur exti'aordinaire d’hygiène', puis en 1881 professeur titulaire (ordinaire) de la chaire qu’il occupe encore aujourd’hui et directeur de l’Institut d’hygiène de l’Université. M. Putzeys s’est efforcé d’appliquer les principes et la métiiodc qu’il avait puisés dans la fréquentation de l’illustre maître de Munich ; son enseignement est avant tout objectif, il consiste en leçons de choses, en démonstrations expérimentales en exercices pratiques. Pour réaliser ce programme, il a créé un musée et un laboratoire d’bygiène, avec la participation de l’Etat et de la muni¬ cipalité; il a organisé des excursions et des visites dans les établis¬ sements ou usines, afin d’initier les élèves à la pratique de l’hygiène publique et industrielle. Ces visites avec conférences sont suivies non seulement par les étudiants en médecine, mais par les élèves de l’Académie des Beaux-Arts et de l’Ecole industrielle, architectes, constructeurs, etc. M. Félix Putzeys a pu suivre les progrès de l’hygiène moderne au cours des missions qui lui ont été confiées par le gouvernement; en 1881 , pour aller étudier les institutions sanitaires et le fonc¬ tionnement des services d’hygiène en Angleterre et en Ecosse; en 1897 et en 1899, pour comparer les systèmes d’épuration des eaux d’égout, etc., comme aussi par sa délégation à la plupart des Con¬ grès internationaux d’hygiène tenus en Europe depuis vingt ans. Il a pu de la sorte apporter une contribution active à rassainissenienl des villes de Liège, de Spa et d’Ostende. La réforme des hôpitaux, des casernements, des habitations ouvrières a été l’un de ses sujets de prédilection ; il a provoqué une enquête approfondie sur la situation des logements insalubres de la ville de Liège et fait établir pour chaque maison un dossier ou fichier hygiénique qui facilitera beaucoup la prévention des épidémies. Tandis que le D’’ Félix Putzeys occupait ainsi la chaire d’hygiène à l’Université, son frère, M. Emmanuel Putzeys, jusqu’alors officier du corps du génie dans l’armée belge, renonçait à la carrière mili¬ taire pour s’adonner exclusivement à cette partie si importante de l’hygiène, le génie sanitaire. Des travaux importants d’hydraulique l’ont fait nommer ingénieur de la ville de Verviers ; il est aujour- d’imi ingénieur-chef du service des eaux, de la voirie et des égouts FÉLIX PUTZEYS 841 de la ville de Bruxelles. Cette réunion fraternelle de deux compé¬ tences qui se complètent est une bonne fortune pour l’un et l’autre; elle a été féconde. C’est elle qui a assuré le .succès de deux ouvrages classiques faits en collaboration : L'Hygiène dans la construction des maisons; La construction des casernes, avec atlas. Ces deux traités, le premier surtout, sont arrivés rapidement à la seconde édition (1882-1885); à une époque où dacs les pays de langue française, la technologie sanitaire était chose peu connue, ils ont résumé d’une façon très claire les acquisitions nouvelles réalisées dans les pays étrangers, particulièrement en Angleterre et en Alle¬ magne; par un choix heureux de descriptions et de dessins d’ap¬ pareils sanitaires, les auteurs ont constitué un livre qui rend encore de grands services à ceux qui veulent étudier d’une façon pratique et dans ses détails l’hygiène de l’habitation. M. le D" Félix Putzeys est l’un des membres les plus actifs du Conseil supérieur de Belgique et correspondant de l’Académie royale de médecine, etc. Voici la liste de ses principales publica¬ tions ; L’hygiène dans la construction des habitations privées, 2® édition, 1885, Liège, Nierstrasz, et Paris, Michelet, un vol. in-S» de 412 p. avec planches et figures., — Hygiène des agglomérations militaires : 1“ La construction des casernes, 2“ édition 1892, Liège, Nierstrasz, un vol. 111-8“ de 364 p. avec atlas; 2“ Description de l’hôpital militaire de Bruxelles, Liège, 1889, in-8“ de 126 p. avec 18 fig. et 5 planches. — De l'ensei¬ gnement de l'hygiène dans les Universités et de la nécessité de créer des laboratoires spéciaux, Liège, 1880. — ^’ote s^lr la guestion de l’épuration et de l’ulilisalion des eaux d'égoul de la ville de Verviers, Verviers, 1884. — Description d'un nouveau système d' hôpital-baraque pour l’armée, Bruxelles, 1885. — IS’ole sur le pavillon mobile adopté par la ville de Vei-viers, Bruxelles, 1885. — Du drainage domestique ou de la canalisation intérieure des habitations, Liège, 1885. — Itap- porl fait au nom de la commission spéciale instituée pour l'examen du plan général des égouts à continuer à Liège, Liège, 1887. — Me¬ sures prophylactiques et moyens de désinfection à employer dans les cas de maladies infectieuses, Liège, 1885. — Les projets de recons¬ truction de l'hôpital de Bavière de Liège, 1888. — Le tout à l'égout en Belgique, 1889. — L’éloignement des matières excrémenlilielles des villes dépourvues d'égout, 1886. — L’épidémie de trichinose de La Préalle-Herslal, 1893. — Nouveau système d’étuve à désinfection par la vapeur fluente, 1894. — Epuration des eaux de la Vesdre, 1897. — Les égouts d’Ostende, 1899. — La réforme hygiénique des hubilalions ouvrières, 1900. — Le projet de loi sanitaire et l’ assainissement des villes, 1900. E. Valli.n. 8t8 REVUE DES JOURNAUX REVUE DES JOURNAUX Urticaire par le passage de chenilles sur le linge de corps, par le D’’ Oriou (Archives de médecine militaire, juin 1901, p. 498). Le samedi 24 juin 1899, le D'' Oriou, médecin-major du 48“ d’inlan- terie en garnison à Guingamp, constata chez plusieurs soldats qui se présentèrent à sa visite un érythème papuleux ; les cas se succédèrent et dans les dix jours suivants une cinquantaine d’hommes présentèrent les mêmes accidents. La rougeole sévissait alors dans le régiment, mais l’aspect était plutôt celui d’un urticaire que celui de l’éruption rubéolique. Une enquête très bien conduite révéla les faits suivants : L’entrepreneur du blanchissage, qui habite Saint-Brieuc, apporte le linge blanchi le samedi matin; aucun des soldats ou sous-officiers dont le linge est blanchi à Guingamp même ne furent atteints d’urticaire. Or, au sortir de la lessive le linge lavé et rincé est étendu pour sécher sur des haies de ronces et d’épines qui servent de clôture à l’atelier du blanchisseur. Tous ces buissons fourmillaient à cette époque de grosses chenilles brunes et voraces, qui dès le mois de mai [avaient dévoré les feuilles de ces buissons ; au moment de la visite du médecin-major enquêteur, ces chenilles couraient en liberté sur le linge étendu au soleil ; on constata la présence de chenilles mortes sur les chemises et caleçons rapportés du blanchissage. On supposa avec raison que l’urticaire papuleux était dû à des substances irritantes dépo.sées par les chenilles sur le linge. Ce linge fut désormais mis à sécher sur des tringles de bois ou des fils de fer, et les accidents ne se reproduirent plus. Mais l’année suivante ces précautions furent négligées par le blan¬ chisseur et, en juin 1900, les cas d’urticaire reparurent ; le linge avait de nouveau été étendu sur les haies et M. Oriou put recueillir des chenilles sur le linge. Les chenilles furent examinées par M. le professeur Paul Marchai, au laboratoire entomologique de l’Institut agi’onomique. 11 s’agissait du bombyeide appelé Liparis (porlhesia chrysorrhea, de Linnée), vulgairement connu sous le nom de bombyx cul-brun. Ces chenilles sortent de leur nid au commencement d’avril, et n’atteignent leur complet développement qu’à la fin de juin; c’est contre elles qu’avait été édictée l’ancienne loi de l’échenillage abrogée par la loi de 1888. D’après Gossens, ces chenilles portent à la face dorsale des 9° et 10“ anneaux deux taches rouges, arrondies, dont le centre est occupé par un grand nombre de petits tubercules percés chacun d’un étroit orifice. Quand l’animal est inquiété, ces taches s’élèvent en forme de cônes et les tubercules laissent perler des gouttelettes d’un liquide irritant qui cause des démangeaisons. Le phénomène de l’urtication peut encore être pro¬ duit, d’après M. Marchai, d’une autre façon : Certaines chenilles procès- KEVL'E DES JOURNAUX 8i9 sionnaires, entre autres celles du pin, portent à Is lace dorsale des glandes unicellulaires, sécrétant un liquide riche eu acide formique et surmontées de poils ; ces poils, en se brisant, sont assez rigides pour traverser l’épiderme de l’homme, et inoculent le liquide irritant. En 1900, nous avons exposé tà l’Académie de médecine les recherches personnelles de M. J. H. Fabre, d’Avignon, qui impute l’urtication aux crottins des processionnaires et en général à toutes les sécrétions de ces insectes; nous avons cherché à expliquer par les propriétés irritantes des I issus des chenilles et chrysalides de vers-à-soie la maladie des bassines des dévideuses de cocons. Quoi qu’il en soit de la nature du principe urticant, il est important de savoir que le passage de certaines chenilles sur le linge est capable de produire un urticaire papuleux. Ne pourrait-on expliquer ainsi certaines éruptions ortiées chez des enfants ou des adultes, qu’on est d’ordinaire porté à rattacher exclusivement à des intoxications alimentaires. E. Vallin. Les moustiques et le paludisme en Nouvelle-Calédonie, par M. La- VERAN {Comptes rendus de la Société de biologie, 7 juin 1901, p. 567). Tandis que l’endémie palustre a beaucoup de gravité sur la côte est d’Afrique, et particulièrement à Djibouti, elle est inconnue à la Nou¬ velle-Calédonie ; il était donc intéressant de rechercher le rôle et l’exis- lence des moustiques dans ces deux colonies. AI. le D'' Kermorgant a bien voulu envoyer à AI. Laveran des moustiques recueillis les uns à Djibouti et aux environs, les autres en Nouvelle-Calédonie. AI. Laveran a déterminé ces différentes espèces de moustiques ; il a trouvé des ano¬ phèles en grand nombre et particulièrement TA. costalis dans les culi- cides recueillis à Amboulie et Gahalmahen, foyers palustres aux envi¬ rons de Djibouti ; dans cette dernière ville, qui esfsalubre, les larves et les moustiques recueillis appartiennent tous aux culex. AI. Laveran n’a pas déterminé un seul anophèles. A la Nouvelle-Calédonie, au contraire, les moustiques recueillis à Nou¬ méa, à l’hôpital du Marais, à Pain et dans la campagne voisine, à l’île Non et dans les forêts de la région, étaient tous des culex ; il n’a ren¬ contré aucun anophèles. Ces faits montrent une fois de plus la relation qui exi.ste entre l’en¬ démie palustre et la présence des anophèles. E. Vallin. Nouvelles reclierehcs e.rpérimenlales sur la variole, par AlAI. Roger et E. Weil {Presse médicale, 10 juillet 1901, p. 13). Dans des publications antérieures, le D'' II. Roger et son collaborateur avaient montré que les lapins inoculés avec du pus variolique succom¬ bent presque toujours; comme d’aulres, ils avaient obtenu quelques résul¬ tats négatifs. La variabilité des résultats dépend de la variabilité de la virulence, de la réceptivité ou de la résistance des animaux. Parmi les REV. n’iIYG. xxiit. _ rii REVUE DES JOURNAUX causes qui modifient la réceptivité, les auteurs au premier rang placent l’influence du régime alimentaire. Quand les animaux sont abondamment nourris, ils résistent fréquemment ou ne périssent qu’après un temps assez long. Quand au contraire on les soumet à la ration ordinaire d’en¬ tretien, la mort est rapide et constante. MM. H. Roger et Weil en tirent cette conclusion pratique, que môme pendant la période fébrile, il faut alimenter les varioleux, et ajouter au classique régime lacté des purées, des potages, des œufs. La résistance ou la répugnance du malade à s’ali¬ menter aggrave le pronostic. D’autre part, les auteurs ont montré que le sang des animaux inoculés de variole est virulent et qu’il peut servir à faire des inoculations en série, et à pratiquer des cultures. On laisse ce sang à l’étuve pendant quarante-huit heures, puis on le sème dans du sang de lapin défibriné cl rendu incoagulable par fextrait de sangsue. Mais le sang n’est pas tou¬ jours fertile; le parasite ne s’y trouve que pendant un temps assez coiirl. Si après les quarante-huit heures d’incubation on ne trouve pas les pctils éléments particuliers que les auteurs ont décrits comme caractéristique.-, de la variole, on peut être certain que le sang ne sera pas virulenl. Quand au contraire on en décèle même un petit nombre, on peut affirmer que les animaux inoculés périront. De nouvelles expériences sont venues confirmer ces faits ; de plus, chez tous les animaux inoculés avec du sang contenant les éléments vario¬ liques, les auteurs ont vu se développer une éruption plus ou moin-. avortée. Cette évolution rajipelle ce que M. H. Roger a observé dans la variole des enfants nouveau-né.'. Les enfants issus d’une mère atteinte de variole succombent presque tous; les uns meurent d’une septicémie lente ; d’autres ont en plus une éruption discrète, sous forme de papules qui se dessèchent sans se remplir de pus (comme chez les lapins ino¬ culés). D’autres enfants, au contraire, meurent ayant eu une variole siqi- purée véritable. E. Vallin. Sugli e/fetti iossici délia prolunqala alimentazione con lalle sterilh- zato di animale tnbercoloiico (Effets toxiques de l’alimentalion prolongée avec le lait stérilisé d’animaux tuberculeux), par le D' A. Michelaz/.i (/l>ma/i tVigiene sperimenlale, 1901, p. 201.) Ce long mémoire est l’ample développement des premières recherches que l’auteur avait faites l’an dernier sur ce sujet à l’Institut d’anatomie pathologique de Pise {Revue d’hygiène, 1901, p. G62); mais, celteannée, l’expérimentation a pris une extension considérable ; 208 cobayes ont été nourris ou injectés avec du lait ou du sérum de lait de 4 brebis lu- berculisées et de 2 vaches tuberculeuses ; l’allaitement direct de mères tuberculeuses a été tenté sur 3 agneaux et un veau sains ; enfin des expé¬ riences de contrôle ont été entreprises simultanément avec du lait sain. La transmission tuberculeuse est d’autant plus à redouter avec le luit de vache que l’animal conserve longtemps l’apparence de la santé, môme avec des lésions avancées; la pasteurisation et la stérilisation s’attaquent REVUE DES JOURNAUX 8-il bien au bacille de Koch, qui ne se rencontre d’ailleurs qu’au cas d’ulcé¬ rations spécifiques de la mamelle ; mais le lait d’une vache tuberculeuse est dangereux par la présence d’une toxine spéciale, qui reste active malgré la température de 100 degrés longtemps prolongée. Quant à la virulence do la chair des animaux tuberculeux encore si controversée, Michelazzi ne l’a point constatée dans ses travaux et il attri¬ bue cette innocuité de la viande à la rapide élimination des toxines par les diverses secrétions et particulièrement par le lait. L’exposé des différents procédés de reclierches et l’énumération des nombreuses expériences ne comprenant pas moins de pages se ter¬ minent par un résumé de considérations générales avec les conclusions suivantes : 1. On ne trouve pas le bacille de Koch dans le lait d’un animal tuber¬ culeux dont les mamelles sont absolument indemnes. 2. Le sérum du lait d’une vache tuberculeuse est plus toxique que le sérum du sang. Ce fait est en rapport avec la rapide élimination des toxines tuberculeuses qui s’opère chez les bovidés par les sécrétions. La toxicité du sérum du sang et de celui du lait augmente chez la vache proportionnellement aux progrès des lésions. 3. La toxine tuberculeuse, tout en conservant son activité, passe dans le lait en quantité variable suivant la gravité de l’évolution. 4. Le lait d’une mère tuberculeuse devient toxique pour les petits qui s’en alimentent longtemps. 5. Dans la pratique domestique, la stérilisation à 100 degrés du lait d’un animal tuberculeux n’a qu’une valeur relative, car, si la chaleur écarte le danger de l’infection tuberculeuse, elle ne détruit pas la toxine qui résiste à celte température. 6. L’usage prolongé du lait stérilisé d’une vache tuberculeuse déter¬ mine une intoxication lente et chronique de l’organisme, aussi faut-il le bannir absolument de l’alimentation. F.-H, Renaut. Uebei' den Wei'lh des Cohn’schen Lichiprüfers fur Ilelliglieitsbestim- mungen von Arbeitsplützen (Sur la valeur de l’instrument d’examen de la lumière proposé par Colin pour apprécier l’éclairement des places de travail), par A. Rômer {Hyg. Rundschau, X, 1900, p. 465). On ne possédait jusqu’à présent pas d’appareil très commode pour apprécier avec une 'exactitude convenable pour la pratique l’éclairement fourni à telle ou telle place, notamment dans les classes des écoles. Le photomètre de Weber est bien susceptible de donner des renseigne¬ ments très précis à cet égard ; mais c’est un instrument coûteux et qui nécessite encore divers calculs. Colin a imaginé naguère un instrument bien moins coûteux, facile à manier, et (]ui peut servir soit on cas d’éclairage naturel, soit en cas d’éclairage artificiel, tout comme le pho¬ tomètre (tandis que le stéréogoniomètre de W'eber ne s’applique qu’à l’éclairage naturel). Le nouvel instrument se compose d'une boite ayant deux de ses côtés opposés ouverts ; dans la boite est placé un petit Ir.^ 8o2 REVUE DES JOURNAUX bleaii blanc portant en noir plusieurs colonnes île nombres Je 4 cliilïrus; ces chiffres peuvent être vus à O^GO par un œil normal sous un angle de une minute, et à 0"’40, avec une bonne lumière, on lit couramment les nombres. On compte combien on peut en lire par e.vemple en 30 secondes auprès d’une fenêtre à laquelle on tourne le dos ; puis on répète la môme expérience à la place dont on veut apprécier l’éclairement au moyen de l’éclairage artificiel ; celui-ci est déclaré suffisant si le résultat est le même, insuffisant dans le cas contraire. Pour examiner l’éclairement des places par la lumière naturelle, on interpose devant le tableau de la boîte 3 verres dépolis qui, ensemble, interceptent 99 p. tOO de la lumière arrivant au tableau : si on peut encore lire aussi vite qu’auparavant, la place doii être considérée comme excellente ; elle est bonne si on peut lire comme auparavant avec l’interposition de 2 verres dépolis seulement, ce qui intercepte 9S p. 100 de la lumière ; la place est acceptable si pour lire couramment il ne faut laisser devant le tableau qu’un seul verre dé¬ poli interceptant 80 p. 100 de la lumière ; si dans ces conditions (c’est-à- dire avec I/o de la lumière naturelle) on ne peut lire couramment, la place ou l’on observe doit être déclarée inacceptable pour le travail de lecture ou d’écriture. Rômer a recherché au moyen du photomètre de Weber, à quoi cor¬ respondaient les indications du nouvel instrument ; en ce qui concerne l’éclairage naturel, il a constaté que les places inacceptables avaient un éclairement inférieur à 10 bougies; les places acceptables ont 12 à oâ bougies ; les places bonnes arrivent à des chiffres très supérieurs. Le nouvel instrument de Colin donne des indications aussi satisfaisantes avec l’éclairage artificiel qu’avec l’éclairage naturel. E. Anxoui.n. Versuche über Waschedesinfelition (Recherches sur la désinfection du linge), par Kokster {llyg. Rundschau, X, 1900, p. 513). Primitivemement on avait pu croire que la désinfection par la vapeur s’appliquait sans inconvénient au linge contaminé ; on ne tarda pas à s’apercevoir toutefois que le passage à l’étuve était très nuisible, le linge qui en sortait portant des taches indélébiles ; les unes étaient des taches de rouille provenant du contact avec des pièces métalliques , chose assez fiicile à éviter; les autres résultaient de la coagulation sous l’influence de la chaleur des liquides albumineux dont les linges étaient souillés ; sang, pus, matières fécales. Pour lâcher d’enlever ces taches après la désinfec¬ tion, il fallait employer le chlore, de telle .sorte qu’au deuxième nettoyage le linge était mis hors de service. Aussi fut-il bientôt recommandé d’en revenir à la vieille méthode de trempage préalable dans l’eau froide du linge contamine ; pour ne pas laisser ces eaux devenir dangereuses on les fit additionner d'acide phénique ; mais comme d’ailleurs on n’était pas sûr de détruire par une immersion de 12 à 24 heures dans une solution phéniquée à 5 p. 100 les germes pathogènes qui pouvaient souiller le linge ayant servi à des malades contagieux, il parut prudent de continuer à faire finalement passer à l’étuve le linge en question afin de ne pas ex- imser à contracter quelque maladie le personnel employé à manipuler ce REVUE DES JOURNAUX 833 linge dans les buanderies. Fôrster rapporte que cette méthode n’a pas donné toute satisfaction et que le linge sort souvent encore de l’éluve taché de la manière la plus fâcheuse, soit par la rouille, soit par l’etfcl de la coagulation de l’albiimine de souillures incomplètement enlevées durant le trempage dans l’eau phéniquée. C’est du moins ce qui .se pas¬ sait dans certain hôpital allemand, et c’est pourquoi l’autour fut chargé de rechercher comment on pourrait désinfecter le linge des contan-ieu.x sans le faire passer à l’étuve; au surplus pour être sûr d’éviter tout dan¬ ger dans la manipulation de ce linge, il faut le plonger dans un liquide désinfectant au lit môme du malade, quoi que l’on fasse ensuite. Avant d’exposer ses propres expériences, Fôrster rappelle celles déjà effectuées sur le même sujet. Heidor a expérimenté les solutions de lysol à 1 ou 2 p. 100, où le linge trempait pendant (i heures, procédé coûteux cl d’une efficacité assez incertaine au point de vue do la stérilisation. Trop poûleusc aussi est l’eau oxygénée essayée par ’fraugott ; le môme auteur a proposé de plonger le linge dans une solution de sublimé à 1 p. 2000 additionnée de sel de cuisine, mais on peut douter de la persistance de l’efficacité d’une telle solution qui s’apauvrit bientôt à mesime que la ma¬ tière organique apportée par le linge sale aura donné lieu à la formation d’albuminate do mercure. Beyer stérilisait en 48 heures dans de l’eau de chaux saturée des linges souillés par des matières fécales contenant di¬ vers germes' pathogènes ; c’est un temps bien long, sans parler de la dé¬ composition de l’eau de chaux qui survient probablement durant ce délai. Les savons gras ont paru un moment devoir être d’un usage plus satis¬ faisant à plusieurs égards. Mais Mattéi constate que le bacille typhique survit 4 jours dans les solutions savonneuses, et les staphylocoques 8 jours. Peut-être les savons étudiés par Mattéi ne convenaient-ils pas : Behring qui reprend cette étude avec différentes espèces de savons, consiate que seuls les savons alcalins sont doués d’un certain pouvoir bactéricide et que ce pouvoir dépend de leur teneur en alcali, c’est-à-dire en potasse ou en soude, substance dont les savons gras sont justement fort riches ; les carbonates alcalins eux-mêmes exercent une action désinfectante des plus remarquables quand on les emploie à chaud ; à 8o” une solution à 1,8 de carbonate de soude lue en 10 minutes les spores du charbon. Montefusco et Caro croient môme que les lessives sont capables, à froid, de tuer en 12 heures le bacille typhique et celui du choléra, voire les spores du charbon. Jolies vérifie cette opinion en ce qui concerne lu ba¬ cille du choléra, tué en 30 minutes par une solution savonneuse froide à 1 p. 100. Mais Kitasato, Traugott sont loin de constater des résultats aussi favorables vis-à-vis du bacille typhique ; Boyer n’avait observé la stérilisation qu’après 48 heures d’action d’une solution froide de savon gras, ou après 1 à 3 heures si cette solution était chauffée à 50°. Zscliokke confirme plutôt les dires de Behring ; le linge est absolument désinfecte par la lessive à un peu plus de 80°. On a essayé de renforcer le pouvoir désinfectant des savons en leur incorporant des crésols : Nocht, Hœnle, Hueppe ont été très satisfaits REVUE DES JOURNAUX des résultats ainsi obtenus; Kaupe a émis une appréciation contraire. Fôrster a e.xpérimenté des solutions à 10 p. 100 de savons au crésol (une partie de crésol pour une partie de savon) ; des solutions à 10 p. 100 de savons gras; de la lessive de soude à 10 p. 100; do la lessive (I Phénix » en solution à S p. 100 ; des solutions de sou0. La détermination de la durée et des heures d’insolation d’uiie façade d’orientation donnée y, dans un lieu déterminé, et en un jour quelconque, ne présentera donc aucune difficulté, pourvu que l’on connaisse les diverses valeurs de l’azimut A aux diverses heures du jour considéré, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ; il suffira, en effet, de chercher parmi ces valeurs celles qui satisfont aux conditions ci-dessus, pour en déduire les indications demandées. Il ne sera guère plus compliqué de déterminer l’orien¬ tation à donner à une façade pour qu’elle soit, au jour considéré, insolée à des heures données, si l’on connaît les valeurs correspon¬ dantes de l’azimut. Il suffira d’ailleurs en général de connaître les valeui’s de l’azimut d’heure en heure pour le lieu et le jour considérés; on pourra, en effet, le plus souvent, déduire, avec une approximation suffisante pour la question qui nous occupe, des valeurs de Tazimut pour deux heures consécutives, les valeurs de cet azimut à un moment quelconque de l’intervalle de ces deux heures, en admettant que, pendant cet intervalle, l’azimut a varié proportionnellement au temps. On trouvera dans les tableaux I et II, pages 884 et 883, poul¬ ies diverses latitudes nord comprises entre 33“ et 33“ de 5“ en 3“, les valeurs de Tazimut A correspondant aux diverses heures de la journée du lever au coucher du soleil pour les jours des solstices, et dans tableau III, pour les mêmes latitudes et pour les mêmes jours, les valeurs de A aux moments mêmes du lever et du coucher. Pour les latitudes intermédiaires à celles consignées dans les tableaux I et II, on pourra facilement calculer les valeurs de A aux diverses heures des jours des solstices en procédant comme nous l’indiquons plus loin. Considérons, par exemple, une façade située par 40“ de latitude et exactement tournée vers le nord, c’est-à-dire exactement orientée de l’est à l’ouest, elle fait avec le méridien un angle y de 270“ ; cherchons à quelles heures elle sera insolée les jours des solstices. Il suffit, se reportant à la règle précédente (2“), de chercher dans les tableaux I et II, pages 884 et 883, et dans les colonnes relatives à la latitude 40“, les valeurs de A comprises entre y -180 et y, c’est- INSOLATION DES FAÇADES 871 à-dire entre 90" et :270°, et de lire dans la première colonne les heures correspondantes. On voit ainsi que, le jour du solstice d’hiver, la façade considérée ne recevra pas un seul instant les rayons solaires ; il en sera d’ailleurs de même jusqu’au jour de l’équinoxe du prin¬ temps, jour où elle ne sera insolée qu’aux instants mêmes du lever et du coucher de l’astre; à partir de ce jour, sa durée d’insolation croîtra, et, le jour du solstice d’été, jour de son maximum, la façade sera insolée depuis le lever du soleil, avant cinq heures du matin, jusqu’à huit heures et quelques minutes, et de quatre heures moins quelques minutes jusqu’au coucher du soleil, après sept heures du soir, soit pendant plus de six heures ; puis la durée d’insola¬ tion décroîtra, pour devenir nulle le jour de l’équinoxe d’automne, etc. On ne saurait donc dire comme Clément, dans son rapport au Congrès d’hygiène de Vienne, en 1887, que, dans un bâtiment isolé de tout obstacle, ff la façade exposée au nord est, pendant toute l’année, privée de l’action directe des rayons solaires. » Conditions d’insolation des façades d’une habitation non isolée. — Supposons maintenant qu’il y ait vis-à-vis la façade considérée MM' un écran opaque, une autre façade M,M'i, par exemple, et admettons, pour simplifier, que cette façade M,M', est parallèle à MM', qu’elle a partout la même hauteur, et qu’elle est assez longue pour que l’on puisse la regarder comme infinie par rapport à MM' ; c’est là, très sensiblement, le cas des maisons qui bordent une rue droite. Aux conditions d’insolation établies pour une habitation isolée : sin fi/ — A)^0 (1) vient s’en ajouter une autre provenant de la ]i''ésence d’un écran M,M'i qui peut porter ombre sur la façade MM' Pour qu’un point quelconque x de la façade MM' reçoive, à un moment donné, les rayons solaires, il faudra non seulement que la condition (1) soit satisfaite, mais encore que, au momeut indiqué, le point x ne soit pas dans l’ombre portée par la façade MiM',. Il est facile d’établir la relation qui exprime cette seconde condition. Soient, en effet (/i.q. 3), MM', M,M'„ les traces des 2 façades oppo¬ sées sur un même plan horizontal passant par le point considéré x de la façade MM', soit SN la trace sur ce même plan du méridien du lieu; la façade MM' faisant avec le méridien l’angle y, la façade opposée MjM', fait avec ce même méridien un angle ÿ , qui 812 H. BERTIN-SANS ET J. GAGNIÈRE diffère de y de 180“, puisque cette façade est tournée en sens inverse, dans le cas de la figure y' = y-]-i80. Soit maintenant s la position du soleil à un moment quelconque. Cette position sera définie par l’azimut et la distance zénithale du soleil au moment considéré. Nous avons déjà indiqué ce que l’on entendait par azi¬ mut et comment on comptait cet angle. Si l’on mène par le soleil, que nous supposons pour plus de simplicité réduit à son centre, et par un point tn de la crête de la façade MjM'i, un rayon sm, que l’on prolonge jusqu’à sa rencontre en b avec le plan horizontal con¬ sidéré, la droite a b qui joint le point b au pied de la verticale pas¬ sant par m, représente l’ombre portée sur le plan horizontal de la figure par la verticale atti, et la direction a b prolongée, as', repré¬ sente la trace sur ce plan horizontal d’un plan passant par le soleil et par la verticale du Heu; l’angle Sas', que cette direction fait avec la trace du méridien sur le même plan, est donc précisément l’azi¬ mut A du soleil au moment considéré. Quant à la distance zénithale, c’est l’angle que fait avec la verticale du lieu une droite qui joint le centre du soleil au centre de la terre ou, avec une approximation INSOLATION DES FAÇADES 873 bien suffisante, au lieu même de la surface terrestre où se trouve la façade considérée; cette distance zénithale est donc représentée sur la figure par l’angle z ; elle se compte de 0“ à 90“ à partir du zénith. La limite de l’ombre portée par la façade MiM'j, loi-sque le soleil se trouve en s, est une parallèle à MjM'j menée par b, et il suffira donc , pour que le point x de la façade Mftl' ne soit pas dans cette ombre au moment considéré, que sa distance horizontale d à la façade M,M/ soit plus grande que la distance bc du point ù à la même façade. Or, dans le triangle bac on a : bc—ab sin cab=ab sin {y — A). La longueur ab de l’ombre portée par am est, d’autre part, en désignant par H la distance verticale am, c’est-à-dire la hau¬ teur du point m au-dessus du point x, donnée par la relation : a&=H tg Z, qui se tire du triangle amb. En remplaçant ab par cette valeur dans la relation précédente, il vient : bc=E tg Z sin {y — A). La seconde condition pour que le point x reçoive les rayons solaires d>bc peut donc s’exprimer enfin par la relation : ^>tgz sin (ÿ-A). (2) Nous avons supposé , dans ce qui précède , les maisons qui por¬ tent ombre sur la façade M3I' réduites à une simple façade iMiM'i, et nous avons désigné par cl et par H la distance du point x à cette façade M,M'i et la hauteur du sommet de la façade M,M'i au-dessus du point æ/ mais, par suite de la présence de corniches et de la forme des toitures, ce n’est pas toujours l’extrémité supérieure de la façade M,M'i qui porte ombre le plus loin de cette même façade et dont il faut par conséquent s’occuper. Si l’on considère un plan vertical normal aux deux façades 3IM', 3I,M', et passant par le point X (fig. 4), il faut prendre pour cl et pour H les distances hori¬ zontales et verticales du point x au point de la maison opposée, situé dans ce plan, pour lequel le rapport.^ est le plus grand. La H figure montre, par exemple, que pour le point Xj c’est le bord de la corniche qu’il faudra choisir; ce serait le faîte du toit, si l’on 874 H. BERTIN-SANS ET 1. GAGNIÈRE voulait rechercher les conditions d’insolation du poijit x^. Nous supposerons toujours implicitement dans la suite que c’est de ces Fig. 4. — Conditions d’insolation d’une façade non isolée; partie de l’habi¬ tation opposée dont il faut considérer l’ombre partie. valeurs de d et de H qu’il s’agit, alors même que, pour simplifier le langage, nous les désignions sous les noms de distance et hauteur de la façade opposée par rapport au point x. Les relations (1) et (2), absolument générales, permettent sans doute de résoudre les divers problèmes relatifs à la durée et aux heures de l’insolation, en un jour donné, d’un point quelconque d’une façade placée, dans les conditions que nous avons précisées, si l’on connaît les diverses valeurs correspondantes de A et de 2 aux divers moments de la journée, du lever au coucher du soleil, pour le jour et le lieu considérés; mais l’application de ces formules exigerait des calculs longs et fastidieux, et il est plus simple et plus facile d’avoir recours à la construction géométrique suivante : Par un point quelconque P (fig. 5), traçons sur une feuille de papier une ligne SN, qui représente la direction du méridien du lieu; puis, par ce même point P, traçons une série de droites, qui fassent avec la ligne SN des angles égaux aux diverses valeurs pour le jour considéré de l’azimut A, d’heure en heure par exemple, depuis le lever du soleil jusqu’à midi, et de midi au coucher du soleil. Indiquons sur chacune de ces directions l’heure à laquelle elle correspond. Portons ensuite sur le prolongement de chaeuiie, à partir du point P, du côté opposé au soleil, une longueur qui représente, à une échelle convenablement choisie, la valeur de tg2 qui lui correspond, c’est-à-dire une longueur qui représente à l’échelle choisie la longueur de la tangente de l’angle z dans un cercle de rayon l"". On aura ainsi les directions par rapport au méridien et les longueurs à l’échelle de l'ombre portée, aux diverses INSOLATION DES FAÇADES 875 heures du jour considéré, sur un plan Iiorizontal passant par P, par une lige de 1“ de haut implantée verticalement en ce point P. En joignant par un trait continu les points 8, 9, 10, 11, 12, 1, 2... figurant les extrémités de ces ombres, on obtient une courbe qui représente, à l’échelle choisie, le lieu géométrique de l’extrémité de l’ombre de la tige de 1“ considérée. Cette courbe une fois tracée, il est facile, comme nous allons le voir, de résoudre la plupart des problèmes relatifs aux conditions d’insolation d’une façade non isolée, pour le jour et le lieu auxquels la courbe correspond. 1“ Supposons en effet cette courbe tracée pour un jour et un lieu donnés (fig. o), et cherchons d’abord quelles seront au jour et au lieu choisis, la durée et les heures d'insolation d'un point x, du pied par exemple, d'une façade MM', faisant avec le méridien du lieu un angle y et située à une distance d d'une autre façade indéfinie qui s'élève à une hauteur H au-dessus du point x et qui est parallèle à la première. Il suffit pour cela de mener par le point P une droite 3IiM'j qui fasse avec le méridien SN un angle 1/+180, suivant que y est plus petit ou plus grand que 180°. Cette droite représentera la direction de la façade opposée à celle dont Fig. 5. — Construction de la courbe de l’ombre et son usage pour la solution des divers problèmes relatifs h l’insolation des façades. on veut déterminer les conditions d’insolation. Puis, du côté op¬ posé au coté bâti de la façade MjM'j, côté bâti qui est marqué sur la figure par des hachures, on mène à une distance l de MjM’,, distance qui représente à l’échelle le rapport-^ , une parallèle MM' H 876 H. BERTIN-SANS ET J. GAGNIÈRE à cette droite MjMi'; la ou les portions courbes comprises entre les deux parallèles MM’ et MiM’j font connaître les moments d’insola¬ tion du point X pour le jour auquel correspond la coui-be consi¬ dérée. Il est facile, en effet, de vérifier sur la figure que, pour l’un quelconque des moments ainsi indiqués, les deux relations (1) et (2) précédemment établies, qui expriment les conditions néces¬ saires et suffisantes pour que le point x reçoive les rayons solaires, sont bien satisfaites. Il suffit donc de jeter un simple coup d’œil sur la figure pour être immédiatement renseigné sur la durée et les heures d’insolation cherchées. On voit par exemple que, dans le cas représenté sur la figure 5, le point x sera insolé de 10 heures du matin à 4 heures du soir. 2° Cherchons maintenant la solution d’un problème inverse du précédent : A quelle distance faut-il placer la façade MM' d'une façade MiM'i, d'orientation et de hauteur connues, en un lieu donné, pour qu’un point x de la façade MM' soit insolé pendant un nom¬ bre d’heures déterminé au jour choisi ? Après avoir tracé, comme dans le cas précédent, la courbe de l’ombre et la droite MjM'j fai¬ sant avec le méridien le même angle que la façade MiM'j, on mène sur la figure, du côté opposé à la bâtisse M,M', (hachures) , une parallèle MM' qui satisfasse à la condition requise, c’est-à-dire une parallèle telle que la ou les portions de la courbe de l’ombre pour le jour choisi, comprises entre cette parallèle etMiM'i, correspondent bien au nombre d’heures d’insolation demandé* ; puis on mesure la distance l de MM' à MjMi' ; l représente à l’échelle adoptée la dis¬ tance d à laquelle il faudrait placer MM' de MiM'j, si la façade MiM', s’élevait de 1“ au-dessus du niveau du point x; si cette façade s’élève de H mètres au-dessus de ce niveau , l fera connaître à l’échelle ^ ; il faudra donc multiplier b par H pour avoir d à l’échelle choisie. 3” Il faut remarquer d’ailleurs que la valeur de l, trouvée comme d sans doute en déduire, comme nous venons de le faire, la valeur à 1. Si l’on ne trouve pas de parallèle satisfaisant à cette condition, cela signifie que le problème tel qu’on l’a posé n’est pas possible, en d’autres termes, pour l’orientation donnée le point x de la façade MM' ne peut être, au jour indiqué, insolé pendant le temps demandé. INSOLATION DES FAÇADES 877 donner à d pour satisfaire à la condition indiquée, lorsque H est déterminé; mais on pourra inversement, si d est fixé, en déduire la valeur à donner à H pour que la même condition soit remplie, et résoudre par suite le problème suivant : Quelle hauteur faut-il, dans le lieu considéré, donner à une façade MiM'j, d’orientation connue, pour qu'un point x de la façaile opposée, située à une distance d, soit insolé pendant un temps déterminé le jour choisi ? 4” Supposons enfin que nous ayons à résoudre le problème : Quelle orientation faut-il donner, en un lieu déterminé, à deux façades parallèles MM', M,M',, situées à la distance d l’une de l’autre, pour qu’un point quelconque x de l’une de ces façades MM', situé à une distance verticale H au-dessous du sommet de l’autre MiM',, soit insolé, au jour choisi, pendant un temps donné ? Il suffit de décrire une circonférence autour de P comme centre, avec un l'ayon l représentant à l’échelle le rapport-^, et de chercher n la tangente à cette circonférence qui satisfasse aux conditions requises. Il est commode pour cela de prendre une bande de carton assez longue, à bords parallèles, de largeur l=d à l’échelle, et de faire tourner cette bande, dont les longs bords représentent alors à chaque instant les directions des deux façades opposées, autour d’une épingle ^plantée en P normalement au plan du papier) comme axe, en ayant soin seulement de maintenir l’un des bords de la bande appuyée contre l’épingle; toute position de la bande pour laquelle les parties de la courbe de l’ombre recouvertes par la bande correspondent au nombre d’heures d’insolation demandé, fait connaître une orientation satisfaisant aux conditions indiquées. 3“ Nous avons admis jusqu’ici que la façade MjM',, opposée à la façade MM' dont on étudie l’insolation, était assez longue pour être considérée comme infinie. Si cette façade M,M'i avait une longueur finie L on opérerait comme suit ^ : Après avoir tracé sur le papier une ligne qui représente en grandeur, à l’échelle choisie, la longueur de la façade MjM'i (fi.g. 6), on mènerait par les deux extrémités de 1. Nous supposons ici, pour simplifier, que du point x on ne voit que la façade M,M', ; les autres façades de la maison située en face de x ne sont pas visibles de ce point. 878 H. BERTL\-SANS ET J. GAGISIÈRE cette ligne les directions NS, N'S' des méridiens passant par les points Ml et M'i, on construirait, comme nous l’avons indiqué, la courbe OjOi de l’extrémité de l’ombre portée sur un plan horizontal passant par son pied, par une tige de 1 mètre de haut, implantée normalement en Mj ; puis de même (courbe O'iO'i), pour une tige semblable implantée normalement en M',, on tracerait les directions des ombres portées par ces tiges au lever MjL,, M'iL'i et au coucher M,Ci, M'jG'i du soleil G II sera dès lors facile d’avoir, à une heure donnée du jour considéré, l’ombre portée par la façade MiM'i ; il suffira de Joindre par une droite les deux points 3, 3, par exemple, qui représentent deux courbes sur les positions oc¬ cupées au moment considéré par les extrémités des ombres des deux tiges supposées placées en M, et M'j . La droite ainsi obtenue sera parallèle à la façade MjM'i, et, en joignant ses deux extrémités (les deux points correspondants des deux courbes) aux points M|M',, ou tracera sur le papier un parallélogramme qui, représentant à l’échelle choisie, la portion du plan horizontal passant par le point X, qui serait située au moment considéré dans l’ombre de la façade MiM'i, si celle-ci s’élevait seulement de 1 mètre au-dessus du point X ; si la façade MjM', s’élève de H'" au-dessus de ce point, l’ombre sera H fois trop courte, et l’on devra Introduire le facteur 1. Ces directions sont données par le tableau III. INSOLATION DES FAÇADES 819 H dans les mesures ou dans les calculs, comme nous l’avons indi¬ qué ci-dessus pour chacun des problèmes à résoudre dans le cas d’une façade indéfinie *. Il sera donc toujours facile, grâce à la construction que nous venons de donner et aux considérations qui précèdent, de savoir à quel moment un point x, dont la posi¬ tion est connue, ne sera pas dans l’ombre portée par la façade finie MiM'i, ou encore de savoir où il faut placer un point x, dont la po¬ sition n’est pas déterminée, pour qu’il ne soit pas à un moment donné dans l’ombre de la façade On voit, par exemple, sur la figure 6, que pour la façade MM’ les points tels que x, compris dans la portion commune aux deux courbes, seront constamment insolés du lever au coucher du soleil; les points tels que x', compris entre la direction de l’ombre M'iL', portée par l’angle 31', au lever et la branche voisine de la courbe O’, O',, seront insolés depuis le lever du soleil jusqu’à une heure d’autant plus rapprochée de 8 h. 1/2 qu’ils seront plus près du point cl et rentreront alors dans l’ombre pour en sortir définitive¬ ment k 8 h. 1/2; les points tels que x", compris dans la partie bc de la façade MM', entre la direction L',3I'i et la branche gauche de la courbe 0,0,, seront dans l’ombre depuis le lever du soleil jus¬ qu’à 8 h. 1/2 et Insolés de 8 h. 1/2 au coucher. Il serait d’ailleurs facile de déterminer à l’aide des constructions indiquées les particularités de l’insolation pour des points situés eu d’autres régions de la même façade ou encore sur des façades moins éloignées de 31,31', . Il résulte de ce qui précède que pour résoudre facilement la plu¬ part des problèmes relatifs à l’insolation des façades d’une habita¬ tion, il suffit de connaître les diverses valeurs de A, ou de A et de tg Z (suivant qu’il s’agit d’une habitation isolée ou non), aux divei-ses heures du jour choisi, dans le lieu considéré. Dans le cas d’une façade isolée, il suffira de chercher, comme nous l’avons indiqué, parmi les valeurs de A comprises entre le lever et le cou¬ cher du soleil, celles qui satisfont aux équations de condition éta¬ blies plus haut. Dans le cas d’une façade non isolée, il suffira de coiis- 1. Si du point x on voyait en même temps que une seconde façade de la même habitation, il faudrait, pour étudier les conditions d’insolation du point X, au lieu de joindre re.vtrémitéde l’ombre de.M, ou de M', à îl, ou M'„ mener par celle de cos extrémités d’où l’on voit la seconde façade un pa¬ rallèle à cette seconde façade. 880 H. BERTIN-SANS ET J. GAGNIÈRE truire, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, avec les valeurs correspondantes de A et de tg z, à une échelle convenablement choisie, la courbe de l’ombre, et de suivre ensuite, selon le pro¬ blème à résoudre, les règles que nous avons données pour chaque Il faut remarquer tout d’abord à ce propos que les valeurs de A et de tg 2 à une même heure, ou encore la forme de la courbe de l’ombre, varient pour un même lieu d’un jour à l’autre, et, pour un même jour, d’un lieu à un autre * ; mais en un même lieu elles sont tous les ans, à la même date, identiques à elles-mêmes. Comme il suffit le plus souvent aux hygiénistes de connaître les conditions d’insolation des façades aux moments où la durée d’insolation est maxima et minima, il suffira en général, pour un lieu ou une ville données, de déterminer, une fois pour toutes, les diverses valeurs de A et de tga pour les diverses heures des jours de solstices. On pourra même construire, une fois pour toutes, les deux courbes qui serviront à la solution de toutes les questions relatives à l’insolation des façades non isolées, aux jours des solstices, pour la ville ou le lieu considérés. On peut d’ailleurs mesurer A et tg 2 pour un jour et un lieu quelconques, soit par le procédé de la perche, soit à l’aide d’un théodolite, ou encore les déduire par le calcul de la latitude du lieu, 1. On peut d’ailleurs se rendre compte des variations de forme de la courbe de l’ombre avec le jour et le lieu considérés d’après les remarques suivantes : Si l’on suppose, ce qui peut se faire sans erreur sensible, que la tige dont 011 cherche l’ombre soit placée au centre même du monde, la droite passant par le centre du soleil et l’extrémité de la tige, droite dont l’intersection avec le plan de l’horizon donnera l’extrémité de l’ombre de la tige, sera la généra¬ trice d'un cône du deuxième degré ; ce cône sera circulaire, et son intersection par le plan de l’horizon, intersection qui sera une conique, fera connaître la forme de la courbe de l'ombre cherchée. Si l’on étudie la forme de cette courbe suivant l'inclinaison de l’horizon sur l’axe du monde et suivant la déclinaison du soleil, c’est-à-dire suivant la latitude du lieu et suivant le moment de l’année, on trouve les résultats suivants : De l’équinoxe du printemps à l’équinoxe d’automne, au pôle nord, la courbe de l’ombre est un cercle, dont le rayon diminue de l’équinoxe du printemps au solstice d’été pour augmenter ensuite du solstice d’été à l'équinoxe d’au¬ tomne. Le jour du solstice d’été, l’ombre portée au pôle nord par une tige do 1 mètre a 2“,30 de long; elle est par conséquent égale à l’ombre portée parla même tige, au Caire, à la mémo époque, à cinq heures du soir. Toujours de l’équinoxe du printemps à l’équinoxe d’automne, dans l’hémis' phère nord, pour les latitudes X comprises entre 90° (pôle nord) et 90-io, en dési¬ gnant par w l’inclinaison do l’écliptique (27° 23' 6",6 pour 1903), la courbe de INSOLATION DES FAÇADES 8S1 de l’heure et du jour choisis. Pour éviter à ceux qui auront à s’oc¬ cuper de l’insolation des façades ces mesures ou ces calculs, nous avons déterminé les différentes valeurs de A et de tgs pour les diverses latitudes comprises entre 33° et 33°, de 3° en 3°, et pour les diverses heures comprises entre le lever et le coucher du soleil, aux jours du solstice d’hiver et du solstice d’été. Nous avons encore calculé, pour ces niâmes latitudes et ces mêmes jours, les valeurs de l’azimut du soleil au moment du lever et du coucher de l’astre. Enfin nous avons établi des formules très simples qui per¬ mettent de déduire facilement des valeurs de A et de tg3 calculées pour les latitiules indiquées ci-dessus, les valeurs correspondantes pour les latitudes intermédiaires, et nous avons adopté une cons¬ truction géométrique, également fort simple, qui permet de trouver la courbe de l’ombre aux jours des équinoxes en un lieu déterminé, lorsqu’on a préalablement tracé, pour le même lieu, la courbe de l’ombre au jour d’un solstice par exemple. Pour calculer les diverses valeurs de A et de tgs nous avons procédé comme il est indiqué ci-après; les formules que nous avons utilisées sont générales et applicables par conséquent à un jour et un lieu quelconques. Soient À la latitude du lieu, A la déclinaison du soleil au jour considéré, AI l’angle horaire, ,-5 et A la distance zénithale et l’azimut cherchés. La déclinaison A est la distance angulaire du centre du soleil au plan de l’ombre sera une ellipse, une parabole (u une branche d'hyperbole, suivant la valeur de la déchnaison A du soleil au moment considéré. Ce sera une ellipse si . >,>90 — A ; — une parabole si . >,= 90 — A; — une branche d'hyperbole si >,<90— A, Enlin encore entre l'équino.ve du printemps et l’équinoxe d’automne, pour les latitudes nord couipj'ises entre 00 — tu et l’éiuateiir, la courbe de l’ombre sera toujours une branche d'hyperbole. l'eiidaut la même période, dans l’iiémisphéro sud, la courbe de l’ombre sera nue branche d’hyperbole pour toutes les latitudes; mais pour celles comprises entre 90 — tu et 90 le soleil restera au-dessous de l’Iiorizou tant que 90 — A sera plus petit que À ; il sera constamment au-dessus de l’horizon au pôle sud (). = 90). Aux équinoxes, la courbe est une droite dirigée do l’ouest à l’est pour tous les points de la terre. Celte droite passe par le piod de la tige .à l’équateur; sa distance a la tiue augmente a mesure qu’on s’éloigne de l’équateur pour se rapprocher des pôles; aux pôles cette distance est infinie, l’ombre portée par la tige est infinie. De l’équinoxe d’automne à l’équinoxe du printemps les résultats relatifs à riiémisphcre nord se ont applicables à l’hémisphère sud et. inversement. REV. d’hyc. XXIII. — 56 882 11. 1IERTI.\-SANS ET J. GAGNIÈRE l’équaleur; cette clislaiice angulaire se compte à partir de l’équateiir. Sur un grand cercle dont le plan passe par l’axe du monde et le centre du soleil; elle est positive lorsque le soleil est au-dessus du plan de l’équateur (côté nord) ; elle est négative lorsqu’il est au-dessous (côté sud); on peut admettre, avec une approximation suffisante pour les déter¬ minations qui nous occupent, que la déclinaison A du soleil reste cons¬ tante 1 pendant toute ta durée du jour considéré, à condition de prendre sa valeur moyenne pour ce jour, valeur donnée pour tous les jours do rannée par la Connaissance des Temps. L’angle horaire Æ est l’angle dièdre que le plan méridien céleste pa.-sant par le soleil (dit cercle horaire) fait avec le plan méridien du lieu; il se compte de 0 à 3G0 à partir du méridien du lieu dans le sens rétrograde ; on peut admettre, sans erreur sensible, que l’angle At varie uniformément de 360® en 24 heures et par suite de 13® par heure. Ceci posé, on sait qu’il existe entre les coordonnées l, A, Æ, 2 et A les relations : cos æ=sin ), sin Aj-cos X cos A cos Al, (1) sin s cos A=— cos ), sin A-j-sin X cos A cos Al, (2) sin .ï sin A=cos A sir. Al. (3) Pour rendre ces formules calculables par logarithmes, divisons (3) par (2) et posons : il vient : ^^c_osçJg_il sin de même en divisant (2) par (l) et tenant compte de (4), il vient : Les formules (4) (3) (C) permettent de calculer les diverses valeurs de A et de tg.« pour un lieu quelconque aux divers moments d’un jour quel¬ conque. Il suffit de donner à ). la valeur de la latitude du lieu, à A la valeur trouvée sur la Connaissance des Temps pour la déclinaison du soleil au jour considéré, et de faire successivement Al égal à 0®, 13®, 30®, 43“,... par exemple, si l’on veut déterminer pour ce jour les valeurs de A et de tg 3 d’heure en heure, c’est-à-dire pour midi vrai, 1 h., 2 h., 3 h... vraies^. On peut abréger les calculs en remarcfuant que les résultats obtenus pour 1 h. du soir, par e.xemple, sont applicables à 11 h. du matin (23 heures); rien n’est changé pour tgj, il faut seulement pour A prendre la valeur symétrique par rapport à la direction du méridien; de même pour 2 h. 1. Sa variation niaxiina en 2i heures est de 2-3' et quelques secondes aii.x équino.vcs; aux solstices, la variation de A, dans le même temps, n'atteint pas 1'. 2. On trouvera dans la Connaissance des Temps pour chaque jour, la quan¬ tité à ajouter à l'heure vraij ou à retrancher de cette heure pour avoir l’heure moyenne. Les jours des solstices la dilîérencc est négligeable. INSOLATION DES FAÇADES 883 du soir et 10 h. du malin (22 Ii.), en un mot, pour toutes les heures équidistantes de midi vrai. Lorsqu’on effectue les calculs pour Æ=!)0®, c’est-à-dire pour C h. du soir, l’expression (3) est indéterminée et se présente sous la forme OX<» on lève facilement celle indétermination en remarquant que la relation (4) donne, pour .11=90, 9=90 et qu’elle peut s’écrire : cos y _ sin ? cos Al tg- A ’ donc : ( OS ? 1 lim. cos Ar“tg A’ de môme il vient alors à la place de (3) et (6) : 0) tg A cos X (8) (9) formules qui permettent de calculer les valeurs de A et de Ig ï pour /R=90. Si l’on veut calculer en môme temps A et Igs pour 2 jours équidis¬ tants d’un équinoxe, c’est-à-dire pour 2 positions du soleil symétriques par rapport au plan do l’équateur, pour le solstice d’été et le solstice d’hiver par exemple, on devra, afin de simplifier les calculs, employer les formules (4) (3) (C) pour le jour compris entre l’équinoxe du printemps et l’équinoxe d’automne, en prenant pour ç le plus petit angle positif donné par la formule (4); pour le jour compris entre l’équinoxe d’au¬ tomne cl l’équinoxe de printemps, il suffira de changer ? en — ? et A en —A dans les formules (4) (3) (6) ; on aura dès lors : cos ? tg Al (10) L..=!i(H:2). (H, •cos A Pour 2 jours équidistants d’un solstice, A ainsi que tgs présentent très sensiblement aux mêmes moments de la journée les mômes valeurs. Enfin, pour calculer comme nous favons fait dans le tableau III l’azi¬ mut du soleil aux moments du lever et du coucher de l’astre pour un jour donné il suffit de remar(|uer qu’à ces moments ,î=90° et que, tg s ne devenant pas en général infini pour A=90“, il faut que : ?=dz90®. Pour l’été il faut prendre le signe — : ?=90»-t-),. La relation (4) devient alors : lgA= lg^.= et la relation (3) tg A=dzV/l— lg^> cns-.. tg A -l-\/ cos (A-)-).) cos (A— ).t .sin A SOLSTICE D’HIVER! I. ItERTLN-SANS ET J. GAGNIÈRE SOLSTICE D’ÉTÉ I. BERTIN-SAXS ET J. GAGXIÈRE TABLEAU UI permettra de calculer la valeur de A pour le coiiclicr du soleil, en un jour et un lieu quelconques, en dannant à A et à >. les valeurs cor¬ respondantes. Pour le lever on prendra la valeur de A symétrique par rapport au méridien. Pour l’hiver on aurait de môme pour la valeur de A au coucher du soleil : C’est en appliquant ces diverses formules aux jours du solstice d’été et du solstice d’hiver que nous avons obtenu les résultats consignés dans les tableaux ci-dessus. Dans le tableau 1 sont consignées les valeurs de razlmut A du soleil et de la longueur, tgz, de l’ombre portée par la tige d’un mètre implantée normalement en P, le jour du solstice d’hiver, pour les diverses latitudes comprises entre 30“ et So“ de latitude nord de S“ en S“. Le tableau II renferme les mêmes résultats relatifs au jour du solstice d’été. Dans le tableau III se trouvent les valeurs de l’azimut du soleil au moment du lever et du coucher de l’astre, au solstice d’été et au solstice d’hiver, toujours pour les mêmes latitudes. Les résultats consignés dans ces divers tahleaux pour diverses latitudes de l’hémisphère nord seraient d’ailleurs applicables aux INSOLATION I)KS FAÇADES 8S7 latitudes correspondantes de l’héinisplièrc sud , à condition seule¬ ment de prendre pour le solstice d’été les résultats donnés pour le solstice d’hivei’, et vice versa. 11 suffira de chercher dans ces tableaux les di^ erses valeurs de A. pour le lieu considéré, pour avoir tous les éléuicnts nécessaires à la solution des problèmes relatifs à l’insolation des façades des habita¬ tions isolées les jours des solstices. On trouvera également dans ces tableaux tous les éléments néces¬ saires pour construire les courbes de l’ombre aux jours des solstices et résoudre par suite, grâce aux règles que nous a\ons données, les problèmes relatifs à l’insolation des laçades des habitations non isolées. Il suffira, pour construire les courbes, de procéder comme nous l’avons indiqué. C’est ce que nous avons fait planche I pour la latitude de 4o“ à l’échelle de O"'/”', 4 par mètre, il sei'a bon seulement d’adopter une échelle plus gi'ande que celle adoptée ici â cause des exigences du format (au moins 1""“ par mètre.) Les tableaux I et II ne font connaître les valeurs de A et de tg z que pour les latitudes comprises entre 33° et 55° prises de 5 en O degrés. Il sei-ait facile de trouver les \aleurs correspondantes pour les latitudes intermédiaires en procédant de la façon suivante: Pour avoir la valeur de l’azimut A et de la tangente z à une heure donnée pour une latitude V comprise entre 33° et 53° et dif¬ férente de celles consignées dans les tableaux I et II, on cherche dans le tableau I ou II, suivant qu’il s’agit du solstice d’hiver ou du solstice d’été, la valeur de razimut et de la tangente à I heurc considérée pour la latitude À=4ܰ ou ),= 50’ selon que se l'ap- proche davantage de 40° ou de 50°. Si l’on désigne alors par n la différence en degrés* entre la latitude choisie V et la latitude X (40° ou 50°), diftérence qui doit être affectée du .signe ou du signe — suivant que À' — X est positif ou négatif, les valeurs a ou b à ajouter algébriquement à celles trouvées dans le tableau 1 ou il pour A ou pour tg z, seront données par les formules suivantes - : 1° pour Tazimut A : a=±HB!l— »C); » 1. Cette dilTérence 7l doit être exprimée en degrés et fractions décimales de degrés. 2. Ces valeurs seront données en degrés, dixiémes et centièmes de degrés pour l’azimut, en mètres pour la tangente. 3. 11 faut prendre le signe -f- pour les heures du matin, le signe — pour celles du soir. 888 H. BEIVriN-SANS ET J. GAGNIERE 2“ pour la longueur de l’ombre, tgz : &=HD(l+nE); B, G, D, EétaiU des coefficients qui diffèrent suivant les limites entre lesqu.lles se trouve comprise la latitude V, et suivant l’iieure. Nous avons calculé les valeurs de ces coefficients entre diverses limites et pour les diverses heures, et consigné dans les tableaux IV et V les résultats de nos calculs. SOLSTICE D’HIVEK TABLEAU iv Une fois la courbe de l’ombre construite pour le jour d’un solstice ou plus généralement pour un jour quelconque autre que les équinoxes, il est possible de trouver par une construction géo¬ métrique très simple les valeurs de A et de tgz pour les diverses heures de la journée, aux jours des équinoxes mêmes. Il suffit pour cela de remai’quer : 1° Que les jours des équinoxes la courbe de l'ombre est une droite dirigée de l’ouest à l’est et qui passe à une distance du point P précisément égale à la tangente de la latitude?, du lieu considéré. On trouvera dans le tableau VI les valeui's de ces tangentes toutes calculées pour toutes les latitudes comprises entre 30“ et 5o“ de degré en degré. 2“ Que pour tous les jours de l’année, l’ombre, en un même lieu. INSOLATION DES FAÇADES INSOLATION DES FAÇADES 891 point P, à une distance de ce point précisément égale à la cotan¬ gente de la latitude du lieu ; on trouvera dans le tableau VI les va¬ leurs dé ces cotangentes toutes calculées pour les latitudes com¬ prises enti’e 3o“ et 35” de degré en degré. TAItl.EAÜ M Il suffira donc pour trouver aux équinoxes, à une heure quel¬ conque, la direction et la longueur de l'ombre de la tige de 1 mètre implantée normalement en P, de tracer au-dessus de P, à la distance tgX, une droite perpemliculaire au méridien SN, et de joindre ensuite le point I au point qui représente sur la courbe préalable¬ ment tracée, pour run des solstices par exemple, la position que l’extrémité de l’ombre de la tige implantée en P occupait à l’heure considérée le jour de ce solstice. Le point d’intersection de la droite ainsi obtenue avec la droite LE' fera connaître la position de l'ex¬ trémité de l’ombre cbercbée, et permettra, par suite, de déter¬ miner la direction et la longueur de cette ombre. C’est ainsi que nous avons procédé pour déterminer sur la planche I la courbe de l’ombre aux équinoxes pour la latitude 43”. La solution des divers problèmes relatifs aux conditions d’insola- 892 REVUE CRITIQUE lion des façades isolées ou uou isolées aux jours du solstice d’été du solstice d’hiver et des équinoxes, c’est-à-dire aux époques de rannée où la durée de cette insolation présente sa valeur maxima, sa valeur niinima et une valeur intermédiaire, ne présentera donc plus aucune difficulté; la solution de ces problèmes pourra désormais s’effectuer sans calcul, à l’aide des constructions géométriques et des règles fort simples que nous venons de donner. REVUE CRITIQUE LKS MODES DE PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE ET LES .MEILLEUILS MOYENS DE LA COMB.VTITIE, D’APUÈS Fi.UGGE Par M. le D' NETTER, Agrégé de la Faculté et médecin des hôpitaux. Le fascicule de la Zeüschrift für Hygiene du 27 août 1901 est exclusivement composé d’une série de mémoires de Flügge et de ses collaborateurs, consacrée à la tuberculose. Flügge ‘ a placé en tête du fascicule un exposé très lumineux dans lequel il met en lumière les points les plus importants des travaux de ses élèves et expose scs vues personnelles sur les meilleurs procédés de défense contre la tuberculose. Heymann^ relate ses expériences sur le rôle des gouttelettes bumides et des poussières sèches de crachat dans la dissémination de la phtisie ; Oscar Nenninger* a étudié la pénétration des bacté¬ ries dans le poumon au moyen de gouttelettes et des poussièi’es ; 1. Flügge, Weitere Beitr.ïge zur Verbreitungsweise und Rekampfung dor Plilbise, p. 1 il 20. 2. B. Heïjian!>i, Versuche iiber die Verbreitung der Phtliiso durch aiisge- hustete Troptehen und durch trockenen Sputumstiuib, p. 21 ii 93. 3. OsCAn iVESNWGEn, Ueber das Eindringen vou Baktcrien, in don Lungeii durch Einalhmung von Trôpfclien uiid Staub, p. 94 à 117. D' .\ETTEK. — i'UOPAGATION DE LA TUBERCULOSE 803 Frantz Steinitz*, la destruction et la désinfection des craciiats tuberculeux ; Hei’r et Beninde ont recherché la présence des bacilles tuberculeux, dans le beurre ; Herr, l’efficacité de la pas¬ teurisation de la crème pour empêcher la propagation de la tuber¬ culose par le beurre. Il nous a paru que ces travaux méritaient une analyse plus détaillée que celles que nous donnons liabituelljment dans la Revue d'Hygiène et qu’il y avait intérêt à ne pas les analyser isolément. L’article ci-dessous résume aussi complètement que possible les mémoires de Flügge, de Heymann et de Steinitz. On trouvera à une autre place ceux de Hei-r et Beninde qui ont trait à la propa¬ gation de la tuberculose par le lait. Nous avons déjà analysé à maintes reprises, dans la Revue, les recherches de Flügge et de ses collahorateurs de l’Institut d’hygiène de Breslau sur la propagation de la tuberculose, recherches d’une portée au moins aussi grande au point de vue pratique qu’au point de vue théorique. Les idées de Flügge, qui venaient à l’encontre des thèses universellement adoptées à la suite des expériences de Tappeiner, de Koch et de Cornet, ont été d’abord acceptées avec défiance. Elles s’imposent néanmoins de plus en plus grâce à la patience et à la sagacité de l’auteur et de ses élèves, qui n’ont cessé d’appeler à leur secours des expériences ingénieuses. Elles consti¬ tuent une véritable révolution dans la manière de concevoir la défense contre la tuberculose. Dans la conception antérieure dont il convient de rapporter l’origine à Cornet, le tuberculeux est surtout dangereux parce qu’il infecte, par ses crachats, les locaux où il a séjourné. Ces crachats, après s’être desséchés sur les murs, le plancher, les mouchoirs, etc., produisent des poussières qui sont transportées par l’air en sus¬ pension dans la pièce et arrivent ainsi dans les voies aériennes des sujets sains qui viennent y séjourner. La cohabitation avec le tuberculeux serait inoffensive si l’on obtenait de ce dernier que ses crachats fussent rendus incapables de produire, après dessiccation, des poussières pouvant être transportées par l’air. Ce résullat serait facilement obtenu en habituant le malade à tousser aussi rarement 1. Fbantz Steixitz, Die Bescitigiin.ï uod Desinfeclion der plilliisischen Sputuins, p. H8 à loi. 89i REVUE CRITIQUE que possible, à ne ci-aclier que dans un crachoir fixe ou portatif renfermant de l’eau ou un liquide stérilisant. Ce programme, en vigueur dans les sanatoriums, a pendant ces dernières années constitué la pierre angulaire de la défense contre la tuberculose. Il reposait sur les bases suivantes : résistance à à la dessiccation des bacilles contenus dans les crachats, possibilité d’infecter les animaux à la suite de l’inhalation de poussières ren¬ fermant des bacilles tuberculeux, présence de poussières renfermant des bacilles virulents à la surface des locaux habités par les tuber¬ culeux et en des points où leur présence ne pouvait être attribuée à la projection directe, mais devait être imputée au dépôt de parti¬ cules en suspension dans l’atmosphère. Dans l’opinion de Flilgge, la transmission, tout en étant possible de la façon précédente, s’effectue essentiellement par un tout autre mécanisme. Le tuberculeux, en toussant, en éternuant et même en parlant; projette autour de lui des gouttelettes salivaires extrême¬ ment ténues, infiniment légères, capables d’être véhiculées par des courants atmosphériques des plus insignifiants. Ces gouttelettes qui tiennent en suspension des bacilles tubereuleûx virulents créent autour du malade une zone d’air contaminé des plus dangereuses pour celui qui s’y aventure. On voit combien ce mécanisme diffère de celui qui était adopté précédemment. Dans le premier, c'est le local habité par le malade qui cause l’infectmi ; le fait de cohabiter avec le tuberculeux, la présence de celui-ci dans la pièce où il a séjourné sont relative¬ ment secondaires, la contagion s’opéi'ant aussi bien quand il a quitté l’appartement, et le danger en tous cas ne commençant que quand le malade tousse et ramène des crachats par la toux. Dans la théorie de Flügge, c’est le malade lui-même qui est la cause directe de l’infection, le danger n’existe guère qu’en pré¬ sence du malade, mais le voisinage de ce dernier devient redou¬ table pendant tout le temps où il se trouve dans la pièce ; car il lui suffit d’éternuer, de bailler, de parler, pour infecter son entourage. Pour Cornet, on n’aurait à manifester aucune défiance au contact du tuberculeux pourvu que ce dernier s’astreigne à des précautions des plus simples. Pour Flügge; il y aurait lieu de toujours redouter le voisinage du tuberculeux, et tout au moins de surveiller les NETTER. — PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE 893 relations avec lui avec la même inquiétude que les contacts avec les sujets atteints des maladies contagieuses. Si, à ce point de vue, la conception de Flügge est beaucoup moins rassurante que celle de Cornet, elle ne laisse pas par un autre côté de donner plus de tranquillité. La dissémination ne se ferait habi¬ tuellement qu’à une distance inférieure à un mètre ; les particules chargées de bacilles ne restant que peu de temps en suspension ne seraient guère susceptibles d’être ultérieurement soulevées du point où elles se déposent, et les locaux ne restent dangereux que pen¬ dant un temps assez court. Pour Cornet, le péril existerait dans tout l’appartement du tuberculeux et persisterait pendant de longs mois et de longues années. Nous avons déjà montré que Flflgge et ses collaborateurs ne contestent pas la possibilité de l’intervention des poussières prove¬ nant de la dessiccation des crachats dans la propagation de la tuberculose. Ils se bornent à lui accorder une impoiTance secon¬ daire et hors de proportion avec celle des gouttelettes salivaires véhiculant les bacilles. Les particules provenant des crachats des¬ séchés sont, d’après leurs expériences, trop pesantes pour être déta¬ chées et en plus transportées par les courants d’aii' qui se produi¬ sent dans les appartements. Beaucoup des bacilles qu’elles renfer¬ ment ont perdu leur virulence. Cornet a bien rapporté, en 1899, dos expériences qui, d’après lui, répondaient aux objections précitées. Il fait dessécher des crachats tuberculeux sur des lames de verre, les broie ensuite dans un mortier et projette, au moyen d’une poire de caoutchouc les particules les plus fines résultant de ce broyage en face de cobayes placés à une distance de 10 à 20 cen¬ timètres. Ces cobayes deviennent tous tuberculeux. Dans l’autre série d’expériences il répand sur un tapis des cra¬ chats tuberculeux et de la poussière, qu’il laisse dessécher pendant deux jours. Ce tapis est placé ensuite dans une petile pièce, où sont logés à des hauteurs de 6, -iO, 95 et 184 centimètres des caisses renfermant des cobayes. On balaie le taj)is au-devant de ces loges plusieurs minutes tous les jours au moyen d’un balai très dur, de façon à produire de véritables nuages de poussières. Ces expériences ne prouvent qu’une chose, c’est la possibilité de déterminer la tuberculose par inhalation de poussières sèches; 8«6 UEVÜE CRITIQUE mais il ne s’agit pas de conditions réalisables fréquemment chez l’homme. Des quantités pareilles de poussières nocives en suspen¬ sion ne se produisent pas même dans les conditions les plus anti¬ hygiéniques ; d’autre part les animaux placés en face du courant chargé de poussières sont à des distances très minimes. Dans une série d’expériences avec le tapis imprégné de crachats tuberculeux, •12 cobayes étaient placés à 50 centimètres au-dessus du sol et à 3 mètres de distance ; un seul des 12 animaux a présenté des lésions très légères, les autres n’avaient rien. Si Cornet a trouvé des bacilles tuberculeux dans les pièces habi¬ tées par des malades en des points où les crachats ne pouvaient êtie directement projetés, il n’est pas impossible d’imaginer qu’ils aient été transportés là par un autre mécanisme que par le dépôt de poussières suspendues dans l’atmosphère et, il n’est pas prouvé d’autre part que ces bacilles ne soient pas fixés aux parois et incapables d’être détachés par les courants-d’air. Les expériences à l’aide desquelles Heymann étudie la propa¬ gation de la tuberculose au moyen de la projection de gouttelettes liquides ont ce grand mérite de reproduire autant que, faire se peut, les conditions qui se rencontrent dans la vie. C’est, en effet, au tuberculeux même qu’il s’adre.sse. On fait entrer celui-ci dans une cage de verre de 3 mètres cubes de capa¬ cité ; là, il prend place sur une chaise après avoir revêtu une blouse d’opération. En face de lui se trouve une table ayant 78 centimètres de long sur 50 de large. Cette table supporte un certain nombre de boîtes de Pétri et de porte-objets destinés à recueillir les gouttelettes projetées. D’autres plaques disposées ver¬ ticalement ou horizontalement sont placées en d’autres points de la paroi de verre, à toutes les hauteurs et sur toutes les faces. Les plaques sont à une distance de la bouche du malade variant de 30 centimètres à 1"',40. Leur éloignement du sol va de 77 à 100 centimètres. Les deux malades choisis pour ces expériences avaient déjà servi à celles des élèves de Elügge et on savait qu’ils projettaient habi¬ tuellement des gouttelettes nombreuses en toussant. A la fin de chaque séance, au cours de laquelle le malade toussait à maintes reprises, celui-ci sortait avec précaution de la cage que l’on fermait avec soin en l'abritant contre la lumière solaire. Au J)'^ NETTER. — PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE 897 bout de quelques heures, la cage était ouverte et les plaques et boîtes étaient retirées avec de gi-andes précautions. On introduit dans les boîtes 2 à 3 centimètres cubes de bouillon stérile et on les lave en se servant d’une plume stérilisée. Le liquide est injecté dans If- péritoine de cobayes que l’on sacrifie après dix à douze semaines. Après chaque expérience l’intérieur de la loge est nettoyé avec soin et stérilisé au moyen de l’aldéhyde formique. Une série de seize expériences donne 24 résultats positifs sur 24 animaux inoculés, soit 70,5 p. 100, et les résultats positifs sont obtenus non seulement avec des plaques placées à 70, 80 et même 100 centimètres en avant du malade, mais aussi quand les plaques sont placées latéralement et même dans un cas en arrière du tuberculeux. Dans une autre série de six expériences, les mêmes malades prennent les précautions de placer un mouchoir devant la bouche à chaque quinte de toux. Sur 36 animaux inoculés, 11 sont devenus tuberculeux, soit 30,5 p. 100. On voit -par ces expériences que la projection de gouttelettes chargées de bacilles tuberculeux est ti'ès fréquente, que les goutte¬ lettes peuvent être projetées à des distances qui peuvent aller à I mètre et même 1"’,40, que même certaines de ces gouttelettes peuvent être -portées en arrière dii malade, sans doute sous l’in¬ fluence des mouvements d’inspiration. On voit aussi comment la simple précaution de placer devant la bouche un mouchoir avant chaque quinte de toux diminue d’une façon très sensible le danger de cette projection. Heymann ajoute que les sujets qui ont servi à celte expérience se servaient mal et irrégulièrement du mouchoir. II ne doute pas que chez des sujets mieux éduqués les résultafè seraient encore bien meilleurs. Il croit pouvoir assurer que te danger de transmission sei-a à peu près nul si les sujets sains restent à une distance d’environ 80 cen¬ timètres (longueur du bras) et si le tuberculeux se met un mouchoir devant la bouche. Mais ces premiers résultats ne suffisent pas, et Heyniann se demande si ces gouttelettes restent en suspension dans l’atmos¬ phère et si après s’être fixées sur les parois elles sont susceptibles de s’en détacher. Pour résoudre ces questions il s’adresse encore aux malades et les fait séjourner dans la cage de verre comme dans les expé- UEV. D’iiYfi. XXIII. — 57 898 REVUE CRITIQUE riences précédentes pendant une bonne heure et demie. Mais dans ce cas les plaques de Pétri sont recouvertes d’un couvercle aussi longtemps que le malade séjourne dans la caisse. Des fils fixés à ces couvercles et que l’on peut tirer du dehors permettent de sou¬ lever ces couvercles au moment que l’on voudi-a après que le malade a quitté la cage. Dans une série de quati'o expériences, on met ainsi îi découvert 48 plaques qui servent à inoculer 24 cobayes. Deux cobayes deviennent tuberculeux. Les plaques avaient été découvertes une demi-heure après la sortie du malade. Pour rechercher si les gouttelettes peuvent être ultérieurement transj»or- tées par des courants atmosphériques, Heyinanu détermine un courant d’aspiration ayant une vitesse d’un mètre cube. L’air aspiré sort par un entonnoir et traverse un flacon rempli d’eau stérilisée dans lequel il liarbotte. On inocule aux cobayes cette eau ainsi que l’eau qui a servi à nettoyer les entounoii's par lesquels passe l’air aspiré. Une série de sept expériences, dans lesquelles 72 plaques sont utilisées pour 36 inoculations, a donné 2 résultats positifs. Dans ces deux cas l’aspiration a eu lieu au cours même du séjour du malade dans la cage de verre. Ces expériences montrent que si les gouttelettes peuvent être transportées à une certaine distance du malade par des courants atmosphériques, ce transport est relativement peu important et surtout que les gouttelettes une fois déposées ne paraissent pas susceptibles d’être de nouveau agitées. L’appareil employé dans les expériences permet encore de i-ésoudre une dernière question, celle de la durée pendant laquelle les bacilles ainsi déposés à la surface des parois conservent leur virulence. Heymann a fait dans ce but six séries d’expériences avec des gouttelettes produites par des tuberculeux ou obtenues artifi¬ ciellement au moyen du spray. 96 lamelles obtenues au cours de ces expériences ont servi à des inoculations après un temps de dessiccation qui a varié entre onze heures et quatre-vingt-dix jours. La survie la plus longue des bacilles ainsi projetés a été de dix-huit jours quand les plaques ont été maintenues dans l’obscu¬ rité, de trois jours quand elles sont restées exposées à la lumière. Fa survie est encore plus courte quand la pulvérisation a été obtenue au moyen du spray. Dans ce cas elle n’a pas dépassé sept NETTER. — PROPAGATION DE LA TURERCULOSE 899 jours pour les plaques maintenues dans l’obscurité, deux jours pour les plaques e.xposées au jour. On voit que les gouttelettes projetées par les tuberculeux ne conservent que peu de temps leur virulence et ne constituent pas de ce fait un danger bien important pour l’entourage du malade. Pour rechercher l’influence des poussières résultant de la dessic¬ cation des crachats , Heymann examine successivement les points suivants : A quelle distance et pendant combien de temps les pous¬ sières sèches contenant des bacilles tuberculeux peuvent-elles être transportées ? 2“ Dans quelle proportion les locaux habités par les tuberculeux renferment-ils des poussières susceptibles d’être détachées et transportées par l’air i Pour répondre à la première question il s’adresse à la grande chambre en veire si souvent utilisée dans les expériences. Cette chambre dont la capacité est de 3 mètres cubes présente des parois facilement stérilisables. On peut y disposer à diverses hauteurs dcfs boîtes de Pétri contenant du bouillon stérilisé, placées les unes ver¬ ticalement, les autres horizontalement. Au couvercle de ces boîtes sont fixées des ficelles, de façon qu’au moment voulu et pour tout le temps désiré, les couvercles pourront être soulevés. L’une des parois de la caisse est munie d’un orifice fermé par une gaze. Pour développer dans cette caisse des poussières sèches provenant de crachats desséchés , on se plaçait dans des conditions analogues à celles qui se rencontrent dans la chambre des malades. Heymann malaxe dans la chambre de verre des mouchoirs imprégnés de crachats tuberculeux desséchés, ou bien il promène, à la surface de tapis ou de pièces de bois imprégnés de la même façon, des balais ou des pilons de bois tra¬ versés à leui- base de clous comme les semelles de chaussure. Les boites de Pçtri ouvertes sur divers points de la chambre à une hauteur de 120 et 170 centimètres renferment du bouillon stérilisé. A la tin de l’expérience les boîtes sont retirées au bout d’un temps variant de 10, 30, 43, 00 minutes, une heure et demie et deux heures. Leur contenu bien agité au moyen d’une plume stérilisée, est injecté dans le péritoine de cobayes. Le résultat des Inoculations est habituellement positif quand les 900 REVUE CRITIQUE poussières ont été produites au moyen de la malaxation des mou¬ choirs. Il semble que des poussières supportées dans ce cas par de fines particules de tissu sont plus légères que celles qui se déta¬ chent des tapis ou des pièces de bois. Celles-ci ne donnent qu’e.v- ceptionnellement lieu à l’infection des plaques et ne restent pas en suspension l’opération terminée, tandis que les plaques ouvertes une demi-heure et même une heure après la fin de la malaxation de mouchoirs recueillent encore des bacilles en suspension. Pour déterminer si les particules de poussières déposées en divers points de la pièce peuvent être déplacées par un courant-d’air, Heymann se sert encore de la cage de verre dans laquelle il a fait le balayage ou la trituration des mouchoirs. Une demi-heure ou trois quarts d’heure après que cette opération a pris fin, il produit un courant d’aspiration en un point de la cage. L’air qui quitte la pièce traverse des flacons barbotteurs dont le contenu est injecté aux cobayes ; o2 inoculations donnent 2 résultats positifs. Dans l’une, l’aspiration avait été poursuivie trois quarts d’heure, dans l’autre une heure. Dans les SO autres, l’inoculation était restée sans résultat. On voit que les courants d’air n’ont pas grande action quand il s’agit de déplacer les poussières sèches qui peuvent être répandues dans les locaux où ont séjourné les tuberculeux. Mais encore, pour apprécier le dangei*, faut-il d’abord déterminer la proportion dans laquelle les locaux habités par les tuberculeux renferment des poussières nocives. Il ne suffit pas pour cela, comme le pensait Cornet, de consi¬ dérer comme positifs tous les cas dans lesquels le nettoyage des murs avec une éponge humide détache des particules susceptibles d’infecter les cobayes. Cornet, qui a obtenu de cette façon, comme l’on sait, des résul¬ tats positifs extrêmement nombreux, a certainement détaché ainsi des particules qui adhéraient trop intimement aux parois et ne pouvaient, en aucune façon, en être détachées par les courants d’air. Aussi Heymann croit préférable de répéter les expériences en substituant aux éponges des pinceaux secs stérilisés. De cette façon il fait 60 prises dans divers points de 15 pièces habitées par les tuberculeux. Cinq fois seulement, soit 8,3 p. 100, il trouve des baciles, et encore les prises ont été faites en des points de la pièce NETTER. — PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE 901 OÙ les poussières ont pu être portées par un autre mécanisme que celui qu’admet Cornet. Deux fois le prélèvement a été fait à la tête du lit où les mains du malade ont pu porter les particules tubercu¬ leuses, deux fois sur le mur contre lequel était adossée la tête du lit, une fois à l’angle du mur et du plancher. Dans diverses salles d’hôpital, les mêmes opérations ont donné 5 résultats positifs sur 61 prises, soit 8,2. Heymann a, dans les mêmes locaux, recherché la proportion dans laquelle les bacilles peuvent être détachés par les éponges mouil¬ lées. Il l’a trouvée bien supérieure à celle obtenue avec les pinceaux secs ; 16,78 p. 100 chez les particuliers, 40,3 p. 100 à l’hôpital. La comparaison de ces résultats avec ceux que Cornet a obtenus en se servant des éponges humides, montre que les chambres de malades de la ville sont moins infectées que celles de l’hôpital, contrairement à ce qu’avait obtenu le premier expérimentateur. L’explication de ces différences est facile à trouver. Dans les chambres de malades habituellement confinés au lit et où le nettoyage de l’appartement est fait rarement, le balayage, les excursions des infirmiers ne détachent pas les parcelles bacilli¬ fères des points où elles ont été fixées. Grâce à la campagne de Cornet, les malades de toutes conditions ont été renseignés sur les danger-s qui peuvent résulter des crachats tuberculeux et ils pi-en. nent des pi-écautions qu’ils ne prenaient pas il y a une dizaine d’années. Dans aucune des pièces visitées par Heymann il n’a trouvé trace de crachats sur le sol. Partout un crachoir, une cuvette, un seau recevant les produits de l’expectoration. Dans les salles d’hôpital, Heymann, au moyen de l’éponge ti-ouve plus souvent des bacilles que ne le faisait Cornet. C’est que les soins de balayage, la circulation des infirmiers et des malades détachent plus souvent des particules tuberculeuses. Dans la plupar t de ces recherches, du reste, les i-ésultats positifs ont été obtenus avec des poussières pi-élevées en des points où elles avalent dû être portées soit par le malade, soit par le balayage. La conclusion de ces expériences est que la propagation de la tuberculose par les poussières résultant de la dessiccation des cra¬ chats n’est pas impossible, mais qu’elle doit céder le pas à la pi-opagation par les gouttelettes. La pi-oporlion des poussières susceptibles d’êti-e détachées par les courants d’air qui se produi- 902 REVUE CRITIQUE sent dans les locaux liabités est sensiblement inférieure à celle qu’indiquaitCornet, et leur poids ne leur permet ni d’être transportées à une grande distance ni de rester en suspension au delà d’un temps très limité. Voici, du reste, comment Fliigge apprécie la part relalive des deux modes d’infection : « Le danger résultant de la projection de gouttelettes humides émises par le tuberculeux existe surtout pour les personnes qui vivent d’une fatjon permanente au voisinage de tuberculeux tous¬ sant et « postillonnant » d’époux à épouse, de mère à enfant, entre ouvriers d’ateliers et employés de bureau, chez les écoliei’s assis dans le voisinage d’un maître phtisique. Une cohabitation de courte durée, accidentelle, ne sera généralement pas bien dangereuse. Les chances de contamination peuvent être sensiblement réduites si l’on se tient à une distance d’un mètre du malade, et si celui-ci place devant la bouche un mouchoir chaque fois qu’il tousse. Ces mesures ne peuvent cependant pas faire absolument disparaître le danger. Il reste, en effet, en suspension dans la pièce un certain nombre de gouttelettes très légères, qui peuvent pénétrer dans les voies aériennes des sujets sains faisant un séjour prolongé dans l’appartement. « L’inhalation de poussière de crachats peut devenir dangereuse dans maintes circonstances. Il faut, pour qu’elle ait son effet, que les crachats, en se desséchant, produisent des poussièi’es très fuies susceptibles d’être emportées par l’air. Le danger est facile à éviter avec les crachats. Il suffit de les recueillir dans un crachoir quel¬ conque. Quand un crachat tombant sur le parquet ou un tapis s’y est desséché, les chaussures le divisent et les pous¬ sières sèches peuvent être mises en suspension par le ba¬ layage ou le battage. Dans ce cas l’air renferme momenta¬ nément des particules chargées de bacilles dont l’inhalation peut amener la tuberculose. Mais instinctivement, en pareil cas, on ne séjourne que peu dans une telle poussière, on res¬ pire superficiellement et on évite autant que possible ces pous¬ sières. Le danger disparaît bien vite, car ces poussières grossières ne restent en suspension que peu de temps. Un mouchoir qui a regu beaucoup de crachats ne se dessèche pas facilement et n’at¬ teindrait le degré nécessaire que si on le gardait en poche plusieurs jours. Seuls les mouchoirs qui ont reçu de petites quantités de cra¬ chats se dessèchent vite et peuvent permettre le détachement des D' NETTER. — PR0PA(;.4T10N DE LA TUBERCULOSE 9U3 fibrilles très légères supportant des bacilles. Il y a lieu suiTout de redouter à ce point de vue les débris de ci-achats suspendus sur les lèvres et la barbe, ainsi que les gouttelettes qui restent adhé¬ rentes en ces points. Les mains peuvent apporter des particules de crachats sur les vêtements, la literie, etc. Ici encore il s’agit de particules très légères et pourtant plus longtemps dangereuses. Les recherches établissent heureusement que ces particules légères sont en petites quantités et qu’il faut un séjour prolongé dans les locaux ainsi infectés pour contracter une tuberculose par inhalation. » Steiiiilz s’est imposé le programme de rechercher les meilleurs moyens de désinfecter les ci-achats tuberculeux. Il a constaté que les désinfectants chimiques sont insuffisants à détruire les crachats frais. Le trichloi-ure d’iode préconisé par Traugott s’est montré inefficace aussi bien que la formaline, l’alcool et même le sublimé à moins d’employer ce dernier à des degrés de concentration supé¬ rieure à 1 p. 1000. La destruction par la chaleur est seule pra¬ tique. Le meilleur procédé consiste certainement dans l’emploi de crachoirs en carton que l’on brûle après usage. Ces crachoirs doi¬ vent avoir un orifice d’un diamètre inférieur à 20 centimètres. Us devront ne pas se ramollir sous l’influence de l’eau au moins pen¬ dant trois jours. On arrive facilement à ce résultat en vernissant leur surface externe. Il y a avantage à les imprégner d'acide phé- nique pour empêcher les chiens et chats d’y toucher. Pour les brûler plus aisément il est bon d’enduire leur face interne de résine. Ou peut fabriquer des crachoirs répondant à ces conditions à un pi-ix inférieur à o centimes. On peut placei- au fond de ces crachoirs une petite couche de liquide, mais il n’y a aucun incon¬ vénient à y placer de la tourbe, de la sciure de bois. Il n’y a aucun danger que les crachoirs en pareil cas puissent être l’oi-igine de poussières bacillifères. Les crachoirs portatifs du modèle de Dettweiler ne se prêtent pas à une désinfection aisée ni complète. Il conviendrait donc de leur substituer des crachoirs analogues mais métalliques, dont le prix est assez élevé. On sait que Oornet a proscrit l’usage du mouchoir pour recueillir les crachats. A l’en croire, les crachats à leur surface se desséche¬ raient en très peu de temps et il suffirait de les sortir pour mettre en suspension des millions de bacilles virulents. Cornet a certaine- 90i REVUE CRITIUÜE ment exagéré. Les crachats recueillis sur un mouchoir mettent plus d’un jour à se dessécher. On pourra donc en les renouvelant assez fréquemment éviter tout danger de ce chef. Cela est d’autant plus heureux que l’emploi des mouchoirs est des plus aisés, qu’au moyen du mouchoir on empêche la projection des gouttelettes. L’on peut, en s’essuyant, empêcher l’arrêt et la dessiccation des débris de crachats à la surface des moustaches et de la barbe. Loin de proscrire l’usage du mouchoir, Flügge et ses collabora¬ teurs croient, au contraire, devoir le recommander. Mais ils con¬ seillent de n’utiliser le même mouchoir que pendant douze heures et même moins si possible et de les désinfecter chaque fois. La désinfection des mouchoirs est facilement réalisée, soit au moyen de l'ébullition pendant une demi-heure, soit par l’immersion pen¬ dant cinq heures dans une solution de sublimé au millième. Les auteurs se montrent très partisans aussi de l’emploi de mou¬ choirs en papier, comme les ont recommandés Sch ubert et Jæger. Ces mouchoirs, qui sont seuls utilisés au Japon, peuvent être fournis à très bas prix, environ 1 centime pièce. Ils peuvent être brûlés immédiatement ou seulement à la lin de la journée. Dans ce cas, on peut les loger, en attendant, dans une pochette spéciale. Il y aurait grand avantage à placer dans des distributeurs auto¬ matiques de pareils mouchoirs dans les gares de chemins de 1er, dans les wagons, sur les promenades. Pour la désinfection des vêtements des tuberculeux et celle de leurs appartements, l’aldéhyde formique rendra de grands services. 11 ne faut pas cependant lui demander plus qu’elle ne peut faire. Elle ne peut ârriver à pénétrer complètement les souillures grossières produites par des crachats desséchés. Ces souillures, visibles à l’œil nu, devront être préalablement arrosées copieusement au moyen de sublimé à 2 p. 100. Le formol suffira à désinfecter le reste. Voici en quels termes Flügge résume les presci-iplions essentielles qui ont pour objet la défense contre la tuberculose : « Le tuberculeux qui a envie de tousser doit s’éloigner de sou entourage à une distance égale à la longueur du bras et placer le mouchoir devant la bouche. Dans les ateliers, les bureaux, les ouvriers seront placés à un mètre les uns des autres. « Il ne faut jamais cracher sur le sol , mais seulement dans un crachoir. Le meilleur crachoir est le crachoir en carton qu’il est facile de brûler. Quand il n’existe pas de crachoir à-çortée, on cra- D- NETTER. — PROPAGATIO.\ DE LA TUBERCULOSE 90o chera clans un mouchoir. On ne gardera jamais un mouchoir en usage pendant plus d’un jour, et on le désinfectera aussitôt après. Il y a lieu de recommander tout spécialement les mouchoirs en papier qui sont brûlés chaque fois qu’ils ont servi. « Il faut désinfecter au moyen de l’aldéhyde formique l’apparte¬ ment qu’a habité un tuberculeux. « Il ne faut consommer que du lait bouilli et n’utiliser que du beurre provenant de fermes où la crème est pasteurisée. » Flügge, comme beaucoup de médecins, ne croit pas que la créa¬ tion des sanatoriums qui prend en Allemagne une extension si marquée ait une influence très notable sur la diminution de la pro¬ pagation de la phtisie. Les sanatoriums recueillent surtout les tuber¬ culeux qui ont chance de guérir. Ils n’abritent pas les tuberculeux avancés, qui sont les plus dangereux parce qu’ils disséminent le plus de gouttelettes chargées de bacilles. Ils ne recevront guère les tuberculeux ambulatoires à marche lente, car ces malades n’ont pas conscience de la gravité de leur état et n’accepteront pas d’être longtemps retenus dans des établissements de celte nature. Flügge est donc très partisan d’une législation analogue à celle qui a été instituée en Norvège et qui autorise l’isolement obliga¬ toire du tuberculeux lorsque celui-ci ne prend pas ou ne peut pren¬ dre les précautions nécessaires pour ne pas être dangereux pour son entourage. On a dit de divers côtés que la lutte contre le bacille tuberculeux est illusoire, qu’il faut seulement s’attacher à modifier le terrain. Ceux qui soutiennent cette thèse insistent sur la fréquence des lésions tuberculeuses aux autopsies. Naegeli a trouvé ces lésions dans 90 p. 100 de ses SOO autopsies. Sans doute, le bacille tuber¬ culeux est très répandu, parce qu’il y a énormément de phtisiques; mais le bacille n’a jamais d’autres origines que les malades et il y a moyen, comme on l’a montré, d’éviter ou de réduire la dissémina¬ tion du contage. On ne sait du reste rien de pi'écis au sujet du ter¬ rain propice à la tuberculose et par suite des moyens qui modifie¬ ront ce terrain. C’est se payer de mots que de voir le salut dans une amélioration des conditions sociales, sauf les progrès du bien-être. Ce n’est pas à celte amélioration que l’on doit la disparation de la variole, aujour¬ d’hui réalisée en Allemagne grâce à la vaccination. C’est parce que •906 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE l’on a trouvé les moyens spécifiques de prévenir et de guérir le ■diphtérique. Celle-ci n’inspire plus la même terreur qu’il y a moins «le dix ans. La connaissance des moyens de propagation du choléra, de la peste nous permet de prévenir, d’enrayer, d’arrêter les épidémies. La disparition de la lèpre en Norvège n.ous montre comment, au moyeu d’un isolement bien dirigé, on a pu faire disparaître une maladie. On est en droit d’espérer que dans un délai assez court on pourra faire disparaître la tuberculose, si l’on emploie énergique¬ ment les mesures convenables spécifiques, adaptées aux propriétés et au mode de dissémination de son agent pathogène. On voit combien les idées émises dans ces publications sont per¬ sonnelles et intéressantes, et on ne sera pas surpris qu’à un moment où la lutte contre la tuberculose absorbe autant l’attention de toutes les classes de la société, nous ayons trouvé bon de leur consacrer ■de pareils développements. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIOUE ET DE GÉNIE SANITAIRE Séances des 12 et 26 juin 1901. (Suite et /in K) Présidence de M. le ü' Buouardeu. QUELQUES DONNÉES D’HYGIÈNE SPÉCIALES AUX HABITATIONS A BON MABCHL Par M. Ch. LUCAS, architecte. 11 ne saui-ait entrer dans ma pensée que j’apporte à vos discus¬ sions un élément nouveau en vous demandant d’examiner quelques données d’hygiène spéciales aux habitations à bon mai-ché. Vos séances, et par suite leurs comptes rendus, ont plus d’une fois témoigné de toute l’attention que la Société de médecine publique accorde à l’hygiène des habitations. Mais si, malgré sa complexité, la science de l’hygiène est une, si 1. Voir page 608. M. CH. LUCAS. — HABITATIONS A BON MARCHÉ 907 de grandes lois, aujourd’hui universellement reconnues, donnent à cette science comme un caractère de doctrine qui fait entrei- les détails dans les applications de règles nettement définies, on doit cependant admettre que, au fur et à mesure que de nouveaux types d’habitations se multiplient — ceux, par exemple, que l’on com¬ prend sous le nom générique d’habitations à bon marché — il est du devoir de l’hygiéniste de rechercher comment de grandes lois immuables sont applicables à des espèces uouvelies, et comment ces lois peuvent produire leur salutaire effet dans des habitations, certes perfectionnées à beaucoup de points de vue, mais dont l’exisuité, relativement au nombre d’habitants, doit inspirer quelque crainte au point de vue de leur entière salubrité. En effet, le grand effort civilisateur, qui s’est produit dans la seconde moitié du dernier siècle mais qui a surtout donné de bril¬ lants résultats dans ces dix dernières années, cet effort civilisateur qui s’est traduit par la création de logements salubres pour les classes les plus nombreuses mais les moins fortunées, a fait trouver aux constructeurs les types les plus économiques à donner à ces logements, qu’il s’agisse de logements nombreux juxtaposés et superposés dans de vastes maisons à étages, ou de logements isolés consacrés, sous forme de petites maisons, à l’habitation d’une seule famille. Seulement, plus d’une fois ces constructeurs ont dû sacrifier aux goûts, aux préjugés même d’une clientèle ouvrière et, pour ne citer qu’un seul exemple, celui de la distribution intérieure des loge¬ ments, ils ont dû souvent s’efforcer de trouver, dans un logement à bon marché ou dans une petite maison familiale, toutes les pièces, tous les dégagements que comporte l’appartement ordinaire complet. En multipliant ainsi le nombre des pièces en les empêchant de se commander mutuellement, ils sont arrivés à réduire forcément la superficie et le cube d’air de chacune de ces pièces et, par la multi¬ plicité même des cloisons, à rendre plus difficile le meilleur et le plus simple de tous les moyens de ventilation , celui qui consiste à créer des courants d’air au travers de ces pièces. Cet exemple et plusieurs autres, relatifs à des questions d’hygiène qu’il serait facile de citer, ont vivement frappé les membres du jury d’un récent concours ouvei-t, entre propriétaires et architectes, par le Comité des habitations à bon marché du département de la Seine en vue de récompenser les meilleurs types de maisons d’habita- 908 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE tion ordinaires, d’hôtels et maisons meublés et de petites maisons familiales rentrant dans les conditions de logement fixées par la loi du 30 novembre 1894 sur les habitations à bon marché : aussi, rapporteur de ce jury qui comptait plusieurs membres des plus dis- ingués de notre Société de médecine publique, entre autres un do se anciens présidents, mon honoré confrère M. Émile Trélat, oi son secrétaire général M. le D''A.-J. Martin, j’ai pensé qu’il pourrait y avoir quelque intérêt à rappeler sommairement, dans une de nos séances, les données d’hygiène qui avaient paru au jury dignes d’êti'e relatées dans ce rapport. Je ne saurais, au reste, mieux faire que de reprendre devant vous, dans leur ordre même, les considérations émises au point de vue de h construction el de Isl distribulion, données souvent intimement liées à l’hygiène, et celles émises au point de vue de l’hygiène. Il n’est pas douteux que les observations, qui seront faite.? à la lecture de ces considérations, n’apportent de précieuses indications aux constructeurs isolés et surtout aux Comités de plus en plus nom¬ breux se préoccupant de développer à Paris, dans le département de la Seine et an France, cette œuvre si intéressante des habitations à bon marché sous ses trois formes : la maison à étages, l’hôtel meublé et la petite maison familiale. 1. Construction. — En dehors des conditions spéciales de hauteur et d’orientation des constructions, conditions qui tiennent de la voirie et qu’il est difficile et souvent onéreux de toujours observer dans une ville comme Paris, mais que l’on ne saurait trop recom¬ mander aux constructeurs de petites maisons familiales afin d’exposer leurs habitants à souffrir le moins possible des mauvaises odeurs, de la fumée, de la fréquence des pluies et aussi alin de faire en sorte que toutes les parties de façades soient soumises à l’action des rayons solaires , nous devons reconnaîti'e que, dans les maisons collectives à étages, au moins dans celles que nous avons signalées pour des récompenses, la construction est soignée, la maçonnerie d’épaisseur suffisante, en bons matériaux; souvent la pierre ou la brique laissée apparente remplacent le moellon ou les pans de bois enduits de plâtre pour les façades sur les cours ; les planchers sont en fer, les escaliers bien placés, convenablement divisés, éclairés et aérés; enfin la construction, en son ensemble et dans ses détails, ne diffère guère de celle des immeubles de rap- M. CH. LUCAS. — HABITATIONS A BON MARCHÉ 909 port dont les appartements sont loués de -1,000 francs à 1 ,300 francs dans les quartiers moyens de la capitale. Au sujet des escaliers, nous avons remarqué quelques dispositions intéressantes : entre autres, au point de vue de l’économie de dépense et ausssi de la facilité de montée des étages, dans un immeuble où tous les étages sont de même hauteur, toutes les montées comptent le même nombre de marches et des marches de mêmes dimensions, tandis que, dans un autre immeuble , toutes les montées sont coupées par un palier de repos, disposition appréciée par les mères de famille portant souvent un enfant en même temps qu’elles remontent un panier de provisions. Mais ces excellentes conditions de construction, de maçonnerie surtout, que nous avons constatées pour les maisons collectives à étages à Paris, sont loin de se retrouver dans nombre de petites maisons familiales de la banlieue : des murs de trop faible épais¬ seur, en matériaux médiocres et souvent hourdés en plâtre, y com¬ battent assez mal l’influence du froid rigoureux ou de la trop grande chaleur qui peut régner à l’extérieur; dans ces conditions, il n’est pas rare que l’humidité vienne promptement attaquer, salir et même détruire des parties de leur revêtement, et, conséquence déplorable, le locataire d’aujourd’hui devra, le jour où il sera propriétaire, subir de coûteuses dépenses d’entretien pour ce même immeuble dont il ne sera devenu propriétaire qu’en consacrant à son acquisition les économies des quinze ou vingt meilleures années de son existence, celles où son travail aura été le plus rémunérateui'. Revenant aux maisons à étages à Paris, d’ingénieuses reclierches y ont été notées, par exemple l’emploi de fa’ience polychrome, facile à laver, dans la décoration du vestibule d’entrée, et l’emploi de la pierre de Comblanchien, si résistante, pour les pierres d’évier. Autre disposition tenant de la construction, mais précieuse au point de vue de l’hygiène : le raccordement des parois verticales des pièces avec les plafonds, au lieu d’être surchargé, comme dans certains immeubles, de moulures coûteuses et véritables nids à poussière, est, suivant les prescriptions des hygiénistes pour les bâtiments scolaires ou hospitaliers, arrondi, dans certains de ces immeubles, en un simple quart de rond permettant un lavage possible et ne pouvant retenir aucune saleté. On ne saurait trop souhaiter voir cette disposition s’imposer dans les entrées , les watcr-closcts et les cuisines, pièces que généralement on peint à l’huile au lieu de les »10 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE revêtir de papier, et cette disposition devrait régner non seulenieiu à la partie supérieure des parois, mais encore à la rencontre des parois latérales entre elles. IL nous faut exprimer un autre désir. Presque partout, malgré l’établissement par le propriétaire , dans la cuisine, d’un fourneau économique dit cuisinière, avec ou sans coquemar pour l’eau chaude, les locataires in.stallent, parfois dans une chambre plutùi que dans une cuisine, et sans prendre toujours les précautions sui- lisantes, un petit poêle bas en fonte, avec tuyau de tôle venant pei - forer le coffre de cheminée à la partie supérieure de la pièce, poêle servant à la fois à chauffer la pièce et à cuire les aliments, tandis que la cheminée, devenue le plus souvent purement décorati^e, sert surtout comme tablette supportant une garniture de cheminée se reflétant dans une glace. Aussi, malgré d’ingénieux progrès constatés depuis plusieurs années en France et à l’étranger dans les appareils de chauffage de cuisine destinés aux logements à bon marché, nous pensons qu'il reste encore à trouver un modèle de cheminée, à la fois cheminée d’appartement et fourneau de cuisine, munie de plus, quand il y aurait lieu, d’une bouche' de chaleur pouvant chauffer la pièce con¬ tiguë à celle où serait installée eette cheminée, afin qu’un seul foyei', ne nécessitant qu’une seule dépense de combustible et un seul allu¬ mage, puisse satisfaire à tous ou à presque tous les besoins d’un logement. D’autres questions, à la fois de construction et d’hygiène, telles que celles des persiennes ou des jalousies, ont attiré l’attention des membres de la Sous-Commission et un grave reproche a été fait aux jalousies; c’est celui, quand elles sont enroulées, d’arrêter à lapai lie supérieure d’une baie une notable partie de l’air et de la lumiéie que cette baie peut laisser pénétrer à l’intérieur ; de même, il y a lieu de déplorer que le plus souvent les entrées, les water-closets, et parfois les cuisines, pièces qui ont le plus besoin d’air et de lumière, soient éclairées et aérées par des baies souvent plus étroites comme largeur et de moindre dimension par le haut et par le l)as que les autres pièces: aussi avec 31. Émile Trélat, demanderons- nous aux constructemrs de logements à bon marché d’assurer les plus grands courants possibles d’air et de lumière à toutes les pièces sans exception de ces logements, pièces dont les locataires obscur- M. CH. LLC.\S. — HABITATIONS A BON MARCHE 911. cissent souvent quelques-unes, les chambres-salons, par des rideau.v d’étoffe trop compacte. C’est encore du domaine de la construction en même temps que du domaine du confortable et de l’hygiène que relèvent certains avantages qu’assurent à leui'S locataires les propriétaires d’une partie des immeubles proposés pour des récompenses. Outre l'adduction de gaz et d’eau et le régime du tout-à-l’égout, données d’hygiène et de confort réclamées dans toutes les maisons parisiennes, un propriétaire, par l’installation de calorifères, chauffe les escaliers communs des appartements et l’entrée et la salle à manger de chacun de ces appartements; d’autres, presque tous, ménagent dans la cour, assez spacieuse pour les jeux des enfants, des petites remises fermant à clé pour voitureltes ou pour bicyclettes ; d’autres prévoient ou ont déjà installé buanderie et séchoir en attendant une petite salle aménagée pour bain ou pour douche, tous avantages fort appréciables et, disons-le, fort appréciés des locataires. II. DiSTitiuuTioN. — Plus encore que les données de construction sur lesquelles il a été facile aux membres du jury de se mettre d’accord, les données de di.stribution des logements dans les maisons collectives à étages ont suscité des observations variées et aussi nombre de réserves. Dans beaucoup de ces logements, véritables appartements moyens réduits à petite échelle et comprenant : éhtrée, corridor de dégagement avec souvent au fond un vaste pla,card ou un petit cabinet, -water-closet, cuisine, salle à manger et une, deux et quelquefois trois pièces, mais pièces le plus sou¬ vent petites, trop petites même, le va-et-vient des portes et le pla¬ cement des lits sont difficiles, l’entrée et le corridor ne sont pas toujours aérés et ne sont guère éclairés que par des panneaux vitrés à la partie supérieure des portes des cuisines et des salles à manger ; enfin, dans ces logements où nous avons eu la satis¬ faction de voir plusieurs enfants bien portants et jouant, la surveil¬ lance de ces enfants est difficile pour la mère de famille qui ne peut être à la fois dans l’entrée, le corridor, la cuisine et la salle à manger. Sans vouloir réduire les locataires des logements à bon marché à n’avoir ni entrée, ni cori'idor de dégagement, ni cuisine, ni salle à manger à l’état de pièces distinctes, on peut cependant se demander 912 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE si, dans les logements tombant sous l’application de la loi du 30 novembre 1894, au lieu de la petite cuisine et de la souvent trop modeste salle à manger, il ne leur serait pas préférable d’avoir une sorte de salle commune, à la fois cuisine et salle à manger en même temps que salle de réunion ; en outre, le corridor de dégagement, disposé pour empêcher les pièees multiples de se commander, a souvent le grand inconvénient d'empêcher d’établir des courants d’air au travers d’une pièce sur rue et d’une pièce sur cour, et cet autre iiicouvénient, dû à son exiguïté même, d’être d’un entretien de propreté difficile. Le placard fermé, dans lequel s’entassent des vêtements parfois peu soignés, est aussi une véritable cause d’insa¬ lubrité, et dans tous les cas, nous désirerions voir la partie inférieure de ce placard largement ouverte de façon à pouvoir pendant la journée abriter un lit-cage fermé qui serait une ressource dans lesjamilles nombreuses. Une question de distribution et aussi d’hygiène, tenant en même temps à une donnée économique, est la place à assigner aux water- closets que nous avons vus, dans certains logements très étudiés et très soignés, avoir accès sur le corridor ou l’entrée, mais n’être. éclairés et aérés que par une trémie d’une faible section, passant dans la cuisine pour gagner la cour ou la iTte, ou bien encore être éclairés et aérés directement sur la cour ou sur la rue, mais n’avoir d’accès que par la cuisine même. Malgi-é les grands perfectionnements apportés à tous les points de vue dans l’application du régime du tout-à-l’égout, il y a là une question dé convenance qu’il suffit de signaler. Autre question d’aménagement intérfeur, plutôt de décoration que de construction et de distribution, mais relevant surtout de l’hygiène et des données économiques, dépense de premier éta¬ blissement et aussi d’entretien : les membres delà Sous-Commission ont été d’accord pour penser que la peinture à l’huile est préféralilc dans les escaliers, les paliers et corridors donnant accès aux logements et dans certaines pièces de ces logements, aux revêtements d’étoffe ou de papier, lesquels ne peuvent se laver et rendent ainsi difficile et parfois incomplète la désinfection, dans les cas où celte désinfection est prescrite à la suite de maladies contagieuses. Il va sans dire que, comme pour les questions de construction, la plupart de ces questions de distribution, d’aménagement et de déco¬ ration, presque toutes intimement liées à des questions d’hygiène et M. CH. LUCAS. — HABITATIONS A BON MABCHK 913 à des données économiques, sont applicables aussi bien aux liôlels et maisons meublés qu’aux petites maisons familiales comme aux maisons collectives à étages. Mais il est une dernière question, relevant à la fois de l’aménagement et de la décoration, plus spéciale aux logements des maisons collectives à étages: c’est l’établissement, dans certaines pièces de ces logements, de ce que l’on appelle en administration un mobilier fixe, armoires, coffres et tablettes, afin d’atténuer les inconvénients de la rareté du mobilier et le coût de son transport pour les familles peu aisées que la nature de leurs occupations et les variations de l’industrie locale forcent à changer fréqüement de résidence. III. Hygiène. — Comme on a pu le voir par ce qui précède, nombre des données de l’hygiène des Habitations à bon marché sont intimement liées à des questions de construction et de distri¬ bution, telles par exemple le cube d’air des pièces et leur mode d’aération ; comme aussi à des questions d’aménagement et de décoration. Mais il est trois principes primordiaux d’hygiène publique et privée sur lesquels il est indispensable d’attirer l’attention sérieuse des constructeurs: c’est l'abondance d’air, l’abondance d'eau et la facile et prompte évacuation des matières usées. A Paris, quoique l’air et l’eau, et aussi l’évacuation des matières usées, cette dernière grâce au régime du tout-à-l’égout, soient assurés dans un avenir prochain à toutes les constructions par suite de prescriptions administratives, il faut reconnaître que de trop lourds impôts rendent très onéreux le bénéfice qui résulte de ces avantages ; et, pour nombre de communes de la banlieue, leur situation est encore plus défavorable, car, dans ces communes, si certaines habitations ont l’air en abondance, elles souffi-ent parfois de pénurie d’eau potable et plus encore peut-être de l’absence de tout mode d’évacuation des matières usées ; c’est dans ces habitations que se trouvent fréquemment peu distants une fosse fixe et un puits. Les membres de la Sous-Commission croient donc devoir attirer sui' ces questions primordiales d’hygiène l’attention des administrateurs et des membres du Parlement en relations diverses avec la Ville de Paris et le département de la Seine, afin que les mesures nécessaires soient prises à bref délai en vue de mettre à la portée de tous l’abondance d’eau potable et l’évacuation prompte et facile des matières usées. REV. d’hyg. xxni. - 58 914 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Pour cette dernière question, — V écoulement direct à l’égout, comme on l'appelle — et en ce qui concerne les maisons collectives à étages de Paris, nous ne saurions trop» recommander aux archi¬ tectes de se munir de toutes les indications nécessaires près du service service spécial de la Préfecture de la Seine, au bureau de l’inspecteur du service technique de l’Assainissement, M. Masson, membre du jury de ce concours, avenue Victoria, 6; certaine brochure bleue, que ce bureau distribue gratuitement aux intéressés, renferme des conseils qui, pour n’avoir pas un caractère obligatoire, sont des plus utiles à consulter en pareil cas. Mais, à côté de ces graves questions d’hygiène et de quelques autres qui ont été effleurées incidemment au cours de ce rapport, il en est d’autres, peut-être moins importantes, mais qui cependant ont leur intérêt. Ainsi, nous n’avons pas encore vu essayer en France, au moins dans les logements k bon marché, des petits appareils de ventilation assez simples et d’une installation peu coûteuse que l’on rencontre dans nombre d’habitations anglaises et allemandes. Les garde-manger sont trop souvent placés, par suite de leur proximité voulue des cuisines, dans des courettes peu aérées sur lesquelles s’éclairent ces cuisines. Enfin, malgré des efforts méritoires tentés pour débarasser l’intérieur des logements des ordures ménagères de tous les étages par une trémie étanche dans un récipient disposé à cet effet à rez-de-chaussée, la solution de cette grosse question d’hygiène dans les grandes villes, question que certains voudraient résoudre à l’aide de la combustion sur place et même dans l’intérieur de chaque logement, semble n’être pas encore mûre et attendre, après la discussion de mémoires en Con¬ grès, des expériences plus générales et plus décisives que celles faites en France jusqu’à ce jour. J'ai fini. Messieurs ; vous le voyez, aucune de ces données n’est nouvelle et, prise isolément, n’aurait mérité de retenir votre attention ; mais, réunies à l’occasion d’une manifestation du Comité des habitations à bon marché du département de la Seine, à l’occa¬ sion d’un premier concours qui sera suivi d’ici trois ans d’un second concours plus important que le premier, ces données m’ont paru pouvoir solliciter vos observations et soulever une discussion ou, dans tous les cas, appeler de votre part d’utiles compléments qui, je n’en doute pas, seraient profitables à tous. M. LACAU. — DES FOYERS A COMBUSTION LENTE DES FOYERS A COMBUSTION LENTE Par M. LACAU Architecte. Si toute vérité n’est pas bonne à dire, il est des vérités qu’on ne saurait trop répéter, parce que ces vérités s’oublient vite, surtout quand elles gênent nos goûts, nos habitudes ou nos intérêts. Je me crois donc tout excusé de venir devant un auditoire de médecins, d’ingénieurs, d’architectes et de praticiens du bâtiment redire que l’oxyde de carbone est dangereux, très dangereux, et qu’il faut proscrire dans les habitations les appareils de chauffage à combustion lente, tous grands producteurs d’oxyde de carbone. Tout le monde ici est sans doute de cet avis. Pourtant je n’oserais affirmer que personne parmi nous n’emploie un de ces engins de mort. Je puis affirmer dans tous les cas qu’en dehors de notre Société d’hygiénistes, il est plus d’un architecte, d’un ingénieur ou même d’un médecin chez lequel un poêle à combustion lente brûle nuit et jour. C’est donc que le danger constant de ces appareils n’est pa» assez connu, ou qu’on n’y croit pas assez. Vous m’excuserez, mes chers collègues, d’arrêter quelques instants votre attention sur ce sujet brûlant. Aussi bien la question est dans l’air. La Commission d’hygiène de la Société centrale des architectes français l’a inscrite il y a deux mois à son ordre du jour. Elle avait déjà il y a deux ans fait paraître une note engageant les propriétaires à interdire dans leurs maisons l’emploi des foyers à combustion lente. La Société de médecine publique et de génie sanitaire ne peut se désintéresser d’un tel projet, puisqu’elle s’est donnée pour mission d’étudier spécialement toutes les questions touchant à la santé publique. Il ne faut pas nous dissimuler que nous entamerons là une gi-osse partie et que les adversaires ne nous manqueront pas. Nous avons contre nous naturellement les fabricants de poêles mobiles et autres appareils ’de chauffage à combustion lente; nous les menaçons malgré nous dans leurs intérêts. 916 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Mais nous avons encore des adversaires bien plus redoutables, ce sont les dames ! ! ! Elles trouvent avec raison que leurs Choubersky ou leurs sala¬ mandres sont propres, commodes... et économiques. Et ce que femme veut... le mari le veut. — Donc il faut nous attendre aux protestations des familles. Heureusement si les femmes sont des épouses, elles sont aussi des mères ; nous nous adresserons à leurs cœurs, et quand nous aurons prouvé que si leurs chérubins roses perdent leurs belles couleurs, si l’anémie étiole leurs belles jeunes filles, c’est princi¬ palement à l’affreux oxyde de carbone qu’elles le doivent, nous aurons par là même changé des adversaires irréductibles eu auxi¬ liaires précieux. Oui, messieurs, tout est là. Nous sommes des convaincus, mais nous ne pourrons triompher du mal qu’en por¬ tant la conviction dans l’esprit du public qui s’empoisonne par ignorance. [1 faut le forcer ce public à voir le danger, dont il se désintéresse, mettre sous ses yeux la statistique des accidents, souvent mortels, causés par les appareils de chauffage à combustion lente. Que chacun de nous apporte à notre Société le récit exact des accidents qu’il connaît, et nous pourrons en peu de temps dresser un tableau vraiment effrayant, bien propre à frapper les esprits. En dehoi’s des accidents immédiatement graves causés par l’oxyde de carbone, ne négligeons pas ses effets plus lents qui produisent l’anémie et ses conséquences. Nos collègues médecins sont spéciale¬ ment qualifiés pour conduire cette partie de notre enquête. Déjà notre éminent collègue, le D"^ Armand Gauthier, dans son rapport sur les fumées de Paris nous a rappelé que si on respire de l’air conte¬ nant 1-/100' d’oxyde de carbone on meurt en vingt minutes, qu’en respirant de l’oxyde de carbone dilué dans l’air au 10/1000' on est sérieusement indisposé, et que même au 300/1000', ce gaz éminem¬ ment toxique peut réagir défavorablement sur la santé. N’y a-t-il pas là de quoi faire réfléchir les plus sceptiques? .. Je viens de vous dire que nous aurions les mères mieux informées comme auxiliaires, mais nous aurons aussi pour nous les proprié¬ taires, quand ils connaîtront les responsabilités qu’ils peuvent encourir. Les foyers à combustion lente endommagent rapidement les conduits de fumée, d’où réparations coûteuses. — Les conduits de M. LAC AU. — DES FOYERS A COMBUSTION LENTE 917 fumée des maisons parisiennes sont rarement étanches, soit qu’ils aient été mal montés, soit que les matériaux employés pour les construire soient imparfaits, ou que des tassements ou des feux de cheminées passés inaperçus les aient fendus ou disloqués. Les gaz produits par un foyer passent facilement de son conduit dans un autre; ou bien ces gaz, montant jusqu’à l’orifice desortie, s’étalent et retombent dans les conduits voisins. De sorte qu’il arrive souvent que le possesseur d’un Chouberski n’est pas incom¬ modé, mais que son voisin de l’étage au-dessus ou au-dessous l’est gravement. D’où procès qui peut coûter cher au possesseur du poêle à combustion lente ou au propriétaire de l’immeuble. Ce n’est pas là une simple supposition. A l’heure actuelle un procès est engagé entre un propriétaire et son locataire qui, a plusieurs reprises, a été sérieusement incommodé par la salamandre d’un médecin habitant au-dessus de lui. Qui ne se rappelle le procès survenu à la suite de la mort de deux jeunes gens, causée par un poêle mobile installé à l’étage au-dessus d’eux dans un hôtel meublé? Notre collègue 31. Bunel, architecte eu chef de la préfecture de police, était expert dans cette affaire. Il a conclu à la responsabilité du possesseur du poêle mobile et du propriétaire, et ceux-ci ont été condamnés solidaire¬ ment à payer une somme considérable aux parents des deux décédés. Tout récemment, notre éminent président n’a-t-il pas eu lui-même à constater que l’oxyde de carbone avait causé la mort d’un publi¬ ciste bien connu et de sa femme? Ce n’est pas ici le lieu de multiplier les exemples. — Je me hâte de conclure : J’ai l’honneur de proposer à la Société de médecine publique et de génie sanitaire de nommer une commission chargée d’exposer dans un rapport (auquel il serait donné la plus grande publicité possible) les dangers inhérents aux foyers à combustion lente et les responsabilités qu’ils peuvent entraîner. Cette commission devra faire connaître sous la forme la plus propre à frapper le public les effets toxiques de l’oxyde de carbone, les dangers immédiats et les maladies qu’il occasionne : elle recueil¬ lera le plus grand nombre possible de faits positifs à l’appui de son exposé. Ces faits seront publiés avec le rapport. M. LE PRÉSIDENT. — Cotte commission sera nommée prochainement. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE, MALADIE POPULAIRE, PAR LE SANATORIUM, ÉTABLISSEMENT DE CURE ET ÉCOLE DE PROPHYLAXIE, Par M. le D' E. MOSNY, Médecin des Hépitaux. Le traitement des tuberculeux dans les sanatoriums qui, partout en général, mais plus particulièrement en Allemagne, a été si favo¬ rablement accueilli par les médecins et par les malades, et s’est si rapidement érigé en méthode générale de cure et de prophylaxie de la tuberculose, est accepté chez nous avec moins d’enthousiasme par les malades, mais surtout rencontre, chez un grand nombre de médecins, la plus vive opposition. De là nos hésitations dans la création de sanatoriums pour les tuberculeux riches, aisés ou indigents, et finalement la stérilité des efforts de tous ceux que hante la préoccupation de la lutte contre la tuberculose, maladie populaire. Je n’ai certes pas l’intention de discuter tous les arguments invo¬ qués contre le principe même du sanatorium, je veux seulement signaler la cause de cette opposition opiniâtre qui n’est autre qu’une méconnaissance absolue du but que l’on poursuit et des moyens les plus propres à l’atteindre. 11 me semble donc qu’il n’est pas inutile, au moment où quelques sanatoriums se créent en France, au moment où l’initiative privée et certaines administrations en élèvent ou se préparent à en élever pour les tuberculeux indigents, il me semble, dis-je, qu’il n’est pas inutile de préciser le but de nos efforts, de poser, en d’autres termes, le principe du sanatorium et d’en étudier l’application. Le but du sanatorium est de lutter contre la tuberculose, maladie contagieuse et curable. — Curable, si l’on sait la recon¬ naître à ses débuts et la traiter, sans tarder, par les moyens appro¬ priés. — Contagieuse, par les bacilles contenus dans les goutte¬ lettes de salive que projette le tuberculeux lorsqu’il tousse, éternue ou parle à haute voix ; contagieuse surtout par les crachats bacil¬ lifères que dissémine le phtisique partout où il séjourne, partout où il passe, et qui vont, en se desséchant, soulevés par la poussière, contaminer ceux qui les inhaleront. D' E. MOSNY. — LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 919 Nous savons quel piteux échec ont subi tour à tour les divers médicaments ou les méthodes thérapeutiques auxquels on s’était adressé dans l’espoir d’obtenir la destruction du bacille. Mais, d’autre part, l’expérience nous enseigne que la seule méthode thé¬ rapeutique qui, jusqu’à présent, ait à son acquis des résultats satis¬ faisants, est la cui’e hygiéno-diététique qui, s’adressant au terrain, cherche pai’ l’air pur, le repos et la suralimentation, à assurer à l’organisme infecté la victoire sur le bacille qui l’a envahi. De même, nous connaissons l’échec de toutes les mesures pro¬ phylactiques qui cherchent à détruire le bacille, et nous savons la cause de leur insuccès ; l’extrême dissémination des germes tuber¬ culeux, leur ubiquité, leur résistance remarquable aux agents de destruction physiques ou chimiques les mettent sûrement à l’abri des atteintes des procédés de désinfection les plus perfectionnés. Mais nous savons d’autre part que, par l’éducation, on peut empê¬ cher les phtisiques de tousser, leur apprendre et les habituer à ne cracher que dans un crachoir qu’il est aisé de désinfecter. De cette double conception de la lutte contre la tuberculose par la thérapeutique et la prophylaxie, est née l’idée du sanatorium, établissement de cure et école de prophylaxie. « La cure de sana¬ torium, a dit M. Landouzy, est une leçon de choses pour le malade qu’elle convertit à deux idées qui manquent à l’éducation du public : la curabilité de la tuberculose ; son évitabilité par la guerre faite aux expectorations bacillifères. » Tel est le principe fort simple dont la méconnaissance seule peut expliquer l’opposition des adversaires du sanatorium, ou les appli¬ cations erronées qu’on en a voulu faire. Cette méconnaissance même du principe du sanatorium tient à ce que la plupart des médecins a considéré le sanatorium surtout comme un établissement de cure, sans nul souci du parti qu’on en pouvait tirer pour la vulgarisation de la prophylaxie. Cette concep¬ tion étroite du but du sanatorium, n’envisageant qu’un des termes du problème qu'il s’agissait de résoudre, et négligeant le point de vue capital de la prophylaxie, .a d’ailleurs conduit aux plus étranges déductions. Elle aurait pu, si par malheur elle avait prévalu, com¬ promettre d’une façon irrémédiable, non seulement la construction de sanatoriums pour les tuberculeux indigents, mais même le succès de la lutte entreprise contre la tuberculose. Si Ton envisage, en effet, le sanatorium uniquement comme un 920 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE établissement de cure, on ne tarde pas, exagérant les préoccupa¬ tions thérapeutiques et les craintes d’insuccès, à n’y vouloir admettre que ceux qui sont aisément, incontestablement curables ; et on arrive, logiquement d’ailleurs, à n’en ouvrir les portes qu’aux malades atteints de lésions initiales. Cette idée ne laisse certainement pas que d’être fort judicieuse en principe, et l’on peut y souscrire. Elle a malheureusement abouti aux exagérations que l’on pouvait prévoir, car on en a conclu qu’il fallait à tout prix éviter aux malades sanaloriés toute cause d’in¬ fection secondaire ou de surinfection tuberculeuse, et qu’dont devait, pour celte raison, exclure du sanatorium tout tuberculeux porteur de lésions ouvertes, avec expectoration bacillifère. Les expériences récentes de Flûgge et de ses élèves, établissant la possibilité de la transmission de la tuberculose par les goutte¬ lettes de salive que projette le tuberculeux quand il tousse, éternue ou parle à haute voix, furent invoquées à l’appui de ces craintes chimériques. Je me garderai bien de combattre les résultats des recherches faites par un expérimentateur de la valeur de Flügge. Ses propres expériences et celles qu’il inspira à ses élèves, Sticher, Laschtschenko, Heymann, Beninde, Kœniger, sont trop ingénieuse¬ ment conçues et trop habilement conduites pour que la tech¬ nique expérimentale, non plus que les résultats obtenus, puissent donner lieu à la moindre critique. Mais je ne pense pas qu’aucun de ces expérimentateurs ait jamais eu l’idée d’en déduire les conclusions qu’on en a tirées au sujet de l’éviction des sanatoriums de tout tuberculeux dont l’expectoration serait bacilli¬ fère. Nous voyons là un nouvel exemple de l’influence fâcheuse que peuvent exercer les recherches scientifiques sur les esprits systé¬ matiques qui ne savent pas les interpréter. Notons d’aillem-s que l’exagération ne s’en est pas tenue là : il n’y avait nulle raison pour que les conséquences de ces craintes chimériques ne fussent pas poussées à l’extrême, et elles le furent. Dès lors qu’un tuberculeux porteur de lésions ouvertes avec expec¬ toration bacillifère était considéré comme un danger permanent pour son entourage, il était bien évident qu’un tuberculeux porteur de lésions fermées pouvait à tout moment subir des poussées con¬ gestives avec présence momentanée de bacilles dans les crachats : il constituait ainsi une menace constante puisqu’il pouvait devenir un danger passager, il est vrai, mais néanmoins réel de contami- D' E. MOSNY. — LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 921 nation pour son entourage ; nulle raison pour ne pas l’exclure du sanatorium, et c’est ce qui fut proposé. Ainsi, progressivement, en arriva-t-on à réclamer que le sana¬ torium fût réservé aux suspects de tuberculose, aux débilités, à ceux que pour mille raisons guette l’infection bacillaire : aux des¬ cendants, aux collatéraux, aux alliés de tuberculeux, qu’une coha¬ bitation constante et des contacts étroits expose plus que d’autres à la contamination tuberculeuse. Ainsi, voyons-nous, par une série de déductions logiques assurément, mais dont le point de départ est absolument faux, le sanatorium se transformer en asile de villé¬ giature où le séjour prolongé profiterait certainement aux candidats à la tuberculose, mais qui ne sempait en aucune façon ni à la prophylaxie de la tuberculose, ni au traitement des tuberculeux curables. Et l’on peut penser si les critiques ont eu beau jeu ; les médecins n’ayant nulle envie de se séparer de leurs malades ; ceux-ci ne se souciant pas de se soumettre à une cure disciplinée, intensive, loin du milieu familial ; les administrations publiques ou privées n’en¬ visageant pas sans inquiétude l’obligation d’une institution certaine¬ ment fort onéreuse. De là est née la conception conciliatrice de la cure libre qui est la négation même de la cure hygiéno-diététique et de la prophylaxie de la tuberculose. Nous concevons tout auti'ement le sanatorium parce que, nous plaçant au point de vue général de la lutte contre la tuberculose, maladie populaire, nous en voulons faire l’instrument de choix de cette lutte, répondant à la double indication du traitement des malades curables et de l’enseignement des mesures prophylactiques. C’est à ce double point de vue que nous allons envisager le sana¬ torium établissement de cure et école de prophylaxie. Le sanatorium est un établissement de cure où tout tuberculeux jugé curable doit faire le stage nécessaire à l’amélioration de sa santé et suffisant à son éducation thérapeutique. Il y sera soumis à la ciu-e hygiéno-diététique qu’il faut lui imposer si l’on veut qu’il s’y soumette. Car le tuberculeux, au début de sa maladie, ou pendant les trêves qu’elle subit, ii’est souvent pas, à proprement parler, un malade : il continuera, si l’on ne s’y oppose, à mener son existence habi¬ tuelle qui sera, selon les cas, une vie de plaisirs ou une vie de tra- 922 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE vail. Ce n’est donc certes pas dans le milieu familial qu’il se soi¬ gnera, si fréquentes que soient les visites de son médecin, si éclairés que soient ses conseils, si sévères que soient ses prescrip¬ tions. Il ne se soignera que si on l’y oblige, et ne se soignera bien que si on le lui apprend. C’est précisément au sanatorium qu’il apprendra à se soigner par l’enseignement magistral du médecin et par l’enseignement mutuel des autres malades. Il s’y soignera bien parce qu’il n’aura pas auti-e chose à faire, parce que la discipline sévère de l’établissement l’y obligera, parce que les résultats obtenus par lui-même et par tes autres malades lui démontreront l’efficacité de la cure, parce qu’enfin la présence constante du médecin lui permettra de régle¬ menter la cure d’après les indications de son observation quoti¬ dienne. Le sanatorium est, en outre, une école de prophylaxie, école théorique et école d’application où le médecin apprend au malade à ne plus tousser, où le malade constamment surveillé ne tousse plus que rarement et sait, lorsqu’il tousse, préserver son entourage de la projection des gouttelettes de salive bacillifère. C’est encore au sanatorium que le malade s'habituera à ne plus cracher que dans un crachoir ; qu’il apprendra, parce qu’il l’aura vu faire, comment se désinfectent les crachoirs. C’est au sanatorium, enfin, qu’il apprendra la nécessité de l’a¬ sepsie du milieu, qu’il verra comment il convient de balayer, d’essuyer, de nettoyer. L'asepsie individuelle et l’asepsie du milieu, conditions néces¬ saires à la prophylaxie de la tuberculose, ne se peuvent enseigner d’une façon efficace, apprendi’e d’une façon durable que par la sur¬ veillance constainte et l’enseignement en commun, dans un sana¬ torium dirigé par un médecin compétent. On conçoit aisément que la cure libre, à domicile, dans le milieu familial, ne saurait répondre à aucune de ces deux indications for¬ melles de la cure et de la prophylaxie de la tuberculose : obsei^va- tion constante du malade et conti’ôle sévère de l’exécution des pres¬ criptions thérapeutiques et prophylactiques par le médecin. En résumé, la lutte entreprise contre la tuberculose n’a de chances de succès que si elle a recours à l’action combinée du trai¬ tement et de la prophylaxie. A ce double desideratum répond le D-^ E. MOSNY. — LA LOTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 923 sanatorium qui, en principe et en fait, doit être un établissement et une école de cure et de prophylaxie. Il y a donc un intérêt évident à ce que tout tuberculeux riche, aisé ou indigent, pouvant bénéficier de la cure et faire bénéficier son entourage de son éducation prophylactique, fasse dans un sana¬ torium un séjour, un stage dont la durée nécessaire et suffisante sera fixée par les nécessités de son instruction thérapeutique et prophylactique. Mais il n’y a nul intérêt, au moins pour les tuberculeux riches ou aisés, à ce que, ces notions une fois acqxiises, le rétablissement même momentané de la santé une fois obtenu, le séjour au sana¬ torium soit prolongé ou répété. A la cure forcée peut désormais se substituer, sans inconvénient ni pour le malade ni pour son entou¬ rage, la cure libre. Aux soins constants et prolongés que nécessite la tuberculose, voire même aux rechutes, aux incidents parfois fré¬ quents, toujours menaçants dans le cours de la tuberculose, suffi¬ ront, pour les malades riches ou aisés, les soins et les conseils périodiques et fréquents du médecin ; pour les indigents, le dispen¬ saire institué selon les indications de M. Calmette, et dont les établissements de Lille et de Liège dus à l’heureuse initiative de MM. Calmette et Malvoz nous donnent de si précieux exemptes. On comprend dès lors qu’il n’y ait nul besoin de créer autant de lits de sanatorium qu’il y a de tuberculeux même curables : ce serait pratiquement inutile et financièrement irréalisable. Ce fut là l’un des principaux ai’guments, le seul valable, invoqué contre la création des sanatoriums pour les tuberculeux indigents : le prin¬ cipe du sanatorium appliqué dans les conditions que je viens d’énoncer en montre l’inanité. Il me paraît maintenant utile de montrer en quelques mots quelle est la haute portée sociale de cette conception du sanatorium envi¬ sagé comme établissement de cure et comme école de prophylaxie. Personne, actuellement, ne nie la contagion de la tuberculose : chacun a pu en constater des exemples, et l’on n’a plus, grâce à Villemin, à faire la preuve de ce que sa géniale intuition a si méthodiquement démontré. Les progrès incessants de la tuberculose, son extension crois¬ sante en sont le témoignage : la lutte partout entreprise contre ce fléau social en est la conséquence. Nous n'avons donc, en bonne logique, que deux partis à prendre : 924 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE OU bien éliminer les tuberculeux de toute collectivité, ou bien les admettre partout, à la condition formelle qu’ils nous donnent des garanties suffisantes de leur innocuité. L’éviction des tuberculeux de toute collectivité serait une mesure insuffisante et irréalisable. — Insuffisante, parce que tout en empê¬ chant les tuberculeux de contaminer leurs camarades de bureau ou d’atelier, elle ne les en laisserait pas moins pour cela contaminer leur famille, leur habitation, les lieux de réunion publique. — Irréalisable, parce que si l’on met les tuberculeux dans l’impossi¬ bilité de travailler pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, c’est à la société qu’incombe cette charge, et je ne crois pas qu’il soit nécessaire de discuter plus longuement une mesure aussi évidemment inapplicable. Et c’est poui-tant là l’une des conséquences inévitables de la lutte contre la tuberculose, conséquence contre laquelle il convient de réagir par les moyens appropriés, si l’on ne veut voir compromettre l’œuvre de préservation sociale à laquelle nous consacrons actuelle¬ ment tous nos efforts. J’ai récemment eu l’occasion de constater deux exemples de cet ostracisme à l’égard des tuberculeux, et Je ne puis résister au désir de les citer. Un des malades de mon service de l’ Hôtel-Dieu annexe, dûment tuberculeux, fut, pour cette cause, renvoyé d’une maison de commerce où il était employé depuis plus de 14 ans. Un autre tuberculeux, dont la santé s’était améliorée, veut s’embaucher dans un atelier et avoue au patron que de nombreux séjours à l’hôpital, poim bronchite chronique, l’ont empêché de travailler depuis six mois : le patron le fait déshabiller, constate sur la poitrine les traces de pointes de feu et lui déclare que, le considérant comme tuberculeux, il ne peut l’embaucher dans un atelier où il serait capable de contaminer ses camarades. Voilà quel est l’avenir des tuberculeux, et l’on prévoit ce qu’il sera dans quelques années, si, par des moyens appropriés, nous ne les mettons en mesure de donner aux chefs des administrations, des bureaux, des ateliers, des garanties suffisantes de l’innocuité de leur voisinage pour leurs camarades non tuberculeux. To us nos efforts doivent donc tendre à ce que le voisinage d’un tuberculeux ne soit plus une cause de contamination, à ce que sa présence dans une collectivité ne soit plus un sujet de crainte. Il faut qu’il puisse être admis partout, comme employé dans les D'^ JI. LETULLE. — SANATORIUM POPULAIRE ANTI-TUBERCULEUX 925 bureaux, comme ouvrier dans les ateliers ; mais il faut pour cela que la collectivité qui l’admet ait des garanties suffisantes de son innocuité. Ces garanties, c’est au sanatorium, école de cure et de prophy¬ laxie, que nous les demandons. Le certificat de séjour dans un sanatorium doit être pour le tuberculeux un passeport, un certificat d’innocuité, une preuve qu’on peut l’admettre à côté de sujets sains sans danger pour eux. Ce n’est donc pas seulement comme établissement de cure, c’est encore et plus encore comme école de prophylaxie que le sanatorium constitue l’arme la meilleure que nous ayons actuellement en main pour lutter contre la tuberculose, maladie populaire. Mais pour que le sanatorium réponde à ce double desideratum de cure et de prophylaxie, pour qu’il soit ce qu’il doit être, tout à la fois un établissement de cure et une école de prophylaxie, il faut que la direction en soit exclusivement confiée à un médecin compé¬ tent ayant sous ses ordres des aides expérimentés : le sanatorium vaut ce que vaut le médecin qui en a la direction. Tendre à la réalisation du programme que nous venons d’ex¬ poser, c’est faire œuvre à la fois de médecin, d’hygiéniste et de sociologue, car la tuberculose’ ne s’en tient pas à l’individu qu’elle frappe : elle porte plus loin ses coups et menace la société dans l’entourage des malades qu’elle contamine et dans leurs descendants dont elle fait des dégénérés inaptes, sinon toujours à la vie, du moins aux obligations qu’elle lui impose. LÉ SANATORIUM POPULAIRE ANTI TUBERCULEUX OEUVRE DE SOLIDARITÉ ET DE PRÉSERVATION SOCIALE Par M. le D' Maurice LETULLE Agrégé, Médecin des Hôpitaux. Dans la lutte entreprise, depuis trop peu de temps encore, par toutes les nations civilisées contre la tuberculose pulmonaire, le « Sanatorium populaire », simple instrument de combat, a pris rapidement la valeur d’un symbole, grâce auquel la victoire défini¬ tive paraît certaine. Aux yeux de ses propagateurs, en effet, l’idée du Sanatorium populâiré se confond avec la conception de l’assistance rationnelle 926 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE aux tuberculeux. Ce ii’est plus seulement la « maison de cure », rétablissement spécial, confortable et hygiénique, dans lequel se pratique une méthode de traitement basée sur le repos parfait, l’aération continue et l’alimentation ; c’est aussi et avant tout une « œuvre humanitaire», œuvre d’assistance venant au secours du tuberculeux nécessiteux qui se confie à elle, lui, et s’il est soutien de famille, les siens en demandant secours et protection contre la contagion et la misère. Ainsi compris, le Sanatorium populaire est véritablement une œuvre de solidarité et de préservation générale, arme puissante qui nous permet de combattre la tuberculose, la plus angoissante des questions sociales. Pour ce qui est du sanatorium en tant que méthode de cure anti-tuberculeuse, je n’ai rien à ajouter aux développements cir¬ constanciés dans lesquels est entré notre collègue Mosny. Je désire présenter seulement quelques remarques générales sur le but pour¬ suivi et sur les voies et moyens employés ou à employer par toute œuvre d’assistance désignée désormais sous ce nouveau vocable. Le Sanatorium populaire crée un rouage nouveau dans les œuvres d’assistance et de mutualité et leur impose de nouveaux devoirs ; comme tel, il mérite quelque considération. De l’aveu de toutes les personnes compétentes, il doit former, avec le « dispensaire anti¬ tuberculeux » et avec « l’hospice spécial » pour les affections chro¬ niques de la poitrine, une triple instrumentation indissoluble. A ce prix, il constitue le moyen le plus actif, mais aussi le plus onéreux de l’effort exigé de toute collectivité humaine qui ne peut pas dispa¬ raître sous les coups de la tuberculose. Par les guérisons que le sanatorium obtient, aussi évidentes que durables, de tout tuberculeux curable soigné à temps, nous appor¬ tons au public la démonstration nécessaire et, par une assistance rationnelle et bienfaisante à la famille du tuberculeux nécessiteux, nous assurons à l’idée philanthropique la popularité qui lui est indispensable. Tel est, si j’en juge par ce qui se passe à l’étranger et par le mouvement qui se dessine en France, l’esprit qui entraîne dans cette voie non seulement l’initiative privée, mais encore les pouvoirs publics. L’expérience a, d’ailleurs, en maints endroits, prouvé la justesse de cette conception d’ensemble. Partout où l’on s’est contenté de bâtir à grands frais et d’installer magnifiquement quelques tuberculeux pauvres dans des établissements hygiéniques. D' M. LETDLLE. — SANATORIUM POPULAIRE ANTI-TUBERCULEUX 927 l’effort a été, sinon stérile, du moins improductif, tant que l’esprit d’assistance et de solidarité qui doit animer les fondateurs d’une telle œuvre ne les a pas jetés bien au delà du cercle étroit qu’ils s’étaient tracé : la famille du malade fait partie intégrante, inévi¬ table, du problème, avec tout ce qu’elle apporte d’indigence, de contagion et d’hygiène défectueuse. De là la nécessité, absolue pour l’œuvre, de s’occuper de la femme et des enfants, de leur assurer le gagne-pain, le logement salubre, l’alimentation saine, le placement rapide dans la maison de secours ou à la maternité, à la crèche ou à l’hôpital maritime, en un mot et pour tout dire, de là le « devoir de protection » aussi complet, aussi coopératif que possible. On ne touche pas en vain à la misère, surtout quand cette misère est le résultat direct de la maladie accidentelle du soutien de la famille. Placé ainsi au premier rang parmi les instruments de préserva¬ tion sociale, à la tête des moyens de protection de la famille, le Sanatorium populaire arrive, dans le schéma de ce que Landpuzy appelle si bien « l’armement anti-tuberculeux », sur le même plan que les logements salubres pour ouvriers, et que les restaurants à bon marché anti-alcooliques. S’appuyant sur toutes les œuvres de bienfaisance, d’assistance et de mutualité, il leur ouvre ses portes en leur demandant une collaboration effective. Aucune rivalité à craindre entre toutes ces œuvres et celle du Sanatorium populaire, puisqu’elles servent les mêmes intérêts et visent, par des moyens différents, le même but : la sauvegarde de l’humanité. D’ailleurs, l’affiliation vite reconnue indispensable, s’est établie d’elle-même, et facilite la tâche commune en la simplifiant. En résumé, l’organisation de la lutte contre la tuberculose réclame de la Société non seulement une triple instrumentation nouvelle appropriée : le dispensaire, le Sanatorium populaire et l’hôpital spécial; elle exige encore que toutes les forces vives du pays se groupent et syndiquent leurs moyens d’assistance et de bienfaisance autour de cette instrumentation, en vue de la préser¬ vation des valides, au moins autant que de la guérison des victimes. Suivant l’état des mœurs d’un pays, le degré d’expansion des idées de bienfaisance, d’assistance ou de charité de l’esprit populaire, et suivant l’étiage de ses lois d’hygiène, la mise en œuvre des res¬ sources financières sera plus ou moins rapide et la campagne s’y organisera î^vec plus ou moins de méthode et de continuité. Quel 938 SOCIÉTÉ DÉ MÉDECINE PUBLIQUE que soit le plan suivi, les résultats déjà obtenus montrent l’obliga¬ tion inévitable d’une alliance entre les pouvoirs publics et l’ini¬ tiative privée : hors de cette association coopérative, l’insuccès a toujours été rapide. Eu France, actuellement que faut-il attendre de l’Etat et que peut- on demander à l’initiative privée? Question délicate que nous avons essayé d’élucider, dans la Commission extra-parlementaire de. la tuberculose, sous la prudente direction de notre président le professeur Broüardel. Sans préjuger de ce que nous réserve l’avenir, on n’a qu’à considérer le chemin parcouru par l’initiative privée, avec ou sans l’aide des pouvoirs publics. Pour ce qui est des dispen¬ saires, la puissante impulsion de Calmette les fait sortir de terre à Lille, à Paris, à Arras, à Nantes ; dé leur côté, les sanatoriums populaires, ou pour mieux dire les œuvres d’assistance anti-tuber¬ culeuse fondatrices de sanatoriums populaires se multiplient dans les grandes villes de France : Lyon, avec Hauteville, et Paris, avec Angicourt, ont tracé la voie ; Amiens, Bordeaux, Cannes, Le Carinet, Hyères, Le Havre, Le Mans, Lille, Marseille, Mayenne, Morlaix, Nancy, Nice, Orléans, Bois-Colombes, Rouen, Saint Quentin, Sémur, Versailles, Paris encore avec ses sanatoriums de Ville- pinte, d’Ormesson, de Bligny et ses hôpitaux marins, se hâtent de construire et d’aménager leurs maisons de cure, en même temps que de perfectionner leur outillage d’assistance et de prophylaxie. Jusqu’à présent l’Etat, épuisé par les dépenses formidables consa¬ crées à la Paix armée, n’a pu participer que de loin, surtout par des règlements d’hygiène prophylactique, à la croisade anti-tuber¬ culeuse. Cependant le temps est proche où les Chambres françaises seront saisies officiellement de la question : M. le sénateur Strauss, M. le docteur Amodru, député, vont bientôt porter à la connais¬ sance du pays le bilan des désastres causés par la tuberculose et proposer le remède. En attendant les résultats de cette consultation populaire, c’est, à l’initiative privée que nous devons tous, hygiénistes, médecins et philanthropes, nous adresser ; libre de toute entrave administra¬ tive et sûre de la puissance de ses ressources inépuisables, elle seule peut et doit marcher de l’avant, fonder nos dispensaires, construire nos sanatoriums , demander l’aménagement d’hôpitaux- hôspices pour les tuberculeux chroniques, éclairer le public sur ses devoirs anti-tuberculeux, multiplier les maisons salubres et les res- M. BELOUET. — LE SANATOBIUM D’ANÜICOURT 929 taurants anli-alcooliques, secourir les mères, sauver lès enfants, guérir les parents touchés par le bacille de Koch. Pendant ce temps, les Sociétés mutualistes et les œuvres de pré¬ voyance, toutes les Sociétés d’assistance, les œuvres de bienfai¬ sance et de charité, les patronats organiseront la lutte contre l’en¬ nemi commun qui les décime et les ruine : pour le moment, leur rôle le plus important se borne à dépister chez leurs sociétaires la tuberculose au début, à les assister, à les guider au dispensaire et au sanatorium, à coopérer à la dépense que comporte le traitement si onéreiux et si long, de cette maladie, enfin, grâce à leur « caisse de la tuberculose » à subvenir aux besoins de la famille en lui évitant la misère. Œuvre multiple et grandiose, d’aucuns même ont dit gigantesque, mais (la preuve en est donnée par nos voisins) justiciable de nos efforts et féconde en résultats immédiats, la lutte contre la tuber¬ culose en France s’organise ainsi, de toutes parts. Le Sanatorium populaire eu constitue donc des instruments indispensables; son rôle symbolique sera capital ; il marquera les étapes d’une ère nou¬ velle dans l’histoire de la tuberculose humaine, celle de la cura¬ bilité certaine de l’individu et de la préservation des collectivités sociales. L’ordre du jour appelle la discussion de la communication de M. Beloüet sur le Sanatorium d’Angicourt (Voir page 416). M. LE D' Mosnv. — J’aurais certainement fait à la communication de M. Belouet sur le sanatorium d’Angioourt do plus longues critiques que celles que je vais lui adresser, si dans un récent article paru dans la Presse médicalé, M. Dumarest, médecin du sanatorium d’Hauteville ne les avait déjà formulées en partie. Pourtant, je désire faire à M. Belouet quelques objections concernant le détail de sa construction, et d’autres s’adressant à la méthode suivie par l’Assistance publique dans la construction des liôpilau.x parisiens. Je ne l’eprocherai à M. Belouet ni le prix du lit au sanatorium d’Angi¬ court, prix inférieur à celui du lit dans les établissements similaires construits en Allemagne, ni le défaut d’aseptisation des parquets qu’on a récemment pai-afinés. Mais je lui reprocherai l’emplacement de son sanatorium et l’aména¬ gement de la galerie de cure. Le sanatorium est bien orienté, mais il est placé au sommet d’une colline, sur un plateau, où rien ne l’abrité, et c’est là une condition éminemment défavorable. Le tuberculeux craint par-dessus tout l’humidité iiEV. d’hyg. xxni. — 59 930 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE et le vent : vous avez logé vos malades en un endroit où ils auront toujours du vent, d'où qu’il vienne et si faible qu’il soit. Consultez les plans et les photographies des sanatoriums les plus récemment construits, et vous verrez que tous sont situés à flanc de céteau, sous la protection de collines boisées. Aucun de ceux que j’ai visités en-Allemagne, aucun de ceux dont je possède les photographies et les plans, ne déroge à cette règle. Et la conséquence de ce que vous me permettrez d’appeler une faute, c’est que voh’e galerie de cure est inhabitable et que par suite, votre sahatoriuni ne peut fournir à ses malades l’une des trois conditions essentielles à la cure, et je dirai volontiers la condition primordiale de hi cure, l’aération constante. La cause des fautes graves commises dans la construction du sanatorium d’Angicourt est, je le sais, la déplorable habitude qu’à l’Administration de l’Assistance publique de ne jamais consulter les médecins pour la construction de ses hôpitaux. SI l’on veut un exemple de ce que peut produire, pour la construction et raménagement intérieur des hôpitaux, la collaboration des architectes et des médecins, on n’a qu’à visiter l’hôpital Pasteur. C’est un exemple que devrait méditer et suivre l’Administration de l’Assistance publique. Je veux aussi adresser à cette même administration un autre reproche qui d’ailleurs indiquera la cause primordiale des défauts que je signale. Le plan du sanatorium d’Angicourt a été fait en 1891 et e.xécuté en 1898, sur des données établies dans un rapport de M. le D*’ Nicaisc on 1890; et c’est en 1901 que ce sanatorium commence à fonctionner, dix ans après l’établissement des plans. Or, vous n’ignorez pas qu’en dix ans' un hôpi¬ tal vieillit, que la vérité d’aujourd’hui ne sera peut-être demain qu’erreur grossière. Votre sanatoriuna en est la preuve: il ne répond plus ii la conception actuelle du sanatorium, alors qu’il en eut été le modèle au moment où vous l’avez conçu. Méfiez-vous, je vous en conjure, des constructions trop belles que les errements administratifs ne permettent d’élever que longtemps api-ès leur conception. Faites léger, faites à bon marché, et faites vile : la légèreté et la simplicité des bâtiments n’excluent ni Insalubrité, ni inénie le confortable. Et vous n’aurez pas dans dix, quinze ou vingt ans, le regret de vous voir obligé d’abandonner ou de démolir de trop belles cl trop coûteuses constructions qui ne répondront plus aux exigences de l’hygiène, aux idées régnantes. En matière de sanatorium plus qu’cii aucune matière, ce principe doit être médité, car il évitera aux contri¬ buables: de notre époque bien des dépenses inutiles, et à nos successeurs bien- des déboires et des regrets., ^ M. Beloüet. — M. Mosny critique l’emplacement choisi pour le sanato¬ rium d’Angicourt, je lui ferai observer que cet emplacement, dans la propriété signalée par .M. Ferry, a été choisi par les diverses commis¬ sions tnnt sur placé que sur plans. Le plateau est dénudé du côté de l’ouest, mais cela tient à ce que l’on a autrefois défriché pour mettre en culture. M. BELOUET. — LE SANATORIUM D’ANGICOURT 931 On a recommencé à reboiser et l’on aura dans l’avenir une protection qui fait actuellement défaut et à laquelle on a cru pouvoir remédier en adoptant la forme en fer à cheval pour le plan du bâtiment des malades. Quant à l’éloignement de Paris et de centres habités, cet éloigne¬ ment a été voulu dans l’intérêt des malades et de leur tranquillité. M. le professeur Grancher aurait désiré que cet éloignement auquel il ne voyait que des avantages fût plus considérable encore. Relativement aux parquets, j’ai pu répondre qu’actuellement tous les parquets étaient parafînés, et à tous les étages. Salles de 8 lits. — Ces salles au nombre de 4 seulement ont été demandées, parle progi'amme. M. le professeur Duguet a désiré qu’elles puissent servir à l’occasion de sortes d’infirmeries où l’on pourrait réunir les malades ne pouvant descendre pour une cause fortuite. Quant à la dispersion des bâtiments, on pourra se rendre compte que cette dispersion est plus apparente que réelle. Le plan a été conçu pour un ensemble de 2 pavillons. Quand cet ensemble sera exécuté, les bâtiments qui se trouvent actuellement sur le côté du pavillon cons¬ truit, seront alors dans l’axe et par conséquent â peu de chose près au centre. La séparation complète des divers services était du reste une des considération du programme. Je me permettrai, enfin, de faire observer que le prix de revient, défalcation faite des travaux nécessités par les circonstances, est aussi réduit qu’il est possible, comme on peut s’en rendre compte par le prix de revient du bâtiment principal indiqué à la page 23. En eflet, lorsque le sanatorium sera terminé, il contiendra 400 lits et non 160 et, dans ces conditions, le lit reviendra à .5,000 francs environ, alors que pour pratiquer l’isolement du sanatorium, il a fallu déjà faire pour près de 100,000 francs de routes. A Ivry, pour 2,000 lits, l’Assistance publique vient d’être obligée de dépenser 4,000 francs par lit. M. LE PnÉsiDENT. — Si l’on s’en rapporte à la date de conception et du programme définitif du sanatorium d’Angicourt, 1894, on peut affirmer qu’il supporte la comparaison avec les sanatoriums construits à cette époque dans d’autres pays. Assurément des améliorations sont désirables. Ainsi l’on pourrait rendre la galerie moins ventée en coupant par des bouquets d’arbres l’hé¬ micycle circonscrit par les constructions. L’important c’est d’en retenir les progrès sur les hôpitaux antérieurs en vue de l’avenir et de se poser les deux questions suivantes : 1“ Est-il nécessaire de placer des sanatoriums sur un sommet? 2" Est-il utile de donner à l’ensemble des bâtiments cette forme demi- circulaire qui me parait faciliter et provoquer des courants d’air et les ourbillons de vent dont on se plaint à Angicourt. M. le D*- Beethod. — Je voudrais à mon tour faire quelques critiques relativement au sanatorium d’Angicourt. Tout d’abord, la situation. J’ai lu dans le mémoire de M. Belouet que y3â SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE 10 choix de la propriété avait été indiqué par feu M. Ferry, membre du conseil de surveillance publique, philanthrope distingué et homme exccK lent, — mais peu préparé, semble-t-ll, on sa qualité d’ancien négociant en cliaussm’es, — pour fixer l’hygiène et la climatologie d’un sanato¬ rium. Quoi qu’il en soit, le sanatorium est établi à 30 kilomètres environ N.-E. de Paris, à 3 kilomètres d’une station de chemin de fer et d’un village, circonstance peut-être favorable pour l’isolement — plus que si les tuberculeux étaient des lépreux ! — mais très onéreuse aussi pour la construction, l’approvisionnement et les dépenses, car il faut que l’éta¬ blissement, livré à lui-même, produise son eau, sa force motrice, détruise ses déchets, ait son système d’épandage, etc. A''oulez-vous un spécimen du résultat : cet hiver (il est vrai que le charbon était clier), l’éclairage électrique et le chauffage sont revenus à 3 francs environ par jour et par malade. Le sanatorium est construit sur un plateau sans arbres, non abrité, on 11 vente en tourbillon à décornor les bœufs, tellement qu’il a fallu cons¬ truire à main d’hommes, et chèrement, une grande levée de terre pour protéger un peu les bâtiments. Or, nous savons tous que le vent est l’ennemi du tuberculeux, qui est généralement frileux et essoufflé. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la lentem' de la construction, la cherté du prix de revient, 8,800 francs par lit, contre laquelle on a beaucoup protesté de toutes parts, sur ce que l’établissement terminé comprendra des hommes et des femmes, alors que la spécialisation à l’un ou l’autre sexe est au contraire conseillée pour la plupart des plithi- siologues, etc... Je passe cependant, car j’ai hâte d’arriver à l’objection maîtresse, à colle qui s’adresse au principe même de l’établissement, à l’idée même de sanatorium appliqué à l’assistance publique. Je crois, en effet, que le sanatorium tel que nous le concevons actuel¬ lement, c’est-à-dire comme un établissement fait pour recevoir ^s tuber¬ culeux valides à lésions fermées, a-t-on dit, n’est pas chose d’assistance publique. Sans vouloir ici et d’aucune façon nier ou même discuter sa valeur thérapeutique, j’estime que le sanatorium doit être le fait de particuliers, ou d’œuvres privées, comme les compagnies d’assurance, les mutua¬ lités, les compagnies de chemin de fer, etc., qui agissent du reste comme il leur plaît. Quelques-unes ont déjà de ces reposoirs hygié¬ niques, des maisons de repos ou de convalescence; d’autres préfèrent, au contraire, la retraite proportionnelle dès que la tuberculose est avérée; c’est leur affaire. Mais il est constant que V assistance publique est due, à défaut d’autre assistance, à ceux qui sont dans l'impossibilité physique de pourvoir aux nécessités de la vie. D’autre part, vous allez recueillir dans un sanatorium un tuberculeux encore valide et soutien de famille, comme il y en a beaucoup. Mais lé voudra-t-il’? Le pourra-t-il? à moins que paresseux et pilier de sanatorium, après que d’estaminet, vous ne M. BELOUET. — LE SANATORIUM Ü’ANGICOURT 933 vous chargiez de ceux qu’il va laisser dépourvus à la maison. Or, à l’heure actuelle vous savez bien que c’est impossible, car vous n’en avez pas les moyens financiers. C’est pourquoi je suis autorisé à dire, en me plaçant au point de vue social de l’assistance publique, supérieur, ne l’oublions pas, au côté médical et plus compréhensif, que le sanatorium pour luberculeu.v, tel qu’on le conçoit actuellement, n’est point chose d’assistance publique et que le sanatorium d’Angicourt avec scs CO malades pour ses 1C4 lits alors que les tuberculeux continuent à encombrer les hôpitaux de Paris, est une désillusion et une erreur. Ce qu’il faut faire, ce sont, par analogie aux asiles d’aliénés, des asiles pour les malheureux tuberculeux que tout le monde repousse à l’heure présente, même les asiles de convalescence, et qui n’entrent dans les services ■spéciaux parisiens comme à l’abattoir que pour y mourir : contagieux, certes, mais pas tellement à ne pas trop regarder que la petite bôte. Le sanatorium d’assistance publique limité aux tuberculeux fermés recrute¬ rait surtout, je le crains, sauf exceptions, des paresseux ou des sans famille. Pour finir, je voudrais dire encore un mot sur le mode de construction des sanatoriums. Il faut bâtir simplement, confortablement et non comme pour l’éter¬ nité, car tout vieillit bien vile au train dont nous vivons maintenant ; mais il faut bâtir, car les vieilles maisons sont ordinairement coûteuses à adapter, tout en restant mal commodes. MM. le D’’ Ribahd et Corbeil présentent un crachoir collectif, qui n’a pas les inconvénients des crachoirs à sciure de bois ou à eau stagnante antiseptique. Ce crachoir placé à O^jOO du sol, est muni d’un couvercle; quand on soulève celui-ci, par un mécanisme spécial, il passe de l’eau courante dans le fond, laquelle emporte le crachat, de sorte que l’appa¬ reil est toujours d’une parfaite propreté. M. leD‘'LANDOuzv présente un crachoir privé, sorte de cylindre métal- iliquede 4 à 5 centimètres de diamètre et de lo centimètres de hauteur, d’un nettoiement très facile. M. LE Préside.nt. — Le nombre des modèles de ce dernier genre ■de crachoirs devient si considérable que la Société désirera sans doute bientôt élever un débat contradictoire sur les mérites respectifs de ces appareils, afin d’éclairer le public. (Assentiment.) Hans ces séances ont été nommés : Membres titulaires : MM. le D' Lochelongoe, à Paris, présenté par MM. les D” Faivre et A. -J. Martin; Tschinet, directeur du service des routes et de l’assainissement de la principauté de Monaco, présenté par MM. Tasson et D'A.-J. Martin ; 934 REVUE DES JOURNAUX Guilbert (T.-J.), stalie surveyor, à Guernesey, présenté par MM. Tasson etD*' A.-J. Martin. La Société de médecine publique et de génie sanitaire se réunira le mercredi 23 octobre, à huit heures et demie précises du soir, à l’hétel des Sociétés savantes. L’ordre du jour de cette séance est ainsi fixé : M. le D'' Thierry. — Présentation d'un crachoir individuel pour tu¬ berculeux. M. le D'' Regnier. — L’hygiène du Métropolitain. M. Delakon. — Fonctionnement automatique des lits bactériens. M. Bechmann. — L’épuration bactérienne des eaux d’égout au con. grès de Glasgow (septembre 1901). MM. les D'® Dubrisay et Lataste. — Consultations pour enfants nou¬ veau-nés et distribution gratuite de lait stérilisé. REVUE DES JOURNAUX Vinfluenza delU inaffiamenlo sul contenuto bacterico delle polueri di strada (L’influence de l’arrosage sur les bactéries des poussières oe rue), recherches expérimentales, par les D™G. B. Simoncini et D. Viola {Annali d’igiene sperimentale, 1901, fasc. III, p. 373). Le professeur Manfredi, de Piderme, dans un remarquable mémoire que nous avons jadis analysé {Revue d'hygiène^ 1892 et 1898) a montré que les Immondices des rues sont un milieu de culture très favorable à la pullulation des germes pathogènes, et que les fines poussières soule¬ vées par le vent peuvent porter sur les aliments exposés, dans nos habi¬ tations, dans les voies respiratoires les germes de la tuberculose, de la fièvre typhoïde, du tétanos, de la diphtérie, de l’oedème malin, de la pneumonie, etc. En principe l’arrosage des rues paraît le meilleur moyen de conjurer le danger de, ces poussières. Toutefois certains auteurs ont avancé que l’humectation des poussières favorisait le développement des germes ; Koch a soutenu que la dessiccation étant le principal agent de destruction du bacille cholérique, il ne fallait pas arroser les rues en temps de choléra. MM. Wittlin et Mazuschita pensent de môme. Witllin {Ann. de microg. 1896) concluait de ses expériences que les bactéries augmentaient dans la poussière arrosée ; mais il mesurait à l’aide d’une cuillère en platine les quantités de poussières comparées, et il n’est pas douteux que la poussière sèche tient plus de place qu’un magma où l’êau a pris la place des globules d’air adhérents à chaque grain de poussière. De môme, Mazuschita {Archiv f. Hyg. 1899. T. 332, p. 232) comparait la poussière recueillie dans une rue non arrosée, au nord de REVUE DES JOURNAUX 935 rinslilut d'hygiène de Fribourg, à celle d’une rue arrosée, au sud de cet Institut. Rien ne prouve que ces poussières étaient identiques, d’au¬ tant plus que si l’une de ces rues n’était pas habituellement arrosée, c’est sans doute qn’clle était moins fréquentée. MM. Simoncini et Viola se sont . eftbrcés d’éviter toutes ces causes d’erreurs et leurs expériences personnelles faites au laboratoire de l’Ins¬ titut d’hygiène à l’üniversité de Palerme, nous semblent irrépro¬ chables. Manfredi a montré que le criblage des poussières au tamis les dénar- rasse d’une grande quantité de matières étrangères ou accessoires, leur donne une certaine uniformité de composition qui les rend compa¬ rables ; dans les poussières qui ont traversé le tamis, la proportion do bactéries est beaucoup plus forte que dans les poussières prises en bloc et non tamisées. MM. Simoncini et Viola ont donc toujours opéré sur des poussières ayant traversé le 11“ 5 de la filière de Knopp. Sur la masse de poussière tamisée et bien mélangée, on prélevait des lots de oO grammes qu’on plaçait dans des assiettes creuses en verre. Une moitié de ces assiettes étaient arrosées avec des quantités détermi¬ nées d’eau stérilisée et exposées les unes à la lumière directe, les autres à la lumière diffuse. La seconde moitié des assiettes non arro¬ sées étaient placées dans les mômes conditions et servaient de con¬ trôle. Les assiettes de poussière arrosée formaient trois séries : 1'’“ série: 3 arrosements par jour, chacun avec .‘iO centimètres cubes d’eau ; 2* série : 1 arrosement par jour, avec 23 ou 30 centimètres cubes d'eau ; 3® série : 1 arrosement avec 30 centimètres cubes d’eau une seule fois pour toute la durée de l’expérience. Pendant la nuit, les assiettes restaient à la môme place qu’elles avaient occupée pendant le jour, pour ne pas soustraire les poussières aux autres influences naturelles. A des intervalles variant de huit à seize heures, on examinait com¬ parativement les échantillons secs ou arrosés, exposés à la lumière directe ou diffuse, et l’on procédait à l’ensemencement sur des milieux de culture. Pour éviter les erreurs de pesée, les souillures extérieures, etc., à chaque lot de 30 grammes de poussière on ajoutait 300 centi¬ mètres cubes d’eau distillée, et l’on remuait avec une tige de verre pen¬ dant dix minutes. On prenait de 1 centimètre cube à 0“,3 du mélange qu’on versait dans 300 centimètres cubes d’eau ; puis on étendait encore de 1 centimètre cube à 0‘’“,5 do ce mélange dans 300 centimètres cubes d’eau. On se servait enfin de 0,5 à 0,1 de ço mélange pour ensemencer des plaques d’agar suivant la méthode de Koch. Les résultats étaient toujours rapportés à Oe^OOOl de poussière sèche. Pour atteindre tes spores, on gardait le mélange pendant une heure dans un bain-marie à -[- 80“ G., et l’on portait à l’étuve à 37“. Au point do vue des eft'ets de l’arrosage, on trouva, par exemple, le résultat suivant : les expériences de la l"^ série montrent que la dimi¬ nution des bactéries dans la poussière arrosée trois fois par jour est presque toujours plus grande que dans la poussière non arrosée. Au y36 REVUE DEi JOURNAUX bout de trois jours, au lieu de 100 germes contenus primitivement dans la poussière initiale, on en trouvait : Poussière sèche . 2,225 2,386 — arrosée.. 1,111 1,585 11 est à regretter que les auteurs n’aient pas recherché le nembro (les bactéries dans les poussières sèches ou arrosées, maintenues par comparaison dans une obscurité complète, afin de mieux distinguer la part qui revient à l’humectalion seule, et celle qui revient à la lumière (diffuse ou directe). Voici d’ailleurs, la traduction littérale des conclusions du mémoire : 1° La lumière solaire directe et diffuse, celte dernière à un moindre degré, exerce une action bactéricide énergique sur les bactéries con¬ tenues dans, les poussières des rues. 2“ Dans les poussières arrosées, exposées à l’action de la lumière, il se produit toujours une diminution des bactéries plus grande que dans les poussières non arrosées. Ce fait, que l'arrosage exerce une influence non pas contraire mais favorable à la désinfection des poussières, mérite quelques brèves con¬ sidérations, parce qu’il vient contredire les résultats obtenus et les opi- Jiions émises par divers auteurs. La moindre résistance des germes à la lumière solaire en milieux humides a d’ailleurs déjà été constatée par plusieurs observateurs pour certaines espèces microbiennes. Vincent a vu que dans l’eau le bacille typhique exposé au soleil est détruit en quatre heures et demie à cinq heures, tandis qu’à l’état sec il résiste pendant six heures. Buchner, expérimentant sur les bacilles typhiques, coli pyocyaneus, prodi- giosus, du choléra, en suspension dans l’eau, avait conclu que la lumière exerce sur eux une action désinfeclantc très énergique. Une eau contenant au début de l’expérience 100,000 germes de coli-bacillc par centimètre cube est rendue stérile au bout d’une heure d’exposition à la lumière solaire directe. Klein a démontré que les formes végétatives des bactéries à l’état humide sont beaucoup plus sensibles à l’action de plusieurs agents désinfectants que lorsqu’elles sont à l’état sec. De môme Sitzen, en étudiant au laboratoire d’hygiène d’Amsterdam l’action des désinfectants au point de vue de la résistance des bactéries sèches ou humides, est arrivé à celte conclusion, que le staphylococcus pyogène aureus, le bacille typhique et le vibrion du choléra desséchés sur le couvre-objet, possèdent une résistance beaucoup plus grande à l’action de l’acide phénique (0,5 à 1,0 p. 100) que lorsqu’ils sont à l’état humide. Puisqu’on sait que la lumière du soleil est le plus puis¬ sant des désinfectants, qu’elle détruit en quelques heures par une action chimique les bactéries les plus résistantes, il ne faut pas s’étonner des résultats que nous avons obtenus. En ce qui regarde les formes sporulées, nous pensons que l’humidité REVUE DES JOURNAUX 937 produite par l’arrosage favorise leur passage ii la forme végétative et rend leur destruction plus facile. L'arrosage semble donc un moyen puissant de propliylaxic contre l’infection des poussières des rites, non seulement en fixant les pous¬ sières et en empêchant leur soulèvement par le vont, mais en con¬ courant avec les autres agents naturels à la doslruclion des germes qu’elles contiennent. Il importe toutefois que cet arrosage ait lieu d’une façon uniforme, à grande eau, plusieurs fois par jour, de manière à maintenir toujours humide la surface des rues avec une eau aussi pure que possible. Nous avons donne quelques dêveloppemenis à l’analyse de ce mémoire parce que ces recherches ont une grande importance pratique ; c’est un excellent exemple de ce que devrait se proposer l'hygiène expé¬ rimentale, si négligée dans les laboratoires d’hygiène de nos Facultés françaises. l.’Institut d’hygiène de l’Université de Païenne, sous l’im¬ pulsion de M. Manfredi, a pris une activité dont nous sommes heureux de féliciter le directeur et ses collaborateurs. E. Vallin. Das Pasteurisiren der Rahms als Scliulz gegen die Verbreitnng der Tuberculose durch Butter (La pasteurisation do la crème comme moyen de protection contre le passage des bacilles tuberculeux dans le beurre), par Herr. {Zeitschrift für Hygiène, 37®, p. 182.) Le danger de transmission de la tuberculose par le beurre est assez important pour qu’on s’efforce de le faire disparaître. 11 est pour cela un excellent moyen des plus simples et déjà en pratique en Suède et en Danemark ; c’est la pasteurisation de la crème destinée à la fabrica¬ tion du beurre. Il suffirait de porter la température de la crème à 7o“, pour détruire rapidement le bacille tuberculeux. Mais M. Herr recommande de chauffer davantage la crème et d’employer une température de 85°. Il suffit dans ce cas d’une durée de cinq secondes pour détruire le bacille de Kock, ce qui permet d’employer la pasteurisation continue. A 75° il faut que l’action de la chaleur soit prolongée davantage et on aurait.sans doute besoin de la pasteurisation discontinue qui est plus compliquée et plus dispen¬ dieuse. Il y, a du reste tout avantage à employer une température aussi élevée, car avec la crème ainsi chauli'ée , le goût du beurre ne présente aucune altération, ce qui n’est pas le cas quand on n’a chauffé la crème qu’à 70°. Netter. Les moustiques de Paris ; leurs méfaits ; mesures de préseruation, rapport par M. R. Blanchard de l'Académie de médecine, séance du 30 juillet 1901, p. 223. — Au sujet des moustiques, parM. J. Chatin {Compterendu des séances du Conseil d'hygiène de la Seine, 30 août 1901, p. 512). Dans une communication faite à l’Académie de médecine, le 9 avril dernier, M. Debove avait signalé l’invasion de certains quartiers de 938 REVUE DES JOURNAUX Paris par les moustiques ; il demandait qu’on prit des mesures pour écarter cette gène et peut-être même ce danger. La question fût ren¬ voyée à la Commission permanente du paludisme, composée de MM. Blanchard, Kelscli, Laveran, llailliet et Vallin, à laquelle on adjoi¬ gnit M. J. Chatin qui, en 1898 et en 1900, avait fait plusieurs rapports sur le même sujet au Conseil d’hygiène de la Seine. Le Conseil d’hy¬ giène a été également saisi de la question et un troisième rapport de M. Chatin sur ce sujet a été discuté et adopté par le Conseil le 30 du mois d’août dernier. Ce sont les quartiers du Palais-Royal, du parc Monceau, du Luxem¬ bourg, de la rue de La Boétie, etc., qui, cette année, ont été plus parti¬ culièrement envahis. Heureusement on n’y a trouvé, cette fois comme antérieurement, que des Culex, sans trace d’Anopheles. Depuis l’établissement du tout à l’égout dans beaucoup de maisons, les moustiques ne proviennent que très rarement des égouts ; ils sont entraînés par les chasses d’eau périodiques qui se renouvellent aujour¬ d’hui presque partout, trois fois par jour, et ils ne peuvent franchir le syphon intercepteur placé au pied de chaque tuyau de chute. Cependant M. J. Chatin dit qu’on a constaté dans les petites rues qui entourent le Palais-Royal et particulièrement dans la rue de Beaujolais des nuées de cousins sortant des bouches d’égouts à la tombée de la nuit ; l’exploration de ces égouts montra qu’en certains points les parois étaient noires de moustiques. Il est vrai qu’il ne s’agissait que d’égouts privés, mal entretenus, sans lavages fréquents par des réservoirs de chasse. Ce sont surtout les bassins d’eau stagnante qui sont- les principaux foyers des moustiques, moins peut-être les bassins des jardins publics où les poissons les détruisent, que les petits bassins, baquets et ton¬ neaux d’arrosage, réservoirs, etc., les cours et jardins privés de l’inté¬ rieur de la ville où l’eau est non seulement stagnante mais croupissante. M. Blanchard dit que, dans un simple tonneau de pluie qu’il a observé, le nombre des œufs, larves et nymphes s’élevait une fois à 17,259 ; une seconde fois à 19,110. MM. Laveran et Blanchard ont déjà dans des rapports à l’Académie (29 mai et 3 juillet 1900), indiqué l’année dernière les mesures à prendre pour éviter le danger des moustiques dans les régions palustres. Plu¬ sieurs de ces mesures sont applicables conti’e les moustiques de Paris qui sont, il faut bien le dire, plus incommodes que véritablement dange¬ reux. M. Blanchard recommande l’emploi des moustiquaires, de pom¬ mades et de teintures variées (à la naphtaline, au quassia amara, au menthol) ; le dégagement dans les chambres à coucher, une heure avant le coucher, de vapeurs de formol au moyen d’un brûleur à platine incan¬ descent, la combustion de poudre de pyrèthre, le courant d’air déterminé par un ventilateur électrique (les moustiques fuient les courants d’air), la clôture des fenêtres par une toile métallique, etc. Mais avant tout il faut supprimer les mares, les amas ou récipients d’eau stagnante, dans les jardins publics ou privés, dans les hôpitaux, casernes, prisons, pen- REVUE DES JOURNAUX 939 sionnats, elc. Tout au moins faut-il verser à la surface de ceux qu’on ne peut supprimer une petite quantité (1 à 10 grammes par mètre superfi¬ ciel) de pétrole, de mélange de pétrole et de goudron, ou à la rigueur d’une huile quelconque ; cette opération doit élre faite au prinleraps pour détruii’e les larves et être renouvelée tous les quinze jours ou lous les mois jusqu’à l’apparition des grands froids. Même dans les squares et jardins publics, l’emploi de ce pétrole en si faible quantité ne peut avoir aucun inconvénient, ainsi qu’il résulte d’une discussion au Conseil d’hygiène de la Seine (MM. A. Gautier, J. Chatin, Duguet, Jungfleiscli). M. Chatin insiste particulièrement sur la nécessité de surveiller les réseaux d’égouts et les canalisations privées, les abords des fosses d’ai¬ sance, d’inspecter chaque semaine leurs parois et d’y détruire le moindre essain d’insectes par le flambage à la torche ou par le badigeonnage à la chaux. Il propose aussi de « vider et nettoyer au moins une fois par semaine les fontaines et bassins des promenades publiques « (ce qui n’est pas très facile), et d’entietenir de nombreux poissons dans les pièces d’eau de grande surface, les lacs, etc., ce qui est aussi désirable que facile d’exécution. Pour calmer la démangeaison et faire disparaître plus rapidement la papule, on recommande le badigeonnage très limité et superficiel avec une goutte de teinture d’iode ou avec une solution de gaïacol au cen¬ tième ; on dit avoir obtenu un excellent effet de l’application de collo- dion élastique sur la papule. Ce sont de petits moyens cosmétiques qui ne sont pas à dédaigner. E. Vallin. Contributo allô studio sul modo di Iransmissione e sulla pro/ilassi délia malaria, par le D'' L. Febrero di Cavallerleone {Giornale medico del R. Eserciio, mars 1901). L’auteur, lieutenant-colonel-médecin, directeur de T hôpital militaire de Rome, a appliqué déjà en 1899, . mais surtout en 1900, de juillet à novembre, à quelques fractions de la garnison de cette capitale, les mesures de protection contre les piqûres de moustiques, que A. Celli avait étudiées sur les agents des chemins de fer (Revue d’hygiène ^ 1901, p, 64). D’après les statistiques antérieures à 1899, les soldats occupant les ouvrages détachés donnent la presque totalité de la morbidité palus¬ tre ; les forts, présentant le plus grand chiffre d’atteintes, se trouvent sur la rive gauche du Tibre, au nombre de six. Dans chacun d’eux on mit en œuvre les moyens de défense contre l’invasion des moustiques, toile métallique aux orifices des chambres et des corps de garde, moustiquaires aux lits, ordre aux sentinelles et aux hommes de garde de nuit de porter des gants et de s’enduire le visage et le cou avec une pommade culicifuge distribuée à cet effet i ; une sulfuration préalable des locaux avait détruit les insectes existants. Au fort Appia cette prophylaxie fut seule pratiquée 1. Celte pommade est ainsi composée : vaseline 100; naphtaline 10; cam¬ phre 1 ; essence de girofle, acide acétique, âà 20 gouttes; essence d’anis 40 gouttes. 940 REVUE DES JOURNAUX ■et la garnison fut soignousomenl clioisie parmi les hommes n’ayant jamais eu d’accès palustre, tandis que dans les autres forts on ajouta une dose journalière préventive de 15 centigrammes d’un sel de quinine et la sélec¬ tion fut moins soigneusement opérée. La relève des détachements se lit toutes les trois semaines pendant toute la période d’expérimentation, au lieu du séjour habituel de huit jours; les malades du fort Appia furent immédiatement hospitalisés sans aucune médication. Des prescriptions particulières , relatives au contrôle des piqûres , à la destruction et à la récolte des moustiques, à l’observation des hommes à leur retour à la caserne , furent données avec détails dans un ordre de la division mili¬ taire de Rome, en date du 6 juillet 1900. Deu.x officiers-médecins furent spécialement chargés de la surveillance hygiéniciue , prophylactique et médicale des hommes détachés dans les si.x forts en expérience, de, la récolte et de l’envoi du sang des impaludés primitifs et de la stricte exécution des mesures de protection, enfin des soins à donner à la popu¬ lation assez misérable du voisinage immédiat des forts. La malai'ia fut sévère à Rome en 1900, car le chiffre des militah’es atteints s’élève à C3C contre 441 en 1899 et 597 en 1898. 22 cas de ■malaria primitive furent observés, en 1900, dans les forts de Rome, dont 10 dans les six en question ; il aurait été fort intéressant de connaître la morbidité raalarienne et l’effectif de ces mômes forts pendant les années précédentes; il semble aussi que la garnison d’un ou deux forts de la rive gauche du Tibro aurait dû être exemple de toute mesure de défense contre les piqûres de moustiques pour servir de témoin aux données de l’expérience en cours; l’auteur n’a à produire comme termes de compa¬ raison que le personnel des employés sédentaires des forts de la rive gauche et la garnison des forts de la rive droite, région moins palu.slre, où les hommes ne restaient que huit jours et prenaient de la quinine préventive; dans cette zone, les anophèles sont aussi moins abondants, ■car, dans la récolte des moustiques, qui fut entreprise dans tous les forts de Rome pendant l’été et l’automne de 1900, on captura 13 anophèles sur la rive droite contre 48 sur la rive gauche. Les résultats des observations faites peuvent être réunis dans les caté- gfories suivantes : 1“ Au fort Appia, avec les seuls moyens de protection contre les piqûres de moustiques, 3 cas de fièvre palustre survinrent sur un total de 112 liommes qui occupèrent le fort pendant vingt et un jouis par groupes successifs, soit une proportion de 2,67 p. 100; 2° La garnison des cinq autres forts où, outre les moyens de défense ■contre les moustiques, une dose quotidienne de 15 centigrammes de •quinine était distribuée, présenta 5 cas d’impaludisme, dont 2 apres le retour à la caserne, sur 287 présents, soit 1,74 p. 100; 3® Une autre série est constituée par les habitants permanents des forts (sous-officiers , gardiens de batterie avec leur famille) ; les uns, 20 personnes environ , prenaient préventive.iient de la quinine sans sc ■soucier des moustiques et donnèrent 4 fois des manifestations d’infection malaricnne, soit 20 p. 100 ; les autres, au nombre de 12, sans quinine et REVUE DES JOURNAUX 94t sans aucune autre précaution, accusèrent également 4 cas de malaria^ soit la proportion beaucoup plus considérable de 33,33 p. 100; 4° Les tiommes, ayant séjourné dans les autres forts- situés dans une zone beaucoup moins dangereuse au point de vue de la malaria, ne pré¬ sentèrent que quelques cas, 8 ou 9, tous très légers sùr un effectif de i,632 hommes, relevés successivement par détachement d’une semaine, soit 0,5 p. 100. La population civile, logeant dans de mauvaises conditions hygiéniques au voisinage des forts , offre de nombreuses récidives de paludisme ; mais un certain nombre de cas primitifs, 52 , furent constatés sur 179 habitants, surtout pendant la saison pluvieuse en octobre et en novembre; l’incertitude forcée des renseignements laisse encore obtenir la proportion de 30 atteintes de malaria sur 100 habitants. Malgré l’insuffisance des termes de comparaison, malgré l’inégalité des conditions d'existence des deux dernières catégories , l’examen de ces différents pourcentages fait ressortir très nettement l’importance de la prophylaxie contre les piqûres de moustiques et l’utilité des doses de quinine préventive. F. -H. Renaüt. The campaign against mosqnilos (La campagne contre les mous¬ tiques). (Brit. med. journal, 3 juin 1901, p. 1,429). Le département sanitaire de la Havane, dans sa campagne contre les moustiques, propose de plainter des eucalyptus dans tous les districts paludéens -ou marécageux entourant la Havane. On ne saurait que féli¬ citer ce département sanitaire de son activité, mais le moyen proposé serait, non seulement Inefficace, mais dangereux, car le professeur Celli prétend que l’eucalyptus, comme tous les autres arbres, favorise plutôt les moustiques et devient par suite un adjuvant des marécages. A Soulharange, un village de New-Jersey, on a pris de tout autres mesures et c’est à la destruction des moustiques qu’on a recours lorsqu’il n’est pas possible de dessécher les marais par des moyens ap¬ propriés. En outre, des conférences sont faites fréquemment afin de montrer l’utilité de ces moyens pour combattre la malaria. Cathin. The campaign against ague (La campagne contre la fièvre), par Herbert E. Durham {Brit. med. jonrn., 2 mars 1901, p. 512). L’importance de cette lutte est admise par tout le monde, mais les moyens à employer ne sont pas encore nettement déterminés. Les uns, proposent l’extermination des moustiques ; d’autres songent à détruire le parasite malarial dans son hôte humain; en outre, on a proposé l’iso¬ lement de tous les paludéens. La protection contre les morsures des cousins est une chose excel¬ lente, mais les gens les plus exposés aux atteintes de la malaria sont sou¬ vent peu soigneux et même peu civilisés; parmi les jersonnes plus 9i2 REVUE DES JOURNAUX éclairées il en est encore qui traitent de fable la théorie des mous¬ tiques. Lutte contre tes insectes. — Chaque localité où l’on rencontre l’ano¬ phèle doit avoir un traitement qui peut varier selon les situations ; ainsi les mares dans lesquelles l’auteur a trouvé l’anophèle aux environs de sa localité, se prêtent parfaitement à l’usage des culicicides, et d’autre part le drainage serait impossible. L’auteur a été frappé par l’exlrêrae locali¬ sation de l’anophèle dans les (laques d’eau. 11 y avait là une série de mares, dues à l’enlèvement de sable pour l’usage d’une fabrique de briques voisine. Dans une seule de ces mares, on put recueillir des larves d’anophèles ; cette mare se distinguait des autres par l’absence de végétation verte; l’eau était trouble et boueuse. Dans toutes les mares à végétation verte, il y avait abondance de volvox. Les culicicides devront être employés pendant la saison sèche et surtout à sa fin. On rie devra pas négliger de répandre les culicicides de la nature : coléoptères d’eau, poissons, etc. Ainsi, l’auteur a vu deux mares com¬ plètement libérées de, larves de culex peu après le début des pluies dont l’apparition coïncida avec celles d’abondants volvox. Traitement de l'homme. — Koch est le premier qui ait proposé de détruire la fièvre au moyen de la quinine. Ce procédé ■ a été reconnu aussi utopique que celui de la destruction de tous les moustiques, vu le prix du médicament, la iiifliculté de sori administration, etc. Pour l’au¬ teur, une autre objection capitale peut être faite contre ce procédé. Eu effet, s’il est reconnu par tous lés médecins que l’usage de la guiriine fait rapidement disparaître du sang des paludéens les formes sexuées du parasite, on sait d’autre part que l’on peut retrouver les formes sexuées, par exemple les croissants, même après un emploi prolongé de quinine. Aussi l’auteur croit-il que l’arsenic devrait être plutôt employé pour la destruction de ces formes sexuées. Peut-être pourrait-on essayer le phosphore. La conduite à suivre serait la suivante : dans tous les cas où un homme est atteint de fièvre, on lui donnerait de la quinine pour lui, et de l’arsenic comme prophylactique pour les gens qui vivent avec lui. Catbin. Le trichocépkale et les associations parasitaires, par le D'' J. Guiabt {Comptes rendus de la Société de biologie, séarice du 16 mars 1901, p. 307). Depuis trois ans, dans ses conférences sur la parasitologie à la Faculté de médecine, M. Guiai’t insiste sur la fréquence du trichocéphale dans le cæcum et sur le rôle important qu’il doit jouer dans les maladies inflam¬ matoires de la région ; le parasite se fixe dans la muqueuse môme par son extrémité effilée et devient ainsi un agent d’inoculation. Il y a dix- huit mois, il avait chargé M. Brumpt, préparateur du laboratoire de M. Blanchard et actuellement en mission dans le Sud-Afrique, de faire cette recherche dans les autopsies à l’hôpilal. Bien souvent M. Brumpt a REVUE DES JOURNAUX 943 renconlré, à l'aulopsie des typhoïdes, des Irichocéphalcs fixés dans la muqueuse du cæcum. Le vrai rôle du Irichocéphale est d’ouvrir à travers répitliuhura une porte d’entrée à la flore microbienne de l’intestin. Tant que la muqueuse n’est pas éraillée, les microbes pathogènes ne peuvent pénétrer; or le bacille typhique ne manque guère dans l’intestin, môme chez les gens bien portants de notre pays ; ailleurs, c’ést le microbe du choléra. C’est par là que les vers parasitaires de l’intestin, quels qu’ils soient, sont dangereux. E. Vallin. La fièvre typhoïde à Paris et dans les villes de France de plus de 30,000 habitants. (La Revue municipale, 15 juin 1901). Tout en déplorant l’épidémie de fièvre typhoïde qui a sévi sur la ville de Paris en 1899 et en 1900 et qui est aujourd’hui terminée,- nous n’avons cessé de dire qu’on en exagérait la gravité, parce qu’on jiro- i)il REVUE DES JOURNAUX uait^Mîur terme de comparaison les quatre années exceptionnelles, 189:> à 1898, où la fièvre typhoïde avait pour ainsi dire disparu de Paris. Nous trouvons dans la Tleywe municipale du l.'l juin 1901 un carlo- grainme très intéressant reproduisant une carte dressée pour l’Exposition de 1900 par le service des épidémies, et qui a passé inaperçue au milieu de tant de richesses accumulées dans le pavillon de la ville de Paris. Celte, carte montre d’une façon saisissante que parmi les villes françaises de plus de 30,000 habitants, Paris figure parmi les trois ou quatre villes les, plus favorisées du territoire français au point de vue de la faible mortalité par fièvre typhoïde , plus même que Lyon et Versailles, qui jouissent à ce titre d'une excellente réputation. Nous avons fait réduire cette carte au format de la Revue, afin de conserver un document qui nous paraît très expressif. E. V. Uallailemenl, par le professeur P. Bodi.v {Revue scienlifique, 15 juin 1901, p. 730). Dans cette conférence faite à la Sorbonne, M. Biidin rappelle des chiffres navrants : en France, sur 1,000 décès de tout âge, 167 ont eu lieu dans la première année de la vie, pendant la période de 1892-1897 ; mais ce n’est là qu’une moyenne, car à Lille y en a 294 de cet âge, à Dunkerque 342, et dans quelques localités 414 et 509. 11 n’y a pas un éleveur qui se résignerait à une mortalité aussi effroyable chez les ani¬ maux d’un jour à un an dans ses étables. D’autre part, sur 1,000 décès de cet âge 400 sont dûs à la diarrhée, et môme 510 à Lille et à Rouen, 555 à Nantes, et 682 à Troyes. Tous ces chiffres ont été récemment mis en évidence par MM. Balcstre et Gillette de Saint-Joseph dans une lecture faite à l’Académie de médecine. L’allaitement artificiel est presque toujours la cause de tels désastres. M. Budin montre une fois de plus que si tant de mères sont censées ne pouvoir nourrir elles-mêmes, leur enfant, c’est qu’on se presse trop sou¬ vent de déclarer qu’elles n’ont pas de lait parce que le laitue « monte » pas dans les quatre ou cinq jours qui suivent l’accouchement. Avec de la persévérance, des essais répétés, avec l’aide temporaire d’une nour¬ rice voisine qui peut prêter pendant quelques jours le sein à ce second nourrisson nouveau-né, avec l’emploi du lait stérilisé pendant cette période de transition, beaucoup de mères jugées tout d’abord incapa¬ bles de nourrir ont pu devenir d’excellentes laitières. Des courbes dres¬ sées par M. Budin en donnent la preuve péremptoire. Dans les cas relativement assez rares où la mère ne peut nourrir, on prend quand on le peut une nourrice sur lieu, qu’on enlève le plus sou¬ vent à son mari et à son enfant, car d’après la loi Roussel une mère ne peut se placer comme nourrice que si son propre enfant est âgé do sept mois révolus, ce qui est peut-être trop exiger, où si il est allaité par une autre femme. M. Budin conseille avec succès dans sa clientèle de prendre la nour¬ rice avec son propre enfant, et de partager son lait pendant les premiers REVUE DES JOURNAUX 94S mois entre les deux nourrissons ; il est évident que pendant plusieurs mois une bonne nourrice aura bien assez de lait pour deux ; au bout de au torchon mouillé est préférable. Parlant des condilions mentales des écoliers, le professeur Oliver fait remarquer l’intluence des conditions physiques .sur l’intelligence et cite des exemples d’écoliers transformés intellectuellement par l’ablation de végétations adénoïdes. Il estime qu’à Newcastle, il existe 2.=50 enfants mentalement et physiquement défectueux et demandant une éducation spéciale. Rappelant les observations du D'' Kemsies, il fait remarquer combien il serait important de surveiller les symptômes du surmenage chez les écoliers. La chorée serait, paraît-il, plus fréquente actuellement chez les jeunes élèves et moins souvent associée à des affections cardiaques. On doit éloigner des écoles les enfants tuberculeux quand ils toussent ou crachent. Dans 16 écoles de Newcastle, l’examen des yeux à décelé 4,2 p. lOO de vision défectueuse chez les garçons et 6,3 chez les fdles. Il serait absolument indispensable d’avoir un oculiste des écoles qui, périodique¬ ment,' examine les yeux. Le professeur Oliver a récemment pris des crayons, plumes, etc., qu’on distribue tous les matins dans les écoles, et a trouvé sur quel¬ ques-uns des échantillons, des microbes pyogènes : staphylocoques et streptocoques, mais peu de microbes de la diphtérie. Il est absolument nécessaire que le médecin s’unisse à l’instituteur pour perfectionner l’hygiène des écoles. Catrin. VARIÉTÉS Commission médicale pour l’étdde de la fièvre jaune. — MM. les D'® Marchoux et Simond, médecins du service des colonies et attachés depuis plusieurs années à l’Institut Pasteur, viennent d’ôtre désignés par le Ministère des Colonies pour faire partie d’une mission scientifique qui, sous la direction de l’Institut Pasteur, est partie le 4 octobre de Bordeaux, pour aller étudier la fièvre jaune au Brésil ou au Sénégal. Commission belge pour le contrôle des sérums, vaccins, etc. — On se rappelle que les Congrès d’hygiène de Madrid et de Paris avaient émis le vœu de la création d’une Commission internationale en vue d’adopter un contrôle uniforme de leur activité prophylactique ou cura¬ tive, de leur étal de conservation, etc. Un arrêté royal vient d’instituer en Belgique une Commission chargée de ce travail, et qui pourra s’ad¬ joindre des savants étrangers. 11 y a lieu d’espérer que l’initiative prise par le Gouvernement belge activera la solution de celte question impor¬ tante et délicate. Voici le texte de l’an-êté royal du 2 août 19‘,32 — 4 0,12 Pour doser les nitrites nous avons employé la coloration donnée par le chlorhydrate de métaphénylène diamine en solution sulfu¬ rique. Mais ici les causes d’eri'eurs sont beaucoup plus grandes que pour le dosage précédent et d’ordfe inverse : la coloration , loin d’être directement proportionnelle à la quantité de nitrites suit une progression croissante des solutions faibles aux solutions plus riches. Gomme pour l’ammoniaque , les solutions très riches sont pré¬ cipitées par le réactif. Nous avons employé comme type la solution à 2 milligrammes d’AzSÔ» (anhydride nitreux) par litre en nous astreignant à ne com¬ parer que des colorations très voisines obtenues avec des solutions convenables. Le tableau suivant montre que celte méthode est loin d’être par¬ faite, niais comme notre résultat final sera rapporté en nitrates (les nitrites ayant alore disparu), elle donnera dans nos expériences une approximation suffisante si nous nous en tenons à notre règle. Les résultats seront exprimés en Az^O®. LA NITRIFICATION DANS LES LITS BACTÉRIENS AÉROBIES 971 Solution à 10 milligrammes par litre : trouvé 23“,» erreur -f- 13,0 — 9 — — — 19“,8 — + 10,8 — 8 — — — 15“.a - + 7,5 — 7 — — — 13“,7 - + 6,7 - 6 — — — H“,2 - + 5,2 — 5 — — — 8'",1 - + 3,1 — 4 — — — 5“.3 - + 1,5 — 3 — — — 3“,8 - + 0,8 — 2 — — — 2“,0 0,» — 1 — — — 0“,6 — — 0,4 Les nitrates ont été dosés par la méthode de Granval et Lajoux qui nous a toujours donné d’excellents résultats même pour les fortes concentrations. Il est seulement utile dans ce dernier cas de laisser l'action . du réactif sulfophénique se prolonger pendant 24 heures avant d’ajouter l’ammoniaque et de porter à 50". Les résultats seront exprimés en Az^O" (anhydride azotique.) FORMATION DES UTS BACTÉRIENS AÉROBIES Nous nous sommes servis dans ces expériences de lits bactériens de différentes formes ; des tuyaux en poterie vernissée de 1 mètre de hauteur sur de diamètre, un vase cylindrique en tôle émaillée de O^.OO de hauteur sur O™, 25 de diamètre, et enfin de vases carrés en teri-e vernissée dont l’intérieur forme un cube de 0"’,30 de côté. Ces lits étaient remplis de scories lavées de 5 à 20 millimètres de diamètre environ. Nous avons pu obtenir assez rapidement une nitrification active en arrosant les scories avec de la délayure de bonne terre arable. Nous les remplissions ensuite pendant deux heures avec une solu¬ tion de sulfate d’ammoniaqqe en renouvelant les contacts deux fois par jour jusqu’à disparition de l’ammoniaque. Le tableau I montre la marche de la formation d’un lit bactérien. Dans la première colonne horizontale nous indiquons le nombre de jours écoulés depuis la première immersion des lits. Dans la pre¬ mière colonne verticale nous mentionnons le nombre de contacts du même liquide sur le même lit, chaque contact durant deux heures et séparé du contact suivant par un intervalle variable mais d’une durée minima de quatre heures. Les résultats sont donnés en milligrammes d’ammoniaque par litre. 972 E. ROLANTS ET E.-A. GALLEMAND Tableau I. — Formation des lits bactériens aérobies. Après quarante-deux jours nous avons considéré les lits comme formés. En effet, quoique les quantités d’ammoniaque oxydée puis¬ sent varier d’une expérience à une autre, nous n’avons jamais pu obtenir par trois contacts seulement la nitrification complète d’une eau contenant à l’origine 50 milligrammes d’ammoniaque. VITRIFICATION DANS LES LITS BACTÉRIENS AÉROBIES Ainsi en possession de nos lits bactériens nitrifiants, nous avons cherché à voir ce que devient l’ammoniaque qui disparaît. C’est ce que nous montrera l’expérience résumée dans le tableau II. Nous avons employé pour cela ledit de 0'",60 de hauteur dont nous avons déjà parlé. La solution mise en expérience contenait une proportion relati- ment considérable d’ammoniaque (si on la compare à celle contenue ordinairement dans les eaux résiduaires) 360 milligrammes par litre. Il nous a fallu sept contacts de deux heures chacun (deux con¬ tacts par jour) pour obtenir la disparition complète de l’ammo¬ niaque et sa transformation également complète en acide nitrique : en effet, nous voyons qu’il nous manque à la fin seulement 3“»,9 LA NITRIFICATION DANS LES LITS BACTÉRIENS AÉROBIES 913 d’azote sur les 301“s,8 mis en expérienee, quantité négligeable, eu égard aux erreurs possibles des analyses. Nous i-emarquons aussi qu’à un certain moment il se fait une sorte de concenti-ation de l’azote sur les scories, car, après le pre¬ mier contact, nons constatons nne perte eonsidérable d’azote , un tiers environ. Mais cet azote nous est rendu progressivement à l’état d’azote oxydé et nous retrouvons à la fin tout celui que nous avions mis en expérience. Tableau IL — Nitrification dans les lits bactériens aérobics. La quantité de nitrites produits temporairement n’a jamais été bien importante, si ce n’est pendant le quatrième contact après lequel nous retrouvons 50 milligrammes d’azote nitreux qui finit par disparaître en même temps que l’ammouiaque. Il est enfin intéressant de signaler l’influence de l’aération des lits, aération qui s’effectue spontanément lorsque le Ht est vide. En effet, nous voyons que les contacts impairs 1 et 3 donnent proportionnellement une épuration plus parfaite que les contacts 2 et 4 Après le premier contact, 62,8 p. 100 de l’ammoniaque ont disparu, et après le troisième, il disparaît encore 42,7 p. 100 de l'ammoniaque restant; tandis que respectivement après le deuxième et le quatrième contact la proportion d’ammoniaque qui a été nitri¬ fiée ç’a été que 25,4 p. 100 et 34,8 p. 100. Or, les contacts impairs avaient lieu le matin après quinze heures de repos des lits , tandis 074 E. ROLANTS ET E.-A. GALLEMAND que les contacts pairs avaient lieu seulement cinq heures après les précédents. Influence du temps dümmersion des lits bactériens aérobies sur la nitrificalion de l’ammoniaque. — Nous avons donc obtenu la nitrification complète de quantités relativement considérables d’am¬ moniaque par plusieurs contacts successifs et nous avons pu nous convaincre que tout l’azote ammoniacal était rendu finalement à l’état d’azote nitrique. Contentons-nous maintenant de trois contacts, nombre maximum pratiquement réalisable lorsque l’on a à épurer de grandes masses d’eaux et voyons quel est le temps d’immersion le plus favorable à l’épuration la plus parfaite. Les ingénieurs anglais recommandent une immersion de deux heures. Nous avons expérimenté avec une demi-heure, une heure et deux heures. Les trois contacts successifs avaient lieu le même jour sur trois lits séparés, immergés une fois par jour seulement. Les intervalles entre chaque contact étaient variables. Les essais ont porté sur deux solutions de sulfate d’ammoniaque dans l’eau ordinaire, l’une contenant SO milligrammes d’ammo¬ niaque par litre, l’autre 100 milligrammes. Nous avons réuni dans le tableau III les résultats obtenus en indiquant le pourcentage de l’ammonia’que restant après chaque contact avec les solutions à SO et à 100 milligrammes. Ces résultats représentent les moyennes de trois à six expériences. Ce qui frappe d’abord à l’examen de ce tableau , ce sont les meilleui-s résultats obtenus avec les lits cubiques de 0™,30 de côté, qu’avec les lits cylindriques de 1 mètre de hauteur sur 0'“,1S de diamètre. Nous devions du reste nous y attendre, car les lits cubiques de faible épaisseur laissent pénétrer l’air plus facilement et permettent par suite une nitrification plus active. Pour les lits de 1 mètre où l’aération est moins parfaite nous n’obtenons aucun bénéfice appréciable en prolongeant la durée de contact à deux heures pour les solutions à SO milligrammes. Nous constatons, au contraire, que pour les solutions à 100 milligrammes le temps de contact le plus favorable est de une heure. Par contre, dans les lits de O^.SO d’épaisseur les résultats s’amé¬ liorent en raison directe de la durée de contact. Pour les deux solutionsj l’épuration la plus parfaite a été obtenue avec deux heures de contact. LA NITRIFICATION DANS LES LITS BACTERIENS AÉROBIES 97S Tableau 111. — Influence du temps d’immersion des lits bactériens aérobies sur la nitriflcation de l’ammoniaque. Nous voyons enfin que dans tous les cas, la quantité pour cent d’ammoniaque transformée est moins forte avec les solutions à 100 milligr. par litre qu’avec les solutions à 50 milligr. Expériences de nitrification continue. — L’intermittence indis¬ pensable au bon fonctionnement des lits bactériens étant un incon¬ vénient grave et un obstacle à leur adoption dans beaucoup de cas, à cause de la nécessité de régler avec précision les périodes alter¬ natives de repos et d’immersion pour chacun d’eux, on s’est préoccupé de combiner des appareils permettant de réaliser l’épura¬ tion continue. Les systèmes souvent trop compliqués et coûteux de Ducat, de Wittaker, de Stoddart, etc., n’avaient pas d’autre objet*. Aucun d’entre eux, sauf peut-être le Wittaker qui fonctionne à Accrington (Angleterre) ne donne de résultats satisfaisants, soit parce que l’aération y est insuffisante, soit parce que la distribution , 1. On trouvera la description de ces systèmes dans l’ouvrage de S. Rideal Pttrificalion of Sewage, cité par M. Calmette in Revue fthygiène, mars 1901. 976 E ROLANTS ET E.-A. GALLEMAND des eaux à épurer s’y fait au moyen d’appareils automatiques dé¬ fectueux. H nous a paru intéressant de rechercher si, grâce à une aération suffisamment ménagée à travers les scories, il ne serait pas possible de réaliser tout simplement cette épuration continue au moyen d’une série de deux ou trois lits bactériens superposés, séparés les uns des autres par un système de drainage. Nous avons construit à cet effet l’appareil d’expérience que voici : Un grand flacon à tubulure inférieure nous donnait un débit conve¬ nablement réglé de SOO cc. par 24 heures. La solution ammoniacale tombait goutte à goutte dans une série de trois tubes verticaux de 1 mètre de longueur et de O^.OS de diamètre placés bout à boni, mais séparés les uns des autres de manière à permettre entre cha¬ cun d’eux le prélèvement d’un échantillon. La solution employée était de forte concentration : 300 milligr. d’ammoniaque par litre. Tableau IV. — Nitrification continue. Le tableau IV résume les résultals analytiques comme nous les avons établis dans le tableau II, mais ici nous avons dû indiquer les chiffres représentant l’azote en excès. Cet excès d’azote trouve facilement sa raison d’exister dans la concentration de la solution par suite de l’évaporation ; celle-ci est en effet de 10 p. 100 en¬ viron. Comme dans notre première expérience nous retrouvons ici presque tout notre azote ammoniacal à l’état d’azote nitrique. Quelques essais nous ont montré que si l’on emploie des solu- LA NITRIFICATION DANS LES LITS BACTÉRIENS AÉROBIES 971 tiens moins riches en ammoniaque, on peut augmenter le débit ; mais ce débit ne peut dépasser un certain chiffre, car s’il devient considérable l’aération est gênée. Oxydation des nitrites. — Dans nos e.\périences nous avons vu qu’il se formait toujours des nitrites, mais que ceux-ci se sont constamment transformés en nitrates ultérieurement. Il était à pré¬ voir qu’il en serait de même avec des solutions de nitrite seul et c’est ce que l’expérience nous a montré. Les solutions de nitrite de potassium contenant 90 milligrammes d’Az^O* par litre ont été oxydées presque entièrement par 3 contacts de 2 heures effectués le même jour sur lits bactériens. Voici la moyenne de 12 opérations : Solution avant contact 90 milligr. Az^O^ par litre. Après l" — 40,5 — — — 2» — 13,1 — — — 3« — 3,1 — — CONCLUSIONS. 1" Dans les lits bactériens aérobies l’ammoniaque peut se trans¬ former intégralement en acide nitrique. Il se produit entre temps des quantités variables et relativement faibles d’acide nitreux qui, lui-même, ne tarde pas à s’oxyder; 2° La durée d’immersion des lits doit être réglée d’après la faci¬ lité avec laquelle ces lits peuvent s’aérer. Si l’aération est insuffi¬ sante, lorsque, par exemple, l’épaisseur de la couche de scories est trop considérable, il est inutile de prolonger la durée de contact plus d’une heure. Si l’aération est facile, il est préférable que la du¬ rée de contact soit de deux heures; 3° On peut nitrifier les solutions de sels ammoniacaux d’une façon continue dans des lits bactériens superposés. 11 suffit de faire varier convenablement la hauteur de chaque lit, d’assurer un bon drainage et de régler le débit de la solution à épurer d’après la marche régulière de l’oxydation. Ces lits bactériens superposés pourraient rendre de grands ser¬ vices dans les installations d’épuration d’eaux résiduaires de villes, après passage des eaux vannes en fosse septique ou, mieux encore, après te traitement de ces eaux vannes par les réactifs capables de précipiter les matières organiques non encore solubilisées. ' Ils permettraient de nitrifier de grandes quantités d’eaux ammo- REv. d'uyg. xxm. — 62 D' P. GODIN niacales sur un espace trois ou quatre fois moindre que celui qu'exigent les lits bactériens aérobies ordinaires. C’est là un avan¬ tage que les villes dont l’expansion est limitée par des montagnes ou par des terrains de grande valeur, apprécieront certainement. NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION De L’ « EAUTH SYSTEM» (latrines a la terre) Par U. le Doctenr Paul GODIN Médecin-major do 1" classe à Lodève (Hérault). I. — APERÇU HISTORIQUE. Depuis H. Moule qui en a donné la formule en 1869, l’eaiTli System a fait l’objet de fréquents essais encouragés ou dirigés par d’éminents hygiénistes. Dès 1876, M. Vallin, alors professeur d’hygiène au Val-de-Grâcc, entreprit une applieation méthodique dans cet établissement et la poursuivit en 1878. Il fit paraître une étude sur ce sujet en 1879 dans la Revue d'hygiène^ ; il préconisa la « méthode par voie sèche » et appela sur ses avantages l’attention des futurs médecins militaires, dans son cours d’hygiène du Val-de-Grâce, en attendant qu’il donnât à cette importante question le développement qu’elle méritait dans son Traité des désinfecta7its et de la désinfection. Le premier article concernant cette découverte anglaise « d’ori¬ gine française », comme l’établit 31. Vallin, était dû à Moule, et avait paru dans la Lancet du 13 mars 1869. La question fut reprise quelques jours plus tard dans le même journal par Rol- leston, puis par Mervin Drake (24 juillet 1869). En 1875 vinrent les expériences très intéressantes de M. le médecin-inspecteur Fée, à Biskra, exposées dans le Tome XXI du Recueil des mémoires de médecine militaire, sous le titre : 1. Valein. Do la désiufcction par les poussières .sèches, Revue d'IiyqUiie, 1879, p. 43 et 106. NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE V « EAftTH SYSTEM » OlO « De l’emploi de la terre argileuse comme désinfectant des matières fécales. » Déjà en Angleterre, les Reports of the Privy Councirs’ étaient occupés du it dry earth System » en 1870 et 1874. Cette méthode avait été mise en pratique avec succès dans différents camps anglais (camp de Wirabledon * ) et dans plusieurs camps français (camp de Villeneuve-l’Etang®, camp de Saint-Maur) et même, dès 18713, à l’ambulance de la Grande-Gerbe du Parc de Saint-Cloud. Ici l’application était faite telle que Moule l’avait préconisée ; là on l’employait modifiée par Goux qui avait pour ob¬ jectif d’en faire bénéficier les grandes agglomérations. Malheureusement, la tinette Goux qui était un commencement d’altération du procédé devait, par suite de changements, légers en apparence, apportés par des entrepreneurs intéressés, s’écarter des principes de l’earth System, au point de devenir un danger, et de n’être plus en réalité que de petites fosses transportables, dont l’avantage unique réside dans sa vidange quotidienne, avantage fâcheusement balancé par le grave inconvénient du transport à travers la caserne de matières fécales non recouvertes, non désin¬ fectées et à peine désodorisées. C’est avec les essais de M. E. Vallin, au Val-de-Grâce, que l’earth System fut réintégré dans ses vrais principes, méthodisé et précisé. A dater de cette époque, les articles se succèdent, les traités d’hygiène consacrent un ou plusieurs paragraphes au Moule’s System, comme l’écrit M. le médecin-inspecteur Morache, à la page 317 de son Traité d'hygiène militaire* {'2° édit.,Pai’is, 1886) ; l’article « Hygiène infantile » de V Encyclopédie de J. Rochard, T. VIH, 38” fascicule, n’y fait aucune allusion, si je ne me trompe. Et pourtant que d’écoles de villages, voire des plus neuves, gagne¬ raient à changer contre des tinettes à terre sèche les fosses fixes dont les ont dotées des architectes ignorants des progrès de l’hy- 1. Richard. Précis d’hygiène appliquée. Paris, O. Doin, 1891, p. 131. 2. Ra VENEZ. La vie du soldat au point de vue de l’hygiène. Paris, J. -B. Boillier. 3. VmŸ. Art. hygiène militaire de l’Encyclopédie de J. Rochard, 1893, T. VII, p. 91. 4. Grandju.\. De la désinfection dans les quartiers militaires, Revue de médecine et de chirurgie militaires, page 746, 1882. P. GODIN gièiie. A rarticle « Ecoles », du dictionnaire de Dechambre (page 274), il est déclaré avec la plus grande fermeté par l’auteur, hygiéniste des plus autorisés, que la fosse mobile ou tinette est le système qu’il faut adopter dans les écoles de village. Peut-être A. Layet insiste-t-il beaucoup sur la nécessité d’une désinfection répétée qui devient inutile avec un earth System bien surveillé. 11 est apporté plus de vigueur encore dans la défense de l’earth System, ou plutôt dans sa préconisation par le D' J. Navarre, dans son Manuel d’hygiène coloniale^. La « méthode par voie sèche » y est envisagée comme le meilleur et le plus pratique moyen de désinfection et de vidange qui soit à la portée de.s cités coloniales grandes et petites qui ne jouissent pas du tout îi l’égout. L’expérimentation qui est relatée dans le présent article confirme entièrement les vues de l’auteur du manuel. Ailleurs, on rencontre une certaine tendance à attribuer au com¬ post formé par le mélange de la terre avec les matières fécales et le papier, plus de valeur comme engrais qu’il n’en a en réalité. De petits Manuels d’hygiène destinés aux écoles normales pri¬ maires, et rédigés conformément aux programmes de l’enseigne¬ ment primaire supérieur du 21 janvier 1893, appelés par consé¬ quent à répandre des idées justes dans les campagnes, contiennent des affirmations comme celle-ci : . « les cabinets sont rendus presque inodores (quand les matières fécales sont recouvertes de trois ou quatre fois leur poids de terre sèche) et les produits secs de vidange constituent un excellent engrais^. » Et cependant ce Manuel est postérieur au Précis d'hygiène appli¬ quée de M. le professeur E. Richard qui a paru dès 1891 et qui donne une appréciation si exacte de l’engrais humain. Le mé¬ decin-inspecteur Richard n’y néglige du reste aucun des divers côtés de la question et il détermine d’une façon définitive les in¬ convénients et les avantages de l’earth System, tout en indiquant les conditions qu’exige son application. « Au point de vue de 1 exploitation, écrit cet auteur, les latrines à la terre conviennent lorsqu’on a à proximité la terre, un moyen de séchage et un endroit pour le produit. Si l’une de ces conditions manaue. le sys- 1. J. Navarkk. Mamiol d’hygiène coloiiiate. Paris, 189S, p. 211. 2. E. Aubert et A. Lapresté. Cours élémentaire d’hygiène, E. André, fils. NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE L’ et EARTH SYSTEM » 981 tème cesse d’être pratique. Il est parfait pour une maison isolée, un petit hôpital hors ville, où on a, à sa portée, la terre nécessaire et des champs pour la recevoir une fois qu’elle a servi. » Labit et Polin regrettent que les latrines à la terre ne soient pas mieux connues chez nous, où « on ne les pratique guère», et Laveran, dans son Traité d’hygiène militaire, donne pour raison la difficulté, sur la majeure partie de l'étendue du territoire fran¬ çais, d’obtenir de la terre parfaitement sèche, condition sine quâ non. Au cours de mes excursions dans les camps anglais, j’ai observé que l’emploi de la terre sèche devenait de plus en plus rare. « On voit* cependant fonctionner dans quelques-uns des pavillons affectés aux soldats ou aux sous-officiers mariés, le système à la terre, l’earth System. « On y renonce peu à peu, à cause des frais qu’entraîne le des¬ sèchement de la terre. » Aussi, s’agit-il ici de l’application de l’earth System unique¬ ment dans le midi de la France, région où il est inutile de dessé¬ cher la terre au four. Ce travail n’est, du reste, que l’exposé de faits relatés tels qu’ils ont été observés. Il a pour but, non pas de faire ressortir la valeur de l’observation, mais tout au contraire de souligner les inconvé¬ nients de là manière de procéder, les défauts dans l’application de l’earth System, etc., de façon à aider au progrès de la « méthode par vole sèche » d’un emploi si simple et si facile, en mesure de rendre à la culture de réels services, et qui constitue une garantie si sûre pour l’hygiène d’une habitation. II. — CONDITIONS GÉNÉRALES DES EXPÉRIENCES Sur le conseil de M. le médecin-inspecteur Richard, alors pro¬ fesseur d’hygiène au Val-de-Grâce, une série d’expériences fut entreprise par nous en 1896, et poursuivie pendant les années suivantes jusqu’en 1900 aux portes d’un village du Bas- Languedoc. Derrière la maison d’habitation s’étendait un enclos planté de 1. Paol Godin. L’hygiène à l’élranger : Notes sur l’hygiène dans les casernes anglaises. Archives de médecine et de pharmacie militaires, Tome XXXVII», page 409, 1901, mai. D'- P. GODIN vignes de 25 mètres de large sur 30 mètres de long, où existaient, dans un pavillon isolé, des cabinets d’aisance sur fosse üxe. La fosse fixe fut comblée, et le sol du pavillon, des closets dallé avec ciment dans les interstices. Sous le siège en bois, on glissa une tinette à deux oreilles. Tout auprès fut placée une grande caisse remplie de terre sèche et munie d’une pelle à main. A l’intérieur de la maison, dans un cabinet attenant à une chambre de débarras, fut installé un autre privé. Un banc large de 0"*,35 centimètres, et long de l'“,20, servit de siège; il y avait été pratiqué un orifice de dimensions convenables. Sur sa traverse élargie fut posé un seau d’un diamètre un peu supérieur à celui de la lunette. Une caisse de terre fut mise à côté avec une pelle. La tinette du jardin était un seau à oreilles d’une contenance de 25 litres, tandis que celle du seau des closets intérieurs ne dépas¬ sait pas 10 litres. On fut tenu de jeter sur chaque garde-robe une quantité de terre suffisante pour recouvrir matières et papiers. Tous les matins, au jardin, dans un trou de 1"',2 avec une pro¬ fondeur ne dépassant pas 0'",30 centimètres pour les fosses creu¬ sées pendant la Rremière année, puis atteignant 0“,35 centimètres à partir de l’été 1897, l’épaisseur de la couche humique pouvant être évaluée en moyenne à 0'“,45 centimètres, on vidait le contenu de la tinette et Ton recouvrait immédiatement d’un peu de terre. Un second trou était ouvert et le précédent comblé dès que le fond était monté à 0'",15 centimètres de la surface du sol. Un vase spécial, placé également dans les latrines, était, autant que possible, réservé aux urines. Les dimensions étaient telles qu’il pouvait rece¬ voir, après chaque miction, assez de terre pour que le liquide fiit absorbé. Cette terre humide était versée chaque matin dans le trou des eaux ménagères. Les fosses destinées aux ordures et aux eaux ménagères étaient creusées du côté opposé du jardin. D’abord un peu plus grandes, elles furent bientôt ramenées aux mêmes dimensions que les fosses à matières excrémentitielles. Aussitôt les déchets et les eaux vei'sés, on étendait une couche de terre suffisante pour couvrir et contri¬ buer à l’assèchement. L hiver, le système continua à fonctionner grâce à une réserve de terre sechc récoltée, comme l’été du reste, à la surface du terrain le mieux insolé de l’enclos. Aucun inconvénient ne résulta pour le NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE L’ « EARTH SYSTEM .. 600 grammes. Il semblerait que l’on dût ajouter les deux pelletées de terre, soit encore 1,400 grammes, mises, chaque matin, au fond de la tinette immédiatement après la vidange. Mais, le plus souvent, la séche¬ resse permettait de prélever ces deux pelletées sur la terre de déblai de la fosse en service. Les 1,400 grammes utilisés pour le récipient des urines étaient en revanche exclusivement puisés dans la caisse d’approvisionne¬ ment; la mince couche du fond, prise comme celle de la tinette au jardin même, n’entre pas en ligne de compte. Au total, pour le service des closets, chaque jour il était utilisé 5,600-}- 1,400 grammes de terre sèche, c’est-à-dire à peu près exactement 7 kilogrammes. Pourune seule personne, 2 kilogrammes seraient donc largement suffisants. La terre fut constamment utilisée telle qu’elle était récoltée. Les mottes étaient écrasées avec la pelle lors de la récolte. A aucun moment il ne parut utile d’avoir recours à la pulvérisation de la terre au rouleau ou à son criblage, l’activité de la nitrification ne paraissant en tirer aucun bénéfice. Influence des pluies. — Le déversement présente-t-il plus de difficulté au moment des fortes pluies? La nature argileuse du terrain rendait le déversement sous la pluie un peu moins aisé. 11 est indiqué d’augmenter un peu la proportion de terre sèche versée à chaque visite, et de creuser dans la terre de déblai june sorte de tunnel pour eu extraire la terre sèche de couverture au moment du déversement. D’autre pai’t, les matières excrémentitielles vidées par les temps de pluie offrent dans leur nitrification un retard qui peut atteindre P. GODI.\ un à deux mois suivant l’abondauce des pluies, comme on pouvait s’y attendre ; l’humification met quatre et quelquefois cinq mois à se faire pour les matières fécales, tandis que celle du papier paraît en bénéticler dans une certaine mesure. Le terme de la transfor¬ mation complète de l’ensemble n’en est qu’exceptionnellement porté au delà de cinq mois, durée admise pour la rotation des fosses. Étendue du terrain. — Quelle est l’étendue de terrain néces¬ saire par individu et par an ? Un carré de 6'“,50 de côté suffirait pour une seule personne (la surface de terrain employée consistait en effet, pour quatre personnes, en cinq bandes de terre d’une lon¬ gueur de 3’”,50 chacune et de 1“>,S0 de largeur). Je ne crois pas qu’il y ait lieu de dire « par personne et par an », car la rotation à peu près semestrielle rend illimité l’usage de ce morceau de terrain. Si l’on entend mettre la culture à l’abri des inconvénients signalés plus loin, il faut compter par personne un carré de 12 à 13 mètres de côté, de façon à étendre à une année la durée de la rotation des fosses. Cette surface est également suffisante si l’on adopte la mé¬ thode extemporanée. Mise en culture. — Au bout de combien de temps le terrain ainsi fumé peut-il être mis en culture ? La première bande de terre a été mise en culture au bout de six mois ; les autres, dès la ferme¬ ture des fosses, pour bénéficier de la totalité des cinq mois laissés à la culture par les nécessités de la rotation. Aussi la premièie bande seule put-elle être bêchée et sa terre retournée avant de rece¬ voir les plantations. Les résultats obtenus ne permettent malheu¬ reusement de tirer aucune déduction pratique. Ce terrain bon pour la vigne est resté, après fumure par l’engrais humain, aussi impro¬ ductif qu’il l’était aupara,vant pour la plupart des autres cultures. Ainsi se trouve une fois de plus confirmée la manière de voir de M. le médecin-inspecteur Richard (Pi'écis d’hygiène appliquée, page 128) : « On pourrait croire, dit cet auteur, que la terre pro¬ venant des tinettes est un engrais précieux ; il n’en est rien. Même après cinq passages successifs, elle ne contient que 2 pour 1000 d’azote, et son pouvoir fertilisant n’est guère supérieur à celui de la terre ordinaire de jardin. On sait d’ailleurs que les engrais solides sont moins productifs que les engrais liquides de même richesse ». Il est juste cependant de remarquer que les matières fécales sont NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE L’ « EARTH SYSTEM » 987 déposées :i une profondeur considérable relativement à la pénétra¬ tion des racines ; et que l’obligation de planter sur une fosse dès qu’elle est refermée pour pouvoir disposer de cinq mois pleins, supprime l’opération si nécessaire de l’ameublissement ou mieux du mélange par labour de la couche profonde fumée avec la couche superficielle. Choix des cultures. — Quelles cultures convieimeut le mieux ? Cette autre question est restée également sans réponse, par suite de la nature du terrain ; et c’est d’autant plus regrettable qu’il pouvait ressortir de ces essais une connaissance assez nette de l’action réciproque de la fumure sur la végétation et de la végétation sur la nitrification. Il est clair que les plantes les plus convenables, celles qu’il faut cultiver de préférence dans un sol qui doit rester sec, sont celles qui ont le moins besoin d’humidité autour de leurs racines. La lupuline est dans ce cas. Elle est assez bien venue sur ce sol ingrat. Mais, avec le maïs (zea mays) elle y réussissait déjà avant l’introduetion de l’engrais humain. Pour ces deux plantes comme pour la vigne, l’amélioration fut bien peu sensible. D’autre part, le sarrazin, l’avoine et le blé qui ne venaient pas auparavant, n’ont rien donné au cours des quatre années. Il en a été de même de la part des légumes, choux, navets, carottes, bette¬ raves, pommes de terre. L’oseille s’est développée maigrement. De tout cela, il ressort seulement ce fait que les matières fécales n’ont pas réussi en quatre ans à l'endre productive une terre argi¬ leuse qui ne l’était pas, ,dans les conditions du moins où ont été réalisées les présentes expériences. Rotation. — Au bout de combien de temps la même fosse peut- elle resservir ? Chaque fosse durait dix jours en moyenne. Il était donc utilisé trois fosses par mois. C’est précisément le même nombre de trous que comportait chaque bande de terrain dont la longueur était de 3"',50, sur 1"‘,S0 de large, avec une distance de 0"',1S cen¬ timètres entre les fosses. Comme on comptait cinq bandes, il fallait exactement cinq mois pour les parcourir. La même fosse était donc remise en service au bont de cinq mois. Or, chose essentielle, l’humification des matières fécales était complète dès le troisième mois, celle du papier seulement dans le courant du cinquième. Le papier réfractaire était trouvé sous l’as- 988 D'- P. GODIN pect de petites bandes décliiquetées, amincies, rendues cotonneuses, jaunies et n’offrant plus aucune résistance à la traction. La nitrification était achevée dans le cours du cinquième mois seulement, pour les matières comme pour le papier, quand les pluies avaient fréquemment troublé les vidanges. Relation entre la durée de l’évolution des plantes et celle de h rotation des fosses. — Quel est le trouble que l’ouverture succes¬ sive des fosses apporte aux plantations, et comment peut-on neu¬ traliser ce trouble avec un choix et une combinaison judicieux des plantations ? Le calcul permet d’arrêter le choix et la succession des plantes qui peuvent être cultivées sur le terrain des fosses, sans courir le risque d’être surprises en cours d’évolution et avant d’avoir donné les produits comestibles ou les condiments qu’on attend d’elles. Une fois connue la durée de la rotation des fosses, on connaît précisément la durée d’évolution des plantes à cultiver, et si l’on représente par R la rotation et par E la durée de l’évolution, E = R est une condition que doit tout d’abord remplir chacun des plants choisis. Dans un terrain de 6'",50 pour une seule personne, cette rotation, nous venons de le voir, est de 5 mois L Or, il est aisé de trouvei' des plantes qui arrivent à maturité en S mois parmi celles qui s’accommodent de la nature de la terre dont on dispose. Un certain nombre de légumes sont dans ce cas : épinards, oseille, salades ; on donnera toujours la préférence à ceux qui n’exigent qu’un faible arrosage. Les légumes-racines paraissent devoir être écartés. Le tracé des fosses laisse constamment intactes deux bandes de terrain de 0”‘,23 centimètres qui les encadrent à droite et à gauche, ce qui réalise un espace de 0'”,30 centimètres entre deux lignes de fosses. Sur ces planches, toutes sortes de cultures sont possibles et peuvent être poursuivies sans menace d’interruption. La vigne qui s’y trouvait n’en a souffert à aucun moment. Il en sera de même dans un terrain meilleur pour de petits arbres frui¬ tiers; pour différents arbustes, pour des asperges, pour des légumes 1. Avec un terrain d’une étendue double, les plantes se trouveraient avoir 1 mois pour évoluer, en tenant compte des 5 mois qui doivent précéder le labour, le mélange des couches ne devant être fait qu’après nitrification complète. NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE L’ .< EARTH SYSTEM » 989 de toutes sortes. Ce qui importe, c’est que les racines de ces plantes ne soient pas assez étendues pour courir le risque d’être sectionnées ou mises à découvert pendant le creusement des trous de vidange. Installatim d'un cabinet d’aisance à l’intérieur de l’habitation. — A un moment donné, les circonstances ont nécessité l’installation d'un privé à l’intérieur de la maison, obligeant à enfreindre la prescription de Parkes citée par M. E. Richard, loco citato, p. 127, à savoir de placer toujours hors des bâtiments habités les tinettes à poudre sèche. Les résultats furent tels, qu’ils méritent d’être relatés. Il est opportun de signaler la supériorité dans ce cas du système à la terre, la possibilité de son application sans encourir aucun des dan¬ gers auxquels exposent les procédés autres que le tout à l’égout, pour une période plus ou moins prolongée, par exemple pendant la durée d'une maladie ou pendant une série de mauvais temps. Un banc percé, avec un seau placé sous l’ouverture, de la terre sèche, une pelle à main, un second seau ou un vase pour l’urine assez grand pour recevoir quelques pelletées de terre, constituent tout Je matériel de cette installation dans laquelle on doit bien se garder d’introduire des appareils compliqués tels que les diverses « earth commodes » que j’ai eu l’occasion de voir au Musée Parkes, Margaret Street à Loudi-es, exposés à la section : « Dry closets », qui occupe un des côtés de la galerie à balcon de la salle du fond. Ces instruments multiplient les surfaces de souillure sans autoriser l’usage de l’eau qui, seule, les ferait disparaître. La vidange quotidienne est de rigueur; et pour le reste, il y est procédé de la même façon que pour les closets situés hors de l’ha¬ bitation. B. Eaux ménagères. Gomme nous l’avons vu précédemment, en même temps que pour les matières fécales, l’earlh System fut expérimenté pour les eaux ménagères et par le procédé des fosses. En voici les résultats présentés sommairement, en suivant le même ordre que dans l’ex¬ posé qui précède. La vidange s’est faite chaque jour et le plus souvent deux fois par jour, ce qui a été reconnu préférable. La terre est la terre de jardin argileuse dont il a été précédemment question, les deux expé¬ riences ayant été suivies parallèlement dans le même jardin. Aucune récolte de terre n’est nécessaire ; toutefois il est prudent d’en avoir 990 b' P. GObtN devant soi quelques caisses, pour venir en aide à la terre de déblai de la fosse pendant les périodes de pluie. Les fosses destinées aux eaux ménagères ont toujours reçu les urines, aussi bien celles qui provenaient des closets que celles qui venaient des chambres. Dans ces conditions, une fosse de 1“®, qui reçoit environ 30 litres d’eaux ménagères et d’urine pai' jour, pou¬ vait servir pendant neuf jours au maximum, et avait besoin du six mois en hiver et de quatre mois en été pour transformer les matières reçues et pour être remise en sei-vice. Dans cet intervalle, la terre, extraite pour l’examen, de fosses comblées depuis deux ou trois mois, se présentait sous l’aspect d’un pudding argileux de couleur noirâtre, dans lequel s’enchevêtraiem quantité de filaments noirs aussi, détritus organiques non complè¬ tement décomposés et dont la nitrification ne se faisait qu’avee une extrême lenteur, en raison de l’excessive humidité. Il en fut tiré cette conclusion qu’il convenait de séparer des eaux ménagères toutes les matières solides qui s’y trouvaient habi¬ tuellement mêlées. Il s’en suivit l’installation de deux récipieiils à la cuisine au lieu d’un seul. Ainsi fut évité le mélange des matières usées solides et des eaux ménagères. Cette distinction fut poursuivie dans le déversement, et les déchets organiques solides ne vinrent plus flotter à la surface du lac temporaire formé par la vidange dans une seule fosse de la totalité des matières usées. Les solides eurent leur fosse et les liquides la leur. La nitrification des matières solides se fit plus activement, et cela confirma les prévisions. La durée de leur humification quand le déversement s’est fait à l’abri de l’eau de pluie, comme cela s’ob¬ tient à coup sûr par le procédé extemporané dont nous parlerons tout à 1 heure, a égalé à peu près celle de la transformation des matières fécales, le papier exclu, quand la fosse avait été imprégnée d une certaine quantité d’eau de pluie. On aurait tendance à attri¬ buer ce phénomène à une proportion supérieure d’eau de constitu¬ tion dans les déchets organiques. Cela est possible, mais fort pi’o- bablement il existe d’autres causes que je crois déjà entrevoir et que les recherches' que je poursuis me permettront un jour, je l’espère, de préciser. 1. « Quelques expériences bien couduites suivant les résoudraient facilement la question, et nous diraient. Irailé de la désinfection et des désinfectants.) procédés de Pasteur etc... » (E. Vallin. NOUVEAUX ESSAIS D’APPLICATION DE L’ « EARTH SYSTEM » 991 Au point de vue de la fumure par les eaux ménagères, qui s’en¬ tendent ici des liquides et des solides réunis, et de son influence sur la culture, on put constater que quatre années ne suffirent pas à amender sérieusement le mauvais terrain et les cultures entreprises n’ont pas donné de résultats beaucoup plus satisfaisants que du côté des fosses à engrais humain. La vigne cependant se montra plus vigoureuse et plus touffue sinon plus productive dans cette partie du jardin. Mais, pour les eaux ménagères comme pour les matières fécales, la méthode extemporanée paraît appelée à produire des effets tout autres, combinée, bien entendu, avec la sélection en matières solides et matières liquides. G. Effets fertilisants de l’eau de lessive (en iri'igation). Si les déchets organiques s’accommodent mal de l’humidité, celle-ci convient mieux que la sécheresse à l’assimilation humique, si l’on peut ainsi dire, des substances minérales, et semble favoriser de la façon la plus énergique le changement de leur constitution chi¬ mique, changement insignifiant, il est vrai, à côté de celui des matières organiques, mais qui pourtant ne s’opère pas à sec. Il a été possible de s’en rendre compte en mêlant en petites quantités les mêmes sels desséchés à des terres différentes de celles où les eaux de lessive s’épandaient, pendant des périodes de séche¬ resse. Grâce, en effet, à l’étendue du jardin, une autre partie, la plus voisine des communs où avait lieu la lessive, était consacrée à l’épandage des eaux de lessivage et de savonnage (savon et cris¬ taux de carbonate de soude). La lessive avait lieu tous les quinze jours, pendant deux jour¬ nées consécutives, l’eau coulait presque sans interruption, eau constamment chargée de savon et de carbonate de soude, et inon¬ dait le terrain en question, dans lequel elle était répartie au moyen de rigoles de profondeur variable et souvent déplacées. La surface représentait un carré de 2™, 50 de côté. Sur cet emplacement, oseille, blé, maïs sucré ridé, radis roses et radis noirs, chicorée endive, etc..., tout vint à souhait et arriva à maturité dans les meilleures conditions. Ce fut le noyau du jardin potager qui s’éten¬ dit aulour et participa le plus possible à cet engrais minéral, soit 992 P. GODIN directement an moyen de rigoles d’amenée, soit par des échanges de terre très avantagenx dans un petit jardin. Le procédé des fosses pourrait être un peu modifié, de façon à parer à ses principaux inconvénients, au moyen par exemple de simples trous creusés au moment de l’apport des produits de vidange, puis aussitôt refermés et plantés ou ensemencés sur toute leur sur¬ face. Mais l’essai a besoin d’en être renouvelé. En résumé, il est essentiel de supprimer l’exposition à l’air* de la matière fécale ; fosse et mieux peut-êti’e trou extemporané réalisent ce desideratum hygiénique. Les détails de l’opération sont d’une simplicité qui la mettent à la portée de toute maison à laquelle se trouve attenante une pièce de terre de ISO mètres cari és environ, ce qui se trouve souvent en ville et à plus forte raison à la campagne. Il n’y a donc pas de motif valable pour la conservation des fosses fixes, et partout où le tout à l’égout ne fonctionne pas, l’earth System doit régner. Pour les maisons dépourvues de jardin, la municipalité ne pour¬ rait-elle dans chaque cité faire prendre tous les matins les tinettes, et laisser à chaque porte une caisse pleine de terre où chacun des locataires viendrait prélever sa provision pour les 24 heures. Une courte instruction et un numérotage des tinettes assureraient la rigueur nécessaire dans ce fonctionnement. Même en pleine cam¬ pagne, l’exposition à l’air des matières fécales a une influeurc néfaste sur la santé de la famille. Les nombreux remplacements de confrères civils qu’il m’a été donné de faire depuis dix-huit ans m’ont beaucoup instruit sur ce danger. Ce ne sont même pas des fosses fixes; dans les fermes, ce sont simplement de larges trous sur lesquels est posée une planche, surmontée ou non d’une cou¬ verture plus ou moins compliquée. ütt'en coûterait-il pour ces pauvres gens, qui sont plus ouverts à certains progrès que l’on ne paraît le croire, de mettre en pratique le système à la terre, et d’utiliser le tout dans leurs champs. Üuc d’affections contagieuses, que d’affections du jeune âge seraient 1. L’agent actif de l’humification, bacille nilriQcateur (G. V. Poor, c l'abri de l’air comme de l’humidité. microbe de Wiuogradski, pénicillium on :ité par E. Vallin), n’agit en effet qu’à LA LUTTE DU BLANC DE ZINC ET DE LA CÉRUSE 993 supprimées ! J’ai obtenu quelques conversions. D’autres ont égale¬ ment réussi à convaincre et à faire mettre en pratique. C’est une tâche digne du médecin le plus méritant, du médecin de campagne. REVUE CRITIQUE LA LUTTE DU BLANC DE ZINC ET DE LA CÉRUSE Par le D'^ E, VALLIN. Personne ne conteste les méfaits du plomb et les dangers de la peinture à la céruse. La question est revenue, en ces derniers mois, de la substitution du blanc de zinc au blanc de plomb ; la lutte, est ardente, d’autant plus que le débat ne s’est pas maintenu exclusive¬ ment sur le terrain de l’hygiène et de la technologie ; mais une so¬ lution est proche, et il importe de connaître les documents et les discussions qui sont venus la préparer. Dans un intéressant rapport présenté le 27 février 1901 par M. Moyaux, de l’Institut, au Conseil général des bâtiments civils, le savant architecte, inspecteur-général de ce service, rappelle que déjà le 21 août 1849 le ministre deis Travaux publics, et en 1852 le ministre de l’Intérieur, ont prescrit que dorénavant le blanc de céruse ne serait plus employé dans les travaux de peinture exécutés soit dans les bâlimeuts de l’État, soit dans les bâtiments départe- mentauxL Ces prescriptions restèrent inexécutées, les entrepreneurs, architectes et ouvriers prétendant bien à tort qu’il n’était pas pos¬ sible, à égalité de prix, de main-d’œuvre et de durée, Hle substituer le zinc au plomb. D’après M. Moyaux, cette opinion est aujourd’hui reconnue erronée par toutes les personnes compétentes. Le blanc 1. Tardieu a lu jadis au Comité consultatif d’hygiène de France (Recueil des Travaux, T. 1., p. 231), un rapport, peu favorable à la substitution du zinc au plomb, dont la date n’est pas indiquée, m.iis qui est antérieur à 1862. Ce rapport paraît inspiré bien plus par des considérations Unancières, indus¬ trielles et administratives que par la préoccupation de la santé publique REV. d’hyg. xxiii. — 63 D' E. VALLIN de zinc a l’avantage de ne pas être toxique; il ne se colore pas en noir par les émanations sulfurées; il est aussi solide, au moins dans les intérieurs, et plus beau que la céruse qui jaunit rapidement. Quand on sait s’en servir, il couvre aussi bien que le blanc de plomb ; il suffit de tenir la « teinte » un peu moins liquide en faisant entrer dans sa composition, comme dans celle des enduits, une plus forte proportion d’huile et moins d’essence de térébenthine. La peinture au blanc de zinc sèche moins vite, mais on obvie à cet in¬ convénient, si on est pressé, en délayant ce blanc dans des huiles de lin manganésées, ou en y ajoutant des siccatifs spéciaux, tels que le borate de manganèse ou les siccatifs zumatiques qu’on trouve chez tous les fabricants de blanc de zinc. On n’est pas encore d’accord sur la question de savoir si la pein¬ ture au blanc de zinc résiste moins aux intempéries que la peinture à la céruse. « Ce que l’on sait positivement, dit M. Moyaux, c’est que certains entrepreneurs de peinture ont tout à fait renoncé dans leurs travaux à l’emploi de la céruse et qu’ils en sont, ainsi que leurs ouvriers, on ne peut.pius satisfaits. Les résultats sont incom¬ parablement meilleurs à l’intérieur, parceque la peinture reste fraîche, tandis que la peinture à la céruse jaunit avec le temps. Quant au prix de revient, il est le même dans les deux cas, quoique le blanc de zinc coûte, au poids, encore plus cher que le blanc de plomb; mais comme celui-ci pèse plus pour le même volume, le travail fait ne revient pas plus cher avec l’emploi du blanc de zinc. En résumé, tout milite plutôt en faveur du blanc de zinc, et c’est si vrai, que les fabricants de céruse viennent de diminuer le prix de leur produit. Mais quand on ne devrait au blanc de zinc que d’éviter l’empoisonnement des ouvriers peintres et de leurs enfants, on doit engager à proscrire la céruse dans les travaux de peinture, en coûtât-il un peu plus ; tel esf l’avis de votre rapporteur. » A la suite de la lecture de ce rapport et sans doute de la discus¬ sion qu’il a soulevée, M. Roujon, président du Conseil, a formulé au nom de ce dernier l’avis suivant qye nous croyons devoir re¬ produire en presque totalité, en raison de la compétence de ce haut tribunal : « Après avoir entendu M. Moyaux, inspecteur général des bâti¬ ments civils, en son rapport en date de ce jour et dans ses conclu¬ sions ; Considérant tout d’abord que le danger que présente l’emploi du LA LUTTE DU BLANC DE ZINC ET DE LA CÉRUSE !)98 blaup. de céruse tient pour beaucoup à l’imprudence et au manque de précautions des ouvriers ; Considérant, d’autre part, que le blanc de zinc est, dans les pein¬ tures intérieures, aussi solide que le blanc de céruse et d’une plus belle couleur, et que son emploi est tout aussi facile pour l’ouvrier qui en a acquis l’habitude ; Qu’il importe toutefois de remarquer : Qu’il paraît résulter des expériences faites qu’il résiste moins bien, pour les peintures extérieures, aux intempéries que le blanc de céruse, et exigerait par suite un renouvellement plus fréquent ; Que, d’autre part, son prix de revient peut être considéré comme équivalent au prix du blanc de céruse, ainsi qu’il ressort de la note ci-annexée, mais que la dépense d’entretien se trouverait supérieure dans les peintures extérieures, par suite du renouvellement plus fréquent dont il vient d’être parlé; En conséquence, et conformément aux conclusions de M. le rap¬ porteur, est d’avis : Que la substitution du blanc de zinc au blanc de céruse pourrait avoir lieu sans compromettre la durée des travaux pour les peintures intérieures, sans nuire à leur aspect et sans augmenter leur prix de revient; mais, en ce qui concerne les peintures extérieures, que la durée en serait moindre. » Notre collègue et ami, M. Laborde, qui reproduit ce document dans la Tribune médicale, fait très justement remarquer que ces conclusions ne sont pas autant qu’on le dit « conformes à celles de M. le Rapporteur »*. En outre, il serait bien désirable de connaître par le détail les « expériences faites », dont il est parlé dans les considérants, démontrant que le blanc de zinc ne résiste pas très bien aux intempéries. Il ne semble pourtant pas que les peintures au blanc de zinc qui revêtent la cour du ministère des Travaux publics (depuis dix ans), l’extérieur de divers bâtiments de l’État à Cher¬ bourg et dans plusieurs de nos ports maritimes, aient jusqu’ici donné de mauvais résultats au point de vue de la résistance et de la beauté de la couleur. Nous allons tout à l’heure voir l’avis sur ce point de IIM. Livache et Potain, avis qui semble tout à fait conforme à celui de M. Moyaux. 1. La question de la prohibition du blanc de céruse, Tribune médicale du 21 août 1901, p. 667 i D' E. VALLIN Nous n’ignoroiis pas qu’il y a des intérêts financiers, voire même des intérêts politiques en jeu dans cette lutte entre le blanc de plomb et le blaiic de zinc, et nous déplorons que l’intérêt de la santé d’un nombre considérable d’ouvriers, de modestes travailleurs sou¬ vent chargés de famille, ne prime pas tous les autres. Espérons que l’avis du ministère des Travaux publics sera plus affirmatif et que le ministre actuel ne déjugera pas ses collègues de 1849 et de 1852. N’est-il pas extraordinaire que depuis plus d’un siècle on n’ait pu trouver la solution définitive d’un problème technologique qui sem¬ blait presque résolu par Guyton de Morveau en 1782, parFourcroy, Berthollet et Vauquelin en 1808, par Chevreul en 1850, et qu’on n’ose aujourd’hui mettre en exécution une prohibition ministérielle formulée, il y a plus de cinquante ans, pour protéger la santé des ouvriers. Les expériences rigoureuses et précises de MM. LivacheetPotain, postérieures de plusieurs mois (juin 1901) à l’avis du Conseil gé¬ néral des bâtiments Civils, nous paraissent avoir jeté une grande clarté sur la question en litige. M. A. Livache, ingénieur civil des mines, a été pendant longues années l’un des inspecteurs des établissements classés à la préfecture de police; il est l’auteu]' d'un excellent Traité des manufactwies et ateliers dangereux et insa¬ lubres qui'êsrehtrè lès mains de la plupail des membres des Conseils cThygiène et dont chacun de nous connaît le mérite; son collabora¬ teur, M. Potain, est membre de la chambre syndicale des entrepre¬ neurs de peinture de Paris; ils réunissent donc des compétences théoriques et pratiques qui sont indiscutables. Us mollirent que jusqu’ici on a commis l'erreur dé composer les peintures et les en¬ duits au blanc de zinc avec les mêmes proportions d’ingrédients (huile, siccatif et térébentliiiie) que pour la céruse, sans tenir compte des différences de densité, de porosité, etc., de ces deux sels métalliques. En modifiant très légèrement les formules, on obtient des peintures à l’oxyde de zinc irréprochables. Bien qu’il ne s’agisse ici que de détails technologiques, nous croyons utile de les indiquer, afin de montrer l’inanité des objections que l’on oppose à la substi¬ tution du blanc de zinc à ce produit toxique par excellence, la céruse. Dans une peinture à l’huile quelconque, la térébenthine, qui s’é¬ vapore rapidement, ne sert guère qu’à augmenter la fluidité du mé¬ lange et à faciliter son application. L’huile de lin est. siccative, et LA LUTTE DU BLANC DE ZINC ET DE IA CÉBUSE 091 SOUS riiifluence de l’oxygène de l’air elle se transforme en une ma¬ tière solide, transparente, élastique, insoluble dans l’eau, qui em¬ prisonne et rend adhérente la matière colorante solide . Quand la quantité d’huile est insuffisante, la peinture est « farineuse », pulvé¬ rulente. Quand cette quantité est en excès, la peinture sèche à la surface et l’oxygène de pouvant plus atteindre les couches d’huile profondes, la peinture sous jacente ne sèche pas. En outre, pour empêcher l’huile de lin de couler sur les parois verticales et d’aban¬ donner par nappes la matière colorante en suspension, on y ajoute un corps poreux, comme l’oxyde de zinc ou la céruse, qui en s’im¬ bibant d’huile donne une bonne et égale consistance à la masse. Enfin, la quantité de matière solide doit être en quantité suffisante afin que, la couleur étant sèche, les particules solides se trouvent assez rapprochées les unes des autres pour donner une surface con¬ tinue, réfléchissant également la lumière ; sinon on aurait des parties ternes et mates, dites embus ; on fait disparaître ces embus en les recouvrant d’une nouvelle couche de peinture. Dans une peinture bien préparée, il doit donc y avoir un rapport rigoureux entre la proportion d’huile et celle de la matière solide ; la fluidité est ensuite déterminée temporairement par la térében¬ thine qui s’évapore. Enfin, toute peinture à l’huile doit être rapide¬ ment siccative; or, d’après les recherches faites par les auteurs, un des meilleurs siccatifs est le résinate de manganèse, à la dose de f à 3 grammes pour 100 d'huile. Avec des quanlités égales de sic¬ catif, la peinture au blanc de zinc sèche plus lentement que la pein¬ ture à la céruse (22 à 26 heures au lieu de 16 heures) ; mais quand on ajoute à la peinture au zinc un très léger excès de résinate de manganèse, la différence disparaît. A l’oxyde de zinc, dont la den¬ sité est de 6,40, il faut également mêler un peu plus d’huile de lin qu’à la céruse dont la densité est de 6,57. Il en est de même des « enduits » qui servent à imperméabiliser le plâtre ou le bois et à en boucher les pores avant d’y appliquer la première couche de peinture ; il faut ajouter un peu plus d’huile (198 p. 1000) au mélange de blanc de Meudon et d’oxyde de zinc sec qu’au même mélange de céruse sèche (151 p. 1000). D’autres expériences ont également pi-ouvé aux auteurs que le prix de revient par mètre superficiel est presque identique pour les deux sortes de peintures. S’il est vrai que pour les travaux d’extérieur la peinture au zinc 998 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER a été trouvée moins résistante par certains entrepreneurs ou archi¬ tectes, c’est qu’on avait fait le mélange avec une quantité insuffi¬ sante d’huile de lin, de térébenthine ou de siccatif; en modifiant un peu la formule, comme l’indiquent MM. Livache et Potain, le ré¬ sultat est irréprochable. Voilà donc, enfin, l’explication du désaccord qui a persisté jusqu’en ces derniers temps sur la valeur commerciale de la peinture à l’oxyde de zinc; espérons que ces expériences très scientifiques feront tomber toutes les hésitations, et que dans quelques années la colique des peintres et les paralysies saturnines ne tien¬ dront qu’une place insignifiante dans le cadre des maladies profes¬ sionnelles. LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER Le professeur C. Flûgge Directeur de l’Institut d’hygiène de l’Université de Gœttingue. L’on peut dire qu’après R. Koch, c’est le professeur Flügge qui dispute aujourd’hui la première place parmi les hygiénistes de l’Al¬ lemagne. Ces deux noms sont associés dans la direction de la Zeistschrift fur Hygiene und Infectionskrankheiten, et depuis que R. Koch a entrepris ses fructueuses missions dans l’Afrique orien¬ tale, le laboratoire de l’Institut d’hygiène de Breslau est devenu, comme celui de Berlin, le centre d’attraction préféré par tous ceux qui veulent se consacrer aux études d’hygiène expérimentale. M. Flügge (Karl, Georg, Wilhelm), est né le 9 décembre 1847 à Hanovre. Après avoir étudié la médecine successivement à Gœt¬ tingue, à Bonn, à Leipzig et à Munich, il subit l’examen d’Etat en 1870 et exerça d’abord la médecine dans une petite ville de l’Alle¬ magne. Il devint ensuite l’assistant de Franz Hofmann à l’Institut d’hygiène de Leipzig et fut nommé en 1878 privat-docent d’hygiène à Berlin. C’est pendant son séjour dans ces deux villes, dans le la¬ boratoire de F. Hofmann à Leipzig et plus tard dans son laboratoire privé à Berlin, qu’il se livra à de nombreuses recherches d’hygiène expérimentale, et qu’il prépara la première édition d’un livre qui fit C. FLÜGGE grande sensation lorsqu’il parut en 1881 : le Traité des méthodes de recherches en hygimie; il dédia ce livre à Max von Pettenkofer, qu’il appelle justement « le créateur de l’hygiène expérimentale ». Cet ouvrage, très documenté et qui remplace l’enseignement dogma¬ tique et magistral par des leçons de choses et des expertises, est re¬ marquable pour l’époque où il a été écrit ; il a attiré l’attention et obtenu la faveur de tous ceux qui comprennent la nécessité de donner un caractère rigoureux et scientifique à l’étude et à la pratique de l’hygiène. En 1881, Flügge fut appelé à Gœttingue comme chef de la section de chimie et d’hygiène de l’Institut physiologique dont Meissner était alors le directeur; cette section devint bientôt un laboratoire et un service indépendant. Il fut d’abord nommé professeur extraordinaire et bientôt professeur ordinaire d'hygiène de cette université; il fut ainsi, comme on aime à le rappeler, le directeur du premier Institut d’hygiène qui ait été créé dans le royaume de Prusse. En 1887, il quitta l’Université de Gœttingue pour diriger l’Institut et occuper la chaire de Breslau, où aujourd’hui encore il continue des recherches et publie des travaux dont nous donnerons tout à l'heure le détail. Le professeur Flügge a collaboré tout d’abord par des travaux de physiologie et de chimie biologique à la Zeitschrift fiir Biologie de von Pettenkofer et von Voit. Quand Pettenkofer abandonna cette revue, qui tenait une si haute place dans la science européenne, pour créer VArchiv fur Hygiene en 1883, Flügge fit partie du co¬ mité de rédaction de ces Archives, mais il n'y a publié aucun mé¬ moire; il les quitta définitivement en 1886 pour fonder avec Robert Koch la Zeitschrift fur Hygiene, qui bientôt compléta ce premier titre en ajoutant : und Infectionskrankheiten (Journal d’Hygiène et des maladies infectieuses), et qui publie en ce moment son xxxn“ volume. C. Flügge a assurément beaucoup écrit ; cependant c’est moins un divulgateur qu’un chercheur, un expérimentateur, un inventeur; il a une personnalité qui se traduit dans tous ces travaux. Sans être en rien doctrinaire, il est chef d’école, en ce qu’il sait éveiller la curiosité de ceux qui l’approchent, il leur inspire des idées, les met sur une piste, travaille avec eux, puis les laisse achever dans ses détails la tâche commencée, sauf à en faire lui-même la critique. C’est ainsi que se sont groupés autour de lui des assistants, dont 1000 LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER quelques-uns comme Kruse, professeur d’hygiène à Bonn, sont déjà devenus des maîtres ou le deviendront un jour. La liste de ses travaux est considérable; nous avons laissé de côté ceux qui ont moins d’importance ou ne se rattachent pas aussi complètement à l’hygiène. Traités et ouvrages spéciaux. — Contributions â l'hygiène (Boilriige zur Hygiene), Leipzig, 1878. Ce sont des séries de mémoires compara¬ bles aux célèbres Populâre Vortrâge ou Vorlesungen de von Pettenkofer. Elles comprennent quatre parties: le climat d’habitation en été, la porosité du sol, la souillure du sol des villes, la valeur nutritive et le prix des aliments. Ce livre a eu plusieurs éditions. — Traité des méthodes de recherches en hygiène (Lehrbuch der hygienischen üntersuchungs- methoden, Leipzig- Veit, 1881, un vol. in-8<> de 602- pages, aveclOO figures ou planches, analysé in R. d’Uyg. 1881, p. 1S9 àl64). — Les micro¬ organismes, étudiés spécialement au point de vue des maladies infectieuses. Ce livre a été d’abord en 188.3 un fascicule du grand Traité d’hygiène de von Pettenkofer et Ziemssen. La 2* édition, parue en 1886, a été traduite par le D’ Henrijean, de Liège; 1887 — Bruxelles-Manceaux, in-8‘> de Cil pages, analysé in R. d’Hyg. 1888, p. 75. Une troisième édition a paru en 1897 à Leipzig-W. Vogel, avec la collaboration de MM. Gotschlicli, Frosch, Kruse, R. Pfeiffer, etc. — Éléments d’hygiène (Grundriss der Hygiene); cet excellent manuel, publié pour la première fois en 1880, est parvenu à sa quatrième édition en 1897 (Leipzig, Voit und G”). Mémoires originaux et rapports. — Sur les besoins de l'enseigne¬ ment de l'hygiène, rapport au Congrès allemand d’hvgiène à Hanoiro en 1884. (Deutsche Vierteljahrsschrift f. ôif. Gesundheitspflege, 1885, xyii, p. 7). — Études sur V atténuation des bactéries virulentes et sur l’immunité acquise. (Zeitschrift für Hygiene, 1888, iv, p. 208 à 231, avec recherches complémentaires dans son laboratoire par MM. Smirnow, Sirotlinin, Bitter et Nuttal, ibid. p. 331 à 395. — Les modes de propa¬ gation et de préservation du chotéra, sur le terrain des nouvelles acqui¬ sitions en épidémiologie et des progrès de l’expérience {Ibid. 1893, xiv, p. 122 à 203). — Le problème et les procédés pratiques de la stérilisa¬ tion du lait, contre la diarrhée des nourissons. {Ibid. 1894, xvn p 272 à 342; analysé in R. d'Hyg. 1894, p. 640). - Le mode de propagation de ta diphtérie, au point de vue de la marche de la maladie à Bres'lau de 1886 à 1890. {Ibid. 1894, xvii, p. 460; analysé in R. d’Hyg. 1894, p. 714). — Sur les rapports qui existent entre l’eau des rivières et la nappe souterraine à Breslau {Ibid. 1896, xxii, p 44S à 475 avec cartes; réponse à Sendtner, xxiii, p. 516; analvsé in R. d’IIyg. 1896, p. 938). — Appréciation hygiénique des eaux atimentaires et usuelles, rapport au Congrès de Stuttgart (Deutsche Viertelj. f. ôff'. Gesundhpflegc loW, p.iiO).— Sur l’infection de l’air (Zeitschrift für Hvgiene. 1897, ^ 224; analysé in R. d’Hyg. 1897, p. 816; recherches com¬ plétées parcelles de Max Neisser, Sur l’infection par les poussières de PRÉSENTATIONS 1001 Z’flic, Ibid.). — Les nouveaux points de vue sur le mode de propayation de la phtisie (Deutsche medic. Wochenschrift, 1897, n® 42, p. 665; analysé in li. d'Hijy. 1898, p. 568). — La désinfection des appariements par L'aldéhyde formique. (Zeitschrift f. Hygiene, 1808, xxix, p. 276; analysé in H. d'Hyg. 1899, p. 465). — La propagation de la phtisie par les crachats transformés en poussière et par les globules de salive ex¬ pulsés par la toux. (Ibid. 1899, xxx, p. 107, avec recherches coraplé- raentaires de Laschschenko, B. Heyraann, Sticker et Beninde; analysé in R. d’Hyg. 1899, p. 3 15). — Coup d'œil sur le développemenl de l'hygiène et de la médecine publiques durant les vingl-cinq dernières années (Deutsche med. Wochenschrift, Berlin, xxvi, p. 20). — Nouvelles con- Ir'ibulions au mode de propagation et à la prophylaxie de la phtisie (Zeitschrift f. Hygiène, 1901, xxxii, p. 1 à 20, avec recherches complé¬ mentaires de Heyraann, O. Nenninger, F. Sleinitz, Herr et Beninde; ana¬ lysé in R. d'Hyg. 1901, p. 892). E. Vallin. SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE ET DE GÉNIE SANITAIRE Séance du 23 octobre 1901. Présidence de M, le D' Brouardei.. PRÉSENTATION.S I. M. LE Secrétaire général dépose : 1® L’Annuaire statistique de la ville de Ruenos-Ayres, par M. le D' B. Martinez ; 2® La Slalislique de la mortalité à Buda-Pest de 1891 à 1895, par M. le D'" Kôrôsi; 3® Dn volume intitulé : Les foyers tubercideux de France, la tuber¬ culose dans le déparlement de l'Oise, par M. le D"' Baudran ; 4® Un ouvrage ayant pour titre : Le vin et l’eau, par M. le D'' Peton (de Saumur) ; 5® Le compte rendu du Congrès international des habitations à bon marché, à Paris en 1900, par M. Challamel. 6® Une brochure intitulée ; Epuration chimico-bactérienne des eaux résiduaires des eaux d’égouts, procédé Howatson ; 1002 SOCIÉTÉ DE MÉDECLNE PUBLIQUE II. M. Liwache fait hommage d’une Éludé sur la subsiituiion du blanc de zinc à la céruse, qu’il vient de publier en collaboration avec M. POTAIN. III. M. le D' Henby Thierry présente à la Société un crachoir métallique qui s’adresse particulièrement aux tuberculeux indigents et aux établisse¬ ments hospitaliers. Voici le but qu’il s’est proposé on donnant les indi¬ cations de ce modèle : 1“ qu’il ait une base suffisamment élargie presque remplie d’un quart d’eau, il soit stable ; 2” un collet rétréci afin d’en faciliter la préhension ; 3“ un entonnoir qui protège les doigts, et dont les parois aient l’obliquité convenable pour que les crachats glissent dans le crachoir ; 4“ angles intérieurs arrondis, et démontage simple grâce à une fermeture à baïonnette, facilitant le nettoyage. L’ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT AU CONGRÈS DE GLASGOW (Septembre 1901) Par M. BÉCHMANN, Ingénieur en chef des ponts et chaussées. J’ai appelé dès l’origine — par une communication qui remonte au mois de mars 1898 — l’attention de la Société sur les procédés nouveaux d’épuration des eaux d’égout qui venaient de faire leur apparition en Angleterre et y avaient suscité un véritable enthou¬ siasme. Les essais, les expériences à grande échelle, les applications même se multipliaient rapidement de l’autre côté de la Manche. Et, à en croire les propagateurs des nouvelles méthodes, qui d’ailleurs ne trouvaient pour ainsi dire point de contradicteurs , les procédés chimiques avaient vécu, ils devaient nécessairement céder la place à l’épuration bactérienne , qui donnait des résultats incontestable¬ ment supérieurs , supprimait les boues — ce cauchemar des ingé¬ nieurs sanitaires — « no more sludge ! » et cela au prix de dépenses notablement moindres, puisque les lits bactériens pouvaient fonc¬ tionner indéfiniment sans renouvellement et sans nettoyage, tout en traitant jusqu’à 1,000,000 de gallons par acre et par jour, ce qui correspond à une tranche d’eau d’un mètre d’épaisseur environ, soit quelque cent fois la dose autorisée sur nos champs d’épandage. La prudence du Local Government Board — qui n’avait accueilli M. BECUMANN. — ÉPURATION BACTÉRIEMNE DES EAUX D’ÉGOUÏ 1003 les nouvelles méthodes que sous bénéfice d’inventaire, et, les assimi¬ lant provisoirement aux procédés chimiques, maintenait l’exigence, réglementaire depuis 1884, d’un passage subséquent de l’eau traitée, de \ effluent, sur un sol perméable, à titre de complément d’épura¬ tion — était taxée de timidité exagérée, presque d’esprit réaction- nair<" et d’entrave fâcheuse à la marche du progrès. En présence de cette évolution du monde sanitaire anglais, j’émettais l’avis que nous ne pouvions rester indifférents, que nous devions aussi mettre à l'épreuve et les « lits de contact » de M. Dibdiii et la « fosse septique » de M. Cameron. Et, joignant les actes aux paroles, je ne tardais pas à demander que la Ville de Paris entreprît des études et des expériences à ce sujet — non pas qu’il pût être question de substituer les méthodes nouvelles à l’épuration par le sol, qui, de l’aveu de tous, conseiTait son incontestable supériorité — mais parce qu’on pouvait trouver là peut-être le point de départ ou d’améliorations ou d’économies dans les applications ultérieures et surtout dans les cas spéciaux où l’épandage est impossible ou difficile. C’est sur mon initiative qu’une mission en Angleterre fut confiée l’an dernier à mon collaborateur et ami, M. l’ingénieur en chef Launay, notre sympathique secrétaire général adjoint, qui eut la bonne fortune d’avoir pour compagnon de voyage un de nos collè¬ gues les plus éminents, M. le D' Calmette, et qui a visité, de con¬ cert avec lui , les [installations les plus remarquables chez nos voi¬ sins. La Société n’a pas oublié sans nul doute les communications si intéressantes, si pleines de faits, qu’ils ont rapportées et qui ont provoqué, à Paris et à Lille, l’institution d’expériences pratiques. Les résultats apparaissaient si merveilleux et si probants que cer¬ taines personnes y voulaient déjà voir la condamnation de l’épan¬ dage; et j’ai dû réagir contre cette idée à diverses reprises, en par¬ ticulier dans une contre-communication du mois de mai dernier à la Société nationale d’agriculture. Très vivement intéressé , quoi qu’il en soit , par ces procédés si séduisants, si pleins d’apparentes promesses, je me proposais de saisir la première occasion pour aller à mon tour les juger de visu en Angleterre où l’on annonçait presque chaque jour des applica¬ tions nouvelles. Le Congrès du Génie civil , qui devait se tenir à Glasgow dans les premiers jours de septembre, à propos de l’Exposition univer- 1004 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE selle ouverte dans cette ville, me paraissait 'précisément offrir l’occa¬ sion désirée, car l’on pouvait s’attendre à des discussions appro¬ fondies sur cette question tout à fait à l’ordre du jour et aussi à l’organisation de visites en commun aux installations les plus récentes et les plus caractéristiques. Diverses circonstances m’ont empêché malheureusement de mettre ce projet à exécution. Mais j’en ai été dédommagé dans une certaine mesure par la lecture des comptes rendus très complets que publiaient bientôt certains organes de la pi-esse scientifique. Quelques jours à peine s’étaient écoulés que j’avais sous les yeux le texte même des commu¬ nications faites à la Section des travaux municipaux, présidée par M. Mawbey, l’ingénieur en chef de la ville de Leicester, en sa qua¬ lité de Président annuel de l’Association des ingénieurs munici¬ paux de la Grande-Bretagne, par MM. le lieutenant-colonel Jones (Aldershot); Campbell (Huddersfield); Clowes (Londres); Mac Donald (Glasgow) , ainsi que l’analyse très complète et très sugges¬ tive des discussions qui avaient suivi et auxquelles avalent pris part des spécialistes autorisés, tels que MI. Martin (Exeter), Fow- 1er (Leeds), Price (Birmingham), Platt (Rochdale), Thomson (Glas¬ gow), etc. Presque en même temps apparaissait une communication faite, sur le même sujet, à la Société des inspecteurs sanitaires de Lon¬ dres, par sir Alexander Binnie, récemment encore ingénieur en chef de la métropole britannique. Simultanément aussi les journaux donnaient in extenso le « Rapport provisoire v de la Commission royale, présidée par lord Iddesleigh, et officiellement chargée de l’examen des nouvelles méthodes en vue d’une révision des règles appliquées par le Local Government Board. Il n’est point douteux que l’on trouve dans cet ensemble de docu¬ ments un reflet tout à fait topique de l’état actuel de l’opinion anglaise. Et, comme il en ressort des conclusions fort nettes et d’ailleurs inattendues, j’ai pensé que la Société en accueillerait volontiers un résumé sommaire, qui la mettrait au coui-ant de la situation. On comptait évidemment sur des révélations fort intéressantes, et à cet égard les congressistes ont éprouvé, cela ne saurait faire de doute, une véritable déception. Le rédacteur seientifique du jour¬ nal le Temps s’en faisait l’écho , le 27 septembre , quand il disait M. BECHMAiXN. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT lüOS eu parlant de l’Exposition et du Congrès de Glasgow : « La partie « sanitaire est remarquable par le peu de progrès que les commu- « nlcations qui ont été faites ont apporté. Nous avions espéré « trouver, dans la discussion des nouveaux systèmes de traitement « des eaux vannes, ample provision de renseignements, et nous « n’avons pu reconnaître que l’inutilité partielle ou totale, immé- « diatement ou en quelques années, des systèmes actuels. » En effet, le Congrès de Glasgow marque, semble-t-il , sinon un pas en arrière , du moins comme un temps d’arrêt dans l’évolution signalée en 1898. Les lits de bactéries, a dit M. Fowler, ont été en pratique u le contraii'e d’un succès. » La suppression des boues , le no more sludge, est un leurre (Binnie, Campbell, Jones, Platt...) : partout on a observé la for¬ mation de dépôts sur les lits à bactéries, le colmatage progressif et la diminution rapide de l’efficacité de ces lits filtrants (Campbell, Fowler, Jones, etc.). Le seul moyen d’éviter ce grave inconvénient est de recourir à un dégrossissage préalable, soit au moyen de grilles et de chambres de dépôt, par traitement mécanique eu un mot, soit au moyen d’une précipitation chimique préalable des par¬ ticules solides en suspension (Binnie, Campbell, Jones, etc.). Les doses énormes admises au début doivent être réduites dans une proportion notable, à la moitié ou au quart pour le moins (Jones). Dès lors, les économies entrevues ne sont rien moins que cer¬ taines, et la ville de Glasgow développe en ce moment même ses installations d’épui'ation chimique à Dalmarnock et en projette de nouvelles à Dalmuir, parce qu’à la suite d’expériences, conduites à la fin de 1900 par l’ingénieur en chef, M. Mac Donald, de concei’t avec le regretté Santo Crimp, on a reconnu qu’en donnant la préfé¬ rence aux bassins de précipitation sur les lits bactériens on réali¬ serait une grosse diminution et d’espace occupé et d’argent. D’ailleurs, on n’est pas fixé sur la valeur relative des divers pro¬ cédés proposés; et, si tout le monde admet l’emploi des lits de contact combinés ou non avec la fosse septique, on discute encore sur la question de savoir si cette dernière doit être couverte ou non, les uns tenant pour une couverture en forme de voûte et eu maçon¬ nerie (Martin, Platt...), les autres pi'éconisant des bassins décou¬ verts où l’eau ne tarde pas à se couvrir d’une écume ou « chapeau » lOOü SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE qui la met à l’abri de l’air et permet le développement des orga¬ nismes anaérobies (Campbell, Jones...). Enfin, la purification obtenue est loin d'être parfaite : si dans certains cas on a pu obtenir une réduction de la matière organique atteignant jusqu’à 9S p. 100 (Mac Donald), dans la plupart des applications il faut se contenter de 40 à 70 p. 100 (Campbell, Clowes...); et, quant aux bactéries, si le nombre en est un peu moindre dans l’effluent, par contre, tontes les espèces présentes dans les eaux d’égout y sont encore représentées (Clowes). M. Thomson en conclut qu’on s’est un peu trop engoué des méthodes nouvelles à l’origine et la discussion démontre péremp¬ toirement qu’on en a exagéré les avantages. Il faut, semble-t-il, eu rabattre , tout en reconnaissant cependant que ces méthodes per¬ mettent d’obtenir des résultats fort intéressants et méritent par suite d’être l’objet de nouvelles études et de nouvelles recherches. Mais elles ne sont pas encore sorties de la période d’essai : des investigations plus approfondies s’imposent jusqu’à ce que les mys¬ tères du travail bactérien soient dévoilés et les procédés pratiques établis (Campbell). Il ne faut pas se dissimuler d’ailleurs qu’elles ne vont point sans difficultés, car les conditions locales varient à l’infini. Dans chaque cas une étude spéciale et fort délicate doit êlre entreprise pour trouver la méthode la plus appropriée et les pro¬ cédés les plus avantageux (Jones, Platt, Price...), et cette étude devrait être plus scientifiquement dirigée qu’on ne l’a fait jusqu’à présent (sir Scott Moncriefifj. Il ne peut d’ailleurs pas être question d’opposer le traitement bactérien à l’épuration agricole (Mawbey) . Partout où l’on peut se procurer des terrains convenables et pratiquer l’épandage, c’est la solution préférable à tous égards et le moment n’est nullement venu d’y renoncer (Jones, Price,..). L’épuration agricole a , en effet , donné toujours une purification très supérieui’e sinon parfaite : si elle a été parfois l’objet de cri¬ tiques, c’est qu’on a cru à tort pouvoir y chercher un bénéfice cul¬ tural (Jones) ; et les municipalités ont souvent fait fausse route quand , pour éviter l’acquisilion de vastes terrains à irriguer, elles ont eu recours à des expédients médiocres qui finissent par leur coûter parfois plus cher encore (Jones). M. BECHMA-XN. - ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1007 Les idées exprimées dans le Rapport « provisoire » de la Com¬ mission royale se rapprochent singulièrement de celles qui vien¬ nent d’être résumées d’après les discussions du Congrès de Glasgow. Tout en reconnaissant, en effet, qu’il est possible d’obtenir par les procédés bactériens un effluent susceptible d’être dévei’sé dans les cours d’eaux sans inconvénient {nuisance), et que, par consé¬ quent, le Local Government Board pourrait, dans certains cas et moyennant certaines garanties, se départir de sa rigueur, la Com¬ mission considère que ces procédés ne sont pas sortis de la période d’expérimentation et déclare n’être pas en mesure de se prononcer sur leurs mérites respectifs. En conséquence, elle annonce l’intention de les soumettre à un examen prolongé , dont elle ne se dissimule pas d’ailleurs les diffi¬ cultés , en raison de l’extrême variété de la composition des eaux d’égout et des autres circonstances locales. Elle se propose , en outre , de reprendre l’étnde de l’épuration agricole en profitant des méthodes nouvelles d’investigation dont on dispose aujourd’hui. Elle doute qu’aucun terrain soit absolument impropre à l’épan¬ dage, et admet tout au plus, sauf vérification expérimentale, qu’un sol argileux ou tourbeux de moins de 0'",15 d’épaisseur utile ne saurait pratiquement s’y prêter, parce qu’on se heurterait à l’impos¬ sibilité de se procurer et d’aménager une surface suffisamment étendue. Enfin, elle fera porter aussi son examen sur les moyens les plus propres à réaliser une protection convenable contre la contamina¬ tion des rivières, dont on a quelquefois exagéré et d’autre fois mé¬ connu les dangers réels suivant qu’on a obéi à une tendance médi¬ cale ou plus ou moins économique dans l’étude de la question. S’il faut conclure, je serais tenté de dire avec M. Mawbey, lors¬ qu’il a résumé la discussion au Congrès, que les procédés bacté¬ riens semblent quant à présent appelés soit à remplacer l’épuration agricole quand les conditions locales ne se prêtent pas à l’emploi de cette méthode supérieure de traitement, soit à lui venir en aide afin de n’épaudre sur le sol que des eaiix préalablement clarifiées, 1Ü08 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE ce qui permettrait d’augmenter les doses et de tirer un meilleur parti des surfaces aménagées pour l’irrigation ou la filtration inter¬ mittente. La question s’éclairera d’ailleurs d’un nouveau jour à mesure que les expériences Jugées indispensables seront systématiquement cl scientifiquement poursuivies, comme on se le propose de l’autre côté du détroit et comme nous continuerons, je l’espère, de le faire également chez nous pour le plus grand profit de l’assainissemenl des villes et des cours d’eau. DISCUSSION M. Ricnoü. — D’après la communication que nous venons d’entendre, il me semble que les procédés pour l’épuration bactérienne des eaux d’égout ont subi, en Angleterre, des modifications successives qui, sui¬ vant les cas, monti-ent tout au moins l’élasticité de cette méthode d’épu¬ ration, de son adaptation aux besoins divers qu’elle peut avoir à satisfaire. M. Bëchmann. — En effet, à l’origine, le procédé Dibdin, ou dÿ lits de contact, se séparait complètement de la sepiic iank ; puis on les a réunis, et Cameron a fait usage, en fin de compte, d’un procédé mixte, accolant le lit bactérien à la fosse septique. Celle-ci exige le lit de contact, tandis que ce dernier peut, il est vrai, et dans certaines condi¬ tions, se passer de la fosse. M . le D” Vallin. — Je crois devoir profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rectifier une petite erreur que j’ai commise involontairement il y a quelques mois. Dans une notice biographique que je consacrais au mois de juin der¬ nier à l’ingénieur anglais Dibdin, je disais : « Plus tard, il a conçu l’installation célèbre de Sutton, type dont il a dirigé l’application dans un grand nombre de villes anglaises, d’abord en se préoccupant surtout de l’action destructive des aérobies par les lits de contact, puis bientôt en ajoutant à ses plans le bassin septique de Cameron, qui prépare l’action des anaérobies. » Peu de temps après, dans une lettre très courtoise, M. Dibdin me disait que cette dernière appréciation n’était pas exacte, et que pas plus qu'autrefois il ne reconnaissait l’utilité d’une slagoalion préalable de l’eau dans un « septic tank » à l'abri du contact de l’air. Appelé à Sutton pour transformer le système d’épuration des eaux d’égout qui, jusque-là, se faisait par précipitation chimique et qui donnait de mauvais résultats, il avait tout d’abord fait transformer ou construire les lits do contact aérobie à l’aide de fragments poreux ; c’est simplement par économie et pour mieux assurer la décantation des matières lourdes qu’il a utilisé un des bassins existants et l’a transformé en septic tank. Mais il continue à croire que le bassin septique n’est nullement nécessaire. D. BECHMANN. — ÉPURATION BAfiTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1009 Il m’a semblé que l’occasion était opportune pour faire la rectilication demandée. M. Flicoteaüx. — M. Beclimann pourrait-il faire connaître à la Société les résultats obtenus dans les essais faits à Acbères ? M. Bechmann. — Il serait encore prématuré d’émettre actuellement une opinion à cet égard ; tout ce que l’on en peut dire, c’est qu’ils concordent, d’une manière générale, avec les résultats obtenus de divers côtés en Angleterre et que je viens de rappeler. M. le Président. — Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler ce que l’on observe au cours de la putréfaction des cadavres dans le sol des cimetières. Lorsqu’un cadavre, dans une bière en sapin, est inhumé dans un terrain suffisamment aéré, c'est-à-dire bien drainé et sablé, ce sont des colonies de microbes aérobies qui accompagnent tout d’abord les phéno¬ mènes de la putréfaction ; puis tout d’un coup, par l’influence de produits qu’elles fabriquent, les anaérobies apparaissent; enfin, ceux-ci succombent sous l’influence des toxines qu’ils produisent et ce sont les microbes aérobies qui viennent pour faire aboutir la décomposition com¬ plète du cadavre. Mais si le cadavre est renfermé dans une bière métallique, s’il se trouve ainsi soustrait au contact de l’air, deux phases seulement de la production microbienne sont réalisées, celle des microbes aérobies, puis celle des microbes anaérobies ; la décomposition suit une marche diffé¬ rente et en pareil cas, donne lieu à la formation de ptomaïncs dont la persistance est quelquefois très grande. Il faut ainsi, pour obtenir la destruction complète de la matière orga¬ nique, la succession indispensable des aérobies, puis des anaérobies et enfin le retour des aérobies, et l’une de ces phases ne saurait à elle seule produire cette destruction intégrale. Je remarque aussi, en passant, que dans ces conditions des substances toxiques sont fabriquées en quantités considérables par les microbes propres à la destruction ; si bien qu’on doit se demander si leur envoi dans un fleuve ne produirait pas des altérations de la plus extrême gra¬ vité, d’autant que la présence de l’eau constitue ici une difficulté de plus. L’épuration des matières fécales contenues dans les eaux d’égout se passe-t-elle de la même façon que la destruction des cadavres du sol, avec des différences dues à la nature des terrains, je l’igflore ; mais il me semble qu’il y a une certaine importance à les rapprocher dans les études auxquelles les lits bactériens donnent actuellement lieu. M. Bechmann. — Les Anglais parlent seulement, jusqu'ici, de deux phases successives pour l’épuration bactérienne. M. le Présidi-sit. — Il faut qu’à un moment donné, l’oxygène fasse retour pour que le travail de destruction soit complet. M. Bechmann. — Aussi, en Angleterre, a-t-on fait essai de systèmes continus avec insufflation d’air. KEV. d’hyg. xxni. — (54 HAMPTON SEWAGE DISPOSAL | Analytical Report' upon Samples of Sewage and of Effluent Water taken at the Hampton Sewage Works on Oct. 5, 1899. ° SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE J. DUBftISAY ET LATASTE. — CONSULTATIONS POUR NOUVEAU-NÉS 1011 M. le D*' Henry Thierry. — Dans la marine du commerce, on a con¬ servé ce dicton qui avait sa raison d’être autrefois, lorsque l’eau devait être conservée dans des récipients en bois, à savoir que l’eau doit avoir pourri trois fois pour être potable. Ce chiffre trois est à rapprocher des trois phases de la putréfaction, que vient de décrire M. Brouarrlel. M. Tasson. — A Hampton, où fonctionne le système à triple traite¬ ment, on observait, à la date du 5 octobre 189S les résultats ci-contre, (page 1010), d’après les recherches de M. Cassai. CONSULTATIONS POUR ENFANTS NOUVEAU-NÉS ET DISTRIBUTIONS GRATUITES DE I.AIT STÉRILISÉ Par les D" J. DÜBRISAY et LATASTE. Après les nombreuses communications qui ont été faites soit aux Sociétés médicales, soit dans les journaux, il serait superflu de traiter in extenso la question des consultations pour enfants nou¬ veau-nés et des distributions gratuites de lait stérilisé. Mais il nous a paru intéressant d’exposer comment, dans certains dispensaires gratuits pour enfants malades, ces consultations et distributions gratuites ont été organisées et comment elles pourraient l’être dans tous les dispensaires. Au dispensaire de la rue Jean-Lantier, IS, qui date de 1883, se présentent tous les jours de 130 à ISO enfants, pour y être soignés, pansés, pour y prendre des aliments, des bains, des douches, etc. Dans ce nombreux personnel de clients, se trouvait forcément un certain nombre de nourrissons qui dépérissaient faute de nour¬ riture ou tout au moins d’une nourriture saine : de là, tout natu¬ rellement se présenta l’idée de leur fournir du lait de bonne qualité, et la première distribution fut organisée le l" avril 1896. Depuis lors, c’est-à-dire depuis 5 ans, cette distribution n’a jamais été. interrompue ; elle a été journalière et entièrement gratuite. Chaque jour sont distribués 23 à 30 litres de lait stérilisé, les uns eu flacons de 170 grammes, lait Rothschild, les autres en flacons de oOO grammes, lait Gallia. Soit annuellement 10 à 11,000 litres de lait. 1012 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Cette quantité suffit pour allaiter, chaque jour, complètement ou partiellement, 35 à 40 enfants de 0 à 2 ans. Les enfants sont désignés par le médecin, sans tenir compte du domicile des parents, et se divisent en deux catégories : Ceux dont les mères n’ont jamais eu de lait ou n’en ont plus, allaitement artificiel intégral ; Ceux dont les mères ont une quantité de lait insuffisante, allai¬ tement mixte. Les quantités de lait distribué sont déterminées en raison de l’âge des enfants et suivant les indications que donne la balance. Les enfants allaités au dispensaire doivent être apportés tous les samedis à la visite : le médecin les examine, les pèse, et note sur une fiche la quantité de lait délivré, le poids du jour, la différence en plus ou en moins par semaine et par jour, et pour chaque enfant fait tenir à jour un graphique de son poids. Si l’enfant est bien portant, si sa courbe est régulièrement ascen¬ sionnelle, cette visite hebdomadaire suffit, et sa mère vient ou envoie chercher chaque jour le lait sans rapporter son enfant. Si l’état de l’enfant laisse à désirei-, la mère devra dans le cou¬ rant de la semaine le représenter une ou plusieurs fois à la consul¬ tation. En plus des enfants allaités par le dispensaire, on surveille et on pèse un certain nombre de nouveau-nés, complètement nourris par leurs mères, qui désirent s’assurer qu’elles continuent à fournir une quantité suffisante de lait. La santé des mères nourrices est également surveillée ; aux femmes anémiées on donne de la soupe, de la poudre de viande, des préparations de fer, des glycéro-phosphates de chaux, des bains salés, etc. En dehors des nouveau-nés, à des enfants de 2, 3, 4 ans ou plus qui seraient atteints d’entérite ou d’albuminuiûe on donne comme traitement du lait stérilisé. Ces cas ne rentrent pas dans le service régulier de la distribution du lait. A cette description générale nous avons cru devoir ajouter quel¬ ques renseignements statistiques. Nombre total des enfants allaités du 1" avril 1896 au 1'”' avril 1901 : Nombre total : S.*)!. 167 filles. — 184 garçons. J. DUBRISAY ET LATASTE. — CONSULTATIONS POUR NOUVEAU-NÉS 1013 Répartition par années ; 1''“ année . 57 a» — . 63 3» — 60 4« — . 57 5“ — 76 Ces chiffres additionnés ne donnent que : 313 unités. Restent 38 enfants que nous n’avons pas fait entrer dans le compte général. Les uns ne sont venus que 2 ou 3 fois. Les autres ne nous ont été amenées que pour être pesés. Nombre des décès . — Le nombre des décès officiellement cons¬ tatés s’élève à 44 soit 12 1/2 p. 100. Mais ce chiffre ne peut être donné comme absolument exact. Il est certain que parmi les enfants qui ont brusquement disparu, plusieurs doivent être morts. Quoi qu’il en soit le chiffre de 44 se partage en : 4 pour la l'"'’ année 1896-1897 21 — 2® — 1897-1898 12 — 3» ~ 1898-1899 5 _ 4“ — 1899-1900 2 — 5' — 1900-1901 Les chiffres élevés de la 2° et de la 3° année correspondent à 2 épidémies de rougeole et de gastro-entérite qui, en 1897 et sur¬ tout en 1898 ont frappé sur les enfants nouveau-nés. Le chiffre très bas de la S® année, nous espérons pouvoir l’attri¬ buer, au moins en grande partie, à ce que peu à peu l’éducation hygiénique des mères se fait, à ce qu’elles comprennent mieux les conseils qu’on leur répète journellement. Causes des décès ; 10 fois causes inconnues. 12 — rougeole. 1 — diphtérie. 5 — gastro-entérite. 2 — choléra infantile. 8 — broncho-pneumonie et tuberculose. 3 — méningite. 3 — athrepsie. Mode d'allaitement des enfants décédés : Allaitement artificiel . 27 Allaitement mixte mère et biberon . 17 1014 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Mode d’allaitement de tous les enfants : Allaitement artificiel . C7 Allaitement mixte . 142 209 Les renseignements sont incomplets. Dans les premières années on a négligé d’inscrire toujours le genre d’allaitement. Néanmoins les chiffres obtenus suffisent pour prouver que nous faisons tous nos efforts pour faire continuer par les mères l’allaitement au sein, ce qui est souvent très difficile à obtenir. Pendant combien de temps les enfants profitent-ils du secours d’allaitement ? A cette question la réponse varie de 1 à 21 mois, comme le prouve le tableau ci-dessous ; 1 mois 33 enfants 11 mois 4 enfants 2 — 36 — 12 _ 6 — 3 — 28 — 13 _ 7 _ 4 — 10 — 14 _ 4 _ 5 — 13 — IS — 4 — 6 — 12 — 16 _ 2 — 7 — 13 — 17 _ 3 _ É — 11 — 18 — 3 — 9—5— 20 — 2 — 10 — 5 — 21 — 2 — Cette variabilité surprend au premier abord ; elle s’explique facilement. Ce n’est pas l’allaitement complet par le lait stérilisé que nous avons en vue, ce n’est pas, comme on l’a dit à tort, le biberon que nous voulons substituer au sein : c’est une assistance momentanée que nous voulons apporter aux mères fatiguées, qui manquent de lait soit au début, soit à la fin d’une nourriture. C’est pourquoi le plus grand nombre des femmes ne viennent que de i mois à 6 ou 7 mois. Celles qui n’ont pas du tout de lait viennent jusqu’à 15, 16 ou plus, mais c’est le petit nombre. La manière de procéder au dispensaire n’est pas la même qui a été préconisée par le professeur Budln et qui est pratiquée dans plusieurs maternités. En premier lieu, nous n’employons que le lait stérilisé indus¬ triellement, lequel est porté dans les étuves à une température de 112° et qui est stérilisé presque immédiatement après la traite, ce qui met en garde contre les altérations rapides du lait. J. DUBaiSAY ET LATASTE. — CONSULTATIONS POUR NOUVEAU-NÉS lOlS En second lieu dans les hôpitaux, les accoucheurs ne s’occupent que des enfants nés dans leurs services et qui sont nourris par leurs mères. Dans les dispensaires on accepte tous les enfants qui se présentent, qu’ils soient nourris au sein ou au biberon, et quel que soit leur état de santé. Ees conditions sont assurément beau¬ coup plus défavorables : de là une certaine mortalité qui est presque inévitable. Néanmoins on ne peut nier que cette distribution régulière de lait, faite depuis 5 ans, en faisant continuer d’ailleurs autant que possible, l’allaitement maternel, ait rendu à nos enfants de grands services. Bien que les conditions d’hygiène au milieu desquelles ils vivent, logement, aération, propreté même, laissent beaucoup à désirer, les résultats obtenus sont remarquables. Le rachitisme, le carreau, l’entérite chronique, les gastro-entérites aiguës de l’été et du sevrage, ont notablement diminué dans la clientèle du dispensaire. A voir chez la plupart de nos enfants les chairs fermes, le teint frais et rose, l’air joyeux d’enfants bien portants, on reconnaît qu’ils sont armés contre les maladies infectieuses qui guettent la misère et la première enfance et l’on peut dire en toute vérité que l’on a pris une part heureuse à la lutte contre la mortalité préma¬ turée des nouveau-nés. Dans celte séance ont été nommés : MEMBRES TITULAIRES MM. CoMPiN, industriel à Montargis ('Loiret), présenté par MM. les D''® Brouardel et A.-J. Martin ; le D' Lhuillibr (Paul), présenté par MM. les D” Berthod et Issaural ; le D' Petit, médecin-major de première classe à Vernon (Eure) présenté par MM. les D™ Vallin et Issaurat. La Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle tiendra sa prochaine séance le 27 novembre 1901. L’ordre du jour de celle séance est ainsi fixé : 1° Discussion de la communication de M. Beciimann sur l'épuration bactérienne des eaux d'égout (Inscrit : M. le D’’ Calmette). 2“ M. Delafon. — Fonctionnement automatique des lits bactériens. 3° M. le D' Regnier. — L’hygiène du Métropolitain. BIBLIOGRAPHIE lOlf. BIBLIOGRAPHIE Malattik i.nkijttive e niFFusiVE, elc, (Statistique des maladies infec¬ tieuses et prophylaxie de la syphilis et des maladies vénériennes, en 1899) ; Ronia — Mantellate, 1901; un volume in-i® de 141 pages, avec tableaux, graphiques et cartes. Le ministère de l’Intérieur du royaume d’Italie vient de publier la statistique des maladies infectieuses observées pendant l’année 1899, d’après les documents établis par le D'' Santoliquido, inspecteur général de la santé publique. Ce volume est publié cette fois encore avec un grand luxe de tableaux, de cartes graphiques, faisant voir par des teinte.'; la proportion des décès par chacune de ces maladies, pour 1 million d’habitants, dans les différentes provinces du royaume. Nous ne nous arrêterons pas sur les chiffres et les tableaux ayant trait à la morbidité pour ces diverses maladies; nous nous bornerons à dépouiller quelques documents concernant la mortalité : Le tableau suivant que nous avons composé au moyen de chiffres empruntés à un grand nombre de diagrammes, permet d’apprécier les progrès continus et croissants résultant de l’application de la Loi sur la protection de la santé publique, en date du 22 décembre 1888. MORTALITÉ PAR MILLIONS d’HABITANTS ■i8sa Mortalité générale 0,140 — pai’ variole CIO — — rougeole 700 — — scarlatine .S0.t) — — dipthérie 865 — — fièvre typhoïde 804 — — rage 4 — — pustule maligne 23 — tuberculoses diverses 2,135 — — malaria 539 1899 3,280 6 231 141 217 471 2,4 14 1,818 340 11 y a lieu de féliciter l’inspectorat général de la santé publique du royaume d’Italie de réunir sous une rubrique unique tous les décès impu¬ tables à la tuberculose, quels que soient le siège et la forme de cette infection; il est indispensable que cette manière d’agir soit adoptée dans tous les pays. On remarquera la proportion beaucoup plus grande des BIBLIOGRAPHIE 1017 décès tuberculeux dans les grandes villes; dans les provinces qui, comme le Latium, comprennent de grandes capitales (Rome). C’est ainsi que l’on trouve pour la période 1888-1899 une proportion moyenne annuelle de décès tuberculeux pour un million d’habitants égale à 1 ,940 pour la totalité du royaume ; mais dans les provinces très peuplées, où il y a de grandes agglomérations urbaines, les proportions sont les suivantes : Latium (Rome) 2,C90; Ligurie (Gènes) 2,-170; Toscane (Flo¬ rence) 2,.380; Lombardie (Milan) 2,340; Vénétie 2,020. Au contraire, la proportion des décès par l’ensemble des maladies tuberculeuses est faible là où la population est très disséminée, dans la Basilicate (1,070), les Calabres (1,170), la Sicile (1,320), etc. Rappelons, toutefois, que la mo¬ yenne annuelle des décès tubeiculeux (pour toutes les tuberculoses), dans le royaume d’Italie qui était de 2,130 par million d’habitants en 1888 est tombée à 1,820 en 1899. Par contre, la variole ne sévit plus en 1899 que dans quelques pro¬ vinces méridionales (les Pouilles 9,8 décès pour 1 million d’habitants, la Calabre 59, la Sardaigne 18), où les grandes agglomération.s sont rares et où l’on est plus rebelle aux progrès. Mais n’oublions pas que ces derniers chiffres seraient parfois bien désirables pour Paris et pour Marseille. Le bénéfice est merveilleux en Sicile où l’on ne compte plus qu’un décès par variole sur 1 million d'habitants, en 1899, alors qu’oii en comptait deux mille soixante (2,000) en 1888. C’est presque in¬ croyable. Signalons les provinces où l’on rencontre encore le plus de décès par la malaria, en 1899 : la Sardaigne, 2,800 décès par million d’habitants; la Basilicate 980 ; la Sicile 750 ; la Calabre et les Pouilles 760 ; le Latium (campagne romaine) 500; les Abruzzes et la Campanie 270. Les autres provinces fournissent moins de 100 décès d’origine malarique par million d’habitants. M. le D'' Santoliquido, inspecteur général de la santé publique en Italie, a exposé l’année dernière au Congrès d’hygiène de Paris la réforme opérée en ce pays par la nouvelle loi sur la prostitution : on veut réduire de plus en plus et supprimer la prostitution surveillée, faci¬ liter à toute personne atteinte de maladie vénérienne les moyens de se soigner gratuitement et librement dans des établissements appropriés. A la fin de 1898, il y avait 1,115 maisons de prostitution surveillées en Italie ; à la fin de 1899 il n’y en avait plus que 1,068. A la fin de la même année, il y avait en moyenne 33,5 maisons de prostitution par million d’habitants; mais la proportion variait extraordinairement suivant la région: 7,7 en Sardaigne; 11,8 en Piémont; 28,5 dans le Latium (Rome); 59,2 dans la Basilicate; 67,8 dans les Pouilles; 95,9 dans la Ligurie ! Mais on ne fait pas la distinction entre la maison qui contient une prostituée et celle qui en contient vingt-cinq. En 1881, il y avait 1,34 prostituée par 1,000 habitants des communes où existait un office sanitaire; à la fin do 1899, il y en avait 0,79 par 1,000 habitants des communes où il y avait des maisons de prostitution. Ces chiffres no nous semblent pas parfaitement comparables. Enfin, à la môme date. 1018 BIBLIOGRAPHIE il y avait en Italie 5,983 prostituées soumises à la visite, réparties en 1,068 maisons. On ne parle pas de la prostitution clandestine; on recon¬ naît qu’elle fait des progrès énormes; les mesures les plus sévères s’ac¬ cumulent contre la prostitution surveillée (merelricio vigilato); maison ne fait rien et l’on déclare qu’on ne peut rien faire contre la prostitution clandestine ! Le nombre des dispensaires contre le mal français (morbo celtico) est de 151 ; en 1899, on y a soigné 77,743 malades dont 57,254 hommes et 20,489 femmes. En 1889, on n’y avait soigné que 51,948 malades (40,31 8 hommes et 11,630 femmes). La proportion des malades ainsi soignés a été en moyenne de 2,44 sur 1,0P0 habitants de la région, avec des diffé¬ rences de 0,36 dans les Abruzzes, de 6,82 en Campanie et 7,37 dans le Latium. Mais on ne peut connaître le nombre des malades qui ne sont pas venus se faire soigner dans les dispensaires ; ces chiffres ne prouvent donc pas grand chose, et en tout cas ne peuvent prouver que pour l’Italie. Suivant la nature de la maladie, les cas se répartissent ainsi : syphilis, 30 à 33 p. 100 ; chancres mous, 28 p. 100 ; blennorrhagie, 40 à 41 p. 100; enfin, 11 p. 100 se sont fait traiter pour des maladies banales : balanites ou vulvites non blennorrhagiques, végétations, gale, etc. Sur 16,855 femmes traitées ainsi dans ces dispensaires, on compte 6,.575 prostituées; 2,223 domestiques; 3,147 ouvrières, etc. Il y a en outre 121 services de syphilitiques, où les malades sont soignés en toute liberté et avec les plus grands égards, et non plus comme dans les anciens syphilicomes, qui étaient de véritables hôpitaux- prisons. On augmente chaque jour le nombre des salles de syphilitiques, Heureux syphilitiques! Ils ont plus de chance que les individus atteints de tuberculose, de pneumonie, de pleurésie, d’albuminurie, etc., con¬ tractées dans l’exercice d’une honorable profession. Sur 1,000 soldats incorporés dans l’armée italienne, 90 ont été traités dans les hôpitaux civils ou militaires ou dans les infirmeries régimen¬ taires pour maladies vénériennes (au lieu de 36 en France); la propor¬ tion n’a guère varié depuis quinze ans. Sur ce nombre, la proportion des syphilitiques est de 12,7 p. 1,000 hommes (au lieu de 6 à 7 en France). Le principe adopté aujourd’hui en Italie est qu’il faut appliquer aux maladies vénériennes les mômes mesures phrophylacliques qu’aux autres maladies contagieuses, c’est-à-dire détruire les foyers d’infection que représentent les malades , en traitant ceux-ci immédiatement et énergi¬ quement. Il Le traitement est la véritable désinfection de la syphilis. Les Il pouvoirs publics doivent donc multiplier les sources de traitement Il interne ou externe, gratis de la syphilis n dit M. Santoliquido. C’est très bien; mais dans la plupart dos pays civilisés quand un individu est atteint de variole, de diphtérie ou de peste, on ne se contente pas de lui ouvrir largement les hôpitaux, on le force à s’isoler et on l’empôche de contagionner ses voisins. En Angleterre même, il est condamné à l’amende s’il sort dans la rue avant d’ètre complètement guéri et inoflensif. Pourquoi alors ne pas appliquer le même traitement ii la prostituée BIBLIOGRAPHIE 1019 qui, infectée et infectante, et le sachant, continue son commerce et pro¬ voque les chalands sur le trottoir? Et si j’osais faire une comparaison grossière : est-ce qu’on ne punit pas le boucher qui vend de la viande avariée ou virulente? E. Vallin. Influence des boissons alcooliques sur la santé et la morale PUBLIQUES EN RUSSIE, par le professeur J. Sikorsky, Kiev, 1899. L’ouvrage du professeur Sikorsky, surtout destiné à faire connaître au grand public les méfaits de l’alcool, contient des documents fort intéres¬ sants en ce qui concerne la question de l’alcoolisme en Russie. De 1870 à 1887, 84,217 personnes (76,786 hommes et 7,431 femmes) sont mortes d’ivresse aiguë, ce qui fait une moyenne de 4,678 personnes par an. En examinant les autres causes de mort subite, on voit qu’en Russie, seul le chiffre des noyés dépasse celui des gens morts d’ivresse aiguë, tandis que celui des assassinés n’est que de 2,840 et des suicidés est de 2,000 par an. Aussi l’auteur appelle-t-il l’alcool « le grand assassin ». Ces chiffres deviennent encore plus inquiétants lorsqu’on les compare à ceux des autres pays : tandis qu’en France on compte 11,5 morts d’ivresse aiguë par million d’habitants, et en Allemagne 12, on en a en Russie 55,2 par million d’habitants. En examinant la distribution géographique de l’alcoolisme en Russie, M. Sikorsky est arrivé à la conclusion que l’alcoolisme est en rapport avec la température moyenne de la région ; les basses températures rendent plus intense l’action de l’alcool et sur un homme qui a bu, le froid extérieur agit comme une nouvelle dose d'alcool, tel est le fait établi par l’auteur. Son importance est énorme, car il en résulte que si l’alcoolisme est un mal pour tous les pays, son danger est beaucoup plus grand en Russie, en raison du climat rigoureux du pays. Au sud-ouest de la Russie où l’on boit 0.35 d’alcool pur par homme et par année il meurt d’alcoolisme aigu 18 personnes par 1 million d’habitants ; il en meurt 96 p. 1,000,000 au nord-est où l’on ne boit cependant que 0,19 par année et par personne. Entre les deux régions la différence de la température est de 5 degrés et la mortalité par alcoolisme aigu s’en trouve dix fois plus grande. Passant ensuite à la pathologie des alcooliques, l’auteur constate qu’en Russie au moins un tiersde la totalité des cas d’aliénation mentale se compose d’alcooliques ; sur ces cas de folie d’origine alcoolique on compte 23 0 /O de femmes. Par conséquent, si les femmes russes meurent plus rarement que les femmes des autres pays, d’alcoolisme aigu elles se rattrapent sur l’alcoolisme chronique et occupent à ce point de vue, la seconde place (après l’Anglaise). En terminant, l’auteur examine l’influence fâcheuse de l’alcoolisme sur la moralité, le nombre de crimes et délits, assassinats, etc. S. Broido. REVUE DES JOURNAUX REVUE DES JOURNAUX Des conférences sur le péril vénérien dans Les centres scolaires ; discussion du rapport de M. A. Fournier (Société française de prophy¬ laxie sanitaire et morale, n°' 2 et 3, p. 57 et 68). Dans la discussion qui a suivi la lecture du rapport magistral de M. Fournier, M. Ghauvel a exprimé l’avis qu’il était indispensable que les conférences en question fussent faites, non par un universitaire, mais par un médecin, dont l’autorité et la compétence seraient beaucoup plus grandes que celles du professeur de chimie ou d’histoire naturelle. Col avis a été généralement appuyé. M. Vallin pense que ces conférences devraient être facultatives, qu’on devrait demander aux parents s’ils désirent que leurs fils y assistent, de la même manière qu’on les consulte pour l’enseignement religieux donné dans les lycées. M. Pinard croit savoir qu’au collège d’Auteuil, sous l’impulsion du Père Didon, on fait depuis trois ans une conférence aux élèves des classes supérieures sur le sujet en question. L’enquête faite sur ce point dans les établissements religieux par un membre de la Société a donné le ré¬ sultat suivant ; tous reconnaissent l’utilité d’avertir les jeunes gens le plus tard possible, la veilje pour ainsi dire de leur sortie définitive de rétablissement, mais ils sont à peu près unanimes à préférer le tète à tête à la conférence publique ; ils sont tous d’avis qu’il est préférable que le directeur de la maison ou le confesseur des élèves cause avec çlt^Vç d’eux confidentiellement, prudemment, suivant le caractère el l’fmprèssionnabilité de chacun. Il a été reconnu que jadis, au Lycée Sta¬ nislas, à l’époque où le Père Gratry en était le directeur, nos confrères MM. Libaudy et Gouraud ont fait aux élèves les plus avancés, en pré¬ sence du directeur, une ou plusieurs conférences de ce genre, et les abbés consultés ont déclaré que cela était salutaire pour tous ; on ne sait pourquoi on y a renoncé. Sur là proposition de M. Champetier de Ribes, appuyée par la Société toute entière, M. le professeur A. Fournier a bien vouFu se charger de rédiger une Instruction sur le péril vénérien, qui serait imprimée et distribuée à profusion aux pères de famille, aux éducateurs, qui la remettraient aux grands écoliers au moment opportun. Ce document serait lu à loisir, et consulté à plusieurs reprises par les jeunes gens el rendrait de grands services {Revue d'hygiène, 1901, p. 759). Les conclusions du rapport de M. Fournier sont complétées de la façon suivante ; Au § 2, il est ajouté : " Cet enseignement pourrait être donné avec l’autorisation de leurs parents ou tuteurs «. loai REVUE DES JOURNAUX Au § 3, il est dit: « 11 pourrait consister en une conférence faite an¬ nuellement soit par un professeur, soit « plutôt » par un médecin, etc. » Enfin on décide d’ajouter la conclusion suivante : « Il appartient au discernement de MM. les directeurs d’établissements Il scolaires d’apprécier s’il y aurait ou non avantage à substituer au « système de la conférence annuelle celui d’avertissements personnels. Il d’entretiens, de causeries quasi paternelles avec leurs élèves sur le Il sujet en question. Il En tout cas, un complément de sauvegarde consisterait utilement Il dans la remise à chaque élève d’une Instruction sur le péril vénérien, U instruction imprimée, conçue suivant le programme prophylactique et « moral de notre Société, et approuvée par elle. » Ces derniers vœux sont votés sans débat.. Ajoutons que l’Instruction rédigée par le professeur A. Fournier est une petite brochure de24 pages in-8°, insérée dans le n° 3 du Bulletin de la Société française de prophy¬ laxie, d’une forme irréprochable, remplie de faits précis, mettant à la portée de jeunes gens .étrangers au langage médical des notions et des recommandations dont pourront faire profit beaucoup d’adultes qui depuis de longues années ont quitté l’escholage. E. Vallin. Les moustiques et la fièvre jaune, par le D’’ de Gouvéa, {Bulletin médical, 12 octobre 1901, p. 861). Depuis longtemps, par une vue intuitive de l’esprit, Nott (1871), et surtout Finlay (1881 et 1886), avaient émis l’hypothèse que la fièvre jaune était transmise à l’homme par la piqûre ides moustiques. Le D'' de Gouvéa, médecin brésilien, réfugié à Paris, fait l’histoire des épidémies de fièvre jaune qu’il a observées à Rio-de-Janeiro et à Santos, où il a sé¬ journé pendant trente ans. Cette longue description contient des rensei¬ gnements intéressants et rétrospectifs sur la topographie et la' olifeato- logie de ces deux villes, sur l’abondance et les mœurs des moustiques, sur l’épidemie de l’Anne-Marie à St-Nazaire, etc. Relevons d’abord les expériences de Finlay, faites en 1886. Les mous¬ tiques sont extrêmement sensibles aux courants d’air et aux' changements de températm’e ; de -|- 18° à 16° C. ils deviennent très paresseux et ne volent que très difficilement ; à partir de -f- 1.5° jusqu’à 0° ils tombent en léthargie, et ils meurent si la température descend au-dessous de 0° ; de -j- 19° à 20, ils recommencent à voler, ils reprennent toute leur acti¬ vité à -j- 21°, mais ils ne peuvent piquer qu’au bout de quelque temps. De -|- 33° à 38 ils commencent à souffrir; de -f- -19° à 40 ils tombent en léthargie et meurent rapidement à -|- 41° et au-dessus. Le moustique vit deux ou trois mois, dont la moitié à l’état adulte. La fièvre jaune était inconnue à Rio-de-Janeiro cl à Santos avant 1849 ; elle y fut importée par le Brazil, venant de la Nouvelle-Orléans et de la Havane et par une barque américaine Navarre, venant de Bahia ; de Rio elle se répandit dans toutes les villes de la baie; jusque-là, la maladie ne se transmettait presque jamais par les voyageurs et leurs bagages et REVUE DES JOURNAUX s’éteignait rapidement dans les lieux d’importation, si bien que les habi¬ tants de Rio échappaient complètement à la fièvre jaune en se réfugiant tous les soirs après leurs aftaires à Pétropolis, dans la montagne, par le premier chemin de fer construit au Brésil, qui faisait le trajet en quatre heures; il en était de même à Sào-Paolo, à Jundiahy, villes élevées dans la Sierra et reliées également par chemin de fer à la côte. De là est née cette opinion qui a longtemps régné au Brésil, que la fièvre jaune n’est pas contagieuse, et surtout qu’elle ne l’est pas par les personnes et les effets à usage. La fièvre jaune disparut complètement du Brésil de 1862 à 1870, pen¬ dant qu’elle faisait des ravages dans notre corps expéditionnaire du Mexique. Elle n’a pas cessé de se manifester et de se répandre dans le pays depuis 1870, mais elle épargnait toujours les localités éloignées du littoral et qiii ne souffraient pas du paludisme, c’est-à-dire n’ayant pas de marécages. L’auteur insiste beaucoup sur ce point, parce que selon lui, quand la fièvre jaune éclate loin des côtes dans une localité jusque-là in¬ demne, c’est que là des marécages, des mares ou des terrains humides, ont donné abri à des moustiques transportant le germe de la fièvre jaune. Mais les deux maladies ne marchent pas d’une façon parallèle, la moindre atteinte de fièvre jaune (ou la piqûre de quelques moustiques porteurs de ce germe), donnant l’immunité contre une récidive, tandis que l’infection palustre au lieu de conférer l’immunité rend plus facile les récidives. M. de Gouvéa explique d’une façon singulière comment s’est produite la petite épidémie de fièvre jaune observée en 1861 par Mêlier à St-Na- zaire, autour de Y Anne-Marie. Elle aurait été causée par la piqûre des moustiques, infectés à la Havane et transportés dans la cale de Y Anne- Marie jusqu’à St-Nazaire. Le tailleur de pierres qui se trouvait à 200 mètres » sous le vent » de ce navire sans y être jamais entré aurait été piqué par les moustiques infectés que le vent chassait de la cale où ils s’étaient réfugiés pendant toute la traversée. Ceux-là seuls qui ont pénétré dans la cale, même momentanément, ont été atteints, tandis qu’aucun des hommes de l’équipage, dispersé après l’arrivée, n’a communiqué la ma¬ ladie dans sa famille ou dans le lieu de sa nouvelle résidence. L’on sait en effet que dans les ports des régions tropicales et pendant la saison chaude et calme, les navires sont envahis au coucher du soleil par des nuées de moustiques toutes les fois qu’ils mouillent à peu de distance de la terre ; leurs larves sont également transportées dans l’eau destinée aux chaudières et aux boissons. Mais dès que le navire se met en mouvement, de violents courants se produisent partout et les moustiques, qui ne peu¬ vent supporter le vent, disparaissent immédiatement des parties du navire ouvertes ou ventilées ; ils se réfugient dans les cales bien closes. Dans le cas de Y Anne-Marie, ils trouvaient à se nourrir sm’ les tiges de canne à sucre qui servaient à assujettir les caisses de sucre. On comprend qu’à l’arrivée à St-Nazaire, toutes les personnes qui sont descendues dans la cale, ont aidé au déchargement ou se sont trouvées sous le vent du navire aient pu être exposées aux piqûres do ces moustiques. L’explication est discutable, mais elle est ingénieuse. 1023 REVDE DES JOURNAUX D’après le D' A. Lulz, directeur du laboratoire municipal bactériolo¬ gique de Sào-Paulo, à Rio-de-Janeiro, à Santos, et dans toutes les villes du littoral envahies par la lièvre jaune, les Culex abondent, à l’exclusion de l’Anophèles qui se rencontre surtout, où régnent les fièvres palustres. D’après lui, le Culex lænialus, de Meigen, est le véritable agent de pro¬ pagation de la fièvre jaune ; c’était d’ailleurs l’avis de Finlay, car le C. lænialus est identique au C. fascialus des américains. Le mémoire de M. de Gouvéa est très intéressant et jette beaucoup de clarté sur l’origine et la marche des épidémies de fièvre jaune au Brésil. M. de Gouvéa expose ensuite les expériences qui ont été faites l’année dernière à la Havane par les médecins des États-Unis et qui ont donné des résultats si concluants au point de vue de la réalité de la contagion par les moustiques. Le récit de ces expériences a été analysé par notre collaborateur, M. le D’’ Renaut, d’après le Bull-elin du Conseil supé¬ rieur de sanlé de Mexico, et l’on en trouvera le détail dans la Revue d'hygiène de septembre dernier, p. 854. De son côté, M. Marchoux, avant de partir pour la mission que lui a confiée le ministre des Colonies en vue d’aller étudier la fièvre jaune à Cuba ou au Sénégal, a donné l’analyse très détaillée de ces expériences dans les Annales d'hygiène el de médecine coloniales d’octobre-décembre 1901, p. 594. Nous nous bornons à reproduire ici d’après lui les conclu¬ sions in extenso de MM. Reed, Carroll et Agramente, empruntées à The Journal of lhe American medical Association : 1“ Le Ctüex fascialus sert d’intermédiaire pour le parasite de la fièvre jaune ; 2“ La fièvre jaune est transmise, à un individu non immmiisé, par la piqûre de moutiques qui ont préalablement sucé du sang de malades ; 3“ Ce n’est que douze jours, au moins, après que le moustique a sucé le sang d’un malade, que cet insecte est capable de transmettre l’infec¬ tion par une piqûre ; 4» Une piqûre plus précoce ne confère pas à l’homme piqué l’immu¬ nité contre une atteinte ultérieure de la maladie ; 5° La fièvre jaune peut aussi être expérimentalement produite par injection de sang pris -dans la circulation générale d’un homme qui est au premier ou deuxième jour de sa maladie ; 6“ Une attaque de fièvre jaune produite par piqûre de moustique con¬ fère l’immunité contre l’injection subséquente de sang d’un malade souf¬ frant de la forme non expérimentale de la maladie ; 7“ La période d’incubation, dans 13 cas de fièvre jaune expérimentale, a varié de quarante et une heures à cinq jours et dix-sept heures; 8“ La fièvre jaune n’est pas transmise par les poussières, et par consé¬ quent il n’est pas nécessaire de désinfecter les vêlements, le matériel de couchage, les marchandises soi-disant contaminés par les malades atteints de fièvre jaune ; 9“ Une maison ne doit être considérée comme infectée de lièvre jaune que lorsqu’elle renferme des moustiques infectés et capables de trans¬ porter le parasite de cette maladie ; 1024 REVUE DES JOURNAUX 10" L’exlension de la fièvre jaune peul èlre très efficacement arrèlcu par des mesures protégeant les malades contre la piqûre des moustiques et par la désinfection de ces insectes ; 11" Si le mode de propagation de la fièvre jaune est mainlenanl déterminé d’une façon définitive, l’agent spécifique de cette raalailio reste à découvrir. L’on trouvera dans les ilnwaies d’/(ÿÿiéne coloniale, p. 601, le le.\te des « Mesures prophylactiques prises contre la fièvre jaune sur l’ordre du major général Word », mesures qui sont basées sur les conclusions qui précèdent. E. Vallin. The seasonal prevalence of Ànopheles and malarial feoer in Loiver- Bengal, and the praclical application of tke mosquilo llieory (La prédo- minence saisonnière de l’Anophèle et de la lièvre palustre dans le Bas- Bengale, et application pratiiiuo de la théorie des moustiques), par le D'’ Leonard Rogers {The Journal of hyglene, octobre 1901, p. 407). Le D’' Rogers, qui en ces derniers temps a parcouru en tous sens le Bengale comme membre d’une commission sanitaire, donne ici le résul¬ tat de ses observations au point de vue de la théorie des moustiques. Ronald Ross a souvent répété que les moustiques et leurs larves ne .se rencontrent guère et ne pullulent pas dans les réservoirs (tanks), parce que les poissons les mangent. M. Rogers est d’un avis très différent, ei il a vu souvent les moustiques et leurs larves abonder dans les réser¬ voirs poissonneux du Bengale; Nuttal, Cobbelt et Strangeways-Pigg ont fait les mêmes observations en Angleterre. Son explication est que pen¬ dant les mois de grande chaleur, au Bengale et sans doute ailleurs, les poissons restent endormis au fond des réservoirs et ne remontent pas à la surface pour chasser les moustiques : au contraire, dans la saison dos pluies ou quand il pleut accidentellement, les poissons reprennent leur vivacité, et dévorent les insectes. Il n’est donc pas exact de dire qu’il n’y a d’anophèles que dans les réservoirs où il n’y a pas de poisson. Le D'' Rogers, qui habite Calcutta, a examiné périodiquement tous les réservoirs (tanks), mares (pools) ou fossés (drains) dans un certain rayon de son voisinage ; il a cherché et compté les larves d’anophèles trouvés dans chaque mois do l’annco, et dont le nombre doit assez bien correspondre à celui des anophèles adultes et ailés, dont la numération est impossible. Il a en outre dressé un schéma, où dans la colonne de chaque mois se trouvent indiqués, en tracés horizontaux : 1" la fré¬ quence des larves dans l’eau des réservoirs ; 2" la fréquence de la lièvre palustre dans le voisinage ; .3" l’abondance des pluies tombées dans le mois ; 4" la température de l’air. De l’examen de ce tableau il résulte que dans le Bas-Bengale la fré¬ quence des fièvres coïncide avec la fréquence et l’abondance des pluies : celles-ci commencent en mai, ont leur maximum en septembre, et cessent brusquement en octobre ; les fièvres commencent en juin, ont leur maximum en septembre et durent en diminuant jusqu’au mois de REVUE DES JOURNAUX décembre. Il n’y a ni pluie ni fièvres de décembre à la fin d’avril. Rap¬ pelons que les mois les plus chauds au Bengale sont d’avril à juillet. Au contraire, les larves et les nymphes d’anophèles pullullent par raillions dans l’écume qui recouvre les réservoirs et les mares à demi desséchées en mars, avril et mai (qui sont d’ailleurs des mois très chauds), avant le début des pluies et des fièvres ; à partir du mois d’aoùt jusqu’au commencement de mars de l’année suivante, les mares et les fossés sont sec/S, et on ne trouve pour ainsi dire pas de larves dans l’eau des réservoirs. La saison des pluies, ou même une pluie accidentelle fait disparaître ou diminuer immédiatement les larves de moustiques. Au premier abord, il semble qu’il y ait là un argument contre la théorie du moustique. Des faits analogues ont été observés par Celli dans les marais et les rizières de l’Italie. Voici l’explication que Rogers donne de ces faits, indépendamment de ses observations sur l’engour¬ dissement des poissons par la chaleur, sur le réveil de leur vivacité et de leur appétit par les pluies. Il croit que la n grande chaleur de mars à mai empêche la majorité des insectes éclos dans la saison chaude de survivre assez longtemps pour donner une hospitalité effective au para¬ site de la malaria n II est certain, ajoute-t-il, qu’il lui a été bien plus difficile de conserver pendant quelques jours des anophèles vivants dans la saison chaude que pendant la saison des pluies. En outre, si les fièvres ont leur maximum en octobre, justement à l’époque où la séche¬ resse fait disparaître un grand nombre de mares et de foyers de repro¬ duction des anophèles, il faut tenir compte de la rapide augmentation des insectes adultes infectés dans les maisons pendant toute la durée de la saison chaude. Ces insectes continuent à vivre aussi longtemps que la température et d’autres conditions favorables le permettent ; la chute rapide de la lièvre à la fin de décembre est probablement due au froid relatif (au-dessous de -J- 15“ C.), température fatale pour les moustiques du Bengale. Tout en admettant la valeur de ces explications, nous ferons observer qu’en Europe, au moins, les moustiques adultes et ailés ne vivent pas plus de deux mois et que du mois d’aoùt au mois de février, il n’y a plus de larves dans les mares ou réservoirs. En ce qui concerne la prophylaxie, l’auteur se trouve fort dépourvu. 11 considère qu’il est presque impossible de compter sur l’emploi d’huile ou de pétrole à la surface des réservoirs ou mares : la quantité des ré- .servoirs (tanks) est excessive à Calcutta; il en évalue le nombre à 100 pour 3,000 habitants, ce qui représente approximativement 3,000 réser¬ voirs pour les 800,000 habitants de Calcutta et do ses faubourgs ; or les réservoirs du quartier de la ville où il a fait ses observations avaient une surface variant de 30 mètres à 130 mètres de côté. Cela entraînerait chaque semaine la dépense de 13,000 litres de pétrole, pour les réser¬ voirs seulement. Il faut y ajouter la désinfection des mares (pools) qui sont innombrables dans la saison des pluies. Enfin, M. Rogers croit que le principal danger, le foyer par excellence des moustiques, ce sont les fossés (drains) à l’air libre qui sillonnent les deux côtés des routes, des REV. d’hyg. xxdi. — 6o 1026 REVUE DES JOURNAUX chemins et des sentiers dans les faubourgs et au voisinage de la ville. Le D' Cook, de Calcutta, a essayé de détruire les moustiques en versant chaque semaine du goudron (tar) dans ces drains ; il n’a obtenu d’aulre résultat que de chasser les grenouilles qui ne mangeaient plus les in¬ sectes vivant dans l’eau de ces fossés. M. Rogers ne croit pas que dans les villes du Bas-Bengale il soit pos¬ sible de détruire les moustiques ; leur budget sanitaire ne permet pas une telle dépense. Le mieux serait, selon lui, d’obliger les propriétaires à combler pendant la saison sèche toutes les dépressions capables de so transformer en mares pendant la saison des pluies ; il l’a constamment conseillé ou imposé au cours de ses tournées d’inspection. Il faudrait aussi ne pas permettre la création de rizières au voisinage des villes ; en Italie et en Espagne on a constaté que les rizières inondées sont des foyers de pulluilation pour les anophèles. D’aulre part, on ne trouve jamais de ces insectes dans les drains en briques ou couverts des villes ; on devrait donc supprimer dans les petites villes ou les campagnes tous les égouts à ciel ouvert, et en particulier les fossés remplis d’herbages qui sont des lieux de refuge pour les moustiques. L’emploi de la qui¬ nine, comme remède prophylactique et curatif, diminue le nombre des malades capables d’infester les moustiques qui les piquent. Les mousti¬ quaires et les clôtures en toile métallique, en raison de leur cherté, ne peuvent être conseillées aux pauvres gens. Dans quelques épidémies graves de fièvre palustre, comme la kala- azar d’Assam ou l’épidémie de 1866-1867 de l’île Maurice, il est néces¬ saire d’isoler au loin les malades, car les moustiques^ après avoir sucé leur sang, pourraient propager la maladie. D’ailleurs, il conseille de laisser toujours une certaine distance entre les villages ou quartiers indi¬ gènes et les quartiers habités par les blancs, car Koch a constaté que beaucoup d’enfants indigènes, nègres surtout, sans avoir des accès de fièvre palustre, portaient dans leur sang des parasites de la malaria, et pouvaient ainsi favoriser la propagation de la maladie par les insectes suceurs. E. Valun. Èeitrâge zur Kennlniss der Veranderungen der Slerblichkeit an Diphthérie nnd Scarlaek (Contribution à l’étude des modifications de la mortalité de la diphtérie et de la scarlatine), par le D'' G. Dovertie (de Luléa, Suède) Cenlralbl. f. allg. Gesundh., 1901, pi 29). Weissenfeld, qui a déjà traité ce sujet {Revue d'hygiène, 1900, p. 966), a démontré par la statistique que dans la plupart des pays d’Europe, à l’exception de l’Angleterre, la mortalité de la diphtérie avait notablement diminué depuis l’adoption de la sérothérapie en 189S; par contre la léthalité de la scarlatine n’accuse aucune oscillation caractéristique. Pour compléter cette série intéressante, le D'' Dovertie publie le résultat de ses recherches sur cette question en Suède et les résume en plusieurs tableaux dont le suivant correspond à celui précédemment donné pour d’autres Etals de l’Europe. REVUE DES JOURNAUX 1027 Il meurt annuellement sur 10,000 habitants des villes suédoises en : 1889... Diplilérie. 6,3 Scarlatine. 4,3 1893... Diphtérie. Scarlatine. 4,3 2,3 1890... 7,7 9,0 1896... 2,6 1,3 1891... 6,4 4,7 1897... 2,7 1,1 1892... 8,7 4,9 1898... 2,2 0,9 1893... 10,0 5,4 1899... 6,7 1,3 1894. . . 4,3 8,2 Le chiftre des décès par diphtérie présente une chute brusque en 1893; le sérum antidipbtéritique a été employé en Suède pour la première fois en octobre 1894 et, à partir du printemps 1893, son usage s’est généralisé jusque dans les campagnes. Dans la période 1893-1899, à l’hôpital des contagieux de Stockholm, sm- 9,316 cas de diphtérie 6,637 furent traités par le sérum, qui ne fut pas employé dans les cas légers. La recrudescence relative des décès en 1898 et en 1899 est due à l’extension considérable prise par la diphtérie dans tout le royaume, surtout dans la capitale. La mortalité de la scarlatine en Suède accuse également, à partir de 1894, une notable décroissance, qui dépasse même de beaucoup celle de la diphtérie; pendant les cinq dernières années le nombre des morts par cette fièvre éruptive atteint à peine le quart de celui relevé pendant les cinq années précédentes. Celle situation plus favorable pourrait être attribuée à une atténuation de l’infectiosité sous des influences climaté¬ riques ; déjà Weisenfeld avait signalé une diminution de la mortalité par scarlatine en Angleterre pendant les quatre dernières années ; mais l’au¬ teur émet l’hypothèse que l'amélioration notée dépendrait pour la Suède des progrès considérables réalisés dans l’hygiène urbaine depuis 1894; à cette époque, la crainte du choléra fit prendre à certaines municipalités des mesures qui modifièrent beaucoup les conditions sanitaires des villes ; le développement de la désinfection et l’extension de la prophylaxie peuvent aussi avoir contribué à ce résultat, qui pour la scarlatine parait tout à fait indépendant de celui de la diphtérie et reste plus difficilement explicable, la thérapeutique et la bactériologie n’ayant pas apporté de fait nouveau. F.- H. Renaut. Prophylaxie des ophtalmies ou conjonciiultes des nouveau -nés, rapport par le professeur Pinard (Bulletin de l’Académie de médecine, 30 juillet 1901). Lors de la discussion du budget de l’hospice des Quinze-Vingts (4 fé¬ vrier 1901), un sénateur, le D’’ Pedebidou, invita le gouvernement à rappeler à toutes les sages-femmes de France que la solution do perman¬ ganate de potasse au millième est un remède souverain contre l’ophtalmie purulente des nouveau-nés. C’était une invitation à rendre l’emploi de ce médicament obligatoire. Le Comité consultatif d’hygiène, sur un rapport de M. Netter, ayant fait un rapport favorable - ïe ministre de l’Intérieur demanda l’avis de REVUE DES JOURNAUX l’Académie de médecine , et M. Pinard a présenté à ce sujet un rapport excellent dont les conclusions ont été adoptées. Dès 1874, Fieuzal avait constaté que sur 100 aveugles assistés aux Quinze-Vingts , un tiers au moins des cas résultaient de conjonctivites purulentes chez les nouveau-nés. Neisser et Crédé ont montré que l’in¬ fection se fait le plus souvent au passage à la vulve ou immédiatement après la naissance et qu’elle est due au gonocoque, plus rarement à d'autres germes infectants; il faut donc désinfecter la vulve avant le passage par une solution d’acide phénique ou de sublimé, et ensuite laver et désinfecter les yeux de l’enfant, et les entretenir à l’état asep¬ tique pendant les premières semaines de la vie. La solution de nitrate d’argent à 1 p. 50, préconisée par Crédé, est obligatoire en Allemagne. Budin, en France, n’emploie que la solution à 1 p. 100. Champetier de Ribes et Lepage, celle à 1 p. 150, suivie ou non d’un lavage avec la solution de permanganate de potasse à 1 p. 1000. D’autres préfèrent le simple lavage à l’eau bouillie, la solution phéniquée à 1 p. 100, le sublimé à 1 p. 1000, l’insufflation d’iodoforme pulvérisé (Tarier), l’alcool à 50°; M. Pinard a employé tour à tour le biodure de mercure à 1 p. 4000, le jus de citron, l’acide citrique à 5 p. 100, le lavage à l’eau savonneuse suivi de la solution de permanganate à 1 p. 1000 ou de celle d’aniodol. Avec ces diftërents agents, le résultat est presque égal, et la fréquence des ophtalmies purulentes qui jadis était de 10 p. 100 chez les nouveau-nés est presque partout tombée, avec ces diverses médications, à 1 p. 100, mais on ne réussit pas à prévenir complètement la maladie. La solution de permanganate de potasse au millième est excellente, mais elle n’est pas supérieure aux autres traitements, et il n’y a pas lieu de rendre son emploi obligatoire. Ce qui importe , c’est qu’aucun médecin et qu’aucune sage-femme ne néglige la désinfection vulvo-oculaire , que les cas d’ophtalmie des nouveau-nés soient traités le plus tôt possible ; les conclusions suivantes du rapport ont été votées par l’Académie ; « L’Académie, pour faire diminuer le nombre des aveugles, propose au Gouvernement : 1” De faire distribuer dans toutes les mairies, avec l’acte de naissance, une. courte notice indiquant les causes et symptômes et les dangers des ophtalmies des nouveau-nés. 2° De prendre des mesures pour que la déclaration immédiate des ophtalmies purulentes soit faite dans tous les cas et partout en France. 3“ D’attacher à toutes les maisons d’accouchements (cliniques et Mater¬ nités) des médecins ophtalmologistes, chargés de diriger le traitement curatif des ophtalmies purulentes , et de l’enseigner aux élèves-médecins et sages-femmes. » E. Vallin. The Elkton mil k -épidémie of iyphoid fever (Epidémie de fièvre typhoïde par le lait à Elkton) , par le D'' John S. Fulton {Journal oj hygiene, octobre 1901, p. 422). C’est une chose surprenante que les épidémies de fièvre typhoïde cau¬ sées pai‘ le lait soient si communes en Angleterre et aux Etats-Unis, et REVUE DES JOURNAUX 1020 qu’elles soient, pour ainsi dire, inconnues en France. Est-ce les Anglais ou nous qui nous trompons ? L’épidémie Observée aux Etats-Unis, par le D’’ Fultbn, secrétaire du conseil de santé de l’Etat de Maryland, semble bien avoir son origine dans le lait d’une ferme souillée par des cas de fièvre typhoïde ; mais il y a des objections qui n’ont pas été prévues et auxquelles la relation ne permet pas de répondre. • Dans une ferme A située à quelques kilomètres de Elkton, 3 cas de fièvre typhoïde ont lieu en octobre chez la mère et ses deux fils qui trayaient les vaches et soignaient le lait ; la mère avait elle-même con¬ tracté la fièvre en soignant sa voisine qui mourut le '6 octobre de cette maladie. Jusque-là il n’y avait eu qu’un seul cas de fièvre typhoïde à Elkton dans chacun des mois précédents. Mais à partir du 1 1 octobre, des cas de fièvre apparurent dans cette ville, le 28 octobre on en comptait déjà 39, et 64 le 1'"' janvier. Les maisons atteintes étaient ainsi réparties : maisons infectées 39 ; se servant de l’eau de la ville 21 ; de puits privés 18 ; faisant usage du lait de la ferme 39 maisons comptant 180 personnes. Total des cas : 64, c’est-à-dire que 33 p. 100 des habi¬ tants de ces 39 maisons prirent la fièvre typhoïde. Il est à remarquer que quatre laiteries fournissaient du lait à Elkton, mais M. Fulton dit que la plus grande partie du lait fourni à cette ville venait d probablement » de la ferme A. Ce fermier prétendait fournir régulièrement 80 maisons, soit à 4,6 personnes par maison, environ 368 personnes, sur lesquelles 64 (16,3 p. 100) buvant de ce lait furent atteintes de fièvre typhoïde. Nous ferons toutefois remarquer qu'on ne buvait pas beaucoup de lait à Elkton, ce qui n’est pas commun en Angle¬ terre, puisque sur 2,542 habitants, le fermier qui avait la plus grande clientèle n’aurait fourni du lait qu’à 368 personnes. Est-ce que les 2,174 habitants qui ne prenaient pas de lait à la ferme A n’en buvaient pour ainsi dire pas ? Il y a là une obscurité, sinon une erreur. Il y a cependant un fait assez caractéristique. La prison de la ville retenait une vingtaine de prisonniers, nourris à un ordinaire sévère d’où le lait était exclu, et qui n’avaient pas la possibilité d’en acheter. Le geôlier, sa femme et leurs deux fils boivent du lait et de la crème de la ferme A ; la mère et les deux enfants prennent la fièvre typhoïde dans la première semaine de novembre. On avait placé dans la prison, à dé¬ faut d’hospice, deux nègres, l’un épileptique, l’autre aliéné. Ces deux nègres avaient chaque jour accès aux provisions de la famille, aidaient au service domestique et sortaient de la prison, quoique ait dit le geô¬ lier ; or, comme la femme du geôlier et ses deux fils, les deux nègres contractèrent la fièvre typhoïde; aucun des vingt prisonniers ne fut atteint. Le fermier A avait été successivement abandonné par ses clients, mais c’est le 28 octobre seulement qu’il cessa complètement de vendre du lait. On voit qu’il y a encore ici place pour quelques doutes. En Angleterre on accuse trop facilement le lait de causer des épidémies de fièvre typhoïde : en France celle cause est trop rarement recherchée ou trop souvent méconnue. Il doit y avoir quelque exagération de part et d’autre. E. Valun. 1030 REVUE DES JOURNAUX Quelques observations sur le scorbut, par M. Noïnsky^ (Bulletin de la Société médicale de Kaxan, 1900, p. 11.) L’auteur a eu l’occasion d’itudier le scorbut au cours d’une épidémie, en 1899, dans quelques villages tartares. L’épidémie a frappé 5 0/0 de la population; parmi eux, 2 0/0 étaient âgés de 1 à 10 ans, 10 0/0 de 10 à 20 ans, 2S 0/0 de 20 à 30 ans, 30 0/0 de 30 a 40 ans et 15 0/0 de 40 à 50 ans. Il y avait trois fois plus de femmes que d’hommes atteints. Très souvent la maladie s’observait chez des sujets très aisés, se nour¬ rissant très bien et très hygiéniquement. La population était convaincue de la contagiosité du scorbut et mettait son extension sur le compte des voyages faits par quelques habitants dans un village voisin où régnait déjà l'épidémie. Dans un des villages atteints, la morbidité était de 6 0/0, tandis que dans un autre village, à population indigène analogue, elle n’était que de 3 0/0. L’examen des conditions locales a démontré, que dans le pre¬ mier cas on se servait, en fait d’eau potable, d’une eau de puits de mau¬ vaise qualité, et d’eau d’étang, tandis que dans l’autre village on avait une bonne eau courante. Les conditions de terrain semblent aussi inter¬ venir dans la propagation de cette épidémie. S. Broïno. Contribution à l’étiologie du scorbut, par le professeur A. Lewine. (Archives des sciences biologiques de Saint-Pétersbourg, 1901, t. YllI, n» 3, p. 274.) Les recherches de l’auleur ont porté sur 12 malades; le sang était obtenu par ponction du foie, de la rate et des infiltrations cutanées. Dans 11 de ces 12 cas, ce sang, ensemencé sur de la gélose peptonisée, a permis d’isoler un bâtonnet spécial en culture pure. Ce bâtonnet, à extrémités arrondies, ne fixe pas ou presque pas le gram ; il pousse aussi bien à la température du corps qu’à celle de la chambre quoique plus lentement dans ce dernier cas. Il ne donne pas de spores, est immobile et ne liquéfie pas la gélatine, il trouble légèrement le bouillon sans former un voile notable. C’est un anaérobie facultatif. A l’examen micros¬ copique, le bâtonnet donne l’aspect d’un diplocoque et se colore plus à ses extrémités. Il ne donne de filamenU sur aucun milieu nutritif. Il pousse sur la gélatine, l’agar-agar, la pomme de terre. Il coagule le lait à 37° en 36 à 72 heures. La culture sur un milieu glucosé donne parfois un dégagement de gaz. En somme, le bacille du scorbut semble appartenir au groupe décrit par Hueppe sous le nom do bactéries de la septicémie hémorrhagique et que l’auteur propose de désigner sous ceXmAebactéries hémosepliques. Les affections provoquées par ces bactéries ne diffèrent entre elles que par le degré de virulence du bacille pour les animaux. La variété isolée par M. Lewine chez les scorbutiques est disiincte de celle qui provoque le choléra des poules, la septicémie des lapins, la pneumono-entérite du porc; mais, par des passages successifs sur desmoineaux, on peut trans¬ former le bacille du scorbut en celui de ces diverses variétés. La lésion la plus caractéristique que provoque son inoculation à des REVUE DES JOURNAUX 1031 pigeons, est la myosite nécrosante. Lewine suppose qu’un bacille quel¬ conque de la septicémie hémorrhagique peut, par plusieurs passages suc¬ cessifs non pathogènes à travers l’organisme humain, se différencier et se transformer en la variété pathogène spécifique du bacille du scorbut. Le bacille de la septicémie hémorrhagique a été trouvé par Koch dans là saumure de conserves de viande. Au cours de la dernière épidémie de scorbut à Kazan, on a remarqué que la maladie a frappé en premier lieu les Tartares qui se nourrissent de viande de cheval salée, tandis que les Russes de la même localité, qui n’en font pas usage, ont été atteints à un degré moindre. Il est donc probable que le bacille hémoseptique de la saumure se transforme par des passages successifs, en bacille de scorbut. A côté de ce bacille on trouve, à l’examen, du streptocoque et du staphylocoque, et c’est à leur présence que l’auteur attribue les variétés cliniques du scorbut. S. Bnoïno. IJntersuchungen über das Vorkommen von Tuberkelbacillen in dm Butter (Recherches sur la présence des bacilles tuberculeux dans le beurre), par les Herr et Beninde {Zeitschrift fur Hygiene, 1901, XXXVII, p. 152.) La recherche du bacille tuberculeux dans le beurre présente d’assez grandes difficultés comme l’on sait, en raison de la présence fréquente dans le beurre d’organismes présentant la réaction colorante du bacille de Koch et pathogènes pour le cobaye. Le meilleur moyen de se mettre à l’abri de cette cause d’erreur est encore de s’adresser à l’inoculation dans la chambre antérieure de l’œil du lapin. Pour cette inoculation on emploie , comme le conseille Obermüller, le résidu obtenu par la centri¬ fugation, résidu que l’on débarrasse de graisse. Au moyen de cette méthode, MM. Herr et Beninde ont reconnu que sur 45 échantillons de beurre , de 45 origines différentes, mis en vente à Breslau, 7 renferment des bacilles tuberculeux, soit 15,5 p. 100. Ils ont voulu déterminer d’autre part si un établissement qui avait produit une fois du beurre renfermant des bacilles tuberculeux continuait à en produire ultérieurement: dans ce but, ils ont à diverses reprises recherché le bacille tuberculeux dans le beurre de producteurs qui avaient fourni du beurre contaminé. Chez l’un d’eux, chacun des examens a donné des résultats positifs, du 8 mars au 19 décembre 1899. Il s’agissait d’un fabricant utilisant le lait de plus de 70 étables et fournissant de beurre une portion très notable de la population de Breslau. En examinant sur place le mode de fabrication du beurre dans deux fermes, les auteurs ont constaté la présence du bacille dans les divers produits prélevés : lait écrémé, crème, beurre, sédiment. Les bacilles tuberculeux sont surtout présents dans le beurre et dans le sédiment obtenu par centrifugation. Ces constatations concordent fort bien avec celles des autres auteurs et montrent que le beurre consommé dans les villes peut être une source REVUE DES JOURNAUX importante de contamination tuberculeuse, étant donné surtout qu’il s’agit souvent en pareils cas d’un apport continu et répété tous les jours. Netter. IL projetlo Gianturco per la colonizzazione agricola e la pro/ilassi délia tubermlosi nei carceraii (Le projet de la colonisation agricole ei la prophylaxie de la tuberculose chez les prisonniers), par le D'Alf. Frassi. {Giornale délia R. Socieià italiana d’igiene , 31 mai 1901, p. 212). Dans une séance de la Chambre italienne des députés, le 22 novembre 1900, M. Gianturco, alors ministre de la justice, déposa un projet de loi concernant l’emploi des condamnés pour les travaux de défrichement et d’amélioration des terrains incultes et malsains. Il manquait à tous, il manque sans doute encore 14,324 couchettes dans les établissements carcéraires de l’Italie pour l’isolement nocturne des prisonniers, et leur installation entraînait une dépense de 38 millions, qu’il est impossible de réaliser actuellement. En attendant, les prisonniers travaillant à l’air libre au défrichement agricole verraient leur peine réduite au tiers de la durée fixée par leur condamnation. L’auteur montre le bénéfice que les prison¬ niers retireraient de ce travail qui diminuerait pour eux le danger de la tuberculose, et rappelle que la mortalité par tuberculose dans les péni- tentiers est cinq fois plus forte que dans la population libre. D’ailleurs, M. Frassi, établit par l’exemple des Trois-Fontaines , qu’en prenant des mesures convenables pour la prophylaxie de la malaria, on peut diminuer considérablement les dangers du défrichement. E. Vallin. Spulacchiera per ferrovie, scuole, caffè, teatri ed altri luogi di pub- blico convegno (Crachoir pour chemins de fer, écoles, etc, et autres lieux publics de réunion), par le D*' G. Loriga (L'ingegnere igienisla, 1" sep¬ tembre 1901, p. 193). Pour enlever au public tout prétexte de cracher par terre, l’auteur voudrait que, dans les lieux de réunion où l’assistance est assise, un Système de crachoir soit adhérent au siège, avec faculté de le faire surgir au moment opportun et de le masquer après l’expuition; il a tenté de résoudre ce problème assez difficile en imaginant un appareil qu’il décrit à l’aide de plusieurs figures. L'appareil est constitué par une sorte de boîte en fer émaillé du en fer-blaric étamé de forme un peu prismatique, que l’on peut placer verticalement contre ou entre les pieds d’un siège quelconque au moyen de quatre écrous; le fond est plat avec angles arrondis ainsi que trois parties latérales, celle du haut et deux de côté ; la quatrième en bas est une canelure creuse au centre de laquelle débouche le conduit de décharge ; la paroi supérieure est traversée horizontalement par un petit tube métallique, percé de trous pour l’eau de lavage. Le couvercle a la forme d’une cuvette légèrement concave dont les bords s’encastrent hermétiquement dans ceux du fond, l’inférieur s’adaptant par une char- REVUE DES JOURNAUX 1033 nière dans la canelure avec un orifice central correspondant au canal de décharge ; le système s’ouvre comme un portefeuille de haut en bas par un mouvement insignifiant imprimé à un levier qui communique par une chaînette avec deux contrepoids placés à chaque extrémité de la charnière. Quand on veut cracher, on presse avec le doigt sur le levier ; le couvercle s’omTe à angle droit, puis se referme lorsque la pression cesse ; un mécanisme spécial détermine une petite chasse d’eau quand l’ap¬ pareil s’est refermé; le liquide de lavage et les mucosités sont entraînés dans le conduit de décharge qui communique par une canalisation soit avec l’égoût, soit avec un récipient de dimensions convenables dont la vidange se fait ultérieurement. Cet appareil offre quelques avantages : il fait disparaître le danger, la dépense et la perte de temps occasionnés par les opérations de propreté et de désinfection des crachoirs ordinaires, fixes ou mobiles ; il occupe en hauteur un espace limité, car sa surface est d’environ 25 centimètres carrés avec une épaisseur de 5 à 6 centimètres ; aussi peut-il trouver sa place sous des sièges séparés ou le long des banquettes collectives ; pour permettre le déplacement nécessité par le nettoyage, des tubes de caoutchouc ou des raccords métalliques à pas de vis peuvent être interposés aux endroits nécessaires. Enfin ce type de crachoir reste inacessible aux, insectes et ne laisse voir son intérieur qu’au moment même de son ouver¬ ture ; il n’est pas encombrant, fonctionne sans bruit et ne coûté pas beaucoup plus cher que les autres modèles. Peut-être y aurait-il à reprocher son installation presqu’au niveau du sol, position un peu basse qui occasionne un parcours assez grand entre la bouche et le récipient avec dispersion de parcelles liquides ; mais on peut obvier à cet inconvénient par la facilité que l’on a, étant assis, de pencher la tête et de courber le dos pour projeter sûrement en bonne place les produits de l’expectoration. Le modèle décrit est surtout destiné aux bancs fixes à plusieurs places, avec crachoir pour chaque occupant, dans ce cas il est simple d’inter¬ poser le système entre la conduite d’eau et la canalisation d’égout ; mais on peut adapter à un siège mobile la même combinaison un peu plus compliquée avec double réservoir, l’un pour l’eau de lavage, l’autre pour les crachats. Dans les compartiments de chemin de fer le conduit de décharge peut au besoin aboutir à l’air libre pour se déverser sur la voie. Enfin, comme le fait remarquer l’auteur, de même que l’installation d’urinoirs à effet d’eau n’a pas fait disparaître la nécessité du vase de nuit, de même les grands avantages hygiéniques de cet enlèvement rapide des crachats dans les lieux de réunion ne détruiront pas les indi¬ cations du crachoir individuel et du crachoir de poche. F.-H. Rbnaut. Résistance des œufs et larves d’ankylostome aux agents désinfectants., par le D' J. Lambineî {Bulletin de l’Académie de médecine de Belgique, séance du 25 mai 1901). REVUE DES JOURNAUX Nous avons récemment analysé (Revue d’hygiène, 1901,) un inté¬ ressant rapport de M. le professeur Malvoz, de Liège, montrant que l’ankylostome duodénal a envahi presque toutes les mines du Hainaut, et vraisemblablement celles du nord de la France, les charbonnages de, la Prusse rhénane, etc. Dans certains charbonnages de la Belgique, plus de la moitié (80 à 60 p. 100) des ouvriers hébergent l’ankylostome. M. Malvoz et M. Herman avaient déjà constaté que les œufs et les larves d’ankylostome ont une résistance beaucoup plus grande aux divers agents désinfectants que la plupart des microbes pathogènes. M. le D'^ Lambinct a fait au laboratoire de M. Malvoz à l’Institut provincial de Liège, une série d’expériences sur la destruction de ces œufs et de ces larves. Cette résistance des œufs à la destruction tient à l’imperméabilité et à la cohésion de la membrane chitineuse qui les entoure ; les liquides colo¬ rants ne traversent cette membrane que lorsqu’elle a été modifiée chimiquement par l’alcool concentré, l’acide acétique glacial, le chloro¬ forme, etc. Les larves, môme au sortir de l’œuf et non encore encapsulées ont une résistance presque aussi grande aux réactifs. Dans ses expériences, M. Lambinet a employé la méthode de culture de Loos, qui consiste à broyer avec du charbon animal quelques grammes de matière fécale contenant des œufs d’ankylostome : on place cette pâte dans une boîte de Pétri, on la recouvre avec de l’eau, et on la laisse à une température de -|- 20 à 25® pendant 8 à 10 jours. Avec une pipette on recueille alors au bord de la boite l’eau de culture dont chaque goutte contient alors 28 à 80 larves très vivaces. C’est sur ce liquide que l’au¬ teur a expérimenté en ajoutant à 1 goutte de culture soit 10 gouttes, soit volume égal de solution désinfectante. Voici le résumé de ses expé¬ riences : N'ont pas détruit les œufs ou les larves : la solution de sublimé à 2 p. 1000 (10 gouttes pour une goutte de culture) ; la liqueur de Fern- bach (solution de chlorure de chaux à 1 p. 100) ; acide phosphorique à 4 p. 100 ; solution saturée de carbonate de soude ; eau de chaux; va¬ peurs de formol, etc. Ont détruit les œufs et les larves : solution de phénosalyl à 3 p. 100; acide sulfurique à 5 p. 100 ; solution de lysol à 3 p. 100 (lue les larves mais non les œufs) ; ammoniaque liquide ; chloroforme ; sulfure de car¬ bone. L’agent le plus actif paraît être la dessication, soit au soleil, soit môme dans l’obscurité. On voit donc que les agents désinfectants vraiment efficaces coûtent cher et ne sont pas facilement applicables aux immenses surfaces souil¬ lées par les déjections des ouvriers dans les mines. Il faut peu compter sur les désinfectants et recommander impérieusement aux ouvriers de ne pas déposer leurs déjections dans les coins et recoins des galeries ; il faut se méfier des latrines ou baquets disposés dans la mine; les ouvrier.^ doivent satisfaire leurs besoins avant de descendre dans les galeries. M. Lambinet insiste sur le danger qu’il y a à croire qu’on peut désin¬ fecter le contenu des tinettes avec du lait de chaux, dont l’inefficacité 1033 REVUE DES JOURNAUX est ici démontrée. Il est à craindre, en effet, qu^on songe à utiliser comme engrais le contenu des fosses où l’on reçoit les matières fécales soi-disant désinfectées des mineurs ; en les répandant sur les terres cultivées, on propagerait l’ankylostomiase sur toute la surface de la con¬ trée par les légumes, les fruits, et par l’écoulement de l’eau ainsi conta¬ minée dans les puits et les cours d’eau. Combien il serait intéressant que les médecins des centres miniers dn Nord et du Pas-de-Calais nous renseignent sur la présence ou l’absence des œufs et larves d’ankyloslpme dans les selles des ouvriers français de nos bassins bouilliers. La recherche est aisée puisque les œufs sont io fois plus gros qu’un globule rouge du sang, que les larves à leur naissance sont de 2S ou 50 fois la longueur d’un globule ; le grossisse¬ ment le plus médiocre est donc suffisant pour les reconnaître. D’autre part, le procédé de culture de Loos, c’est-à-dire le mélange des selles avec le charbon animal, rend le mélange complètement inodore. Il y a là à faire un travail facile, intéressant et utile. E. Vallin. Recherches expérimentales sur le pouvoir désinfectant de l’aldéhyde formique, par M. B. Kotzine. (Comptes rendus du Laboratoire muni¬ cipal de Moscou, dirigé par le Prof. Boübnoff, 1900, p. 200.) Les expériences de l’auteur ont porté sur les micro-organismes sui¬ vants : spores de la bactéridie charbonneuse, staphylocoque doré, bacille d’Êberth et coli-bacille, vibrion du choléra, streptocoque, bacille Klebs Lœffler. La résistance de ces micro-organismes à la formaldéhyde, les expériences étant faites à la température de 37“, était comparée à leur résistance au sublimé (0/00), préalablement établie. Ces expériences ont démontré qu’à la température de 37“ le pou¬ voir de la formaline est, en réalité, trois fois moins énergique qu’on ne l’admet d’après les travaux de Trillat, d’Aronson, de Pottevin, de Walter ; encore ce pouvoir varie-t-il selon la résistance des bactéries. Ainsi le staphylocoque et le coli-bacille, très résistants, continuent à se multiplier môme dans une solution de 1 : 2000, le vibrion cholérique, le bacille diphiérique, le streptocoque ne poussent qu’à 1 : 6000. Quant au bacille d’Eberth, dont le développement ne serait, d’après Schild, possible qu’à la concentration de 1 : 14000, Kotzine l’a vu se reproduire même dans des solutions à 1 ; 6000 et à 1 : 4000, selon sa résistance. Il est probable que les expériences de Schild ont porté sur des bacilles de résistance très faible. Certains auteurs ayant fait leurs expériences à la température de la chambre, Kotzine a comparé l’action de la formaline sur le staphylocoque à celte température, à celle qu’elle exerce à 37“. Il a constaté une difië- rence du simple au double : le bacille qui, dans le premier cas résistait à la solution de 1 : 4000, avait, à 37“, besoin d’une concentration de 1 : 2000 pour ne plus proliférer. L’action bactéricide de la formaline a porté sur les solutions à 10/0 et à 3 0/0. Dans les expériences de contrôle, pour ne pas transporter. 1036 REVUE DES JOURNAUX avec la goullelette de culture un peu de formaline, on agitait, avant de l’ensemencer, à nouveau, avec 50“ d’eau stérilisée. De cette façon, si même la culture gardait un peu de formaline, celle-ci se trouvait à une dilution telle qu’elle ne pouvait plus exercer une action quelconque sur le bacille ensemencé. Il résulte de ces expériences que si l’action bacté¬ ricide de la solution à 3 0^ est très puissante, celle de la solution à 1 0/0 est assez faible, et pour quelques bactéries elle ne l’est qu’après un contact très prolongé. Bien entendu, cette action est en rapport avec le degré de résistance du micro-organisme, même lorsqu’il s’agit de bac¬ téries de même espèce, mais de provenance et de résistance diverses. Ainsi par exemple, les spores de la bactéridie charbonneuse qui succom¬ baient dans le sublimé à 1 0/00 au bout de deux heures, perdaient leur vitalité dans la formaline à 1 0/0 au bout de i h. 40, et dans celle à 3 0/0 au bout de quinze minutes ; tandis que les spores de la môme bactéridie, mais d’une autre provenance ne succombant dans le sublimé à 10/00 qu’au bout de sept heures n’étaient tuées qu’après un séjour de trois heures et demie dans la formaline à 10/0, et au bout de trente-cinq minutes dans celle à 3 0/0. S. Broïdo. üeber die Jnfectionsfâhigkeil und Désinfection von gebrauchien Bûchem (Sur le pouvoir infectieux et les procédés de désinfection des livres), par Arthur Krausz {Zeitschrift fur Hygiene und Infections- krankheiten, 1901, XXXVII). Le syndicat des libraires hongrois a demandé à la Société nationale d’hygiène d’émettre un vœu en faveur de l’interdiction de la vente de livres de classes ayant déjà servi. L’auteur de l’article a été chargé de répondre à cette question et a entrepris dans ce but une série de recher¬ ches. Le danger du transport des maladies contagieuses par les livres est universellement admis. L’exemple le plus habituellement invoqué est celui de l’office sanitaire du MicWgan, où vingt employés furent succes¬ sivement atteints de tuberculose. Ces employés compulsaient des regis¬ tres qui furent examinés, et que l’on trouva véritablement imprégnés de bacilles tuberculeux. Krausz inocule dans le péritoine des cobayes des feuilles de papier coupées dans des livres ou des bouillons inoculés avec les fragments de papier. Tandis que l’inoculation ne produit aucun accident quand il s’agit de livres neufs, la péritonite survient toutes les fois que les feuilles sont empruntées à des livres d’école usés ou à des livres provenant de cabinets de lecture. L’inoculation reste inoffensive quand ces livres ont été placés dans l’autoclave. L’auteur a imprégné des feuilles de papier avec les cultures de divers agents pathogènes. Il a trouvé que le vibrion cholérique a perdu la vita¬ lité en moins de 48 heures, le bacille diphtérique en 28 jours, le staphy¬ locoque, en 31. Le bacille typhique ne survit partiellement que 40 ou 50 REVUE DES JOURNAUX 1031 jours, exceptionnellement il a résisté 95 jours. Avec le bacille de Koch, le résultat reste douteux après 103 jours. La désinfection des livres s’obtient très aisément au moyen de la vapeur sous pression. Les pages ne sont pas altérées. Les couvertures en carton sont à peine déformées, mais reprennent leur forme après compression. Les reliures en demi-toile et toile sont à peine endommagées. Elles se gondolent momentanément et l’on y voit quelquefois se produire des bulles qui pour la plupart disparaissent. Seules les reliures en peau ne supportent pas ce traitement; mais elles sont peu en usage actuellement. La durée de la désinfection doit durer 40 minutes, dont 5 pour le cliauf- age préalable de l’étuve et 5 pour évacuer l’air. L’aldéhyde formique ne désinfecte que si l’on écarte les feuilles des livres ou des cahiers. On ne peut employer les antiseptiques en solution, non plus que les vapeurs sulfureuses qui abîment les livres. L’auteur conclut ainsi : Pour les livres de classes qui ne sont changés ou vendus qu’à la fin de l’année scolaire, la désinfection n’est pas nécessaire; les vacances se pro¬ longeant au delà du temps nécessaire pour la destruction des agents infectieux. On ne devra autoriser la vente des livres de classes qu’au début des vacances. On imposera la désinfection des livres provenant d’élèves qui auront été atteints de maladies contagieuses. L’établissement de désinfection indi¬ quera d’une façon apparente sur la couverture que l’opération a été exécutée. Il est désirable que rétablissement de désinfection se prêté à la désinfection gratuite, de façon à ce que les marchands de livres d’occa¬ sion puissent facilement faire désinfecter les ouvrages en vente. Les pères de famille prendraient vite l’habitude de ne plus acheter que des ouvrages désinfectés. On ne saurait sans graves inconvénients interdire , comme- le demandent les libraires hongrois, la vente des ouvrages d’occasion. Dans certaines classes de Budapest, 18,5 p. 100 des élèves avaient des livres neufs, 47,4 des livres ayant déjà servi et 31,1 à la fois des livres neufs et d’occasion. Il y a lieu d’imposer la désinfection des livres des cabinets de lecture qui changent très souvent de lecteurs et doivent être souvent entre les mains de malades ou de convalescents. 11 sera très aisé aux propriétaires de ces cabinets de se procurer un appareil de désinfection à bon marché, Netter. SanUiUspolheiliche RegeLung des Gewerbes der Bellfedernreinigung (Mesures de police sanitaire concernant le nettoyage de la plume de literie), par le professeur Max Giiubeu {Das ôsterrcichische Sanilâtswesen, ’Wien, 22 August 1901, Nz 34, S. 349). La plume de literie (oreillers, traversins, édredons), généralement contenue dans une double enveloppe de tissus, ne semblerait pas devoir être exposée aux souillures pendant le cours des maladies infectieuses ; elle conserve cependant, comme les chiffons, les germes qui résistent à la dessication complète. Les -recherches bibliographiques donnent peu 1038 REVUE DES JOURNAUX d’indications à cel égard ; mais on trouve quelques fâcheux exemples de transmission de la variole, dont les plus récents sont survenus en mai el juin 1899 dans une fabrique d’objets de literie à Ncuern, petite localité de Bohême. -De tels accidents imposent la nécessité de mesures prophylactiques et d’abord l’obligation de la revaccination du personnel au moins tous les dix ans. Avant toute manipulation, les plumes doivent être désinfectées, qu’elles soient brutes ou déjà usagées ; mais, en raison de la difficulté d’appliquer à cette matière le traitement par la vapeur ou par les liquides antiseptiques, le mieux est de la débarrasser de toutes ses poussières dans des machines rotatives complètement closes et munies d’appareils àspirateui’s conduisant les parcelles solides sur des filtres spéciaux ou dans des laveurs, avant d’abandonner l’air dans l’atmosphère. Les poussières et les débris de plumes sont brûlés et leurs fumées odorantes doivent être amenées dans une haute cheminée ou mieux encore dans un foyer. L’hygiène des locaux et celle des ouvriers doivent être strictement appliquées comme dans les établissements à poussières nuisibles, tant pour la ventilation et l’isolement des ateliers que pour la propreté corpo¬ relle après le travail. F. -H. Renaut. Délia scomposizione delle lecitine; Contrihuto allô studio délia putrefazione et délia diagnosi bacterica, par les D” G. Q. Ruata et G. Caneva {Annali d’igiene sperimenlale , 1901, p. 341). Ces recherches, faites à l’Institut d’hygiène de l’Université de Padoue, ont pour objet les modifications subies par la lécithine, substance qui se rencontre en quantité notable dans le cerveau, dans les nerfs, dans lu liqueur séminale, beaucoup moins abondamment dans le sang, la bile, les sérosités et qui constitue la plus grande partie du jaune d’œuf. Il s’agissait de savoir si cette décomposition est due à des actions bacté¬ riennes, si certaines espèces microbiennes pathogènes y contribuent alors que d’autres restent inertes, si enfin les microbes interviennent par eux- ibêmes ou par leurs sécrétions. Après l’exposé de leurs expériences et l’énoncé des résultats, les auteurs arrêtent les conclusions suivantes : 1° La putréfaction spontanée des œufs détermine la décomposition do la lécithine en choline, en acide phospho-glycérique el en acides gras, ainsi que l’avaient déjà établi divers auteurs. 2“ Ce phénomène est dû à l’action de certains microorganismes, princi¬ palement du B. mesentericus dans ses variétés vulgatus, fuscus et ruber et aussi du B. prodigiosus. 3“ Les spores du charbon, les vibrions du choléra ainsi que ceux de Finkler Prior et de Metchnikoft’ se comportent de la môme fagon à l’égard de la lécithine des œufs. 4“ La décomposition est opérée par les microbes eux-mêmes bien plutôt que par leurs produits. S® Le diagnostic bactériologique, basé sur l’existence ou sur l’absence des modifications subies par la lécithine, n’aurait qu’une valeur relative. REVUE DES JOURNAUX 1089 G” La différenciation entre les variétés d’une même espèce micro¬ bienne décomposant la lécithine pourrait se faire au cas où il y aurait possibilité de noter d’une façon absolue le temps dans lequel les phéno¬ mènes se réalisent. F.-H. Renaut. Sicile allerazioni nalurali delle fanne, par le D“' Carminé Montella {Annali cl'igiene sperimenlale, 1901, p. 2C4). Les expériences de Scala, en 1886, entreprises pour trouver un moyen pratique de reconnaître les modifications produites dans les farines par les moisissures, avaient démontré la diminution constante des matières grasses dans les farines avariées. Ces substances étant vai-iables et les matières minérales ou cendres restant invariables, le rapport de ces deux facteurs donnait l’indice de la conservation des farines , puisqu’il dimi¬ nuait d’autant plus qu’était considérable l’altération. L’auteur a repris au laboratoire de l’Institut d’hygiène de Rome ces recherches, en faisant entrer en ligne de compte-le gluten dont il n’était pas question précédemment ; celte substance , facilement décomposable, perdant son élasticité naturelle et pi-enant vile une saveur amère, une odeur de moisi, semblait devoir fournir une méthode plus sensible, plus rapide, pour déceler les altérations des farines. Après description des procédés employés pour déterminer l’eau, les cendres, les graisses, le gluten, après mention des résultats des analyses, il appert que le gluten est en quantité fort variable, même dans les farines fraîches et saines, que son élasticité, au lieu de diminuer, aug¬ mente dans les échantillons altérés , que ses qualités organoleptiques ne s’accusent que tardivement lors d’avaries déjà accentuées. Devant cet échec, le rapport des graisses et des cendres indiqué par Scala reste l’indice de choix de l’altération des farines moisies, avec le chiffre mini¬ mum de 1,50 pour la farine de froment, c’est-à-dire que l’on doit consi¬ dérer comme avariée une farine dont le chiffre des matières grasses divisé par celui des cendres donne un quotient inférieur à 1,50. Cependant il ne faut pas complètement dédaigner les renseignements fournis par l’étude du gluten , car, bien qu’ils ne soient pas absolument certains, ils permettent de corroborer les résultats obtenus par l'autre méthode ; en outre , on ne doit pas négliger d’employer le procédé de Cailletet pour la recherche de substances minérales qui peuvent êli-e frauduleusement ajoutées. Celles-ci feraient descendre le rapport graisses- cendres au-dessous de la limite minima, sans que la farine soit avariée; mais elle serait alors simplement adultérée. F.-H. Renaut. Ueber Gesundlieitsschadliclikeil der Borsiiure als Conservimngsmiitel für Nakrungsmillel (Dangers de l’emploi de l’acide borique comme moyens de conservation des aliments) , par Kister {Zeitschrift für Hy^ giene und Infectionskrankheiien), 1901, XXXVIl, p. 225. L’auteur commence par rappeler les objections que l’on a faites à l’addition des substances chimiques aux aliments dans un but de conser-. lOiO REVUE DES JOURNAUX valion , objections qui ont été bien mises en lumière aù cours du dernier Congrès international d’hygiène. Il cherche ensuite à démontrer directe¬ ment la nocivité de l’acide borique. Trois personnes bien portantes du laboratoire ont pris plusieurs jours de suite 3 grammes d’acide borique sur une tartine de beurre. Toutes les trois n’ont pas tardé à présenter des malaises, de l’anorexie, 4es nausées avec vomissements, de la diarrhée. Deux d’entre elles ont présenté de l’albuminurie, la première et ta deuxième le dixième jour. L’albumine a di.sparu de l’urine le lendemain de la suppression d’acide borique. Cette dose de 3 grammes par jour peut être facilement atteinte chez des sujets qui mangent des produits conservés avec l’acide borique. Une dose moindre de 1 gramme d’acide borique par jour n’est pas indifférente. Sur six personnes soumises à l’expérience, quatre ont pré¬ senté des troubles digestifs. Kister a fait d’autre part des expériences sur les animaux. Conformé¬ ment aux observations de Robinson, Annett, Ghittenden, Pouchet et Boii- jean et contrairement aux assertions de Leibreich , il a constaté que les poules, les chiens, les lapins, les cobayes et les jeunes chats ne peuvent ingérer sans danger l’acide borique, même à petite dose. La conclusion de ce mémoire est que l’interdiction de l’addition d’aciile borique comme moyen de conservation des produits alimentaires s’im¬ pose aux législateurs. Netteb. La nicolina nelle infiorescenze délia brassica rapa (La nicotine diins les inflorescences du chou-rave), par le D'' S. Mabano [Ghrnale délia R. So- delà italiana d’igiene, 1901, p. 263.) Dans la province de Salerne, on consomme comme légumes pendant ht saison d’hiver, de janvier à mars, les pousses développées sur les intlo- rescences du chou-rave, vulgairement appelées nœuds de raves et cons¬ tituant un aliment assez analogue à notre chou de Bruxelles ; l’usage de ce végétal entraîne parfois des désordres gaslri(|ues et intestinaux que la croyance populaire attribue à la nicotine, car les choux-raves poussent dans des champs où le tabac a été cultivé précédemment. Aux environs de Salerne, la culture de différentes variétés de tabac est très répandue et les inflorescences du chou-rave sont d’autant plus appréciées qu’elles proviennent d’un terrain ayant préalablement servi à cette solanée. Ce préjugé du public ne repose sur aucune donnée certaine et rien ne rend probable l’existence de la nicotine dans le terrain ni son passage dans cette crucifère ; aussi, l’auteur, directeur de l’Office d’Iiygiène de Salerne, a tenu à s’assurer scientifiquement du fait : il s’est procuré îles échantillons de terre prélevés après la culture du tabac et après la récolte du chou-rave pour le cas où les acides organiques pourraient entrer on combinaison avec un alcaloïde pohr former des humâtes et des ulmales de nicotine ; il a réuni un certain nombre de racines et de parties comes¬ tibles du végétal en question provenant de plantations différentes et s’est assuré préalablement de la recherche assez délicate ainsi que des réac¬ tions classiques de la nicotine. REVUE DES JOURNAUX. 1041 34 essais portant sur la recherclie de la nicotine dans la terre et dans la plante furent faits par une double méthode, le procédé toxicologique de Slas et celui quantitalif de Pezzolato, dont les techniques appropriées aux échantillons en expérience sont exposées avec détails. Tou."! les résul¬ tats furent négatifs, ce qui permet de conclure que les accidents de gas¬ tro-entérite, survenus à la suite de l’ingestion du chou-rave ayant poussé dans un champ de tabac, ne sont nullement attribuables à la nicotine, comme le croit le vulgaire. F.-H. Renaut. Modificalion du procédé de Kônig pour la recherche de la saccharine, par M. Oblov (Comptes rendus du Laboratoire municipal d'hygiène, de Moscou, 1900, p. 202.) Pour l’analyse de la saccharine on a recours généralement au procédé de Kônig qui consiste à évaporer l’extrait élhéré de la substance à ana¬ lyser et à fondre à 230°, pendant une demi-heure, le résidu avec de la soude caustique dans un creuset d’argent. Mais le résidu qui reste après évaporation est parfois très minime et comme il se dépose sur toute la surface de la capsule dans laquelle a été faite l’évaporation, il devient très difficile de le recueillir. Aussi l’auteur procède-il ainsi : On dépose au fond de la cajjsule un ou deux petits carrés d’amiante légèrement humides qui absorbent toute la saccharine restée après évaporation. On le- sèche ensuite à l’étuve. Puis on fait fondre dans uii creuset 0,50 à 1 gramme de soude caustique, chauffée à un bec ordi¬ naire ; lorsque l’amiante est tout à fait desséchée, on la met dans la soude fondue et l’on continue la fusion ii une température modérée durant 3 à tO minutes. On traite ensuite comme dans le procédé de Kônig, par la recherche de la réaction de l’acide salicylique. S. Broïdo. Epidémie d’intoxication par des gâteaux à la crème, par F. N. Lachtchenkov (Wratch, 1901, n°® 2, 9 et 10, p. 38, 269 et 302.) Une véritable épidémie a été observée en 1899, à Kharkov; plus de 200 personnes ayant mangé le môme jour (jour de grande fête patrony¬ mique) des gâteaux contenant de la crème de noix, et provenant de la môme pâtisserie, ont été prises de symptômes d’empoisonnement, et plus spécialement de troubles gastro-intestinaux. L’empoisonnement frappa des familles entières, y compris les domestiques qui avaient mangé du même gâteau, des pensionnats. Généralement bénin, l’empoisonnement provoquait, dans certains cas, une diarrhée et des vomissements violents et rappelait parfois l’intoxication par l’arsenic. L’analyse chimique des échantillons de ces gâteaux n’ayant par permis d'expliquer la cause des accidents, on pratiqua l’examen bactériologique et l’on constata que la crème contenait des staphylocoques pyogènes dorés presque en culture pure, extrêmement virulents pour les animaux cobayes). D’un autre côte, l’auteur a fait à des animaux des injections avec un REV. D’HYG. XXIII. — GO KEVUE DES JOUhNAUX peu de crème de noix de gâteaux préparés de la môme manière que ceux qui ont provoqué l’empoisonnement, et a obtenu des résultats négatifs. Il résulte donc que la présence de staphylocoques pyogènes dorés très virulents était purement accidentelle. Une autre série d’expériences a démontré que les gâteaux ainsi préparés aigrissent assez rapidemeni; mais à 15°, quoiqu’un peu aigres déjà, ils ne favorisent pas le développe¬ ment des staphylocoques, tandis qu’à une température élevée, ce déve¬ loppement s’observe constamment et l’injection des cultures des coccci ainsi isolés, provoque chez les animaux des phénomènes très graves. Quant à la provenance des coccis ils peuvent souiller les noix servant à faire la crème, pendant qu’on les écrase sur une table ou dans un mortier, quand la propreté n’est pas méticuleuse. En terminant, l’auteur conclut qu’il serait nécessaire de réglementer la préparation de crèmes, très peu résistantes à la fermentation. Notam¬ ment il faudrait imposer, par une loi, la stérilisation par le chauffage à 90®, pendant une demi-heure, des mélanges servant à la préparation de crèmes, et la conservation pendant les saisons chaudes, des gâteaux à la crème dans des pièces à basse température. S. Broïdo. Point d'inflammabilité de l’huile vierge du commerce à Moscou, par S. Orlov {Comptes rendus du laboratoire municipal de Moscou 1900, p. 168.) Dans des analyses antérieures, le laboratoire municipal de Moscou a constaté que l’huile d’olive vierge, en vente à Moscou, est dans 8G 0 /O des cas falsifiée à l’aide de diverses huiles minérales et de quelques gi'aisses végétales. L’importance de cette falsification au point de vue hygiénique est toute particulière à Moscou, et voici pour quelles raisons. Cette huile sert généralement pour entretenir les veilleuses allumées devant les icônes ; le peuple et principalement les pèlerins qui vont visiter certaines icônes particulièrement vénérées de certains monastères, croient à la force miraculeuse de l’iiuile de ces veilleuses et l’emploient en onctions et à l’intérieur, contre toutes sortes de maladies. L’addition de produits de distillation du naphte à cette huile est loin d’être indifférente. En outre, cette falsification présente, au point de vue médico-saintairc. cette importance que l’huile ainsi falsifiée est très facilement inflam¬ mable, même à des températures relativement basses ; d’où fréquence excessive d’incendies, de brûlures et d’autres accidents dûs à l’usage de l’huile en question. Ainsi, en 1898, 1,8 0/0 des incendies eurent pour cause l’explosion de l’huile des veilleuses des icônes. En raison de l’importance de cette question, M. Orlov a spécialement étudié le point d’iiitlammabilité de 100 échantillons d’huile d’olive vierge vendus comme soi-disant pure et naturelle. L’évaluation a été faite à l’aide de l’appareil de Pensky-Marlens. Ces analyses ont démontré que le point d’inflammabilité de l’Iiuile vendue pour les veilleuses des icônes, oscille entre 105 et 143®, la densité étant de 0,882 à 0,914 à 15®, tandis que l’huile vierge naturelle s’enflamme à 115®-226® et sa densité à 15“ est de 0,914 à 0,918. Quant à l’huile préparée avec divers produits dans REVUE DES journaux 1043 la fabrication des huiles de graissage sans aucune surveillance sanitaire, elle est encore beaucoup plus dangereuse, au point de vue d’ignition spontanée, que les plus mauvaises qualités d’huile vierge naturelle. Dans l’extraction de l’huile d’olive on recourt parfois à des produits très inflammables, tels que l’éther, le sulfure de carbone, la benzine, etc. Ces substances abaissent le point d’inflammabilité de l’huile d’olive. Ainsi, dans une expérience, l’auteur a additionné l’huile vierge naturelle d’une petite quantité de sulfure de carbone (10 cc. de ce dernier pour 150 cc. d’huile), et on a constaté que grâce au sulfure de carbone, le point d’inflammabilité qui était primitivement de 226“ pour l’échantillon donné, est tombé à 126°. Aussi, M. Orlov exprime-t-il le desideratum de de voir établir un minimum obligatoire au point de vue d’inflammabilité pour l’huile qui sert aux veilleuses, môme lorsqu on se sert d’huile d’olive, cette dernière étant obtenue à l’aide de produits très inflammables. En outre, l’huile minérale destinée aux veilleuses ne devrait pas être vendue sous le même nom que l’huile vierge appelée » huile de bois», en raison de l’emploi médicamenteux en usage interne qu’en fait le peuple russe. Il devrait également, être défendu de donner à la première la couleur et en général l’aspect extérieur de l’huile vierge. En terminant, l'auteur recommande le procédé suivant qui sert à dis¬ tinguer rapidement et sûrement l’huile végétale de l’huile minérale, pro¬ cédé surtout intéressant par sa simplicité. Un peu d’huile étant versée dans une fiole bouchée avec un bouchon en liège ordinaire, on agite le contenu jusqu’à ce que le bouchon s’en imprègne un peu et devienne hnileux. Si l’on tourne alors le bouchon dans le goulot de la fi51e, on provoque un bruit à peine perceptible en cas d’huile végétale, tandis qu’on perçoit un grincement très fort et très caractéristique, s’il s’agit d’huile minérale ou d’un mélange d’huiles végétale et minérale. S. Bnoïno. Analyse du caviar des halles de Moscou, par S. S. Orlov (Compte rendu du laboratoire municipal de Moscou, 1900, p. 125.) L’auteur, après une étude assez détaillée de l’industrie du caviar rap¬ porte les résultats des analyses d’échantillons de caviar de diverses provenances. Les deux principales variétés de caviar qu’on trouve dans le commerce sont ; le caviar grenu (zernistaïa) et le caviar comprimé ou pressé (païousndia); ils se distinguent par le mode de salure et la qualité des œufs. Les analyses faites par M. Orlov démontrent que, généralement, le caviar grenu est plus frais que le caviar pressé. L'addition d’huiles étrangères n’a été notée que dans un des 14 échantillons examinés; ces additions peuvent d’ailleurs être facilement reconnues ù l’aide de l’oléo- réfractomctre de Zeiss. Le caviar comprimé contient relativement plus de matières extractives que le caviar grenu; la diftérènce est surtout considérable pour les deux variétés de caviar préparé avec les œufs d’ascipenceroïdes. Peut-être 1044 lUiVUE DES JOURNAUX cette augmentation des matières extractives se fait-elle aux dépens des matières albuminoïdes. Le caviar pressé est plus riche en azote, en matières minérales et en chlorui’e de sodium que le caviar grenu ; il est en outre plus acide que ce dernier, mais aussi plus pauvre en eau et en corps gras. Le caviar qui est en vente à l’étranger, semble être beaucoup plus riche en chlorure de sodium que le caviar de Moscou. S. Broïdo. Ueber die Verwendung von Speisenüberbleibseln {Kuchelfleisch) ats Nahrungsmitlel für Menschen (Emploi des restes de cuisine comme aliments), par le D*' Kratschmer (Dos ôsteneichische Sanilütsweseii, Wien, 17 Jânner 1901, Nr 3, S. 17). Des maladies assez graves ont été constatées à la suite de l’ingestion des restes de cuisine que les hôtels et restaurants de Carlsbad abandon¬ naient à de pauvres gens de la localité et des environs contre une légère redevance ; mais ces livraisons prirent de l’extension et il s’établit un véritable commerce de ces aliments de qualité douteuse, qui ne furent pas toujours consommés sur place et qui, expédiés à une certaine dis¬ tance, devinrent encore plus suspects par suite de leurs altérations. Il y a plusieurs catégories dans les restes de cuisine ; d’abord les débris de viande cuite, avec des tendons, des aponévroses et de la graisse, adhérents aux os, n’ayant plus une apparence présentable pour être sends ; ces morceaux peuvent très bien être utilisés pour l’alimen¬ tation, s’ils n’attendent pas et s’ils sont en parfait état de conservation. Viennent ensuite les reliefs de table proprement dits, reliquats des assiettes constitués par toutes espèces de fragments de viande avec mélange de sauces, de légumes et de condiments ; tout cet amas informe doit être versé aux eaux grasses pour la nourriture du bétail ; malheureusement on a parfois voulu profiter des morceaux de viande les plus gros et les moins déchiquetés ; ceux-ci par leur mélange avec des substances fermen¬ tescibles s’altèrent rapidement et peuvent devenir nuisibles à la santé. Enliu l’excédent du garde-manger forme la troisième sorte de restes de cuisine; ce sont les rôtis inutilisés, la charcuterie en surnombre, les viandes mal soignées ou oubliées ; tout cela est à rejeter d’une alimentation quelconque, car il y a putréfaction plus ou moins avancée. Le Conseil Sanitaire de Bohème fut saisi de réclamations concérnanl la vente et le trafic de ces restes de cuisine et, à la suite d’un rapport rédigé en avril 1898, l’autorité supérieure de Prague établit une règle¬ mentation à ce sujet. Les cuisines des hôtels et des restaurants de Carlsbad furent surveillées pendant la saison balnéaire ; les eaux grasses ne devaient être livrées qu’aux propriétaires ayant fait la déclaration d’élevage de bétail ; seules les viandes qui n’avaient pas paru sur la table et qui étaient d’apparence saine pouvaient être vendues aux néces¬ siteux : mais, pour éviter les avaries et le retard de leur consommation, le colportage en fut interdit; une surveillance active devait être exercée pour qu’il n’y ait point de confusion entre les viandes à jeter aux eau.v 104S REVUE DES JOURNAUX grasses el celles qui étaient réservées à ralimentation ; enfin il était recommandé d’adresserces dernières aux associations philanthropiques et aux cuisines populaires qui les utilisaient aux mieux des intérêts de la classe pauvre et dans les meilleures conditions de sécurité hygiénique. F.-H. Renaot. The excessive mortalily front national intempérance (La mortalité excessive due à l’intempérance nationale), par le D'' W. Carter, de Liverpool {The Brit. med. Journ., 2 février 1901, p. 295). L’auteur remarque que depuis 1837, date à laquelle on commença à enregistrer les causes de décès jusqu’en 1872, où le Royaume-üni fut divisé en districts pour les statistiques, il n’y a pas eu de changement dans le taux de la mortalité ; mais depuis elle est tombée de 22,5 à 17,2 pour 1000. En étudiant la statistique générale des décès, il montre que depuis un grand nombre d’années il y a une décroissance constante dans les décès de neuf des dix groupes de maladies générales, mais au con¬ traire une augmentation constante également pour le dixième groupe. Celui-ci, intitulé o groupe diététique », contient trois classes : les morts par inanition, par scorbut et par intempérance. Les morts d’inani¬ tion sont tombés de 18 à 12 par million, celles par scorbut sont restées stationnaires (1 par million), enfin celles par intempérance ont augmenté de 45 par million en 1875, à 77 en 1897. Ainsi non seulement l’intempé¬ rance augmente le taux de la mortalité pour tous les groupes de « mala¬ dies générales » mais encore celui du groupe diététique. Le D'' Carter écrit que si l’intempérance pouvait être si ce n’est détruite, du moins diminuée, la mortalité tomberait à 14 p. 1000. Il prouve que l’on peut mesurer le nombre d’intempérants d’un district d’après le nombre de crimes ou de délits. Ainsi dans le Lancashirc, le Northumberland et le Diiram, il y a; annuellement mille délits ou plus pour 100,000 habitants; dans le Suffolk, le Cambridgeshire, etc., il y a moins de 150 délits annuels par million d’habitants. Il préconise pour combattre l’alcoolisme l’obligation de fermer les débits pendant certaines heures de la journée, de diminuer le nombre des public-houses, etc. Comme l’a dit un éminent chirurgien , il y a une pathologie très nette ressortissant à l’alcoolisme, el il serait intéressant de calculer le nombre de traumatismes , dé mala¬ dies vénériennes (héréditaires et acquises) dus indirectement à l’alcoo¬ lisme. Catrin. Hyyienische Bevrtheüung des Thalsperrenwassers (Valem- hygiénique de l’eau des barrages), par le professeur Kruse (Centralblalt für allge- meine Gesundheitspflege , 1901, p. 145. L’eau des barrages, contenue en grande masse dans des réservoirs plus ou moins artificiellement aménagés, paraît incriminable d’une teneur de germes nocifs en raison de sa qualité originelle d’eau de surface. Les eaux d’alimentation du réservoir proviennent d’un territoire de popula¬ tion variable, imprégné de souillures ménagères el do fumures agricoles. lOifi REVUE DES JOURNAUX Le territoire d'alimentation du barrage de Solingen est de 1 1 kilomètres carrés et demi avec 1,000 habitants ; les barrages de Barmen et de Rerascheid reçoivent les eaux d’une superficie de S kilomètres carrés et demi avec une population de 430 âmes. Quand môme l’eau à son arrivée au barrage sèrait largement suspecte, elle peut être considérée à son orifice d’émission comme, purifiée par le fait même d'une immobilité et d’un repos d’une durée suffisante ; les niicroorganismes disparaissent en quelque sorte par inanition dans l’eau en cours de sédimentation et aussi sous l’influence de l’air et de la lumière. La longue durée du séjour de l’eau dans le barrage est essentielle; les canaux d’alimentation doivent avoir leur embouchure aussi loin que possible du mur de soutènement et dans la partie la plus élevée du réservoir; d’autres causes d’agita¬ tion et de trouble doivent être évitées sur les grandes surfaces d’eau emmagasinée, sur les étangs et les lacs servant à l’approvisionnement potable: ce sont la pêche, la baignade, le canotage et la navigation. Quelques grandes villes usent de l’eau de barrage sans filtration préa¬ lable et aussi sans inconvénients hygiéniques. C’est le cas de Verviers depuis vingt ans et, lors de la grave épidémie de fièvre typhoïde survenue il y a quelques années, il fut établi que la cause de l’infection était attribuable non à l’eau du barrage alimentée par la Gileppe, mais à celle d’un ruisseau, la Borchère, amenée temporairement dans la canalisation. De même, pour l’épidémie typhoïdique de Remscheid en 1900, l’eau du barrage était hors de cause pour la raison péremptoire qu’elle n’était pas en consommation pendant cette période. En Angleterre, cette terre classique de la filtration au sable, de grandes cités, Manchester, Shoffiekl, Halifax, consomment de l’eau de barrage non filtrée. Ces exemples pourraient avoir moins de valeur auprès de certains hygiénistes que les analyses bactériologiques, malgré leur discrédit relatif; néanmoins, la numération des germes restera un signe de la qualité d’une eau potable; aussi l’auteur donne un long tableau do.s analyses bactériologiques faites sur l’eau du barrage de Remscheid à la surface et dans la profondeur, à différentes saisons. Les oscillations sont considérables ; à la surface , on compte 3,800 germes après les pluies, alors qu’ après un temps calme prolongé on n’en trouve plus que quelques unités; dans la profondeur, à toutes les époques, la moyenne des germes est de 35 par centimètre cube ; c’est là un signe péremptoire de l’auto- purificalionde l’eau après un séjour convenable dans un réservoir, et la bactériologie ne fait que confirmer les résultats de la pratique. Le fonte des neiges et les gros orages déterminent dans les affluents d’un réservoir de barrage des crues d’eau limoneuse qui peuvent sérieu¬ sement troubler le fonctionnement de la sédimentation ; aussi est-il nécessaire de prendre quelques précautions contre ces causes de désordre par les mesures suivantes : la capacité du réservoir ne doit pas être infé¬ rieure à 100,000 mètres cubes, avec niveau de l’eau le plus constant, par conséquent proporlionnelte aux quantités moyennes reçues et émises; il faut un canal de dérivation pour l’excédent en temps normal, et un bassin de réserve plus oü moins en amont du barrage pour la période des ion REVUE DES JOURNAUX hautes eaux ; il importe que la profondeur du réservoir soit très considé¬ rable pour protéger les couches profondes contre les agitations de la surface et c’est à la partie la plus basse que doit être placée la prise d’émission; enfin, il serait à souhaiter que les réservoirs de barrage soient divisés en plusieurs compartiments pour régler l’écoulement de l’eau et assurer son décantage dans de meilleures conditions, à l’instar des chambres filtrantes. Quant à ses qualités organoleptiques , l’eau de barrage n’offre rien de particulier par le fait de son séjour en réservoir, et elle a la couleur, l’odeur et la' saveur de l’eau des ruisseaux d’alimentation ; la température, qui devrait rester dans les limites normales d’une bonne eau potable de 8 à 12 degrés, subit l’influence des saisons extrêmes avec un minimum de 2 degrés en hiver et un maximum de 17 en été ; ces chiffres ne diffè¬ rent d’ailleurs pas sensiblement de ceux fournis par l’eau de rivière, à la sortie de galeries filtrantes pour l’approvisionnement d’une ville. L’écueil à éviter est que le temps de la sédimentation , qui d’après les observations faites exige environ six semaines, ne soit pas exagéré, de façon à ne pas aboutir au croupissement de l’eau entraînant l’altération de ses propriétés physiques ; la surveillance du débit du réservoir peut facilement obvier à cet inconvénient, cai* il suffit que l’eau soit renouvelée complètement tous les deux mois. L’étude des modifications survenues dans l’eau stagnante a été surtout faite en Amérique dans l’Etat de Mas¬ sachusetts, tant sur les lacs et les étangs que sur les bassins artificiels, et elle a démontré l'importance du choix d’un endroit convenable pour i’^instàllation' d’un barrage, ainsi que la nécessité de débarrasser le sol qui constituera le fond du réservoir de tous les détritus organiques végé¬ taux. Si , malgré toutes les précautions prises , l’eau présente des traces de putridité attribuables plutôt aux modifications des algues qu’à l’action des bactéries, le seul remède serait la filtration par le sable ou la circu¬ lation dans des rigoles d’irrigation. En résumé , l’eau des barrages abandonne les germes et les matières en suspension tout en équilibrant sa température; les perturbations apportées par les hautes eaux et par les détritus organiques peuvent être facilement atténuées; nonobstant il serait difficile d’établir la supériorité de l’eau de barrage sur l’eau de la nappe souterraine : chaque cas par¬ ticulier comporte sa solution d’après les conditions locales, et certes l’eau d’un barrage convenablement installé peut être mise en parallèle avec beaucoup d’approvisionnements potables fournis par la nappe souter¬ raine. F.-H. Rénaux. La slenli%za%ione chimica delle acque, par le D' G. Massari {Annali d’igiene sperîmenlale, 1901, p. 331). Des expériences furent faites sur l’action stérilisante de différents agents chimiques à l’égard de microrganismes artificiellement mélangés à de l’eau potable, tels que le B. prodigiosus, le B. proteus, le bacille d’Eberth et la spore charbonneuse ; des recherches analogues furent ré¬ pétées sur des eaux d’égout, qui peuvent servir à l’irrigation de cultures REVUE DES JOURNAUX lOiS maraîchères ou être déversées dans des cours d’eau ; il s'agissait en outre de savoir si l’action des désinfectants employés contre des microbes pa¬ thogènes se retrouvait dans les mêmes conditions contre les saprogèncs. Enfin des essais furent appliqués à la neutralisation et à l’élimination des substances stérilisantes qui peuvent abandonner à l’eau une saveur mau¬ vaise ou même des propriétés nocives. Les résultats de ces différentes opérations sont consignés dans le tableau suivant : dont le prix de revient par hectolitre est seulement de trois centimes et demi. p.-H. Renaut. The neutral-red reaction us a mean of detecling bacîllus coli in mater supplies (La réaction du rouge-neutre comme moyen de découvrir le B. coli dans l'eau de distribution), par le D’’ R. H. Makoill (The Journal of hygiene, octobre 1901, p. 430). Les expériences de l’auteur lui semblent prouver qu’une eau donnant la couleur jaune-canari caractéristique dans les dilutions extrêmement faibles de rouge-neutre, au bout de quarante-huit heures dans le bouil¬ lon, et avec dégagement de gaz et fluorescence verte dans le glycose- agar, peut être considérée coume contenant du coli-bacille. Il formule ainsi la conclusion de ses recherches : 1. Le bouillon de rouge-neutre est un réactif rapide et très délicat dé¬ notant la présence du B.-coli dans l’eau; 2. En employant des quantités variables d’eau, on peut estimer gros¬ sièrement le nombre de ces bacilles, en tenant compte de l’influence des organismes inhibitoires ; REVÜE DES JOURNAUX 1049 3. Un résultat négatif, quand on n’osamine qu’un seul échantillon d’eau, peut être considéré comme la preuve de l’absence de B. coli. 4. Des recherches ultérieures sont nécessaires pour décider si une réaction positive indique toujours la présence du B. coli ; mais l’auteur n’a encore jamais observé un cas; ce bacille faisait défaut dans un échantillon d’eau qui donnait une réaction positive typique. E. Vallin. Valeur du procédé de Markl pour l'appréciation de l’humidité des murailles, par V. Marjbtzki. {Journal de la Société russe d'Hyg. Pub., 1901, n" 55, P 305.) L’auteur a fait une série de recherches dans le but de contrôler la valeur du procédé de Markl, en comparant les résultats obtenus par ce procédé à ceux donnés par la dessiccation d’après le procédé de Glâssgen légèrement modifié. Il a constaté une différence dans les résultats obtenus, oscillant entre 0,1 0/0 et 0,5 0/0 en plus ou en moins. Los causes de cette erreur sont de deux sortes : les unes donnent avec le procédé de Markl des chiffres supérieurs à ceux obtenus avec l’autre procédé, les autres donnent des chift’res inférieurs. Parmi les premières, il faut noter tout d’abord ce fait que l’alcool absolu absorbe l’eau de l’air, ce qui augmente sa densité, contrairement aux assertions de Markl. La densité de l’alcool dépend aussi du degré de solubilité des sels de chaux dans l’alcool, degré qui n’est en rapport ni avec la durée de l’action de l’alcool, ni avec la quantité des sels, mais de la teneur de l’alcool, en eau et surtout avec la teneur de la chaux en sels hygroscopiques. La présence de chaux vive ne modifie pas la densité de l’alcool, tandis que le chlorure de soude et l’azotate de soude le modifient notablement, et la présence dans la chaux des mêmes sels de potasse peut être cause d’erreurs d’appréciations considérables. Toutes ces conditions peuvent donner lieu à des chiffres supérieurs à ceux obtenus par la dessiccation. Les résultats inférieurs à ces derniers tiennent à ce que l’alcool n’absorbe pas tout l’eau hygroscopique de la chaux, une partie de cette eau étant fixée par les pores les plus fines des corpus¬ cules solides de la chaux. En résumé la précision du procédé de Markl dépend de la quantité d’eau provenant de Tair absorbé pendant l’expérience, de la quantité des sels'hygroscopiques contenus dans la chaux et de ses particules solides. Mais ces trois conditions semblent se contrebalancer, les deux premières donnent une erreur en plus et la troisième une erreur en moins. Il importe de ne se servir que d’alcool à 99“, 5' à 99,9°. Parmi les inconvé¬ nients du procédé, il faut signaler celui de choisir l’échantillon de chaux à examiner, afin qu’il ne contienne pas de matières organiques (dépôt dépoussiéré dans les vieux batiments); on est obligé déjuger d’après l’échantillon prélevé, de l’état hygroscopique de tout le mur; pendant le tamisage une partie de l’eau de la chaux se perd ; enfin ce procédé ne renseigne que sur la teneur de la chaux en eau hygroscopique, mais non sur sa teneur en eau en général. Quant à la remarque de Ballner qui lOoO REVUE DES JOURNAUX a trouvé que le fillratuin de la chaux dissoute dans l’alcool est trouble, M. Marjelzki n’a pas constaté le fait ; avec un filtre double en papier suédois on obtient un liquide parfaitement transparent. L’auteur conclut que l’erreur de 0,5 0/0 que donne ce procédé petit être négligée lorsqu’il s’agit d’apprécier l’état sanitaire des locaux, et que le procédé deMarkl se recommande par sa simplicité. S. Broïdo, The State of London seiuers, (Les rues et les égouts à Londres), by T. Blashill {Journal of the Sanitary Imtilufe, aiTÜ 1901, p. 6). Le Sanitary Instilute vient de modifier le format et la rédaction de ses publications. Depuis cinq ans, il publiait le compte rendu de ses séances, conférences, discussions, dans un recueil trimestriel, format petit in-8“, dont le 4® fascicule terminant le 21® volume a paru au mois de janvier. Désormais, ce journal paraîtra tous les trois mois en format grand in-8® ; à chaque fascicule seront réservés les princi¬ paux travaux lus aux séances avec les discussions qui en ont suivi la lecture ; on y insérera aussi les mémoires originaux des membres de cet Institut ou même de membres étrangers, sans que ces mémoires aient été lus en séance. Quant aux détails, renseignements concernant les examens, les exhibitions, l’administration du Sanitary Instituto, comme aussi les analyses sommaires de livres et de journaux, tout cela sera réservé à des Bulletins qui conserveront le format ancien et qui paraîtront tous les trois mois sous ce titre : Supplément to the Journal of the Sanitary Institute. Le premier numéro du nouveau journal proprement dit contient un intéressant mémoire de M. T. Blashill, où il déplore la malpropreté e.x- cessive des rues de Londres. Déjà l’année dernière, M. W. Niest Blain, ingénieur du métropolitain Borough à St-Pancras, avait lu un travail in¬ titulé : La condition insalubre des rues de Londres. M. Blashill ne veut pas répéter, après d’autres, que les rues de Londres sont les plus sales de toutes les villes de l’Europe ; il a vu toutes le.s grandes villes du con¬ tinent, mais il n’a jamais rien vu qui soit semblable aux rues de Londres, qu'on ne lave jamais. La boue, par les temps pluvieux, la poussière par les temps secs sont également intolérables. Il est impossible de traverser une grande voie (roadway) sans emporter à la maison avec ses chaussures des matières qui laissent des traces .sur les escaliers, les paillassons eUles tapis. M. Blashill dit que la situation est intolérable, qu’il faut la modifier; il la compare à l’excellent état des rues de Paris, de Vienne, de Prague, de Bruxelles et de Budapest. Il demande qu’à Londres on lave les rues, comme on le fait dans ces villes. Cette lecture a soulevé une irnporlante discussion. Le major Isaacs,qui pendant 55 ans a surveillé les travaux de voirie de Londres, dit que tout d’abord le conseil du comté de Londres l’avait autorisé à prendre l’eau dont il aurait besoin pour laver les rues quand elles étaient boueuses; mais quand on a vu la quantité d’eau qu’il fallait dépenser, il a reçu les plus vifs reproches de l’ingénieur en chef, parce qu’il avait sali les égouts avec la boue des rues ! Il dit que le système actuel employé à Londres est un anachronisme. Un autre ingé- REVUE DES JOURNAUX io;n nieur attribue la saleté des rues à ee que beaucoup de gens sont trop paresseux pour descendre leur escalier et porter leurs ordures dans la boîte ad hoc ; on les jette dans la rue par la fenêtre, du deuxième et du troisième étage ; la police ferme les yeux ; elle n’empêche pas non plus les boutiquiers de pousser avec le balai les balayures des boutiques jusque dans la rue, une demi-heure après que la voiture de gadoues a passé. On considère comme dangereuse et illusoire la manœuvre de ces gamins, habillés en rouge, qui se précipitent sur la chaussée dès qu’un cheval y laisse tomber son crotin et l’enlèvent pour le jeter dans une caisse cachée sous le trottoir. Un autre est d’avis qu’il ne faut pas salir les égouts avec les boues de la rue, qu’il ne faut pas laver les rues ; si l’on ne ménage pas l’eau, les machines destinées à monter l’eau des égouts seront insuf¬ fisantes pour en débarrasser les égouts collecteurs. La discussion a été longue ; elle est très intére.ssante pour les étrangers, et elle nous fait mieux apprécier la bonne exécution et le bon entretien de notre voierie. Il y a lieu de rappeler d’ailleurs que Paris dispose de 300 litres d’eau par habitant, tandis que Londres en a tout au plus 150. E. Vallin. Rheinüche Arbeilei'wohnungen (Maisons ouvrières du pays rhénan), par J. Stdbbbn (Centralblatt fûr allgemeine Gesundheilspflege, 1901, p. 79). Le sujet est d’abord résumé dans un tableau à multiples colonnes où l’on peut rechercher pour 34 villes ou centres industriels de la région bor¬ dant le Rhin (Rheinprovinz) le nombre de maisons ouvrières actuellement bâties, le chiffre de logements par maison, de chambres par logement, la disposition des latrines, le mode de construction, la superficie et le prix de location des logements, ainsi que le prix de revient des immeubles. Sur ces 34 localités, 30 ont confié l’exécution de ces sortes de cités ouvrières à des compagnies ou sociétés, 3 ont entrepris elles-mêmes ces constructions (Bergisch-Gladbach, Geldern et Rees), enfin à Merzig on a eu recours au budget du district. Dans 14 villes on a principalement bâti des maisons pour un unique ménage, maisons de famille; dans 21 autres on a construit des maisons pour deux familles; 9 sociétés ont fait édifier des maisons de rapport avec 6, 8 et exceplionellement 10 logements; suivant le prix du terrain la maison est à un ou plusieurs logements : les petites villes et les faubourgs permettent l’extension et l’indépendance de la bâtisse, tandis que dans les centres agglomérés on superpose les étages. Les différents types de maisons ouvrières sont figurés sur 10 planches lithographiées, qui sur 49 dessins permettent d’apprécier les plans, coupes, élévations et vues d’ensemble. La majorité des logements comprend trois pièces dont la cuisine, tou¬ jours séparée et considérée avec raison comme l’endroit de séjour le plus habituel des familles ouvrières ; il y a en outre dans les constructions suburbaines une mansarde, une buanderie et parfois une petite étable. Les logements ne comprenant en tout que 2 chambres abondent, tandis 10S2 REVUE DES JOURNAUX que ceux à 4 chambres se comptent. La disposition de chambres indé¬ pendantes prenant accès sur un vestibule est rare. On n’a pas encore songé à doter chaque logement d'un garde-manger en bonne situation de ventilation. Il faudrait que chaque logement ait ses closets absolument séparés; cela est souvent réalisé, mais il y a encore trop de latrines communes à de nombreux habitants. Dans les nouvelles maisons ouvrières du quartier sud de Cologne on accède aux cabinets d’aisance par un balcon extérieur, ce qui empêche les odeurs de se répandre dans les chambres. Les différentes sociétés de construction réalisent leur programme d’année en année : aujourd’hui à München-Gladbach il y a 373 maisons ouvrières avec environ 1,000 logements, à Barmen 35S maisons avec 600 loge¬ ments ; le même mouvement se poursuit dans les autres villes de la région, Düsseldorf avec 313 logements, Cologne avec 400; sous peu, partout dans le pays rhénan la population ouvrière pourra se loger dans des conditions très satisfaisantes d’économie et d’hygiène. F.-H. Renaut. The influence of the dweling upon health in relation to the chang- ing style ,of habitation (L’influence de l’habitation sur la santé), par John F. J. Sykes {The Lancet, 2,9 et 16 mars 1901, p. 599). L’auteur insiste pour montrer combien l’affluence dès habitants des campagnes dans les villes a peu à peu modifié l’hygiène de l’habitation par suite des modifications qu’on a dû apporter aux constructions et par suite de l’encombrement qui résulte de l’exode rural. Le recensement de 1891, à Londres, a montré que sur 4,500,000 habitants, près de la moitié vivent dans de petites demeures de une à quatre chambres. L’important problème qui se pose à la fin du règne si prospère de Victoria, se posa également à la fin du règne non moins glorieux d’Eli¬ sabeth, et l’auteur rappelle une série de lois datant de 1580 à 1593, dans lesquelles étaient signalés l’encombrement et le défaut des constructions de Londres, et des propositions pour remédier à cet encombrement. 11 est évident qu’actuellement l’activité professionnelle, industrielle et commerciale attire un grand nombre d’habitants dans les villes : d’où encombrement. Telle est la maladie dont il faut chercher le remède. Des règlements imposent dans les ateliers ou manufactures un mini¬ mum de 250 pieds cubes d’air par personne et 400 pendant le travail. Beaucoup de lois locales prescrivent également un minimum de 300 pieds cubes par personne dans les hôtels, etc., de même qu’il doit y avoir un cabinet pour douze personnes, etc. Mais ce sont là des minima qui ne répon¬ dent pas aux conditions de l’hygiène moderne. 11 ne faut pas oublier que la mauvaise hygiène des classes pauvres a un retentissement sur la santé des classes riches, quelle peot détériorer par la création d’épidé¬ mies. Effets, constatés sur la santé par certaines conditions d’habitation. — L’étude de la densité de la population permet de mesurer approxima- REVUE DES JOURNAUX 1083 tivement tout au moins la moyeune des conditions hygiéniques des villes et des campagnes. C’est ainsi que l’on voit que la Norvège, par exemple, qui a six habi¬ tants en moyenne par kilomètre carré, compte 30 naissances par 1,000 habitants et 16,1 morts, tandis que l’Italie, qui a 103 habitants par kilo¬ mètre carré, a 36,4 naissances et 28,3 décès, avec la France; 72 habi¬ tants 23 naissances et 22 décès. Mais les travaux statistiques de Farr, de Ogle, de Tatham ont démontré (tableaux) que les rapports entre la mortalité et la densité de la population étaient beaucoup trop complexes pour être exprimés par une formule. C’est ainsi, par exemple, que l’on voit, la diminution de la mortalité s’accentuer beaucoup plus dans les villes que dans les campagnes, grâce aux progrès de l’hygiène plus en honneur dans les milieux urbains. L’influence des occupations est très marquée sur la mortalité et finale¬ ment l’auteur conclut que les statistiques portant sur de trop grands espaces manquent d’exactitude ; ainsi, d’après six tableaux de densité de population par acre carré (40 ares) il montre que la progression de la densité amène une augmentation de la mortalité générale et spéciale dans les acres insalubres et ce, à tous les âges, mais en particulier au-des- mus de un an. Lès maladies infectieuses augmentent le plus, puis la tuberculose, enfin les maladies des voies respiratoires; si l’on pouvait immédiatement mettre à l’hôpital les maladies infectieuses, il y aurait un ordre inverse d’augmentation : maladies respiratoires, tuberculose, mala¬ dies infectieuses. Le D"’ Ogle a, du reste , montré que si l’on classe les professions par ordre de pureté de l’air respiré, on voit les maladies respiratoires et la tuberculose augmenter avec l’impureté de l’air; c’est ainsi que pour 90 maiadies respiratoires et 108 tuberculoses chez des pécheurs, on trouve chez les typographes 116 maladies de voies respiratoires et 461 tuberculoses. Dans un autre mode de comparaison, on voit que la tuberculose varie beaucoup selon les conditions de la maison. Ainsi, en Angleterre, avant 1866, la proportion de tuberculeux était beaucoup plus grande chez les femmes que chez les hommes; depuis cette époque, la mortalité a con¬ tinué à diminuer chez les deux sexes, mais beaucoup plus chez les femmes, parce que l’hygiène des habitations a fait de grands progrès. D’ailleurs Arthur Ransome a montré que dans les villes où les hommes sont surtout, employés au dehors et où les femmes restent enfermées, la mortalité tuberculeuse féminine excède de beaucoup la masculine ; si les occupations sont inverses, c’est le contraire qui a lieu. .V côté de la densité en surface, il faut tenir compte du cubage d’air par habitant; à Berlin, en 1880, on a vu que le pourcentage des décès par typhus croissait avec le nombre d'habitants d’une maison; dans les grandes villes, il en est de môme pour la tuberculose. L’expérience démontrant ces principes a été faite pour l’armée anglaise qui, à mesure que ses casernements s’élargissaient et s’assainissaient, voyait diminuer de façon progressive le nombre de ses tuberculeux ; 7,86 p. 100, de 1830 lOSi REVUE DES JOURNAUX à 1846; 3,1 p. 1000 de 1839 à 1866; 2,3 p. 1000 de 1872 à 1880; 1,23 p. 1000. Les tableaux de Russell prouvent qu’une diminution des dimensions des appartements correspond à une augmentation de. la mortalité, surtout si en même temps , il y a augmentation du nombre des personnes par chambre (Tableau). Le D' Anderson à Dundee trouve, en 1884, que dans les logements d’une seule chambre la mortalité est de 21,4 p. 1000, dans ceux de deux 18,4; dans ceux de trois 17,2; dans ceux de quatre et au-dessus 12,3, En 1885, môme travail confirmatif pour les maladies zymotiques, res- piratoirës, tuberculeuses. (Tableau). Travail confirmatif "dans le grand- duché de Bade. Le nombre d’habitants par chambre a également une influence consi¬ dérable sur la mortalité , et le nombre des chambres encombrées règle pour ainsi dire la mortalité des grandes villes. (Voir les travaux de Ber¬ tillon). A Londres, M, Shirley Murphy a montré que dans les districts sani¬ taires la mortalité par tuberculose augmente pan pass?/ avec la propor tion des personnes vivant au nombre de plus do deux par chambre, mais la mortalité par cancer ne suit pas lâ^même proportion. La mortalité générale s’accroît égalëràent. Pour l’auteur, la prédisposition à la tuberculose par suite de la dimi¬ nution de la vitalité jouerait un rôle plus important que la contagion. Effet sur ta santé de certaines espèces de maisons et d'appartements. — Les maisons construites dos à dos (back-to-back), (nord de l’Angle¬ terre) ont une mortalité par toutes maladies qui augmente avec le nombre de ces maisons : Statistiques de Tatham, àSalford (1879 à 1883), de Niven il Manchester (1891 à 1894). La mortalité sévit surtout sur les âges extrêmes de la vie. (Statistiques de Arnold Evans, à Bradfort). Un certain nombre de maisons construites à deux étages, l’inférieur servant d’écurie ou d’étable, le supérieur de’ logement pour les habitants, ont une mortalité infantile considérable (statistique de l’auteur, pour la paroisse de Saint-Pancras, à Londres) 9,04 p. 1000 enfants au-dessous de un an dans ces maisons, alors que cette mortalité est de 4,92 à Londres. Les naissances y sont plus nombreuses, (divers tableaux) et la conclusion générale à tirer de ces tableaux est que les habitants de ces maisons à étable ont une haute natalité et une haute mortalité infantile, surtout au-dessous de un an. Cette léthalité porte principalement sur les maladies zymotiques et les affections pulmonaires. L’auteur examine ensuite la mortalité par étage, dont une seule statis¬ tique existe, celle de Berlin, tout en faisant remarquer que les circons¬ tances domestiques jouent peut-être un rôle plus important que l’étage lui-même. Il consacre quelques lignes aux « maisons malades " (diseased houses), maisons à tuberculose, à pneumonie, à cancer, etc. Puis il passe en revue l’influence sur l’habitation ; des impuretés atmosphériques, de la four¬ niture des eau.\,,de l’humidité, du froid et des effluves du sol, etc. VARIÉTÉS 11 entre alors dans le détail du mode de construction : rues, blocs de rue et de maisons, arrangement des appartements, etc., etc. Nous n’avons pu que très brièvement résumer le volumineux travail du D'' JoHH F. -J. Sykes, qui devra être consulté par tous ceux qu’inté¬ resse cette vitale question de l’hygiène de l’habitation. Catkin. L’alcoolisme dans ses rapporls avec la luherculose, par le D'' Lbtixle {La lutte anlitubercaleuse, 3i mai 1901, p. 2ü). Dans cette communication faite au Congrès international contre la tuberculose, à Vienne, le D' Letulle montre, par des observations prises dans son service des tuberculeux de l'hôpital Boucicaut, que l’ouvrier parisien dépense souvent en vin et en alcool la moitié de la somme con¬ sacrée à sa nourriture journalière. L’alcoolisme, dit-il, fait le lit de la phtisie pulmonaire ; le poitrinaire non alcoolique est toujours curable ; alcoolique, le poitrinaire est presque réfractaire à la guérison dès le début du mal, car il a i)erdu l’appétit et la faculté de régénérer ses organes par l’alimentation. Le public ignore aujou/d’hui encore presque tous les dangers et les complications de l’alcoolisme, ou les tourne en raillerie. La tuberculose est précisément, parmi ces dangers terribles, celui qui parviendra le mieux, dans l’état actuel des esprits, à frapper l’imagination populaire. La crainte de la phtisie est un moyen de propa¬ gande anti-alcoolique de premier ordre. Il faiit dire à l’ouvrier, ce qui est la vérité ; pour éviter la phtisie pulmonaire, nourrissez-vous bien et ne buvez pas d’alcool. VARIÉTÉS Le jubilé de Vinciiow. — La ville de Berlin, l’Allemagne, on pourrait presque dire le monde entier, vient de fêter le 12 octobre dernier, le quatre-vingtième anniversaire de sa naissance. A côté de ses grands tra¬ vaux d’anatomie pathologique et d’anthropologie, il a fourni d’impor¬ tantes contributions à l’hygiène. Les Universités de langue alle.mande. — Les chiffres suivants in¬ diquent le nombre d’étudiants en médecine qui ont fréquenté les Univer¬ sités de langue allemande pondant l’hiver 1900, et expriment, dans une certaine mesure, l’importance relative de ces Universités : Berlin, 1,313; Munich, 1,274; Vienne, 1,188; Leipzig, 026; 'Würzburg, 543; Berne, 434; Fribourg, 387; Graz, 352; Kiel, 350; Erlangen, 333; Kœnigsburg, VAKIÉTÉS 224; Greifswald, 224; Bonn, 223; Breslau, 217; Marbourg, 217 ; Zürich, 302; Strasbourg, 296: Heidelberg, 239; üceltingen, 193; léna, 166; Rostock, 123; Czerno.wiU (Bukowine), 6. En cas de morsure par un chien enragé. — Toute personne mordue par un chien enragé ou suspect doit se présenter sans délai à l’inslitui Pasteur le plus proche; à Paris, rue Dutot, 23. Il existe des Instituts an¬ tirabiques à Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Alger, Tunis, Madagascar, Saigon. Il est nécessaire d’apporter les renseignements suivants : nom, adresse et certificat du vétérinaire qui a fait l’examen du chien mordeur vivant ou après la mort. A qui appartenait ce chien? qu’est-il devenu? avait- il été mordu par un autre chien ? sa voix, son caractère, avaient-ils changé ? ce chien a-t-il mordu d’autres personnes ou des animaux? Il est désirable d’apporter ou d’envoyer à l’Institut la tête du chien mordeur, ou tout au moins le cerveau et le bulbe conserves non dans de l’alcool ou un liquide antiseptique, mais simplement dans de la glycérine neutre à 30 degrés ; les antiseptiques rendraient impossible l’épreuve de l’inoculation à des animaux. Les consultations de l'Institut Pasteur, à Paris, ont lieu (service de ?I. Chaillou), à 10 h. du matin. Le traitement qui est gratuit, dure de 18 à 21 jours. Le malade fera bien de se loger au voisinage de l’Institut. Chaque aimée l’on traite ainsi 1,300 personnes à l’Institut Pasteur, de Paris; sur ce nombre, il n’y en a pas plus de 4 qui meurent de la rage, soit que le traitement ait été tardif ou qu’il ait échoué. La mortalité après morsure par un chien enragé était autrefois do 23 à 30 pour 100; par le traitement à l’aide des inoculations elle est tombée à 0,30 pour 100, c’est-à-dire qu’elle est cent fois plus faible. Quand le traitement est commencé avant le huitième jour, la guérison est à peu près certaine. Toutefois quand la morsure a eu lieu à la face ou à la tête, il est nécessaire de le commencer le plus tôt possible, dés le lendemain ou le surlendemain de la morsure. Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont reparties en trois catégories : A, la rage de rani¬ mai mordeur a été constatée par l’inoculation expérimentale à des ani¬ maux; B, la rage a été constatée par l’examen d’un vétérinaire; C, l’ani¬ mal mordeur est simplement suspect de rage. Ht : Pierre Auger. Pans. — trop. PAUL DUPONT, 4, rue du Boulot (Cl.) H.11.1901 REVUE D’HJ^^ENE POfâà'É .SAUTAI RE LKS SANATORIA POUn MALADES COLONIAUX EN FRANCE par M. le D' REYNADD Médecin en chef du Corps de santé des Colonies, en retraite, Professeur d’hygiéne à l’Institut colonial de Marseille. Tous les médecins spécialistes des pays chauds sont d’accord pour déclarer que le moyen le plus sûr d’obtenir la guérison des maladies endémiques intertropicales est le rapatriement des malades. C’est aussi par le rapatriement que les européens restés valides après un séjour de deux, trois et quatre ans ou plus encore, dans les climats chauds, rétablissent leur santé dans l’état intégral. Pour répondre à ce besoin qui s’impose, les périodes régulières de séjour dans les colonies réputées malsaines ont été réduites res¬ pectivement à un nombre d’années ou de mois représentant la limite moyenne de résistance des européens au pays en cause. C’est ainsi que la limite de durée du séjour est de trois ans aux Antilles et au Tonkin, de deux ans au Congo Belge et au Sénégal, de douze à dix- huit mois dans le golfe de Guinée, etc., etc., variant ainsi suivant le degré d’insalubrité des régions. Quant aux malades, ils sont rapatriés dès que leur maladie, résis¬ tant aux traitements rationnels, se prolonge au delà d’une certaine limite. La tendance actuelle des administrations coloniales publiques ou particulières est de hâter le rapatriement des malades. Ces rapatriements hâtifs ou périodiques produisent les meilleurs effets lorsqu’ils sont effectués avec des navires réunissant des con¬ ditions d’habitabilité telles que l’hygiène les réclame, et non comme REV. d’hyg. xxiu. — 67 10S8 I)' REYNAUD elles étaient sur les navires rapatriant les malades de la dernière expédition de Madagascar, par exemple. Ils ont diminué dans de grandes proportions la lélhalité des fonctionnaires ou soldats colo¬ niaux français. Le D" Rermorgant, l’éminent inspecteiir général du service de santé des colonies, est venu déclarer devant le X“ Congrès interna¬ tional d’hygiène (Paris 1900), que la morbidité et la mortalité des troupes européennes dans nos différentes colonies ont considérable¬ ment diminué et que cet heureux résultat est dû eu partie aux rapa¬ triements anticipés pour les malades. Mais pour que le rapatriement produise tous ses effets utiles dans le temps le plus court, il faut que les malades rapatriés séjournciil dans un climat approprié à l’affection dont ils .sont atteints et dans les conditions d’habitation, d’alimentation nécessitées par leur étal. Bien que le nombre des coloniaux rapatriés en France augraoiite chaque jour en proportion de l’expansion coloniale incessante, de la fréquence des expéditions et de l’accroissement des garnisons e( du nombre des colons, rien ou à peu près rien n’a été fait jusqu’ici pour répondre aux besoins impérieux qu’ont fait naître les rapatrie¬ ments hâtifs tels qu’on les pratique systématiquement depuis plus de quinze ans. — Des sanatoria spéciaux sont indispensables. 'Catégories de coloniaux rapatriés. — Les conditions spéciales que doivent présenter ces sanatoria sont dictées par l’état des malades qui doivent y être traités. Les coloniaux qui viennent demander aux climats tempérés le rétablissement de leur santé peuvent être : 1“ des malades; 2“ des convalescents ; 3“ ou, plus simplement, des débilités, épiii.sés par le climat. — Leux- ci pourraient aussi bien être rangés parmi les convalescents. Mais ce dernier qualificatif s’applique plus exactement à un élal résultant d’une maladie bien déterminée pouvant créer des indica¬ tions particulières pour la cure d’air et le traitement, tandis que les débilités, bien que présentant ordinairement un état anémique, parfois même assez prononcé, sont dans un état de santé qui est le résultat de l’action climatérique constante et excessive, mais non d’une maladie déterminée entraînant des indications parlioulières. Cette troisième catégorie peut donc être conservée, car les presciip- LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 10S9 lions qui les concernent seront simplifiées par l’absence d’antécé¬ dents morbides. Ces trois catégories ont des besoins divers qui ne permettent pas de les placer indifféremment dans une partie quelconque de l’Eu¬ rope, Nord ou Sud, en plaine ou en montagne, dans l’intérieur du continent ou sur les bords de la mer. Cependant, il est des indications communes à tous les coloniaux rapatriés, invalides de toutes les catégories ; c’est le besoin de lumière, de sécheresse relative de l’atmosphère, de chaleur modérée et d’un air pur. Ces hommes de race blanche, originaires de pays tempérés, ont tous subi dans leur organisme des perturbations fonctionnelles profondes, lorsqu’ils ont abordé les pays chauds, pour s’adapter au nouveau milieu météorique dans lequel ils étaient plongés : accélé¬ ration de la respiration et diminution de l’exhalation aqueuse pulmonaire; augmentation des pulsations artérielles et dilatation du réseau capillaire sanguin périphérique; sécrétions cutanées exagé¬ rées; diminution de la quantité d’urine et de l’excrétion de prin¬ cipes tels que l’urée, le chlorure de sodium; formation moindre de calories; — apepsie; — polycholie; — action déprimante sur le système nerveux régulateur de toutes les fonctions , d’où apathie, alanguissement, inactivité, dépression morale. La caractéristique générale est un ralentissement des phénomènes intimes de la nutrition et aussi, comme conséquence, un affaiblisse¬ ment des moyens de défense, cellulaires ou autres. A cet eftèt de l’action climatérique excessive s’ajoute chez beaucoup de coloniaux l’action aggravante des maladies les plus débilitantes, telles que la dysenterie et le paludisme. Les perturbations fonctionnelles subies dans les pays chauds vont être subies en sens inverse à leur retour en Europe. Il en résulte que ces individus se présentent dans les villes d'Europe où ils débarquent en état de réceptivité morbide prononcée. Malheureusement bien des villes où ils débarquent, telles que Marseille et Toulon , sont de véritables foyers de maladies infec¬ tieuses. Dès leur arrivée, ils vont se trouver en présence de la fièvre typhoïde, de la pneumonie grippale, de la tuberculose, affections qui forment des symbio.ses redoutables avec le paludisme et évo¬ luent avec prédilection sur les organismes débilités. Ces complica¬ tions sont d’observation journalière pour les médecins qui ont la D' REYNAUD pratique des malades coloniaux rapatriés dans les hôpitaux de Tou¬ lon et de Marseille. Hospitaliser, maintenir des malades coloniaux dans des villes aussi malsaines, cela constitue une faute grave. Les rapatriés coloniaux de toutes catégories ont besoin d’un air pur, vivifiant, réparateur, sans poussières et sans humidité, d’une habitation largement ventilléej visitée par le soleil. — Ce n’est pa.s dans une grande ville aux rues étroites et sales , aux maisons éle¬ vées, dans des hôpitaux encombrés ou des casernes malpropres el sans air, n’ayant que des cours étroites, véritables puits humides el infects, où la lumière et i’espace font défaut et où se succèdent des passagers de toutes provenances sans cesse en relation avec les milieux malsains de la ville, que les coloniaux pourront réparer rapidement leurs forces et refeii'e leur sang. C’est cependant dans des villes et des asiles ou casernes de ce genre que des soldats ou fonctionnaires français sont hospitalisés lorsqu’ils sont rapatriés. Les casernes de « la Charité » et des « Incurables » , à Marseille, réservées aux coloniaux rapatriés, autres que les malades dont l’état nécessite l’hospitalisation immédiate, sont de vieux bâtiments cras¬ seux, poisseux, humides, sans air et sans soleil , enfouis dans les quartiers les plus vieux, les plus malpropres, les plus hideux de la ville , prenant jour par de rares ouvertures grillagées sur des rues obscures, étroites, où le jet au ruisseau est pratiqué sans vei’gogiie, où l’amoncellement des ordures atteint des proportions invraisem¬ blables. Des cours étroites, bordées de bâtiments élevés, des cham¬ brées impossibles à nettoyer convenablement en raison du mode de construction des murs et des parquets, tel est le refuge, réunissant les conditions les plus détestables, qui est réservé à ces coloniaux qui, à l’arrivée comme au départ, y sont menacés par de redouta¬ bles infections. En tous cas, à peine susceptibles d’abriter pendant quelques heures des passagers valides, ces locaux sont tout à fait impropres à recevoir des convalescents à leur débarquement ou à leur soitie de l’hôpital. .4. Toulon, la situation, pour être moins mauvaise, n’est pas pour cela satisfaisante. Les convalescents coloniaux, à leur débarquenieul ou à leur sortie du magnifique et excellent hôpital de Saint-Maii- drier, sont réunis en grande partie dans les vieilles et anciennes casernes du Mourillon ou sur de vieux pontons pourris, à Tancre dans l’arsenal de Toulon. LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1061 Si l’on ajoute à cela le dépôt, quelque peu prison, de Porquerolles, où sont envoyés les soldats convalescents dénués de ressources , on aura énuméré tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour eu France poul¬ ies soldats coloniaux rapatriés. Quant aux civils et aux fonctionnaires, ils n’ont que la liberté d’aller se faire soigner là où leurs ressources leur permettent d’aller et tout autant que durent ces ressources. Cette situation demande une réforme. Elle est d’autant plus nécessaire que ces « invalides » se soignant mal ou pas du tout voient leur invalidité se prolonger pour le plus grand préjudice de leurs affaires et des finances de l’Etat ou des Compagnies. La création de sanatoria pour les rapatriés de toutes catégories s’impose. Où doivent-ils être situés ? Il faut remarquer que les paludéens qui forment l’immense majorité des « invalides tropicaux » ont leur sang encombré d’hématozoaires et constituent, à n’en pas douter, des agents de véhiculation du paludisme susceptibles de contaminer une localité si elle est humide, et si elle est infestée de moustiques (anopheles) comme bon nombre de localités basses continentales ou maritimes. Ne faut-il pas penser aussi à la possibilité pour ces rapatriés, provenant en grand nombre de régions qui sont des foyers choléri¬ ques et atteints d’entérites chroniques, d’apporter avec eux des germes cholériques qui auront plus de chance de se multiplier dans une agglomération importante et préparée à les recevoir par son mauvais état hygiénique ? On pourrait en dire autant des malades porteurs d’affections se rattachant à la filariose. Ainsi les dangers mêmes qui peuvent résulter du voisinage immé¬ diat d’un trop grand nombre de malades coloniaux rapatriés con¬ tribuent à rendre nécessaire l’établissement des sanatoria pour coloniaux hors des grandes agglomérations. Des indications particulières résultent de l’état des rapatriés de chaque catégorie. Ceux de la première catégorie, les malades, sont pour le plus grand nombre (75 p. 100 environ) atteints de paludisme à divers degrés et avec diverses complications (entérites, dyspepsie, conges¬ tion du foie, néphrite, aortite, etc.); les uns présentant déjà les phénomènes d’une cachexie grave, d’autres ayant encore des accès répétés ou atteints d’une rechute pendant la ti-aversée , d’au- 1062 D' REYNAUD très n’ayant plus que des accès éloignés, déjà rétablis en partie pendant la traversée, malades de types fort divers pouvant subite¬ ment devenir graves sous des influences dont il faut savoir les pré¬ server. Le reste des rapatriés comprend, suivant leur provenance, une plus ou moins forte proportion de dysentériques ou diarrhéiques, des hépatiques, des anémiques convalescents de l'une ou l’autre de ces affections. Tous ces malades et aussi bon nombre de rapatriés de la deuxieme catégorie (convalescents), en raison des dangers que leur fait courir l’adaptation nouvelle au climat tempéré, en raison aussi de la néces¬ sité de continuer leur traitement, en raison de la pi-emière sélection qu’ils doivent subir à leur débarquement, ont besoin d’être reçus dans un établissement ayant tous les organismes et tous les appro¬ visionnements d'un hôpital complet, situé dans une localité possé¬ dant un climat assez modéré pour rendre inoffensives les perturba¬ tions fonctionnelles du retour, les réactions de la nouvelle adaptation. Plus tard, après une sélection et un stage dans cet établissement, ils pourront être dirigés dans un sanatorium plus simplement orga¬ nisé, s|^uatoriuin du deuxième degré qui ne sera plus qu’une maison de convalescents et non un hôpital avec ses rouages compliqués. Quelques convalescents, rapatriés de deuxième catégorie , et la plupart des rapatriés de la troisième catégorie pourront, suivant la saison ou suivant les indications de leur constitution ou de leurs antécédents morbides, être dirigés d’emblée sur l’établissement du deuxième degré, sans subir de stage prolongé dans rétablissemeni du premier degré. Ainsi, il convient d’avoir deux ordres de sanatoria : des stations de traitement (sanatoria du premier degré), et des stations de con¬ valescence d’une organisation plus simple (sanatoria du deuxièinc degré) . CONDITIONS CLIMATÉIUQUES NÉCESSAIRES POUR CHAQUE ORDRE DE STATIONS Les phénomènes biochimiques que détermine l’adaptation à un climat nouveau chez les rapatriés invalides est susceptible de rompre l’équilibre des moyens de résistance et de les annuler. A l’excitation première du système nerveux produite par le premier froid ressenti peut succéder une dépression profonde. Ces phéno- LES SANATOaiA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1063 mènes , constatés dans les sanatona des pays chauds et qui en ren¬ dent le séjour impossible à un certain nombre d’itivalides, seront très accentués pendant la saison d’biver en Europe, même dans le Midi. Il n’est pas rare dans ces conditions d’observer sur des sujets jusque-là indemnes en apparence l’explosion subite d’accès de fièvres paludéennes compliquées même d’bématurie, de dysenteries fort graves. Bien des fonctionnaires ou soldats revenant de la Cochinchine, après deux années passées sans maladies dans la colonie, ont été pris subitement d’entérite aiguë à leur arrivée dans la Méditerranée ou à Toulon. La possibilité de ces accidents ou des rechutes , non moins que les complications telles que l’hémoglobinurie, les accidents bilieux, les hépatites suppurées, et aussi les symbioses avec le bacille d’Eberth ou le coli-bacille, fréquentes à Marseille et à Toulon, imposent la plus gi’ande circonspection dans le choix du lieu des stations du premier degré aussi bien que l’époque du retour en Europe. Le rapport du D'' Dryepondt, au sujet des sanatoria dans les colo¬ nies, contient les opinions émises par un certain nombre de méde¬ cins spécialistes des maladies tropicales sur la saison et le climat qui conviennent le mieux aux coloniaux rapatriés. Ces opinions très peu divergentes peuvent être ainsi résumées : En hiver, il faudra être extrêmement prudent pour les « tropical invalida » (Moore ; — Indian diseases ; p. 60) et entourer le malade de pré¬ cautions pour éviter les refroidissements, surtout en cas d’anémie profonde, de dysenterie, d’hépatites suppurées, de paludisme chro¬ nique (Moore). Ces affections, il s’en faut de beaucoup, ne guérissent pas aussi vite eu Angleterre que si on laisse le malade pendant un certain temps à la Biviera française ou italienne, par exemple (D"® Black, Preitiier, Reiseger, Bourguignon, Groothoff, vaiiBarmen T’Loo, etc., etc.). Le séjour intermédiaire dans uii climat modéré¬ ment chaud est avantageux pour les « Coloniaux invalides». Ceux-ci courent des dangers à cause de leur sensibilité au froid et de la per¬ turbation de certaines fonctions, notamment de la cessation de la transpiralion. Ces dangers sont atténués si le retour a lieu en été (D'' Bourguignon). C’est aussi mon opinion acquise après vingt-huit ans de pratique des maladies tropicales et d’après mes observations faites sur moi-même, paludéen depuis vingt-deux ans. La suscepti¬ bilité des coloniaux paludéens est aussi très grande à l’cgard de l’humidité. 1064 D' REYNAUD Les variations des pays tempérés ne seront pas très dangereuses pour les « invalides tropicaux s à la condition expresse qu’ils pi-ennent des précautions minutieuses pour se préserver du froid (D” Kermorgaut, Groothoff) . La conclusion logique de cette consultation de médecins très autorisés est de faire arriver les malades exotiques en Europe de préférence pendant l’été, ou mieux encore, de leur ménager iiiic transition favorable en les faisant séjourner d’abord dans le midi de l’Europe. La France, à cet égard, est merveilleusement située et dotée pour recevoir ses malades coloniaux dans les meilleures conditions, car ses ports méditerranéens ont des climats favorables, en hivci' comme en été, au séjour des rapatriés. Les malades ne pourraient être envoyés directement dans le nord de la France que pendant quelques mois d’été. Emplacement des stations Les stations de traitement (1“ degré) seront-elles dans la plaine, dans la montagne, sur le bord de la mer ou dans l’intérieur des con¬ tinents ? La cure d’air en altitude a des avantages considérables, mais peut être très dangereuse pour des coloniaux qui y seraient soumis d’emblée à leur arrivée en Europe. Les avantages du climat d’altitude pour le rétablissement de la santé sont bien connus de tout le monde et il vient immédiatement à l’esprit de l’utiliser au profit des coloniaux en Europe comme on le fait d’ailleurs dans les sauatoria des colonies. A la pureté de l’atmosphère des montagnes, qui est telle, que dans les grandes altitudes elle équivaut à une stérilisation faite au laboratoire et qu’à 1,000 mètres déjà les germes microbiens sont très rares, viennent s’ajouter l’abaissement de la tempéi’alme (1“ environ pour 166 mètres), l’extrême sécheresse de l’air pendant les beaux jours, une étonnante luminosité. Ces conditions favora blés produisent une excitation des fonctions nutritives et respira¬ toires, une exaltation des phénomènes d’échange, dont le résultat est la restauration globulaire, l’augmentation du poids, le retour des forces et de l’activité. Sous i’effet de i’air froid, de la vie à l’air libre et pur il se produit une hypercythémie chez les convalescents LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1063 comme chez les valides; chez les premiers l’hypercythémie est per¬ sistante. Mais il y a des inconvénients dont il faut tenir compte quand il s’agit de malades coloniaux. Ce sont d’abord les vents qui y sont fréquents, très dangereux en hiver, parfois fort désagréables en été (le fœhn des Alpes) ; ce sont ensuite la pluie en été et la neige en hiver. Certaines régions, telles que les massifs du Jura, les versants ouest des Alpes vaudoises, exposées aux vents d’ouest qui arrivent chargés des nuages récoltés à la surface de l'Océan, sont particuliè- ment pluvieuses (1,038 millimètres d’eau à Lausaune; — 1,384 mil¬ limètres d’eau à Montreux ; D" Rcgnard, La Cure d’altitude, 1898). Les brouillards très fréquents en automne et au printemps se montrent aussi en été après la moindre pluie. A ces inconvénients déjà si notables se joignent les variations considérables de la température du jour à la nuit, d’uii jour à l’autre, d’une saison à l’autre. Les altitudes, ordinairement fréquentées par les convalescents ou les villégiateurs, ont pendant toute l’année, à l’exception de la fin du mois de juin, des mois de juillet et août, une température trop froide pour que des « invalides tropicaux » puissent s’y risquer d’emblée. Qu’il s’agisse des stations Dauphinoises, Savoisiennes, Juras¬ siques, Valaisannes, Vaudoises, etc., toutes sont inabordables pour eux pendant l’hiver. Malgré les températures exceptionnelles de-j-lO” qu’on a pu observer en plein mois de janvier sur les plateaux bien exposés, le froid peut atteindre et dépasser dans les grandes alti¬ tudes — 20°. Il est en général de — o° à — 10° le malin et s’il fait chaud au soleil au milieu du jour celle chaleur ne se mainlient que tant que brille le soleil, c’est-à-dire de une heure à cinq heures au maximum chaque jour et elle n’est utilisable que pour ceux qui peuvent se rendre au soleil. En été, la moyenne thermique est satisfaisante, mais les minima sont encore très dangereux pour des coloniaux malades de la pre¬ mière catégorie. Ainsi on a relevé (voir Regnard, loc. cil.) : Localités Hiver à Zurich (4% m.).... — 3°,0 — 11°,1 -(-5-,4 à Davos (1 ,561 m.) . . . — 6», 5 — 19°, 9 + C“,3 à Arosa (1,852 m.),.. — 5°,0 —17°,! 5*,8 1066 REYNAUD Eté Moyenne Minimum Ma.\imum à Zurich (496 m .) . — 16%0 — 8»,2 -f 27”,4 à Davos (1,861 m.)... —10”, 8 — 0”,7 -t- 25“,0 à Arosa (1,852 m.)... — 9”,1 — 0",4 + 22”, 1 Pendant la saison d’été, à Weissenstein (1,248 m.) , d’après La Harpe, cité par Regnard, les moyennes de température observées ont été : Mois Moyenne Minimum Maximum Juin . 2,7 21,4 Juillet . . 13,7 5,7 23,9 Août . . 14,9 4,6 22,2 Septembi'c. . . . . 9,7 0,8 19,6 D’après ces exemples la température des hautes monlagnes a des oscillations si étendues et des abaissements nocturnes si prononcés qu’ils constituent des contre-indications formelles pour un grand nombre de rapatriés coloniaux de la première catégorie. Les dysen¬ tériques ont des rechutes graves dès leur arrivée dans les stations hautes. Les climats d’altitude, on le sait, prédisposent particulière¬ ment les dysentériques, les paludéens, les dyspeptiques aux conges¬ tions et aux abcès du foie en raison des variations nycthémérales étendues. Enfin les paludéens, même ceux n’ayant eu jusque-là que des formes peu graves et espacées, des accès tierces ou hebdoma¬ daires par exemple, peuvent être atteints, sous l’influence d’un froid brusque, de fièvre bilieuse continue ou de fièvre bilieuse liémo- globinurique, ou aussi de fièvre compliquée d’asphyxie locale des extrémités (maladie de Raynaud), ainsi que le prouvent les observa¬ tions de Moursou (voir Précis de pathologie exotique de Le Dantec). Par conséquent les stations de grande altitude, au-dessus de 1,400 mètres, sont impropres au traitement des malades coloniaux de première et deuxième catégorie en hiver et en été. En second lieu les paludéens ou les anémiques, présentant de l’éréthisme nerveux ou des tendances aux congestions, les palu¬ déens ayant une tare organique : lésions cardiaques ou aortiques, de l’artério-sclérose, des lésions rénales ou hépatiques, conges¬ tions ou scléroses, des lésions pulmonaires congestions, broncliilc chronique; les dysentériques ou diarrhéiques ayant des accidciils chroniques ou aigus ; les cachectiques ; les anémiques très dépri- LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1067 mes, les arthritiques, les rhumatisants, tous ces sujets seront impropres à bénéficier des ressources du climat des altitudes moyennes (de 800 à ■1,400 mètres), en hiver et en été, à leur arrivée en Europe. Après un long séjour en plaine ou à de très faibles altitudes et après la disparition des principaux phénomènes morbides, quelques-uns d’entre eux pourront être envoyés en alti¬ tude moyenne en été. Les autres coloniaux invalides, anémiques, dyspeptiques, palu¬ déens sans éréthisme à accès éloignés, indemnes des tares énon¬ cées plus haut, convalescents, bénéficieront du séjour en altitude moyenne pendant l’été. Les faibles altitudes, au-dessous de 800 mètres, leur conviennent également, même pendant l’hiver si elles sont ensoleillées, sèches, préservées des vents du nord ou des vents pluvieux, et si les habita¬ tions y .sont convenables. Dans ces conditions, les faibles altitudes peuvent convenir à bon nombre de malades coloniaux de la pre¬ mière catégorie, mais pendant l’été seulement. D’une manière générale, tous les coloniaux rapatriés invalides quels qu’ils soient se trouveront bien de faire un stage, dont la durée variera suivant leur état, dans une station située en plaine, ou mieux sur des plateaux ou monticules peu élevés, à climat sec, protégée contre les vents du nord. La durée du séjour dans ces sanatoria du premier degré sera prolongée pour les malades de pre¬ mière catégorie, principalement ceux qui ont l'une des complica¬ tions énumérées ci-dessus. Les stations du premier degré situées dans le midi pourront recevoir les malades en toutes saisons. Celles du nord de la France ne pourront les recevoir guère qu’en été (de juin à se[itcmbre) . CHOIX DES STATIONS. 1° Stations d’altitude (2° et 3° degré). — Les conditions locales exigibles pour les stations d’altitudes des coloniaux ne diffèrent pas de celles qu’on recherche pour les autres malades : sol sec, per¬ méable, de suffisante inclinaison pour permettre l’écoulement de l’eau ; situation sur un plateau abrité ou à flanc de coteau ou dans une vallée très large, au-dessus de la zone des brouillards ; exposi¬ tion au soleil et aux brises du sud ; pi'otection contre les vents du nord et tous les vents froids ou humides; voisinage des forêts qui assainissent et donnent de l’ombre pendant les heures chaudes du D' REYNAUD jour en été ; forêts ou bouquets d’arbres encadrant la station à quelque distance sans gêner la \ue. Rien n’est attristant comme une station enfouie dans le fond d’une vallée étroite où l’horizon est borné de tous côtés. Les coloniaux habitués, par leurs voyages aux grands espaces libres, aux horizons infinis de la mer, aux vastes étendues des rizières indo-chinoises ou des plaines soudanaises, aux immenses vallées du Nil, du Congo, du Mé-Rong, etc., souffrent plus que les autres de ce séjour dans une vallée resserrée, si ver¬ doyante qu’elle soit. Il leur faut du soleil et de l’espace. L’accès de l’altitude doit être facile par voies ferrées, ou au moins par bonnes routes carrossables, car les coloniaux atteints d’affections dtt foie ou de l’intestin souffrent beaucoup des cahots des voitures. A cet égard, il importe que la région où sera située la station d’altitude soit peu éloignée du point de débarquement et n’exige pas un trop long et trop pénible voyage pour l’atteindre. Par conséquent, si les malades sont débarqués à Marseille ou ii Toulon, c’est dans les- Alpes françaises ou les Cévennes, ou dans les montagnes de la Corse qu’ils seront dirigés. Si le débarquement a lieu à Bordeaux, les coloniaux seront dirigés sur les Pyrénées, 11 ne s’agit ici que des sanatoria destinés aux coloniaux français ou autres venant demander au climat de la France leur rétablissement. Dans les Alpes, les Cévennes, les Pyrénées et aussi en Corse, les lieux favorables à l’établissement de ces sanatoria sont innombra¬ bles. Mais il faut reconnaître que jusqu’à ce jour il n’a pas été fait grand’chose pour offrir, dans nos montagnes non moins belles et salutaires que les autres, des habitations convenables pour des malades. La routine, le snobisme et le charlatanisme ont dirigé les Français, comme les autres, vers les stations étrangères, pour le plus grand dommage de nos intérêts et aussi des intérêts de nos ma¬ lades condamnés ainsi à des voyages prolongés pour aller' chercher fort loin, dans des hôtels cosmopolites, ce que notre sol incompa¬ rable peut leur offrir avec une variété qui ne laisse rien à désirer. Pour les coloniaux en particulier, c’est sur notre tei’ritoire que se trouvent les étages de climat les plus favorables et à la portée très pioche des ports de débarquement, sur le pourtour de celte Riviera française qui est le rendez-vous des invalides de tous les pays. Or, qu’a-t-on fait jusqu’ici pour eux ? — Rien. Parmi les localités des Pyrénées réunissant des conditions favo- LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1069 râbles aux invalides coloniaux on peut citer, d’après les indications contenues dans l’ouvrage du D’’ Regnard ; 1® Les environs de Cauterets où se trouvent : a Le Val de Lutour(l,S46 m.), vallée plate et insoleillée ; eau pure, forêts : b Région du « Pont d’Espagne ® (1,488 m.) ; 2° Les environs de Luchon où se trouvent des sites innombrables depuis 1,100 mètres jusqu’à 1,S00 mètres ; 3“ Les environs des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes (Ariège); au-dessous de 1,200 mètres présentant toute une série de gradins, exempts de brouillards, ensoleillés et bien aérés, capables de rece¬ voir des stations du premier degré. Parmi les localités des Alpes, il est facile de trouver des stations étagées, à différentes altitudes, de Grenoble à Briançon et Bourg- d’Oisans ; sur la ligne de Gap à Briançon, sur la ligne de Digne à Barcelonnette, sur les contreforts des Alpes-Maritimes en bor¬ dure sur la Méditerranée, tout est à créer pour les stations de colo¬ niaux. Paruii les stations déjà existantes et pouvant fournir d’utiles Indications on est en droit de citer : 1“ Dans la région du mont Pelvoux : Le Mon:ielier . I,49o m. d'aliiiude. ; le Müiiie - o.")! m. j formant le groupe les stations savoisiennes j Monnetain. . . 712 m. > de la { les 13-Arbres. 1,171m. ) Salève. Pralognan . 1,424 m. j au-dessus du groupe Le Revai’d (prés d Aix-les-Raiiis;. 1,545 m. ( précédent. . Les stations de Salins-Moustiers (492 m.), de Brides (o70 m.) sont aptes suivant les cas à servir de stations intermédiaires, ajou¬ tant aux ressources d’un climat déjà plus frais les ressources théra¬ peutiques de leurs eaux chlorurées. Les stations de Digne et de Gréoulx pourraient remplir le même office à l’égard des stations d’altitude établies dans les Hautes ou Basses- Alpes. De même les hauteurs des Alpc.s-Maritimes, où le sanatorium de Tliorenc (1,200 m.) a été récemment installé très confortablement, ont sur leurs gradins inférieurs des localités parfaitement propres à 1010 !)■• REYNAtlD recevoir des stations du premier degré. Les environs de Grasse, par exemple, réunissent un ensemble d’excellentes conditions. En Corse, la station d’altitude si remarquable de Vizavoiia aurait ses premiers éclielons sur les premiers gradins des massifs montagneux voisins d’Ajaccio. Ce sont là de simples indications, et je ne saurais prétendre énu¬ mérer tous les points des montagnes françaises susceptibles de rece¬ voir des sanatoria pour coloniaux et, non plus, réclamer des sana- toria aussi nombreux que les localités que je viens d’énumérer. Il appartiendra aux organisateurs de ces établissements de choisir les points les plus favorables. Mes préférences vont à ceux qui, à valeur sanitaire égale, seront les plus rapprochés des plages de débarquement voisines d’une voie ferrée, ayant sur le parcours qui y conduit des stations intermédiaires, telles que Gréoulx et Digne pour la vallée de la Durance, Gorbières, Mornex, Monnetier pour les hauteurs savoisiennes, les contreforts des Maures et de l’Esterel pour les Alpes provençales. linlin, mes préférences vont à celles qui sont les moins fréquen¬ tées par les sociétés mondaines qui vont dans les hauteurs par mode plus que par besoin. 2“ Stations de plaine ou stations basses (1" degré). — Les sta¬ tions du premier degré, en plaine, sur un plateau peu élevé, sur un monticule ou sur le littoral, sont nécessaires pour servir de premier échelon à ceux dont l’état permet le traitement en altitude et indispensables pour tous ceux qui par leur extrême sensibilité au refroidissement ne peuvent, à aucun moment de leur maladie, être envoyés en altitude sans être exposés à des rechutes ou des com¬ plications par l’effet du refroidissement trop prononcé. Le choix du terrain sur lequel sera édifié le sanatorium doit porter sur un terrain sec, incliné, perméable. Au premier rang des conditions nécessaires, il faut placer l’absence de flaques, mares, canaux, lagunes, bassins à eaux stagnantes, pouvant servir à la reproduction des moustiques anophèles qui sont les véhicules des hématozoaires des paludismes. Les stations de plaine de la région du sud-est devront être abri¬ tées des vents du nord, nord-ouest et ouest, très froids, très vio¬ lents et très fréquents. Dans le sud-ouest elles seront mises à l’abri des vents d’ouest, très humides et très fréquents. On recherchera le voisinage d’un cours d’eau, des ombrages où des éclaircies sont LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1071 judicieusement ménagées ; à proximité, quoique hors du périmètre, des agglomérations importantes où l’approvisionnement en toutes choses et l’assistance médicale soient possibles. Les stations du premier degré peuvent être continentales ou mari¬ times. Les stations maritimes ont sur les autres l'avantage de l’équi¬ libre de température, de la constance dans le climat, d’une fraî¬ cheur plus persistante en été grâce aux brises de mer, d’un air plus pur et plus vivifiant, de la possibilité de compléter la cure hydro¬ thérapique par les bains d’eau de mer. Enfin, avantage notable, elles peuvent être au voisinage même du port de débarquement. Mais elles sont difficilement tolérables pour les invalides coloniaux névropathes irritables, rhumatisants, asthmatiques. L’humidité qui y règne, en plus grande abondance, que dans les stations continen¬ tales, peut devenir un inconvénient sérieux pour quelques palu¬ déens. Cet inconvénient est très marqué sur les côtes de l’océan pendant une gi’ande partie de l’année ; il l’est beaucoup moins sur le littoral méditerranéen. Il y aura avantage à placer le sanatorium continental ou maritime, sur un monticule, ou sur le versant d’un monticule, à l’abri des grandes brises, des vents humides et au- dessus des brumes. Sur le littoral ou à l’intérieur ces sanatoria, destinés à servir de premier échelon aux convalescents, aux débilités, aux malades légers et de lieu de traitement aux malades plus graves, sont indis¬ pensables. Aucun établissement de ce genre n’a encore été métho¬ diquement organisé. Cependant sur le littoral méditerranéen l’île de Porquerolles reçoit des militaires convalescents dépourvus de res¬ sources suffisantes pour être soignés dans leurs familles. C’est plutôt une caserne ou une prison qu’un vrai sanatorium. L’hôpital de Saiut-Mandrier mérite beaucoup plus le titre d’hô¬ pital de coloniaux. Il a été pendant longtemps le dépôt de tous les militaires malades alités arrivant des pays chauds. Ses belles pro¬ portions, sa situation dans une presqu’île parfaitement salubre, boisée, pittoresque, en font pour des coloniaux un séjour salutaire dans un site merveilleux. Il a comme inconvénients d’être orienté au nord, de telle sorte qu’il est balayé par les brises froides et les vents violents du nord et du nord-ouest, et de recevoir tous les malades contagieux de la flotte ou de l.’arsenal. Enfin, une étroite discipline prive les malades des promenades dans la colline boisée dépendant de l’hôpital, et des promenades sur le bord de la mer et 107i D' REYNAUD aussi des bains. C’est un excellent instrument imparfaitement utilisé. Actuellement, l’immense majorité des malades débarque à Mar¬ seille. L’hôpital de Sainl-Mandrier, si supérieur à tous les autres, reste donc en partie inutilisé pour le plus grand dommage des coloniaux militaires. Quant aux civils , il n’a jamais rien été fait pour eux. A leur débarquement, ils ont comme ressource d’entrer dans les hôpitaux civils de Marseille, encombrés de malades conta¬ gieux et qui ne sauraient passer pour des modèles de confortable et d’hygiène. Ces hôpitaux reçoivent ainsi 1,200 malades par an. Les autres se répandent dans l’intérieur. Les plus fortunés vont dans les villes d’eaux lorsque la saison le permet, souvent au gré de leurs caprices, logés dans des hôtels cosmopolites au milieu d’une population très bigarrée, soumis à l’alimentation surabon¬ dante ou irritante des tables d’hôte surchargées de mets compliqués. Ceux qui ont vu les coloniaux à Vichy savent combien le régime alimentaii-e auquel ils se soumettent est peu fait pour des malades et des organismes débilités. Etant donné que les coloniaux débarquent à Marseille, à Toulon et à Bordeaux , il y a lieu d’installer des sanatoria au voisinage de ces trois villes ; à Marseille sur le versant sud des chaînes monta¬ gneuses qui courent au nord de la ville (massif de la Nerthe, etc.); à Toulon sur le versant sud des massifs du Faron ou sur la pres¬ qu’île de Saint-Mandrier; — pour la région de Bordeaux, dans les environs d’Arcachon, de Biarritz, de Dax, de Pau. — D’une ma¬ nière générale, en raison des brumes persistantes du littoral bor¬ delais pendant Y hiver, il y a avantage, en cette saison, à diriger tous les malades sur les rives méditerranéennes , soit en Provence, soit en Corse. 1° Stations du littoral de l’Atlantique. — Grâce aux eaux à température élevée et constante qui le baignent, le littoral Atlan¬ tique a un hivei’ peu froid et un été peu chaud : Moyennes saisonnières : Été . 20»,44 Automne _ t5®,41 Hiver....... 3®, 87 Printemps. . . 12®,63 (Le mois le plus froid est janvier (3°,20). Moyennes des mois d'été: Juin . t9®,îiC Juillet . 20®,65 Août . 21®,07 Septembre. . 19°,34 Bien que le degré hygrométrique moyen annuel (en centimètres), d’Arcachon (77®) , soit inférieur au degré hygrométrique de Brest LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1013 (85“,7), cependant les vents d’ouest humides y sont fréquents et fort désagréables lorsque les dunes couvertes de pins ne les arrêtent pas. Les vents sont plus violents à Biarritz qu’à Arcachon. L’atmos¬ phère de- Pau est plus douce, mais est aussi chargée d’humidité. Dax est mieux abrité, les variations thennométriques y sont insi¬ gnifiantes, mais l’humidité y est plus élevée (80 à 90“) qu’à Arca¬ chon. Les trois stations de Dax , Arcachon et même Pau i-eprésentent des types à adopter pour les coloniaux ayant besoin d’un climat sédatif et tonique, tels que ceux atteints d’anémie, nerveux, ayant des complications pulmonaires, cardiaques, hépatiques, rénales. 2“ Littoral méditerranéen. — Sur la côte d’Azur, depuis Marseille jusqu'à Menton, dans cette zone si connue qui est déli¬ mitée au Nord par les chaînes montagneuses détachées des Alpes et allant jusqu’aux embouchures du Rhône et au Sud par la mer, il existe un échelonnement ininterrompu de sites pittoresques , à cli¬ mats gradués, sur les pentes boisées des contreforts montagneux qui viennent baigner leurs pieds dans la mer. Grâce à cette cein¬ ture de montagnes, la côte provençale est, en bon nombre de points, abritée contre les vents du Nord. Il est inutile d’insister sur les avantages de son climat, connus du monde entier. Je les résume en disant qu’ils forment un ensemble des plus favorables aux colo¬ niaux, ensemble incomparable : température moyenne de l’hiver de 4-9° à 10° (8°,38à Nice ; -f- 8°, 9 à Cannes ; -f-plus basse à Marseille); exceptionnellement au-dessous de 0° (de 1 à 12 jours chaque hiver) ; encore ces grands froids se produisent-ils plutôt par un ciel bleu, très clair, avec un beau soleil, sous l’effet d’un rayonnement intense du sol ; quelquefois aussi ils se produisent sous l’effet d’un coup de mistral (vent du N.-O.). Brises constantes; brises de mer (104 jours sur 1S2 jours d’hiver; d’après l’eyssère); calmes pendant les mois de décembre et janvier; vents d’Est humides et pluvieux moins fréquents que les vents d’O. et de N.-O. ; ces derniers, violents et froids, nettoient l’atmosphère et assèchent le sol. Les sanatoria de cette région doivent être abrités contre ces vents de N. et de N.-O. de manière à bénéficier de leur action assainis¬ sante sans être soumis à leur action directe. Le nombre des jours de pluie est peu élevé (64 à 6S jours à Nice pour 140 à Paris) ; la neige n’y fait que de rares et courtes appari- REv. d’hyo. xxm. — 68 loti D-^ REYNAUD tiens. L’humidité très faible (63 à 69 p. 100) est insuffisante poui- gêner l’évaporation cutanée et pulmonaire. La partie de la côte comprise entre Hyères et Menton est la plus favorable aux sanatoria coloniaux. Cependant, entre Toulon et Mai - ■seiile on trouve des sites, dans les environs de Cassis , de la Ciotat, au nord de la banlieue de Marseille, qui sont suffisamment abrités. Ainsi, le choix est très étendu pour les spécialistes chargées de déterminer les emplacements appropriés aux besoins des invalides tropicaux. Mais il y aura toujours à tenir compte de la proximité nécessaire des ports de débarquement, de l’élévation du prix des terrains et des aliments , des inconvénients des stations trop mon¬ daines. Quoi qu’il en soit, c’est dans cette zone, en relations fréquentes par les voies ferrées avec les ports de débarquement et jouissant d’un climat exceptionnellement doux et propice aux coloniaux, que seront édifiés les stations de traitement (premier degré). CONSTRUCTION DES SANATORLt. Simplicité et économie dans les constructions ; tel est le principe à suivre et qu’il est facile de suivre pour cette catégorie de malades peu exigeants. Les établissements du deuxième degré seront parti¬ culièrement simples n’ayant plus à abriter que des convalescents. En raison de la multiplicité nécessaire de ces sanatoida, leur construction coûteuse nuirait à la réalisation de cette œuvre de première nécessité. Le nombre des coloniaux à abriter peut être eu efiet considérable, car par le seul port de Marseille, en 1900, il est arrivé 213,644 passagers de toutes provenances et sur ce total les fonctionnaires ou soldats, coloniaux dépendant des administrations publiques, étaient au nombre de 14,000. Les progrès incessants de la colonisation font prévoir un accrois¬ sement annuel du nombre des invalides coloniaux rapatriés. Si les asiles de premier et de deuxième degré qui seront édifiés sont judicieusement construits, on peut compter que bon nombre des coloniaux des autres nations viendront demander au climat de notre Midi le rétablissement de leur santé. La clientèle de coloniaux de toutes nations est faite de gens peu fortunés. Les sanatoria de coloniaux seront installés à bon marché ou ne seront pas. Mais l’installation k bon marché n’implique pas nécessairement LES SANATORU POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE IMS des installations sommaires, privées du confort élémentaire comme on en voit trop dans les sanatoria des pays chauds. Elle implique l’utilisation et l’appropriation méthodique de constructions déjà existantes, anciens couvents, magasins ou usines, anciens châteaux, ou la construction de bâtiments dépourvus de décorations architec¬ turales sans profit pour l’hygiène, édifiés sur des terrains n’exigeant pas des infrastructures dispendieuses , au voisinage des cours d’eau et des voies de communication. Les travaux d’aménagement du sol sont les mêmes dans tons les cas : ils ont pour but l’assèchement du sol par drainage et culture, de mauièi'e à éviter la foi’mation de nappes d’eau ou de foyers d’humidité susceptibles de favoriser la pullulation des moustiques. Pour la même raison les fosses à fumier, les fossés sans pente et sans écoulement seront supprimés ; les fosses fixes prohibées et l’éloignement des immondices pratiqué soit à courts intervalles, soit par courant continu. Le débroussaillement ou déboisement sera tel que le soleil puisse frapper plusieurs heures par jour cha¬ cune des chambres ou salles de repos. Des rideaux d’arbres seront ménagés pour abriter contre les vents froids ou humides du Nord ou de l’Ouest suivant la région. Les bâtiments à plusieurs étages ont l’avantage d’être plus éco¬ nomiques et sont sans inconvénients pour les coloniaux invalides. Les pavillons isolés multiples, indispensables pour les hôpitaux destinés à recevoir des contagieux , tels que les hôpitaux généraux des grandes villes, ne sont plus indispensables dans les établisse¬ ments destinés aux malades exotiques, atteints de paludisme, dysen¬ terie, anémie, toutes affections ne nécessitant pas l’isolement. C’est tout au plus si un ou deux petits pavillons d’isolement seront néces¬ saires pour recevoir des contagieux qui auraient pu échapper à la sélection qui sera faite à l’arrivée dans le port de débarquement et dans la station du premier degré. Les constructions neuves seront ainsi peu coûteuses. Mais si elles sont dépouillées de dispositions architecturales inutiles, elles doivent assurer aux coloniaux le large renouvellement de l'air, la vie à l’air et à l’abri des intempéries, et la protection contre le froid. Dans les constructions anciennes ou nouvelles, de larges ouver¬ tures seront disposées sur les façades visitées par le soleil; sur ces mêmes façades des vérandas larges de trois mètres seront dis¬ posées à chaque étage, avec des châssis vitrés mobiles; elles per- 101(5 REYNAUD mettront aux malades qui ne peuvent pas aller à la promenade de rester au grand air, au voisinage de leur lit. Par la fermeture exacte des portes et des fenêtres et un chauffage multiplié dans toutes les salles , mais dont le système sera déterminé par l’état des ressources disponibles, on protégera les coloniaux contre les refroi¬ dissements si dangereux pour la plupart d’entre eux. Il n’est pas nécessaire de subdiviser l’hôpital en petites salles qui augmentent les difficultés et les dépenses du sei*vice. Deu.x ou quatre cabinets en tête des principales salles suffiront pour l’isole¬ ment éventuel de quelques malades graves. — Les salles d’examen ou de triage à l’entrée , les laboratoires multiples , les luxueuses salles d’opération sont inutiles. L’importance de ces hôpitaux dépendra de la région qu’ils doi¬ vent desservir et de leur nombre. Pour diminuer les frais généraux, il est bon d’avoir des établissements pouvant recevoir environ loO ou 200 convalescents. Quant au nombre de ces établissements, il n’est pas excessif, étant donné le nombre de 1,800 malades hospi¬ talisés d’urgence chaque année à Marseille sans dispositions spé¬ ciales, de prévoir la nécessité pour la seule région du Sud-Est d’uu hôpital civil et d’un hôpital militaire , ou d’un grand hôpital mixte de 200 lits, avec un sanatorium du deuxième degré en altitude dans les Alpes provençales d’une importance égale. Les bâtiments affectés aux invalides coloniaux sont de trois ordres distincts comprenant chacun un ou plusieurs pavillons sui¬ vant l’importance de l’établissement : 1® Un ou deux pavillons pour les malades de première catégorie; 2® Un ou deux pavillons pour les convalescents de deuxième et troisième catégorie; 3® Un lazaret pour le traitement et l’isolement des maladies con¬ tagieuses se manifestant inopinément parmi les pensionnaires de l’établissement. De plus, il faut réserver une place dans l’un ou l’autre pavillon pour les services généi’aux. Dans les sanatoria d’altitude moyenne réservés uniquement aux convalescents il y aura encore deux catégories de bâtiments; la deuxième et la troisième, — le lazaret étant toujours nécessaire, quoique avec des dimensions plus restreintes. La disposition en pavillons parallèles, séparés par des cours spacieuses et plantées d’arbres , reliées en tête par un. passage cou^ LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1077 yert mettant en communication toutes les salles et le bâtiment des services généraux, est la plus avantageuse. Chaque salle pourra contenir 30 à 40 lits et assurera 40 mètres de cubage individuel. Sans entrer dans le détail de la construction et de l’ameublement de ces bâtiments qui doivent réunir les meilleures conditions d’asepsie, de ventilation et d’ensoleillement, il est bon de noter les particu¬ larités que l’espèce de malades hospitalisés rend nécessaires. Le mo¬ bilier très sommaire, avec lits en fer et sommier métallique du type des hôpitaux coloniaux, comprendra toujours des moustiquaires pour chaque lit, non seulement pour préserver les malades des piqûres des moustiques abondants surtout dans les régions méri¬ dionales, mais aussi pour que les moustiques ne viennent pas s’in¬ fecter en suçant le sang des paludéens et aillent ensuite infecter les autres habitants de la région. Parmi les annexes nécessaires à tout hôpital moderne , tels qu’un laboratoire de clinique dans la station de traitement (premier degré), une salle et une étuve de désinfection, il est un complément indispensable de tout établisse¬ ment destiné â recevoir des coloniaux , c’est un ensemble d’appa¬ reils hydrothérapiques assez complet pour pouvoir administrer depuis le simple bain jusqu’à la douche intestinale. Ce traitement, de première nécessité pour les affections paludéennes, dysenté¬ riques ou hépatiques, et aussi de l’anémie, demande pour être appliqué des constructions bien closes, aérées, chauffées en hiver. L^abondance de l’approvisionnement d’eau est donc une condi¬ tion nécessaire de la localité à choisir. La cure d’eau complète la cure d’air. Des cours et jardins entoureront les bâtiments. Une surface totale de 3 à 4 hectares est le minimum exigible pour per¬ mettre les promenades , les jeux , la vie an grand air. La clôture de l’établissement avec des grillages et des haies vives est inévitable, qu’il s’agisse de militaires ou de civils , pour prévenir les sorties illicites, les introductions d’aliments prohibés et aussi les échanges de maladies contagieuses avec les habitants de la localité. En con¬ séquence, une grande surface de jardins et de cours est tout à fait indispensable. L’alimentation comporte comme aliment de premier ordre du lait de bonne qualité et en abondance. C’est l’aliment de choix non seulement pour les dysentériques, toujours nombreux , mais aussi pour la majorité des paludéens dont les facultés digestives sont 1078 D'REYNAUI) profondément troublées, indépendamment des lésions rénales ou hépatiques dont ils peuvent être porteurs. Les légumes frais et les fruits frais entrent pour une bonne partie dans l’alimentation des paludéens et la localité choisie devra être largement pourvue des uns et des autres. Le prix de revient de la construction des stations du premier degré ne dépassera pas 3,000 francs par lit. C’est un maximum qui ne sera pas atteint grâce à la simplicité de l’architecture, de l’ameu¬ blement, et à l’adaptation du type des bâtiments à étages. La simplicité plus grande encore des stations du deuxième degré per¬ mettra de rester beaucoup au-dessous de ce chiffre. La possibilité de réunir les malades en grand nombre sans incon¬ vénient sanitaire, l’adopfon des systèmes d’éclairage peu coûteux, à l’huile ou au pétrole, la faible dépense entraînée par le chauffage dans les stations situées en région méridionale réduiront au mini¬ mum les dépenses d’entretien, d’autant plus que les dépenses phar¬ maceutiques seront insignifiantes et que les dépenses du personnel subalterne , infirmiers , hommes de peine , seront très réduites , les travaux d’entretien et d’exploitation pouvant être exécutés en grande partie par des convalescents hospitalisés moyennant de faibles avan¬ tages . De cette manière, la dépense journalière d’entretien pour chaque pensionnaire atteindra à peine de 2 fr. 50 par jour. TEMPS DE SÉJOUR Les coloniaux sont rapatriés à toute époque de l’année ; les plus malades sont renvoyés de la colonie dès que leur état s’aggrave on menace de se prolonger ; les convalescents et les petits malades sont renvoyés au début de la mauvaise saison qui commence soit dans les premiers mois de l’année , pour les colonies de l’hémis¬ phère Nord, soit dans les derniers mois de l'année, pour les colonies de l’hémisphère Sud. Ainsi, en tout temps, les navires déversent dès cargaisons d’invalides coloniaux sur les quais des ports euro¬ péens. Reçus dans les établissements spéciaux, situés et outillés de maiiière à les recevoir en hiver comme en été, leur séjour durera aussi longtemps que la santé ne sera pas complètement rétablie. LES SANATORIA POUR MALADES COLONIAUX EN FRANCE 1079 C’est (lire qu’il sera très prolongé. Deux et trois mois de séjour continu, après l’entrée en convalescence, ne sont pas de trop poiu- réparer les graves désordres occasionnés par la maladie et le climat. Chacun sait que les paludéens restent fort longtemps avant de voir leurs accès de fièvre non pas disparaître définitivement, mais s’espacer suffisamment pour permettre le retour des forces et de l’appétit, la disparition de leur teint terreux et de l’anémie. Le critérium de l’amélioi-ation suffisante est dans l’augmentation pro¬ gressive et régulière du poids de l’individu, indiquant avec certitude le rétablissement des fonctions normales de nutrition. Plusieurs mois, souvent cinq à six consécutifs, quelquefois même davantage, ou deux saisons successives, sont nécessaires pour la réparation solide des lésions organiques des grands malades. Ce long séjour est particulièrement applicable aux coloniaux, qui, à leur sortie de l’hôpital, ne trouveraient pas chez eux les ressources qu’exige le rétablissement complet de leurs forces, par une conva¬ lescence accomplie dans le repos , sans travail , dans une maison saine, avec une alimentation suffisante. La majorité des soldats et des petits colons est dépourvue de ces ressources ou ne les trouve que pour un temps trop court. Il m’a été donné, fréquemment, comme médecin du service colonial à Marseille, de voir de ces mal¬ heureux , petits foncti(.nnaires ou employés , réduits à la plus affreuse misère par une convalescence prolongée, avec une solde diminuée, impuissants à subvenir à leurs besoins les plus stricts et encore moins aux dépenses d’un traitement prolongé , me suppliant, bien que débilités et malades encore, de les laisser repartir pour une colonie où, au moins, « ils ne crèveraient pas de faim » ! ! Com¬ bien de fois ai -je vu des soldats , convalescents , sans famille , sans ressource , après leur sortie de l’hôpital , errants dans les rues des grandes villes, mendier un secours à toutes les portes et revenir ensuite à la caserne ou à l’hôpital, incapables de servir, plus épuisés qu’à leur sortie de l’bôpilal. Que de temps et de forces perdues ! Quelles infortunes humiliantes pour une grande nation ! Ce sont ces misères qu’il s’agit de faire disparaître en ouvrant des asiles, des sanatoria, où ces infortunés achèveront le rétablisse¬ ment de leur santé ébranlée ou ruinée dans la part qu’ils ont prise, colons ou soldats, à l’œuvie de colonisation qui s’impose à la France. L’État, les Sociétés de secours, les particuliers am’ont chacun leur rôle dans cette assistance qui, pour être complète et 1080 REYNAUD efficace, doit être effectuée dans les sanatoria et aussi dans des dispensaires, véritables « Maisons des Coloniaux », analogues à la « Maison des Marins » , assurant , dans les principales villes un refuge aux coloniaux qui y trouveront des offres d’emplois, des secours, un abri, les soins matériels, médicaux et moraux. L’évolution philanthropique qui anime tous les peuples et toutes les classes sociales et qui sera la marque de ce siècle, doit être pro¬ fitable à toutes les infortunes. Demandons pour les invalides de la colonisation une part de la sollicitude publique. CONCLUSIONS Des sanatoria destinés aux coloniaux sont indispensables pour parfaire l’œuvre excellente des rapatriements hâtifs. Les sanatoria édifiés en Europe seront situés en dehors des agglomérations urbaines importantes. Pour permettre le retour en Europe dans toutes les saisons aiLiL « invalides coloniaux » de toutes provenances, ces sanatoria doi¬ vent être situés dans les régions les plus tempérées de l’Europe, de préférence dans le Midi de la France, au voisinage des poils d’ai'rivée. Il y a lieu , en raison des indications diverses fournies par les états divers des « invalides coloniaux », d’établir des stations basses (premier degré), et des stations d’altitude (deuxième degré). Tous les rapatriés invalides feront un stage dans les stations du premier degré et y subiront une sélection avant d’être envoyés dans les sta¬ tions du deuxième degré. Les stations d’altitude ne seront pas situées au-dessus de L'atoll mètres environ. Les stations basses auront avantage à être au voi¬ sinage de la mer et en pleine campagne. Le Sud-Est de la France continentale et la Corse offrent la plus grande somme d’avantages climatériques. Les sanatoria de coloniaux seront édifiés, aménagés et adminis¬ trés avec le souci du confort nécessaire, mais aussi avec la simpli¬ cité qui permettra de ne pas dépasseï’ le pi-ix moyen de 2,S00 fr. par lit pour frais de premier établissement, et de 2 fr. oO par jour de frais de traitement individuel. L’urgence des sanatoria coloniaux s’impose à l’opinion, aux pou¬ voirs publics, aux Sociétés privées et publiques, comme consé¬ quence de l’expansion coloniale. D' BEZANÇON. — DÉSINFECTION PAR L’EAU DE JAVEL 1081 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE ET DE GÉNIE SANITAIRE SÉANCE DU 27 NOVEMBRE 1901. Présidence de M. le D*' Letülle, ancien vice-président. DK L’EAU DE JAVEL GOMME MOYEN PRATIQUE DE DÉSINFECTION Par M. le O' Fernand BEZANÇON Agrégé, Médecin des hôpitaux de Paris. Pour que la pratique de la désinfection puisse se vulgariser dans les petites villes, et dans les cainpagiies en particulier, il est nécessaire que les agents de désinfection dont on préconise l’emploi, soient d’un prix de revient peu élevé, d’un maniement facile, d’un usage très répandu. L’eau de Javel du commerce, qu’on trouve dans le plus petit village et dont l’emploi est familiei’ à toutes les ménagères, remplit la plupart de ces conditions et nous paraît devoir prendre place comme désinfectant pratique à côté de la lessive, que M. Delorme préconisait tout récemment comme un succédané de l’étuve à désin¬ fection. De nombreuses expériences, en particulier un travail très docu¬ menté de MM. Chamberland et Fernbach, ont montré le pouvoir- antiseptique du chlore et des hypochlorites de l’eau de Javel (hypo- chlorite de soude) ou de la solution à 1 p. 120 de chlorure de chaux, qui sont plus actifs que la solution acide de sublimé au millième. MM. Chamberland et Fernbach préconisent surtout la solution de chlorure de chaux. Il nous a semblé que cette dernière solution, intéressante au point de vue des recherches de laboratoire, ne pouvait entrer dans la pratique, le chlorure de chaux qui sert à l’obtenir étant un corps de consei-vation très difficile et n’étant pas d’un usage courant au point de vue domestique, et qu’il fallait recourir à l’hypochlorite de 1082 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE soude répandu partout sous le nom d’Eau de Javel * , si cet agent conservait son pouvoir antiseptique à un degré de dilution tel qu'il puisse sans inconvénient être mis au contact du linge et de la literie. MM. Chamberland et Fernbach préfèrent le chlorure de chaux à l’eau de Javel, parce que celle-ci laisse après évaporation un résidu souvent assez abondant. Expériences. — Des fils de soie stérilisés, trempés dans des cul¬ tures de bacille pyocyanique, colibacille, choléra, diphtérie, tétra¬ gènes, ont été mis au contact d’une dilution d’eau de Javel. Eau de Javel titrant . 34 degrés chlorhydriques Eau bouillie . 7 pendant 24 heures, 18 heures, 12 heures, 6 heui’es, 4 heures, 2 heures. Les fils ont été retirés de la solution, lavés soigneusement à l’eau bouillie et portés dans un tube de bouillon. Tous les tubes ont été stériles. Nous avons répété la même expérience avec des morceaux d’étoffe stérilisés que nous avons imbibés des diverses cultures pré¬ citées; les résultats ont été les mêmes qu’avec les fils. Dans une deuxième série d’expériences, nous avons cherché à nous rapprocher davantage des conditions de la pratique. Nous avons pris des fils imbibés de cultures et les avons laissés séjourner dans l’eau de Javel diluée pendant trois heures. Nous nous sommes servis de dilution au 1/12°, au 1/14° et même au 1/30°. Ces dilutions ont parfaitement stérilisé les fils à la température de 18 à 20 degi'és. Dans une troisième série d’expériences, nous avons cherché l’action destructive de l’eau de Javel sur des poussières et sur des germes plus résistants que ceux que nous avons cités plus haut. Nous nous sommes servis de la terre : 1 centimèti’e cube de terre a été délayé dans 19 centimètres cubes d’eau ordinaire ; à ce mélange, on ajoute 1 centimètre cube d’eau de Javel et on laisse au contact 18 h.. S, 3, 2, 1 heure à 20 degrés. On prélève une trace de la terre et on l’ensemence sur des tubes de gélose et de bouillon. 1. La plupart des eaux de Javel u’out d’ailleur'i pas cet inconvénient et, ce résidu existerait-il, qpi’il n’apporterait pas d’obstacle à la pratique de la désin¬ fection. D' BEZANÇOX. — DÉSINFECTION PAR L’EAU DE JAVEL 1083 Après dix-huit heures et même aprèscinq heures, la terre est abso¬ lument stérile, mais le contact pendant une heure et deux heures est insuffisant. Après trois heures, on n’assiste au bout de vingt-quatre heures de culture qu’au développement d’un petit nombre de colo¬ nies, mais au bout de quarante-huit heures le tube de culture est couvert de colonies ; après quatre heures de contact, la stérilisation est presque complète, mais cependant encore insuffisante. Nous avons cherclié, si dans ces conditions, une dilution plus forte au ou au 30' donnerait le même résultat. 1%'ous n’avons pas obtenu de stérilisation. Il faut donc, et nous avons répété plu¬ sieurs fois l’expérience, un contact prolongé, cinq heures d’une dilu¬ tion au 20' d’eau de Javel pour stériliser I centimètre cube de terre. Dans une dernière série d’expériences nous avons pris des linges imbibés de crachats tuberculeux desséchés ; ces linges ont été mis au contact pendant trois heures d’une dilution d’eau de Javel au 1/30'. Des fragments ont été prélevés, lavés à l’eau, et les uns ensemencés, les autres inoculés sous la peau de cobayes : ceux-ci sacrifiés quatre mois après l’inoculation ne présentaient aucune lésion tuberculeuse. En résumé, une solution d’eau de Javel à 34 degrés chlorométri- que, diluée au 30“, c’est-à-dire titrant un peu plus d’un degré chlo- rométrique, correspondant au taux de solution qu’emploient les ménagères pour le blanchiment du linge, stérilise les divers microbes pathogènes, en particulier le bacille tuberculeux, pourvu qu’un contact de trois heures soit établi. Seuls, certains germes sporulés contenus dans la terre ne sont pas détruits par la solution au 30', mais sont détruits par la solution au 20'. Si l’on se rappelle, d’autre part, que, d’après des essais effectués par MM. Bernard et Decourt, l’action de l’hypochlorite de soude n’altère pas d’une façon sensible la résistance des tissus d’origine végétale, dans les conditions où il est pratiquement employé pour le blanchiment et la désinfection, c’est-à-dire au taux de 1 à 4 de¬ grés chlorométriques après trois heures d’imprégnation et après lavage prolongé à l’eau, on pourra conclure que l’eau de Javel est un des désinfectants les plus pratiques et les meilleurs que l’on puisse employer, non seulement pour la désinfeciion des vases con¬ tenant des selles ou des crachats, mais encore pour la désinfection de la literie. 108* SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE DISCÜSSION M. le D'' VALLm. — J’ai fait, il y a deux ou trois ans, pour le service mu¬ nicipal d’assainissement, des expériences sur l’eau de Javel, en vue d’uti¬ liser les solutions étendues pour désinfecter les crachats des tuberculeux indigents secourus par les bureaux de bienfaisance, à Paris. Je crois me rappeler que la solution au trentième altérait profondément les fins tissus de toile et de coton, et qu’il fallait descendi o jusqu’aux solutions à 1 pour 50 ou pour 100. Je rechercherai ces chiffres et je les apporterai à la prochaine séance. M. le D' Louis Martin. — Je puis communiquer à la Société le résultat d’une expérience pratique : à l’hôpital Pasteur, j’ai employé l’eau de Javel en solution au cinquantième pour désinfecter le linge. J’ai dû cesser son emploi, car souvent le linge a été brûlé. Quand on emploie l’eau de Javel comme désinfectant du linge, il faut, par des rinçages prolongés, bien enlever toute trace d’hypocldorile, c’est là un point essentiel très difficile à réaliser ; aussi j’estime que c’esi surtout dans les ménages où le rinçage est fait avec soin que l’emploi de l’eau de Javel peut rendre de grands services. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la communi¬ cation de M. Bechmann sur l’Épuration bactérienne des eaux d’égout (Voir page 1002). M. le D' Calmbtte. — Le problème de l’épuration des eaux d’égout étant actuellement en discussion, non seulement au sein de la Société de médecine publique et de génie sanitaire, mais aussi dans plusieurs com¬ missions officielles à Paris et en province, il me paraît utile de rassem¬ bler les résultats des expériences pratiques et des recherches scientifiques récentes qui sont de nature à préciser nos connaissances sur cet impor¬ tant sujet. M l’ingénieur en chef Bechmann, dans une note publiée par la Revue d’hygiène (nov. 1901), a rendu compte des impressions qui se sont fait jour parmi les ingénieurs sanitaires au Congrès du génie civil tenu à Glascowau mois de septembre 1901. Ces impressions ont été quelque peu confuses, et si elles sont en géné¬ ral plutôt favorables aux procédés bactériens expérimentés dans la plu¬ part des grandes villes anglaises depuis cinq ou six ans, elles laissent percer une pointe de dépit parce que ces procédés n’ont pas tenu, jus¬ qu’à présent, toutes les promesses de leurs promoteurs. On e.st cependant tombé d’accord pour déclarer qu’ils semblent dès à présent appelés à remplacer l’épuration agricole; non point que l’on doive déjà renoncer à celle-ci lorsqu’elle existe, mais parce qu’elle per¬ met de réaliser, sur la même surface, l’épuration d’un volume d’eau au moins 35 fois plus considérable dans le même temps, et parce qu’on peut l’installer partout sans se préoccuper du pouvoir absorbant ou de la perméabilité des terrains. D' CALMETTE. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1085 Une foule de points particuliers demandent cependant encore à être éclaircis: on constate, par exemple, qu’avec certaines eaux, les lits bac¬ tériens se colmatent et que, pour éviter cet inconvénient, on est obligé d’efl'ectuer un dégrossissage préalable perdes moyens mécaniques (grilles ou bassins de repos), ou bien de séparer à l’aide de précipitants chimi¬ ques les particules solides en suspension. Ailleurs, on reproche aux fosses septiques de ne pas solubiliser toutes les boues et d'exiger des nettoyages trop fréquents, sans lesquels leur capacité volumétrique se réduit en quelques mois à la moitié ou au quart de ce qu’elle était à l’origine. Ailleurs enfin, on se plaint que les eaux épurées renferment un très grand nombre de bactéries, parmi lesquelles on peut rencontrer le bacte. rium eoli et presque tous les microbes pathogènes qui existaient dans l’eau d’égout avant l’épuration. Je reconnais volontiers que ces griefs doivent être fondés partout où on les a formulés. Mais je me hâte d'ajouter que, si les ingénieurs an¬ glais, avant d’appliquer le système bactérien à toutes les eaux rési¬ duaires, s’etaient astreints à faire, dans chaque localité, des expériences préalables sur une petite échelle, avec un contrôle bactériologique et chimique bien organisé, ils se seraient épargnés, sans aucun doute, les demi échecs et les déboires, d’autant plus désagréables qu’ils succédaient, chez eux, à un véritable emballement ! Il n’est pas douteux que, dans certains cas faciles à déterminer, les procédés bactériens réalisent 'une épuration parfaite et rapide, alors que, dans d’autres cas, suivant la nature et la composition des matières qui constituent les boues, ils ne parviennent à solubiliser celles-ci qu’incom- plètement ou avec une trop grande lenteur. Deux villes, si voisines qu’elles puissent être, comme Lille et Roubaix en France, Manchester, Bradford, Leeds en Angleterre, n’ont jamais les mêmes industries. Leurs eaux résiduaires sont, dès lors, très différentes. 11 n’y a rien de commun entre la composition des eaux de la basse Deûle qui reçoit la majeure partie des égouts de Lille, et les eaux de l’Espierre, souillées par les résidus de peignages de laine et des teintu¬ reries de Roubaix-Tourcoing. Manchester envoie à ses égouts des rési¬ dus de filatures, de tissages et d’usines métallurgiques; Bradlurd, comme Roubaix, y déverse de prodigieuses quantités de savons, de matières grasses, de suint provenant du lavage des laines. Yeovil reçoit dans ses eaux-vannes les jus épuisés de ses nombreuses tanneries. Comment s’étonner que les mêmes procédés ne réussissent pas égale¬ ment bien à épurer des mélanges si complexes et si variés de substances organiques dont quelques-unes, les matières grasses par exemple, sont particulièrement résistantes à la désintégration par les bactéries? En réalité, les données du problème changent dans chaque cas parti¬ culier et il est imprudent d'atfirmer, sans essais préalables, la possibilité d’appliquer avec succès le système bactérien à l’épuration d’une eau ré¬ siduaire quelconque, sauf dans les circonstances très rares où les eaux- vannes ménagères ne se mêlent à aucune eau résiduaire d’industrie. 1086 SOCIÉTÉ DÉ MÉDÉCINÉ PUBLIQUÉ Il est donc tout à fait indispensable de préciser les conditions qui doivent, suivant les circonstances, permettre l'adoption des procédés bactériens ou en faire rejeter Remploi Les expériences comparalives poursuivies à Manchester depuis cinq ans sur une très large échelle nous fournissent, à cet égard, d’utiles enseigne¬ ments que j’emprunte pour la plupart à une publication toute récente de M. Gilbert Fowler, chimiste principal des services municipaux de celle grande villei. « En dépit des sinistres présages de quelques-uns, écrit l’auteur, on ne peut plus douter que les méthodes d’épuration bactérienne des eaux d’égout soient destinées à se répandre de plus en plus universellement. Et quand on parle d’épuration bactérienne, if faut aussi comprendre sous cette dénomination l’épandage sur sol cultivé ou sur sol nu. Mais, comme dans la majoriië des cas, surtout autour des grandes cités du Nord, il est impossible de disposer d’assez vastes espaces de terres perméables, on doit s’efforcer de réaliser l’épuration duplus grand volume d’eau possible sur le plus petit espace possible, n Il est actuellement démontré : 1° Que, par les procédés bactériens seuls, bien conduits, on peut n!'- tenir une épuration parfaite et régulière des eaux d’égout ; 2° Que les eaux résiduaires industrielles, à part les exceptions sur les¬ quelles nous insisterons tout à l’heure, sont justiciables, en général, du même traitement; 3“ Qu’une grande quantité de boues peut être solubilisée ou décom¬ posée en éléments gazeux. — Fosses septiques. — Le fonctionnement normal du système bacté¬ rien comporte l’établissement de fosses septiques où s’opère la dissolution ou la désintégration moléculaire des substances organiques attaquables par les baciéi-ies, et des lits de contact où s’effectue la nitrification de l’efffuent des fosses septiques. Les fosses septiques doivent être aménagées de telle manière : 1“ Qu’elles puissent dissoudre ou gazéifier la plus grande masse de boues possible ; 2“ Qu’elles produisent un effluent ne contenant plus que des substances solubles facilement nitrifiables et ne renfermant qu’une très minime quantité de matières solides en suspension ; 3” Que les gaz et odeurs qu’elles dégagent ne soient pas une cause de gêne ni de dangers. On ne doit pas oublier que seules les matières organiques sont décom- posables par les bactéries, de sorte que. si des matières minérales (sable, charbon, débris de lér ou de minerais) sont entraînées dans lus fosses septiques, elles y restent inatlaquées, s’y accumulent et diminuent bien¬ tôt dans une proportion notable leur capacité volumétrique. 11 est donc 1. Sume points in lhe management of septic ta.nks and bacterial contacts beds. — Journal of State medicine. Londres, 1901. D' CALMETTE. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1087 indispensable d’eu efifectaer soigneusement la séparation au moyen de grilles ou de bassins de décantation à chicanes. On devra également retenir autant que possible les matières cellulo¬ siques (bois, débris végétaux) qui ne se désintégrent qu’avec une grande lenteur. Ces matières peuvent être avantageusement recueillies avec les rési¬ dus de charbon qu’entrainent toujours les eaux d’égout, et brûlées dans un destructeur d’ordures qui peut ainsi fournir à l’établissement d’épura¬ tion la force motrice dont il a besoin, en même temps que les scories nécessaires à l’entretien des lils de contact Si la presque totalité de ces substances insolubles est retenue, la des¬ truction de celles qui sont décomposables s’effectuera alors totalement dans les fosses septiques, mais la fermentation, dans ces dernières, ne s’établira que lentement, avec une mtensité croissante, en quelques semaines. On ne devra donc alimenter la fosse septique avec de nouveaux ap¬ ports d’eaux d’égout que lorsque la fermentation sera suffisamment active. A partir de ce moment, les nouveaux apports seront continus et calculés de manière à ce que chaque molécule de liquide séjourne vingt-quatre heures au moins dans la fosse avant de se présenter à la sortie. Il n’est pas utile et il peut être nuisible qu’elle y séjourne plus longtemps, car la fermentation anaérobie prolongée des substances organiques amène la formation de certains produits tels que l'acide butyrique, qui intoxi¬ quent les ferments nitrifiants et détruiraient l’activité des lits de contact. On a beaucoup discuté la question de savoir s’il est préférable de cou¬ vrir les fosses septiques pour favoriser les fermentations anaérobies et pour éviter les mauvaises odeurs. On doit admettre aujourd’hui que cette couverture est tout à fait superflue. Les odeurs qui se dégagent . des fosses septiques ne sont ni malsaines ni desagréables. Pour de très grands volumes d’eaux en fermentation, comme à Manchester, ces odeurs ne sont pas plus gênantes que celles que l’on perçoit au voisinage des usines à gaz, et elles s’en rapprochent beaucoup par leur nature. D’autre part, la construction des fosses couvertes, beaucoup plus coû¬ teuses, ne serait justifiée que s'il s'agissait de recueillir les gaz combus¬ tibles pour les utiliser par exemple au séchage des matières séparées par les grilles. Mais la valeur’ minime de ces gaz ne saurait compenser le prix des voûtes; de sorte que les fosses découvertes, sauf dans des cir¬ constances spéciales, seront toujours préférées. — Lits bactériens acrobies, ou de contact. — Les lits bactériens aéro¬ bies doivent répondre aux trois conditions suivantes : 1“ Produire un bon travail de nitrification ; 2° Conserver une capacité volumétrique à peu près constante; 3“ Coûter le minimum de frais d’établissement. Pour que le travail de nitrification soit bon et régulier, il faut que l’effluent des fosses septiques ne présente pas de trop grandes variations de composition. 11 faut aussi que le drainage des lits soit assez parfait pour qu’ils se vident entièrement et se laissent bien pénétrer par l’air. Si l’aération devenait insuffisante et si l’eau stagnait dans leurs couches 1088 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE profondes, \G5-fermenU nitn/iants périraient bientôt et seraient rempla¬ cés par des ferments déniM/iants. Pour que les lits conservent une capacité volumétrique à peu près constante, il est très important d’éviter qu’ils reçoivent des eaux mélan¬ gées de sable ou d’autres matières insolubles. Avec de bons dispositifs de décantation, cela est toujours possible. Mais il y a d’autres causes qui entraînent constamment, — surtout au début du fonctionnement des lits, — des pertes notables de capacité. Ces causes sont : 1“ Le tassement et la désintégration des scories ; 2® La multiplication des bactéries nitrifiantes et d’un très grand nom¬ bre de bactéries banales qui finissent par encombrer les pores des sco¬ ries et y former des amas de zooglées gélatineuses. Si on place dans un tube relié à un manomètre un peu de celte gelée zoogléique, on constate qu’elle absorbe de l’oxygène, qu’elle dégage de l’acide carbonique et qu’il se produit une dépression de plusieurs centi¬ mètres de mercure. Celte expérience montre qu’il n’est pas utile d'aérer les scories par un courant d’air artificiel, car il s’établit un appel liés suffisamment intense d’oxygène jusque dans les couches profondes des lits. Lorsqu’on répète plusieurs fois par jour les remplissages en diminiiaiii la durée des périodes de repos, l’épuration peut rester bonne, mais les bactéries se développent avec une telle activité que les lits devienrienl bientôt spongieux et retiennent une très grande quantité d’eau. On observe alors que l'efficacité de l’épuration augmente quand la capacité des lits diminue; et cette diminution de capacité peut devenir telle qu’elle supprime les. avantages de l’augmentation d’efficacité. Il convient alors de ménager, à intervalles plus ou moins éloignés, des périodes de une à deux semaines de repos, pendant lesquelles l’excès de bactéries disparaît. Un des lits de contact d’expériences de Manchester, dont la capacité était, au début, de 19,000 litres, tomba à 6,700 litres pendant l’hiver de 1899-1900, et, en mars 1901, après quinze mois de fonctionnement ré¬ gulier et continu, sa capacité se maintient à 9,000 litres grâce à des pé¬ riodes intermittentes de repos. L’expérience a montré que les périodes de repos ne devaient jamais dépasser quinze jours : au delà de ce délai, les lits se dessèchent el l’activité des microorganismes décroît dans des proportions considé¬ rables. Ces résultats ont conduit M. Fowler à reconnaître qu’il était tout à fait mauvais de laver fréquemment les matériaux des lits bactériens comme l’avait proposé Dunbar, de Hambourg. Ce lavage chasse les zooglées gé¬ latineuses et les lits ne redeviennent efficaces que lorsque celles-ci se sont développées de mouveau. En résumé, pour assurer le fonctionnement régulier et normal des lifs bactériens, voici les précautions que l’on devra prendre : 1“ Régler la mise en route, au début, avec des intervalles de repos cl d’immersion suffisants pour permettre aux bactéries de se multiplier- D' CALMETTE. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1089 Une seule immersion par 24 heures conviendra le mieux, et celle-ci de¬ vra durer une heure seulement, jamais plus. Après une semaine on fera deux immersions de une heure chacune par 24 heures. Après trois semaines, les lits pourront supporter définitivement trois immersions, toujours de une heure chacune par 24 heures ; 2° On devra doser soigneusement, chaque jour, à la sortie des lits, l’ammoniaque, les nitrites et les nitrates. Si on observait une diminution de la teneur en nitrates et une augmentation des nitrites, cela indiquerait un mauvais drainage et la présence de ferments dénitrifianls dans les couches profondes des scories . 3° Les variations de capacité volumétrique des lits seront rigoureu¬ sement notées. Lorsqu’on constatera une diminution rapide ou brusque, on laissera les lits au repos. 4“ Pendant l’hiver, on évitera les longues périodes de repos, car le froid ferait disparaître les bactéries actives tandis que la température toujours assez élevée des eaux d’égout entretient bien leur vitalité. S’il est néces¬ saire de laisser reposer les lits, on diminuera plutôt le nombre des rem¬ plissages quotidiens. 5“ Les matières insolubles entraînées à la surface des lits ne doivent jamais s’y accumuler sur plus de 6 à 7 centimètres d’épaisseur. Si cette épaisseur tendait à augmenter, il faudrait les enlever en les ratissant avec un râteau fin et se garder de les mélanger avec les premières couches de scories. 6° Après quatre au cinq années de fonctionnement, en dépit de toutes précautions, il faudra se résoudre à enlever la couche superficielle de scories pour soumettre celles-ci à un lavage qui ne présente d’ailleurs aucune difficulté. Avec les indications qui précèdent, et moyennant un contrôle chimique et bactériologique bien organisé, il ne peut plus faire de doute actuelle¬ ment que l’épuration des eaux d’égout des grandes villes puisse être réa¬ lisée très économiquement et d’une manière très satisfaisante par le système bactérien L Procédés mixtes, chimiques et bactériens. On doit cependant reconnaître que le procédé bactérien n’est pas toujours applicable, et j’ai précisément montré, dans un mémoire récent publié par la Revue d'hygiène (août 1901), à propos des eaux résiduaires de la ville belge de Verviers, que toutes les fois qu’il s’agit d’épurer des eaux- vannes riches en matières grasses, il faut renoncer à la fosse septique qui ne parvient que très lentement à fermenter ces matières. Il en est de même toutes les fois qu’on aura affaire à des eaux d’égout très chargées en matières organiques difficilement solubilisables (cellu¬ lose, résidus de tanneries, etc...). 1. Voir Calmeite. Les pro:é.iés biologiques d’épuration des eaux rési¬ duaires. Revue d’hygiène, mars 1901. REV. d’HYG. xxin. — 69 1090 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE On trouvera alors le plus souvent avantageux de séparer ces malièrcj au moyen de réactifs chimiques précipitants qui permettront d’en extraire, sous forme de tourteaux azotés, des engrais riches utilisables en agriculture. Et, lorsqu’il s’agit de graisses que certaines eaux d’égout de villes manufacturières comme Roubaix, Tourcoing en France, Verviers en Hel- gique, Bradford en Angleterre, renferment en quantités énormes (jusf]u’à 5S0 grammes par mètre cube !), la séparation préalable de ces graisses des boues azotées s’impose pour deux raisons : d’abord, parce que ces graisses ont une valeur commerciale assez grande pour couvrir presque tous les frais d’extraction et d’épuration ; et en second lieu, parce (]up, mélangées aux boues, elles rendraient celles-ci impossibles à sécher et inutilisables comme engrais. Cette séparation, avec les procédés actuellement connus, est d’ailleurs facile. Reste l’effluent privé de graisses et de matières solides en suspension, mais dont la teneur en matières organiques solubles et en composés ammoniacaux peut être encore très élevée. Il ne serait pas possible, dans la plupart des cas, d’en autoriser le déversement dans les cours d’eau. Ici, les lits bactériens reprennent leurs avantages et ne peuvent cire remplacés par aucun procédé chimique, car ils sont capables, presque sans frais autres que ceux de premier établissement, d’effectuer la niiri- fication de masses énormes de liquide sur une surface relativomcnl minime. Dans un travail récent effectué dans mon laboratoire, par MM. Rolanls et Gallemand {Revue d'hygiène, 20 novembre 1901), on a pu voir avec quelle facilité les lits bactériens aérobies transforment en nitrates dos quantités considérables d’ammoniaque (jusqu’à 360 milligr. d ammoniii(|ue par litre). Il semble, d’après de nouvelles expériences encore inédites de mes collaborateurs, qu’il en est de même pour presques toutes les matières organiques solubles. En précipitant les eaux d’égout avec dos réactifs non aniisepliqiies t\m permettent d’obtenir un effluent neutre ou légèrement alcalin, il scni donc toujours possible d'achever, par la seconde phase seule du prùddé bactérien {lits aérobies de contact), l’épuration totale de ces eaux. Valeur comparée de l’épuration agricole, de l’épandage intensif et du système bactérien. Dans sa note sur l’épuration bactérienne des eaux d’égout préscnièc à la société, M. Becbmann semble admettre que Tépuratioo agricole doit encore, à l’heure actuelle, être préférée au système bactérien. A mon avis,, les résultats de la grande expérience si bien conduite piir la Ville de Manchester depuis cinq ans nous éclaire pleinement sur celle question. D' CALMETTE. - ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1091 L’épandage sur sol cultivé présente de multiples inconvénients dont la Ville de Paris, les communes suburbaines et même les entrepreneurs adjudicataires des terrains d’irrigation ont pu mesurer, à leurs dépens, toute la gravité 1 On doit reconnaître qu’à l’époque où il a été préconisé et institué, ce système était, de beaucoup, le meilleur, et qu’il réalisait un progrès considérable. Il faut donc, à cet égard, rendre justice à sés promoteurs. Mais il n’en est pas moins vrai que, depuis les beaux tiavaux de Durand-Claye, la science a marché. La chimie et surtout la bactériologie du sol nous ont appris à connaître le mécanisme de la nitrification, et ces connaissances nouvelles si importantes ontprovoqué des applications dont il est impossible de nier la valeur pratique et la supériorité. 11 n’est pas douteux que l’épandage des eaux d’égout sur sol cultivé réalise une épuration parfaite au point de vue de la qualité des eaux recueillies : à Achères par exemple, et à Genevilliers, l’eau qui sort des drains est incontestablement plus pure, au point de vue bactériologique, que les eaux de l’Avre et de la Vanne qui alimentent une partie de la population parisienne! Mais l’application de ce système exige des surfaces énormes de terrains rendus inhabitables. Pour qu’on puisse épandre sur des espaces livrés à la culture la totalité des eaux résiduaires de Paris et de la banlieue, il faudrait au moins 12.000 hectares, et les champs d’épandage actuels, déjà si vastes, n’en comptent que 5.000 ! Or la valeur des terrains utili¬ sables pour cet objet est telle que leur achat, leur drainage, leur entretien et la construction des multiples aqueducs nécessaires pour les desservir, constitueraient une charge écrasante pour la Ville de Paris. El quel hygiéniste oserait affirmer que les populations groupées autour de CCS immenses marais d’eaux d’égout n’auront point à souffrir de leur extension? Qui pourra répondre de la protection des puits avoisinants? Qui pourra proclamer l’innocuité des poussières arrachées par le vent à la surface des champs de culture à demi-desséchés? Et qui donc, à l’heure présente où apparaît de plus en plus évident le rôle des insectes ailés, moustiques et mouches, dans la transmission des maladies infectieuses à distance, verrait sans appréhension se multiplier autour de la capitale les flaques d’eaux stagnantes où naissent et se déve¬ loppent les larves de ces insectes ? Qui pourrait enfin nier avec une conviction sincère les dangers de la consommation des légumes cultivés dans les champs d’épandage, dont les racines baignent dans une bouillie fécale, dont les liges et les feuilles abritent une tourbe grouillante de larves, de pucerons, de moustiques, sans compter les vers, futurs parasites de nos intestins, dont M. Melchni- koft montrait récemment le rôle dans cette maladie de plus en plus fréquente qu’on appelle l'appendicite? N’y a-t-il pas dans tous ces inconvénients de l’épandage agricole de quoi faire pencher la balance en faveur de l’épuration bactérienne? Je crois qu’il ne saurait y avoir d’hésitation possible. 1093 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Seulement, il s’agit d’appliquer l’épuration bactérienne en connaissance de cause, c’est-à-dire en réglant ses diverses phases d’après la nature et la composition des eaux à traiter, et non point en choisissant au hasard l’un quelconque des procédés biologiques ou mixtes actuellement connus. Le système bactérien complet (fosses septiques avec double contact sur lits bactériens aérobies), peut donner des résultats satisfaisants clans tous les cas où il s’agit d’épurer des eaux du tout à l’égout très diluées, et dont il ne serait pas avantageux de ebereber à extraire des résidus utilisables comme engrais. 11 présente l’avantage précieux d’épurer un volume d’eau au moins 33 fois supérieur à celui que peuvent épurer les champs d’épandage agricole, sur une surface égale et dans le même temps. Il nécessite, il est vrai, des frais assez considérables de premier établis¬ sement, mais les frais d’entretien sont presque nuis, et on peut sans inconvénients l’établir à proximité des grandes agglomérations urbaines. L’irrigation intensive sur sol nu, perméable et bien drainé, peut donner sensiblement les mômes résultats : il est facile de fournir avec ce syslcme un débit de 400.000 mètres cubes par hectare et par an, alors que sur sol culiivé il est impossible de dépasser dO.OOO mètres cubes ! Mais il nécessite une surveillance constante et des labours peu profonds mais très- fréqpients. Il ne peut également convenir qu’aux eaux de tout à l’égout très diluées et surtout très pauvres en graisses. L’épuration mixte (chimique et bactériologique) sera réservée aux eaux résiduaires des villes industrielles et aux eaux d’égout riches en matières grasses ou en matières azotées facilement précipitables et trans¬ formables en engrais. Elle permettra alors de récupérer par la valeur commerciale des substances extraites, le prix des réactifs chimiques et du traitement. Elle permettra surtout d’obtenir un effluent débarrassé de corps solides, par conséquent très facile ànitrifier soit par l’épandage intensif sur sol nu, soit par un simple contactsur lits bactériens aérobies. Elle présen¬ tera enfin l’avantage, précieux pour les hygiénistes, de débarrasser l’eau d’égout de la presque totalité des microbes pathogènes ou saprophytes qu’elle tenait en suspension et de rendre par suite le déversement de celle-ci, après nitrification bactéinenne, absolument inoffensif pour les cours d’eau. En résumé, dans chaque cas particulier, le choix du système d’épu¬ ration devra être basé sur des expériences précises, effectuées avec le double contrôle chimique et bactériologique. Et pour ce qui concerne la Ville de Paris, s’il m’était permis d’exprimer une opinion que je crois juste, je dirais qu’au lieu de discuter pendant des années sur la valeur respective des procédés bactériens et des champs d’épandage, ou sur les prétendues fautes et les mérites respectifs des ingénieurs qui ont à remplir la difficile mission de débarrasser la capitale de ses immon¬ dices, il serait beaucoup plus profitable d’instituer, sans plus attendre, D' HENROT. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1093 une série de grandes expériences comparatives avec chacun des trois systèmes suivants : 1“ Epandage intensif sur sol perméable non cultivé ; 2® Système bactérien complet (Fosses septiques avec lits bactériens de double contact) ; 3® Précipitation chimique, extraction des matières utilisables et épu¬ ration consécutive sur lits bactériens aérobies. Ces expériences, scientifiquement suivies et contrôlées, — non pas seulement par des ingénieurs, si éminents qu’ils puissent être dans leur spécialité mais aussi par des chimistes et des bactériologistes indé¬ pendants, — permettraient de déterminer en peu de mois lequel des trois systèmes doit, dans le plus bref délai, être adopté tout au moins comme auxiliaire de l’épandage pour l’épuration du contingent d’eaux d’égout que l'on est actuellement obligé de rejeter à la Seine. On ne peut douter qu’elles seraient éminemment profitables à l’hygiène publique et aux finances municipales. M. le Henrot. — Je suis venu tout exprès pour entendre la parole si autorisée de mon collègue et ami M. le D® Calmette, l’un de nos plus brillants maîtres en microbiologie. J’ai prêté la plus grande attention à sa très intéressante démonstration ; je le remercie de m’avoir initié au fonctionnement de cette nouvelle méthode pleine de promesses ; je ne songeais nullement à prendre la parole, jétais venu pour m’ins¬ truire. Mais M. Calmette ne s’est pas contenté de rester sur son terrain bactériologique, où il est inattaquable ; il a voulu établir une compa¬ raison avec les autres méthodes d’épuration des eaux et là, il a prêté le flanc à des critiques, il s’est appuyé sur des erreurs qu’il y a lieu de rectifier. M. Calmette dit que les irrigations agricoles déterminent tantôt des marais, qui eux-mêmes engendrent des moustiques qui donnent le paludisme et des vers de terre qui donnent l’appendicite, tantôt des encrassements des terrains qui entravent la culture en les rendant imper¬ méables. Depuis près de quinze années que je surveille les irrigations de Reims, après avoir largement contribué à les installer, je ne constate rien, mais absolument rien de ce qu’annonce notre collègue. Le congrès international d’hygiène lors de sa visite en 1889, a fait les mêmes constatations. 11 ne se forme pas de marais, il n’y a pas de paludisme chez les habitants des villages voisins, il n’y a pas d’appendicite, les terrains s’encrassent si peu que certaines cultures celle de la betterave sur plus de 300 hectares, celle du blé, celle des artichauts, s’y font avec la plus grande régularité, sans que l’on soit obligé comme l’assure notre collègue de piocher le sol tous les huit jours ; l’eau qui sort des drains est chimiquement et bactériologiquement pure ; elle peut être prise en boisson ; les poissons peuvent y vivre ; elle n’a ni odeur, ni saveur désagréable. Mais pour que les choses se passent ainsi, il faut faire des irrigations méthodiques, c’est-à-dire laisser pénétrer l’air à la suite de l’eau ; il faut ouvrir suc- 1094 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE cessivemenl quelques-unes des 150 bouches de distribution, et ne janwis vouloir donner de l’eau quand le sol n’en veut plus ; le lendemain on peut recommencer sans inconvénient. Ces expériences ne sont pas des expériences de laboratoire puis¬ qu’elles portent sur près de 700 hectares; elles ne sont pas tempo¬ raires puisque, depuis près de quinze années, les irrigations n’ont pas été interrompues une seule journée même par la neige et par la gelée, .lo nn pouvais laisser passer sans réplique les dires erronés de M. Calmctio. Ce fonctionnement régulier a un autre avantage; au point de vue éco¬ nomique, il n’est pas indilTérent d’utiliser les richesses considérables >pii; renferment ces eaux; une distillerie construite au centre de ce tiiiaia produit chaque année près de 4 000 hectolitres d’alcool ; l’eau irr -oai se transformant surplace en de l’alcool chimiquement pur est une opé¬ ration qui ne manque pas d’intérôt au point de vue do la circulation yéiié- raie de la matière. Evidemment, pour faire de l’épuration agricole, il faut beaucoup üc terrains, car les plantes ne peuvent pas être uniformément irrigmles: c’est ainsi que pour les betteraves, qui absorbent l’été des quaiililés énormes d’eau ne doivent plus en recevoir dans le mois d’octobr(), an moment de la formation du sucre ; les eaux sont alors dirigées sim les terrains rendus libres après la moisson des blés, par exemple. Avant que comme maire de Reims, j’eusse fait adopter celle vaste entreprise, on avait essayé do l’épuration chimique par le sullalc de fer mêlé à la chaux. La clarification se faisait très vite, et ceiieinlaiil les eaux conservaient tous les microbes qu’elles avaient avant le passage dans les bassins ; et, ce quiétait peut-être plus grave encore, c’étaieni les dépôts excessivement abondants qui résultaient de cette épuraliuii, dépôts absolument inutilisables pour la culture. Si ce procédé avaii été employé depuis quinze ans l’amas monterait peut -cire au quart île la hauteur de la cathédrale. Ces dépôts, il ne faut pas l’oublier, n’avaient pas seulement le grand tort d’ètre inutilisables, mais ils étaient mal odorants et auraient pu devenir une cause d’infection. Je crains que dans le procédé mixte dont a parlé M. Calmette, on ail beaucoup de peine à utiliser les dépôts ; je crains aussi que pour de grosses masses d’eau, il ne soit bien difficile et bien conipliqné par le procédé bactérien de retirer les matières grasses qui imniobiliseul le.- microbes et les eaux do teintures chargées d’acide et de siihslan'c.s toxiques qui les tuent. Dans une ville industrielle, les eaux de siiiiit de laine, et les eaux de teinture représentent plus de la moitié de la totalité des eaux d’égout. J’ai cru devoir relever ces inexactitudes, et suis ce])endatit tout dis¬ posé à conseiller les expériences sur l’épuration baclérieime (pii, d elles donnent les résultats que l’on en espère, auraient le très giainl avantage de nécessiter une surface de terrain beaucoup moins graiulu. M. le D'' Calmette. — Je n’ai pas dit qu’il fallait supprimer l’épu¬ ration agricole. D' HENROT. - ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1095 M. Henrot m’a lui-mêmo fourni des armes pour lui répondre lors¬ qu’il a rappelé que l’on devait cesser l’épandage à l’époque où les bet¬ teraves font leur sucre ce qui implique la nécessité de recourir à des ter¬ rains complémentaires. Le grand défaut de l’épandage, c’est qu’il faut sacriiier les intérêts de l’agriculture à l’épuration ou inversement. Il n’y a pas de malaria à ileims ! 11 y en aura peut-être dans l’avenir si quelques malarions y viennent. Toujours est-il qu’il y a eu de la fièvre typhoïde à Reims ; ne pout-on pas supposer qu’elle y a été déterminée par la pollution de la nappe souterraine ? En ce qui concerne les boues, la question est aujourd’hui tranchée : On sait qu’elles peuvent être précipitées par un réactif chimique et que ce précipité est utilisable en agriculture ; si elles renferment des matières grasses on sépare celles-ci par dissolution et leur vente paie les frais de l’épuration chimique. Les boues sont fertilisantes quand elles ont été ainsi séparées des matières grasses. Donc lorsqu’il s’agira d’épurer les eaux d’une ville industrielle, on leur fera subir une précipitation chimique préalable, on en séparera ainsi les boues qui seront à leur tour débarrassées des matières grasses, puis l’eau sera envoyée sur des lits bactériens aérobies et Ton ob¬ tiendra un meilleur résultat que par les procédés actuels. Le procédé de Tépandage a été un progrès, mais depuis son appa¬ rition des décotivertes nouvelles ont été faites, et nous devons mar¬ cher avec le progrès. M. le D'' Henrot. — M. Galmetle vient de dire qu’une épidémie de fièvre typhoïde s’était développée chez les dragons manœuvrant sur les champs d’irrigation. 11 y a là une erreur manifeste; ces champs de culliu’cs traversés par des rigoles, des canaux d’évacuation, des cultures diverses comme les betteraves, ne sont jamais fréquentés par les soldats, sont situés à l’ouest de la ville, tandis que les manœuvres se font à 10 k’iomètres de là, à Test de la ville, sur des terrains crayeux. Dans l’épidémie à laquelle fait allusion notre collègue, et dont j’ai enti’etenu l’Académie de médecine, les faits se sont passés de la façon suivante : Après deux mois de sécheresse, des vidangeurs avaient déversé des matières provenant des fosses d’aisances, non sur des terres récemment labourées comme ils devaient le faire, mais sur des terres encore couvertes des bouts de paille laissés par la faulx ; les matières se sont desséchées sans pénétrer dans le sol ; aussi quand un escadron de dragons a traversé au galop ce lorrain, une affreuse poussière fétide, les a entourés, et chose remarquable, ce sont surtout les hommes du pre¬ mier rang qui ont été infectés ; la maladie a revêtu chez eux la forme pulmonaire. J’ai prévenu le général commandant le 6“ corps qui a immédiatement défendu des manœuvres do ce genre. On le voit, il n’y a aucune relation entre cette épidémie survenue chez les dragons et les champs d’irrigation ; je tenais essentiellement à faire celte rectifi¬ cation. 1096 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE M. Bechmann. — Je m’associe bien volontiers à tout ce qu’a ditM. Cal- mette au sujet de l’épuration bactérienne; et je suis heureux de le voir porter de ce côté ses investigations, certain que des recherches conduites avec la méthode et la rigueur qui caractérisent la science française ne larderont pas à donner de très intéressants résultats. Je suivrai ces recherches avec d’autant plus de satisfaction que j’ai moi-même été séduit dès l’origine par les promesses de l’épuration bac¬ térienne. J’ai été, je crois bien, le premier à la signaler en France ; et, joignant bientôt les actes aux paroles, j’ai proposé et obtenu que M. l’Ingénieur en chef Launay fût chargé de celle mission en Angleterre, où, comme je le disais l’autre jour, il a eu la bonne fortune d’accompa¬ gner M. le Dr Calmelte; puis, avec son aide, j’ai amené l’administra¬ tion municipale à entreprendre des expériences afin de se rendre compte du parti qu’on pouvait au besoin tirer des nouveaux procédés d’épu¬ ration. Les communications présentées sur ce sujet au Congrès de Glasgow ne pouvaient donc me laisser indifférent ; et j’ai cru faire œuvre utile en venant ici même en apporter une analyse que je me suis efforcé do rendre fidèle et impartiale. Je me bornais à traduire ce qui s’était dit de l’autre côté du détroit quand j’ai énoncé que les procédés bactériens ne paraissent pas être encore sortis delà période d’expérimentation et appellent de nouvelles recherches. M. Calmelte n’y a pas contredit, ce me semble; et je serais d’ac¬ cord avec lui sur tous les points, n’était qu’il a voulu lui aussi sacii- fier à la mode du jour en exerçant, comme le font si volontiers pari¬ siens et français, sa critique contre l’œuvre de la ville de Paris. Rien n’est plus facile que la critique ; quelle est l’œuvre humaine, en eft'et, qui soit absolument parfaite ? Mais en l’espèce, je tiens à dire qn'elic est injuste, car la ville s’est trouvée en face d’un problème extrême¬ ment difficile, dont ses ingénieurs ont cherché avec une entière bonne foi la solution la plus satisfaisante ; et, quelles qu’aient été les fluc¬ tuations de la politique, ses conseils municipaux successifs se sont efforcé de la faire aboutir avec une persévérance et un e.sprit de suite qui mériteraient de rencontrer une appréciation plus favorable. D’ailleurs — et M. le D'' Calmelte l’a reconnu lui-même do très bonne grâce — l’épuration bactérienne n’est pas encore parvenue à donner au point de vue micrographique un résultat aussi parfait que l’épuration par le sol, à produire comme celte dernière un « effluent » comparable aux eaux de source. El l’on ne doit pas oublier que si les irrigations à l’eau d’égout se font dans nos champs d’épuration à dose réduite et sur des terres en culture — tandis que l’irrigation intensive, préconisée dès l’origine par M. Schlœsing, figurait au programme de Durand-Claye — c’est de par la volonté du Parlement qui a entendu revêtir d’un manteau de ver¬ dure ce qu’on qualifiait volontiers par avance d’immonde dépotoir, et où M. le D'’ Calmelte lui-même a voulu voir des .i marais ». Depuis lors la science a progressé, les idées tendent à se modifier; aussi ai-je M. DELAFON. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1097 cru pouvoir proposer tout récerament, et là encore je suis d’accord avec M. Calmelle, de reprendre des expériences en grand d’irrigation intensive sur plusieurs hectares de terrain spécialement drainés à cet effet. Je partage d’ailleurs avec lui la conviction que l’expérimentation méthodique de l’épuration bactérienne sera féconde et procurera un jour de précieux moyens d’assainissement ; et il peut être assuré que le service municipal de Paris ne demande qu’à s’éclairer au flambeau de la science et à marcher toujours dans la voie du progi’ès. M. Dblafon. — Les conclusions prises par M. le D' Calmette à la suite de son exposé dans la Reoue d'hygiène (mars 1901) et par M. Lau¬ nay, ingénieur en chef de l’assainissement, dans un rapport à la suite d’une mission en Angleterre (novembre 1900) sur les procédés biologi¬ ques d’épuration des eaux résiduaires nous ont paru si intéressantes, que nous avons pensé, avec juste raison, qu’il rentrait dans nos attribu- butions, à nous, ingénieurs sanitaires constructeurs, de suivre et d’appli¬ quer les données scientifiques connues jusqu'à ce jour, et de les mettre à profit pour parfaire l’assainissement des villes et des habitations et pour protéger les cours d’eau en général contre la pollution des eaux usées. En Angleterre, le génie sanitaire a su avantageusement profiter des premiers résultats connus, actuellement plus de quarante installations importantes fonctionnent dans de très bonnes conditions et l’hygiène publique a pu déjà y trouver son compte. En France, la question est moins avancée, néanmoins le gi’and nombre de renseignements qui nous sont demandés chaque jour, par les municipalités, les ingénieurs et les industriels, nous font bien augurer de la vulgarisation et des résultats pratiques des procédés biologiques d’épuration. Il nous a donc semblé nécessaire pour arriver à une solution, c’est-à- dire propager en France ce système d’épuration, de recueillir tous les renseignements qui pouvaient nous être utiles, d’entrer en relations avec les industriels d’Angleterre qui avaient déjà fait, avec succès, l’applica¬ tion de ce procédé , en un mot, de nous documenter pour être à même d’entreprendre la consü-uction des installations diverses dans la plupart des cas qui se présenteront. Nous avons, dans une notice que nous avons fait paraître et que nous vous soumettons , résumé les conditions dans lesquelles nous nous pro¬ posons de réaliser ce travail ; différents croquis qui y figurent indiquent les types d’installations qu’il serait préférable d’appliquer suivant les circonstances qui sont très variables. Aujourd’hui nous voulons seulement, par un exposé rapide , compléter les divers’éléments contenus dans cette notice et indiquer sommairement : 1° Le système d’épuration que nous avons adopté en général; 2“ La description et les avantages d’un fonctionnement automatique dans une installation ; 3® Le montant approximatif de la dépense qu’entraine une installation; 4® Enfin, dire quelques mots sur les résultats obtenus d’après les pre¬ mières expériences que nous avons faites. 1098 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE lo Système d’épuration général. — Il no nous appartient pas de dis¬ cuter l’avantage des différents systèmes préconisés jusqu’à ce jour, et après les savants éminents qui ont traité cette question, notre rôle devient plus modeste et se borne à en faire la meilleure application. Le procédé mixte comprenant une fosse septique, avec lits de plusieurs contacts, est donc celui qui nous paraît remplir les meilleures conditions d’une bonne épuration et que nous avons adopté. Son fonctionnement est le suivant : Chambre à sable. — Les eaux à épurer sont dirigées au préalable dans une chambre à sable dont les dimensions peuvent être très variables et en rapport avec la quantité de matières minérales que ces eaux ren¬ ferment, et qui résisteraient aux fermentations bactériennes et se dépose¬ raient au fond de la fosse septique si elles y étaient introduites. Fosse septique. — Quand l’arrivée d’eau est régulière, la capacité donnée à la fosse septique est égale au volume d’eau journalier à épurer; dans le cas contraire, elle est augmentée d’une contenance pouvant recueillir la quantité d’eau qui devra attendre son introduction sur les lits bactériens. La profondeur moyenne de cette fosse est de 3 mètres et, si le terrain disponible le permet, la longueur double au moins de la largeur, de manière à éloigner le plus possible l’un de l’autre les tuyaux d’entrée et de sortie des eaux. Ces tuyaux plongent dans le liquide jusqu’à environ 0'“,50 du fond. Cette disposition, à notre avis, permet aux eaux introduites de ne se mélanger que dans un certain temps au liquide déjà en fermentation el d’arriver moins vite à sortir de la fosse en y séjournant plus longtemps. Les eaux sont ensuite dirigées dans un bassin collecteur ou canal de distribution réglant le débit sur les lits de contact au moyen d’appareils automatiques dont nous parlerons plus loin. Lits b arAérie ns. — Les lits de contact qui comprennent généralement des lits primaires et des lits secondaires ont une profondeur moyenne de 1 mètre pour les premiers et de 0“,75 pour les seconds. Ils sont aérés par les tuyaux de drainage et remplis ordinairement de scories qui ser¬ vent de matériaux flottants. La grosseur des scories est de 0,04 à 0,02 pour les bassins supérieurs et de 0,02 à 0,01 pour les bassins inférieurs. Les eaux, après avoir séjourné un certain temps dans les lits primaires, sont évacuées également au moyen d’appareils automatiques, dans les lits secondaires et ensuite dans les mêmes conditions que ci-dessus, dirigées dans le collecteur devant recevoir les eaux épurées. Les temps de durée de contact sur les lits bactériens sont ordinaire¬ ment les suivants ; Remplissage . 1/2 heure. Repos plein . 2 heures. Vidage . 1/2 heure. Repos vide . 5 heures. M. DELAFON. - ÉPURATION BAfiTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1099 Soit'8 heures de durée d’une opération, après laquelle les lits sont à nouveau prêts à fonctionner. Cette opération peut être répétée trois fois en vingt-quatre heures. Ces temps n’ont rien d’absolu et sont subordonnés surtout à la hau¬ teur des matériaux filtrants. (Expériences de MM. Rolands et E.-A. Gallemand, de l’Institut Pasteur de Lille. — Revue d'hygiène du 20 no¬ vembre 1901). Pour traiter un cube d’eau journalier de 1 à 4”^^ nous prévoyons un bassin supérieur et un bassin inférieur seulement, pour un cube d’eau de 4'"^ à 20"'3, doux bassins à chaque contact et pour 20"'3 et au-dessus, 2, 4, 6, jusqu’à 8 bassins. Dans les installations où il est prévu une utilisation agricole des eaux après l’épuration bactérienne, nous estimons que les lits de premier contact sont suftisanls , toute odeur ayant disparu et la clarification de l’eau étant assez pai’faito pour servir à l’épandage dans de bonnes con¬ ditions et sans aucun inconvénient. 2“ Fonctionnement automatique d’une instattation. — Les différentes opérations que comprend le fonctionnement d’une installation, c’est-à- dire les passages successifs des eaux d’un bassin dans un autre, après des temps déterminés à l’avance, représentent une des plus grosses diffi¬ cultés à surmonter dans l’application du système. La fosse septique fonctionnant par nivellement d’eau n’a besoin d’au¬ cun appareil, il suffit qu’elle soit conçue suffisamment grande, ainsi que nous le disions plùs haut, pour contenir le cube d’eau journalier à traiter. Pour le fonctionnement des lits de contact, il est évident qu’il sera toujours facile d’adopter un genre d’ouverture ou de fermeture non auto¬ matique d’une étanchéité parfaite pour régler les arrivées et sorties d’eau, mais cette combinaison exige une manœuvre sûre et régulière, une surveillance constante, une attention soutenue, de jour et de nuit, de ceux qui en sont chargés et enfin une main-d’œuvre à rémunérer continuellement. Pour remédier à cet inconvénient, des ingénieurs anglais, MM. Adams et C‘» ont inventé des appareils automatiques fort ingénieux dont nous allons donner la description et expliquer le fonctionnement. Ces appareils automatiques appliqués aux installations pour l’épura¬ tion bactérienne des eaux se divisent en trois catégories : 1“ Un régulateur d’arrivée de l’eau; 2“ Des siphons simples ou alternés et appareils distributeurs; 3° Des siphons à dcoliarge périodique. Le régulateur est un appareil destiné à donner un débit constant lorsque l’arrivée de l’eau est irrégulière dans la fosse septique. 11 se compose d’un tuyau recourbé, mobile, muni d’un flotteur; §on extré¬ mité, maintenue toujours à une distance constante du niveau de l’eau, permet une introduction régulière dans le bassin collecteur ou canal de distribution. 11 est placé dans une petite chambre entre la fosse septique et le bassin collecteur; un robinet sert à en faire le réglage une fois pour toutes. 1100 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE Les siphons simples ou alternés et appareils distributeurs ont pour but de remplir les bassins supérieurs ou lits primaires. Dans les petites installations, ils se composent d’un ou de deux siphons de chasse placés dans le bassin collecteur qui reçoit l’eau de la fosse septique. Pour un seul lit supérieur, un seul siphon est nécessaire; pour deux lits supérieurs, deux siphons alternés fonctionnent successivement et communiquent avec chaque lit. La capacité du bassin collecteur étant égale au volume d’eau que doit contenir un lit, chaque fois qu’un siphon fonctionne, il vide donc le bassin et remplit un lit. Pour les grandes installations ayant au moins trois lits à chaque con¬ tact, ce sont des distributeurs qui remplissent le même office et qui sont alimentés par un canal de distribution. Ces appareils se décomposent de la manière suivante ; 1“ Distributeurs proprements dits; 2® Cloches d’arrêt; 3® Cloches d’amorçage; 4® Détendeurs; 5® Tubes de transmission d’eau. Les distributeurs sont des siphons de forme généralement rectangu¬ laire, disposés en tête des lits supérieurs à raison d’un pour chaque lit, l’entrée plonge verticalement dans le canal de distribution venant de la fosse septique et la sortie est disposée horizontalement vers le lit supé- Les cloches d’arrêt ont pour fonction de rétablir, lorsque le réservoir est plein, le cantonnement d’air comprimé qui empêche le flux de passer. L’ouverture à nouveau d’un distributeur se fait au moyen de la cloche d’amorçage plongée dans le lit précédant celui qui doit se remplir. Le niveau d’eau en s’élevant comprime l’air sous cette cloche et la pression qui en résulte chassant l’eau du détendeur formé par une disposition en W des tubes de transmission d’air détermine l’écoulement du flux. Les tubes pour la transmission d’air relient : 1“ La cloche d’arrêt au distributeur directement; 2® La cloche d’amorçage d’abord au délenteur et du détenteur au diétributeur. Nous avons établi différents diamètres de distributeur correspondant jusqu’à des débits de 685"'^ à l’heure. Ces distributeurs peuvent être établis spécialement pour remplir toutes les conditions désirées. Ils s’accouplent en nombre quelconque. Les siphons automatiques employés pour la décharge des bassins de contact aérobie ne diffèrent des appareils similaires , employés dans les chambres de chasse en maçonnerie pour le lavage des égouts ou canali¬ sations, que par l’adjonction d’un tuyau aspirateur plongeant dans le lit au-dessus de la séparation d’une petite cliambre de chasse dans laquelle le siphon est placé et qui forme un compartiment spécial et étanche. La partie inférieure du siphon est noyée dans la maçonnerie, au fond ou radier de la chambre de chasse de façon à laisser entre le bord infé¬ rieur de la cloche et le radier le passage d'eau nécessaire ; la sortie du siphon est dirigée vers le lit inférieur si l’appareil vide un lit supérieur ou vers la canalisation d’évacuation si le siphon vide un lit inférieur. M. DELAFON. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1101 C’est dire que le môme type de siphon est employé pour les lits supé¬ rieurs et inférieurs. Le temps de contact est réglé par un petit robinet scellé à travers une des parois de la chambre de chasse dont l’entrée est plongée -dans le lit par un tube plongeant jusqu’au fond du dit. Par le degré d’ouverture de ce robinet, on obtient une alimentation plus ou moins rapide de la chambre de chasse , le niveau d’eau pour l’amorçage du siphon n’est atteint qu’après la période de temps voulue, nécessaire au contact , lequel temps est déterminé après les expériences faites et les meilleurs résultats obtenus. Au moment où le niveau d’amorçage est atteint, le siphon automa¬ tique à décharge périodique , part comme un siphon automatique ordi¬ naire, la chasse commence à vider rapidement la chambre de chasse dans laquelle le siphon est placé, jusqu’à un certain niveau. A cet ins¬ tant, le vide rapide qui s’est produit dans le tube aspiwteur ainsi que la succion opérée par le siphon lui-môme provoque l’aspiration de l'eau du lit qui se trouve entraînée et déchargée dans le lit inférieur, ou vers la canalisation d’eau épurée, suivant la position du siphon dans l’installation. Les siphons à décharge périodique dont les modèles sont établis cor¬ respondent à des débits qui varient jusqu’à 68S“3 à l’heure. On peut accoupler les siphons automatiques en un nombre quelconque et les faire fonctionner ensemble. Après cette description , le fonctionnement automatique de tout l’en¬ semble du système apparaît extrêmement simple et peut se résumer ainsi ; Les eaux usées arrivent dans la chambre à sable et passent ensuite dans la fosse septique au fur et à mesure. Après avoir séjourné un certain temps dans la fosse septique où elles subissent le contact anaérobique , elles en sortent pour entrer dans le bassin collecteur ou canal de distribution. Par les siphons alternés ou par les distributeurs , suivant l’importance de l’installation, elles sont dirigées avec un débit régulier sur les pre¬ miers lits de contact où elles restent un certain temps déterminé à l’avance. Par l’intermédiaire du siphon que contient chaque lit, elles passent sur les deuxièmes lits de contact, y restent encore un certain temps et sont évacuées, toujours par les mêmes principes, dans le collecteur des eaux épurées. Si l’installation comprend des lits de troisième contact , l’opération est toujours la même. Si un contact comprend .plusieurs lits, ce qui est généralement le cas, ceux-ci prennent un numéro d’ordre et fonctionnent successivement de manière à respecter les temps des différentes opérations : remplissage, repos plein, vidage, repos vide, tels qu’ils auront été adoptés. 3° Montant approximatif de la dépense pour une installation. — Nous laissons de côté l’évaluation du terrain nécessaire pour une instal¬ lation. Dans la plupart des cas, ces terrains appartiennent déjà aux 1102 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE villes ou aux industriels qui veulent épurer leurs eaux , d’un autre côté, leur valeur est excessivement variable, suivant leur emplacement. Nous présentons seulement quelques chiffres se rapportant à la cons¬ truction des bassins et à la pose et fourniture des appareils automati¬ ques. Le tout s'établissant dans des conditions normales. journalier à trait r. Construction. Appareils automalicruos. Totaux-. 5“3 2,500 fr. 1,500 fr. 4,000 fr. 20m3 4,000 fr. 2,000 fr. 6,000 fr. 5n“3 6,500 fr. 3,500 fr. 10,000 fr. 100">3 12,000 fr. 6,000 fr. 18,000 fr. 500“3 20,000 fr. 8,000 fr. 28,000 fr. l.OOO-^s 40,000 fr. 10,000 fr. 50,000 fr. Ces chiffres ne sont qu’approximatifs et basés sur les devis que nous ayons été appelél à établir jusqu’à ce jour. Ils peuvent varier pour une infinité de causes. Cependant il y a lieu de remarquer que la dépense concernant la construction proprement dite croîtra toujours dans le même rapport que le cube d’eau à épuiser, celui-ci augmentant, la capacité à donner aux bassins augmente aussi et pour la même raison le volume du terrassement, de la maçonnerie et des matériaux filtrants ; tandis que la dépense pour les appareils automatiques, ne varie , à partir d’un cer¬ tain cube d’eau, que quand le diamètre des appareils augmente et le nombre de ces appareils peut très bien être le même pour deux installa¬ tions d’un cube d'eau différent à traiter. 4° Résultats des premières expériences. — Il nous reste quelques mots à dire sur les résultats obtenus après les expériencee que nous avons faites, et dans quelles conditions se présente actuellement l’entic- prise que nous désirons mener à bonne fin. Nous avons construit, il y a un ati environ, d’accord avec M. l’ingé¬ nieur en chef de l’assainissement de la ville de Paris , une installation au parc agricole d’ Achères devant traiter un volume d’eau journalier de fo"'3. Ces eaux sont celles provenant de l’émissaire général et destinées à l’épandage. Celte installation a commencé à fonctionner le l'"’ mai 1901 et au mois de juin l’épuration de l’eau commençait à être appréciable, bien que la quantité de l’eau contenue dans les chambres des siphons, fui trop grande par rapport à celle des lits de contact. Nous croyons cependant intéressant de donner ici les résultats d’une analyse faite au mois de juillet, établissant la comparaison entre l’euu d’égout avant son traitement et l’eau épurée à la sortie des bassins : Eaux d’égout. Eaux épurées. Matière organique. Azote ammoniacal. . Azote nitrique . Azote organique . . . Azote total . 7 5,2 6 24 1,5 12,6 33 M. RICHOU. — ÉPURATION BACTÉRIENNE DES EAUX D’ÉGOUT 1103 A la fin du vidage des derniers lits de contact, l’eau était très claire et aucune odeur ne se faisait sentir. Des perfectionnements à apporter à cette installation sont à l’étude actuellement par nos soins, et sous peu son fonctionnement sera établi encore dans de meilleures conditions. 11 est également important de connaître que déjà plusieurs villes et industriels se sont non seulement préoccupés de ce procédé d’épuration, mais nous ont adressé des demandes de projets d’installations, dont les plus intéressantes sont les suivantes ; Cubage journalier. Ville d’Aix en Provence. (Eaux d’égout) . Aubagne (Bouches-du-Rhône) . (Eaux résiduaires d’hôpital) . I Hollerich (Grand-Duché du Luxembourg). (Eaux d’égout). 200'"3 — — — (Eaux d’abattoir) . 20"’3 Ville de Lille. (Eaux d’abattoir) . 1,000'"3 Ville de Fontainebleau. (Eaux d’égout) . 4,000'‘‘3 Gare de la P.-L.-M. à Fontainebleau. (Eaux et matiè¬ res de vidantes) . .G™’ Ville de Rennes. (Eaux d’égout) . 30,000”'3 Raffinerie Say, à Pont-d’Ardres (Nord). (Eaux résiduaires de sucrerie) . 400"’3 Raffinerie de Marquillies (Nord). (Eaux résiduaires de su¬ crerie) . 200">3 Lonjumeau. (Eaux de tannerie) . 60“3 _ _ . 20”3 Pensionnat de Rouen. (Eaux résiduaires) . 10"’3 Parmi ces projets d’installations, un certain nombre sont en cours d’exécution, ce qui nous donne le ferme espoir que tout en allant moins vite qu’en Angleterre, l’épuration bactérienne recevra aussi son applica¬ tion en France, pour les eaux polluées en général. Si dans l’exposé de ces procédés nous nous sommes écartés des don¬ nées scientifiques, si nous sommes en désaccord sur certains points, nous recueillerons, avec la plus vive satisfaction , toutes les indications qui devraient nous conduire à faire les modifications utiles qui seraient nécessaires pour obtenir de bons résultats. C’est avec ces convictions que nous continuerons à nous tenir au cou¬ rant de tous les faits susceptibles de nous éclairer dans cette voie et que nous les mettrons à profit de la manière la plus avantageuse dans l’in¬ térêt de l’hygiène publique. M. RichouI. — M. Bechmann a, pour ainsi dire, distingué la méthode Dibdin ou des lits de contact, et la méthode Cameron ou du septic tank, alors que dans les communications faites à la société par MM. Calmette et Launay il était nettement indiqué que la très grande majorité des installations utilisait le procédé mixte, c’est-à-dire un premier passage 1. Voir page 1008. — Ces lignes sont un erratum des observations pré¬ sentées à la séance précédente. U04 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE en 24 heures au septic tank, puis le passage sur les lits bactériens. Les difficultés éprouvées et les insuccès partiels que M. Bechmann vient ilo signaler sont-ils imputables à l’une ou l’autre des méthodes Dibdin ol Cameron ou des méthodes mixtes ? HYGIÈNE DU MÉTROPOLITAIN Par le M. D' REGNIER. Lorsque au mois de juillet 1900, les Parisiens virent enfin circuler les trains du Métropolitain qu’ils attendaient depuis si longtemps, ce fut dans la population une joie générale et tout le monde voulut dès les premiers jours faire connaissance avec un mode de locomotion dont la plupart ignoraient encore les avantages, aussi bien que les inconvénients, parce qu’ils n’avaient pas eu l’oc¬ casion de se servir de ceux qui existent en d’autres pays et man¬ quaient par conséquent de points de comparaison. Enchantés par la rapidité et le bon marché de ce moyen île transporl, ils furent cependant quelque peu refroidis par les inipoi- fections qui les frappèrent dès leurs premiers séjours dans le nou¬ veau Métro. Chacun pensait qu’après la longue période de réflexion qui avaient précédé sa naissance et le voyage d études de nos édiles et de nos ingénieurs à Buda-Pest, Paris allait profiter, sous ce rapport, de l’expérience acquise et que son chemin de fer souterrain serait muni des derniers perfectionnements du confort el de l’hygiène. Il a bien fallu, hélas, déchanter, et sans vouloir médire du nouveau-né, sans méconnaître ses mérites et les services qu’il rend à la population, nous sommes bien forcés de reconnaître qu'il présente certains vices de conformation dont quelques-uns tout au moins seront difficiles à supprimer. Cependant, comme le réseau n’est pas encore complet, il est à espérer que pour les tronçons qui restent à construire, on profilera de l’expérience acquise pour éviter les erreurs du passé et montrer plps de souci de l’hygiène des voyageurs et des employés, et de leur sécurité en cas d’accidents. C’est à ces deux points de vue que nous nous proposons d’étudier les lacunes que présente la portion du réseau qui est actuellement en exploitation. D' REGNIEK. — HYGIÈNE DU MÉTROPOLITAIN 1103 Pour des raisons d’édilité, dont nous apprécions toute la justesse, la plus grande partie de celui-ci a été construite en souterrain. ÂTec ses voûtes épaisses, sa section réduite au minimum nécessaire, il représente, dans son ensemble, une véritable cave à température à peu près constante et presque toujours assez différente de celle de l’air extérieur, de sorte que quand on descend dans les gares en été on est saisi de leur fraîcheur, tandis qu’en hiver on en apprécie la douce chaleur. Dans la première saison c’est en entrant, dans la seconde en sortant qu’on risque un refroidissement avec toutes ses funestes conséquences. Mais le danger est toujours le même. De plus, sous le prétexte que la vitesse des trains suffisait à assurer le renouvellement de l’air, on a complètement négligé de ventiler ces longs tunnels autrement que par les portes des gares. Le raisonnement semblait juste, d’ailleurs, car beaucoup d’entre nous, sinon tous, ont pu vérifier par leur expérience personnelle quel vent violent frappe les voyageurs qui descendent dans les gares ou en remontent. Cédant aux réclamations du public, qui se plaignait énergiquement de cet état de choses, la compagnie a fait poser au bas des escaliers qui donnent accès aux gares des portes vitrées à ressort qui y remédient en partie, quand elles sont fermées, mais accentuent plutôt le courant d’air au moment où ou les ouvre. Je connais un assez grand nombre de personnes dont les bronches ou la gorge ont eu à souffrir de ce genre de clôture. Lorsqu'il pleut, les escaliers extérieurs d’accès aux gares qui, dans un certain nombre de stations ne sont pas couverts, se trans¬ forment à certains moments en véritables cascades, et c’est dans une couche d’eau boueuse de plusieurs millimètres d’épaisseur que les voyageurs sont obligés de barbotter pour monter ou descendre ; les corridors d’accès et la salle des billets des gares sont alors transformés, vu l’absence de tout moyen d’écoulement des eaux, en petites mares dans lesquelles il est peu agréable et encore moins hygiénique de circuler. Ces inconvénients ne sont rien en comparaison de ceux que pré¬ sentent les wagons. A première vue, quand on aperçoit ces voi- tm-es soigneusement vernies, spacieuses en apparence, éclairées par de belles vitres et de jolies lampes électriques, on est tenté de leg trouver très bien. Mais quand on y a fait quelques séjours, cette bonne impression se modifie peu à peu. Quand il n’est pas sur¬ chargé, le wagon est, en effet, de dimensions suffisantes pour que REV. d’hyg. XXI0. — 70 1106 SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE les voyageurs y séjournent et y circulent sans trop de difficultés. Et cependant même, dans ces circonstances favorables, il faut recon¬ naître qu’on y éprouve quelque gêne du côté de la respiration ; l’air semble chaud et lourd et donne la sensation que produit le séjour dans une cloche à atmosphère comprimée. Quand il y a des voya¬ geurs en surcharge et que les wagons sont Ijondés, ce qui arrive forcément à certaines heures du jour, en dépit de tous les règle¬ ments édictés par le Préfet de police et de la bonne volonté des agents pour les faire respecter, cette gêne légère peut se trans¬ former en malaise véritable, caractérisé par de la céphalée, des bourdonnements d’oreilles, des nausées de véritables lipothymies. 11 y a des personnes que ces malaises ont obligées à quitter les voi¬ tures avant d’être arrivées à destination et à renoncer à se servit' du « Métro ». J’ai eu, dans ma clientèle, deux cas plus graves. Le premier est celui d’une femme de 70 ans, très nerveuse, montée, au mois de juillet 1900, dans un wagon surchargé, dont plusieurs fenêtres étaient complètement fermées, à la station des Tuileries. En sortant à celle des Champs-Elysées, cette femme perd tout à coup connaissance en arrivant au haut de l’escalier d’accès de la gare et se blesse assez grièvement aux reins. Quand elle eut repris ses sens au bout d’un quart d’heure environ, on constata qu’elle ne présentait aucune paralysie, aucun trouble de la sensibilité. Le second accident est arrivé à un homme de 56 ans, robuste de tempérament, sanguin, arthritique et nerveux aussi. H monte au mois de novembre, à la station de l’Alma, dans un wagon de pre¬ mière, plein, mais non surchargé, dont presque toutes les vitres sont closes. Il descend à la station des Tuileries ; en ai-rivant place de Rivoli il tombe inanimé sur la chaussée et se casse la clavicule. Transporté dans une pharmacie voisine, il revient à lui au bout de 20 minutes de soins énergiques. Il n’a pas non plus de parésie ni de paralysie et me l'acoute seulement qu’il a, perdu toute conscience de ce qu'il a fait au sortir de la gare après avoir traversé la rue de Rivoli. Il ne sait pas pourquoi il a été jusqu’à la placede Rivoli, alors qu’il a l’habitude, quand il descend presque chaque jour à la station des Tuileries, de prendre la rue Sairit-Roch pour se rendre rue Thérèse où il allait aussi ce soir-là. Quelle est la cause réelle de ces phénomènes ? Doit-on les attri¬ buer à l’air confiné appauvri en oxygène et chargé d’acide carbo¬ nique ? Sont-ils dus à la chaleur quelque peu suffocante, en effet du 1101 D' REGNIER. — HYGIÈNE DU MÉTROPOLITAIN milieu ambiant du wagon plein et trop clos, ou au passage rapide de cet air surchauffé dans un air plus frais ? Il est difficile de se prononcer à ce sujet. La courte durée du voyage accompli par les deux malades en question, qui n’a pas dépassé 3 minutes, est peu en faveur de l’hypothèse de l’action de l’air confiné. Il s’explique¬ rait mieux, à mon avis, par celle de la chaleur intérieure du com¬ partiment, le passage rapide d’une température élevée à une sensi¬ blement plus basse, ce qui détermine un saisissement retentissant sur la circulation périphérique déterminant une congestion brusque et légère des centres cérébraux. Les analyses entreprises par M. Grébant, professeur au Muséum, sur la composition de l’air du Métropolitain, nous renseigneront probablement à cet égard. Actuel¬ lement ses recherches ne sont pas terminées ; nous ne pouvons donc en donner les résultats. Ces accidents démontrent, en tous cas, que la ventilation des wagons est défectueuse et qu’il y a lieu de la modifier. Au point de vue de la sécurité, les mesures prises depuis les premiers accidents sont encore insuffisantes. Dans les premiers temps de l’exploitation, Jes tunnels n’étaient pas éclairés. Seules les gares et les voitures étaient pouiYues de lampes électriques; celles des gares sont installées sur un circuit spécial, celles des wagons sont alimentées par le courant du rail qui entraîne le train. Quand celui-ci passe devant les signaux, le courant est interrompu pendant une seconde et les lampes s’éteignent puis se rallument presqu’aussitôt. 11 en résulte une série d’éclipses assez désagréables pour l’œil et qui rendent la lecture difficile. De plus si, en raison d’un accident quelconque il se produit sur la ligne un court circuit le courant est coupé, le train s’arrête là où il se trouve, et si c’est sous un tunnel les voyageurs sont plongés dans l'obscurité. Si l’accident survenu produit une panique, celle-ci est aggravée par l’impossibilité où sont les voyageurs de voir ce qui se passe et cela risque d’augmenter le nombre des victimes. Une amélioration a été réalisée. Les tunnels sont maintenant éclairés avec des lampes placées sur un circuit indépendant de celui du rail. Les verres verts des signaux, peu visibles, ont été rem¬ placés par des verres rouges. Mais les lampes électriques des wagons n’ont pas été modifiées. La compagnie s’est contentée de placer dans les voitures des lampes dites de sûreté à essence. Alors il faudrait que comme les fanaux placés à chaque extrémité du 1108 SOCIÉTÉ D£ MÉDECINE PUBUQUE train elles fussent toujours allumées, sans quoi au moment d’un accident, elles ne serviront à rien. Les voitures ont été construites pour que les voyageurs descen¬ dent de plein pied sur les quais des gares. Mais si, pour une raison de force majeure (tamponnement, court circuit, avarie de machine], le train s’arrête dans le parcours intermédiaire, rien n’est prévu pour la descente des voyageurs. Il leur faut donc' ou rester dans les wagons en attendant que le train puisse se remettre en marche, ce qui est parfois fort long, ou descendre sur la voie au risque de se rompre le cou. Des hommes jeunes peuvent à la rigueur se livrer à cette gymnastique. Mais la plupart des femmes et des enfants et tous les vieillards n’y peuvent songer et doivent se résigner à atten¬ dre, minés par l’inquiétude, à la pâle lueur des lampes des tunnels et des lampes à essence, en admettant que quelqu’un ait songé à les allumer et ait pu le faire, qu’on vienne à leur secours. Ce vice d’or¬ ganisation est doublement fâcheux au point de vue de la perturbation qu’une inquiétude légitime, aggravée par l’inaction forcée, exerce sur le système nerveux de ceux qui sont obligés de les subir. Ces arrêts forcés et souvent prolongés ne sont pas exceptionnels, et il est inadmissible qu’une compagnie de transport soit autorisée à laisser ainsi en panne, pendant trois quarts d’heure ou une heure, des gens qui sont obligés de se rendre à leur travail ou à leurs iffaires et qui ont pris le « Métro » pour aller vite. Cela n’est que fâcheux, en somme, mais serait beaucoup plus grave si, comme on est obligé de le prévoir, puisque cela est déjà arrivé, il se produit une collision où des wagons seront brisés et des voyageurs blessés. Nous savons, par l’accident qui s’est une fois produit, combien les gens qui avaient été les témoins ou les victimes du tamponnement ont eu de peine à sortir du tunnel ou a dégager les blessés, partagés qu’ils étaient au milieu de l’obscurité, entre la crainte de l’arrivée d’un nouveau train tamponneur et le danger d’entrer en contact avec le rail conducteur du courant sur les effets duquel ils sont suffisamment renseignés par les afhciies apposées avec raison dans les gares. Enfin, nous signalerons, mais sans nous y appe.santir outre mesure, l’incommodité qui résulte de la fâcheuse odeur de créosote qui empoisonne l’atmosphère des gares et pénètre à tel point les vête¬ ments des voyageurs, qu’il faut aérer les habits au moins 3 ou 4 heures pour les en débarrasser. Il faut noter aussi les senteurs désagréa- D' REGNIER. — HYGIÈNE DU MÉTROPOLITAIN 1109 blés de marché qui s’exhalent des paniers de provisions que les domestiques ou les marchands ambulants transportent le matin dans des wagons généralement bondés. Cela, du moins, n’a pas d’in¬ convénients au point de vue de l’hygiène proprement dite. Examinons maintenant ce qui a été fait pour remédier à ces divers inconvénients. La compagnie pour supprimer les courants d’air a fait placer des portes vitrées aux issues extérieures des gares ; nous en avons vu le résultat. En ce qui concerne l’inondation des escaliers des gares rien de sérieux n’a été fait. Les petites toitures vitrées aussi modem-style que les grilles, là où elles existent, ne donnent qu’un abri illusoire. Pour éviter les accidents, elle a fait 1“ remplacer les verres primiti¬ vement verts et peu visibles des signaux par des verres rouges et perfectionné les mécanismes de déclanchement; 2“ placer des fanaux rouges éclairés à l’essence à l’avant et à l’arrière des trains ; 3“ éclairer les tunnels par des lampes électriques à circuit indépen¬ dant de celui des trains ; 4“ relier les gares par des téléphones. Ce sont là, évidemment, des progrès dont il est juste de tenir compte. Mais on peut craindre que les signaux, malgré la perfection, de leur mécanisme se dérangent un jour ou l’autre et il n’existe aucun moyen de les suppléer. En tous cas, la compagnie û’est pas encore parvenue à supprimer les courts circuits et les arrêts forcés qui en résultent. Cependant elle n’a rien fait pour faciliter la descente des voyageurs entre les gares et leur assurer un chemin sûr. Or, tant que celui-ci n’exis¬ tera pas tout le long de la ligne, le danger d’accidents graves per¬ sistera. Elle n’a rien fait d’efficace pour la ventilation des wagons, et 1 éclairage dit de sûreté par les lampes à essence ne donnerait, en admettant qu’il fonctionne, qu’une lumière illusoire et absolument insuffisante en cas d’accident donnant, lieu à des blessures plus ou moins graves et nombreuses. Est-il possible de mieux faire ? Certes, il est plus facile de poser la question que de la résoudre, et ce n’est pas au médecin qu’il appartient d’indiquer les moyens à employer. Nous vous proposerons simplement d’attirer l’attention de la compagnie sur les vœux suivants : 1® Que sur les nouveaux tronçons du réseau, tout au moins, on 1110 SOCIETE DE MEDECINE PÜBLIQUE prenne les mesures nécessaires pour assurer la ventilation frac¬ tionnée des tunnels afin de ralentir le courant d’air à l’entrée des gares. 2° Qu’on assure aux voyageurs en cas de court circuit ou d’autre accident déterminant l’arrêt forcé du train sous un tunnel : 1“ un éclairage suffisant des voitures ; 2° un moyen pratique d’en des¬ cendre ; 3° un chemin à l’abri du contact du rail conducteur. 3“ Qu’on modifie la ventilation insuffisante des wagons. 4° Qu’on réserve aux voyageurs, transportant des colis mal odo¬ rants dans les trains du matin, un wagon spécial. 5“ Qu’on remplace la solution antiseptique qui sert actuellement à l’arrosage des gares par une autre à parfum plus agréable ou inodore. Nous traiterons dans une prochaine communication, l’hygiène des employés, les documents complets ne nous ayant pas encore été fournis par la compagnie du Métropolitain. Discussion M. Montreuil. — Les deux cas d’accident cités me paraissent un peu anciens et dans tous les cas ils ne sont pas bien démonstratifs; les vic¬ times ont été frappées sur la voie publique quelques instants après avoir quitté le Métropolitain, il n’est pas certain qu’elles ne sont pas tombées pour tout autre cause. Quand à la ventilation, ceux qui pratiquent le Métropolitain ont pu constater que depuis quelque temps elle a été améliorée. Enfin, pour ce qui est de l’établissement d’un chemin praticable le long de la voie ferrée, je suis d’un avis opposé à celui de notre collègue et j’estime que ce chemin serait plus dangereux qu’utile. En effet, tout le monde a pu remarquer que lorsqu’il se produit une interruption de courant, ce sont toujours les dames nerveuses qui en sont le plus affectées. Actuellement, elles se bornent à pousser des cris, mais lorsqu’elles connaî¬ tront l’existence d’un chemin parallèle à la voie, elles voudront l’utiliser et sauteront hors des wagons, c’est alors que le danger deviendra réel. Une proposition dans ce sens, a d’ailleurs, été faite au Conseil muni¬ cipal qui l’a rejetée. M. Brottier de Roulinbs. — J’ai remarqué que sur le trajet du Métropolitain, il y a des endroits où l’on respire moins facilement que dans d’autres ; ils Sont situés aux points bas, par exemple à la Porle- Mailiot. Je crois qu’il faut attribuer ce fait à la présence d’acide carbo¬ nique dans les parties basses du réseau. En ce qui concerne la ventilation, je préfère les anciennes voitures aux nouvelles ; de plus, j’ai observé que cette ventilation était meilleure en seconde classe qu’en première. A. DI VESTBA 1111 Dans cette séance ont été nommés : Membres titui.airbs : MM. le D' CoUBTOis-SuPFiT, médecin des hôpitaux, présenté par MM. les D” Brouardel et Thoinol; Colmbt-Daagb, ingénieur des ponts et chaussées, faisant fonctions d’in¬ génieur en chef, adjoint au chef du service des eaux et de l’assainis- seraent de Paris, présenté par MM. Huet et Bechmann ; Loewv, ingénieur des ponts et chaussées, chargé du service des travaux d’assainissement de la Seine, présenté par MM. Bechmann et Masson. La Société de médecine publique et de génie sanitaire se réunira le jeudi 26 décembre 1901, à huit heures et demie du soir, à l’Hôtel des Sociétés savantes. L’ordre du jour de cette séance est ainsi fixé : 1“ Élections pour le renouvellement du Bureau et du Conseil d’admi¬ nistration. 2" M. le Df Droüineau. — La situation démographique de la France. 3“ Suite de la discussion sur l’épuration des eaux d’égout (Inscrit : M. Ejole Tbélat). 4® M. Kern. — Les ordures ménagères à Paris. LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER A. di Vestea Professeur d’hygiène à la Faculté de Pise. Le professeur Alphonse di Vestea a fait ses premières études de médecine à l’üniversité de Bologne, puis à celle de Naples, où il fut reçu docteur en 1882. Après un court exercice de sa profession dans son lieu de naissance, à Loretto, dans les Abruzzes, il se décida à poursuivre la carrière scientifique. Il revint à Naples, travailla pendant deux ans à l’Institut d’anatomie pathologique, puis devint chef du laboratoire de chimie et de microscopie an¬ nexé à la clinique du professeur Cantani. Pendant la grave épidémie de choléra qui sévit sur la ville de Naples en 1884, il prit la plus grande part à la création dans ce laboratoire d’une section de bacté¬ riologie qui devint bientôt un centre d’étude pour les hygiénistes, parco que c’est là que, pour la première fois, l’on fit connaître, en tm LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER Italie, les méthodes de recherches de Robert Koch. En 1886, M. di Vestea fut envoyé en mission à ce laboratoire de la rue d’Ulm, qui était alors un but de pèlerinage où les travailleurs affluaient de toutes les parties du monde pour étudier les méthodes de Pasteur et le traitement antirabique. Nous avons sous les yeux un document dont M. di Vestea est justement fier ; c’est l’autographe d’une lettre de Pasteur, témoignage de la sympathie et de l'estime qu’il avait inspirées à l’illustre savant. Voici ce qu’écrivait Pasteur à la date du 22 novembre 1889 : « Beaucoup de savants étrangers sont venus à Paris, dans ces « dernières années, s’instruire des faits nouveaux acquis sur la rage « et sur l’application de la méthode de prophylaxie après morsure. « Parmi eux, le D’’ di Vestea est un de ceux dont le souvenir est « le plus cher à mon laboratoire. Ses connaissances scientifiques « étendues et précises, l’aménité de son caractère, ont inspiré à tous, « parmi nous, ta plus vive sympathie. Ces sentiments se sont « affermis de plus eu plus pendant le long séjour qu’il a fait au « laboratoire au printemps de l’année 1886. « J’apprendrai avec bonheur tout ce qui pourra arriver d’heu- « reux à ce très digne jeune homme. » L. Pasteur. A son retour à Naples, M. di Vestea introduisit dans le labora¬ toire de Cantani les méthodes de l’école de la rue d’Ulm, il fonda le premier Institut antirabique qui existât en Italie ; il en eut la direction comme chef de laboratoire jusqu’en 1890, époque où il fut nommé, au concours, professeur extraordinaire d’hygiène à l’Université de Palerme. Mais, à la suite d’une grave maladie qui nécessita l’amputation de la jambe, et pour des raisons de santé, il préféra l’offre qui lui fut faite par le professeur Pagliani, alors directeur de la santé publique du royaume d’Italie, d’un emploi de professeur de bactériologie et de microscopie appliquée à l’hygiène, dans l’école de perfectionnement qui venait d’être fondée à Rome et rattachée à la direction de l’hygiène au ministère de l’Intérieur. Il y resta plus d’une année, puis fut nommé professeur à l’Uni¬ versité de Pise en remplacement de di Giaxia, devenu titulaire de la même chaire à l’Université de Naples. Il continua à Pise l’œuvre commencée par son prédécesseur, c’est-à-dire l’organisation d’un enseignement complémentaire de l’hygiène et d’exercices pratiques pour les jeunes docteurs qui aspiraient au titre et aux emplois A. DI VESTEA *113 « d’ufficiale sanitario ». Grâce aux efforts de M. di Vestea, l’Institut de Pise s’est enrichi d’un musée d’hygiène important et de labora¬ toires où se sont formés des élèves dont plusieurs sont devenus aujourd’hui des maîtres : le D' Fermi, chef du bureau d’hygiène de Messine et agrégé d’hygiène de la Faculté, dont on connaît les travaux importants sur la peste ; le D' Pellegrini (Etudes sur les pavages, sur les champignons) ; le D' De’Rossi, l’auteur d’un procédé pour mesurer l’humidité des murailles, etc. Le professeui- di Vestea a su conquérir l’estime et la sympathie de tous ceux qui l’ont approché; c’est un maître dévoué, qui inspire, suscite et favorise les recherches, et dont le nom est populaire parmi tous ceux qui s’intéressent à l’hygiène en Italie. Voici la liste de ses principaux travaux: Tuberculose : Sur les inhalations d’air surchauffé dans le traitement de la phtisie pulmonaire, et sur un moyen facile de déterminer la tem¬ pérature pulmonaire (Riforma medica, 1889). — Experimentellé ün- tersuchungen . . . Recherches expérimentales sur la sérothérapie dans l’infection tuberculeuse, en collaboration avec Maffucci (Centralblatt f. Bakteriologie, Parasitenkunde und Infektionskranheiten, 1896). — Nou¬ velles recherches siu la sérothérapie de la tuberculose {Ibid. 1899). — Sérothérapie dans la tuberculose (Rivista d'igiene, 1901). — Sur la mé¬ thode de désinfection des crachats pom le régime hospitalier des tuber¬ culeux {Ibid. 1898). — La défense de la société contre la tuberculose et les sanatoriums pour phtisiques, conférences à Livourne et à Lucques, en 1899. — La distribution de la tuberculose en Italie; les sanatoriums populaires en Italie ; la prophylaxie idéale de la tuberculose bovine, publications de l’Institut d’hygiène de Pise, dans un volume sous ce titre : Queslioni del giorno, la lotta antitubercoLare, Pisa, 1900). Divers. Pasteur et la microbiologie; les fermentations et la prophylaxie de la rage. Napoli, 1886. — • A propos des recherches expérimentales sur la rage du professeur de Renzi et du D'' Amoroso {Giornale intemaz. dei scieme mediche, 1887). — Sur la transmission de la rage par la voie des nerfs {La psickiatria 1 887), en collaboration avec le D'' Zagari. — Compte rendu d’une année d’observations et d’expériences sur la rage et sur la méthode de cure préventive de Pasteur, en collaboration avec le D'’ Za¬ gari {Giorn. intemaz. d. sc. mediche, t. IX 1887, Naples, et Annales de l'Institut Pasteur, 1887, p. 492 ; Fortschritte der Medizin, 1889). — Sur la théorie nerveuse de la rage {Giorn. intem. sc. med., 1889). — Con¬ tribution à l’étude des voies de connexion du système nerveux par le fait de la rage expérimentale {Annali di nevrologia, 1893). — Note micrographique sur la rage expérimentale {Atti detla fi. Accademia med. chir. di Napoli, 1894. — Pneumonie par l’aspergillus ill-Morgagni. 1885). — Recherches expérimentales sur le bacille du typhus abdominal {Il Morgagni, 1886). C’est le premier travail paru sur la résistance du 1114 BIBLIOGRAPHIE bacillle d’Eberth à la dessiccation. — Sur la valeur de la méthode de Schotlelius pour le diagnostic bactériologique du choléra asiatique (Giorn. inter, d. sc. med. 1886). — Les nouvelles vues d’Emmerich et Tsuboisurla pathogénie du choléra (Annofr deWlstiluto dOgiene sperim. 1894). — Recherches microscopiques sur l’eau de quelques fontaines de Naples {IL Morgagni, 1885). Un diagramme joint au mémoire montre un rapport intime entre le degré de • souillure bactériologique et le régime des pluies. — Recherches bactériologiques sur l’eau de Serine (Giorn. inter, d. sc. med.. 1883). — Le service d’eau potable à Pise; Firense, 1896. — Premiers résultats d’une enquête sur la consommation du lait à Naples (Giorn. inlern. d. sc. med. 1880). — Essai sur l’examen systématique du son, études microscopiques de la farine (Rivista d’igiene, 1891). — Recherche de quelques semences et éléments hétérogènes dans la farine tamisée (Rimla di merciologia, 1892). — De la correction des vins plâtrés au moyen du tartrale de strontium (Rivista Æigiene, 1891). — Recherches au point dé vue hygiénique sur l’air d’une caserne, en collaboration avec Tursini (Giorn, intern. d. sc. med. 1886). — Nouvelle méthode d’examen du pouvoir thermique des étoffes (Rivista d’igiene, iSH). — A propos de la désinfection des peaux de tannerie (Ibid. 1894). — Sur les conditions sanitaires des petites com¬ munes (Ibid. 1894). E. Vallin. BIBLIOGRAPHIE VOLKSSCHULHABUSEK IN OeSTERREICH-UnGAHN, BOSNIEN UND DER HeR- GEGOVINA (Maisons d’écoles populaires en Autriche-Hongrie, Bosnie et Herzégovine), par Carl Hintrager ; Stuttgart, 1901 (A. Krôner), un volume grand in-B® de 380 pages compactes, avec 631 figures, plans et photographies dans le texte. Ce volume on fascicule fait partie d’une immense Encyclopédie d’ar¬ chitecture et d’hygiène, dont nous devons donner tout d’abord une idée sommaire. Sous le titre de « Traité d’architecture (Handhuch dbr architektur) le professeur D'' Ed. Schmitt, de Darmstatt, publie depuis quelques années, avec la collaboration des plus éminents architectes de l’Alle¬ magne, une Encyclopédie dont il est impossible de mesurer l’importance par le nombre des volumes, car certains demi-volumes sont composés de plusieurs fascicules dont l’un, par exemple celui qui traite Des Hôpi¬ taux (Krankenbâuser) a un millier de pages, SCO figures et ne coûte pas moins de 53 francs. Cette Encyclopédie est divisée en quatre par¬ ties : la I” (Généralités de l’art des constructions), 5 volumes; la 2' (Le BIBLIOGRAPHIE 1115 style des constructions) 7 volumes ; la 3“ (Les grandes constructions), matériaux, fondations, murs, toits, salles de bains, canalisations, etc.) 6 volumes en plusieurs fascicules dont le 2» coûte 103 francs; la 4« (Esquisses, plans et dispositions des bâtiments, maisons d’habitations, de commerce, postes, télégraphes, abattoirs, cafés, etc.) 10 demi-volumes* M. Arnould a déjà analysé (Devue d'hygiène, 1898, p. 4651, l’un des O fascicules », consacré par le professeur O Kuhn aux Hôpitaux, dont nous parlions tout à l'heure. D’autres fascicules, dont plusieurs sont épuisés et dont on achève la deuxième édition, sont consacrés aux asiles d’aliénés, maternités, établissements de bains, blanchisseries et lazarets de désinfection, académies des beaux-arts, écoles, musées, uni¬ versités, théâtres, etc. Nous possédons en France des encyclopédies qui rivalisent avec celle-ci, mais cette dernière est vraiment d’une grande richesse. Elle est à peu près achevée, le fascicule Théâtres est encore en préparation Elle vieillira donc certainement, et pour la tenir constamment au courant, l’éditeur publie, sous le nom de « Les progrès en architecture » (Fort- sehritte auf dem Gebiete der Architektur), une série de fascicules ou de volumes du même format, dont le 12® est celui dont le titre est en tête de cette analyse bibliographique. Dans cette collection complémentaire, nous trouvons mentionnés un certain nombre de fascicules qui intéressent en même temps l’hygiène et l’architecture •. i. Le chauffage au gaz dans les écoles ; 4. Les Universités et les écoles supérieures, et particulièrement de l’éclairage indirect dans les amphithéâtres et les salles de cours; 5. Le chauffage, la ventilation et l’éclairage des théâtres et salles de réunion; il. La piscine municipale de bains à Francfort, etc. Le volume que nous avons sous les yeux contient des renseignements précis et intéressants sur les écoles populaires d’Autriche ; puis sur celles de la Hongrie, de la Bosnie, etc. Dans un exposé très complet des ins¬ tructions et règlements concernant la construction et le fonctionnement de ces écoles, nous voyons qu’en 1896 l’Autriche possédait 18,433 écoles populaires, et qu’en 1900 on a dépensé pour ces écoles 81,859,758 cou¬ ronnes (la couronne or vaut un peu plus, la couronne argent un peu moins qu’un franc). L’auteur, qui est professeur à l’Ecole supérieure technique de Vienne, expose les génsralités sur les dispositions locales, le chauffage, l’éclai¬ rage, types de tables, de siège, etc., des diverses sortes d’école; et chaque description est accompagnée de ligures et de dessins d’une exécution remarquable. C’est ainsi que passent sous les yeux du lecteur le mobilier, les gymnastiques, les jardins et places de jeux, les vestiaires, les appareils de ventilation et de chauffage. L’auteur étudie ensuite dans autant de chapitres tes divers types d’école, suivant que cette école a une, deux, et jusqu’à vingt classes dans un môme bâtiment; pour chacune de ces écoles de 1 à 20 classes, il donne deux ou, trois exemples, représentés par une photographie générale de l’école, puis par le détail des plans de chaque étage, en y joignant des commentaires et des critiques très développés. 1110 BIBLIOGRAPHIE On a ainsi sous les yeux des éléments de comparaison qui sont d’une haute utilité, et rendront de grands services aux membres des commissions scolaires. C’est précisément comme membre de la commis¬ sion des constructions scolaires de la Seine que nous avons été incité à parcourir ce volume adressé par l’auteur à la Revtie d'hygiène. Après avoir ainsi décrit et figuré les principaux types des écoles de l'Autriche, l’auteur procède de la même façon pour les écoles de la Hongrie, puis pour celles de la Bosnie et (ie l’Herzégovine. En 1890, il y avait en Hongrie 16,838 écoles populaires, fréquentées par 2, 92.5, Ha enfants de 6 à 14 ans ; la dépense totale pour ces écoles en 1897 s’éle¬ vait en moyenne à 40 millions de couronnes par an. Nous ajouterons qu’indépendamment de ce volume complémentaire destiné aux écoles d'Autriche-Hongrie, un fascicule spécial {Niedere und hôhere Schulen, 20 francs, a été consacré aux écoles primaires et secon¬ daires en général dans le Traité d’architecture (4® partie, 6“ Halbband, HeftP-). Nous ne saurions trop recommander le placement dans les biblio¬ thèques publiques d’un livre si richement documenté, où, en raison du grand nombre de plans et de figures, les recherches sont faciles, même pour ceux qui n’ont pas une grande habitude de la langue allemande. E. Vallin. Indian plagub Commission, 1898-1899. — (La Commission de la peste dans l’Inde) : Tomes i, ii et in. Minutes of evidence with appendices; Tome IV, Indices to the evidence, glossarÿ, maps, and summary oj the rapport and appendices ; T. v. Report of the Indian plague Com¬ mission, with appendices und summary. London-Eyre and Spottis- woode, 1900 et 1901. Cinq volumes in-4°. Cette énorme publication, que nous avons reçue le 21 novembre, com¬ prend cinq volumes in-4° de 500 à 600 pages, en petit texte, extrême¬ ment compactes. L’on trouve, en tête du cinquième volume, un ordre du Gouverneur général de l’Inde en date du 25 août 1898, qui explique l’origine et le but de cette enquête. Le Gouverneur général rappelle que la peste a fait son invasion pen¬ dant la saison des pluies de 1896 à Bombay, qu’elle a visité un grand nombre de provinces et de villes ; il pense qu’il ne se produira jamais une occasion plus opportune pour étudier l’origine, les modes de propa¬ gation du fléau et les moyens de le combattre. Quoique un nombre énorme de faits ait été consigné dans les rapports partiels qui lui ont été adressés de toutes parts depuis deux ans, le Gouvernement est d’avis de constituer une commission scientifique pour vérifier tous ces faits et étu¬ dier les questions suivantes : 1* l’origine des différentes attaques de peste : 2" les modes de transmission de la maladie ; 3’ les effets du sérum curatif; 4“ les effets des inoculations préventives. La commission a été ainsi composée, après accord avec M. A. H. L. Fraser, secrétaire d’Etat de Sa Majesté, pour l’Inde ; BIBLIOGRAPHIE lin PrésûJent : M. le protesseur T. R. Fraser, professeur de matière mé¬ dicale à l’Université d’Edimbourg (sans doute le parent du secrétaire d’Etat); membres : MM. J.-P. Hewett, secrétaire au Gouvernement de l’Inde au Ministère de l’Intérieur, à Londres ; le professeur A.-E. Wright, professeur de pathologie à l’Ecole de médecine militaire de Netley; M.-A. CüMiNE, senior collector dans la présidence de Bombay; le D’’ A. Ruffbr (le beau-frère du professeur Bouchard), président du Con¬ seil sanitaire maritime et quaranteiiaire d’Egypte; enfin M. C.-J. Hali¬ fax, secrétaire de la commission. Les membres, ainsi nommés, devaient commencer leurs travaux dès qu’ils seraient arrivés d’Angleterre, et visiter successivement toutes les villes où a sévi la peste ; le Gouverneur général laissait à la mission la liberté la plus complète pour organiser l’enquête; toutes facilités lui étaient données par les autorités politiques et administratives pour la mener rapidement à bien. Les membres de la Commission arrivèrent à Bombay le 26 novembre 1898 et commencèrent leurs opérations dès le 29.11s appelèrent en témoi¬ gnage et firent déposer les médecins, les fonctionnaires, etc., qui avaient vu et étudié la peste à Bombay puis dans les autres provinces, soit dans l’épidémie actuelle, soit dans les épidémies antérieures. Les de¬ mandes et les réponses ont été sténographiées et reproduites exactement avec un numéro d’ordre; on compte 27,415 questions posées, dont quel¬ ques-unes ont entraîné des réponses de plusieurs pages. Ces minutes ou procès-verbaux constituent les trois premiers volumes de la collection, qui contiennent, en outre, un grand nombre de graphiques, plans et cartes. La commission dressa ensuite le plan de ses recherches scientifiques, d’après le programme très sommaire tracé par le Gouverneur général ; elle se proposa surtout d’élucider la valeur pratique des sérums de Haffkine, de Yersin, de Lustig, ainsi que celle des mesures prophylac¬ tiques contre la propagation de la poste. Des conférences eurent lieu avec le D” Haffkine et avec le D'' Galéotti, représentant à Bombay le D' Lustig. Il serait trop long d’énumérer toutes les étapes de son voyage dans les localités infectées : Dharwar, Hubli, Bangalore, Guntakal, Hydéra- bad, Calcutta (séjour du 24 décembre au 5 janvier), Lahore, Karachi, Surat, Bombay, Poona, Satara, etc., etc. La commission quitta Bombay le 25 mars 1899, après avoir visité 70 localités, interrogé 260 témoins, dont un certain nombre à plusieurs reprises. Avant de partir, elle dési¬ gna plusieurs médecins, des écoles de médecine et de l’armée anglaise pour continuer des recherches commencées dans les laboratoires spé¬ ciaux et pour compléter des enquêtes sur certains points désignés. Un des membres de la commission, le D’’ Ruffer, s’arrêta en Egypte, retenu jusqu’à la fin de juillet par l’épidémie qui sévissait à Alexan¬ drie; les autres rentrèrent en Angleterre, où, après avoir tenu deux séances d’ensemble, on se prépara à rédiger le rapport demandé ; la commission félicite publiquement M. Halifax, son « distingué et éner¬ gique secrétaire « du concours important qu’il lui a prêté. 1118 BIBLIOGEAPHIE Ge rapport, qui constitue le tome cinquième de la collection, un vo¬ lume in-quarto de plus de 600 pages, est divisé de la façon suivante : Origine de la peste de 1896 ; marche de l’épidémie actuelle jusqu’à ce jour : p. 5 à 50. Cariictères de la peste, bactériologie, diagnostic, incubation, sympto¬ matologie, formes cliniques, anatomie pathologique; manière dont elle se propage de place en place ; contagion, inoculation ; transmission par les locaux, les maisons, les vêlements, les marchandises, les rats, les insectes, etc. Influences climatologiques et météorologiques, encombre¬ ment, conditions individuelles et de milieu : p. 51 à 180. Inoculations anti-pesteuses d’Halfkine; ses résultats et son efficacité dans les diverses localités menacées ou envahies par l’épidémie ; statis¬ tiques ; p. 181 à 268. Sérum curatif de la peste, et spécialement sérums antipesteux de Yersin et de Lustig; p. 268 à 320. Mesures sanitaires et prophylactiques contre l’extension et la propa¬ gation de l’épidémie. Information, déclaration voloiitaire et obligatoire, surveillance des malades qui se déplacent; recherche des cas non décla¬ rés ou méconnus, visites de maison à maison ; examen corporel dés sus¬ pects. Isolement, évacuation. Désinfection. Mesures préventives coiiire les navires, dans les ports, dans les chemins de fer, etc. : p. 321 à 40a, Recommandations concernant l’organisation sanitaire dans l’Inde ; p. 405 à 412. Des appendices ajoutés au volume contiennent le résultat d’études complémentaires concernant la pathologie et la séméiologie de la mala¬ die ; l’influence des conditions sanitaires individuelles et générales sur le développement de la peste ; les moyens de reconnaître les traces de la peste chez les malades méconnus ou sur le corps des décédés; les me¬ sures de désinfection à préférer suivant les circonstances : p. 415 à 509. On comprendra l’impossibilité de donner une analyse plus détaillée de documents qui représentent plus de 2,000 pages d'un grand format et d’un caractère extrêmement serré. Nous avons dû nous borner à donner une idée très sommaire de cette publication. bln résumé, on peut laisser momentanément de côté les trois premiers volumes; ce sont des procès-verbaux qu’on pourra consulter et contrôler au besoin. Le tome IV est consacré à des tables multiples qui rendent justement ce contrôle facile. Une première table alphabétique contient tous les noms des personnes interrogées, avec l’indication du volume et de la page où se trouvent leurs dépositions. Une autre table analytique, alpliabétique, mais par nature de malièri-s (âge, vêlements, désinfection, mouches, rats, navires, etc.) renvoie aux pages des volumes où ces questions ont été traitées. Le tome V, c’est-à-dire le rapport définitif, est la partie principale, la plus intéressante de l’œuvre; c’est celle-là surtout qu’il faut lire; c’est là qu’on trouve sur chaque point les conclusions de l’enquête faite parla commission. Ce volume, comme tout l’ouvrage » jtrésenlé aux deux chambres du Parlement par l’ordre du Roi ■>, est édité par MM. Eyre REVUE DES JOURNAUX 1119 and SpotUswoode, Fleel sireel, London, cl ne coûte que 4 sh. 6 pence ; ce cinquième volume porte pour titre : lieport of lhe Indian-Plague Commission, 1898-1899. Cette publication est une œuvre admirable, on pourrait presque dire excessive. Au point de vue épidémiologique, c'est assurément le docu¬ ment le plus complet qui ait jamais été écrit sur la peste. On ne saurait donc trop hautement féliciter le Gouvernement qui l’a décrétée, et les membres de la commission qui ont réussi à accomplir, en un temps rela¬ tivement court, une lâche aussi difficile, aussi dangereuse et aussi pro¬ fitable à la science. E. Vallin. REVUE DES JOURNAUX La peste sur le «Sénégal» au lazaret du FriotU, par MM. BucQCoy, Proust, Monod, L. Colin, etc. (Bulletin de l'Académie de médecine, 29 octobre, 5 et 12 novembre 1901, p. 422, 488 et 526). Tous les journaux politiques, littéraires, scientifiques, de médecine, etc., ont raconté, depuis deux mois, l’épisode du «Sénégal» et de la quarantaine que ce paquebot a dû faire au lazaret du Frioul quatre jours après son départ de Marseille. Nous avons dû attendre pour en parler que la discussion ouverte sur ce sujet à l’Académie ait fait connaître les opinions contradictoires, les griefs des quaranlenaires et les réponses du service intéressé. Le débat n’est pas clos cl la lumière n’est point faite sur tous les points en discussion ; nous nous bornerons donc à donner ici un exposé très succint des faits. Depuis deux ans, le Directeur d’un excellent journal scientifique (la Revue des sciences), le D' Olivier, docteur en médecine et docteur ès- sciences, a organisé des croisières à la fois d’agrément et d’instruction sur quelques paquebots des grandes compagnies maritimes. On réunit un groupe de 100 à 200 souscripteurs, on s’embarque sur un paquebot qui a été nolisé et aménagé exclusivement pour cette croisière; pendant un mois ou davantage, suivant un programme et un itinéraire dont toutes les étapes sont connues à l’avance, on visite une région sous la conduite d’un savant di>lingué, parfois célèbre (historien, géographe, helléniste, etc.) qui, durant les loisirs de la traversée et devant une élite intellec¬ tuelle et de bonne compagnie, faildes coniérences ou plutôt des causeries familières sur ce qu’on a vu la veille, sur ce qu’on verra le lendemain. Le succès de ces croisières est considérable et ne sera pas interrompu par la mésaventure survenue récemment. Cette fois, le programme comportait l’excursion suivante ; Marseille, Rhodes, Chypre, le Liban, la Galilée, Jérusalem; retour par Candie et 1180 REVUE DES JOURNAUX Malle; elle devait durer environ un mois et avait lieu sur le « Sénégal», paquebot des Messageries maritimes. Ce paquebot était arrivé le 26 août à Marseille, venant de Beyrouth, avec 85 hommes d’équipage et 254 passagers. Comme il avait fait escale les 22 et 23 août à Alexandrie, où il y avait eu onze cas de peste dans la ville, il subit à Marseille la visite sanitaire des passagers et la désin¬ fection du linge sale, des effets à usage et de la literie, et 409 colis furent soumis à la désinfection par l’étuve du Frioul. Mais il n’y avait eu pendant la traversée aucun cas suspect de maladie : contrairement aux prescriptions du règlement on ne fil pas la désinfection complète du navire: L’expérience montre que la désinfection a été insuffisante et que le règlement doit être modifié sur ce point, car il n’est pas douteux que quelques rats embarqués à Alexandrie ont infecté plus tard le fond du navire. Quoi qu’il en soit, le Sénégal débarassé de ses passagers et de ses marchandises séjourna à Marseille du 28 août au 14 septembre; à cette dernière date, il emportait 174 excursionnistes, tous de première classe, parmi lesquels un ancien ministre, des membres de l’Institut, dix-sept médecins et leurs familles, dont plusieurs professeurs et membres de l’Académie de médecine. Le 16 au matin, comme on arrivait aux îles Lipari, un second-maître d’é¬ quipage, un peu souffrant depuis deux jours et qui parait avoir échappé à la visite sanitaire minutieuse qu’on dit avoir été faite avant le départ, présente une adénite inguinale avec étatgénéral suspect. Après une consultation so¬ lennelle, on décide qu’il s’agit probablement d’un cas de peste et qu’il faut retourner à Marseille, au désappointement général. On isole le malade, on désinfecte au sublimé les locaux qu’il a occupés ; malheureusement la Compagnie des Messageries a laissé partir le Sénégal sans un tube de vaccin anlipestuoux, ce qui est impardonnable à Marseille, en temps de peste et au retour d’Alexandrie. On passe le 17 au matin le détroit de Bpnifacio, où l’on télégraphie aux Messageries, et l’on arrive au Frioul lel8 à 11 h. du matin. Le malade fut immédiatement débarqué, transporté à 1 hôpital de Ratoneau, où il mourut dans la nuit du 21 au 22, malgré les injections, tardives, de sérum antipesteux. Le lendemain de l’arrivée au Frioul, le 19, un nouveau cas de peste se déclara chez un homme de 1 équipage; celui-là fut injecté et guérit. Les passagers étaient anxieux de quitter ce navire contaminé ; il fallait attendre une autori